L'ACTIONNARIAT SALARIÉ : vers un véritable partenariat dans l'entreprise
CHÉRIOUX (Jean)
RAPPORT D'INFORMATION 500 (98-99) - Commission des Affaires sociales
Table des matières
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AVANT-PROPOS
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I. LES FONDEMENTS D'UN ESSOR
- A. UNE PRÉOCCUPATION ANCIENNE QUI S'INSCRIT DANS LA LOGIQUE DE LA PARTICIPATION
- B. UN DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF
- II. LES FORMES D'UN RENOUVEAU
-
III. UN AVENIR À CONSOLIDER
- A. UN NÉCESSAIRE ACCOMPAGNEMENT DU MOUVEMENT ACTUEL
-
B. LES 28 PROPOSITIONS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES
SOCIALES
- 1. Améliorer l'information disponible sur l'actionnariat salarié
-
2. Encourager le développement des
opérations d'actionnariat salarié dans les entreprises
- a) Réserver aux salariés, à des conditions préférentielles, une part des actions émises lors d'une augmentation de capital
- b) Relancer les " plans d'actionnariat " de la loi du 27 décembre 1973
- c) Inciter, par la négociation collective, à une plus grande attractivité de l'actionnariat
- d) Revaloriser le plafond d'abondement de l'entreprise
- e) Favoriser l'actionnariat salarié dans les PME
- f) Adapter l'actionnariat salarié aux évolutions du monde du travail
- g) Permettre l'utilisation de l'épargne salariale pour l'acquisition d'actions de l'entreprise
- h) Adapter le prélèvement fiscal et social
-
3. Favoriser la représentation des actionnaires
salariés dans l'entreprise
- a) Mieux garantir l'application du " rendez-vous obligatoire " prévu par la loi du 25 juillet 1994
- b) Améliorer la représentation des actionnaires salariés au conseil de surveillance des FCPE
- c) Assurer une participation réelle des salariés actionnaires aux décisions les plus importantes de l'entreprise
- 4. Assurer une meilleure protection des actionnaires salariés
- 5. Moderniser les autres mécanismes de la participation financière
- 6. Proposer de nouvelles formes d'actionnariat salarié adaptées aux spécificités des entreprises
-
I. LES FONDEMENTS D'UN ESSOR
- ANNEXES
-
ANNEXE 1
-
LES 28 PROPOSITIONS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES -
ANNEXE 2
-
LES TRAVAUX DE LA COMMISSION -
ANNEXE 3
-
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LA COMMISSION -
ANNEXE 4
-
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR M. JEAN CHÉRIOUX, RAPPORTEUR -
ANNEXE 5
-
LISTE DES ENTREPRISES AYANT RÉPONDU AU QUESTIONNAIRE ÉCRIT DU RAPPORTEUR -
ANNEXE 6
-
L'INTÉRESSEMENT, LA PARTICIPATION
ET L'ACTIONNARIAT SALARIÉ :
UNE ÉTUDE DE LÉGISLATION COMPARÉE
DU SERVICE DES AFFAIRES EUROPÉENNES DU SÉNAT
N°
500
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 30
juin 1999
Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 septembre
1999
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le développement de l' actionnariat salarié,
Par M.
Jean CHÉRIOUX,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Paul Blanc, Mme Nicole Borvo, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Christian Demuynck, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Claude Huriet, André Jourdain, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Simon Loueckhote, Jacques Machet, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.
Participation. |
LISTE DES TABLEAUX ET ENCADRÉS
PREMIÈRE PARTIE |
|
La société d'actionnariat salarié |
23 |
Les PEE |
25 |
Les fonds communs de placement d'entreprise |
27 |
Participation |
30 |
Intéressement |
31 |
Plan d'épargne entreprise |
31 |
Modes d'affectation de la réserve spéciale de participation |
35 |
|
|
DEUXIÈME PARTIE |
|
Fréquence de l'actionnariat dans les entreprises
pratiquant au moins
|
|
Actionnariat salarié dans les entreprises du CAC 40 |
42 |
Pourcentage du capital social détenu par les
salariés dans les firmes
|
|
Part
des émissions réservées aux salariés dans les
émissions de titres
|
|
Evolution du nombre et de l'encours des FCPE |
45 |
Evolution des actifs des FCPE |
45 |
Versements et rachats sur les FCPE |
46 |
Une opération à " effet de levier " : l'exemple de l'opération " Pégase " de Vivendi en mars 1999 |
|
Les
arguments avancés par les entreprises en faveur de l'actionnariat
|
|
Les arguments des salariés en faveur de l'actionnariat salarié |
54 |
Performance des FCPE au 30 décembre 1998 |
56 |
L'information des salariés actionnaires : l'exemple de la Société Générale |
57 |
Les " plans d'actionnariat " prévus par la loi du 27 décembre 1973 |
60 |
Le fonctionnement des plans d'options sur actions |
61 |
Privatisation et actionnariat salarié |
62 |
|
|
TROISIÈME PARTIE |
|
L'actionnariat salarié aux Etats-Unis |
73 |
L'information des salariés lors d'opérations d'actionnariat salarié |
80 |
Le Conseil supérieur de la participation |
89 |
La proposition de loi relative à l'actionnariat des salariés présentée par MM. Balladur, Debré, Douste-Blazy et Rossi |
|
Epargne salariale et épargne retraite : l'analyse de la Cour des comptes |
108 |
" En vérité, la rénovation
économique de la France et, en même temps, la promotion
ouvrière, c'est dans l'Association que nous devons les
trouver. "
Charles de Gaulle, discours prononcé à Saint-Etienne le 4 janvier
1948.
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Constatant le développement de l'actionnariat salarié et
anticipant les implications profondes de ce mouvement, votre commission des
Affaires sociales a confié, le 6 avril dernier, à votre
rapporteur la mission de présenter
"
une analyse du
développement actuel de l'actionnariat salarié, des moyens de
mieux appréhender ce phénomène et ses implications, ainsi
que les mesures susceptibles de favoriser cette évolution ".
Au terme de ce travail, ponctué notamment par un important programme de
consultations (32 auditions et de nombreuses contributions écrites), le
présent rapport d'information cherche à dresser un bilan aussi
objectif et exhaustif que possible de la situation de l'actionnariat
salarié. C'est au regard de ce bilan que votre rapporteur a
formulé 28 propositions pour favoriser le développement
organisé de l'actionnariat salarié.
Un tel accompagnement du mouvement actuel apparaît en effet
nécessaire.
Sous l'action de la mondialisation, les économies tendent à
devenir un gigantesque " monopoly " qui ne tient aucun compte du fait
fondamental que les entreprises sont constituées d'hommes et de femmes
qui y consacrent le plus souvent une grande partie de leur vie et leur
apportent leur travail, leur savoir-faire, leur talent, leur habileté et
leur dévouement.
L'avenir de ces entreprises et de leurs salariés ne peut dépendre
uniquement de préoccupations strictement financières. Il est donc
indispensable d'associer le personnel non seulement aux résultats de
l'entreprise ou à la détermination des conditions de travail,
mais aussi en lui donnant la possibilité de peser sur le destin de son
entreprise.
C'est l'ambition de l'actionnariat salarié.
Le XIX
ème
siècle a été celui de
l'affrontement entre le capital et le travail.
Le XX
ème
siècle celui de la normalisation des rapports
sociaux grâce au développement des syndicats et des politiques
contractuelles, puis, dans sa deuxième partie, celui de la
découverte des solidarités au sein de l'entreprise à
travers la participation.
Le XXI
ème
siècle doit être celui de
l'association du capital et du travail grâce à la détention
d'une partie du capital par les salariés. C'est la seule voie qui
permette aux entreprises de notre pays de ne pas sombrer dans l'anonymat des
rapports sociaux et, de surcroît, de ne pas succomber à une
domination des groupes financiers internationaux.
I. LES FONDEMENTS D'UN ESSOR
L'actionnariat salarié n'est pas une idée neuve
en
France. Depuis le milieu du XIX
ème
siècle, il est en
effet apparu comme une réponse à la " question
sociale " née avec l'essor de la société
industrielle. Imaginé par des théoriciens,
expérimenté par des chefs d'entreprises, relayé par le
législateur, l'actionnariat salarié n'est cependant devenu une
réalité vivante que dans le cadre de la politique de la
participation voulue par le Général de Gaulle.
Mais, si la France est aujourd'hui en avance en matière de participation
des salariés
1(
*
)
, il n'en reste pas moins
que l'actionnariat des salariés est longtemps resté le
" parent pauvre " de la " participation à la
française ". La participation au capital, en dépit de la
multiplication de dispositifs législatifs, était en retrait par
rapport à la participation des salariés aux résultats et
à la gestion des entreprises.
Les privatisations et les ordonnances de 1986 ont cependant donné un
" coup de fouet " à l'actionnariat salarié, dont le
développement connaît aujourd'hui une nouvelle
accélération.
A. UNE PRÉOCCUPATION ANCIENNE QUI S'INSCRIT DANS LA LOGIQUE DE LA PARTICIPATION
Si les origines de l'actionnariat salarié sont lointaines, celui-ci ne s'est pourtant intégré dans le paysage économique et social qu'en s'inscrivant dans la politique de la participation voulue par le Général de Gaulle.
1. Des origines lointaines
Ce n'est
pas un hasard si l'idée de l'actionnariat salarié est née
au XIX
ème
siècle, avec l'émergence de la
"
question sociale
". L'apparition de la société
industrielle a en effet sécrété un antagonisme durable
entre le travail et le capital, symbolisé par la notion de contrat de
louage de services à laquelle étaient réduites les
relations du travail. A cette opposition stérile et menaçante
née de la sujétion dans laquelle se trouvent placés les
salariés, certains ont cherché à substituer à cette
relation conflictuelle une relation de solidarité dans l'entreprise,
dans le but de transformer les travailleurs, de salariés qu'ils sont, en
partenaires ou en associés qu'ils doivent devenir.
Cette apparition du thème de l'actionnariat salarié s'est faite
en trois temps. A la suite des réflexions de plusieurs
théoriciens, certains chefs d'entreprise ont lancé des
expériences d'actionnariat des salariés avant que le
législateur ne prévoit un cadre législatif pour ces
formules.
a) Le temps des théories
Initialement, l'actionnariat salarié est apparu comme
une
réponse théorique aux contradictions de l'économie
capitaliste naissante. Mais, paradoxalement, c'est également le point de
rencontre de différentes doctrines aux orientations politiques
divergentes même si l'ampleur de l'association entre capital et travail
reste variable selon ces différentes doctrines. Schématiquement,
on peut en effet distinguer trois courants théoriques :
- le courant "
utopiste
" est sans doute le plus radical.
Il propose de dépasser l'opposition entre capital et travail par une
nouvelle organisation de la relation salariale fondée sur l'association.
Ainsi, Charles Fourier avait préconisé le partage des revenus en
quatre douzièmes pour le capital, trois pour les talents et cinq pour le
travail. Louis Blanc dans son ouvrage
L'organisation du travail en
1840
, propose la création d'ateliers sociaux financés par
l'Etat et par le capital privé dans lesquels les bénéfices
seraient répartis en trois parts : l'une pour les membres de
l'association, l'autre à vocation sociale, la dernière pour la
rémunération des capitaux privés. Pierre-Joseph Proudhon a
sans doute poussé le plus loin l'idée d'association dans sa
théorie mutualiste et fédéraliste de la
propriété. Ainsi, dans son
Idée générale
de la révolution au XIX
ème
siècle
, il
écrit :
" De deux choses l'une : ou le travailleur,
nécessairement parcellaire, sera simplement le salarié du
propriétaire capitaliste-entrepreneur ; ou bien il participera aux
chances de perte et de gain de l'établissement, il aura voix
délibérative au conseil, en un mot, il deviendra
associé ".
- le courant "
humaniste
" exprime l'idée que la
participation permet d'assurer la dignité de l'homme au travail. Il est
proche de la doctrine sociale de l'Eglise qui a recommandé l'association
des salariés dans l'entreprise dès l'Encylique Rerum novarum de
Léon XIII en 1891.
- le courant "
productiviste
" fait de la participation
aux résultats, voire de l'association au capital un facteur
d'amélioration quantitative et qualitative des résultats de
l'entreprise par la motivation des salariés et est illustré
notamment par les saint-simoniens comme Michel Chevalier, Armand Bazard ou
Prosper Enfantin.
La richesse du débat théorique ne doit cependant pas cacher la
virulence de l'opposition à l'idée d'association. A Proudhon qui
affirme, dans son
Manuel d'un spéculateur à la Bourse
, que
"
rendre l'ouvrier copropriétaire de l'engin industriel et
participant aux bénéfices au lieu de l'y enchaîner comme un
esclave, qui oserait dire que telle ne soit pas la tendance du
siècle ?
", Paul Leroy-Beaulieu répond, dans
La
question ouvrière au XIX
ème
siècle
, que
" le régime des primes est infiniment
supérieur au régime de la participation. Il en offre tous les
avantages et en repousse tous les inconvénients ; il stimule
l'ouvrier par la perspective d'un gain assuré, il ne lui fournit aucun
prétexte d'immixtion dans la gestion de l'entreprise ".
Aussi, ce sont ces oppositions qui permettent de mieux comprendre le faible
nombre et la lenteur des expériences d'actionnariat des
salariés.
b) Le temps des expérimentations
Les
premières expériences d'actionnariat des salariés
apparaissent dans la seconde moitié du XIX
ème
siècle.
La plus symbolique, mais aussi la plus durable de ces expériences fut
sans nul doute le familistère fondé par Jean-Baptiste Godin
à Guise, dans les Ardennes, en 1859. Disciple des thèses de
Fourier, Godin a voulu créer une nouvelle industrie pour
" salarier le capital et capitaliser le travail ".
Il a ainsi
créé une usine de poêles en fonte -qu'il a nommée le
familistère à l'image du phalanstère fourieriste- dans
lequel les ouvriers sont associés. Ce familistère dura jusqu'en
1968.
Au-delà de cette expérience particulièrement
poussée d'association, cette époque a été
marquée par les pratiques de certains patrons philanthropes. Ainsi, MM.
Alain Couret et Gérard Hirigoyen
2(
*
)
citent l'exemple des grands magasins.
" A la mort d'Aristide Boucicaut, fondateur des " magasins du Bon
Marché ", sa veuve constitue en 1880 une commandite simple avec ses
collaborateurs et ses principaux employés. Ce n'est certes pas de
l'actionnariat mais il y a bien cumul des conditions d'associé et de
salarié ; très vite au demeurant, la société
deviendra une commandite par actions.
" Jaluzot, fondateur des magasins du " Printemps " devait pour
sa part procéder de manière plus autoritaire : les
salariés de la société durent se porter acquéreurs
d'actions de la société libérées par
prélèvement obligatoire sur leurs salaires. "
Cette pratique de certaines chefs d'entreprises a d'ailleurs perduré,
tout en perdant son aspect moralisateur initial pour devenir progressivement un
moyen d'intégration des salariés dans l'entreprise. Ainsi, Paul
Ricard distribuera gratuitement en 1939 une partie du capital de sa
société à ses salariés.
Ces expériences restèrent cependant à la fois très
différentes et relativement peu nombreuses. C'est cela qui explique sans
doute que le législateur ait cherché à encadrer par la loi
ces pratiques afin d'harmoniser ces différentes expériences et
d'accompagner ce mouvement.
c) Le temps de la première reconnaissance législative
Cette
consécration législative a pris deux formes :
•
La loi du 18 décembre 1915 réglementant les
sociétés coopératives ouvrières de production
(SCOP).
Cette loi visait à réglementer les sociétés
coopératives dont l'origine remonte à la seconde
République et aux débuts du second Empire.
La coopération relève cependant d'une logique différente
de celle de la participation et de l'actionnariat salarié : il ne
s'agit pas en effet, dans le mouvement coopératif, d'associer le travail
et le capital mais de les fusionner La propriété y est commune,
le pouvoir exercé de manière démocratique appartient aux
salariés et les profits sont répartis entre eux.
•
La loi " Briand " du 26 avril 1917 créant les
sociétés anonymes à participation ouvrière.
Cette loi se rapprochait plus de la logique d'actionnariat salarié et de
participation. Elle introduisit la possibilité de distribuer
gratuitement des actions aux salariés, sans toutefois leur accorder le
droit de vote.
En pratique, ces sociétés anonymes à participation
ouvrière distribuaient deux types d'actions : les actions de
capital, qui sont des actions ordinaires et les actions de travail, qui sont la
propriété collective du personnel salarié.
2. La notion gaulliste de la participation : une logique partenariale qui intègre l'actionnariat salarié
En
dépit de ses origines anciennes, l'actionnariat salarié n'avait
pourtant pas réussi à s'implanter durablement. Les
théories de l'association subissaient la concurrence de la
théorie marxiste, fondée non sur l'association mais l'opposition
résolue entre capital et travail devant aboutir à la
collectivisation des moyens de production et à la suppression de
l'économie de marché. Les expérimentations, la plupart du
temps teintées d'utopisme ou de paternalisme, se traduisaient le plus
souvent par des échecs par manque de pragmatisme. Enfin, la
consécration législative de la société anonyme
à participation ouvrière restait lettre morte face aux
réticences conjointes des syndicats et du patronat.
C'est sous l'impulsion du Général de Gaulle que l'actionnariat
salarié allait connaître une seconde naissance dans le cadre de la
politique de participation.
a) La notion gaulliste de participation
" L'hiver est là. La nuit tombera vite ce soir.
Mais
c'est la saison qui convient pour voir nos affaires comme elles sont, assez
sombres et inquiétantes ".
C'est le 4 janvier 1948, aux heures les plus sombres de la reconstruction que
le Général de Gaulle, dans son discours aux mineurs de
Saint-Etienne, définit peut-être le mieux sa conception de la
participation. Dans un climat social difficile, seule l'association entre le
capital et le travail permettrait de réconcilier l'économique et
le social. Il importe donc de transformer dans l'entreprise le salarié
en " associé ".
" Oui, la puissance de la nation et le sort de chacun des
Français dépendent, désormais, de notre
productivité. Que voulez-vous ? Nous n'avons pas de terres
nouvelles à conquérir. Notre " espace vital " est
atteint. Il ne faut pas nous attendre à voir jaillir de notre sol des
sources imprévues de richesse. Quant aux matières et produits
qu'il nous sera possible d'importer, en vertu, par exemple, d'un
éventuel Plan Marshall, et qui nous seraient précieux pour un
démarrage vers l'aisance, soyons bien convaincus que nous devrons les
payer, sous une forme ou sous une autre, et que nous ne les recevrons
qu'à la mesure de notre propre effort. Alors ? Eh bien !
puisque le salut n'est pour nous, ni dans des conquêtes à faire,
ni dans des trésors à découvrir, ni dans des cadeaux
à recevoir, cherchons-le dans le rendement ! Il s'agit de produire,
avec ce dont nous disposons, beaucoup plus, beaucoup mieux, beaucoup plus vite,
que ce que nous produisons.
" Mais c'est par là, justement, que la classe ouvrière
française voit s'offrir à elle le moyen de jouer le grand
rôle qui lui revient et que la dictature du parti que vous savez lui
refuserait, tout comme le lui refusait le capitalisme d'antan, tout comme le
lui refuse la confusion d'aujourd'hui. Car, le progrès dans la
productivité, comment l'obtenir, sinon par la coopération active
du personnel tout entier ? Oui, parfaitement ! Il faut que tout le
monde s'y mette et que chacun y ait intérêt. Assez de ce
système absurde où, pour un salaire calculé au minimum, on
fournit un effort minimum, ce qui produit collectivement le résultat
minimum. Assez de cette opposition entre les divers groupes de producteurs qui
empoisonne et paralyse l'activité française. En
vérité, la rénovation économique de la France et,
en même temps, la promotion ouvrière, c'est dans l'Association que
nous devons les trouver.
" L'Association, qu'est-ce à dire ? D'abord ceci que, dans un
même groupe d'entreprises, tous ceux qui en font partie, les chefs, les
cadres, les ouvriers, fixeraient ensemble entre égaux, avec arbitrage
organisé, les conditions de leur travail, notamment les
rémunérations. Et ils les fixeraient de telle sorte que tous,
depuis le patron ou le directeur inclus, jusqu'au manoeuvre inclus,
recevraient, de par la loi et suivant l'échelle hiérarchique une
rémunération proportionnée au rendement global de
l'entreprise. C'est alors que les éléments d'ordre moral qui font
l'honneur d'un métier : autorité pour ceux qui dirigent,
goût du travail bien fait pour les ouvriers, capacité
professionnelle pour tous, prendraient toute leur importance, puisqu'ils
commanderaient le rendement, c'est-à-dire le bénéfice
commun. C'est alors qu'on verrait naître, à l'intérieur des
professions, une autre psychologie que celle de l'exploitation des uns par les
autres ou bien celle de la lutte des classes. "
Trois objectifs étaient assignés à la participation, qui
devenait ainsi l'axe d'une " troisième voie " :
- humain : assurer la dignité de l'homme au travail ;
- social : substituer la coopération à la lutte des
classes ;
- économique : donner un nouveau " moteur " à
la croissance, en permettant à tous de bénéficier des
" fruits de l'expression ".
Dans ses
Mémoires d'Espoir,
il a développé cette
idée de " troisième voie ".
" Cependant, depuis longtemps, je suis convaincu qu'il manque à
la société mécanique moderne un ressort humain qui assure
son équilibre. Le système social qui relègue le
travailleur -fût-il convenablement rémunéré- au rang
d'instrument et d'engrenage est, suivant moi, en contradiction avec la nature
de notre espèce, voire avec l'esprit d'une saine productivité.
Sans contester ce que le capitalisme réalise, au profit, non seulement
de quelques-uns, mais aussi de la collectivité, le fait est qu'il porte
en lui-même les motifs d'une insatisfaction massive et
perpétuelle. Il est vrai que des palliatifs atténuent les
excès du régime fondé sur le " laissez faire, laissez
passer ", mais ils ne guérissent pas son infirmité morale.
D'autre part, le communisme, s'il empêche en principe l'exploitation des
hommes par d'autres hommes, comporte une tyrannie odieuse imposée
à la personne et plonge la vie dans l'atmosphère lugubre du
totalitarisme, sans obtenir, à beaucoup près, quant au niveau
d'existence, aux conditions du travail, à la diffusion des produits,
à l'ensemble du progrès technique, des résultats
égaux à ceux qui s'obtiennent dans la liberté. Condamnant
l'un et l'autre de ces régimes opposés, je crois donc que tout
commande à notre civilisation d'en construire un nouveau, qui
règle les rapports humains de telle sorte que chacun participe
directement aux résultats de l'entreprise à laquelle il apporte
son effort et revête la dignité d'être, pour sa part,
responsable de la marche de l'oeuvre collective dont dépend son propre
destin. N'est-ce pas là la transposition sur le plan économique,
compte tenu des données qui lui sont propres, de ce que sont dans
l'ordre politique les droits et les devoirs du citoyen ?
" C'est dans ce sens que j'ai, naguère, créé les
comités d'entreprise. C'est dans ce sens que, par la suite, étant
écarté des affaires, je me suis fait le champion de
l'" association ". C'est dans ce sens que, reprenant les leviers de
commande, j'entends que soit, de par la loi, institué
l'intéressement des travailleurs aux bénéfices, ce qui, en
effet, le sera. C'est dans ce sens que, tirant la leçon et saisissant
l'occasion des évidences mises en lumière aux usines et à
l'Université par les scandales de mai 1968, je tenterai d'ouvrir toute
grande, en France, la porte à la participation, ce qui dressera contre
moi l'opposition déterminée de toutes les
féodalités, économiques, sociales, politiques,
journalistiques, qu'elles soient marxistes, libérales ou immobilistes.
Leur coalition, en obtenant du peuple que, dans sa majorité, il
désavoue solennellement de Gaulle, brisera, sur le moment, la chance de
la réforme en même temps que mon pouvoir. Mais, par-delà
les épreuves, les délais, les tombeaux, ce qui est
légitime peut, un jour, être légalisé, ce qui est
raisonnable peut finir par avoir raison. "
Le but non équivoque de la participation, tel qu'il ressort de ces
lignes, est bien le changement de la condition morale du travailleur, en lui
permettant de devenir un " associé " et non plus un instrument.
Cette conception ne remet pas en cause la nécessaire autorité du
chef d'entreprise, ni la notion de profit, fondement et moteur de notre
économie libérale. Elle vise à rééquilibrer
les rapports entre les apporteurs de travail et les apporteurs de capital dans
le sens d'une plus grande équité et dans la perspective d'une
plus grande efficacité.
b) L'actionnariat salarié, instrument de la participation
Dans
l'esprit du Général de Gaulle, la participation devrait faire du
salarié un " associé ". Dans cette optique, la
participation devait prendre une triple forme :
- la participation aux résultats de l'entreprise ;
- la participation au capital de l'entreprise,
- la participation à la gestion de l'entreprise.
Certes, il semble qu'il ait essentiellement privilégié la
participation aux résultats et à la gestion, estimant sans doute
que la participation au capital découlerait nécessairement de la
mise en oeuvre des premières. Il le reconnaît d'ailleurs
lui-même, dans son entretien télévisé du 7 juin
1968 :
" Il y a une troisième solution (autre que le capitalisme ou le
communisme) : c'est la participation, qui, elle, change la condition de
l'homme au milieu de la civilisation moderne. Dès lors que les gens se
mettent ensemble pour une oeuvre économique commune, par exemple pour
faire marcher une industrie, en apportant soit les capitaux nécessaires,
soit la capacité de direction, de gestion et de technique, soit le
travail, il s'agit que tous forment ensemble une société, une
société où tous aient intérêt à son
rendement et à son bon fonctionnement, et un intérêt
direct. Cela implique que soit attribuée, de par la loi, à chacun
une part de ce que l'affaire gagne et de ce qu'elle investit en elle-même
grâce à ses gains. Cela implique aussi que tous soient
informés d'une manière suffisante de la marche de l'entreprise et
puissent, par des représentants qu'ils auront tous nommés
librement, participer à la société et à ses
conseils pour y faire valoir leurs intérêts, leurs points de vue
et leurs propositions. C'est la voie dans laquelle j'ai déjà fait
quelques pas ; par exemple en 1945, quand avec mon gouvernement j'ai
institué les comités d'entreprises, quand en 1959 et 1967, j'ai,
par des ordonnances, ouvert la brèche de
l'intéressement ".
Pourtant l'actionnariat des salariés n'est pas absent des
réalisations du Général de Gaulle en matière de
participation, lesquelles doivent également beaucoup à des hommes
comme René Capitant, Marcel Loichot et Louis Vallon
3(
*
)
. Ainsi, l'ordonnance du 7 janvier 1959 sur
l'intéressement prévoit expressément la possibilité
d'un intéressement sous forme d'une participation au capital. De
même, l'ordonnance du 17 août 1967 sur la participation aux
résultats dispose que l'accord de participation peut prévoir
explicitement la distribution d'actions au titre de la participation.
B. UN DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF
Idée ancienne et soutenue par le Général de Gaulle, l'actionnariat salarié ne s'est pourtant développé que lentement dans notre pays, son essor étant bien plus lent que celui des autres formes de participation financière, malgré le " coup de fouet " de 1986.
1. Les étapes du développement de l'actionnariat salarié en France
Il est
possible de distinguer trois phases distinctes dans la mise en place d'une
législation en faveur du développement de l'actionnariat
salarié :
- une phase initiale dans le cadre de la participation financière
(1959-1970) ;
- des tentatives de relance (1970-1986) ;
- l'amorce d'un nouvel essor depuis les privatisations
(1986-1994).
a) La phase initiale (1959-1970)
•
L'ordonnance n° 59-126 du 7 janvier 1959 tendant à
favoriser l'association ou l'intéressement des travailleurs à la
marché de l'entreprise.
L'ordonnance de 1959 a été le premier texte législatif
à instituer une formule de participation financière. Il
prévoit la possibilité, par voie d'accord collectif, d'associer
les salariés aux résultats de l'entreprise, les sommes
distribuées aux salariés étant exonérées de
charges sociales.
A l'origine, l'ordonnance de 1959 prévoyait une modalité
particulière d'intéressement : la participation au capital.
Elle instaurait en effet la possibilité d'une distribution gratuite
d'actions à la suite d'une incorporation des bénéfices au
capital aboutissant à la création de nouveaux titres. Il
s'agissait là d'une première formule favorisant l'actionnariat
des salariés.
L'ordonnance du 21 octobre 1986 a néanmoins supprimé cet
intéressement au capital.
•
L'ordonnance n° 67-693 du 17 août 1967 relative
à la participation des salariés aux fruits de l'expansion des
entreprises
Obligatoire pour les entreprises de plus de 100 salariés (de plus de 50
depuis 1990), ce régime ouvre aux salariés un véritable
droit sur les bénéfices dégagés au cours de
l'exercice. Ces entreprises doivent en effet faire bénéficier
leur personnel d'une " participation aux résultats ", les
sommes ainsi distribuées étant cependant bloquées pendant
cinq ans.
En cas d'accord, l'ordonnance prévoyait quatre formules d'emploi de la
réserve spéciale de participation et notamment l'attribution
d'actions de la société, ces actions provenant soit d'une
incorporation des réserves au capital, soit d'un rachat préalable
de ses actions par l'entreprise.
Cette formule permettait donc, au travers de la participation aux
résultats, aux salariés qui participent aux résultats de
leur entreprise de devenir associé de celle-ci et de posséder une
partie de son patrimoine.
•
L'ordonnance n° 67-694 du 17 août 1967
créant les plans d'épargne d'entreprise
Facultatifs, les plans d'épargne d'entreprise (PEE) permettaient de
collecter l'épargne salariale en l'assortissant d'un régime
fiscal favorable. L'ordonnance prévoyait expressément que
l'épargne salariale placée sur les PEE pouvait être
affectée à l'acquisition d'actions de l'entreprise.
b) Les tentatives de relance spécifique de l'actionnariat salarié (1970-1986)
Si la
mise en place de régimes d'actionnariat salarié s'est
initialement réalisée dans le cadre des mécanismes de
participation financière institués par le Général
de Gaulle, on assiste à partir de 1970 à une relance plus
spécifique du seul actionnariat salarié.
Cette relance a pris deux formes bien distinctes :
- l'instauration d'un actionnariat dans les entreprises publiques ;
- le développement des formules d'actionnariat dans les
sociétés privées.
Dans le
secteur public
, cette tentation de relance de l'actionnariat
s'est essentiellement traduite par des distributions gratuites d'actions. On
rappellera pour mémoire les principaux dispositifs.
La
loi n° 70-11 du 2 janvier 1970
a mis en place un
système d'actionnariat à la
Régie nationale des usines
Renault
. Un capital a été constitué qui a fait l'objet
de distributions gratuites d'actions au personnel selon un système de
" points " tenant compte de l'ancienneté (cinq années
au moins) et des responsabilités.
La
loi n° 73-8 du 4 janvier 1973
relative à la mise
en oeuvre de l'actionnariat du personnel dans les banques nationales et les
entreprises nationales d'assurance
prolonge l'expérience
tentée à la Régie Renault en l'élargissant. Alors
que les actions " Renault " n'étaient cessibles qu'à
l'Etat, à la Régie, à un fonds spécial et aux
membres du personnel, les titres cédés gratuitement au personnel
des banques et sociétés d'assurances nationales peuvent venir
à terme sur le marché financier et être acquis par certains
opérateurs. Le capital distribué dans ce cadre représente
environ 5 % du capital social. Deux cessions onéreuses ont
été réalisées au cours des deux exercices 1973 et
1974. Dans les sociétés d'assurances, ces cessions atteignent
environ 1 % du capital.
La
loi n° 73-9 du 4 janvier 1973
instituant l'actionnariat du
personnel pour les deux sociétés SNIAS (société
nationale industrielle aérospatiale) et SNECMA (société
nationale d'étude et de construction de moteurs d'aviation) a
prévu une attribution gratuite d'actions au personnel ainsi que la
participation des salariés aux fruits de l'expansion, qui peut
être réalisée par l'attribution d'actions ou de coupures
d'actions des sociétés. L'Etat doit cependant détenir, en
tout état de cause, une part du capital de ces entreprises, qui ne peut
être inférieure aux deux tiers.
Dans le
secteur privé
, plusieurs lois ont cherché à
relancer l'actionnariat salarié hors du cadre exclusif de la
participation financière. Ces différentes lois répondent
à des objectifs cependant différents. Trois d'entre elles visent
à mieux assurer l'association de l'ensemble des salariés au
capital de leur entreprise et s'intègrent donc dans la logique de la
participation au capital. Deux autres cherchent à répondre
à des objectifs plus spécifiques : la loi de 1970 sur les
plans d'options sur actions et la loi de 1984 sur le rachat d'entreprise par
ses salariés.
•
La loi n° 70-1322 du 31 décembre 1970
relative aux options de souscription ou rachat d'actions au
bénéfice du personnel des sociétés
a
institué les
plans d'options sur actions
.
Directement inspiré du " stock-option plan " anglo-saxon, les
plans d'options sur actions constituent une forme mixte d'intéressement
et de participation au capital, dans laquelle l'entreprise consent à son
personnel le droit d'acquérir ses propres actions à des
conditions privilégiées.
Les plans d'options sur actions reposent sur le principe suivant : une
société peut décider d'offrir à ses salariés
la possibilité d'acquérir -sur une période qu'elle
détermine- ses actions à un prix fixé et constant sur
toute la période. Les salariés bénéficiaires
peuvent acquérir les actions en levant des options qui leur sont
consenties individuellement lorsqu'ils constatent que la valeur de l'action est
supérieure au prix de l'offre. L'intérêt de ce
mécanisme reposait sur l'existence d'un véritable gain en capital
et sur des avantages fiscaux importants.
•
La loi n° 73-1196 du 27 décembre 1973 relative
à la souscription d'actions de sociétés par leurs
salariés
a institué les "
plans
d'actionnariat
". Cette loi permet aux entreprises de réserver
des augmentations de capital à l'ensemble de leurs salariés ou de
proposer à ces derniers l'achat en bourse de leurs propres actions. Les
titres ainsi acquis sont obligatoirement nominatifs et restent, sauf exception,
incessibles pendant cinq ans. Ces acquisitions se font soit à titre
individuel, soit par l'intermédiaire d'un fonds commun de placement
d'entreprise. Ces plans d'actionnariat se veulent incitatifs tant pour le
salarié (décote de 10 % sur le prix d'acquisition ou de
souscription, possibilité d'abondement de l'entreprise,
exonération d'impôt sur le revenu dans un certain plafond) que
pour l'entreprise (déductibilité fiscale de l'abondement à
hauteur de 3.000 francs par salarié et par an, exonération de
cotisations sociales pour l'abondement et le rabais).
•
La loi n° 76-1232 du 29 décembre 1976
(loi de finances pour 1977) institue, dans son article 13, la
possibilité d'un
don manuel d'actions
entre les
propriétaires de l'entreprise et les salariés. Ce système
d'actionnariat salarié, qui visait avant tout à favoriser la
transmission de l'entreprise aux salariés, restait subordonné
à un agrément du ministère de l'économie et des
finances. Il bénéficiait alors, pour le calcul des droits de
succession, d'un abattement de 10.000 francs (100.000 francs depuis la loi de
finances pour 1989).
•
La loi n° 80-834 du 24 octobre 1980 relative
à distribution d'actions en faveur des salariés des entreprises
industrielles et commerciales
visait à inciter les
sociétés à
distribuer gratuitement des actions à
leur personnel à hauteur de 3 % de leur capital
. Il s'agissait
d'un système à la fois unique et facultatif. Unique car la
distribution était organisée dans des conditions qui ne se
renouvelleraient pas. Facultatif car elle laissait aux entreprises la
liberté d'y recourir. La spécificité de cette loi tenait
notamment dans les incitations mises en place. Ainsi, les entreprises qui
avaient décidé de distribuer gratuitement des actions se voyaient
attribuer une créance sur l'Etat égale à 65 % de la
valeur des actions, créance portant intérêt et remboursable
en 10 annuités constantes.
•
La loi n° 84-578 du 9 juillet 1984 sur le
développement de l'initiative économique
institue la
reprise de l'entreprise par ses salariés (RES)
. Cette loi
introduit en France la technique du LMBO (" Leverage Management Buy
Out ") en l'assortissant de fortes incitations fiscales. Elle permet aux
salariés de réaliser le rachat de leur entreprise par
l'intermédiaire d'une société holding créée
à cette fin dont ils deviennent les actionnaires.
Au-delà de ces divers dispositifs législatifs, le Parlement a
également formulé différentes propositions de loi
approfondissant l'actionnariat des salariés. La plus symptomatique de
l'intérêt du Parlement sur ce sujet est sans doute la
proposition de loi créant les sociétés d'actionnariat
salarié
, rapportée au Sénat par votre rapporteur et
discutée en 1980. Cette proposition de loi
4(
*
)
, qui n'a jamais été
définitivement adoptée, visait à associer les
salariés et les apporteurs de capitaux dans les
" sociétés de matière grise " en instituant une
nouvelle forme de partage de la valeur ajoutée : les
salariés et les apporteurs de capitaux se répartissent
paritairement les bénéfices sous forme d'actions nouvelles
après versement d'un dividende préciputaire aux actionnaires.
La société d'actionnariat salarié 5( * )
1. Les
objectifs de la proposition de loi
" La société d'actionnariat salarié, formule
idéale ? Peut-être moins idéale et plus
aisément réalisable qu'il n'y paraît. Le caractère
facultatif de la transformation en société d'actionnariat
salarié conduit en effet à se poser des questions sur le
succès d'une telle formule. Dans quel domaine ce système
s'appliquerait-il le mieux ? Pourquoi ? Dans quelles conditions ?
" Il est un domaine d'activité dans lequel ce type de
sociétés serait extrêmement intéressant, aussi bien
pour les apporteurs de capitaux que pour les salariés, c'est celui des
sociétés à fort pourcentage de " matière
grise " ; les sociétés financières d'innovation
telles qu'elles sont définies par la loi n° 72-650 du 11
juillet 1972, les sociétés de services en informatique, les
sociétés de services aux collectivités locales, les
bureaux d'études, l'ingénierie, etc. Cependant, à
l'intérieur de ces sociétés, diverses prestations peuvent
être distinguées : les prestations de haut niveau, celles qui
inventent, qui innovent véritablement et celles qui relèvent du
travail à façon (en informatique), des services classiques qui ne
font que répéter des tâches antérieures. Les
premières seules, génératrices d'innovation, peut
être associées au capital dans le système juridique de la
société d'actionnariat salarié, car elles constituent par
elles-mêmes un véritable " capital-travail ".
" Il semble probable, dans ces conditions, qu'un des critères
à retenir pour déterminer ces prestations de haut niveau est le
traitement élevé versé aux intéressés.
" La société d'actionnariat salarié est une bonne
formule pour ces sociétés dans lesquelles
généralement les investissements sont faibles et qui disposent de
simples fonds de roulement pour faire vivre une équipe de recherche
jusqu'au moment où celle-ci peut " se rentabiliser " et
s'autofinancer. Or, les capitaux répugnent à s'investir dans des
sociétés sans gros outillage, sans immeubles pouvant servir de
gages. Les sociétés manquant de capitaux sont fragiles et
vulnérables. La France a beau avoir la deuxième industrie
mondiale de service informatique (Software), même dans de ce secteur, il
est fréquent que les petites entreprises disparaissent.
" Quant aux sociétés industrielles, d'une manière
générale, ce système pourrait, à travers la
création de filiales, sous cette nouvelle forme juridique, régler
leurs problèmes de recherche et celui des brevets déposés
dans le cadre de l'entreprise alors que l'invention vient du salarié. La
société d'actionnariat salarié, en intéressant le
personnel aux résultats de l'affaire, permettra de le fixer dans la
société. Il est à noter ici que le sort de ce genre de
société dépend souvent du départ de quelques
personnes et que la société d'actionnariat salarié est une
solution fort satisfaisante à ce problème : par
l'augmentation de revenus qui en résulte pour les salariés, par
l'assurance de garder leur personnel pour les actionnaires. "
2. Le contenu de la proposition de loi
" Il vise à associer les travailleurs et les apporteurs de capitaux
qui se répartissent paritairement les bénéfices sous forme
d'actions nouvelles après versement d'un dividende préciputaire
aux actionnaires.
" Cette formule réalise en quelque sorte une association
idéale du capital et du travail car elle organise une forme de
répartition du profit qui consacre les droits des salariés sans
léser les apporteurs de capitaux.
" Ces derniers sont rémunérés par un dividende
préciputaire. Le reste est distribué de façon
égale, entre les salariés et les actionnaires, en actions
nouvelles qui résultent d'incorporations automatiques au capital.
L'intérêt de cette opération pour les salariés est
de voir la part d'actions qui leur est distribuée croître à
chaque exercice et de pouvoir ainsi prétendre à une fraction sans
cesse accrue du dividende distribué.
" En revanche, les pouvoirs de décision des travailleurs sont peu
importants dans ce type de société. Ils sont réduits
à ceux des actionnaires que tout salarié de société
d'actionnariat salarié devient nécessairement. Il faut cependant
signaler la création d'un " fonds d'actionnariat
salarié " qui gère les droits acquis sur le capital par les
salariés et les représente pour toutes les décisions
collectives. Toutefois, ce mode de représentation ne dure que le temps
d'indisponibilité des titres distribués.
" Le texte prévoit aussi des avantages tendant à favoriser
la transformation de sociétés existantes en
sociétés d'actionnariat salarié. La plus importante
d'entre elles est la réévaluation périodique des actifs
qui est une mesure très exceptionnelle et intéressante pour les
entreprises. "
c) L'amorce d'un nouvel essor avec les privatisations (1986-1994)
Malgré la multiplication des dispositifs d'actionnariat
salarié dans les années 1970, celui-ci a tardé à se
développer en France. C'est pourquoi à partir de 1986, on a
cherché à le relancer au travers des privatisations et du
reformatage des systèmes d'épargne salariale.
•
le rôle central des privatisations
Parmi leurs différents objectifs, les privatisations visaient notamment
à inciter les salariés des entreprises publiques
privatisées à devenir actionnaires de leur entreprise. Dans cette
perspective, la
loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative
aux modalités des privatisations
avait prévu des dispositions
spécifiques fortement incitatives :
- 10 % du montant des titres mis sur le marché sont
réservés aux salariés (
article 11
) ;
- ceux-ci bénéficient d'un rabais pouvant atteindre 20 % du
prix de l'action, mais les titres ainsi acquis ne peuvent être
cédés avant deux ans (
article 11
) ;
- des délais de paiement peuvent être accordés aux
salariés (
article 11
) ;
- la possibilité de distribution d'actions gratuites aux salariés
est également prévue (
article 12
).
Ces dispositions sont toujours en vigueur.
•
l'approfondissement des dispositifs de participation
L'ordonnance n° 86-1134 du 21 octobre 1986 relative à
l'intéressement et à la participation des salariés aux
résultats de l'entreprise et à l'actionnariat des
salariés
a profondément rénové le cadre
législatif de la participation financière et de l'actionnariat
salarié. Il comporte notamment des dispositions visant à faire
des plans d'épargne entreprise (PEE) institués par l'ordonnance
du 17 août 1967 de véritables plans d'actionnariat.
Les PEE
Système facultatif d'épargne collectif, le PEE
permet
aux salariés qui le souhaitent (sous réserve d'une
ancienneté minimum qui ne peut excéder 6 mois), avec l'aide de
leur entreprise, de se constituer un portefeuille de valeurs mobilières.
Les PEE sont régis par les articles L. 443-1 à L. 443-9 du code
du travail.
Le PEE est mis en place à l'initiative de l'employeur soit par
décision unilatérale, soit par accord négocié
conclu selon l'une des 4 procédures prévues pour les accords de
participation.
Contrairement à l'intéressement et à la participation qui
visent à distribuer un supplément de revenus aux salariés,
le PEE est une simple
structure d'accueil
de l'épargne
salariale
provenant de quatre sources :
- les sommes versées au titre de l'intéressement, par
décision individuelle du salarié ;
- les sommes attribuées au titre de la participation, soit en
application de l'accord de participation, soit par décision individuelle
du salarié ;
- les versements volontaires du salarié, qui ne peuvent
excéder un quart de sa rémunération annuelle ;
- les versements complémentaires de l'entreprise (ou
" abondement " qui sont limitées à 15.000 francs par an
et par salarié (ou 22.500 francs si les versements au salarié
servent à acquérir des actions ou des certificats
d'investissement émis par l'entreprise), sans pouvoir excéder le
triple de la contribution du bénéficiaire.
Les retraités et les préretraités peuvent continuer
à faire des versements sur le PEE. En revanche, les salariés qui
ont quitté l'entreprise pour une autre raison ne le peuvent plus, mais
peuvent y maintenir les sommes antérieurement placées.
Les fonds recueillis par le PEE
sont bloqués pendant un minimum de 5
ans
(sauf cas de déblocage anticipé identiques à ceux
reconnus pour la participation).
Ces fonds peuvent être consacrés à l'acquisition :
- de titre de SICAV ;
- de parts de fonds communs de placement d'entreprise (FCPE) investis ou
non en titres de l'entreprise ;
- d'actions émises par les sociétés
créées par les salariés en vue d'une RES ;
- de titres émis par l'entreprise (actions, certificats
d'investissement, obligations et autres titres de créances), sans
obligation d'instituer un FCPE.
Le PEE est régi par un règlement qui en définit le
fonctionnement. Il n'est soumis à aucune obligation de
déclaration extérieure. Sa durée peut être
limitée en indéterminé. Les frais de tenue de compte
restent à la charge de l'entreprise.
La mise en place d'un PEE permet aux entreprises et aux salariés de
bénéficier d'un certain nombre
d'avantages fiscaux et
sociaux
:
- pour l'entreprise, les versements effectués sont
déductibles de l'assiette de l'impôt sur les
sociétés et exonérés de la taxe sur les salaires et
de charges sociales ;
- pour le salarié, les sommes versées sur le PEE sont
exonérées d'impôt sur le revenu (à l'exception des
versements volontaires) et de cotisations sociales. Les produits des sommes
versées sur le PEE sont exonérés d'impôt sur le
revenu s'ils sont réinvestis, mais supportent la CSG et la CRDS à
la sortie.
L'ordonnance du 21 octobre 1986 a introduit deux innovations en faveur de
l'actionnariat salarié.
D'une part, on assortissant les sommes investies dans le PEE d'un régime
fiscal et social favorable, elle a encouragé le développement de
l'épargne salariale et notamment celle investie en action de
l'entreprise.
D'autre part, elle a prévu, dans son article 25, un régime
spécifique d'augmentation de capital réservée aux
salariés adhérant au PEE. Dans ce cas, les salariés
peuvent bénéficier d'une décote maximale de 20 % sur le
prix de référence du titre, avantage qui s'ajoute aux avantages
fiscaux et sociaux du PEE.
Parallèlement,
l'ordonnance n° 86-1135 du 21 octobre 1986
modifiant la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les
sociétés afin d'offrir aux sociétés anonymes la
faculté d'introduire dans leurs statuts des dispositions
prévoyant que les représentants du personnel salarié
siégeront avec voix délibérative au sein du conseil
d'administration ou du conseil de surveillance
a cherché à
mieux associer les salariés à la gestion de leur entreprise.
Jusqu'en 1986, la loi du 24 juillet 1966 avait cherché à
favoriser l'entrée des salariés parmi les administrateurs ou les
membres du conseil de surveillance de la société, mais
très peu d'administrateurs salariés avaient ainsi
été désignés.
L'ordonnance du 21 octobre a voulu aller plus loin. Elle a prévu la
possibilité d'introduire dans les statuts de la société
une clause permettant la désignation d'administrateurs ou de membres du
conseil de surveillance élus par le personnel salarié. Seuls
peuvent ainsi être élus les salariés qui ont au moins deux
ans d'ancienneté dans l'entreprise et qui sont présentés
soit par un ou plusieurs syndicats représentatifs dans l'entreprise,
soit par 5 % au moins des salariés ou 100 d'entre eux lorsque les
effectifs dépassent 2.000 salariés.
La loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988 relative aux organismes de
placement collectif en valeurs mobilières et portant création des
fonds communs de créance
a, à son tour, modifié le
cadre de gestion de l'épargne salariale.
Les fonds communs de placements d'entreprise (FCPE) existent depuis 1968,
l'ordonnance n° 67-694 du 17 août 1967 relative aux plans
d'épargne d'entreprise ayant prévu la possibilité de
recourir à ce mode de gestion pour le placement des sommes issues de la
participation ou recueillies sur le PEE. Les fonds communs de placement
" généralistes ", non exclusivement destinés
à la gestion de l'épargne salariale, ne furent
créés qu'en 1979. Aussi, la loi du 23 décembre 1988 a
cherché à harmoniser la réglementation applicable aux FCPE
et aux FCP. Votre rapporteur constate néanmoins que ce rapprochement
s'est en pratique traduit par une " banalisation " de
l'épargne salariale. Il n'a en effet permis ni une amélioration
de la sécurité dans la gestion des fonds, ni un
développement de l'épargne salariale, tout en devenant souvent
une source de complexité supplémentaire pour les entreprises.
Il n'en reste pas moins que les FCPE constituent aujourd'hui la forme
principale de gestion de l'épargne salariale et de l'actionnariat
salarié.
Les fonds communs de placement d'entreprise
Les FCPE
constituent la forme principale de gestion des sommes placées sur les
PEE.
Les FCPE sont une catégorie particulière de fonds communs de
placement, qui sont réservés aux salariés des entreprises.
Ils sont des copropriétés de valeurs mobilières, sans
personnalité morale, dont les parts sont émises et
rachetées, à la demande des porteurs, sur la base d'une valeur
liquidative. Les parts émises expriment des droits des
copropriétaires, chaque part étant obligatoirement nominative et
correspondant à une fraction des actifs compris dans le fonds. Les fonds
sont gérés par des sociétés de gestion
spécialisées et le portefeuille est conservé par un
dépositaire.
Les FCPE sont créés, à l'initiative de l'entreprise,
conjointement par une société de gestion et un
établissement dépositaire.
Le code du travail prévoit, dans ses articles L. 442-5 et L. 443-3, que
les FCPE sont habilités à recevoir les sommes issues de la
participation aux résultats et celles placées sur un PEE. En
1997, 64 % de la réserve spéciale de participation était
investie en parts de FCPE, tandis que les sommes recueillies par le PEE
étaient en quasi-totalité investies en parts de FCPE.
Néanmoins, lorsque l'épargne salariale placée sur le PEE
est investie en actions de l'entreprise, l'institution d'un FCPE n'est pas
obligatoire.
La loi du 23 décembre 1988 distingue
deux types de FCPE
:
- les FCPE " diversifiés " qui sont constitués en vue
de gérer les sommes investies par les salariés, soit dans le
cadre de la participation, soit dans le cadre du PEE, ainsi que les sommes
investies dans le cadre de l'émission ou de l'achat en bourse d'actions
de la société réservées aux salariés
(
article 20
) ;
- les FCPE " actionnariat " dont le portefeuille est exclusivement
constitué de titres émis par la société (
article
21
).
En pratique, les FCPE " article 20 " sont, de loin, les plus
nombreux, même si une importante proportion d'entre eux est investie
prioritairement en titres de l'entreprise (c'est le cas pour 47 % des FCPE
créés en 1998).
Au 31 décembre 1998, il existait 3.610 FCPE
. Parmi ces FCPE,
3.198 étaient réservés aux salariés d'une seule
entreprise et 412 étaient des fonds " multi-entreprises ",
ouverts à toute entreprise souhaitant y adhérer et recevant en
conséquence les avoirs de salariés de différentes
sociétés.
A cette date,
l'encours global
des FCPE atteignait 231,8 milliards de
francs. Cet encours se répartissait ainsi :
- actions de l'entreprise 88 milliards de francs
- obligations de l'entreprise 13,7 milliards de francs
- actions diversifiées 32 milliards de francs
- obligations diversifiées 33 milliards de francs
- part d'autres OPCVM 48 milliards de francs
- autres produits 16,7 milliards de francs
La constitution d'un FCPE est soumise à
l'agrément de la
commission des opérations de bourse
(COB), la COB ayant
publié le 3 février 1998 une nouvelle instruction relative aux
FCPE prévoyant notamment l'instauration d'une notice d'information
simplifiée destinée à devenir le support d'information
obligatoire des FCPE.
Les règles de fonctionnement du FCPE sont définies dans un
règlement
, établi par la société de gestion
et l'établissement dépositaire. Ce règlement
précise notamment l'orientation de la gestion du fonds, les
modalités de souscription et de rachat des parts, les frais de gestion
et les commissions perçues lors de la souscription et du rachat des
parts, les modalités et la périodicité du calcul de la
valeur liquidative, la nature et la fréquence des informations à
fournir aux porteurs de parts et la composition et les pouvoirs du conseil de
surveillance.
Le FCPE doit avoir un
conseil de surveillance
.
Ce conseil est composé :
- dans les FCPE " article 20 " pour moitié au moins de
salariés porteurs de parts, les autres membres étant des
représentants de l'entreprise ;
- dans les FCPE " article 21 " exclusivement de salariés
porteurs de parts.
Le conseil de surveillance, qui se réunit au moins une fois par an,
exerce 5 missions principales :
- il fixe les grandes orientations de gestion du fonds,
- il assure le contrôle de la gestion du fonds (et donc de la
société de gestion et de l'établissement
dépositaire),
- il examine le rapport annuel de gestion,
- il approuve les modifications apportées au règlement du fonds,
- il peut exercer, pour les FCPE " article 20 ", les droits de vote
attachés aux titres.
La
loi n° 94-640 du 25 juillet 1994 relative à
l'amélioration de la participation des salariés dans
l'entreprise
a poursuivi ce mouvement
6(
*
)
.
D'abord, elle a cherché à rendre les PEE plus attractifs,
notamment en relevant le plafond de l'abondement versé par l'entreprise.
Ensuite, elle a introduit diverses dispositions visant à assortir le
développement de l'actionnariat salarié d'un certain nombre de
garanties pour les salariés. Ainsi, il est notamment prévu :
- la publication de la part du capital détenu par les
salariés dans le rapport annuel de l'entreprise ;
- la mise en place d'un " rendez-vous obligatoire "
destiné à favoriser la représentation des salariés
dans les organes dirigeants de l'entreprise. Il est ainsi prévu que
lorsque la part du capital détenu par les salariés atteint 5 %,
une assemblée générale extraordinaire est convoquée
pour se prononcer sur l'introduction d'une clause dans les statuts
prévoyant la présence d'un ou deux représentants des
actionnaires salariés parmi les membres du conseil d'administration ou
du conseil de surveillance ;
- la possibilité pour les membres du conseil de surveillance
représentant les salariés actionnaires (notamment dans les FCPE)
d'effectuer un stage de formation économique de cinq jours ;
- la création du Conseil supérieur de la participation,
organisme ayant pour mission d'étudier les différents
systèmes de participation (dont l'actionnariat salarié) et de
formuler des recommandations pour favoriser leur
développement.
2. Les éléments d'un premier bilan
Paradoxalement, et en dépit d'une progression sensible à partir de 1986, la succession des initiatives législatives en faveur de l'actionnariat salarié n'a pas permis d'assurer un développement durable de celui-ci en France. A cet égard, il est frappant de constater le décalage entre le succès croissant de l'épargne salariale et la progression plus lente de l'actionnariat salarié.
a) Le succès des dispositifs d'épargne salariale
L'épargne salariale a connu un développement
certain,
accéléré depuis 1986. Mais la croissance des
différentes formes de participation financière a
été relativement différenciée. Alors que la
participation aux résultats semble avoir atteint une certaine
maturité, l'intéressement continue de se développer tandis
que les PEE progressent rapidement.
•
La montée en puissance de la participation aux
résultats
Véritable droit sur les bénéfices dégagés au
cours de l'exercice, mais accessible seulement après une durée
d'immobilisation de cinq ans, la participation est un système
légal qui s'applique même en l'absence de convention ou d'accord
collectif pour les entreprises de 50 salariés et plus dégageant
un résultat suffisant. Elle reste facultative pour les entreprises de
moins de 50 salariés.
De 8.414 entreprises ayant un accord en 1972, la participation concerne en 1997
18.951 entreprises. Parallèlement, le nombre de salariés couverts
est passé de 3,6 à 4,9 millions de 1972 à 1997.
Le tableau ci-dessous témoigne de la montée en puissance de la
participation ces dernières années.
Participation
|
Au titre de 1997 |
Au titre de 1996 |
Au titre de 1995 |
Au titre de 1994 |
Au titre de 1993 |
Nombre d'entreprises ayant un accord |
18.951 |
17.623 |
16.902 |
17.504 |
15.130 |
Nombre de salariés des entreprises ayant un accord |
4.947.874 |
4.792.415 |
4.601.770 |
4.719.191 |
4.495.664 |
Nombre d'entreprises ayant distribué |
11.283 |
10.627 |
10.160 |
9.557 |
8.883 |
Nombre de salariés des entreprises ayant distribué |
3.185.970 |
3.014.604 |
2.873.609 |
2.550.813 |
2.659.956 |
Nombre de bénéficiaires |
3.377.880 |
3.201.723 |
3.027.170 |
2.675.941 |
2.727.055 |
Réserve spéciale de participation (en francs) |
20.624.111.558 |
17.303.958.373 |
17.670.949.720 |
14.986.504.669 |
15.906.911.815 |
Prime moyenne par bénéficiaire (en francs) |
6.106 |
5.405 |
5.837 |
5.600 |
5.833 |
Source : MES-DARES, PIPA
•
La progression continue de l'intéressement
L'intéressement, qui a un caractère collectif et
aléatoire, est un système facultatif qui permet à toute
entreprise qui le souhaite d'associer ses salariés, par voie d'accord
collectif, à ses résultats ou à l'accroissement de sa
productivité. Les sommes sont immédiatement disponibles ou
peuvent être placées sur un PEE si l'accord le prévoit.
Le nombre d'accords d'intéressement a très fortement
progressé, notamment depuis 1986. En 1985, on comptait 1.303 accords
d'intéressement en vigueur. 401.000 salariés étaient alors
couverts par un tel type d'accord. En 1997, 14.629 entreprises comptant
3.035.000 salariés étaient couvertes par un accord
d'intéressement, sa diffusion s'accélérant dans les PME.
Intéressement
|
Au titre de 1997 |
Au titre de 1996 |
Au titre de 1995 |
Au titre de 1994 |
Au titre de 1993 |
Nombre d'entreprises ayant un accord |
14.629 |
13.866 |
12.291 |
11.166 |
9.744 |
Nombre de salariés des entreprises ayant un accord |
3.035.379 |
3.013.021 |
2.773.199 |
2.604.364 |
2.498.040 |
Nombre d'entreprises ayant versé |
10.653 |
10.070 |
9.160 |
7.903 |
6.820 |
Nombre de salariés des entreprises ayant versé |
2.408.404 |
2.33.415 |
2.246.079 |
18.311.728 |
1.896.327 |
Nombre de bénéficiaires |
2.465.803 |
2.372.145 |
2.254.138 |
1.811.640 |
1.854.989 |
Montant total de l'intéressement (en francs) |
13.923.781.787 |
12.501.872.905 |
10.641.425.258 |
8.142.988.381 |
7.959.906.905 |
Prime moyenne par bénéficiaire (en francs) |
5.647 |
5.270 |
4.721 |
4.495 |
4.291 |
Source : MES-DARES, PIPA
•
L'essor rapide des PEE depuis 1986
Parallèlement, la diffusion des PEE se poursuit à un rythme
soutenu. Alors qu'il n'existait en 1979 que 750 PEE, il y en avait 5.745 en
1993 et 8.702 en 1997. Plus de 2,8 millions de salariés travaillent
désormais dans des entreprises ayant mis en place des PEE. Les sommes
versées sur les PEE ont plus que doublées entre 1993 et 1997.
Votre commission observe que les entreprises pratiquent de plus en plus un
abondement complémentaire aux versements volontaires des
salariés. En 1997, l'abondement des entreprises représentait 3,6
milliards de francs, contre 1,7 milliard en 1993.
Plan d'épargne entreprise
|
1997 |
1996 |
1995 |
1994 |
1993 |
Nombre d'entreprises possédant un PEE |
8.702 |
7.422 |
7.124 |
6.529 |
5.745 |
Nombre de salariés des entreprises ayant un PEE |
2.852.828 |
2.767.155 |
2.757.053 |
2.534.632 |
2.479.999 |
Nombre d'entreprises ayant reçu un versement |
5.776 |
5.307 |
4.730 |
4.190 |
3.739 |
Nombre de salariés des entreprises ayant reçu un versement |
2.403.834 |
2.395.576 |
2.331.759 |
2.023.634 |
2.043.686 |
Nombre d'épargnants |
1.356.348 |
1.229.019 |
1.072.653 |
1.056.426 |
1.360.879 |
Montant (en francs) des sommes versées provenant |
19.345.343.958 |
12.722.267.629 |
10.457.786.662 |
9.550.318.348 |
8.819.181.238 |
- intéressement |
4.129.346.335 |
3.451.049.175 |
2.791.749.184 |
2.346.323.732 |
2.185.517.881 |
- participation |
4.175.488.084 |
3.496.672.523 |
2.882.887.212 |
3.009.941.766 |
2.563.248.520 |
- versements volontaires |
7.306.702.741 |
3.548.860.645 |
2.827.998.912 |
2.570.117.216 |
2.393.169.576 |
- abondement de l'entreprise |
3.619.879.593 |
2.154.476.653 |
1.917.866.228 |
1.637.497.043 |
1.669.219.322 |
Montant moyen du dépôt par épargnant (en francs) |
14.283 |
10.352 |
9.749 |
9.040 |
6.481 |
Source : MES-DARES, PIPA
b) Le bilan en demi-teinte de l'actionnariat salarié
En
dépit d'une attention législative continue, les différents
textes en faveur de l'actionnariat salarié n'ont connu pour la plupart
qu'un succès mitigé. Ils n'ont en effet pas permis d'assurer un
développement stable de l'actionnariat salarié. Certains ont
même pu évoquer un "
ossuaire
législatif
".
7(
*
)
Si cette expression est à l'évidence excessive, il n'en reste pas
moins que le cadre législatif n'a pas permis, jusqu'à ces
dernières années, à0 l'actionnariat salarié de
s'implanter durablement dans les entreprises. En réalité, la
sédimentation des différents dispositifs législatifs s'est
traduite par des répercussions variables, mais globalement assez
modestes :
- l'échec des dispositifs spécifiques ;
- les effets mitigés des privatisations ;
- les difficultés de l'actionnariat dans le cadre de la
participation ;
- la portée restreinte des plans d'option sur actions et des RES.
•
L'échec des dispositifs spécifiques
Les dispositifs spécifiques mis en place dans les années 1970
pour développer l'actionnariat des salariés n'ont pas connu le
succès escompté ni dans le secteur public, ni dans le secteur
privé.
Dans le
secteur public
, l'expérience a été un
échec. Chez Renault, la loi du 2 janvier 1970 a permis la distribution
gratuite d'actions. Mais, en dépit d'un certain succès initial,
cette expérience s'est heurtée aux réticences du personnel
et la fermeture du marché secondaire de ces titres (les actions
n'étaient cessibles qu'à l'Etat) a finalement condamné
cette expérience. Dans les banques et les assurances, la loi du 4
janvier 1973 a permis la distribution gratuite de 5 % du capital, mais les
cessions onéreuses n'ont eu que peu de succès (1 % du capital a
été ainsi distribué). Enfin, la loi du 4 janvier 1973 sur
la SNIAS et la SNECMA est restée lettre morte, les décrets
d'application n'ayant jamais été publiés. De toutes
façons, la politique de privatisation mise en place à partir de
1986 a rendu caduc cet actionnariat spécifique.
Dans le
secteur privé
, l'expérience n'a guère
été plus concluante.
Bien que prometteurs, les " plans d'actionnariat " institués
par la loi du 27 décembre 1973 n'ont pas connu des résultats
à la hauteur des espérances. Ainsi, dix ans après le vote
de la loi, seules 55 entreprises (y compris les filiales) avaient offert
à leurs salariés le bénéfice d'un plan
d'actionnariat. Et le pourcentage moyen de capital détenu atteignait
seulement 0,78 %. En outre, à partir de l'entrée en vigueur de
l'ordonnance du 21 octobre 1986, les PEE sont devenus plus attractifs que
les plans d'actionnariat comme supports de l'actionnariat salarié.
Ainsi, au 31 décembre 1989, il n'existait plus que 14 FCPE
gérant ces plans d'actionnariat. Depuis lors, ces plans sont
tombés en désuétude et aucune statistique n'est plus
publiée par la commission des opérations de bourse (COB) sur ces
plans d'actionnariat.
De la même manière, le régime des donations d'actions
prévu par la loi de finances pour 1977 est resté quasiment
inappliqué.
Enfin, la distribution gratuite d'actions en faveur des salariés
instituée par la loi du 24 octobre 1980 n'a été une
faculté que très peu utilisée. Applicable jusqu'au 31
décembre 1982, seules 350 sociétés auraient, selon une
étude de 1984 du ministère du travail, procédé
à une telle distribution. En outre, ces distributions n'ont pas
contribué à assurer un véritable actionnariat
salarié dans la mesure où les bénéficiaires ont,
pour la plupart, revendu leurs actions à l'expiration du délai de
blocage.
•
Les effets mitigés des privatisations
Les premières privatisations ont incontestablement constitué une
étape décisive dans le développement de l'actionnariat
salarié. Fortement attractives pour les salariés (10 % des titres
mis sur le marché sont réservés aux salariés avec
une décote pouvant atteindre 20 %, avec des délais de paiement et
avec la possibilité de distribution d'actions gratuites), les
privatisations ont massivement permis aux salariés de devenir
actionnaires de leurs entreprises. On estime généralement
qu'à cette occasion, entre 50 % et 80 % des salariés
concernés ont acquis des actions de leur entreprise dans ce cadre.
Toutefois, les privatisations n'ont bien souvent permis qu'un
développement transitoire de l'actionnariat salarié. On constate
en effet, sauf dans quelques sociétés privatisées menant
une politique active d'association de ses salariés, une dilution
progressive de la part du capital détenu par les salariés. Ainsi,
une étude de la Direction du Trésor sur les
sociétés qui ont fait l'objet d'une privatisation avec mise sur
le marché a souligné la fragilité de l'actionnariat
salarié issu des privatisations :
- dans 11 des 12 sociétés privatisées entre 1986 et
1988, la part du capital détenue par les salariés a
diminué, passant de 6,6 % en moyenne lors de la privatisation à
1,9 % au 31 décembre 1995. Dans la dernière
société, cette part est restée stable ;
- dans 3 des 4 sociétés privatisées en 1993 et 1994,
cette part est passée de 4,3 % en moyenne lors de la privatisation
à 3,1 % à la fin de 1995.
Cette évolution s'explique de deux manières.
D'une part, certains salariés ont en effet profité des conditions
incitatives des privatisations pour acquérir des titres de leur
entreprise et les revendre dès la fin de la période de blocage
(ou ultérieurement) pour réaliser une plus-value. Ils n'ont donc
pas tous souhaité s'inscrire dans une perspective d'actionnariat
à long terme.
D'autre part, on a pu constater un risque de dilution mécanique de
l'actionnariat salarié. Les salariés actionnaires ont en effet
tendance à ne pas exercer leur droit préférentiel de
souscription à l'occasion des augmentations de capital, celui-ci
n'étant pas assorti des mêmes incitations financières que
les opérations spécifiques d'actionnariat. En outre, les
opérations de capital des sociétés privatisées se
sont souvent traduites par une diminution de la part de capital détenue
par les salariés actionnaires, les fusions ou les acquisitions se
faisant souvent avec les sociétés à faible actionnariat
salarié.
Dans ces conditions, il n'est pas surprenant que les privatisations, si elles
ont pu développer ce type d'actionnariat, n'aient pas réussi
à le stabiliser dans toutes les sociétés
privatisées.
•
Les difficultés de l'actionnariat salarié dans
le cadre de la participation
L'épargne salariale peut constituer un moyen d'alimentation de
l'actionnariat de trois manières :
-
l'ordonnance du 7 janvier 1959
prévoyait que
l'intéressement pouvait prendre la forme d'une participation au
capital ;
-
l'ordonnance du 17 août 1967
autorise l'affectation des
sommes de la participation aux résultats dans l'acquisition d'actions de
l'entreprise ;
-
l'ordonnance du 21 octobre 1986
fait des PEE des
véritables plans d'actionnariat.
Pourtant l'épargne salariale a tardé à s'investir dans les
titres de l'entreprise.
S'agissant de
l'intéressement
, l'ordonnance du 21 octobre 1986 a
supprimé l'intéressement au capital alors que l'ordonnance du 7
janvier 1969 prévoyait la possibilité d'un intéressement
sous forme d'une attribution gratuite d'actions de l'entreprise. Cette
possibilité n'avait en effet guère été mise en
oeuvre du fait tant des réticences de l'employeur que des
salariés.
S'agissant de la
participation
, l'affectation de la participation aux
résultats à l'acquisition directe d'actions de l'entreprise n'a
jamais représenté que de l'ordre de 1 % de la réserve
spéciale de participation.
Modes d'affectation de la réserve spéciale de participation
en % |
1980 |
1981 |
1982 |
1993 |
1994 |
1996 |
1997 |
Compte courant bloqué |
58,8 |
56,1 |
56,8 |
47 |
50 |
44,3 |
35,0 |
Attribution directe d'actions de l'entreprise |
0,3 |
0,6 |
0,4 |
1 |
1 |
0,4 |
0,6 |
Investissement direct en actions de Sicav |
0,1 |
0,2 |
0,2 |
1 |
0 |
0,5 |
0,5 |
Investissement en fonds commun de placement (FCPE) |
40,9 |
42,8 |
41,3 |
51 |
49 |
54,8 |
63,9 |
Source : Ministère du travail
Cette formule, qui paraissait la plus proche de l'esprit de l'ordonnance de
1967, n'a donc connu que peu de succès, essentiellement du fait d'une
certaine réticence des entreprises. Ainsi, en 1975, seules
25 entreprises avaient choisi ce mode d'affection de la participation.
Réformés par l'ordonnance du 21 octobre 1986, les
PEE
avaient vocation à devenir le support privilégié de
l'actionnariat salarié. D'une part, les sommes versées dans les
PEE peuvent être converties soit directement en titres de l'entreprise
(et donc en actions), soit en parts de FCPE (lesquels peuvent être
composés intégralement ou partiellement d'actions de
l'entreprise). D'autre part, l'ordonnance de 1986 prévoit la
possibilité de réserver les augmentations de capital aux seuls
adhérents du PEE à des conditions attractives.
Pour autant, les PEE n'ont eu qu'un effet relativement lent sur le
développement de l'actionnariat pour deux raisons :
- la montée en puissance des PEE s'est d'abord
réalisée à un rythme relativement lent jusqu'à ces
dernières années. Ainsi, comme le montre le tableau ci-dessous,
en 1997 seules 8.702 entreprises avaient mis en place un PEE pour 1,3 million
de salariés épargnants.
|
94 |
95 |
96 |
97 |
Nombre d'entreprises ayant mis en place un PEE |
6.531 |
7.124 |
7.423 |
8.702 |
Nombre de salariés de ces entreprises (en millions) |
2,5 |
2,8 |
2,8 |
2,9 |
Nombre de salariés épargnants sur le PEE (en millions) |
1,1 |
1,1 |
1,2 |
1,3 |
Le
nombre potentiel d'actionnaires salariés par l'intermédiaire du
PEE reste donc limité.
- Les sommes placées sur les PEE n'ont été longtemps
que peu employées à l'acquisition d'actions de l'entreprise.
Ainsi, les FCPE qui regroupent la majeure partie des fonds investis dans les
PEE n'ont vu que récemment leur structure réorientée vers
les actions de l'entreprise : en 1988, les actions de l'entreprise ne
représentaient que 15 % de l'actif des FCPE, cette part atteignant 38 %
en 1998.
•
La logique particulière des plans d'options sur actions
et des RES
Les plans d'options sur actions et les RES avaient à l'origine vocation
à s'inscrire dans le cadre de la politique de participation.
L'expérience a cependant montré qu'ils relevaient d'une logique
propre, en décalage avec l'idée d'association durable entre
capital et travail qui sous-tend l'actionnariat salarié.
Les
plans d'options sur actions
(ou stock options) s'écartent de
l'actionnariat salarié sur deux points :
- ils sont le plus souvent réservés aux cadres dirigeants et
non à l'ensemble du personnel.
Comme le remarquaient MM. Jean Arthuis, Paul Loridant et Philippe Marini dans
leur rapport sur les stock-options
8(
*
)
,
" en droit, les options peuvent être attribuées aussi bien
à l'ensemble des membres du personnel salarié de la
société qu'à une partie d'entre eux seulement (art. 208-1
de la loi du 24 juillet 1966). Mais en pratique, la grande majorité des
plans d'options sur actions effectivement mis en place ne concerne que les
cadres dirigeants de la société, salariés ou mandataires
sociaux, et éventuellement les cadres supérieurs ".
Cette analyse est d'ailleurs confirmée par la récente
enquête du magazine L'Expansion
9(
*
)
:
seulement 1 % des 2,76 millions de salariés des sociétés
du CAC 40 en bénéficient.
- ils ne permettent pas d'assurer un véritable actionnariat.
Certes, ils sont un moyen d'intéressement des
bénéficiaires à l'évolution des cours boursiers des
actions de la société. Mais ils ne peuvent constituer un
réel actionnariat dans la mesure où l'option n'est
généralement levée que pour permettre la vente du titre.
Ils n'assurent donc pas un actionnariat stable à l'entreprise.
Les plans d'options sur actions se présentent donc plus comme un
complément de rémunération des cadres dirigeants que comme
un moyen de participation de l'ensemble des salariés au capital de leur
entreprise.
Les
reprises d'entreprise par leurs salariés
, telles qu'elles ont
été pratiquées en France, s'éloignent
également de la conception participative de l'actionnariat
salarié, même si, dans de nombreux cas, elles ont pu être
une expérience réelle d'actionnariat.
La RES reste en effet un moyen très spécifique d'accéder
à l'actionnariat salarié dans des conditions très
particulières :
- la RES vise à favoriser la transmission et la survie des
entreprises, en l'absence de repreneur national, en permettant aux
salariés de devenir les propriétaires de leur entreprise. Il ne
s'agit donc pas d'une association à la croissance de l'entreprise, mais
d'une réponse particulière à un problème
spécifique.
- la RES, sauf exception, n'assure pas la stabilité de
l'actionnariat. Elle se présente en effet comme une mesure le plus
souvent transitoire, les entreprises n'ayant pas vocation à conserver
indéfiniment un actionnariat salarié majoritaire. Dès
lors, à la sortie de la RES, l'entreprise est cédée par
ses salariés à un autre repreneur. En moyenne, la RES dure une
dizaine d'années.
Le dispositif issu de la loi du 9 juillet 1984 a permis la réalisation
d'environ 500 RES entre 1984 et 1992, date à laquelle l'avantage fiscal
(crédit d'impôt au bénéfice de la holding) a
été supprimé. Le régime spécifique de la RES
a disparu le 31 décembre 1996.
*
* *
Bien que
constamment favorisé par le législateur depuis 1959,
l'actionnariat salarié a tardé à se développer en
France malgré l'accélération constatée depuis 1986.
Des dispositifs législatifs existaient, mais ils n'étaient
guère utilisés ou n'assuraient qu'imparfaitement la
stabilité de cet actionnariat.
Ce constat ne s'explique sans doute pas par la sédimentation de textes
rendant la réglementation complexe ou opaque, ou par l'insuffisance des
incitations fiscales et sociales. Il tient bien plus à une double
réticence des chefs d'entreprise et des salariés.
Les chefs d'entreprise voyaient certes dans l'actionnariat salarié un
moyen de cohésion sociale dans l'entreprise, mais accueillaient le plus
souvent avec scepticisme l'idée d'associer les salariés au
capital.
Les salariés rejoignaient les positions de leurs syndicats
représentatifs. Si la CFTC et la CGC se sont montrés favorables
depuis de nombreuses années à l'actionnariat salarié, les
autres centrales syndicales y étaient opposées, estimant qu'il ne
pouvait permettre ni une transformation profonde des rapports sociaux, ni la
mise en oeuvre du projet autogestionnaire.
Or, ce sont ces réticences qui sont en train de disparaître et qui
expliquent le renouveau actuel de l'actionnariat salarié.
II. LES FORMES D'UN RENOUVEAU
A. LE RENFORCEMENT ACTUEL DE L'ACTIONNARIAT SALARIÉ
Le développement actuel de l'actionnariat salarié est évident même s'il est difficilement quantifiable. Il s'agit d'un mouvement sensible et diversifié, qui répond à une série d'évolutions convergentes.
1. Un mouvement sensible et diversifié
Si
depuis quelques mois, la presse fait régulièrement écho de
la " progression ", des " succès ", du
" boom ", de la " cote ", de la " nouvelle
donne " de l'actionnariat salarié, cette tendance évidente
n'en reste pas moins difficilement quantifiable. Il apparaît cependant
qu'elle puisse se vérifier à deux niveaux bien distincts :
- la progression de l'actionnariat salarié semble être une
tendance lourde ;
- elle s'accompagne de nombreuses expériences innovantes
destinées à le favoriser ou à le stabiliser.
a) Une croissance significative, mais difficilement mesurable
En
l'absence d'indicateurs statistiques synthétiques de l'actionnariat
salarié, quatre sources d'informations principales permettent de mieux
cerner cette évolution :
- la DARES, du ministère de l'emploi, réalise chaque
enquête dite PIPA (Participation, Intéressement, Plan
d'épargne entreprise, Actionnariat salarié) auprès de
35.000 entreprises environ, ayant signé un accord de participation ou
d'intéressement. Cette enquête, reprise dans les rapports du
Conseil supérieur de la participation, comporte désormais un
questionnaire spécifique sur l'actionnariat salarié ;
- l'INSEE réalise chaque année une enquête sur le
patrimoine des ménages. Cette enquête permet de recenser le nombre
de ménages possédant des actions de leurs entreprises ;
- la COB est également une source précieuse d'information.
Son rapport annuel apporte des indications sur l'évolution du nombre, de
l'encours et de la structure des FCPE (dans lesquels sont logées la
plupart des actions de leur entreprise détenues par les salariés)
ainsi que sur les opérations réservées aux salariés
sur les marchés financiers ;
- enfin, des enquêtes plus ponctuelles peuvent apporter un
éclairage pertinent sur l'actionnariat salarié
10(
*
)
.
La confrontation de ces quatre sources d'information confirme la progression
actuelle de l'actionnariat salarié en permettant d'identifier plusieurs
signes de son développement. Elles laissent également
suggérer que ce mouvement doive se poursuivre.
•
Le nombre de salariés actionnaires de leur entreprise
serait actuellement supérieur à 700.000.
L'enquête "
Patrimoine des ménages
"
réalisée par l'INSEE en 1997 évolue à 3 % la
proportion des ménages qui possèdent des actions de leur
entreprise. Cela correspond alors à environ 700.000 ménages.
La Fédération française des associations d'actionnaires
salariés et anciens salariés retient également le chiffre
de 700.000 salariés actionnaires de leur entreprise.
L'enquête de l'institut IPSOS Opinion tend cependant à majorer
sensiblement ce chiffre. Elle évalue en effet à 12 % le nombre de
salariés actionnaires de leur entreprise.
•
Le nombre d'entreprises ayant mis en place un actionnariat
salarié reste difficilement quantifiable.
Selon la DARES, près de 7 % des 27.500 entreprises ayant mis en place un
système de partage des profits (participation ou intéressement)
pratiquaient une politique d'actionnariat salarié en 1996. 15 % des
5,5 millions de salariés de ces entreprises auraient alors
accès à un dispositif d'actionnariat, pour peu qu'ils travaillent
dans une entreprise pratiquant l'intéressement ou la participation.
Fréquence de l'actionnariat dans les entreprises
pratiquant
au moins un système de partage du profit en
1996
Taille de l'entreprise (nombre de salariés) |
% d'entreprises avec intéressement |
% d'entreprises sans intéressement |
Ensemble |
Moins de 10 |
7,0 |
9,7 |
7,5 |
10-49 |
9,1 |
10,7 |
9,5 |
50-99 |
7,4 |
4,3 |
5,2 |
100-199 |
5,2 |
4,3 |
4,6 |
200-499 |
5,9 |
2,7 |
4,1 |
500-1999 |
8,7 |
4,4 |
6,9 |
2000 et plus |
20,4 |
10,8 |
17,2 |
Ensemble |
7,9 |
5,5 |
6,8 |
dont 50 et plus |
7,2 |
4,1 |
5,3 |
% de salariés |
20,0 |
5,7 |
14,3 |
Source : MES-DARES. PIPA 96
L'analyse de la DARES permet également de mettre en évidence deux
facteurs d'accès à l'actionnariat :
-
l'actionnariat salarié est plus pratiqué dans les
grandes entreprises, mais reste fréquent dans les entreprises de moins
de 50 salariés
(souvent les entreprises de " matière
grise " à forte croissance) ;
-
l'accès à l'actionnariat est plus élevé
lorsque l'entreprise pratique une politique dynamique d'épargne
salariale
.
L'enquête réalisée par Altédia tend d'ailleurs
à confirmer cette analyse. Parmi les 150 entreprises cotées
interrogées, 92 ont un actionnariat salarié.
•
La part du capital social détenu par les
salariés représente environ 2 % pour les entreprises du CAC
40.
La COB estime que les salariés détiennent environ 2 % du capital
des entreprises du CAC 40. Le tableau ci-dessous montre que, pour les
sociétés ayant publié cette information dans leur rapport
annuel, la part moyenne du capital détenu par les salariés est
passée de 2,35 % au 31 décembre 1997 à 2,65 % au 31
décembre 1998. Cela semble donc confirmer la progression de
l'actionnariat salarié, tout au moins parmi les sociétés
du CAC 40.
Actionnariat salarié dans les entreprises du CAC 40
Sociétés |
Part du capital détenu par les salariés |
|
|
31/12/1997 |
31/12/1998 |
ACCOR |
1 % |
NI |
AGF |
5,48 % |
3,77 % |
AIR LIQUIDE |
0,70 % |
0,98 % |
ALCATEL (1998) |
-- |
1,63 % |
ALCATEL ALSTHOM (1997) |
2,2 % |
--- |
AXA |
NI |
NI |
BIC |
NI |
NI |
BNP |
NI |
2,9 % |
CANAL + |
0,3 % |
0,29 % |
CAP GEMINI (1998) |
--- |
NI |
CARREFOUR |
2,4 % |
2,32 % |
CCF |
2,8 % |
2,8 % |
DANONE |
0,9 % |
NI |
DEXIA FRANCE |
0,3 % |
NI |
ELF AQUITAINE |
5 % |
5 % |
ERIDANIA BEGHIN |
NI |
NI |
FRANCE TELECOM |
2,5 % |
3,2 % |
HAVAS (1997) |
NI |
--- |
L'ORÉAL |
0,025% |
NI |
LAFARGE |
3 % |
3,5 % |
LAGARDÈRE |
3,8 % |
NI |
LEGRAND |
NI |
NI |
LVMH |
0,01 % |
NI |
MICHELIN |
NI |
NI |
PARIBAS |
NI |
1,53 % |
PEUGEOT |
0,55 % |
0,47 % |
PINAULT-PRINTEMPS-REDOUTE |
0,23 % |
NI |
PROMODÈS |
1,4 % |
1,3 % |
RENAULT |
4 % |
3,24 % |
RHÔNE-POULENC |
3,8 % |
3,3 % |
SAINT-GOBAIN |
2,8 % |
3,4 % |
SANOFI |
1,42 % |
Pas reçu |
SCHNEIDER |
4,3 % |
4,2 % |
SGS THOMSON (ST) MICRO (1997) |
NI |
--- |
SOCIÉTÉ GÉNÉRALE |
7,4 % |
7,14 % |
SODEXHO ALLIANCE (1998) |
--- |
1,46 % |
STMICROELECTRONICS (1998) |
--- |
Pas reçu |
SUEZ LYONNAISE DES EAUX |
1 % |
1 % |
THOMSON CSF |
NI |
NI |
TOTAL |
3% |
2,9 |
USINOR-SACILOR |
3,6 % |
4,9 % |
VALEO |
NI |
NI |
VIVENDI (EX. GENERALE DES EAUX) |
1,94 % |
2,4 % |
MOYENNE 11( * ) |
2,35 % |
2,65 % |
Source : rapports annuels analysés par la COB
(NI : non indiqué)
La DARES a également tenté d'évaluer la part de capital détenu par les salariés dans les entreprises où existe l'actionnaire et où est pratiqué un système de partage du profit.
Pourcentage du capital social détenu par les salariés dans les firmes pratiquant l'actionnariat couplé à un système de partage de profit
Taille de
l'entreprise
|
Moins de 5 % |
de 5 à 10 % |
de 10 à 50 % |
50 % et + |
Moins de 10 |
22,5 |
3,0 |
34,5 |
40,0 |
10-49 |
26,0 |
7,7 |
26,0 |
40,2 |
50-99 |
42,5 |
9,2 |
24,1 |
24,1 |
100-199 |
50,4 |
11,5 |
26,5 |
11,5 |
200-499 |
60,4 |
13,2 |
18,9 |
7,5 |
500-1999 |
76,3 |
7,9 |
7,9 |
7,9 |
2000 et plus |
75,9 |
13,8 |
3,4 |
6,9 |
Ensemble |
35,8 |
7,9 |
25,7 |
30,6 |
% de salariés |
76,8 |
13,4 |
5,0 |
4,7 |
Source : MES-DARES PIPA 96
Près des deux tiers des entreprises auraient un actionnariat
salarié supérieur ou égal à 5 % du capital,
lorsqu'elles ont signé un accord de participation ou
d'intéressement.
Près du quart des salariés travailleraient dans une entreprise
dont ils détiennent au moins 5 % du capital, pour peu que
l'entreprise ait signé un accord de participation ou
d'intéressement.
Ces résultats restent néanmoins difficilement exploitables. Ces
données sont en effet biaisées par la présence de
coopératives de production dans l'échantillon retenu. En
revanche, ils permettent de constater que plus l'entreprise est importante,
plus le capital social détenu par les salariés est faible. A
l'inverse, la forte part du capital des petites sociétés
détenu par les salariés semble devoir s'expliquer par la
politique active de distribution menée par les entreprises de croissance
à forte densité de " matière grise ".
•
On assiste à une forte croissance des émissions
de titres de capital réservées aux salariés.
Les opérations de marché (introductions en bourse ou
augmentations de capital) s'accompagnent de plus en plus fréquemment
d'offres réservées aux salariés. Ainsi, en 1998, 58
émissions étaient réservées aux salariés sur
un total de 536 opérations. Elles n'étaient que 40 en 1997. Ces
opérations étaient concentrées sur le règlement
mensuel.
Parallèlement, le montant des émissions réservées
aux salariés a fortement augmenté, passe de 3,9 milliards de
francs en 1996 à 6,9 milliards de francs en 1998.
Au total, les émissions réservées aux salariés
représentaient, en 1998, 9,1 % du montant total des
émissions de titres de capital.
Part des émissions réservées aux salariés dans les émissions de titres de capital
|
1998 |
1997 |
1996 |
Variation 98/97 |
Structure (%) |
||||||||||||||
Millions de francs |
Montant |
(1) |
Montant |
(1) |
Montant |
(1) |
% |
1998 |
1997 |
||||||||||
I. Marché SBF |
72.919,08 |
465 |
52.503,94 |
247 |
41.117,72 |
248 |
+ 38,9 |
95,5 |
98,1 |
||||||||||
Premier marché |
68.053,42 |
305 |
49.708,26 |
148 |
37.224,75 |
157 |
+ 36,9 |
89,1 |
92,8 |
||||||||||
Règlement mensuel |
67.309,87 |
267 |
46.136,22 |
112 |
35.352,22 |
113 |
+ 45,9 |
88,1 |
86,2 |
||||||||||
- Réservées aux salariés |
6.941,37 |
48 |
4.748,68 |
36 |
3.904,14 |
36 |
+ 46,2 |
9,1 |
8,9 |
||||||||||
Comptant |
743,54 |
38 |
3.572,04 |
36 |
1.872,53 |
44 |
- 79,2 |
1,07 |
6,7 |
||||||||||
- Réservées aux salariés |
|
|
|
|
8,96 |
3 |
|
|
|
||||||||||
Second marché |
4.865,66 |
160 |
2.795,68 |
99 |
3.892,97 |
91 |
+ 74,0 |
6,4 |
5,2 |
||||||||||
- Réservées aux salariés |
8,33 |
6 |
12,10 |
3 |
9,91 |
5 |
- 31,2 |
0,0 |
0,0 |
||||||||||
II. Nouveau marché |
3.470,97 |
71 |
1.038,85 |
27 |
1.270,56 |
18 |
+ 234,1 |
4,5 |
1,9 |
||||||||||
- Réservées aux salariés |
5,36 |
3 |
0,05 |
1 |
3,59 |
2 |
+ 10.113,6 |
0,0 |
0,0 |
||||||||||
III. Total marchés réglementés |
76.390,05 |
536 |
53.542,78 |
274 |
42.388,28 |
266 |
+ 42,7 |
100,0 |
100,0 |
||||||||||
- Réservées aux salariés |
6.955,05 |
58 |
4.760,83 |
40 |
3.923,02 |
44 |
+ 46,1 |
9,1 |
8,9 |
Source : COB - SBF
(1) Nombre d'émetteurs concernés
•
La progression de l'actionnariat salarié se
réalise principalement au travers de la très forte croissance des
FCPE dont l'actif est investi en actions de l'entreprise.
L'actionnariat salarié peut être direct ou indirect. Il est direct
si le salarié détient les actions de son entreprise hors des
dispositifs d'épargne salariale ou s'il les détient sur son PEE
sans qu'elles soient des parts de FCPE. Il est indirect si le salarié
détient les actions de l'entreprise par l'intermédiaire de parts
de FCPE.
L'actionnariat salarié est aujourd'hui principalement un actionnariat
indirect, via les FCPE.
Or, on assiste actuellement à une très forte progression de
l'épargne salariale investie en FCPE. L'encours des FCPE est ainsi
passé de 49 à 232 milliards de francs en 10 ans.
Evolution du nombre et de l'encours des FCPE
|
1988 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
Nombre de FCPE |
3.772 |
3.943 |
3.820 |
3.803 |
3.669 |
3.477 |
3.610 |
Evolution en % |
+ 3,7 |
- 3,0 |
- 3,1 |
- 0,4 |
- 3,5 |
- 5,2 |
+ 3,8 |
Encours en millions de francs |
48.889 |
117.901 |
112.339 |
124.768 |
143.030 |
185.490 |
231.820 |
Evolution en % |
+ 35,1 |
+ 28,3 |
- 4,7 |
+ 11,1 |
+ 14,6 |
+ 29,7 |
+ 25 |
Source : Commission des opérations de bourse
Cette évolution est le signe d'un fort développement de
l'actionnariat salarié, dans la mesure où les FCPE sont de plus
en plus composés d'actions de l'entreprise. Les actions de l'entreprise
représentaient 15 % de l'actif net des FCPE en 1988. Elles en
représentent 38 % en 1998.
Au total, l'épargne salariale
investie en actions de l'entreprise par l'intermédiaire des FCPE
atteignait 88 milliards de francs fin 1998.
Il faut à cet égard observer que cette tendance ne concerne pas
les seules sociétés cotées. En effet, parmi ces 83
milliards de francs, 77 milliards représentent des actions d'entreprises
cotées et 11 milliards des entreprises non cotées.
Cette tendance semble devoir perdurer. Parmi les 234 nouveaux FCPE
agréés par la COB en 1998, 47 % d'entre eux ont pour orientation
de gestion d'être investis en titres de l'entreprise (30 % en
actions cotées et 17 % en actions non cotées).
Evolution des actifs des FCPE
|
1988 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
||||||||||||||||||||||
Evolution des actifs nets |
MF |
% |
MF |
% |
MF |
% |
MF |
% |
MF |
% |
MF |
% |
MF |
% |
|||||||||||||||
Actif net |
48.889 |
100 |
117.901 |
100 |
112.339 |
100 |
124.768 |
100 |
143.030 |
100 |
185.490 |
100 |
231.820 |
100 |
|||||||||||||||
dont actions de l'entreprise |
7.279 |
14,9 |
24.130 |
20,5 |
30.494 |
27,1 |
33.117 |
26,5 |
44.684 |
31,2 |
64.533 |
34,8 |
88.074 |
38 |
Source : Commission des opérations de bourse
Cette évolution rencontre incontestablement l'adhésion des
salariés. La croissance des versements sur les FCPE s'explique en effet
principalement par la
forte hausse des versements volontaires des
salariés
. Ceux-ci ont atteint 18,7 milliards de francs en 1998
alors qu'ils n'étaient que de 7,3 milliards de francs en 1993. Les
salariés se sont donc pleinement associés à la
réorientation des FCPE vers l'actionnariat.
Versements et rachats sur les FCPE
Année |
1988 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
|||||||
Montants exprimés |
MF |
% |
MF |
% |
MF |
% |
MF |
% |
MF |
% |
MF |
% |
MF |
% |
Réserve spéciale de participation |
5.946 |
65,1 |
10.138 |
52,4 |
9.536 |
41,6 |
10.494 |
44,8 |
12.526 |
40,1 |
9.751 |
30 |
13.688 |
29,6 |
Versements volontaires des salariés |
2.105 |
24,9 |
7.330 |
37,9 |
11.090 |
48,4 |
8.859 |
37,9 |
8.304 |
26,6 |
11.585 |
35,7 |
18.719 |
40,6 |
Versements complémentaires des entreprises (abondements) |
841 |
10 |
1.885 |
9,7 |
2.278 |
10 |
2.406 |
10,3 |
2.097 |
6,7 |
4.331 |
13,3 |
4.488 |
9,7 |
Autres versements |
|
|
|
|
|
|
1.648 |
7 |
8.313 |
26,6 |
6.826 |
21 |
9.288 |
20,1 |
Total des versements bruts |
8.442 |
100 |
19.353 |
100 |
22.904 |
100 |
23.407 |
100 |
31.240 |
100 |
32.493 |
100 |
46.183 |
100 |
Total des Rachats |
7.016 |
17.722 |
18.741 |
18.010 |
20.038 |
15.535 |
30.017 |
Source : Commission des opérations de bourse
Les investigations réalisées par votre commission des Affaires
sociales et votre rapporteur auprès d'une trentaine d'entreprises (sous
forme d'audition ou de questionnaire écrit) corroborent ces analyses.
Ainsi, depuis 1995, se sont multipliées les opérations
d'association des salariés au capital de leur entreprise. Ces
opérations ont le plus souvent rencontré un vif succès
chez les salariés et ont permis de conforter sensiblement leur
rôle d'actionnaire.
Les privatisations ont, à l'évidence, joué un rôle
moteur :
-
Air-France
a réalisé en 1998 deux opérations
d'ouverture de son capital aux salariés : un échange
" salaire-actions " pour les pilotes et une offre
réservée aux salariés dans le cadre de l'ouverture du
capital de la société. 72 % des salariés
d'Air-France, mais aussi 40 % des salariés des filiales, 27 %
des anciens salariés et des retraités et 47 % des
salariés étrangers sont devenus actionnaires lors de cette
dernière opération. La demande d'actions a été 2,5
fois supérieure à l'offre. A l'issue de ces opérations,
les salariés détenaient 11,8 % du capital de l'entreprise,
contre moins de 2 % en 1997.
- l'ouverture du capital de
Thomson-CSF
en 1998 a permis à
75 % des salariés français, mais aussi à 59 %
des salariés étrangers et à 30 % des anciens
salariés de devenir actionnaires de l'entreprise. La demande de titres a
été supérieure à deux fois l'offre. Au total, les
salariés ont ainsi pu acquérir 2 % du capital de
l'entreprise (avec l'attribution d'actions gratuites).
- chez
France-Télécom
, les deux ouvertures du capital
d'octobre 1997 et de novembre 1998 ont permis aux trois quarts des
salariés du groupe d'acquérir des actions de leur entreprise. Les
salariés détiennent désormais 3,2 % du capital du
groupe et en constituent le second actionnaire après l'Etat.
- le
Seita
a réalisé trois opérations
d'actionnariat salarié depuis 1995 : deux offres de souscription
d'action en 1995 et 1996 au moment de l'ouverture du capital et une
augmentation de capital réservée aux salariés
adhérant au PEE en 1998. A l'issue de ces opérations, plus de
90 % des salariés ont acquis des titres de l'entreprise et en
détiennent désormais 6,5 % du capital.
- l'ouverture du capital de
Renault
en novembre 1994 a permis
à près de 70 % des salariés du groupe de devenir
actionnaires. Ils détiennent au 31 décembre 1998
(après cession des actions gratuites par l'Etat) 3,24 % du capital
de l'entreprise (dont 0,32 % détenu par des salariés
non-résidents).
Mais ce développement de l'actionnariat salarié ne se limite pas
aux seules privatisations. Ainsi, des entreprises privées (ou
anciennement privatisées) ont également mené une politique
d'actionnariat dynamique ces dernières années :
-
Rhône-Poulenc
a lancé quatre augmentations de
capital réservées aux salariés entre 1995 et 1998. Plus de
90 % des salariés de Rhône-Poulenc en France
détiennent des actions de leur entreprise pour un portefeuille moyen de
100.000 francs par personne. Ils représentent 3,3 % du capital. Il
est à noter que ce développement de l'actionnariat salarié
n'est pas seulement lié à la privatisation. Ainsi, plus de
60 % des salariés qui avaient placé dans une banque les
actions acquises lors de la privatisation les ont revendues.
-
Saint-Gobain
a mis en place depuis 1988 un plan d'épargne
groupe (PEG) composé exclusivement d'actions de l'entreprise. Alors que
les salariés ne détenaient que 1 % du capital de
l'entreprise en 1988, ils en détenaient plus de 4,5 % en juin 1999
(et 5,9 % des droits de vote).
-
Vivendi
a mis en place depuis trois ans un plan d'épargne
groupe, prioritairement investi en actions de l'entreprise. En 1999, il a
lancé l'opération " Pégase " permettant une
souscription exceptionnelle d'actions de l'entreprise dans le cadre du PEG. Les
deux tiers des salariés en ont profité pour acquérir des
actions de leur entreprise. La part du capital détenu par les
salariés est passée de 2,4 % à 3,27 % à
l'issue de cette opération.
- depuis sa privatisation en 1994,
Elf-Aquitaine
a
réalisé trois augmentations de capital réservées
aux salariés. Les salariés détiennent aujourd'hui 5 %
du capital de l'entreprise.
Cette tendance ne concerne pas seulement les grandes entreprises. Les PME sont
également parties prenantes, notamment celles de " matière
grise " :
-
Prologue Software
, ancienne filiale à 100 % de Bull,
a ainsi fait l'objet d'un RES en 1991. Après le RES, les salariés
détenaient 40 % du capital et 57 % des droits de vote de la
société holding contrôlant l'entreprise. La sortie du RES
s'est effectuée en 1998 par une introduction au nouveau marché.
Toutefois, afin de maintenir l'actionnariat des salariés, la
société a décidé de créer un FCPE
exclusivement investi en actions de la société. Les
salariés sont actuellement détenteurs de 24,5 % du capital.
-
Genset
, créée en 1989 et première
société de biotechnologie cotée depuis 1996, a 20 %
de son capital détenu par les salariés.
Si l'actionnariat salarié a connu un développement récent,
certaines entreprises pratiquent cependant depuis très longtemps
l'association de leurs salariés à leur capital :
-
Auchan
, société non cotée, a
créé, dès 1977, un FCPE " Valauchan " investi
à 80 % en titres de l'entreprise. L'encours de ce FCPE est
actuellement de 5,2 milliards de francs. 95 % des salariés
(soit 48.000 personnes) sont actuellement porteurs de parts de ce FCPE pour un
patrimoine moyen de 110.000 francs. Ils détiennent, par son
intermédiaire, 14 % du capital de l'entreprise.
-
Pernod-Ricard
a également une longue tradition
d'actionnariat salarié, répondant à la volonté de
son créateur Paul Ricard. Aujourd'hui, chaque filiale du groupe
possède un FCPE essentiellement investi en action du groupe. La
société cherche à développer les FCPE investis en
action de l'entreprise, en menant une politique incitative d'abondement. Le
personnel détient entre 4 et 5 % du capital de l'entreprise.
-
Bouygues
possède également un FCPE investi
très majoritairement en actions de l'entreprise depuis 1970. Par son
intermédiaire, les salariés détiennent 6 % du capital
et 10 % des droits de vote.
b) L'apparition d'expériences innovantes
Cette
dynamique de l'actionnariat salarié est notamment alimentée par
certains facteurs nouveaux qui contribuent à son développement.
•
Les incitations en faveur des FCPE dont l'actif est investi en
actions de l'entreprise
Comme en témoignent les statistiques de la COB, les FCPE dont l'actif
est prioritairement investi en actions de l'entreprise se développent
rapidement.
On observe en effet une réorientation de l'épargne
salariale vers ce type de FCPE, du fait de la politique d'incitation
menée par les entreprises
.
Dans le cadre de leur PEE ou de leur PEG, les entreprises offrent des supports
diversifiés aux salariés pour placer leur épargne
salariale, mais la plupart d'entre elles cherchent à l'orienter vers les
FCPE investis principalement ou totalement en actions de la
société en modulant l'abondement.
Ainsi, certaines entreprises ne pratiquent l'abondement que pour les versements
effectués sur les FCPE investis en actions de l'entreprise : c'est
le cas d'entreprises comme Alcatel, Rhône-Poulenc.
D'autres ont choisi de moduler leur abondement en fonction de l'affectation des
versements des salariés, l'abondement étant plus
élevé pour les versements sur les FCPE investis en actions de
l'entreprise : c'est le cas pour la Seita ou Carrefour.
D'autres enfin n'ont mis en place que des FCPE investis en actions de
l'entreprise (totalement ou principalement) : il s'agit par exemple de
Saint-Gobain, de la Sagem, de Bouygues ou d'Auchan.
•
Les opérations avec " effet de levier " et
" garantie "
Récemment, certaines entreprises, comme France-Télécom,
Vivendi ou Suez-Lyonnaise des Eaux, ont souhaité permettre à
leurs salariés d'investir dans des opérations d'actionnariat
salarié en bénéficiant d'un prêt bancaire
complémentaire sans intérêt.
Cet " effet de levier " ou " effet multiplicateur " permet
d'augmenter l'épargne salariale affectée à la souscription
d'action. Le prêt complémentaire permet de financer une
souscription pour dix fois son montant (cas des opérations
" Spring " de Suez-Lyonnaise des Eaux ou " Pégase "
de Vivendi).
Ce financement s'accompagne le plus souvent d'une garantie de capital ou de
performance. En contrepartie, le banquier se rémunère (prêt
et " garantie ") en conservant une partie de la plus-value
réalisée par l'action, mais supporte l'intégralité
du risque en capital.
Une
opération à " effet de levier " :
l'exemple de l'opération " Pégase " de Vivendi en mars
1999
Le
" Plan d'épargne groupe à souscription exceptionnel "
(PEGASE) mis en place par le groupe Vivendi comprend trois niveaux de
souscription (1.000, 2.000, 4.000 francs), payables de manière
échelonnée et sans frais pendant 20 mois. Cet apport est
aidé par l'entreprise à travers un abondement uniforme de 500
francs. Cette somme initiale (apport du salarié et abondement de
l'entreprise) sert à financer une souscription d'actions pour dix fois
son montant au moyen d'un prêt bancaire sans intérêt.
L'opération proposée aux salariés est sans risque de perte
en capital pour le salarié puisque l'entreprise garantit une
rémunération de 5 % par an de la mise initiale en cas de
baisse ou de stabilité du titre. Si l'action a dépassé
cette rémunération, la plus-value réalisée au bout
de cinq ans est partagée entre le salarié actionnaire (60 %)
et la banque conseil qui assure la prise en charge du risque (40 %).
Dans son rapport 1998, la COB observe que, dans le cadre d'une opération
à effet de levier ou non,
" les FCPE assortis d'une garantie de
capital et/ou de performance ou d'une protection du capital sont de plus en
plus nombreux et sophistiqués ".
Ces " garanties " peuvent d'ailleurs être dissociées des
opérations à effet de levier. Ainsi, Carrefour a mis en place un
FCPE composé exclusivement d'actions Carrefour, avec garantie de capital
à l'issue du blocage de 5 ans. Les possibilités de souscription
dans ce fonds sont néanmoins limitées, la direction
décidant de l'ouverture de fenêtres de souscription.
•
L'épargne salariale à long terme, investie
notamment en titres de l'entreprise, progresse.
Face aux sombres perspectives du système français de
retraite
12(
*
)
, de nombreux salariés ont
estimé que l'épargne salariale pouvait permettre de se constituer
un capital, susceptible d'être, à partir de la retraite,
utilisé comme complément de retraite. Pour répondre
à cette demande,
plusieurs entreprises ont mis en place des plans
d'épargne entreprise à long terme
. La COB
13(
*
)
observe à ce propos que
" les
entreprises sont de plus en plus nombreuses à recourir aux
mécanismes de l'épargne salariale et à donner la
possibilité aux salariés de transformer celle-ci en
épargne longue. Ainsi, des gammes de " FCPE retraite "
ont-elles été proposées aux salariés de nombreuses
entreprises, dans le cadre de plans d'épargne d'entreprise à long
terme, comportant une durée de blocage des avoirs pouvant aller
jusqu'à 30 ans ".
Parmi ces entreprises, on peut citer Usinor, PSA Peugeot-Citroën, la
Sagem, Rhône-Poulenc ou Saint-Gobain.
-
Usinor
a ainsi mis en place, à la suite d'un accord
paritaire en 1988, un FCPE bloqué 10 ans afin de permettre aux
salariés de se constituer, à titre individuel, un
complément de retraite. Ce FCPE est le seul dont les versements du
salarié soient abondés par l'entreprise. Environ 5.000
salariés effectuent des versements réguliers sur ce FCPE.
-
Saint-Gobain
a scindé, en 1997, le FCPE gérant les
avoirs du PEG en deux FCPE. L'un de ces FCPE est un plan à 10 ans qui a
pour objectif de permettre aux salariés qui le souhaitent de se
constituer une épargne à long terme notamment en vue du
départ à la retraite. Les versements sur ce FCPE sont plus
fortement abondés par l'entreprise que ceux sur le FCPE à
5 ans.
-
PSA
a créé en 1999 un plan d'épargne
à long terme d'une durée de 40 ans. L'abondement de l'entreprise
est de 50 % dans la limite de 15.000 francs par salarié, abondement
plus élevé que celui prévu dans le cadre du PEE
préexistant : 3.500 salariés (sur 90.000) ont
adhéré à ce plan d'épargne à long terme.
Or, le développement de l'épargne salariale à long terme
n'est pas sans effet sur celui de l'actionnariat salarié car cette
épargne est en partie investie en titres de l'entreprise.
La
Sagem
a créé un FCPE " long terme " d'une
durée de blocage de 8 à 10 ans, ce fonds étant
majoritairement investi en actions de l'entreprise.
En 1997,
Rhône-Poulenc
a créé, parallèlement
au PEE existant et par voie d'accord collectif, un plan d'épargne long
terme composé de fonds diversifiés avec un blocage de 8 ans. Les
versements du salarié sont abondés par l'entreprise, l'abondement
étant obligatoirement investi pendant 5 ans en actions de l'entreprise.
•
Les plans d'options sur actions commencent à se
" démocratiser ".
Selon une récente enquête de la DARES
14(
*
)
, la moitié des entreprises cotées en
bourse utilisent des stock-options.
Mais ce développement des stock-options témoigne également
de l'amorce d'un mouvement de généralisation. Traditionnellement
réservées aux cadres dirigeants et aux cadres, elles ne
répondaient qu'imparfaitement à la logique participative de
l'actionnariat salarié qui suppose que l'ensemble du personnel ait la
possibilité de devenir actionnaire de son entreprise.
Cette
conception élitiste tend à s'estomper
:
désormais, comme l'observe la DARES, "
15 % des entreprises
attribuent des actions à tout leur personnel
"
et
" cette pratique semble se diffuser dans les services ".
Les stock-options semblent en effet devenir un moyen d'attirer et de
fidéliser les salariés. Plus encore, dans les entreprises de
croissance, elles sont un instrument de la politique salariale : ces
entreprises étant jeunes et ne réalisant bien souvent qu'un
faible résultat, elles ne peuvent offrir à leurs salariés
un salaire équivalent à celui du marché. Aussi, elles leur
attribuent des stock-options qui peuvent être conçus à la
fois comme un salaire différé et une rémunération
du risque.
Dès lors, cette nouvelle politique d'attribution des stock-options
permettrait sinon de raffermir l'actionnariat salarié, du moins de faire
progresser l'actionnariat salarié latent.
2. Une réponse à des aspirations convergentes
Si
l'actionnariat salarié a récemment changé de dimension, il
a également changé de nature. De sujet conflictuel, il est devenu
un thème fédérateur, à défaut d'être
encore consensuel.
L'actionnariat salarié répond aujourd'hui aux aspirations
convergentes des entreprises et des salariés.
a) Les motivations de l'entreprise
L'enquête Altédia précitée réalisée auprès d'un échantillon de sociétés cotées a cherché à évaluer les motivations incitant les entreprises à développer l'actionnariat.
Les
arguments avancés par les entreprises
en faveur de l'actionnariat des
salariés
Source : Enquête Altédia, avec la collaboration de la COB, juin 1999
L'actionnariat salarié semble répondre, pour
l'entreprise, à toute une série de justifications. Plus
synthétiquement, on peut identifier quatre motivations majeures.
L'actionnariat salarié constitue d'abord un
facteur de
cohésion sociale à l'intérieur de l'entreprise.
Le
salarié étant associé au capital de l'entreprise, il
s'implique plus dans la vie et dans l'avenir de celle-ci. En outre, en devant
actionnaire, le salarié acquiert une culture économique et
financière qui lui permet de mieux cerner les contraintes d'une
entreprise et de mieux comprendre ses décisions. Dans le cas de
sociétés très internationalisées ou ayant
différents métiers, la gestion décentralisée tend
à limiter l'émergence d'une identité de groupe, dans
laquelle se reconnaîtraient tous les salariés. Dans un tel cas,
l'actionnariat peut servir d'élément fédérateur.
L'actionnariat salarié constitue également un
facteur de
redistribution de la richesse créée
. Il s'inscrit là
pleinement dans la logique de participation-association du salarié
à la croissance de l'entreprise. Or, actuellement, la richesse
créée par l'entreprise bénéficie moins au
salarié (par le salaire) ou à l'entreprise elle-même (par
ses résultats) qu'à l'actionnaire. Ainsi, en 1998, le
" salarie horaire de base ouvrier " (SHBO) a augmenté de
1,9 % tandis que l'indice CAC 40 progressait de 31,5 %. Le
développement de l'actionnariat est donc le moyen de repositionner la
politique participative en fonction de l'évolution du mouvement de
" création de valeur ".
L'actionnariat salarié apparaît aussi comme un
complément de la politique salariale
. Les contraintes de
compétitivité imposent aux entreprises une stricte maîtrise
des coûts. Les politiques salariales sont donc plus rigoureuses. Dans ce
contexte, l'actionnariat salarié -tout comme les autres systèmes
de participation financière- permet de compenser en partie la faible
évolution des salaires, en assurant au salarié un " salaire
différé ". Il permet d'augmenter le revenu des
salariés sans alourdir la masse salariale, ni menacer la
compétitivité.
Enfin, l'actionnariat salarié joue un rôle financier
considérable en permettant de
contribuer à la stabilité
du capital de l'entreprise
. Au moment où l'arrivée massive
d'investisseurs étrangers rend le capital des entreprises
françaises plus volatile, l'actionnariat salarié peut permettre
de lui assurer une plus grande stabilité.
A fortiori
, il peut même apparaître comme une forme de
garantie face aux menaces d'offres publiques d'achat (OPA) ou d'offres
publiques d'échange (OPE) dont peuvent faire l'objet des entreprises au
capital dispersé. L'exemple récent de l'échec de l'OPE de
la BNP sur la Société Générale témoigne de
l'importance que peuvent acquérir les actionnaires salariés dans
un tel contexte : premiers actionnaires de leur entreprise avec 8,6 %
du capital de leur entreprise, les salariés de la Société
Générale se sont massivement opposés à l'offre de
la BNP. Les actionnaires salariés ont donc une influence non
négligeable sur les réactions des opérateurs de
marché.
En outre, un fort pourcentage d'actionnariat salarié est
désormais un signal positif pour les marchés : il
témoigne de la confiance qu'inspire une entreprise à ses
salariés.
b) Les aspirations des salariés
L'enquête de l'institut Ipsos Opinion précitée, réalisée en juin 1999 auprès d'un échantillon de salariés, présente les motivations qui incitent ou inciteraient les salariés à devenir actionnaires de leur entreprise. Ceux-ci considèrent en effet très majoritairement que le développement de l'actionnariat est une bonne chose pour l'entreprise (80 %) et pour les salariés (81 %).
Les arguments des salariés en faveur de l'actionnariat salarié
Pour quelles raisons êtes-vous devenu actionnaire ? |
|
Pourquoi seriez-vous intéressé à devenir actionnaire de votre entreprise ? |
|
Source : Ipsos Opinion
Cette
enquête permet de mettre en évidence les deux motivations
principales des salariés :
- il s'agit d'un placement attractif
- il permet de mieux les associer à la marche de leur entreprise.
L'actionnariat salarié constitue à l'évidence un placement
attractif pour le salarié.
D'une part, il bénéficie de
conditions très favorables
pour investir son épargne en actions françaises,
avec pour
seule contrepartie un blocage minimal de 5 ans (sauf déblocage
anticipé). Il peut en effet acquérir des actions avec :
- une décote sur le prix d'acquisition (20 % pour les
privatisations ou les augmentations de capital dans le cadre d'un PEE,
10 % dans le cadre des plans d'actionnariat de 1973) ;
- la possibilité d'attribution d'actions gratuites
(privatisations) ;
- un abondement éventuel de l'employeur (plafonné à
22.500 francs par an) ;
- des délais de paiement ;
- l'absence de frais de gestion du portefeuille (qui restent à la
charge de l'entreprise dans les PEE) ;
- une fiscalité avantageuse (le produit de l'intéressement
et de la participation versée sur le PEE pour souscrire des actions est
exonéré d'impôt sur le revenu, comme l'abondement, les
plus-values et les revenus réinvestis dans le PEE sont
exonérés d'impôts).
- éventuellement des prêts bancaires sans
intérêt et une garantie de capital ou de performance pour les
opérations à " effet de levier ".
D'autre part, les
FCPE investis en actions connaissent un rendement
élevé
, supérieur au montant des autres formes de
placement de l'épargne salariale et a fortiori au rendement de
l'épargne administrée. Ainsi, de 1993 à 1998, le rendement
annuel actuariel moyen d'un FCPE " actions " dépassait 12 %.
Performance des FCPE au 30 décembre 1998
|
1 an |
5 ans |
||||
FCPE |
Rendement (en %) |
Encours (en MF) |
Nombre |
Rendement annuel actuariel |
Encours (en MF) |
Nombre |
Actions |
20,69 |
4.884 |
55 |
12,20 |
2.865 |
33 |
Diversifiés à dominante action |
19,33 |
21.434 |
277 |
11,02 |
15.224 |
161 |
Diversifiés sans dominante |
16,23 |
13.052 |
117 |
10,36 |
11.845 |
89 |
Diversifiés à dominante obligation |
13,56 |
7.322 |
118 |
9,32 |
4.197 |
72 |
Obligations |
9,63 |
16.263 |
109 |
6,94 |
10.096 |
45 |
Total |
|
62.755 |
676 |
|
44.227 |
400 |
Source : AFG-ASFFI/EuroPerformance
L'actionnariat salarié permet donc de réaliser des placements
à moindre coût et à performance très
compétitive même s'ils conservent une part de risque. Dans ces
conditions, il n'est pas étonnant que l'on observe une
fidélisation croissante de l'épargne salariale et notamment de
celle investie en actions de l'entreprise. L'Association française pour
la gestion financière (AFG-ASFFI) évalue l'encours disponible des
FCPE (c'est-à-dire au-delà de la période de blocage de 5
ans) à 40 % de l'encours total, l'encours disponible progressant
régulièrement.
Mais, au-delà du simple intérêt de l'épargnant,
l'actionnariat salarié permet au salarié d'être mieux
associer à la marche de son entreprise
. L'actionnariat permet en
effet au salarié d'échapper à la logique conflictuelle qui
caractérise encore très largement la relation entre employeur et
employé et que la négociation collective et les institutions de
représentation du personnel ont pour vocation à encadrer.
L'actionnariat permet de modifier le statut du salarié : il
s'engage dans une démarche de reconnaissance qui fait de lui un
partenaire et non plus un simple " instrument ".
Cette association peut prendre plusieurs formes.
Elle concerne d'abord
l'information du salarié
. Les entreprises
ayant un fort pourcentage d'actionnariat salarié pratiquent le plus
souvent une communication particulière et approfondie auprès de
leurs salariés actionnaires.
Cette information spécifique se fait aussi bien par l'organisation de
réunions, l'accès au réseau intranet de l'entreprise, la
distribution de périodiques d'information (de type " lettre aux
actionnaires "), l'existence d'un service d'information
réservé, la communication des rapports annuels... A cette
information venant de l'entreprise s'ajoutent celles venant du gestionnaire des
FCPE et du dépositaire des titres.
L'information des salariés actionnaires :
l'exemple de la Société Générale
Elle
prend plusieurs formes :
- le service d'information interne à l'entreprise (Intranet),
disponible dans le réseau et les services centraux, comporte :
• des informations complètes et actualisées chaque jour
sur le cours ;
• le point de vue des analystes sur notre titre ;
• les données boursières ;
• le dividende ;
• l'agenda de l'actionnaire ;
• les publications disponibles ;
• les informations pratiques sur le FCP, le PEE ;
• les valeurs de part des 4 FCP actualisées à chaque
décade.
- Une fiche sur le cours de l'action est diffusée dans l'ensemble
du réseau et des services centraux ;
- une fiche sur le prix de la valeur de la part des fonds est
diffusée chaque mois ;
- un rapport de gestion simplifié sur l'ensemble des FCP du PEE est
distribué à chaque salarié et aux retraités
porteurs de parts ;
- une information complète lors des augmentations de capital
réservées est dispensée pendant la période de
souscription ;
- les relevés de comptes de l'épargne salariale
précisent l'équivalent actions des avoirs détenus ;
- le service d'information automatisée (serveur vocal) ESALIA
permet aux salariés, 7 jours/7 et 24 h/24 d'entrer en relation par
téléphone avec un serveur vocal pour consulter les valeurs de
part du fonds, les avoirs ainsi que les modalités de demandes de
remboursement anticipé.
Au-delà de la simple information, le salarié actionnaire peut
également accéder à une
meilleure expression dans
l'entreprise
. Cela peut prendre bien sûr la forme de la prise de
parole dans les assemblées générales. Mais cette
expression se concrétise souvent par la création d'associations
d'actionnaires salariés.
Ces associations, qui sont essentiellement nées dans les
sociétés privatisées à partir de 1986, se sont
donné pour mission d'informer et de représenter les
salariés actionnaires. Une partie d'entre elles se sont
regroupées dans la fédération française des
associations d'actionnaires salariés et anciens salariés (FAS)
qui regroupe 15 associations de ce type. Ces associations interviennent le plus
souvent de quatre manières : elles éditent une lettre
d'information à l'attention des salariés actionnaires, organisent
des réunions d'information, interviennent lors des assemblées
générales et reçoivent des délégations pour
le vote des résolutions.
Enfin, l'actionnaire salarié peut exercer une
fonction de
décision
. En tant qu'actionnaire, il dispose d'un droit de vote aux
assemblées générales qu'il exerce directement ou par
l'intermédiaire du conseil de surveillance du FCPE. En outre, cette
fonction de décision peut également s'exercer au conseil
d'administration ou au conseil de surveillance de la société.
La loi du 25 juillet 1994 prévoit en effet que, lorsque les
salariés possèdent plus de 5 % du capital social de l'entreprise,
une assemblée générale extraordinaire doit être
convoquée pour se prononcer sur l'introduction dans les statuts
prévoyant qu'un ou deux administrateurs (ou membres du conseil de
surveillance) doivent être nommés parmi les salariés
actionnaires ou, le cas échéant, parmi les salariés
membres du conseil de surveillance d'un FCPE détenant des actions de
l'entreprise. En cas de rejet de la modification proposée, les
actionnaires devront alors être consultés à nouveau dans un
délai de cinq ans (
art. 93-1 et 129-2 de la loi du 24 juillet 1966
sur les sociétés commerciales
).
Devenir actionnaire permet donc au salarié d'obtenir un nouveau statut
dans l'entreprise. C'est sans doute pourquoi les salariés sont attentifs
à l'actionnariat salarié.
B. UNE RÉALITÉ MULTIPLE AUX IMPLICATIONS PROFONDES
Le développement actuel de l'actionnariat salarié n'est pas un mouvement uniforme. Il correspond au contraire à une réalité aux multiples visages dont les implications sont encore loin d'être totalement identifiées.
1. Les vecteurs de l'actionnariat salarié
La réglementation actuelle, relativement souple et fortement incitative, offre de nombreuses possibilités aux entreprises pour développer l'actionnariat salarié. Les choix retenus correspondent dès lors au contexte propre de chaque entreprise.
a) Les différentes solutions envisageables
La
première partie de ce rapport a examiné, dans une perspective
historique, les différents dispositifs spécifiques mis en place
par le législateur en faveur de l'actionnariat salarié. A ces
formules spécifiques, s'ajoutent les dispositifs de droit commun
grâce auxquels les salariés peuvent devenir actionnaires de leur
entreprise.
Quatre possibilités leur sont, aujourd'hui, ouvertes :
- souscrire aux augmentations de capital réservées aux
salariés ;
- acquérir en bourse des actions de l'entreprise ;
- recevoir des options de souscription ou d'achat d'actions ;
- participer à une privatisation.
A ces quatre possibilités, correspondent des régimes distincts
qui peuvent être soit spécifiques aux salariés, soit de
droit commun.
Les régimes spécifiques actuellement en vigueur sont les
suivants :
- l'affectation directe de la réserve spéciale de
participation à l'achat ou à la souscription d'actions de
l'entreprise.
Prévu par l'ordonnance du 17 août 1967, reprise par
l'ordonnance du 21 octobre 1986, ce régime est actuellement
codifié à l'article L. 442-5 du code du travail. Dans le cadre de
la participation aux résultats, l'accord de participation peut
prévoir l'attribution directe d'actions aux salariés. Ces actions
proviennent alors d'une incorporation de réserves ou d'un rachat en
bourse. Les salariés, qui ne bénéficient pas de
décote sur le prix de souscription ou d'achat, peuvent exercer tous les
droits attachés aux titres pendant la période
d'indisponibilité.
-
les " plans d'actionnariat " issus de la loi du 27
décembre 1973
sont régis par les
articles 208-9 à
208-19 de la
loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les
sociétés commerciales
.
Même peu pratiqués, ces " plans d'actionnariat " restent
actuellement en vigueur.
Les " plans d'actionnariat " prévus par la loi du 27 décembre 1973
Seules
les sociétés qui ont distribué au moins deux dividendes
lors des trois derniers exercices peuvent proposer la souscription ou l'achat
d'actions à l'ensemble de leurs salariés ainsi qu'à ceux
de leur groupe. L'offre doit nécessairement concerner l'ensemble des
salariés.
1. Procédure de souscription (augmentation de capital)
C'est l'assemblée générale extraordinaire qui peut
décider d'émettre des actions réservées aux
salariés. Elle fixe le montant de l'augmentation de capital (20 %
au plus) et le prix de souscription des actions qui ne peut être ni
supérieur, ni inférieur à 90 % au cours moyen des 20
dernières séances de bourse (décote de 10 % ou plus).
L'entreprise peut compléter les versements du salarié par un
abondement qui ne peut être supérieur ni au versement du
salarié, ni à 3.000 francs. Un délai de paiement peut
également être accordé.
2. Procédure d'achat (achat en bourse d'actions de la
société)
Cette procédure n'est ouverte qu'aux sociétés
cotées en bourse. C'est l'assemblée générale
ordinaire qui est compétente pour autoriser le conseil d'administration
ou le directoire à procéder à cette opération.
Un " compte d'actionnariat " est ouvert pour chaque salarié
bénéficiaire alimenté par des prélèvements
sur le salaire et éventuellement un abondement de la
société (mêmes conditions que pour les souscriptions).
3. Droits et devoirs du salarié
La société doit informer personnellement tous les
salariés, en leur remettant un bulletin d'information et de
souscription. Le comité d'entreprise ou les
délégués du personnel doivent être informés
des modalités de l'opération.
Le salarié, sous condition d'ancienneté, peut souscrire ou
acheter les actions soit individuellement, soit par l'intermédiaire d'un
FCPE propre à l'entreprise. Ces actions, obligatoirement nominatives,
sont incessibles avant l'expiration d'un délai de 5 ans, sauf cas
particulier (mariage, licenciement, mise à la retraite,
invalidité, congé pour création d'entreprise,
décès du bénéficiaire ou de son conjoint).
4. Régime fiscal et social
Pour le salarié, les versements, la décote ou l'abondement sont
exonérés d'impôt sur le revenu dans la limite annuelle de
3.000 francs. Les plus-values sont exonérées d'impôt
mais restent soumises à la CSG et à la CRDS.
Pour l'entreprise, l'abondement est déductible des
bénéfices imposables et n'est pas soumis à cotisations
sociales.
-
les dons manuels d'actions, prévus par la loi de finances pour
1977
, visent à favoriser la transmission de l'entreprise aux
salariés. Un abattement de 100.000 francs par salarié est
autorisé pour le calcul des droits de mutations à titre gratuit
exigible sur les donations de titres à tout ou partie du personnel d'une
entreprise. L'octroi de cet abattement est subordonné à un
agrément du ministère de l'économie et des finances qui
vérifie que la donation a été consentie à
l'ensemble des salariés de l'entreprise, sans distorsion susceptible de
faire disparaître le caractère social de l'opération. Cette
disposition est désormais codifiée à
l'article 790 A du code général des impôts
.
- les
Plans d'épargne entreprise
(ou plans d'épargne
groupe) sont régis par les articles L. 443-1 à L. 443-9
du code du travail. Ils peuvent servir de support de l'actionnariat
salarié dans trois circonstances :
• acquisition de titre émis par l'entreprise lors d'une
augmentation de capital réservée aux salariés
adhérant au PEE (
art. L. 443-5 du code du travail
) ;
• placement des fonds issus de l'épargne salariale et
recueillis par le PEE dans l'acquisition d'actions de l'entreprise, soit
directement, soit par l'intermédiaire d'un FCPE ;
• placement des actions acquises lors d'une privatisation sur un PEE.
-
les plans d'options sur actions
peuvent permettre la mise en
place d'un actionnariat salarié à la condition que les
salariés bénéficiaires conservent les titres à la
levée de l'option.
Le fonctionnement des plans d'options sur actions
Les
plans d'options sur actions concernent toutes les entreprises par actions
qu'elles soient ou non cotées. Il offre la possibilité (ou
option) à tout ou partie du personnel de l'entreprise d'acquérir
un nombre précis de ses actions, à un prix fixé à
l'avance pour une période déterminée. Le prix
défini peut être inférieur au cours de l'action :
cette différence s'appelle un rabais ou une décote. Elle est
soumise aux cotisations de sécurité sociale lorsqu'elle
excède 5 % du cours officiel de l'action. Dans le cas d'une offre
de souscription, les options sont offertes à l'occasion des
augmentations de capital. Dans le cas d'une offre d'achat, l'article 17 de la
loi sur l'épargne du 17 juin 1987 autorise alors les
sociétés à racheter préalablement leurs propres
actions pour consentir aux salariés le droit de les acquérir.
Le bénéficiaire de l'offre (salarié ou mandataire de
l'entreprise, de ses filiales ou de la maison mère) peut acheter les
actions offertes dès que la période éventuelle
d'interdiction de levée des options est achevée et que le prix de
l'action dépasse son prix d'attribution -il lève son option-
(dans une offre de souscription, les titres ne sont émis qu'au fur et
à mesure des levées d'options). Il réalise alors une
plus-value potentielle dite " d'acquisition " (ce gain ne sera
effectif qu'à la vente des actions).
A partir de ce moment, si aucune clause du plan ne l'en empêche, le
bénéficiaire est libre de vendre ses actions. Il peut alors
réaliser une plus-value de cession, correspondant à la
différence de cours entre le moment où il a acquis ses actions et
le moment où il les vend. Si cette vente intervient au moins cinq ans
après la date d'attribution de l'action, les gains
réalisés sont imposés sous le régime des
plus-values de valeurs mobilières, sinon une partie (la plus-value
d'acquisition) est considérée comme du salaire et soumis comme
tel à l'impôt sur le revenu, fiscalement plus lourd.
Source : DARES
- les privatisations , en application de la loi du 6 août 1986 sur les modalités des privatisations, permettent également la constitution d'un actionnariat salarié.
Privatisation et actionnariat salarié
(loi n° 86-912 du 6 août 1986, modifiée par la loi
n° 93-923 du 19 juillet 1993)
Lors
d'une privatisation -totale ou partielle- avec mise sur le marché,
10 % des titres cédés par l'Etat doivent être
prioritairement réservés aux salariés
et anciens
salariés (à condition que ces derniers justifient d'un contrat de
travail d'une durée d'au moins 5 ans) de l'entreprise et de ses
filiales. Si la demande des salariés excède ces 10 %, le
nombre des titres attribués à chaque salarié est
réduit en fonction des demandes.
Les salariés intéressés peuvent participer soit
directement, soit par l'intermédiaire d'un FCPE. Le salarié ne
peut acquérir des actions que pour un montant inférieur à
cinq fois le plafond annuel de la sécurité sociale.
Les salariés peuvent bénéficier d'un
rabais de
20 %
au maximum par rapport au prix le plus bas proposé au
même moment aux autres souscripteurs de l'opération. Si un rabais
est consenti, les titres ainsi acquis ne peuvent être cédés
avant un délai de deux ans.
L'Etat peut accorder des
délais de paiement
aux salariés,
ces délais de paiement ne pouvant excéder deux ans. En revanche,
l'entreprise peut proposer un délai supplémentaire. Les actions
ne peuvent être cédées avant leur paiement intégral.
Le salarié peut bénéficier
d'actions gratuites
(une
action gratuite pour une détenue au maximum) s'il conserve les actions
au moins un an après la date à laquelle elles sont devenues
cessibles.
Si les actions sont affectées à un PEE, le salarié peut
bénéficier d'un abondement de l'entreprise, d'une prise en charge
des frais de gestion du portefeuille et des droits de garde. Dans ce cas, la
fiscalité applicable aux actions est celle applicable au PEE.
Outre ces régimes spécifiques, le salarié peut
acquérir des actions de son entreprise selon des
procédures de
droit commun
. Dans ce cadre, il n'existe aucun avantage particulier pour le
salarié. Il peut s'agir par exemple de :
- l'acquisition d'actions directement sur le marché ;
- la cession directe d'actions, l'entreprise cédant directement des
actions à des salariés sous le régime fiscal de droit
commun ;
- la souscription directe d'actions, des bons de souscription d'actions
étant émis au profit des salariés qui auront alors le
droit d'acheter ultérieurement des actions de leur entreprise à
un prix fixé au départ ;
- l'émission d'obligations convertibles en actions au profit des
salariés, ceux-ci pouvant alors choisir de convertir les obligations
ainsi acquises en actions de l'entreprise.
b) Les leçons de l'expérience
En
dépit de la multiplicité des formules envisageables, les
opérations d'actionnariat se font actuellement soit par le biais des
privatisations (
France Télécom, Air-France, Crédit
Lyonnais
), soit dans le cadre du PEE qu'il s'agisse d'une augmentation de
capital réservée aux salariés ou de l'acquisition
d'actions (
exemple des opérations " Spring " chez
Suez-Lyonnaise des Eaux ou " Pégase " chez Vivendi
). Un
tel choix apparaît somme toute fort logique dans la mesure où ces
deux supports sont les plus incitatifs pour les salariés et sont donc
les plus susceptibles de garantir le succès de l'opération.
Pour autant, le choix d'un support identique n'implique pas
nécessairement ni les mêmes opérations, ni les mêmes
résultats.
L'expérience récente des opérations
d'actionnariat montre qu'à partir d'un même support les
opérations montées peuvent être nettement distinctes.
En réalité, la nature et l'avenir d'une opération
d'actionnariat salarié dépendent d'un certain nombre
d'orientations stratégiques qui conditionnent la forme de
l'opération. L'entreprise étant maître d'oeuvre de
l'opération, c'est elle qui définit les modalités de mise
en oeuvre de ces orientations.
Les choix possibles sont les suivants :
- la place de la négociation
L'entreprise peut décider et mettre en oeuvre unilatéralement une
opération d'actionnariat salarié. Mais elle peut également
choisir -et c'est souhaitable- d'associer les représentants du personnel
à cette opération. Il reste en effet une place pour la
négociation collective que ce soit pour le montage de l'opération
(mise en place du PEE par accord, association des salariés à la
rédaction de son règlement) ou pour la représentation des
salariés actionnaires (modalités de désignation des
membres du conseil de surveillance des FCPE). En tout état de cause, la
place de la négociation dépendra du climat social et des
pratiques traditionnelles de l'entreprise.
- le champ de l'opération
L'entreprise doit d'abord décider si l'opération concerne ses
salariés ou aussi ceux de ses filiales. Elle doit aussi savoir si elle
souhaite limiter l'opération à la France ou l'étendre aux
pays étrangers. Ces décisions ne sont bien évidemment pas
sans répercussion sur la cohésion interne du groupe.
- la nature de l'aide
L'entreprise peut aider à la constitution de l'actionnariat
salarié, notamment grâce à la décote ou à
l'abondement : il lui appartient donc de décider si
l'opération sera aidée (ce qui la rendra plus attractive, mais
aussi plus coûteuse) ou non. De plus, si l'opération est
aidée, l'entreprise devra déterminer la forme de l'aide :
abondement ou décote. L'abondement est plus coûteux (il supporte
la CSG et la CRDS), mais la décote diminue artificiellement la valeur de
l'action et majore donc artificiellement la plus-value. La pratique actuelle
tend de plus en plus à privilégier l'abondement au
détriment de la décote.
- la stabilité de l'actionnariat
L'entreprise peut moduler son aide en fonction de la durée minimale de
détention des actions.
- l'exposition au risque
L'actionnariat, même salarié, est par essence risqué. Mais
l'entreprise peut minimiser ce risque pour les salariés en proposant,
avec l'aide de banques, des garanties de capital et de performance ou en
assortissant l'opération d'une aide importante. Toutefois, dans ce cas,
l'opération perd de son caractère
" pédagogique " (initier le salarié aux marchés
financiers et au risque entrepreneurial) et risque, en cas de fortes
plus-values, d'entraîner le mécontentement des salariés
actionnaires dont une partie de la plus-value ira à la banque assurant
la garantie.
- l'investissement financier du salarié
L'entreprise peut chercher à l'optimiser en proposant des
opérations à " effet de levier ".
- la forme de la gestion
Elle peut être individuelle ou collective (par l'intermédiaire des
PEE).
- la représentation des actionnaires salariés
La question de la représentation se pose d'abord pour le conseil de
surveillance du FCPE. Il peut être paritaire (moitié de
représentants d'actionnaires salariés et moitié de
représentants de l'entreprise) ou totalement composé des
représentants des salariés actionnaires. Des solutions
intermédiaires sont également envisageables. Mais il s'agit aussi
de savoir comment sont désignés les représentants des
actionnaires salariés au conseil de surveillance. Ils peuvent être
élus par l'ensemble des salariés ou par les seuls porteurs de
parts. Ils peuvent également être désignés par le
comité d'entreprise ou les syndicats représentatifs. La question
de la désignation du président du conseil de surveillance doit
également être tranchée.
Mais la représentation touche aussi à l'exercice des droits de
vote. Selon la nature du FCPE, ils peuvent être exercés
individuellement par les salariés ou collectivement par le conseil de
surveillance.
La question de la représentation implique enfin de décider si des
représentants des salariés actionnaires doivent siéger au
conseil d'administration ou au conseil de surveillance de l'entreprise et avec
quels pouvoirs.
- le degré d'association des actionnaires salariés
Au-delà de la représentation institutionnelle, l'entreprise doit
décider comment associer les salariés actionnaires à la
vie de leur entreprise. Cela suppose une information spécifique des
salariés actionnaires, mais dans le respect de l'égalité
de traitement entre actionnaires. Cela peut également impliquer une
formation économique et financière spécifique pour leurs
représentants au conseil de surveillance du FCPE.
L'entreprise doit également se demander si elle doit inciter et
favoriser la mise en place d'associations d'actionnaires salariés. Dans
l'affirmative, il lui faut alors s'interroger sur leur positionnement par
rapport aux représentants du personnel.
Ces différentes orientations soulignent à la fois la
diversité et la complexité du développement de
l'actionnariat salarié. Mais elles témoignent également
des implications que peut avoir son développement non seulement sur les
relations sociales dans l'entreprise, mais encore hors de
l'entreprise.
2. Les implications de l'actionnariat salarié
Mouvement récent, l'actionnariat salarié n'est
pas
pour autant un mouvement neutre. S'il est encore trop tôt pour
évaluer l'ampleur des changements qu'il provoque, il n'en reste pas
moins évident, comme l'avait prédit le Général de
Gaulle, que ses implications sont et seront considérables tant dans
l'entreprise que pour notre pays. Deux grandes tendances semblent d'ores et
déjà se dégager :
- une évolution des relations sociales dans l'entreprise,
- un moyen de résoudre certaines contradictions de
l'économie et de la société française.
a) Une évolution des relations sociales dans l'entreprise
Le
Général de Gaulle dressait un constat assez sombre des relations
sociales dans l'entreprise et, au-delà, dans la société
toute entière :
" Cependant, depuis longtemps, je suis
convaincu qu'il manque à la société mécanique
moderne un ressort humain qui assure son équilibre. Le système
social qui relègue le travailleur -fût-il convenablement
rémunéré- au rang d'instrument et d'engrenage est, suivant
moi, en contradiction avec la nature de notre espèce, voire avec
l'esprit d'un saine productivité ".
15(
*
)
C'est pour sortir de cette contradiction qu'il avait proposé
d'expérimenter une " troisième voie ", celle de la
participation.
" Il y a une troisième solution : c'est la
participation qui, elle, change la condition de l'homme au milieu de la
civilisation moderne. Dès lors que les gens se mettent ensemble pour une
oeuvre économique commune, par exemple pour faire marcher une industrie,
en apportant soit les capitaux nécessaires, soit la capacité de
direction, de gestion et de technique, soit le travail, il s'agit que tous
forment ensemble une société, une société où
tous aient intérêt à son rendement et à son bon
fonctionnement, et un intérêt direct.
16(
*
)
"
Or, c'est cette transformation des rapports sociaux qui est en train de se
produire avec le développement de l'actionnariat salarié.
En devenant actionnaire, le salarié n'est plus seulement employé
de son entreprise, il est aussi associé. Renaud Sainsaulieu, sociologue
de l'entreprise
17(
*
)
, observe ainsi que
" la question de l'actionnariat salarié se greffe sur
l'émergence d'une nouvelle forme d'identité au travail dans les
entreprises françaises : le " salarié
entrepreneur ", sensible à la performance "
.
Ce nouveau statut entraîne un changement des relations avec l'entreprise.
L'association formelle issue du partage des risques débouche sur une
association réelle, fondée sur l'émergence de nouveaux
rapports sociaux dans le travail, moins hiérarchiques et moins
conflictuels.
Mieux informé sur la marche de son entreprise,
disposant d'une capacité d'expression accrue, associé aux
décisions de l'entreprise (par son vote aux assemblées
générales ou par la présence éventuelle d'un
représentant des salariés actionnaires au conseil
d'administration ou au conseil de surveillance de la société),
l'actionnaire salarié quitte sa position de sujétion
traditionnelle pour devenir un partenaire.
Robert Boyer
18(
*
)
, directeur de recherche au
CNRS, estime ainsi que
" l'actionnariat salarié bouleverse,
à terme, le droit du travail. Avec la diffusion de l'actionnariat
à une fraction plus large des salariés, ces derniers assument une
part de risque propre à l'entreprise. La logique voudrait qu'ils
obtiennent une part croissante du pouvoir. Le lien de subordination serait
ainsi recomposé, si ce n'est abandonné "
.
Cette transformation des rapports sociaux pourrait n'être que largement
virtuelle.
La réalisation effective de cette transformation suppose
en effet que les actionnaires salariés s'organisent, dans une
démarche collective. C'est à cette condition seulement que les
relations sociales évolueront dans l'entreprise vers un réel
partenariat
.
Votre rapporteur observe cependant une amélioration récente. Une
étude de la DARES montre que plus des deux tiers (73 %) des
entreprises privées, dont 5 % au moins du capital est détenu
par les salariés, comptent un administrateur représentant les
actionnaires salariés. L'essor des associations et le rôle des
conseils de surveillance des FCPE permettent de plus en plus un exercice
collectif et organisé du droit de vote.
b) L'accompagnement des mutations de l'économie française
Le
Général de Gaulle considérait l'association
capital-travail comme une nécessité au moment de la
reconstruction. Mais, si le contexte économique et social a
évolué, cette association reste plus que jamais une
nécessité dans ce mouvement de transformation du système
capitaliste libéral qui se dessine aujourd'hui.
Michel Aglietta, dans une étude récente
19(
*
)
, estime ainsi que nous sommes entrés dans un
nouveau cycle de croissance qui diffère des cycles
précédents :
" Le nouveau régime de croissance peut être appelé
patrimonial.
L'extension de l'actionnariat salarié, l'importance des
investisseurs institutionnels dans la gouvernance des entreprises, le
rôle des marchés financiers dans les ajustements
macro-économiques en sont en effet des caractéristiques
marquantes
. Le moteur de ce régime de croissance est
constitué par l'interaction entre la globalisation et le progrès
technique. La globalisation fait perdre aux entreprises leur contrôle sur
les prix, unifie les contraintes financières et étend la
concurrence à l'ensemble des facteurs non mobiles de la
compétitivité. L'adaptation des entreprises à cet
environnement a changé l'orientation du progrès technique. Le
couplage des technologies de l'information et de la diversification des
services intensifs en main-d'oeuvre est devenu le fer de lance de la
création d'emplois. Ces techniques permettent aussi des investissements
d'organisation qui réduisent de manière drastique les coûts
de production et mettent les entreprises en état de tirer profit d'une
innovation de produits entraînant de brusques modifications de la
demande. Le rythme élevé de créations d'entreprises
nouvelles, notamment dans les services, est une source très importante
d'emplois "
.
Dans ce nouveau contexte économique dont le développement de
l'actionnariat salarié est une manifestation, celui-ci apparaît
comme un moyen de résoudre certaines contradictions de l'économie
française.
•
Renforcer les fonds propres des entreprises
françaises
Les entreprises françaises souffrent toujours d'une insuffisance de
fonds propres, qui fragilise la croissance des entreprises. Pour
remédier à cette carence, il est nécessaire de favoriser
l'épargne longue investie en actions.
L'actionnariat salarié est en mesure d'apporter des réponses
à cet état de fait.
Il fournit d'abord un actionnariat nouveau et stable (du fait des
périodes de blocage) aux entreprises.
De surcroît, il peut constituer un moyen d'inciter les entreprises non
cotées à entrer sur le marché. L'actionnariat
salarié est en effet plus facile à mettre en oeuvre dans les
sociétés cotées car il assure au salarié une
réelle liquidité des titres. Et on constate que la mise en place
de telles opérations s'accompagne fréquemment d'une inscription
à la cote. Dès lors, les entreprises peuvent accéder plus
facilement aux capitaux et renforcer leurs fonds propres.
Enfin, l'actionnariat salarié peut jouer un rôle d'apprentissage
non négligeable pour les salariés épargnants et inciter
ainsi au développement de l'investissement en actions des particuliers.
Traditionnellement, les Français affichent une préférence
évidente pour les placements sans risque : 84 % des
ménages sont titulaires de livrets d'épargne. En revanche, seuls
5,2 millions de Français détiennent aujourd'hui des actions
en direct et, parmi eux, 52 % ne possèdent exclusivement que des
actions des sociétés privatisées
20(
*
)
. Dans ces conditions, l'actionnariat salarié
peut permettre de sensibiliser les salariés aux placements plus
risqués et les amener à diversifier leur épargne en
développant l'investissement en actions.
•
Garantir le caractère national de nos entreprises
Les entreprises françaises le sont de moins en moins. La part du capital
des entreprises françaises détenue par les non-résidents
atteignait, en 1998, 36 % de la capitalisation boursière. Elle est
en forte progression : en 1986, elle n'était que 12 %.
Or, l'internationalisation du capital des entreprises françaises n'est
pas sans conséquence pour notre économie. Les investisseurs
non-résidents sont en grande majorité des fonds d'investissement
ou des fonds de pension qui ont une exigence de rentabilité très
élevée pour les capitaux investis. Les entreprises
françaises sont donc placées dans une situation délicate.
Soit elles offrent cette rentabilité bien souvent au prix de lourds
sacrifices pour leurs salariés et la société
française dans son ensemble. Soit elles ne proposent qu'une
rentabilité moindre, prenant le risque d'une sortie massive de leurs
actionnaires étrangers et donc le risque d'une déstabilisation de
leur cours boursier et de la structure de leur actionnariat.
L'actionnariat salarié peut compenser les effets déstabilisants
de cette " financiarisation " et cette
" internationalisation " des entreprises françaises. En se
substituant pour partie aux actionnaires non-résidents, les
salariés peuvent limiter les conséquences d'une
" financiarisation " excessive des entreprises en redevenant, pour
partie, maîtres de leur destin.
•
Soutenir les entreprises de croissance
Le nouveau régime de croissance, comme en témoigne
l'expérience récente des Etats-Unis, repose très largement
sur l'innovation technologique. Moteur de la croissance, l'innovation est
également le moteur de l'emploi. Dans un rapport du Conseil d'analyse
économique
21(
*
)
, Robert Boyer et Michel
Didier estiment qu'
" une politique dynamique d'innovation permet
d'obtenir un emploi supérieur d'environ 1,2 % "
. La
création d'entreprises innovantes est donc une ardente obligation.
Mais celles-ci éprouvent toujours de grandes difficultés à
se développer. Parmi les difficultés auxquelles ces entreprises
sont confrontées, deux apparaissent déterminantes :
- les difficultés de financement des PME innovantes liées au
faible développement du capital risque en France et à la
difficulté d'accéder au marché du crédit et
à celui des capitaux ;
- les difficultés de recrutement liées à la
fragilité des entreprises naissantes et aux rémunérations
pas toujours compétitives qu'elles proposent.
L'actionnariat salarié peut apporter des éléments de
réponse à ces difficultés.
D'une part, l'actionnariat salarié peut constituer un " salaire
différé " susceptible de compenser la faiblesse initiale des
rémunérations. En redistribuant des actions à ses
salariés, une entreprise naissante peut ainsi attirer un personnel de
qualité, sensible aux perspectives de plus-values ultérieures.
D'autre part, l'actionnariat salarié peut constituer un moyen de
financement complémentaire de ces entreprises. Face aux
réticences des investisseurs extérieurs, les salariés,
s'ils ont confiance dans l'avenir de leur entreprise, peuvent choisir
d'acquérir des actions de leur entreprise et contribuer ainsi à
son financement et à son développement.
III. UN AVENIR À CONSOLIDER
Le développement actuel de l'actionnariat salarié est porteur de perspectives prometteuses. Mais l'actionnariat salarié reste un mouvement naissant, fragile, qui mérite d'être consolidé. C'est pourquoi votre rapporteur a voulu formuler une série de propositions destinées à accompagner et à renforcer ce mouvement.
A. UN NÉCESSAIRE ACCOMPAGNEMENT DU MOUVEMENT ACTUEL
Le développement rapide de l'actionnariat salarié ne doit pas masquer une certaine fragilité : non seulement sa place reste insuffisante, mais certains obstacles et certaines lacunes de la réglementation pourraient freiner sa progression.
1. Une place encore insuffisante
a) Une croissance à mettre en perspective
•
La progression de l'actionnariat salarié tient plus à
une progression régulière qu'à une explosion
spectaculaire
Les deux témoignages les plus significatifs du développement de
l'actionnariat salarié sont sans doute, on l'a vu, la multiplication des
opérations de capital réservées aux salariés et la
forte croissance des FCPE investis en titres de l'entreprise
.
Une analyse approfondie de ces deux mouvements tend cependant à
relativiser en partie l'importance de l'essor de l'actionnariat salarié.
En réalité, il s'agit plus d'une évolution
régulière que d'une explosion spectaculaire, malgré son
accélération récente.
S'agissant des émissions de capital réservées aux
salariés des entreprises cotées, leur montant a augmenté
de 46 % en 1998. Cette croissance n'est pourtant que parallèle
à la croissance des émissions de titres de capital
constatée ces dernières années. Les opérations de
capital réservées aux salariés représentaient en
1998 la même part dans le total des émissions qu'en 1996
(9,1 % contre 9,2 %).
S'agissant de l'encours des FCPE investis en actions de l'entreprise, leur
croissance a été de 38 % en 1998, passant de 64 à
88 milliards de francs. Or, cette croissance tient moins à une
augmentation des versements sur les FCPE qu'à la valorisation des titres
existants du fait de l'évolution favorable des cours de bourse. Ainsi,
l'AFG-ASFFI estime que cette hausse s'explique pour deux tiers par la
valorisation des stocks et pour un tiers par la croissance des flux.
•
Une place encore marginale de l'actionnariat salarié
dans le capital des entreprises françaises
L'actionnariat salarié ne représente qu'environ 2 % de la
capitalisation boursière française. Cette part reste donc minime
par rapport aux autres catégories d'investisseurs en capital que sont
les non-résidents (36 %), les investisseurs institutionnels
(26 %) ou les sociétés (11 %).
La place de l'actionnariat salarié est sans doute encore moindre dans
les sociétés non cotées même si elle est, par
définition, impossible à évaluer.
De surcroît, la progression de l'actionnariat salarié peut
apparaître très faible par rapport à celle des
investisseurs non-résidents : ceux-ci ne représentaient que
12 % de la capitalisation boursière en 1986 contre 36 % en
1998.
Au total, si l'actionnariat salarié peut constituer une part importante
du capital de certaines entreprises, son poids reste marginal au niveau
agrégé.
•
Le nombre de salariés actionnaires de leur entreprise
reste faible
Environ 3 % des ménages détiennent des actions de leur
entreprise. Seuls 700.000 salariés (pour une population active de
25,7 millions de personnes) seraient donc actionnaires de leur entreprise.
De la même façon, seules 20.000 entreprises ont mis en place un
actionnariat salarié.
•
L'actionnariat salarié est moins
développé en France qu'aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne
Si l'actionnariat salarié est plus développé en France
que dans le reste de l'Europe continentale, la France reste néanmoins en
retard par rapport à la Grande-Bretagne ou surtout aux Etats-Unis
(cf. annexe 6)
.
L'exemple américain est tout particulièrement
révélateur.
L'actionnariat salarié aux Etats-Unis
L'actionnariat salarié s'y est développé
grâce essentiellement à trois mécanismes :
- les
Employee Stock Ownership Plans (ESOP),
plans d'actionnariat
collectif alimentés par les contributions de l'employeur et permettant
aux salariés de percevoir, sous forme d'actions bloquées, un
complément de revenu, sur lequel ils bénéficient d'un
différé d'imposition, en principe jusqu'au moment de leur
départ en retraite ; on estime que 10.000 entreprises auraient mis
en place des ESOP au profit d'environ 9 millions de salariés. Leur
encours atteindrait 300 milliards de dollars ;
- les
plans 401 (k)
(du nom de l'article du code
fédéral des impôts qui les régit), qui associent
épargne salariale et contribution patronale, cette dernière
étant obligatoirement investie dans des actions de l'entreprise. La
contribution patronale et les intérêts produits par les placements
ne sont imposables que lors de la distribution des actifs. Environ
2 millions de salariés en bénéficient, pour un
encours de 250 milliards de dollars ;
- les
stock-options,
la loi fédérale
américaine ayant notamment prévu des plans d'options sur actions
(les
Employee Stock Purchase Plans
) offerts à l'ensemble
des salariés d'une entreprise et assortis d'un régime fiscal
favorable.
Le
National Center for Employee Ownership
estime que 18 % des
salariés américains (soit 18 millions de personnes environ)
détiennent des actions de leur entreprise. Au total, l'actionnariat
salarié représente 9 % de la capitalisation des entreprises
américaines, pour une montant d'environ 750 milliards de dollars.
L'actionnariat salarié continue de progresser aux Etats-Unis notamment
grâce aux stock-options. Un sondage
22(
*
)
réalisé en 1997 montre que 53 % des entreprises
américaines offrent des stock-options à l'ensemble de leur
personnel (contre 31 % en 1991). Cette généralisation des
stock-options n'exclut pas les salariés à temps partiel car plus
de 40 % des sociétés leur distribuent également des
stock-options.
b) Un développement inégal
Si
l'actionnariat salarié tend à se développer en France, son
développement reste cependant très inégal.
Cette diffusion inégalitaire de l'actionnariat salarié est
d'abord fonction du type d'entreprise.
L'enquête
23(
*
)
de la DARES sur
l'actionnariat salarié montre que l'actionnariat salarié est
essentiellement pratiqué par les grandes entreprises, mais aussi dans
certaines PME de moins de 50 ou 100 salariés qui sont le plus souvent
des entreprises innovantes à forte croissance. 17 % des entreprises
de plus de 2.000 salariés et près de 10 % des entreprises de
10 à 49 salariés auraient associé leurs
salariés à leur capital.
Il semble donc que les PME " traditionnelles " restent, pour la
plupart, en marge du mouvement de développement de l'actionnariat
salarié.
L'analyse des FCPE investis en actions de l'entreprise permet de conforter ce
constat :
- parmi les sociétés cotées, ce sont les
sociétés cotées au CAC 40 qui représentent la
très forte majorité de l'épargne salariale investie en
titres de l'entreprise : elles constituent 80 % des actions de
sociétés cotées au 31 décembre 1997 ;
- la progression de l'encours des FCPE investis en titres de l'entreprise
tient avant tout à la progression des actions de sociétés
cotées. La part des actions non cotées reste stable (aux
alentours de 10 % de l'actif global en 1997 contre 16 % en 1993).
Cette inégalité de diffusion de l'actionnariat salarié
semble répondre à certains facteurs objectifs :
- la probabilité d'un actionnariat salarié est d'autant plus
forte qu'il existe déjà une politique d'épargne salariale
dans l'entreprise. Or, cette dernière est surtout
développée dans les grandes entreprises ;
- les PME sont moins menacées par les " forces
centrifuges " (internationalisation, filialisation, diversification) qui
risquent de nuire à la cohésion interne de l'entreprise. Or,
l'actionnariat a souvent vocation à renforcer cette
cohésion ;
- le capital des PME est souvent plus stable que celui des grandes
entreprises. Elles n'ont alors pas besoin de chercher à le stabiliser en
favorisant l'actionnariat salarié ;
- à la différence des entreprises innovantes, les PME n'ont
pas nécessairement besoin de compléter leur politique salariale
par un actionnariat qui serait avant tout un " salarie
différé ".
Mais cette inégale diffusion de l'actionnariat salarié est
aussi fonction de la catégorie de salariés.
Un récent rapport de la Fondation Saint-Simon
24(
*
)
distingue trois types de relations salariales :
- la " stabilité polyvalente ", modèle constituant
l'hériter de la relation salariale fordiste, surtout présent dans
les grandes entreprises industrielles et de service, dans lequel les
salariés doivent être polyvalents et s'adapter rapidement ;
- la " profession ", qui s'appuie sur des individus porteurs
d'innovations technologiques ou d'un savoir faire particulier ;
- la " flexibilité de marché ", qui regroupe les
salariés précaires ou peu qualifiés.
Or, selon Robert Boyer
25(
*
)
, l'actionnariat
salarié n'aurait vocation qu'à concerner les seuls
salariés relevant des deux premier modèles.
" Cette
évolution ne concerne que deux catégories. D'une part, les
spécialistes, aux compétences pointues, très mobiles
à l'échelle internationale et relevant du " modèle
professionnel ". D'autre part, les salariés qui sont au coeur de la
compétence des grandes entreprises appartenant au " modèle
de la stabilité polyvalente ". Soit au total entre 35 % et 45 % des
salariés. Mais, à côté, la majorité des
salariés, au statut plus précaire, ne participe pas à ce
mouvement. Le changement d'emploi et le paiement d'un salaire de marché
sont, pour eux, la règle.
Elle n'incite pas à la distribution
d'actions, instrument de fidélisation des salariés appartenant
aux deux autres statuts. "
S'il est clair que les " salariés précaires " ne
peuvent, ne serait-ce qu'à cause des conditions d'ancienneté
requises, devenir actionnaires, votre rapporteur observe cependant que ces
" salariés précaires " n'ont pas vocation à le
rester, que les intérimaires peuvent en outre devenir actionnaires de
leur société d'intérim, celle-ci s'inscrivant dans la
logique de fidélisation. Il remarque également que l'actionnariat
salarié est développé dans des secteurs relevant de la
" flexibilité de marché " à l'image de la
distribution ou du BTP, comme en témoignent les exemples d'Auchan, de
Carrefour ou de Bouygues.
2. La persistance d'obstacles
La fragilité du développement de l'actionnariat salarié est encore accentuée par l'existence de certains obstacles susceptibles de limiter sa progression.
a) Un risque de dilution mécanique
Le
maintien de la part du capital social de l'entreprise détenue par les
salariés se heurte à un double risque de dilution :
- la revente de leurs titres par les salariés à la fin de la
période de blocage (ou même avant, en cas de déblocage
anticipé) ;
- la dilution liée aux augmentations de capital. On constate en
effet que les actionnaires salariés, dans ce cadre, n'exercent que
faiblement leur droit préférentiel de souscription, sans doute du
fait de l'absence d'incitation financière.
Certes, des garde-fous ont été instaurés pour
éviter une circulation trop rapide des titres détenus par les
salariés. Ainsi, pour les PEE, la période de blocage est de cinq
ans, tout comme les " plans d'actionnariat ". De même, pour les
privatisations, les avantages consentis sont assortis d'une durée de
détention minimale : en cas de décote, la période de
blocage des titres est de deux ans, l'attribution d'actions gratuites ne
pouvant intervenir qu'un an après la date à laquelle les actions
sont devenues cessibles.
Il semble cependant que l'épargne salariale investie dans les PEE (et
notamment dans les titres de l'entreprise) soit relativement mobile. En
moyenne, on estime qu'un tiers de l'encours total est cédé avant
le délai de cinq ans (et bénéficie donc d'un des cas de
déblocage anticipé), qu'un autre tiers est cédé
à l'issue de la période de blocage de cinq ans et que le dernier
tiers reste dans le PEE à l'expiration du délai.
Dès lors, pour éviter ce risque de dilution de l'actionnariat
salarié, l'entreprise doit mener une politique continue d'actionnariat
et non se contenter de réaliser quelques opérations
épisodiques ou spectaculaires. Trois solutions sont possibles :
- réaliser des augmentations de capital réservées aux
salariés,
- racheter ses titres pour les céder aux salariés ou aux
FCPE,
- inciter à une épargne salariale longue, en assortissant
par exemple les opérations d'actionnariat d'une aide modulée en
fonction de la durée de détention des actions.
b) Les difficultés de l'épargne salariale
L'épargne salariale est aujourd'hui le principal
vecteur de
l'actionnariat salarié. Le développement de l'actionnariat est
donc largement conditionné à la progression de celle-ci. Or, en
dépit de son succès manifeste, l'épargne salariale se
heurte encore à certains obstacles :
- 48 % des entreprises de 50 salariés et plus n'avaient pas
d'accord de participation ou d'intéressement en 1997. Ce taux atteint
95 % pour les entreprises de 10 à 49 salariés.
2,7 millions de salariés travaillant dans des entreprises de 50
salariés et plus ne sont pas couverts par des accords de participation.
Ces chiffres restent élevés, même s'ils ont tendance
à diminuer progressivement ;
- seuls 8.700 entreprises dotées d'un accord de participation ou
d'intéressement avaient mis en place un PEE en 1997. Le nombre de PEE
progresse certes rapidement (il n'y en avait que 7.400 en 1996), mais il reste
relativement faible ;
- plus du tiers des sommes issues de la réserve spéciale de
participation ont été placées sur un compte courant
bloqué en 1997.
Ces fragilités persistantes de l'épargne salariale ne sont pas
sans conséquence pour le développement de l'actionnariat
salarié :
- l'existence d'un accord de participation autorise en effet l'affectation
directe de la réserve spéciale de participation, en application
de l'article L. 442-5 du code du travail, à l'acquisition d'actions de
l'entreprise ;
- les PEE sont actuellement le support principal du développement
de l'actionnariat salarié ;
- l'affectation des sommes issues de la réserve spéciale de
participation à des comptes courants bloqués ne permet pas
à l'épargne salariale de s'investir en actions de l'entreprise.
Aussi, la progression de l'actionnariat salarié exige
parallèlement une progression des accords de participation, une
diffusion des PEE et une diminution de l'épargne salariale investie en
comptes courants bloqués.
A ces fragilités persistantes de l'épargne salariale s'en est
hélas ajoutée une nouvelle. La loi de financement de la
sécurité sociale pour 1998 a en effet opéré un
basculement massif des cotisations d'assurance maladie sur la CSG, le taux de
cette dernière passant brutalement de 3,4 % à 7,5 %.
Désormais, le prélèvement social (CSG + CRDS +
prélèvement social de 2 %) pesant sur les revenus de
l'épargne salariale atteint 10 %, contre 5,9 %
précédemment.
Ce basculement constitue un véritable " coup de poignard "
à l'épargne salariale. Celle-ci constitue en effet une forme
d'épargne populaire, dont le caractère social est notamment
garanti par l'existence de plafonds de versements. Or, les produits
traditionnellement considérés comme de l'épargne populaire
(livret A, CODEVI, livrets d'épargne populaire) restent, eux,
exonérés de CSG et CRDS. Dès lors,
votre rapporteur ne
peut que regretter cette hausse massive du taux de CSG applicable à
l'épargne salariale, qui constitue à l'évidence une
nouvelle contrainte pour le développement de l'épargne
salariale
.
c) La contrainte du risque financier
L'actionnariat salarié est un investissement en capital
par
nature exposé au risque. Le salarié qui investit dans le capital
de son entreprise s'expose ainsi à un double risque :
- un risque de perte en capital, si l'évolution du cours de
l'action se révèle défavorable ;
- un risque de liquidité, essentiellement par les
sociétés non cotées, si le salarié voulant vendre
ses actions ne trouve aucun investisseur à qui les céder.
Il existe cependant des garanties pour limiter ce risque :
- les augmentations de capital réservées aux salariés
doivent s'accompagner d'une note d'information visée par la COB en cas
d'appel public à l'épargne ;
- la COB délivre un agrément pour la création de tout
nouveau FCPE ;
- la réglementation vise à garantir la liquidité des
FCPE investis en titres non cotés.
Néanmoins, face au risque inhérent à l'actionnariat,
l'actionnariat salarié est confronté à un double
écueil.
Soit l'encadrement du risque est trop élevé. On observe en effet
que les entreprises cherchent de plus en plus à minimiser le risque pour
le salarié en mettant en place des mécanismes de couverture du
risque (garanties bancaires notamment) ou en diminuant le prix d'acquisition de
l'action pour maximiser les chances de plus-values (grâce à la
décote, à l'abondement ou à la distribution d'actions
gratuites).
Cette tendance n'est pourtant pas sans effet pervers. En limitant le risque
pesant sur l'actionnaire, l'actionnariat salarié perd de sa
lisibilité. Le salarié perçoit mal la nature
risquée de son investissement. L'effet d'apprentissage de l'actionnariat
est donc diminué d'autant. En outre, tout mécanisme de garantie a
un coût qui se traduit par une captation d'une partie de la plus-value
par celui qui propose la garantie. Il est à craindre alors qu'au moment
de la revente des titres, le salarié ne se considère comme
" spolié " et se détourne de l'actionnariat.
Soit le risque est mal encadré. En pratique, deux risques sont
prédominants. D'une part, il existe un risque d'insuffisante
diversification des supports d'épargne proposés. Beaucoup de PEE
et d'accords de participation ne prévoient qu'un support unique
d'investissement de l'épargne salariale : un FCPE principalement
investi en actions de l'entreprise. Or, le développement de
l'actionnariat salarié exige une démarche volontaire du
salarié et donc le choix entre plusieurs supports d'investissements.
D'autre part, il existe un risque réel de liquidité des titres de
certaines sociétés non cotées. Dans ce cas, la diffusion
de l'actionnariat salarié dans les PME ne se fera que par une
amélioration de leur liquidité.
Dans ces conditions, il apparaît donc que le développement de
l'actionnariat salarié ne puisse se réaliser qu'avec la prise de
conscience de la nature risquée de ce placement encadrée de deux
garanties :
- le choix pour le salarié entre plusieurs supports
d'investissement de son épargne salariale ;
- la garantie d'une réelle liquidité de l'actionnariat
salarié dans les entreprises non cotées.
d) Une information parfois insuffisante
Phénomène nouveau dans un pays où
l'investissement en actions des ménages reste faible, l'actionnariat
salarié ne pourra se développer durablement qu'à la
condition d'une information claire et d'un effort pédagogique vers les
salariés et les salariés actionnaires.
Cette information doit se faire à la fois en amont et en aval des
opérations d'actionnariat salarié.
En amont, il importe d'informer le salarié sur les
caractéristiques de l'opération et sur l'affectation
ultérieure des sommes investies. Or, l'information des salariés
reste très inégale comme a pu le constater la COB.
S'agissant de l'information donnée aux salariés sur
l'opération, les obligations d'information sont très variables.
Le visa de la COB n'est cependant que rarement nécessaire.
L'information des salariés lors d'opérations d'actionnariat salarié
Dans le
cadre de la loi du 31 décembre 1973 et de l'ordonnance du 21 octobre
1986, trois types d'informations sont obligatoires.
1. La publication éventuelle d'une note d'information visée
par la COB
Il faut distinguer deux cas :
Si l'opération est réalisée dans le cadre de l'ordonnance
de 1986, une note d'information visée par la COB doit être mise
à la disposition des salariés, au plus tard le jour de
l'ouverture de la souscription pour une émission, dans le seul cas
où plus de 100 salariés sont concernés. Aucune obligation
d'information n'est prévue quand un FCPE acquiert les titres.
Si l'opération est régie par la loi du 24 juillet 1966
modifiée par la loi du 27 décembre 1973, la diffusion d'une
note d'information visée par la COB est obligatoire, quel que soit le
nombre de salariés.
2. L'information directe des salariés
Trente jours au moins avant l'ouverture de l'augmentation du capital ou dans
les deux mois suivant la décision de création du plan
d'acquisition, chaque salarié doit recevoir individuellement un bulletin
d'information et de souscription/acquisition.
3. L'information des institutions représentatives du personnel
Le comité d'entreprise (ou les délégués du
personnel en l'absence de comité d'entreprise) est informé des
conditions et des modalités de l'opération projetée.
S'agissant de l'information du salarié sur l'affectation des sommes, la
COB a adopté le 3 février 1998 une nouvelle instruction relative
aux FCPE prévoyant notamment l'instauration d'une notice d'information
simplifiée destinée à devenir le support d'information
obligatoire des FCPE. Cette mesure est applicable depuis le 15 juin 1998 par
les nouveaux FCPE et depuis le 15 septembre 1999 pour les FCPE
déjà existants.
En aval, l'information des salariés sur l'évolution du titre et
les perspectives de l'entreprise doit être également
organisée. Si actuellement l'information des salariés
actionnaires par l'entreprise semble satisfaisante, l'information transmise par
les conseils de surveillance des FCPE est plus inégale.
Or, le conseil de surveillance joue un rôle fondamental de surveillance
de la gestion des fonds. Il a donc naturellement pour mission d'informer les
salariés sur cette gestion. Il importe notamment que les
représentants des salariés actionnaires au conseil de
surveillance puissent informer les salariés porteurs de parts. Pourtant,
cette information est parfois lacunaire. On constate en effet que les
salariés membres du conseil de surveillance ont encore parfois une
formation insuffisante à la gestion financière. Dès lors,
ils ne peuvent assurer une information véritable des porteurs de parts.
Pourtant, depuis la loi du 25 juillet 1994, les membres du conseil de
surveillance représentant les salariés actionnaires se sont vu
reconnaître un droit à la formation. L'article L. 444-1 du
code du travail prévoit en effet qu'ils
"
bénéficient d'un stage de formation économique
d'une durée maximale de cinq jours
", ce stage étant
pris sur le temps de travail et rémunéré comme tel. Il
semble que les insuffisances de formation constatées soient en
réalité liées à la faiblesse de l'offre de
formation adaptée à l'épargne salariale. Votre rapporteur
ne peut que regretter cet état de fait.
e) Une participation aux décisions encore limitée
Le
salarié actionnaire a vocation à être associé aux
décisions à un double niveau :
- celui de la gestion du FCPE,
- celui de la gestion de l'entreprise.
Or, à ces deux niveaux, la participation des salariés reste
encore bien souvent limitée.
•
La gestion du FCPE
En cas d'actionnariat indirect, le conseil de surveillance du FCPE a une
mission primordiale d'orientation de la gestion du fonds, la fonction de
gestion étant exercée par la société gestionnaire
du fonds.
Il importe donc que les salariés puissent effectivement participer
à la définition des orientations de gestion du fonds.
Or, en dépit de certaines améliorations du cadre
législatif, la représentation réelle des salariés
actionnaires au sein du conseil de surveillance des FCPE n'est pas toujours
assurée.
Dans les FCPE " article 20 ", le conseil de surveillance est
composé pour au moins la moitié de ses membres de
représentants des salariés porteurs de parts du fonds, le reste
des membres du conseil de surveillance étant des représentants de
l'entreprise. Cependant, lorsque le FCPE détient plus de 10 % des
droits de vote attachés aux titres de capital de la
société, le conseil de surveillance doit être
composé pour 75 % au moins de représentants des
salariés.
Dans les FCPE " article 21 " qui sont exclusivement
constitués d'actions de l'entreprise, le conseil de surveillance est
exclusivement constitué de représentants des salariés
porteurs de part.
En théorie, la réglementation assure une bonne
représentation des salariés dans les conseils de surveillance des
FCPE, ceux-ci étant au moins majoritaires.
Votre rapporteur observe
cependant que les conseils de surveillance restent bien souvent paritaires,
même lorsque les FCPE détiennent une part importante du capital de
l'entreprise
. Parmi les entreprises interrogées par votre
rapporteur, les conseils de surveillance sont en effet paritaires dans plus des
trois quarts des cas.
En revanche, votre rapporteur constate que les modalités de
désignation des membres du conseil de surveillance représentant
les salariés actionnaires leur assurent une réelle
représentativité. Votre rapporteur constate à ce propos
que, parmi les 17 entreprises qu'il a interrogées sur ce point, les
trois modalités de désignation se partagent de manière
égale : la désignation se fait par le comité
d'entreprise dans 6 cas, par une élection dans 6 cas et par les
organisations syndicales dans 5 cas.
•
La gestion de l'entreprise
L'actionnaire salarié peut participer de deux manières à
la gestion de l'entreprise :
- par l'exercice de son droit de vote aux assemblées
générales,
- par la présence de ses représentants au sein du conseil
d'administration (ou du conseil de surveillance) de l'entreprise.
Mais ces deux modes d'association aux décisions ne sont pour l'instant
pratiqués que de manière inégale.
S'agissant du droit de vote de l'actionnaire salarié aux
assemblées générales, lorsque celui-ci est exercé
individuellement, votre rapporteur observe qu'il reste faiblement exercé
comme en témoignent les entreprises qu'il a auditionnées ou
interrogées.
S'agissant de la représentation des actionnaires salariés dans
les organes dirigeants de l'entreprise, la situation reste très
inégale. Parmi les 20 entreprises auditionnées ou
interrogées par votre rapporteur, seules 10 ont un ou plusieurs
administrateurs (ou membres du conseil de surveillance) représentant les
salariés actionnaires.
Ce résultat est relativement décevant, notamment par rapport aux
objectifs fixés par le législateur dans la
loi n° 94-640
du 24 juillet 1994 relative à l'amélioration de la participation
des salariés dans l'entreprise.
A l'époque, le législateur avait constaté que la
participation financière des salariés avait connu une croissance
remarquable, notamment sous la forme d'actionnariat. Dans de nombreuses
entreprises les salariés détenaient individuellement ou
collectivement une part non négligeable de leur capital, les
plaçant ainsi parmi les plus importants actionnaires stables de
l'entreprise. Or, parallèlement, la participation institutionnelle
n'avait pas connu la même progression, les entreprises n'encourageant que
marginalement la participation des salariés actionnaires à la
gestion de l'entreprise.
La loi du 24 juillet 1994 visait alors à favoriser cette participation
à la gestion. Le titre premier de la loi
-" participation des
salariés actionnaires aux organes de gestion des entreprises "-
pose clairement cet objectif
26(
*
)
. La loi
prévoit que, lorsque la part du capital social détenu par le
personnel dépasse 5 %, une assemblée générale
extraordinaire est convoquée pour se prononcer sur l'opportunité
d'introduire dans les statuts une clause prévoyant la nomination d'un ou
deux administrateurs (ou membres du conseil de surveillance) parmi les
salariés actionnaires ou, le cas échéant, parmi les
salariés membres du conseil de surveillance d'un FCPE détenant
des actions de l'entreprise. C'est le " rendez-vous obligatoire ".
Or, il apparaît que cette loi, dont les dispositions sont pourtant
exclusivement incitatives, n'est qu'imparfaitement appliquée.
D'une part, en dépit des obligations légales, les rapports
annuels des sociétés n'indiquent pas toujours
" la
proportion du capital que représentent les actions qui sont
détenues par le personnel de la société et par le
personnel des sociétés qui lui sont liées ".
Ainsi, en 1997 et pour s'en tenir aux entreprises du CAC 40, seules 29
sociétés publiaient la part de l'actionnariat salarié dans
leur rapport annuel.
D'autre part, la DARES a réalisé une enquête à la
demande du Conseil supérieur de la participation sur l'application du
" rendez-vous obligatoire " instauré par la loi du 25 juillet
1994. Cette enquête réalisée en 1996 auprès d'un
échantillon représentatif d'entreprises ayant signé un
accord d'intéressement ou de participation aboutit à deux
conclusions :
- plus des deux tiers (73 %) des entreprises visées par la
loi du 25 juillet 1994 (sociétés anonymes non
coopératives dont 5 % du capital au moins est détenu par les
salariés) comptent un administrateur représentant les
salariés actionnaires ;
- lorsqu'elles n'en n'ont pas, l'assemblée générale
extraordinaire destinée à accepter ou à refuser la
présence de salariés actionnaires au sein du conseil
d'administration ne se serait tenue que dans un cas sur quatre.
Il ressort de cette enquête que les trois quarts des entreprises dont
5 % au moins du capital sont détenus par les salariés et qui
n'ont pas d'administrateur représentant les actionnaires salariés
ont manqué à leurs obligations légales.
Cette situation est inquiétante pour le développement de
l'actionnariat salarié. Celui-ci ne s'implantera durablement dans les
entreprises que si celles-ci associent véritablement les salariés
actionnaires à leur gestion. Or, trop souvent, en n'acceptant pas
d'ouvrir un débat sur ce sujet, les entreprises risquent de
contrecarrer, à terme, le développement de l'actionnariat
salarié.
3. Les failles de la réglementation actuelle
Si le développement de l'actionnariat salarié reste fragile et rencontre des obstacles, il pourrait également souffrir de certaines failles de la réglementation en vigueur. La réglementation actuelle, par son caractère incitatif, a certes permis un essor de l'actionnariat salarié. Mais il est à craindre qu'elle ne devienne à l'avenir un frein à son développement.
a) Un droit complexe
Le cadre
législatif et réglementaire encadrant l'actionnariat
salarié est le fruit d'une sédimentation de textes remontant aux
années 1960, aux années 1970, puis aux ordonnances de 1986 et
à la loi du 25 juillet 1994. Ces textes relèvent aussi bien du
droit du travail, du droit des sociétés que du droit fiscal.
Or cette sédimentation de textes a pour conséquence de
complexifier et d'opacifier le droit actuellement applicable. Ainsi 48 % des
sociétés cotées n'ayant pas mis en place un actionnariat
salarié mettent en avant la complexité de la
réglementation pour expliquer leur non-recours à l'actionnariat
salarié
27(
*
)
.
Droit complexe, le droit de l'actionnariat salarié reste en effet peu
lisible. Il offre à l'administration une large marge
d'interprétation qui peut nuire à la stabilité du droit.
Or, face à une réglementation instable, les entreprises
choisissent fréquemment une attitude de prudence qui les conduit parfois
à reporter des opérations dans l'attente d'un
éclaircissement juridique ultérieur.
L'exemple du régime social de la décote applicable au prix de
souscription des actions par les salariés constitue une exemple
révélateur de cette instabilité de la
réglementation.
En cas d'augmentation du capital réservée aux salariés,
ceux-ci peuvent bénéficier d'une décote sur le prix de
souscription de l'action. Cette décote est fixée à
10 % par la loi du 27 décembre 1973 et à 20 % par
l'ordonnance du 21 octobre 1986 en faveur des seuls salariés
adhérents à un PEE.
Aucun de ces textes n'exonérant cette décote, elle a vocation
à être assujettie aux cotisations de sécurité
sociale, à la CSG et à la CRDS.
Une lettre ministérielle du 20 août 1997 au directeur de l'ACOSS
prévoit pourtant d'assimiler la décote de l'abondement de
l'employeur dans le cadre du PEE. Or l'article L. 443-8 du code du travail
précise que l'abondement n'est pas assujetti aux cotisations de
sécurité sociale. En application de cette lettre
ministérielle, la décote n'est plus assujettie aux cotisations de
sécurité sociale, mais seulement à la CSG et à la
CRDS au moment de la souscription des titres.
Moins de deux ans plus tard, une nouvelle lettre ministérielle du 29
janvier 1999 modifie le régime social de la décote : elle
n'est plus assimilée à un abondement et n'est plus soumise
à la CSG et à la CRDS au moment de la souscription des titres,
mais au moment de la cession des titres.
b) Un droit parfois inadapté
Issue de
l'empilement de différents textes depuis 40 ans, la
réglementation encadrant l'actionnariat a vieilli. Ce vieillissement se
vérifie notamment par l'absence de prise en compte de certaines
évolutions profondes de notre société.
•
Une réglementation inadaptée à certaines
évolutions du monde du travail
Le monde du travail a profondément évolué depuis quelques
années avec notamment une mobilité accrue des salariés et
une internationalisation croissante des entreprises. Or la
réglementation actuelle régissant l'actionnariat salarié
ne prend en compte qu'imparfaitement ces nouvelles dimensions.
La mobilité croissante des salariés
contraste avec
l'immobilité de l'épargne salariale et de l'actionnariat.
Lorsqu'un salarié quitte volontairement une entreprise, la cessation du
contrat de travail constitue un cas de déblocage anticipé du PEE.
Le salarié peut cependant, s'il le souhaite, ne pas clore son PEE,
même s'il n'a plus la possibilité de l'alimenter.
Dès lors, le changement d'employeur oblige le salarié à
reconstituer son épargne salariale. Il ne peut transférer son
épargne salariale du PEE de son ancienne entreprise vers le PEE de sa
nouvelle entreprise. Cette interdiction est pénalisante d'une double
manière :
- à la sortie du PEE, les revenus de l'épargne sont
assujettis à un prélèvement social de 10 % ;
- à l'entrée du nouveau PEE, ses versements volontaires sont
plafonnés.
Cette impossibilité de transfert hors prélèvement social
de l'épargne salariale entre deux entreprises limite
l'attractivité de l'épargne salariale, notamment de celle
investie en actions de l'entreprise. Certes, l'actionnariat salarié a
par définition vocation à ne concerner que des salariés du
groupe. Mais l'impossibilité de transfert peut néanmoins soulever
deux difficultés :
- d'une part, il dissuade les salariés qui n'écartent pas
l'éventualité de quitter la société sans y
être pour autant décidés à participer aux
opérations d'actionnariat dans la cadre du PEE ;
- d'autre part, lorsqu'un groupe n'a pas mis en place un PEG et que le
support de l'actionnariat salarié est un PEE, le salarié qui
change d'entreprise à l'intérieur du même groupe ne peut
continuer à cotiser sur son PEE.
Aussi, l'impossibilité de transfert de l'épargne salariale d'un
PEE à un autre PEE peut constituer un obstacle tant au
développement de l'épargne salariale qu'à celui de
l'actionnariat salarié.
La réglementation actuelle est également inadaptée
à
l'internationalisation des entreprises
.
Cette internationalisation des entreprises, qui peut prendre la forme d'un
développement des filiales à l'étranger ou d'une
mobilité des salariés français vers des filiales
étrangères du groupe, met en évidence deux failles dans la
réglementation actuelle :
- d'une part, les salariés étrangers non résidents
n'ont pas accès aux PEE et ne peuvent participer aux différents
dispositifs d'actionnariat salarié prévu par le droit
français ;
- d'autre part, les salariés français expatriés dans
une filiale étrangère d'un groupe français ne peuvent plus
cotiser au PEE et ne peuvent donc participer à une opération
d'actionnariat salarié réalisée dans ce cadre.
L'actionnariat salarié ayant vocation à associer l'ensemble des
salariés d'un même groupe quel que soit leur pays de travail, les
groupes français sont obligés d'organiser des souscriptions
décentralisées par pays. Les difficultés sont
réelles, les différentes législations nationales
étant très disparates notamment en termes d'avantages fiscaux et
de supports proposés. Malgré ces difficultés juridiques,
de plus en plus d'entreprises françaises ont mis en place des plans
d'actionnariat à vocation internationale pouvant concerner
jusqu'à plusieurs dizaines de pays. Parmi les sociétés
auditionnées ou interrogées par votre rapporteur, Schneider, Elf,
Suez-Lyonnaise des eaux, Vivendi, Alcatel, Auchan, Usinor, Rhône-Poulenc
notamment ont mis en oeuvre de tels plans.
Ainsi, Auchan, afin d'associer ses salariés situés hors de France
à son capital, a créé une société en
commandite par actions (" Valauchan international ") dont le capital
est détenu par les salariés et dont l'actif est composé
à 90 % de titres de Auchan. Le règlement intérieur de
cette société, dont le siège social est situé au
Luxembourg, cherche à rapprocher les modalités pratiques de cet
actionnariat de celui réalisé en France (conditions
d'adhésion identiques, conditions d'abondement et de blocage identiques).
Toutefois des disparités de traitement continuent d'exister entre les
différents pays. Elles concernent essentiellement :
- la fiscalité applicable ;
- les obligations déclaratives ;
- les contraintes liées au contrôle des charges pour certains
pays.
•
Une réglementation inadaptée à la demande
d'épargne longue
Les salariés affichent depuis quelques années un
intérêt croissant à la constitution d'une épargne
à long terme, pouvant notamment servir de moyen de financer un
complément de retraite. Ainsi, une enquête réalisée
en 1997 par la COB auprès d'un échantillon représentatif
de salariés
28(
*
)
souligne cette
préoccupation en observant que "
globalement, les deux tiers des
salariés considèrent que l'épargne salariale constitue un
cadre adapté à la préparation de la retraite
".
L'analyse des encours disponibles des FCPE confirme ces résultats :
40 % des encours des FCPE seraient aujourd'hui disponibles
(c'est-à-dire au-delà de la période de blocage) et
pourraient donc constituer un support à une épargne longue.
Cette préoccupation est d'ailleurs relayée par les entreprises,
comme en témoigne le nombre croissant de plans d'épargne à
long terme mis en place par celles-ci. Selon l'enquête Altédia
précitée, 53 % des entreprises estiment que
"
l'actionnariat salarié est indispensable pour constituer un
substitut aux retraites menacées dans l'avenir
".
Pourtant, la réglementation actuelle n'a prévu aucune
incitation spécifique pour favoriser l'épargne longue, qu'il
s'agisse du seul actionnariat salarié ou de l'épargne salariale
en général.
Le seuil de cinq ans vise plus à offrir un
financement stable à l'entreprise qu'à favoriser une
épargne à long terme.
Aussi ce sont les entreprises qui ont pris seules l'initiative de favoriser
l'épargne salariale à long terme, soit en créant des plans
d'où les salariés s'engagent à ne pas sortir avant une
durée plus longue -variable de 8 à 40 ans-, soit en modulant
leur abondement en fonction de la durée d'immobilisation. Elles ne
bénéficient pas du soutien de mesures incitatives alors que la
constitution d'une épargne longue par les ménages relève
de l'intérêt national.
B. LES 28 PROPOSITIONS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Compte
tenu du constat établi dans le présent rapport -le
développement de l'actionnariat salarié est souhaitable, mais
reste insuffisant- votre rapporteur a tenu à exposer les principales
pistes de réflexion et les mesures concrètes susceptibles, selon
lui, d'accompagner le développement de l'actionnariat salarié.
Ces mesures sont de natures différentes : certaines sont d'ordre
législatif, d'autres relèvent du domaine réglementaire,
les dernières ne concernent que le comportement des acteurs de
l'actionnariat salarié (entreprises et salariés).
Ces 28 propositions, nombreuses mais pour la plupart modestes et praticables,
reposent sur une idée centrale.
Ce n'est pas en instaurant par la loi
de nouvelles obligations et de nouvelles contraintes que l'actionnariat
salarié se développera
. Bien au contraire, il est
nécessaire que l'actionnariat reste une démarche volontaire et
définie dans le cadre de la négociation collective. C'est
pourquoi
ces propositions sont avant tout incitatives
. Elles visent
à accompagner le développement de l'actionnariat, à lever
les obstacles existants et à créer un contexte favorable à
une réelle association du travail et du capital.
Ces propositions répondent à une certaine conception de
l'actionnariat salarié, qui doit, selon votre rapporteur, s'inscrire
dans le
respect de
cinq principes
:
- il importe d'abord de
favoriser le développement de
l'actionnariat
dans le cadre contractuel, celui-ci permettant de mettre un
terme à l'affrontement stérile entre le capital et le travail et
de réaliser une association effective dans le contexte de la
mondialisation qui rend cette association d'autant plus nécessaire ;
- l'actionnariat salarié doit aussi être stable et durable.
Sa vocation n'est pas d'être un placement spéculatif. Il doit donc
être
fidélisé
;
- l'actionnariat salarié ne sera efficace que s'il est
organisé
. Un actionnariat exercé individuellement ne
pèse rien et ne permet pas aux salariés actionnaires d'influer
directement sur les décisions les plus importantes de l'entreprise.
Aussi cette organisation doit s'inscrire dans une démarche collective
tant au moment de sa mise en oeuvre qu'à celui de sa pratique. En ce
sens, loin d'être opposée à l'actionnariat, la
négociation collective devient une dimension essentielle de
l'actionnariat salarié ;
- l'actionnariat salarié doit se traduire par une
participation
réelle du salarié aux décisions
, et surtout aux
décisions les plus importantes qui engagent le destin de
l'entreprise ;
- l'actionnariat salarié doit être
adapté
aux
besoins des entreprises. Il ne s'agit alors pas d'imposer un modèle
unique d'actionnariat, mais d'ouvrir des voies différentes et souples
permettant aux entreprises et aux salariés de trouver un mode
d'actionnariat adapté à leurs spécificités.
Ces propositions s'articulent autour de six grands axes.
1. Améliorer l'information disponible sur l'actionnariat salarié
Force
est de constater les lacunes actuelles de l'information disponible sur
l'actionnariat salarié. Ces lacunes concernent aussi bien l'information
agrégée que celle concernant ponctuellement l'entreprise.
Au niveau agrégé, en l'absence d'indicateur statistique de
l'actionnariat salarié, il n'existe que trois sources disparates,
tardives et incomplètes d'information (DARES, COB, INSEE) qui ne
permettent d'apprécier qu'imparfaitement le phénomène.
A l'échelle de l'entreprise, nombreuses sont encore les
sociétés qui ne communiquent pas la part de leur capital
détenu par leurs salariés.
Votre rapporteur propose donc deux pistes pour améliorer cette
information.
a) Renforcer le rôle du Conseil supérieur de la participation
Le Conseil supérieur de la participation a été créé par l'article 27 de la loi du 25 juillet 1994. Ce conseil a un triple objectif : centraliser l'information disponible, apporter un concours aux entreprises, être une force de proposition.
Le
Conseil supérieur de la participation
(article L. 442-2 du
code du travail)
"
Art. L. 444-2
. - Il est institué un
Conseil
supérieur de la participation. Ce conseil a pour missions :
" - d'observer les conditions de mise en oeuvre de la
participation ;
" - de contribuer à la connaissance statistique de la
participation ;
" - de rassembler l'ensemble des informations disponibles sur les
modalités d'application de la participation dans les entreprises et de
les mettre à la disposition des salariés et des entreprises qui
en font la demande ;
" - d'apporter son concours aux initiatives prises dans les
entreprises pour développer la participation à la gestion et la
participation financière des salariés ;
" - de formuler des recommandations de nature à favoriser le
développement de la participation et à renforcer les moyens d'une
meilleure connaissance des pratiques de participation.
" Le Conseil supérieur de la participation établit chaque
année un rapport sur l'intéressement, la participation des
salariés aux résultats de l'entreprise, les plans
d'épargne d'entreprise et sur les négociations salariales dans
les entreprises ayant conclu des accords d'intéressement. Ce rapport est
remis au Premier ministre et au Parlement. Il est rendu public.
" Un décret en Conseil d'Etat détermine la composition et
les modalités de fonctionnement du conseil institué au
présent article, dans des conditions de nature à assurer son
indépendance et sa représentativité et à garantir
la qualité de ses travaux ".
Or, à l'heure actuelle, le Conseil, présidé par le
ministre chargé du travail, n'est pas en mesure de remplir pleinement
son rôle d'information
:
- d'une part, il est essentiellement alimenté en informations
statistiques par la DARES (qui dépend du ministère de l'emploi),
les services relevant du ministre chargé du travail assurant son
secrétariat, et n'a un accès que très limité aux
informations de la COB et de l'INSEE ;
- d'autre part, alors que l'article R. 444-2-5 du code du travail
précise que "
le Conseil supérieur de la participation se
réunit au moins deux fois par an sur convocation de son président
ou à la demande de la majorité de ses membres
", le
Conseil n'a pas été réuni depuis décembre 1997.
Pour renforcer le rôle du Conseil supérieur de la participation,
en lui permettant enfin de jouer son rôle prévu par la loi qui est
"
d'observer les conditions de mise en oeuvre de la
participation
" et "
de contribuer à la connaissance
statistique de la participation
", votre rapporteur propose de :
- diversifier les sources d'informations statistiques à la
disposition du Conseil en lui permettant d'accéder aux informations de
la COB et de l'INSEE, afin que celui-ci ne soit pas seulement alimenté
par les informations issues de la DARES. On pourrait ainsi prévoir
explicitement, dans la loi, que le rapport annuel du Conseil porte sur
l'actionnariat salarié et pas uniquement sur l'intéressement, la
participation et les PEE ;
- revoir la composition du Conseil en prévoyant la présence
d'un membre de la COB. Le rôle de la COB est en effet très
important en matière d'épargne salariale et d'actionnariat
salarié : elle donne un agrément aux FCPE, elle vise les
notices d'information en cas d'augmentation de capital. Elle dispose en outre
de sources statistiques précises sur les FCPE. Aussi, afin de coordonner
le travail des différents intervenants et de centraliser les sources
d'information, la présence d'un membre de la COB est souhaitable. Il
pourrait par exemple faire partie de l'une des huit personnalités
qualifiées désignées "
en raison de leur
compétence et de leur expérience dans le domaine de la
participation
" en application du 6° de l'article R. 442-2-1 du
code de travail
29(
*
)
;
- veiller à réunir régulièrement le Conseil,
au moins deux fois par an, en application de la réglementation en
vigueur.
b) Assurer le respect de l'obligation légale de publication des informations sur l'actionnariat salarié dans le rapport annuel des sociétés
L'article 157-2 de la loi du 24 juillet 1966 sur les
sociétés commerciales prévoit que le conseil
d'administration ou le directoire des sociétés par actions doit
rendre compte annuellement à l'assemblée générale
de l'état de la participation des salariés au capital social au
dernier jour de l'exercice et établir la proportion du capital
détenu par le personnel de la société et de celles qui lui
sont liées.
On a vu que cette obligation légale n'était qu'imparfaitement
respectée. Beaucoup de rapports annuels de sociétés ne
publient pas ces informations. Ces sociétés ne sont passibles
d'aucune sanction.
Dans un premier temps, il serait possible de demander à la COB de
vérifier la publication de telles informations. S'il s'avérait
que l'obligation légale n'est que peu respectée, la
non-publication de ces informations pourrait alors être passible des
mêmes sanctions que celles prévues à l'article 293 du
décret du 23 mars 1967 sur les sociétés commerciales en
cas de non-dépôt au greffe du tribunal des comptes annuels et du
rapport de gestion.
2. Encourager le développement des opérations d'actionnariat salarié dans les entreprises
Le
développement et la consolidation de l'actionnariat salarié
passent par la progression du nombre d'opérations d'actionnariat
proposées par les entreprises et par l'adhésion des
salariés à ces opérations. Il importe donc de faciliter la
mise en place de ces opérations et de rendre plus incitative
l'adhésion des salariés.
Plusieurs pistes sont envisageables pour réaliser cet
objectif.
a) Réserver aux salariés, à des conditions préférentielles, une part des actions émises lors d'une augmentation de capital
L'une
des menaces pesant sur l'actionnariat salarié est le risque de sa
dilution mécanique au moment des mouvements dans le capital des
sociétés et notamment lors des augmentations de capital. En
dépit du droit préférentiel de souscription
réservée à tout actionnaire, les augmentations de capital
se traduisent souvent par une diminution de la part relative de l'actionnariat
salarié. Les salariés actionnaires ne bénéficient
pas en effet des conditions préférentielles dont ils avaient pu
bénéficier lors des opérations d'actionnariat
salarié : ils bénéficient d'un droit
préférentiel reconnu à tout actionnaire et non
d'incitations financières.
Pour lutter contre cet effet dilutif, mais également pour favoriser
l'émergence de l'actionnariat salarié dans les entreprises
où il n'existe pas, il serait possible de réserver aux
salariés, à des conditions préférentielles, une
part des actions émises lors de toute augmentation de capital.
M. Edouard Balladur a d'ailleurs déposé avec plusieurs de ses
collègues, en mars dernier, une proposition de loi allant dans ce sens
à l'Assemblée nationale.
La proposition de loi relative à l'actionnariat des salariés présentée par MM. Balladur, Debré, Douste-Blazy et Rossi
Cette
proposition de loi prévoit de modifier la loi du 24 juillet 1966 sur les
sociétés commerciales afin que soit réservée aux
salariés une part des actions nouvelles émises par les
sociétés cotées à l'occasion d'une augmentation de
capital.
Ainsi, 5 % des actions nouvelles devront obligatoirement, lors des
augmentations de capital, être offertes aux salariés à un
prix inférieur de 50 % au prix d'émission. Si
l'assemblée générale le décide, les salariés
des filiales pourront également en bénéficier. Seules les
entreprises cotées ayant distribué deux dividendes au cours des
trois derniers exercices sont concernées par cette obligation.
La valeur des actions achetées ne pourra excéder 100.000 francs
par salarié.
Les actions devront être achetées dans le délai d'un mois
à compter de la décision de l'assemblée
générale autorisant l'augmentation du capital. Ces actions
devront être émises dans la forme nominative et elles seront
incessibles pendant trois ans.
Pour les entreprises non cotées en bourse, la proposition rend ce
dispositif facultatif.
L'article 2 de la proposition exonère d'impôt sur le revenu les
gains nets retirés de la cession des actions ainsi distribuées,
comme c'est le cas des actions placées dans un plan d'épargne
entreprise. L'article 3 exonère ces mêmes gains nets du
prélèvement social de 2 %.
L'Assemblée nationale a cependant rejeté cette proposition de loi
en séance publique le 20 mai 1999.
Partageant les préoccupations exprimées par les auteurs de
cette proposition de loi, votre rapporteur considère qu'elle est de
nature à favoriser le développement et la consolidation de
l'actionnariat salarié en France.
Il estime cependant que les caractéristiques du dispositif
proposé peuvent faire l'objet de
certaines adaptations
afin
d'harmoniser ce régime avec les différents dispositifs
d'actionnariat salarié existants et de renforcer les incitations
à la constitution d'un actionnariat salarié stable.
Ces adaptations pourraient être les suivantes :
- la décote
La décote prévue par la proposition de loi est obligatoirement de
50 % par rapport au prix d'émission. Cette décote est
nettement supérieure à celles prévues par les autres
dispositifs d'actionnariat (10 % maximum pour les " plans
d'actionnariat ", 20 % maximum pour les PEE) dans le cadre
d'augmentation de capital, mais elle est fortement incitative. Votre rapporteur
observe également que les entreprises tendent à moins utiliser la
décote comme moyen d'incitation et à privilégier
l'abondement.
On pourrait donc envisager une décote de l'action variable en fonction
de la durée d'immobilisation ainsi acquise. Cette modulation de la
décote aurait une double justification. D'une part, elle inciterait
à la mise en place d'un actionnariat durable et donc stable et
limiterait donc le risque d'une " opération strictement
spéculative ". D'autre part, le risque d'investissement en capital
étant croissant dans le temps, une décote modulée
permettrait d'offrir une garantie au salarié face à une
éventuelle perte en capital.
Aussi, il serait possible de prévoir une décote de 20 %
maximum pour une durée de détention minimale (5 ans par
exemple), cette décote maximale pouvant atteindre 50 % si
l'immobilisation est de 10 ans.
- l'abondement
La proposition de loi ne prévoit pas de possibilité d'abondement.
Or celui-ci devient l'une des formes les plus utilisées d'incitation par
les entreprises. L'abondement présente en effet l'avantage sur la
décote d'offrir une meilleure lisibilité de l'effort consenti par
l'entreprise en faveur de ses salariés.
On pourrait donc prévoir la possibilité pour l'entreprise de
verser un abondement complémentaire, celui-ci pouvant être par
exemple celui proposé dans le cadre du PEE (22.500 francs maximum,
sans pouvoir excéder le triple de la contribution du
bénéficiaire).
- le plafond de souscription
Là encore, il serait souhaitable, dans le souci d'harmonisation et de
simplification de la législation, de le définir par analogie avec
celui prévu par les " plans d'actionnariat " ou les PEE. En
outre, un indexation du plafond sur un critère revalorisé
régulièrement assurerait, dans la durée, sa revalorisation.
Fixé à 100.000 francs dans la proposition de loi, le plafond de
souscription pourrait alors être égal soit à la
moitié du plafond annuel de la sécurité sociale (soit
86.820 francs au 1
er
septembre 1999) comme dans les plans
d'actionnariat, soit au quart de la rémunération brute annuelle
comme dans les PEE.
- le régime fiscal et social
La proposition de loi prévoit un régime fiscal et social
favorable pour les actions ainsi acquises : exonération
d'imposition et exonération du prélèvement social de
2 % sur les plus-values.
Une nouvelle fois, ce régime fiscal et social devrait être
aménagé pour s'intégrer aux dispositifs actuels.
Actuellement, les plus-values réalisées sur les plans
d'actionnariat et les PEE sont exonérées d'impôt sur le
revenu, mais supportent la CSG, la CRDS et le prélèvement social.
Toutefois, il serait possible d'imaginer une exonération du
prélèvement social à partir d'une certaine durée
d'immobilisation.
- la durée de blocage des actions
La proposition de loi prévoit une durée de blocage de 3 ans. Une
harmonisation avec le régime des plans d'actionnariat et des PEE incite
à fixer une durée de 5 ans.
En outre, on l'a vu, il serait envisageable d'inciter à une durée
d'immobilisation plus longue (8 ou 10 ans) en prévoyant une
décote exceptionnelle de 50 %, un abondement modulé et une
exonération de prélèvement social de 2 %.
- les modalités de répartition
La proposition de loi précise que les "
actions offertes sont
réparties entre les salariés selon les modalités
fixées par l'assemblée générale
extraordinaire
".
Cette procédure s'inscrivant dans le cadre des mécanismes de
participation, il serait souhaitable d'associer les partenaires sociaux par la
voie de la négociation ou de la consultation. On pourrait donc
prévoir une consultation du comité d'entreprise ou des
représentants du personnel.
b) Relancer les " plans d'actionnariat " de la loi du 27 décembre 1973
Le
dispositif de souscription ou d'acquisition d'actions de sociétés
privées par leurs salariés n'a pas été
actualisé. Il est aujourd'hui nettement moins attractif que celui
proposé par l'ordonnance du 21 octobre 1986.
Pour autant, votre rapporteur considère comme souhaitable de ne pas
supprimer ce dispositif.
D'une part, les plans d'actionnariat peuvent permettre aux entreprises qui le
désirent de renforcer leur actionnariat ou d'offrir un choix distinct du
PEE, comportant des avantages spécifiques pour une contrainte
d'investissement particulière.
D'autre part, les plans d'actionnariat sont un moyen de développer
l'actionnariat salarié dans les entreprises qui n'ont pas -ou ne
souhaitent pas- mettre en place des PEE. Il pourrait s'agir par exemple des
entreprises inscrites au nouveau marché, souhaitant favoriser
l'actionnariat de leurs salariés mais dont l'assise financière
n'est pas encore assez solide pour mener une politique de participation aux
résultats dynamiques. Comme le constate Paul Maillard
30(
*
)
, "
ce système est
particulièrement bien adapté pour la mise en place d'un
actionnariat généralisé, peu coûteux pour
l'entreprise
".
Aussi votre rapporteur propose de relancer ce dispositif en alignant son
régime sur celui du PEE sans pour autant les fusionner
. Cela
impliquerait un certain nombre de modifications législatives de la loi
du 27 décembre 1973.
Ces modifications sont les suivantes :
- les entreprises éligibles
Actuellement, les opérations d'actionnariat de la loi de 1973 sont
réservées aux entreprises cotées, ayant distribué
au moins deux dividendes au cours des trois derniers exercices.
Ces conditions peuvent être maintenues, étant autant de garanties
pour les salariés.
- les salariés éligibles
La loi de 1973 réserve les plans d'actionnariat aux seuls
salariés des sociétés et de leurs filiales, sous
réserve d'une condition d'ancienneté pouvant aller de 6 mois
à 3 ans.
Par cohérence avec l'ordonnance de 1986, il faudrait ouvrir les plans
d'actionnariat aux retraités et préretraités et limiter la
condition d'ancienneté à un maximum de 6 mois.
- les versements du salarié
La loi de 1973 les limite à la moitié du plafond annuel de la
sécurité sociale. Ce plafond pourrait être fixé au
quart de la rémunération brute annuelle comme pour les PEE.
Les versements des salariés sont exonérés d'impôt
sur le revenu dans la limite d'un versement de 3.000 francs. Cette
exonération doit être maintenue et même majorée.
- la décote
La loi de 1973 ne prévoit qu'une décote de 10 %. Elle
devrait passer à 20 % maximum, par souci d'harmonisation avec le
PEE et l'actionnariat salarié issu des privatisations.
- l'abondement
Il ne peut être supérieur ni au versement du salarié, ni
à 3.000 francs par an. Ce montant n'a d'ailleurs pas été
revalorisé depuis 1973.
Par cohérence avec le PEE, l'abondement pourrait n'être
limité qu'au triple de la contribution du salarié et à
22.500 francs par an.
- le régime fiscal et social
Il est identique pour le PEE et pour les plans d'actionnariat, hormis
l'abondement de la société qui n'est exonéré de
charges sociales et fiscales pour la société et d'impôt sur
le revenu pour le salarié que dans la limite de 3.000 francs. Cette
distorsion devrait donc être supprimée.
c) Inciter, par la négociation collective, à une plus grande attractivité de l'actionnariat
L'actionnariat salarié s'inscrit d'autant plus dans une
logique d'association qu'il s'agit d'un actionnariat durable. Certes, les
dispositifs en vigueur permettent d'assurer une certaine stabilité
à cet actionnariat en prévoyant des durées
d'incessibilité des actions (2, voire 3 ans pour les privatisations, 5
ans pour les plans d'actionnariat et les PEE sauf déblocage
anticipé).
Il n'en reste pas moins qu'il est souhaitable de renforcer la stabilité
de cet actionnariat : le délai de 2 ans est court dans le cas des
privatisations, le blocage de 5 ans dans les plans d'actionnariat et surtout
dans les PEE est fréquemment contrebalancé par la
fréquence des déblocages anticipés (environ un tiers des
sommes investies).
Votre rapporteur propose donc de moduler la décote et l'abondement de
l'employeur en fonction de la durée d'immobilisation pour le
salarié
. Les caractéristiques de cette modulation
(durée de blocage, décote et abondement supplémentaire)
sont à préciser. Mais on peut suggérer que la loi offre
aux partenaires sociaux la possibilité de déroger, par accord
collectif dans l'entreprise, aux plafonds actuellement fixés dans le
respect d'une certaine limite.
Ce dispositif aurait, outre son caractère incitatif et son impact sur la
négociation collective dans l'entreprise, l'avantage pour le
salarié de minimiser le risque pris par un investissement en capital
à long terme, en lui proposant un prix de revient de l'achat de l'action
significativement minoré.
d) Revaloriser le plafond d'abondement de l'entreprise
Dans le
cadre du PEE, l'abondement de l'entreprise est plafonné à 15.000
francs en application de la loi du 25 juillet 1994, ce plafond pouvant
cependant être majoré de 50 % en cas d'acquisition d'actions
de l'entreprise (
article L. 443-7 du code du travail
).
Il serait nécessaire
d'assurer une évolution
régulière de ce plafond
pour éviter qu'il ne se
déprécie progressivement comme cela a pu être le cas pour
le plafond d'abondement prévu par la loi de 1973. Votre rapporteur
suggère donc de fixer ce plafond en fonction du plafond de calcul des
cotisations de sécurité sociale, plafond qui présente
l'avantage d'être révisé annuellement. Le montant de ce
plafond pourrait alors être fixé à 10 % du plafond
annuel de la sécurité sociale (soit 17.364 francs en
1999).
e) Favoriser l'actionnariat salarié dans les PME
Actuellement, le régime applicable aux augmentations de
capital réservées aux salariés, dans le cadre du PEE,
diffère, en application de l'article L. 443-5 du code du travail, selon
que l'entreprise est cotée ou non. Il est ainsi possible de
prévoir une décote de moins 20 % sur le prix de souscription
de l'action dans le cas des sociétés cotées. En revanche,
la décote n'est pas autorisée pour les sociétés non
cotées.
Cette disposition rend plus difficile l'actionnariat salarié dans les
PME en rendant les augmentations de capital réservées aux
salariés moins attractives et plus coûteuses.
Or l'article L. 443-5 prévoit deux méthodes d'évaluation
des titres non cotés qui garantissent de manière satisfaisante la
sincérité de l'évaluation :
- le calcul de l'actif net par action, le prix du titre étant
égal au montant de l'actif net divisé par le nombre de
titres ;
- l'évaluation "
à titre d'expert
"
désigné par le tribunal de commerce.
Aussi,
votre rapporteur propose d'autoriser la décote de 20 %
pour les titres non cotés
afin de développer l'actionnariat
salarié dans les PME et afin de prendre en compte le risque plus
important pris dans l'actionnariat non coté.
f) Adapter l'actionnariat salarié aux évolutions du monde du travail
Les
dispositifs d'actionnariat salarié sont inadaptés tant à
la mobilité croissante des salariés qu'à
l'internationalisation des entreprises. Votre rapporteur considère qu'il
est nécessaire de mieux prendre en compte ces deux dimensions pour
garantir le développement de l'actionnariat salarié dans l'avenir.
•
La mobilité du salarié
Actuellement, le transfert du patrimoine issu de l'épargne salariale et
de l'actionnariat salarié hors prélèvement fiscal et
social n'est autorisé qu'entre des FCPE gérant des fonds issus
d'un même PEE.
Votre rapporteur propose d'autoriser ce transfert de patrimoine hors
prélèvement fiscal et social entre PEE lorsque le salarié
change d'entreprise.
•
L'internationalisation des entreprises
Constatant la disparité des régimes de participation et
d'actionnariat salarié dans le monde et notamment en Europe, votre
rapporteur considère que celui-ci peut être un frein à la
diffusion de l'actionnariat salarié, en particulier pour la France. La
France est en effet le pays où les mesures incitatives sont les plus
fortes.
Dès lors, les entreprises françaises se heurtent à des
difficultés lorsqu'elles mettent en place un actionnariat étendu
à leurs salariés non résidents. Il leur est en effet
difficile d'assurer une égalité de traitement entre les
salariés, quel que soit le pays où ils travaillent, du fait de la
diversité des régimes juridiques (notamment en termes de
décote, d'abondement, de durée de blocage et de
prélèvement social et fiscal). En outre, la multiplicité
des régimes juridiques ne fait que complexifier plus encore les
opérations d'actionnariat salarié. De nombreuses entreprises
françaises ont ainsi dû renoncer à étendre leur
politique d'actionnariat à certains pays.
Aussi votre rapporteur ne peut qu'être favorable à une
" harmonisation par le haut " des différents régimes
européens et à l'inscription de la question de la participation
financière et de l'actionnariat salarié sur l'agenda de l'Union
européenne. Cette harmonisation pourrait d'abord prendre la forme d'un
échange régulier d'informations sur les différentes
pratiques nationales, les Etats membres de l'Union ne procédant pour
l'heure à "
aucun échange d'information régulier
sur leur législation, ni sur un code de bonnes pratiques en la
matière
", comme le constate le rapport Pepper II
31(
*
)
.
g) Permettre l'utilisation de l'épargne salariale pour l'acquisition d'actions de l'entreprise
En
dépit de l'aide financière offerte par l'entreprise, les
salariés les plus modestes rencontrant souvent des difficultés
pour participer à des opérations d'actionnariat salarié,
essentiellement pour des raisons financières. Cette situation va
à l'encontre de l'esprit de la participation, qui suppose son extension
à l'ensemble des salariés quels que soient leurs revenus.
Votre rapporteur propose, pour remédier à cette situation,
d'introduire un nouveau cas de déblocage anticipé de la
réserve spéciale de participation ou des avoirs placés sur
un PEE en cas de souscription ou d'acquisition par le salarié d'actions
de son entreprise
. Il faudrait alors modifier l'article R. 442-17 du code
du travail dans ce sens pour introduire un dixième cas de
déblocage anticipé.
Un tel mécanisme, qui s'apparente d'ailleurs plus à une nouvelle
affectation de l'épargne salariale qu'à un déblocage
anticipé à proprement dit, aurait notamment
l'intérêt d'inciter à l'utilisation des sommes
placées sur des comptes courants bloqués pour
l'actionnariat.
h) Adapter le prélèvement fiscal et social
Actuellement le patrimoine issu de l'actionnariat
salarié est
assujetti à l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF).
Or, l'investissement du salarié en actions de son entreprise
s'apparente pourtant à un investissement dans son " outil de
travail ".
L'actionnariat est en effet un moyen pour le salarié
d'orienter la gestion de son entreprise et ainsi de mieux maîtriser son
emploi et son avenir.
Le code général des impôts prévoit pourtant une
exonération de l'ISF pour les biens professionnels des chefs
d'entreprise.
Votre rapporteur estime que cette notion de biens
professionnels devrait être étendue aux actions détenues
par les salariés.
Il propose donc que les actions détenues
par les salariés soient exonérées de l'ISF.
Cette exonération doit cependant être accompagnée de
certaines conditions. Ainsi votre rapporteur suggère que
l'exonération ne serait de droit qu'à la condition que les
salariés détiennent durablement une part minimale du capital de
l'entreprise et que cette détention des actions se fasse par
l'intermédiaire d'un FCPE. Seules de telles conditions permettent en
effet d'assurer que l'actionnariat salarié soit effectivement
assimilable à un " outil de travail ". Cette assimilation
exige que l'actionnariat soit suffisamment stable et élevé et
suffisamment organisé pour que les salariés puissent
effectivement participer à la gestion de leur entreprise en
exerçant leur rôle d'actionnaire.
Certes, une telle proposition concernera principalement des cadres et les
salariés ayant participé à une RES. Mais, dans les
entreprises qui pratiquent une politique durable et dynamique d'actionnariat
salarié, elle pourra également concerner des salariés aux
revenus modestes.
En témoigne par exemple l'expérience d'un grand groupe de
distribution.
Dans un grand groupe de distribution, une caissière ayant placé
les sommes issues de la participation depuis 1973 sur le PEE (de 1973 à
1987 dans un fonds diversifié, puis de 1987 à 1998 dans un fonds
d'actionnariat) détiendrait en 1999 des avoirs s'élevant à
3.106.387 francs
32(
*
)
. Aussi, pour peu qu'elle
ait également effectué des versements volontaires, le patrimoine
issu de la seule épargne salariale dépasserait le seuil
d'imposition à l'ISF (4,7 millions de francs de patrimoine en
1999).
3. Favoriser la représentation des actionnaires salariés dans l'entreprise
L'actionnariat salarié ne peut représenter une
force
dans l'entreprise que s'il est organisé. Individuellement l'actionnaire
salarié n'a qu'une influence marginale, même si idéalement
on ne peut que souhaiter que les actionnaires salariés exercent
eux-mêmes leur droit de vote.
Il importe donc d'assurer une
représentation collective des actionnaires salariés de
manière à ce qu'ils aient un véritable poids dans la prise
de décision.
Cette représentation des salariés actionnaires pourrait
être renforcée tant dans les assemblées
générales et les organes dirigeants de l'entreprise, afin de
mieux les associer à la gestion de leur entreprise, que dans les
conseils de surveillance des FCPE, afin de leur permettre de mieux
contrôler la gestion de leur épargne salariale et de leur
actionnariat.
A cet égard, votre rapporteur s'est interrogé sur le rôle
que peuvent jouer les associations d'actionnaires salariés. Il observe
que celles-ci jouent fréquemment un rôle important pour
l'information des salariés actionnaires et peuvent être leurs
mandataires aux assemblées générales d'actionnaires.
Toutefois, il ne semble pas souhaitable de légiférer pour leur
reconnaître un statut particulier. D'une part, il ne faut pas donner
l'impression que ces associations entreraient en opposition avec les
organisations syndicales. Toutes deux ont des fonctions bien distinctes. Les
syndicats ont d'ailleurs un rôle majeur à jouer dans
l'actionnariat, notamment pour la mise en oeuvre de celui-ci par la
négociation collective.
D'autre part, il est difficile de reconnaître par la loi une fonction de
représentation aux associations. L'actionnariat salarié exige en
effet un regroupement des actionnaires pour être efficace. Or, on
constate actuellement une tendance à la multiplication d'associations
dans une même entreprise. Face au risque d'éparpillement, la
reconnaissance de leur rôle irait à l'encontre de l'objectif
recherché. Il est sans doute préférable de renforcer la
représentativité des conseils de surveillance des FCPE qui
assurent un réel regroupement de l'actionnariat.
Néanmoins, les associations doivent continuer à pouvoir jouer
pleinement leur rôle de mandataires.
Dans ces conditions, trois pistes peuvent être explorées pour
favoriser la représentation et l'implication des actionnaires
salariés dans l'entreprise.
a) Mieux garantir l'application du " rendez-vous obligatoire " prévu par la loi du 25 juillet 1994
La loi
du 25 juillet 1994 avait prévu deux mécanismes pour mieux
associer les salariés actionnaires à la gestion de
l'entreprise :
- l'institution d'un " rendez-vous obligatoire ", lorsqu'il est
constaté que les salariés détiennent plus de 5 % du
capital de l'entreprise, permettant à l'assemblée
générale extraordinaire spécialement convoquée de
se prononcer sur l'opportunité de modifier les statuts afin de faire
siéger des représentants des salariés actionnaires au
conseil d'administration ou au conseil de surveillance de l'entreprise ;
- la non-application aux salariés représentant les
salariés actionnaires nommés membres du conseil d'administration
ou du conseil de surveillance de la limitation du nombre d'administrateurs
salariés.
Votre rapporteur regrette que cette loi ne soit qu'imparfaitement
appliquée s'agissant du " rendez-vous obligatoire ".
Afin de favoriser une meilleure application de cette disposition, votre
rapporteur formule trois propositions :
- charger le Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur
l'application des articles 93-1 et 129-2 de la loi n° 66-537 du 24 juillet
1966 sur les sociétés commerciales, ces articles issus de la loi
du 25 juillet 1994 régissant le " rendez-vous
obligatoire " ;
- confier, pour l'avenir, à la COB la mission de contrôler
l'application de cette disposition ;
- modifier la loi du 24 juillet 1966 pour introduire une nouvelle
disposition prévoyant, en cas de non-respect du " rendez-vous
obligatoire ", la possibilité pour les actionnaires salariés
de présenter une motion tendant à modifier les statuts pour
permettre la représentation des salariés actionnaires au sein du
conseil d'administration ou du conseil de surveillance de l'entreprise lors de
la plus prochaine assemblée générale ordinaire. Il s'agit
ici de leur reconnaître un droit d'initiative.
b) Améliorer la représentation des actionnaires salariés au conseil de surveillance des FCPE
Actuellement, les règles de composition du conseil de
surveillance des FCPE dépendant de la nature du FCPE :
- dans les FCPE " article 20 ", qui gèrent des
portefeuilles diversifiés, le conseil de surveillance est
composé, en application de l'article 20 de la loi du 23 décembre
1988, pour au moins la moitié de ses membres de
"
représentants des salariés porteurs de part du
fonds
", les autres membres étant des représentants de
l'entreprise. Toutefois, lorsque le fonds détient plus de 10 % des
droits de vote attachés aux titres de capital émis par
l'entreprise, le conseil de surveillance doit être composé pour
75 % au moins de représentants des salariés ;
- dans les FCPE " article 21 ", constitués exclusivement
dans le but de gérer des titres émis par l'entreprise, le conseil
de surveillance est exclusivement composé de représentants des
salariés actionnaires.
Votre rapporteur considère que la composition du conseil de
surveillance doit garantir l'indépendance de celui-ci vis-à-vis
de toute influence, notamment dans des circonstances pouvant influer sur la
structure du capital de l'entreprise (OPE, OPA).
Certes, l'article 10 de la loi du 25 juillet 1994 a permis d'aller dans ce
sens. Il prévoit que, lorsque le FCPE gère exclusivement des
titres de la société, le règlement peut prévoir,
par dérogation, que les droits de vote sont exercés
individuellement et non collectivement par le conseil de surveillance.
Votre rapporteur estime qu'il faut sans doute aller plus loin.
Idéalement, il ne devrait pas y avoir de paritarisme dans la composition
du conseil de surveillance quand le FCPE gère les titres de la
société, sauf si les droits de vote peuvent être
exercés individuellement. Cela garantirait l'indépendance des
conseils de surveillance.
Constatant que les règlements des FCPE investis en titres de
l'entreprise ne prévoient pas toujours cette possibilité de droit
de vote individuel et observant que l'article 10 de la loi du 25 juillet 1994
ne s'applique qu'aux FCPE gérant
exclusivement
des titres de
l'entreprise et non aux FCPE diversifiés, votre rapporteur propose de
renforcer l'indépendance des conseils de surveillance et donc la
représentation réelle des actionnaires salariés.
Aussi, il suggère d'abaisser à 5 % des droits de vote
attachés aux titres de capital de la société
détenus par le FCPE, le seuil à partir duquel les
représentants des actionnaires salariés doivent composer au moins
75 % du nombre des membres du conseil de surveillance.
c) Assurer une participation réelle des salariés actionnaires aux décisions les plus importantes de l'entreprise
L'actionnariat salarié vise à permettre une
réelle participation des salariés actionnaires aux
décisions de l'entreprise, et en particulier à celles qui les
concernent directement.
Mais, pour être efficace, l'exercice des droits de vote doit
être collectif et organisé.
La loi du 25 juillet 1994 a ainsi prévu, dans son article 7, la
possibilité pour le président du conseil d'administration ou le
directoire d'organiser, avant chaque réunion de l'assemblée
générale, une consultation des salariés actionnaires afin
de leur permettre de désigner un ou plusieurs mandataires pour les
représenter à l'assemblée générale. Cet
article précise que cette consultation est obligatoire lorsque
l'assemblée générale doit nommer au conseil
d'administration ou au conseil de surveillance un ou des salariés
actionnaires ou membres des conseils de surveillance du FCPE détenant
des actions de la société.
Cette disposition permet de favoriser le regroupement de l'actionnariat
salarié en lui offrant la possibilité de désigner un
mandataire pour les représenter à l'assemblée
générale. Votre rapporteur observe que cette procédure
peut permettre utilement l'émergence d'un actionnariat organisé
dans l'entreprise, les associations de salariés actionnaires pouvant par
exemple jouer ce rôle en l'absence d'un exercice collectif des droits de
vote par le conseil de surveillance du FCPE.
Votre rapporteur considère toutefois que cette consultation
obligatoire pourrait être étendue à d'autres cas que la
nomination de représentants des salariés actionnaires dans les
organes dirigeants de l'entreprise. Il existe en effet d'autres
décisions pour lesquelles il semble nécessaire de favoriser le
regroupement de l'actionnariat salarié car elles engagent
profondément la vie de l'entreprise et en conséquence celle des
salariés.
Il pourrait ainsi s'agir des assemblées
générales ayant à statuer sur une prise de contrôle
de l'entreprise (en cas d'OPA ou d'OPE). Il pourrait également s'agir
des assemblées générales extraordinaires devant se
prononcer, en application des articles 93-1 et 129-2 de la loi du 24 juillet
1966, sur l'introduction dans les statuts d'une clause permettant la
représentation des salariés actionnaires au conseil de
surveillance ou au conseil d'administration.
De la même manière, il serait possible de
prévoir que
les droits de vote ne peuvent être exercés individuellement dans
ces deux cas, mais doivent être exercés par le conseil de
surveillance du FCPE, lorsque celui-ci gère les titres de capital de la
société auxquels sont attachés plus de 5 % des droits
de vote.
Un tel mécanisme assurerait alors la cohésion de
l'actionnariat salarié à l'occasion des assemblées
générales les plus importantes pour le destin de
l'entreprise.
4. Assurer une meilleure protection des actionnaires salariés
L'actionnariat salarié, comme toute forme d'investissement en titres de capital, est un placement risqué. Votre rapporteur considère qu'il doit le rester. Mais il estime également que cette exposition au risque ne doit pas être excessive.
a) Renforcer la transparence des FCPE pour améliorer l'information des salariés porteurs de part
Le
conseil de surveillance des FCPE a pour mission principale de contrôler
la gestion du fonds. Votre rapporteur a observé une professionnalisation
croissante dans l'exercice de cette mission, certains conseils de surveillance
allant jusqu'à faire appel à des consultants ou à des
experts extérieurs pour évaluer la gestion du fonds.
Afin d'accompagner la poursuite de ce mouvement, votre rapporteur est favorable
à une contractualisation accrue des relations entre les conseils de
surveillance et les sociétés de gestion. Cette
contractualisation, qui pourrait prendre la forme d'un " mandat de
gestion " à durée limitée, mais renouvelable,
permettrait de mieux préciser les objectifs de gestion et, en
conséquence, de servir de critères d'évaluation de la
gestion.
b) Améliorer la formation économique des membres des conseils de surveillance des FCPE
L'article L. 444-1 du code du travail, introduit par la loi du
25
juillet 1994, a prévu un droit à la formation économique
pour les membres des conseils de surveillance représentant les
salariés.
Votre rapporteur constate que cette possibilité, qui assure pourtant une
professionnalisation des représentants des salariés et garantit
une meilleure protection de ceux-ci face aux risques de gestion, reste trop
rarement employée.
Il conviendrait donc de relancer les formations de ce type, notamment par le
biais d'une campagne d'information et de sensibilisation des différentes
parties prenantes.
Votre rapporteur estime également que cette formation ne saurait
être exclusivement économique et qu'elle devrait également
permettre l'acquisition de compétences juridiques.
5. Moderniser les autres mécanismes de la participation financière
L'actionnariat salarié constitue une forme
d'épargne
salariale. Dès lors, il est largement alimentée par les
principaux vecteurs de celle-ci que sont l'intéressement, la
participation aux résultats et les versements sur les PEE. Aussi, le
développement de l'actionnariat salarié est conditionné
à celui des autres mécanismes de participation financière.
Dans ces conditions, votre rapporteur considère qu'il est
nécessaire de favoriser leur développement et formule, dans cette
perspective, plusieurs propositions pour remédier aux carences
actuellement constatées en ce domaine.
a) Mieux impliquer les PME
La
principale faiblesse de l'épargne salariale est sans conteste sa faible
diffusion dans les PME. En 1997, seules 4,6 % des entreprises de 10
à 49 salariés et 6 % des salariés travaillant dans
ces entreprises étaient couverts par un accord de participation ou
d'intéressement.
Il importe donc prioritairement d'inciter ces entreprises à signer des
accords d'intéressement et de participation et à mettre en place
des PEE.
Dans cette perspective, la loi du 25 juillet 1994 a prévu d'instituer un
" rendez-vous annuel obligatoire "
33(
*
)
dans les entreprises où sont
constituées une ou plusieurs sections syndicales et où aucun
accord de participation ou d'intéressement n'est en vigueur. Ce
" rendez-vous " qui se fait à l'occasion de la
négociation annuelle sur le temps de travail, l'emploi et les salaires,
est l'occasion d'examiner l'opportunité de mettre en place un
régime d'intéressement, de participation ou d'actionnariat.
Votre rapporteur constate cependant qu'il n'a pas eu tous les effets
désirés.
Deux nouvelles voies pourraient être explorées :
- il serait d'abord possible d'étendre le champ du
" rendez-vous annuel obligatoire ". Beaucoup d'entreprises n'ont pas
de section syndicale. Ce " rendez-vous " pourrait alors être
rendu obligatoire dans les entreprises où existent des
délégués du personnel (c'est-à-dire les entreprises
de plus de 10 salariés en application de l'article L. 421-1 du code
du travail) ;
- l'obstacle majeur à la mise en place des dispositifs
d'épargne salariale dans les PME est sans conteste la complexité
administrative. Les PME hésitent à se lancer dans ces
opérations face à la difficulté de mise en oeuvre, mais
aussi face à la complexité de gestion. C'est pourquoi il importe
de viser en priorité une simplification du PEE pour les PME. Dans cette
perspective, il serait possible de
créer, au niveau local et par voie
contractuelle, des PEE " inter-entreprises ",
à l'image
des FCPE " multi-entreprises ". Ces PEE, auxquels pourraient
adhérer les salariés des différentes entreprises parties
prenantes, auraient en effet l'avantage de répartir le coût de
gestion des PEE entre plusieurs entreprises. Ils auraient en outre l'avantage
d'initier un mouvement d'entraînement au niveau local, des entreprises
pouvant adhérer facilement aux PEE " inter-entreprises "
existants.
b) Revoir les conditions de rémunération des comptes courants bloqués
Les
sommes issues de la réserve spéciale de participation sont encore
largement affectées sur des " comptes courants
bloqués " qui représentent un droit de créance du
salarié sur l'entreprise, celle-ci conservant ces sommes pendant la
durée d'indisponibilité dans un fonds destiné à
financer ses investissements. Les sommes placées sur ces comptes
courants bloqués représentent aujourd'hui encore plus du tiers de
la réserve spéciale de participation.
Cette situation s'explique de deux manières :
- l'affectation au compte courant bloqué est de droit lorsqu'aucun
accord de participation n'a été signé dans l'entreprise,
les sommes étant alors bloquées pendant 8 ans en application
de l'article L. 442-12 du code du travail ;
- les rémunérations servies sur les comptes courants
bloqués restent attractives pour les salariés et sans risque.
Elles sont ainsi sensiblement supérieures à celles de
l'épargne défiscalisée.
Force est de constater que cette situation n'est favorable ni au
développement de la négociation collective, ni à celui
d'autres formes de placement de l'épargne salariale (PEE ou actionnariat
par exemple).
Dans ces conditions, votre rapporteur propose de réviser la
rémunération actuelle des comptes courants bloqués qui n'a
pas été modifiée depuis 1987 en dépit d'un
spectaculaire mouvement de baisse des taux.
En application des articles R. 442-10 et R. 442-12 du code du travail,
l'arrêté ministériel du 17 juillet 1987 a fixé les
taux d'intérêt minima à servir aux comptes courants
bloqués à :
- 5 % par an pour une durée de blocage de trois ans (en cas
d'accord dérogatoire) ;
- 6 % par an pour une durée de blocage de cinq ans (en cas
d'accord) ;
- 10 % par an pour une durée de blocage de huit ans (en
l'absence d'accord).
Afin d'assurer une corrélation entre les taux des comptes bloqués
et les taux du marché, les taux des comptes bloqués pourraient
être fixés en fonction du taux mensuel moyen du marché
monétaire, majoré de 1 point pour un blocage de 3 ans, de 2
points pour un blocage de 5 ans et de 3 points pour un blocage de
8 ans.
c) Prendre en compte la spécificité des holdings pour l'intéressement
Autant
la participation vise à associer l'ensemble des salariés d'un
groupe aux résultats globaux de ce groupe, autant l'intéressement
doit être fonction des résultats propres de l'entreprise. Votre
rapporteur constate à cet égard que la plupart des groupes ont
mis en place des accords de groupe pour la participation, mais continuent de
pratiquer des accords d'intéressement à l'échelle de
l'entreprise.
Or, cette situation peut poser des difficultés pour le calcul de
l'intéressement dans les sociétés holdings. Votre
rapporteur fait référence ici à la situation d'une
société holding d'un grand groupe français, qui a mis en
place un accord d'intéressement fondé sur les données
consolidées de ces filiales. Mais la direction départementale du
travail a contesté, en 1998, au bout de 15 ans d'application de cet
accord, l'utilisation de données relatives à l'ensemble du groupe
pour le calcul de l'intéressement dans la holding, estimant que
"
l'intéressement calculé dans le cadre d'un accord
d'entreprise doit être basé sur les résultats ou
performances propres de l'entreprise
".
Cette analyse, parfaitement pertinente pour une filiale, ne peut s'appliquer en
revanche qu'avec difficulté pour une société holding.
D'une part, la mise en place d'un accord d'intéressement de groupe n'est
souvent pas adaptée aux contraintes propres des groupes qui souhaitent
maintenir une gestion indépendante et décentralisée de
leur filiale.
D'autre part, dans la mesure où la holding a pour finalité
d'assurer le développement de ses filiales et a donc des
résultats et des performances liés à ceux des filiales, il
semble logique de calculer l'intéressement en fonction des
données consolidées.
Votre rapporteur suggère donc de permettre aux sociétés
holdings, dans le cadre d'un accord d'intéressement, de calculer leur
intéressement en fonction des données consolidées du
groupe.
d) Encourager la constitution d'une épargne salariale à long terme
Les
nécessités pour les ménages de se constituer une
épargne longue, notamment pour servir de source complémentaire au
financement des retraites, apparaissent chaque jour de plus en plus clairement.
L'article 2 de la loi de financement de la sécurité sociale pour
1999 a créé un fonds de réserve destiné à
"
consolider les régimes par répartition
". Mais
sa dotation initiale est faible (2 milliards de francs), ses modes
d'alimentation restent mal définis, son objectif est flou, comme l'a
constaté M. Alain Vasselle dans son rapport d'information
précité. En outre, il ne repose pas sur une démarche
d'épargne volontaire et collective.
Votre rapporteur observe parallèlement que l'épargne salariale
investie en parts de FCPE représentait 232 milliards de francs à
la fin de 1998, 40 % de ce montant étant immobilisé depuis
plus de cinq ans. Dès lors, il s'interroge sur la possibilité
d'utiliser, bien entendu à la demande des salariés, cette
épargne longue pour servir de moyen de financement
surcomplémentaire des retraites, s'ajoutant aux systèmes actuels
par répartition, en l'absence de " fonds de pension à la
française ".
Cette préoccupation est d'ailleurs partagée par la Cour des
comptes.
Epargne salariale et épargne
retraite :
l'analyse
de la Cour des comptes
" Si l'épargne salariale ne vise pas
spécifiquement la préparation de la retraite, son glissement vers
cette utilisation s'opère en France de deux manières. D'une part,
on voit des entreprises reconvertir des régimes supplémentaires
défaillants en épargne salariale. D'autre part, le PEE est de
plus en plus considéré comme un bon vecteur pour se constituer
une épargne longue. Dans cette optique, puisque 45 % des
salariés laissent les sommes immobilisées dans leur PEE plus de
cinq ans -un pourcentage en augmentation régulière- des plans
d'épargne entreprise à long terme (PEELT) ont vu le jour,
appelés aussi PEE retraite, pratiqués par les entreprises
désirant encourager leurs salariés à effectuer des
placements de longue durée.
" Aussi voit-on parfois dans l'épargne salariale un
" vecteur " de l'épargne retraite en raison même de ce
potentiel de développement et des avantages qui y sont attachés,
et ceci pour plusieurs raisons.
" En premier lieu, peu de salariés disposent d'un régime de
retraite supplémentaire d'entreprise, alors qu'ils sont nombreux -un
gros tiers- à bénéficier de mécanismes de
participation financière, qui sont alors considérés comme
un mécanisme de revenu différé. En outre cette
épargne s'appuie sur le paritarisme et la négociation collective.
D'ailleurs, elle semble susciter un fort degré de satisfaction
auprès des salariés, puisque selon l'enquête de la
commission des opérations de bourse (COB), 83 % des salariés
se déclarent " satisfaits " ou " très
satisfaits ".
" A ces raisons s'ajoutent les qualités propres de ce type
d'épargne, en particulier en ce qui concerne les PEE : la souplesse
et l'attractivité, imputable en particulier à la part des
abondements pris en charge par les entreprises dans le cadre des plans
d'épargne entreprise. Comme l'explique le rapport de la COB :
"
il suffirait au demeurant de peu de choses pour transformer un PEE en
fonds de pension : que l'échéance ne soit plus fixée
en nombre d'années (cinq ou huit) mais à la date de départ
à la retraite
". Au surplus, si l'abondement des entreprises
est encadré fiscalement, il fait figure de motivation majeure pour les
salariés. Les avantages fiscaux paraissent également
déterminants.
" Enfin, les mutations contemporaines du rapport salarial, impliquant une
part croissante des revenus sous forme de complément de salaire, conduit
parfois à soutenir que l'épargne salariale sera importante
à l'avenir, ce qui accroîtrait sa faculté à
être un vecteur de l'épargne retraite. "
Source : Rapport de la Cour des comptes
sur la
sécurité sociale, septembre 1999
Sans
vouloir évidemment dénaturer les PEE tels qu'ils existent, il
serait possible d'étudier la possibilité, pour les
salariés volontaires et par accord collectif, de greffer sur les PEE
existants un " PEE à long terme ", qui constituerait un
prolongement facultatif du PEE.
Deux solutions sont ici envisageables :
- l'instauration d'une durée de blocage déterminée
(10 ans par exemple), le capital étant transmis à un " plan
d'épargne retraite " à l'issue de la période de
blocage ;
- le blocage des sommes jusqu'au départ en retraite du
salarié. A cette date, le capital serait transféré
à un organisme de gestion qui verserait alors une rente viagère
au salarié partant en retraite.
Dans les deux cas, la sortie en capital du " PEE à long
terme " se ferait, à la différence du PEE actuel, en
franchise, pour tout ou partie, de CSG, de CRDS et de prélèvement
social de 2 %.
Une telle piste de réflexion n'est à l'évidence pas
exclusive d'une démarche en faveur de la création de plans
d'épargne retraite spécifiques, mais elle pourrait constituer un
utile complément.
6. Proposer de nouvelles formes d'actionnariat salarié adaptées aux spécificités des entreprises
L'actionnariat salarié ne peut s'inscrire dans une
perspective univoque. A la variété des situations des entreprises
doit correspondre une même variété dans les
modalités de mise en place de l'actionnariat salarié.
Votre rapporteur estime ainsi nécessaire de
" réactiver " des formules pouvant déboucher sur
l'actionnariat salarié.
a) Faire des stock-options une forme réelle d'actionnariat salarié
Les
plans d'options sur actions pourraient s'inscrire véritablement dans la
logique d'association à une double condition :
- leur distribution est étendue à l'ensemble des
salariés de l'entreprise et non aux seuls cadres dirigeants ;
- les actions sont conservées un certain laps de temps entre la
levée de l'option et la revente de l'action, afin que l'actionnaire soit
un actionnaire réel détenant effectivement des actions et non un
simple actionnaire virtuel.
Sans vouloir proposer ici une réforme d'ensemble du régime des
plans d'options sur action qui dépasserait le cadre du présent
rapport, votre rapporteur tient à formuler quelques propositions pour
inciter, dans le cadre législatif actuel, à une utilisation des
stock-options comme vecteur réel d'actionnariat salarié dans le
cadre contractuel.
Il serait ainsi possible de
prévoir un régime fiscal et social
plus favorable
pour ces plans si deux conditions étaient
réunies :
- la distribution d'options est généralisée à
l'ensemble du personnel, le nombre d'options offertes à chaque
salarié étant proportionnel à sa
rémunération ;
- les actions sont conservées au moins deux ans entre la
levée de l'option et la cession de l'action, cette durée de deux
ans étant identique à celle d'incessibilité des actions
dans le cadre des privatisations.
Si ces deux conditions étaient respectées, le régime
fiscal et social applicable aux stock-options devrait se rapprocher de celui
applicable à l'actionnariat salarié :
- non-assujettissement aux cotisations sociales de la part excédant
5 % de la décote consentie sur le prix de l'option par rapport au
prix du marché (
article 49 de la loi portant diverses dispositions
d'ordre social du 4 février 1995
) ;
- non-assujettissement aux cotisations sociales de la plus-value
d'acquisition lors de la levée de l'option (
article 11 de la loi de
financement de la sécurité sociale pour 1997
) ;
- exonération de la taxation sur les plus-values pour la plus-value
d'acquisition réalisée à la levée de l'option
(
article 70 de la loi de finances initiale pour 1996
) ;
- exonération temporaire de prélèvement social de
2 %, de CSG et de CRDS entre la levée de l'option et la cession de
l'action ;
- exonération de la taxation sur les plus-values lors de la cession
de l'action.
Toutefois ce régime fiscal et social incitatif ne sera
véritablement attractif que si le salarié possède des
disponibilités suffisantes pour lever l'option dans la mesure où
il ne peut la revendre immédiatement.
Pour ce faire, votre rapporteur propose deux solutions :
- introduire un nouveau cas de déblocage anticipé de
l'épargne salariale issue de la participation ou du PEE en cas de
levée d'option par le salarié ;
- accorder un avantage fiscal supplémentaire au salarié qui
pourrait prendre la forme soit de la déduction de son revenu imposable
des intérêts des emprunts contractés pour lever l'option,
soit d'une réduction d'impôt sur une part des versements
effectués pour lever l'option.
Votre rapporteur souligne que ce régime plus favorable est purement
incitatif et ne saurait en aucun cas être obligatoire. Toutes les
entreprises n'ont pas vocation à instituer des plans d'options sur
actions touchant l'ensemble de leurs salariés. Mais ces plans
généralisés pourraient concerner les PME employant du
personnel très qualifié dans un secteur de haute technologie. Il
s'agit donc seulement d'offrir une opportunité supplémentaire
d'actionnariat salarié dans l'attente d'une réforme
législative plus profonde des stock-options, qui ne devrait pas manquer
toutefois de même prendre en compte l'exigence d'une distribution
généralisée.
b) Relancer les RES
Les RES
peuvent également constituer un vecteur important d'actionnariat
salarié dans le cadre spécifique de la transmission d'entreprise.
On constate en effet que, chaque année, de nombreuses entreprises
à actionnariat le plus souvent familial se trouvent sans repreneur
à la suite du départ du chef d'entreprise. Le risque de
disparition pure et simple de l'entreprise est, dans ce cas, réel.
Dans cette perspective, le législateur avait, par la loi du 9 juillet
1984, puis par la loi du 17 juin 1987 sur l'épargne, instauré le
régime spécifique de la RES accordant aux salariés des
facilités pour réunir les capitaux nécessaires pour
financer la reprise.
La loi de finances pour 1992 a cependant, dans son article 90, organisé
la disparition progressive des RES, ceux-ci ne bénéficient plus,
depuis le 1
er
janvier 1997, d'un régime spécifique.
Observant que ces RES ont débouché, dans de nombreux cas, sur des
transmissions réussies d'entreprises au personnel, votre rapporteur
considère que le régime actuel de droit commun (exclusivement
fondé sur un avantage fiscal accordé dans le cadre de la taxation
" mère-filiale ") ne permet plus aux salariés de se
constituer un capital initial suffisant pour entreprendre la reprise.
Il propose donc un rétablissement du régime spécifique du
RES tel qu'il existait dans la loi du 17 juin 1987. Ce régime est en
effet le seul susceptible de permettre aux salariés d'apporter un
capital initial suffisant pour créer une holding destinée
à racheter l'entreprise. Il autorisait en effet les salariés
à déduire de leurs revenus imposables les intérêts
des emprunts contractés pour constituer le capital de la holding.
Si ce régime n'a à l'évidence pas vocation à
s'appliquer à toutes les entreprises, il serait néanmoins bien
adapté à des sociétés qui connaissent des
difficultés de transmission et permettrait à l'actionnariat
salarié de succéder dans de bonnes conditions à un
actionnariat classique.
*
* *
Parmi ces propositions, une vingtaine nécessite un ajustement de la législation en vigueur. Elles feront l'objet d'une proposition de loi que votre rapporteur déposera prochainement.
ANNEXES
-
Annexe 1
: les 28 propositions de la
commission des Affaires sociales
-
Annexe 2
: les travaux de la commission
-
Annexe 3
: liste des personnes auditionnées par
la commission
-
Annexe 4
: liste des personnes auditionnées par
le rapporteur
-
Annexe 5
: liste des entreprises ayant répondu
au questionnaire écrit du rapporteur
-
Annexe 6
: l'intéressement, la participation et
l'actionnariat salarié : une étude de législation
comparée du service des affaires européennes du
Sénat
ANNEXE 1
-
LES 28 PROPOSITIONS DE LA COMMISSION DES
AFFAIRES SOCIALES
•
Améliorer l'information sur l'actionnariat salarié
1.
Etendre les missions du Conseil supérieur de la
participation à l'actionnariat salarié, en lui permettant
notamment de disposer de l'ensemble des données sur ce sujet ;
2. Prévoir la présence d'un membre de la Commission des
opérations de bourse au sein du Conseil supérieur de la
participation ;
3. Réunir le Conseil supérieur de la participation au moins
deux fois par an, conformément à la réglementation en
vigueur ;
4. Charger la Commission des opérations de bourse de
contrôler la publication, dans le rapport annuel des
sociétés, de l'état de la participation des
salariés au capital social de l'entreprise ;
5. Introduire une sanction en cas de non-publication, dans le rapport
annuel des sociétés, de l'état de la participation des
salariés au capital social de l'entreprise.
•
Encourager le développement des opérations
d'actionnariat salarié dans les entreprises
6.
Réserver aux salariés, à des conditions
préférentielles, 5 % des actions émises par les
sociétés lors d'une augmentation de capital ;
7. Relancer les " plans d'actionnariat " institués par
la loi du 27 décembre 1973 en harmonisant leur régime avec celui
de l'actionnariat salarié dans le cadre des plans d'épargne
d'entreprise ;
8. Introduire la possibilité, dans le cadre d'un accord collectif,
de moduler les aides financières de l'entreprise (décote et
abondement) en fonction de la durée d'immobilisation des actions de
l'entreprise acquises par le salarié, les aides pouvant alors
dépasser les plafonds actuels si la durée d'immobilisation est
supérieure à cinq ans ;
9. Actualiser le plafond d'abondement de l'entreprise dans le cadre du
plan d'épargne d'entreprise en cas d'acquisition d'actions de
l'entreprise par le salarié ;
10. Autoriser les entreprises non cotées à procéder
à des augmentations de capital réservées aux
adhérents du plan d'épargne d'entreprise avec une décote
de 20 % sur l'évaluation des titres ;
11.
Autoriser, lorsque le salarié change d'entreprise, le
transfert hors prélèvement fiscal et social des sommes
versées sur le plan d'épargne d'entreprise vers le plan
d'épargne d'entreprise de la nouvelle société du
salarié ;
12.
Introduire un nouveau cas de déblocage anticipé de
la réserve spéciale de participation en cas de souscription ou
d'acquisition d'actions de la société par le salarié ;
13. Considérer les actions de son entreprise détenues par
le salarié comme un " bien professionnel " et les
exonérer en conséquence d'impôt de solidarité sur la
fortune.
•
Favoriser la représentation des salariés
actionnaires et améliorer leur participation à la vie de
l'entreprise
14.
Charger le Gouvernement de remettre un rapport au Parlement sur
l'application des articles 93-1 et 129-2 de la loi du 24 juillet 1996 sur les
sociétés commerciales (qui définissent les conditions de
nomination des représentants des salariés actionnaires au conseil
d'administration ou au conseil de surveillance de la société,
lorsque les salariés détiennent plus de 5 % du capital
social de celle-ci) ;
15. Confier à la Commission des opérations de bourse la
mission de contrôler l'application des articles 93-1 et 129-2 de la loi
du 24 juillet 1966 ;
16. Introduire la possibilité pour les actionnaires
salariés, en cas de non-application des dispositions des articles 93-1
et 129-2 de la loi du 24 juillet 1966, de présenter, lors de la plus
prochaine assemblée générale ordinaire, une motion tendant
à modifier les statuts de la société pour permettre la
nomination de représentants des salariés actionnaires au conseil
d'administration ou au conseil de surveillance de la
société ;
17. Abaisser de 10 % à 5 % des droits de vote
attachés aux titres de capital de la société
détenus par un fonds commun de placement d'entreprise le seuil à
partir duquel le conseil de surveillance du fonds est composé à
75 % au moins de représentants des salariés
actionnaires ;
18. Etendre la consultation des salariés actionnaires,
prévue à l'article 161 de la loi du 24 juillet 1966
(désignation d'un ou de plusieurs mandataires pour les
représenter à l'assemblée générale),
à deux nouveaux cas : risque de prise de contrôle de la
société et organisation des conditions de représentation
des salariés actionnaires au conseil d'administration ou au conseil de
surveillance de la société ;
19. Prévoir que, lorsqu'un fonds commun de placement d'entreprise
gère des titres de capital de la société auxquels sont
attachés plus de 5 % des droits de vote, le conseil de surveillance
du fonds exerce ces droits de vote.
•
Assurer une meilleure protection des actionnaires
salariés
20.
Favoriser une contractualisation accrue des relations entre les
conseils de surveillance des fonds communs de placement d'entreprise et les
sociétés de gestion de ces fonds en généralisant la
pratique des " mandats de gestion " pour une durée
limitée mais renouvelable ;
21. Approfondir le stage de formation des membres de ces conseils de
surveillance (article L. 441-1 du code du travail) en prévoyant une
formation juridique et pas seulement économique.
•
Moderniser les autres formes de participation
financière des salariés
22.
Créer des plans d'épargne
" inter-entreprises " afin de mieux impliquer les petites et moyennes
entreprises dans l'épargne salariale ;
23.
Etendre aux entreprises où sont présents des
délégués du personnel les dispositions de l'article L.
444-3 du code du travail qui prévoit, dans les entreprises où
aucun accord d'intéressement ou de participation n'est en vigueur, un
examen annuel des conditions dans lesquelles les mécanismes de
participation financière pourraient être mis en oeuvre ;
24. Réviser les conditions de rémunération des
comptes courants bloqués en fonction de l'évolution des taux du
marché ;
25. Permettre aux sociétés holdings de calculer
l'intéressement en fonction des résultats et des performances du
groupe ;
26. Instituer, par accord collectif, des plans d'épargne
d'entreprise à long terme dont la sortie en capital se ferait en
franchise, pour tout ou partie, de CSG, de CRDS et de prélèvement
social de 2 % à la condition que ce capital soit
transféré à un " plan d'épargne
retraite " ou à un organisme de gestion versant une rente
viagère.
•
Mettre en place de nouvelles formes d'actionnariat
salarié adaptées aux spécificités des
entreprises
27.
Assouplir le régime fiscal et social des plans d'options
sur actions lorsque les plans concernent l'ensemble du personnel de
l'entreprise (proportionnellement à leur
rémunération) ;
28. Rétablir les Reprises de l'entreprise par les salariés
(RES), sous le régime prévu par la loi du 17 juin 1987 sur
l'épargne.
ANNEXE 2
-
LES TRAVAUX DE LA
COMMISSION
I. AUDITIONS DU 30 MARS 1999
Réunie le mardi 30 mars 1999
sous la
présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a tout
d'abord entendu
M. Georges Repeczky, vice-président du Conseil
supérieur de la participation
, accompagné de
MM. Paul
Maillard, Maurice Aumage et Claude Cambus, membres de ce conseil
au titre
des personnalités qualifiées et, respectivement
rapporteurs
des groupes de travail " épargne salariale et épargne
retraite ", " participation " et
" intéressement " du Conseil supérieur de la
participation.
M. Jean Delaneau, président
, a rappelé qu'à
l'initiative de M. Jean Chérioux, représentant du Sénat au
Conseil supérieur de la participation, la commission avait
souhaité faire le point sur le développement de l'actionnariat
salarié.
M. Jean Chérioux,
constatant que l'actionnariat salarié
connaissait un nouvel élan depuis les privatisations, a souligné
que celui-ci constituait l'une des formes de la participation des
salariés dans l'entreprise. Il a remercié le président
Jean Delaneau d'avoir bien voulu organiser ces auditions, qui s'insèrent
dans une démarche de suivi de l'application de la loi du 25 juillet 1994
relative à l'amélioration de la participation des salariés
dans l'entreprise. Il a souligné, par ailleurs, l'insuffisance des
données statistiques disponibles dans ce domaine.
M. Georges Repeczky
a d'abord rappelé que le Conseil
supérieur de la participation avait été institué
par la loi du 25 juillet 1994. Il a indiqué que le Conseil avait mis en
place, dès son installation, trois groupes de travail, le premier sur la
participation au sens large, le deuxième sur l'intéressement et
le dernier sur le rôle que pourrait jouer l'épargne salariale en
matière d'épargne retraite.
M. Claude Cambus
a précisé que le groupe de travail
" intéressement " avait procédé à une
série d'auditions de dirigeants d'entreprises et de partenaires sociaux,
afin d'évaluer la portée des accords d'intéressement. Il a
indiqué que, dans les grandes entreprises, l'intéressement
apparaissait avant tout comme un outil de la politique salariale parmi
d'autres, alors que, dans les petites entreprises, l'intéressement
répondait plus à l'esprit initial de la législation sur la
participation, étant un véritable moyen de partage des
bénéfices. Il a également rappelé que le groupe de
travail " intéressement " avait été saisi d'une
demande d'étude afin d'examiner en quoi l'intéressement pouvait
faciliter la négociation sur la réduction du temps de travail,
mais que le groupe avait exprimé un avis très
réservé.
M. Maurice Aumage
a insisté sur l'importance croissante de
l'actionnariat salarié et sur la meilleure représentation des
actionnaires salariés dans les organes délibérants des
entreprises. Observant que les privatisations de 1987 n'avaient pas permis aux
actionnaires salariés de siéger dans le conseil d'administration,
il a constaté que ceux-ci étaient l'objet d'une plus grande
considération depuis 1993, cette tendance s'étant
accentuée depuis quelques mois. Il a jugé que ce mouvement
s'expliquait par le souci des entreprises de se constituer un actionnariat
stable, face à celui constitué par les fonds de pension
étrangers que les entreprises jugeaient très volatile.
Il a cependant observé que certains obstacles subsistaient, freinant un
développement plus rapide de l'actionnariat salarié. Il a d'abord
insisté sur le manque de transparence des informations existantes sur
l'actionnariat salarié en précisant qu'aucun organisme ne
centralisait les données relatives à la part du capital social
des sociétés françaises détenues par leurs
salariés. Il a également remarqué que la
représentation des actionnaires salariés dans les organes
délibérants restait encore limitée, les administrateurs
salariés étant bien plus des représentants syndicaux que
des représentants des actionnaires.
M. Paul Maillard
a ensuite présenté les conclusions des
travaux du groupe " épargne salariale et épargne
retraite ". Il a estimé que l'épargne salariale pouvait
constituer un moyen efficace de financement d'une retraite
surcomplémentaire. A cet égard, il a précisé que le
groupe de travail s'était montré favorable à la
constitution d'un plan d'épargne salariale à long terme qui
reprendrait les caractéristiques des dispositifs actuels
d'épargne salariale, la différence principale étant que la
durée minimale d'immobilisation des sommes versées pourrait
être portée à dix ans au lieu de cinq. Il a rappelé
que le groupe de travail considérait que ce plan d'épargne
salariale à long terme ne devrait pas se substituer au plan
d'épargne entreprise, dans la mesure où les règles de
gestion des fonds étaient largement fonction de leur durée
d'immobilisation et de leur destination. Il a ainsi indiqué que le
principe de prudence ne permettait pas qu'une épargne constituée
dans le but de la retraite soit investie totalement en actions.
M. Claude Cambus
a ensuite présenté les conclusions d'une
étude sur les effets de l'actionnariat salarié dans l'entreprise.
Il a indiqué que l'actionnariat salarié issu d'une épargne
volontaire était plus stable et plus durable que l'actionnariat
salarié réalisé dans le cadre des mécanismes de
participation.
M. Georges Repeczky
a enfin dressé un bilan quantitatif des
différents mécanismes de participation. Il a ainsi indiqué
qu'en 1997, près de 5 millions de salariés s'étaient
vu attribuer près de 30 milliards de francs au titre de la
participation ou de l'intéressement. Il a observé que
l'intéressement progressait sensiblement plus vite que la participation,
celle-ci semblant être arrivée à maturité. Il a
constaté que les plans d'épargne d'entreprise (PEE) avaient
reçu, en 1996, 10,5 milliards de francs, soit un montant moyen de
l'ordre de 9.500 francs par salarié ou l'équivalent de
2,8 % de la masse salariale des entreprises concernées. Il a
également insisté sur la rapide progression de l'encours des
fonds communs de placement d'entreprise (FCPE), celui-ci étant
passé de 117 milliards de francs en 1993 à
185 milliards de francs en 1997.
M. Jean Chérioux
s'est interrogé sur les moyens
d'évaluer la part de l'actionnariat salarié, qu'il soit direct ou
indirect, observant que la loi du 25 juillet 1994 faisait obligation aux
sociétés de publier dans leurs rapports annuels l'état de
la participation des salariés au capital social.
En réponse,
M. Paul Maillard
a précisé que les flux
étaient difficilement quantifiables. Il a ainsi indiqué qu'entre
1 % et 1,5 % de la réserve spéciale de participation
était directement investi en actions de l'entreprise. Il a
également affirmé que 55 % de cette réserve
étaient placés dans les FCPE, cette proportion s'accroissant
régulièrement, mais qu'il était impossible de savoir
comment les FCPE investissaient ces sommes. Il a souligné toutefois que
la commission des opérations de bourse (COB) estimait qu'au
31 décembre 1997, 40 % des 185 milliards de francs
d'encours gérés par les FCPE étaient investis dans les
titres de l'entreprise.
Il a également confirmé qu'il n'existait pas de statistiques
mesurant la part de l'actionnariat salarié dans le capital social des
entreprises, la COB n'étant compétente qu'en cas d'appel public
à l'épargne. Il a estimé que ces difficultés
statistiques étaient particulièrement avérées pour
les sociétés non cotées.
M. Georges Repeczky
a souhaité que le Conseil supérieur de
la participation puisse mieux apprécier le poids de l'actionnariat
salarié.
M. Claude Cambus
a donné quelques exemples de la part du capital
social détenue par les salariés dans quelques
sociétés, indiquant que celle-ci atteignait 9 % à la
Société générale, 6,3 % chez Bouygues et 5 %
chez Elf.
M. Maurice Aumage
est ensuite revenu sur les difficultés de
représentation et d'expression des actionnaires salariés. Il a
souligné que les associations d'actionnaires salariés qui
s'étaient créées dans les entreprises connaissaient des
difficultés de positionnement, tant vis-à-vis des chefs
d'entreprise que des organisations syndicales de salariés. Il a
cependant observé que ces difficultés étaient très
variables selon les entreprises.
M. Guy Fischer
s'est interrogé sur le profil du salarié
actionnaire et sur la fonction de représentation exercée par les
associations d'actionnaires salariés.
M. Georges Repeczky
a souligné que la plupart des
salariés, quels que soient leur statut ou leur
rémunération, avaient acquis des actions de leurs entreprises
lors des récentes opérations d'ouverture de capital. Il a ainsi
indiqué que plus de 70 % des salariés de France
Télécom étaient devenus actionnaires de leur entreprise
lors de l'ouverture du capital. Il a toutefois observé que les cadres
étaient surreprésentés parmi les actionnaires
salariés, car ils avaient une capacité d'épargne
supérieure.
M. Maurice Aumage
a constaté que les retraités
étaient fréquemment sollicités lors de telles
opérations. S'agissant des associations d'actionnaires salariés,
il a déclaré qu'elles n'étaient pas en compétition
avec les organisations syndicales, mais que leurs fonctions étaient
complémentaires.
M. Paul Maillard
a observé que le développement de
l'actionnariat salarié n'était pas, à la différence
des stocks options, un phénomène élitiste. Il a
souligné que l'abondement de l'entreprise favorisait au contraire les
salariés aux revenus les plus faibles.
Mme Gisèle Printz
s'est interrogée sur les
conséquences d'une faillite de l'entreprise pour l'actionnaire
salarié.
En réponse,
M. Maurice Aumage
a indiqué que le risque
pesant sur le salarié renforçait la nécessité d'une
meilleure information des actionnaires salariés et de leur participation
accrue aux processus de décision dans l'ensemble.
M. Jean Chérioux
s'est interrogé sur l'information et les
conditions de participation des actionnaires salariés.
En réponse,
M. Paul Maillard
a indiqué que les FPCE
exerçaient les droits de vote, la nature du vote étant
fixée par le conseil de surveillance des FCPE.
M. Maurice Aumage
a estimé qu'il était nécessaire
de légiférer pour assurer une réelle indépendance
des représentants des salariés actionnaires.
M. Georges Repeczky
a regretté que la participation des
représentants salariés à la gestion de l'entreprise
restât limitée. S'appuyant sur l'exemple de Thomson-CSF, il a
jugé que la présence d'un tel représentant au sein des
organes délibérants devrait s'accompagner d'une présence
au sein des organes exécutifs.
La commission a ensuite entendu
M. Serge Cimmati, président de la
Fédération française des associations d'actionnaires
salariés et anciens salariés,
accompagné de
M. Jacques Ansquer, vice-président de l'Assemblée libre des
minoritaires des AGF - salariés mandataires et tous porteurs (ALMA-SMP).
M. Serge Cimmati, président,
a rappelé que la
Fédération des actionnaires salariés, créée
en 1993, fédérait 15 associations d'actionnaires
salariés regroupant 450.000 des 700.000 actionnaires salariés. Il
a estimé que l'actionnariat salarié, qu'il soit direct ou
indirect, se montait globalement à environ 200 milliards de francs
de capitalisation boursière.
Revenant sur l'origine de ce phénomène, il a souligné
qu'il s'était développé d'abord par le biais des
différents mécanismes de participation financière des
salariés, mais que les privatisations avaient
accéléré ce mouvement.
Abordant la question de l'information des actionnaires salariés, il a
déploré son insuffisance. Il a déclaré, à ce
propos, que la Fédération des actionnaires salariés
étudiait la possibilité de créer une base de
données sur l'actionnariat salarié.
Il a en outre constaté que la représentation des salariés
actionnaires relevait de régimes très
hétérogènes selon les entreprises, insistant sur la
reconnaissance souvent difficile de la fonction de représentation
exercée par les associations. Il a ainsi cité l'exemple de France
Télécom chez qui le représentant de l'association
bénéficiait du statut de délégué
détaché mais, a contrario, il a observé que, dans bien des
cas, les associations n'étaient l'objet d'aucune reconnaissance
officielle par l'entreprise, ce qui contribuait à les fragiliser.
M. Serge Cimmati
s'est déclaré favorable à la
création d'un observatoire de l'actionnariat salarié. Il a
estimé que la fédération avait les moyens de participer
à un tel observatoire, rappelant que celle-ci
réfléchissait notamment à la mise en place d'un indice de
l'actionnariat salarié. A cet égard, il a indiqué que cet
indice mettait en évidence une forte corrélation entre la
performance boursière de l'entreprise et la part du capital social
détenue par les salariés.
M. Jacques Ansquer
a souligné que la fédération
réfléchissait également à l'élaboration d'un
code de bonne conduite du management de l'entreprise vis-à-vis des
actionnaires salariés, qu'il s'agisse de leur information ou de leur
représentation. Il a jugé urgent d'aboutir à
l'élaboration de statistiques fiables dans la mesure où la
période de blocage des actions investies dans les plans d'épargne
d'entreprises à la suite des privatisations touchait actuellement
à sa fin.
M. Serge Cimmati
a ensuite évoqué la question de la
représentation des actionnaires salariés au sein des organes
délibérants des entreprises. Il a indiqué que seul le
tiers des entreprises couvertes par sa fédération avait un
représentant des actionnaires salariés au conseil
d'administration ; il a salué le cas spécifique de
Thomson-CSF, société dans laquelle le représentant des
actionnaires salariés au conseil d'administration siège en outre
au comité stratégique de ce conseil. Il a regretté que les
associations n'aient qu'un siège consultatif au sein des conseils de
surveillance des FCPE. Il a en outre affirmé que la
fédération souhaitait restituer aux salariés actionnaires
les droits de vote détenus par les FCPE, dans un souci de transparence.
M. Jacques Ansquer
a insisté sur le rôle pédagogique
joué par les associations, rappelant que les salariés
actionnaires n'avaient bien souvent initialement qu'une faible culture
financière, ceux-ci n'étant devenus actionnaires que
récemment, à l'occasion des privatisations. Il a estimé
que les entreprises se montraient de plus en plus favorables à
l'actionnariat salarié pour une double raison : la garantie de la
stabilité de leur actionnariat et la maîtrise des revendications
salariales.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
s'est interrogée sur les
conditions d'adhésion des salariés actionnaires aux associations,
sur les relations de celles-ci avec les syndicats et sur les
conséquences du développement de l'actionnariat salarié
pour le fonctionnement de l'entreprise.
M. Jean Chérioux
a évoqué la question des
entreprises non cotées et il s'est interrogé sur les
possibilités d'essor de l'actionnariat salarié chez ces
dernières.
En réponse aux intervenants,
M. Serge Cimmati
a constaté
qu'il ne disposait d'aucune information sur les sociétés non
cotées. Il a précisé qu'il n'existait aucune obligation,
pour les salariés, d'adhérer à une association. Il a,
à cet égard, rappelé que les associations les plus
représentatives avaient entre 1.500 et 2.000 adhérents et
que celles-ci se constituaient librement. Il a déclaré que
l'objectif de la fédération était non seulement de
favoriser la diffusion de l'actionnariat salarié, mais aussi d'augmenter
le nombre d'associations et de salariés actionnaires adhérant
à ces associations.
S'agissant des relations avec les organisations syndicales, il a observé
que celles-ci s'étaient longtemps désintéressées de
l'actionnariat salarié mais que cette situation évoluait
progressivement. Il a toutefois estimé que la position des syndicats sur
ce sujet restait relativement ambiguë, ceux-ci craignant sans doute de
voir émerger un nouveau pouvoir dans l'entreprise.
Il a enfin considéré que l'actionnariat salarié
contribuait à modifier les mentalités et les comportements dans
l'entreprise, les salariés actionnaires ayant tendance à
s'impliquer plus directement dans leurs fonctions et dans la vie de
l'entreprise.
II. AUDITIONS DU 31 MARS 1999
Réunie le mercredi 31 mars 1999
sous la
présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a
poursuivi son cycle
d'auditions
sur le
développement de
l'actionnariat des salariés
.
Elle a tout d'abord entendu
M. Frédéric Gagey, directeur de
l'ingénierie financière, des participations et de la
communication financière du groupe Air France,
accompagné
de
Mme Catherine Guillouard, conseillère du directeur
général adjoint chargé des ressources humaines
.
M. Frédéric Gagey
a considéré que le
développement de l'actionnariat salarié correspondait au souci de
mieux faire participer les salariés à l'activité de
l'entreprise. Il a indiqué que le développement de l'actionnariat
salarié pouvait s'opérer selon cinq modalités :
à travers les opérations d'ouverture du capital des entreprises
publiques, à travers le développement de l'épargne
salariale, à travers le mécanisme spécifique
d'échange salaires-actions, à travers les opérations de
rachat d'entreprises par les salariés (RES) et à travers le
mécanisme d'incitation que représentent les stock-options.
M. Frédéric Gagey
a observé que l'actionnariat
salarié représentait jusqu'à 1997 moins de 2 % du
capital de la société, contre 11,8 % à la fin mars
1998. Il a indiqué que cette forte progression était due à
deux opérations réalisées en 1998 : l'échange
salaire-actions pour les pilotes et l'offre réservée aux
salariés dans le cadre de l'ouverture du capital de la
société. Il a remarqué que ces deux dispositifs avaient
obtenu un grand succès du fait de conditions attractives (abondement de
la compagnie, distribution d'actions gratuites, rabais) mais aussi de
l'adhésion des salariés au projet de l'entreprise. Il a
souligné que 72 % des salariés d'Air France étaient
devenus actionnaires lors de cette opération ainsi que 40 % des
salariés des filiales, 27 % des anciens salariés et des
retraités et 47 % des salariés étrangers. Il a
déclaré que la demande d'actions avait été
égale à 2,5 fois l'offre et qu'elle avait porté à
95 % sur des formules à détention moyenne et longue.
Evoquant l'échange salaires-actions des pilotes,
M.
Frédéric Gagey
a indiqué que cette formule avait
été employée par de nombreuses autres compagnies
aériennes (notamment aux USA), qu'elle permettait de mieux faire
participer les pilotes à la vie de l'entreprise à travers une
prise de participation, et qu'elle était l'occasion de nouer des
relations contractuelles pour une durée de trois ou quatre ans sur les
grands sujets intéressant la direction et les pilotes (évolution
des salaires, externalisation, règles d'utilisation).
M. Frédéric Gagey
a observé que l'accord global
pluriannuel signé à Air France prévoyait outre des
dispositions relatives à l'externalisation de certaines
activités, à la productivité et à la formation de
jeunes pilotes, une " convergence " des coûts des personnels
navigants techniques. Cette " convergence " repose sur une
réduction des rémunérations et un gel des augmentations
pour une durée de sept ans, l'accord prévoyant toutefois un point
d'étape à mi-parcours.
Il a indiqué que l'échange salaires-actions permettrait des
économies de l'ordre de 450 millions de francs par an à la
compagnie en régime de croisière.
M. Frédéric Gagey
a estimé que l'actionnariat
salarié permettait le développement d'un diagnostic commun sur la
situation économique de la compagnie, une meilleure compréhension
de la part des salariés des intérêts des actionnaires et de
la part des actionnaires des demandes des salariés.
M. Jean Chérioux
a souhaité savoir si les actionnaires
salariés bénéficiaient de modalités d'information
spécifiques.
M. Alain Gournac
s'est interrogé sur les dispositions
adoptés pour favoriser l'actionnariat des anciens salariés.
M. Guy Fischer
a souhaité savoir si la lente adhésion
à l'actionnariat salarié était due aux conflits sociaux
dans la compagnie ou à un changement progressif des mentalités
des salariés.
M. André Jourdain
a souhaité connaître la
répartition des actionnaires salariés en fonction de leur niveau
de revenus.
M. Marcel Lesbros
a demandé si les actions étaient
nominatives ou au porteur.
En réponse aux questions des intervenants,
M. Frédéric
Gagey
a observé qu'il était difficile de développer
des relations spécifiques avec des actionnaires salariés du fait
de l'obligation d'un traitement égalitaire des différents
actionnaires. Il a considéré par ailleurs que les informations
données aux salariés actionnaires ne devaient pas se substituer
au dialogue social et que les clubs d'actionnaires ne pouvaient remplacer le
comité d'entreprise. Il a estimé que la lente adhésion au
programme de développement de l'actionnariat des salariés n'avait
pas de lien avec les conflits à Air France.
Mme Catherine Guillouard
a déclaré que les titres
proposés étaient nominatifs, sans exclure la possibilité,
pour l'avenir, d'une transformation en titres au porteur dans le cadre du
développement des comptes titres individuels. Elle a observé que
la compagnie avait réalisé un guide spécial adapté
à destination des retraités et des anciens salariés et
qu'une antenne spécifique de souscription avait été
ouverte à Paris. Elle a souligné également que la
compagnie avait coopéré avec les principales associations
d'anciens salariés.
Elle a remarqué que les taux de souscription avaient été
très importants dans les catégories de salariés ouvriers
et que 80 % des agents de maîtrise au sol étaient devenus
actionnaires. Elle a estimé qu'il pourrait être intéressant
de favoriser la sortie des fonds investis dans la participation en actions.
Puis la commission a entendu
M. Jean-François Colin, directeur
général adjoint, directeur des ressources humaines de Vivendi,
accompagné de
M. Pierre Laederich, chargé de mission,
responsable du secteur épargne.
Dans son propos liminaire,
M. Jean-François Colin
a
rappelé que le groupe Vivendi comprenait actuellement 230.000
salariés (150.000 en France et 80.000 hors de France) et que son chiffre
d'affaires était supérieur à 200 milliards de francs (100
milliards dans l'environnement, 40 milliards dans la communication et 60
milliards dans la construction et l'immobilier).
Il a déclaré que l'intéressement des salariés au
fruit du développement de l'entreprise revêtait une grande
importance pour la compagnie et les salariés. Il a observé
notamment que les salariés avaient constaté que les montants des
sommes qu'ils percevaient du fait de l'intéressement étaient
devenues supérieures aux hausses de salaire annuelles.
Il a remarqué que le groupe Vivendi souhaitait que ces salariés
deviennent son premier actionnaire et que, dans cette perspective, il avait mis
en place depuis trois ans un plan d'épargne du groupe (PEG) concernant
toutes les filiales et permettant aux salariés d'acquérir des
actions avec une décote de 20 %. Il a estimé que cette
politique poursuivait trois objectifs principaux : une meilleure
association des salariés aux performances de l'entreprise, un
renforcement de la cohésion du groupe et le développement d'un
actionnariat stable. Il a déclaré que 45.000 salariés
étaient devenus actionnaires pour un montant de 2,5 % du capital.
Il a remarqué que l'année 1998 avait été
excellente, 1,1 milliard de francs ayant été collecté
au titre de l'épargne salariale. Il a toutefois estimé qu'il
était possible de progresser en renforçant l'attractivité
des mécanismes d'actionnariat salarié pour les salariés
modestes et moyens disposant de capacités d'épargne
limitées et réticents face au risque d'un investissement
boursier.
Dans cette perspective,
M. Jean-François Colin
a
présenté le " plan d'épargne groupe à
souscription exceptionnelle " (PEGASE) mis en place par le groupe Vivendi
pour atteindre l'épargne moyenne et modeste, considérant que
75.000 salariés du groupe pourraient ainsi devenir actionnaires. Ce plan
comprend trois niveaux de souscription (1.000, 2.000, 4.000 francs), payables
de manière échelonnée et sans frais pendant 20 mois. Cet
apport est aidé par l'entreprise à travers un abondement uniforme
de 500 francs. Cette somme initiale (apport du salarié et
abondement de l'entreprise) sert à financer une souscription d'actions
pour dix fois son montant au moyen d'un prêt bancaire sans
intérêt. L'opération proposée aux salariés
est sans risque pour le salarié puisque l'entreprise garantit une
rémunération de 5 % par an de la mise initiale en cas de
baisse ou de stabilité du titre. Si l'action a dépassé
cette rémunération, la plus-value est partagée entre le
salarié actionnaire (60 %) et la banque conseil qui assure la prise
en charge du risque (40 %). Dans ces conditions,
M.
Jean-François Colin
a souligné que le salarié
actionnaire avait, sans risque, la perspective d'un gain égal à
six fois la hausse de l'action sur son apport personnel abondé.
M. Jean-François Colin
a précisé que ce montage
financier un peu complexe avait été mis en place avec une banque
à la suite d'un appel d'offres, l'objectif ayant été de
préserver au maximum le gain pour les salariés compte tenu de la
prise en charge totale du risque par la banque. Il a observé que cette
opération ne concernait que les salariés français compte
tenu de la difficulté à concilier les différents
systèmes fiscaux nationaux. Il a remarqué que les
retraités pouvaient souscrire à cette opération s'ils
avaient conservé un plan d'épargne d'entreprise.
M. Jean-François Colin
a considéré que le
développement de programmes tels que Pégase permettait de faire
le lien entre épargne salariale et épargne retraite. Dans ce
cadre, il a regretté que les difficultés techniques subsistent
dans les modalités de succession des plans d'épargne
quinquennaux ; les sommes pouvant être placées étant
plafonnées à 25 % de la rémunération du
salarié, le transfert d'un plan à l'autre réduit d'autant
les possibilités de versements supplémentaires.
Il a considéré par ailleurs qu'il pourrait être utile de
ménager la possibilité, pour l'entreprise, d'octroyer des primes
de fidélité aux salariés qui ont conservé pendant
plus de cinq ans leurs titres, afin de favoriser la constitution d'une
épargne retraite.
M. Jean-François Colin
a regretté enfin que l'Union de
recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations
familiales (URSSAF) ait été tentée d'aligner un
régime de la décote de 20 % accordée lors de la
souscription sur celui de l'abondement par l'entreprise, entraînant ainsi
le franchissement du seuil légal et la taxation de ces sommes dès
lors considérées comme complément de
rémunération.
Afin d'associer les salariés étrangers à cette politique
d'actionnariat,
M. Jean-François Colin
a souhaité la mise
en place d'une directive européenne sur l'épargne salariale
harmonisant les régimes des différents états-membres.
Dans le cadre de l'aménagement du temps de travail, il a
suggéré que le compte épargne temps puisse faire l'objet
d'une " monétisation " pouvant donner lieu à une
transformation en épargne salariale au bout de quatre ans. Il a
déclaré que l'intéressement pouvait devoir être
utilisé comme un mécanisme de compensation de la baisse du temps
de travail.
M. Jean Chérioux
a souhaité savoir quelles étaient
les modalités d'information des actionnaires salariés et qui, du
salarié ou du fonds commun de placement (FCP), conservait les droits de
vote attachés aux actions.
M. Alain Gournac
a estimé que la
" monétisation " du compte épargne temps constituait
une perspective particulièrement intéressante.
M. André Jourdain
s'est interrogé sur les modalités
d'application de ces dispositions aux petites et moyennes entreprises (PME).
En réponse aux intervenants,
M. Jean-François Colin
a
déclaré que, outre les modalités normales d'information
des actionnaires (lettres aux actionnaires, visite de sites...), de nombreuses
réunions avaient été organisées dans le cadre du
programme Pégase et que les salariés étaient
représentés au sein de conseils de surveillance des FCP. Il a
observé que les droits de vote étaient exercés par les
FCP.
Enfin, la commission a entendu
M. Alexandre de Juniac, secrétaire
général du groupe Thomson-CSF.
M. Alexandre de Juniac
a d'abord présenté les grandes lignes
de la politique d'association des salariés au capital social de
Thomson-CSF lors de la privatisation de l'entreprise en 1998. Il a
précisé que cette politique avait concerné 57.700 ayants
droit, dont 21 % de salariés d'autres pays européens et
14 % d'anciens salariés du groupe. Décrivant les
différents mécanismes proposés aux salariés, il a
insisté sur les conditions favorables des trois types d'offres (rabais
de 20 % sur le prix des actions, abondement de l'entreprise, attribution
d'actions gratuites, possibilité de paiement différé),
précisant que les avantages étaient d'autant plus importants que
la durée d'immobilisation était longue.
Dressant le bilan de cette opération, il a estimé que la
souscription avait été très réussie, 41.000 ayants
droit ayant acquis des actions. Il a indiqué que 75 % des
salariés français, 59 % des salariés étrangers
et 30 % des anciens salariés du groupe étaient devenus
actionnaires. Observant que la demande de titres avait été
supérieure à 2 fois l'offre, il a affirmé que la demande
moyenne de souscription avait été de 25.000 francs pour un revenu
mensuel moyen estimé à 19.000 francs, l'attribution moyenne ayant
atteint 11.000 francs par souscripteur.
M. Alexandre de Juniac
a souligné que Thomson-CSF avait
cherché à associer fortement les salariés actionnaires aux
organes dirigeants de la société. Il a ainsi indiqué
qu'avait été créée, dès 1995, l'Association
pour les actionnaires de Thomson (APAT) et que, depuis 1998, les statuts de
Thomson-CSF avaient été modifiés pour prévoir qu'un
administrateur salarié actionnaire siégeait au conseil
d'administration.
Il a notamment insisté sur la légitimité de cet
administrateur, celui-ci étant élu directement par les 35.000
électeurs salariés, cette procédure élective ayant
permis de présenter six candidats, dont quatre étrangers, devant
l'assemblée générale sans recommandation du conseil
d'administration. Il a précisé que cet administrateur avait les
mêmes attributions que tout administrateur et qu'il était de
surcroît membre avec voix délibérative du comité
stratégique du conseil d'administration qui regroupe les actionnaires
industriels les plus importants.
M. Alexandre de Juniac
a ensuite abordé la politique
générale de participation du groupe Thomson-CSF. Il a
indiqué que celle-ci représentait environ 100 millions de
francs par an au titre de l'intéressement et de la participation depuis
1995 pour l'ensemble du groupe. Il a précisé que cette politique
était très décentralisée, les accords étant
négociés au niveau des filiales. Il a estimé que ce
caractère décentralisé se justifiait par la
nécessité pour les compléments de
rémunération d'être évalués au plus
près de l'activité des salariés. Il a rappelé
qu'à l'inverse la politique d'actionnariat salarié était
plus centralisée, celle-ci visant les titres de la holding cotée.
Présentant les différences entre les politiques d'actionnariat
salarié et celles de participation aux résultats, il a
souligné que l'actionnariat salarié relevait plus d'une logique
financière que d'une logique de complément de
rémunération ou d'épargne, estimant important que la
contrainte des marchés financiers soit prise en compte dans la culture
des salariés de groupe au même titre que la contrainte technique
ou commerciale. Il a indiqué que l'actionnariat salarié
représentait actuellement un montant de 427 millions de francs,
soit la moitié des montants totaux issus de la participation et de
l'intéressement qui s'élevaient à 860 millions de
francs.
Il a insisté sur les fonctions de l'actionnariat salarié qu'il a
estimé être doubles : la fidélisation des
salariés de l'entreprise et la stabilisation de son actionnariat dans un
contexte de volatilité croissante.
Il a précisé que les salariés actionnaires
détiendraient 2,26 % du capital social du groupe (après
attribution des actions gratuites) et que l'objectif pourrait être,
à terme, d'atteindre 5 à 10 %.
S'agissant des possibilités d'amélioration du système, il
a, au préalable, estimé qu'il était nécessaire de
développer l'actionnariat salarié, celui-ci apportant une
réponse à la pression croissante des marchés financiers.
Mais il a également estimé que ce développement se
heurtait actuellement à plusieurs difficultés.
Il a d'abord souligné l'existence de disparités entre le
dispositif de privatisation, très généreux, et le
dispositif de droit commun, indiquant que les nouvelles tranches d'ouverture du
capital aux salariés seraient plus difficiles à placer et qu'il
serait nécessaire de faire appel au système bancaire pour
bénéficier d'un effet de levier. A ce propos, il a
précisé que le coût total de l'opération
d'association des salariés au capital social lors de la privatisation
avait atteint 400 millions de francs, dont 320 à la charge de
l'Etat.
Il a ensuite insisté sur la nécessité de simplifier le
droit existant, estimant le système actuel peu lisible car issu d'un
empilement de différentes lois.
Il a enfin présenté des voies d'élargissement de la
politique de l'actionnariat salarié. Il a indiqué que la
première voie passait par une meilleure ouverture internationale,
insistant sur les difficultés rencontrées pour associer les
salariés étrangers à ces opérations. Il a
observé que les législations des différents pays
européens divergeaient sensiblement, notamment en matière fiscale
et sociale. Il a précisé que le groupe Thomson-CSF avait
été obligé de compenser ces disparités par un
abondement spécifique, notamment en faveur de certains salariés
étrangers. Il a également remarqué que les salariés
étrangers n'avaient pas accès aux plans d'épargne
d'entreprise.
Il a considéré que l'actionnariat salarié pouvait
être également conçu comme une forme d'extension du
système des stock-options à l'ensemble des salariés et
qu'il pouvait aussi servir au financement de retraites
sur-complémentaires, observant que les jeunes recrutés par le
groupe étaient particulièrement préoccupés par
cette question.
M. Jean Chérioux
s'est interrogé sur le caractère
direct ou indirect de l'actionnariat salarié chez Thomson-CSF, sur la
base juridique du processus de désignation de l'administrateur, sur les
modalités d'information des salariés actionnaires et sur le
rôle des associations les représentant.
En réponse,
M. Alexandre de Juniac
a précisé que
cet actionnariat pouvait être direct ou indirect. Il a indiqué
qu'aucune réglementation n'encadrait les modalités de
désignation de cet administrateur, ces modalités ayant
été fixées par le règlement intérieur du
groupe après consultation des divers partenaires concernés mais
les statuts de la société n'avaient pas été
modifiés pour intégrer cette procédure.
S'agissant de l'information des salariés actionnaires, il a
rappelé qu'elle était avant tout assurée par la direction
de l'actionnariat salarié au sein du secrétariat
général. Il a également indiqué que l'APAT existait
toujours et que c'était un de ses membres qui était
administrateur représentant les salariés actionnaires. Il a en
revanche observé qu'à l'étranger, de simples " clubs
d'actionnaires " étaient mis en place sans structure juridique
particulière. Il a constaté que ces associations pouvaient
parfois être perçues comme des relais s'ajoutant aux organisations
syndicales.
M. Alain Gournac
s'est interrogé sur la spécificité
du groupe Thomson-CSF qui avait, à la différence d'autres
groupes, étendu sa politique d'actionnariat aux salariés
travaillant à l'étranger. Il s'est également
interrogé sur les modalités d'association des anciens
salariés à cette politique.
M. Alexandre de Juniac
a déclaré que le groupe avait
jugé nécessaire d'associer les salariés étrangers
à sa politique d'actionnariat pour renforcer la culture de groupe,
nécessaire contrepoids à une stratégie
" multi-domestique ". S'agissant des anciens salariés, il a
indiqué qu'ils relevaient du même régime que les
salariés à une double différence : l'absence de droit
de vote pour la désignation de l'administrateur et l'accès
à seulement deux des trois formules de souscription au capital social
proposées.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
s'est interrogée sur la position
des organisations syndicales face au développement de l'actionnariat
salarié.
M. Alexandre de Juniac
a considéré que cette
démarche n'était pas contestée par les organisations
syndicales, celles-ci étant sans doute conscientes qu'il ne serait pas
souhaitable de s'opposer à une démarche financièrement
très favorable aux salariés. Il a également indiqué
que les syndicats avaient présenté des candidats à
l'élection de l'administrateur représentant les salariés
actionnaires.
M. André Jourdain
s'est interrogé sur les causes de la
plus faible souscription d'actions par les ouvriers.
M. Alexandre de Juniac
a rappelé que le taux de souscription des
ouvriers avait atteint 45 %, résultat qu'il jugeait très
correct. Il a estimé que la plus faible souscription de cette
catégorie de personnel pouvait s'expliquer par des raisons
financières même s'il lui semblait que des raisons culturelles
pourraient également être avancées.
III. COMMUNICATION DE M. JEAN CHÉRIOUX DU 29 SEPTEMBRE 1999
Réunie le mardi 30 mars 1999
sous la
présidence de M. Jacques Bimbenet, vice-président, la commission
a entendu une
communication de M. Jean Chérioux
sur
l'actionnariat salarié
.
M. Jean Chérioux
a tout d'abord rappelé que la commission
lui avait confié le 6 avril dernier la mission de préparer
une communication sur le développement de l'actionnariat salarié.
Il a indiqué qu'au terme d'un travail préparatoire ponctué
notamment par 32 auditions, il avait essayé de dresser un bilan
aussi objectif et exhaustif que possible de la situation actuelle de
l'actionnariat salarié et de ses implications, bilan au regard duquel il
allait formuler une série de propositions dont l'ambition était
d'accompagner la progression de l'actionnariat salarié dans les
meilleures conditions, dans le respect du dialogue social et dans le souci de
coller au plus près de la réalité des entreprises.
Il a souligné que l'actionnariat salarié n'était pas une
idée neuve en France mais que c'était grâce au
Général de Gaulle qu'il s'était durablement inscrit dans
notre paysage législatif. Il a indiqué que l'idée
d'" association " lancée par le Général de
Gaulle recouvrait trois réalités : la participation du
salarié aux résultats de l'entreprise, au capital de l'entreprise
et à la gestion de l'entreprise. Il a observé que les
premières mesures en faveur de l'actionnariat salarié avaient
été mises en oeuvre dans le cadre de la participation
financière à partir de 1959.
Rappelant que dans les années 1970 plusieurs lois avaient cherché
à développer plus spécifiquement l'actionnariat
salarié aussi bien dans le secteur public que dans le secteur
privé, il a néanmoins constaté que ces lois
s'étaient traduites le plus souvent par des échecs. Il a
également souligné que plusieurs propositions de loi avaient
été également déposées au Parlement,
notamment au Sénat, insistant tout particulièrement sur la
proposition de loi visant à créer la société
d'actionnariat salarié qu'il avait lui-même
présentée.
M. Jean Chérioux
a estimé que l'actionnariat
salarié, au-delà de ces premières tentatives, ne
s'était véritablement développé en France
qu'à partir de 1986 sous l'effet conjugué des privatisations et
de la relance des plans d'épargne d'entreprise (PEE), constatant que ces
deux formules restaient aujourd'hui encore le principal vecteur de
l'actionnariat salarié.
S'agissant des privatisations, il a observé que la loi offrait des
conditions préférentielles aux salariés pour les inciter
à devenir actionnaires : 10 % des actions mises sur le
marché réservées, décote sur le prix d'acquisition,
possibilité d'obtenir des délais de paiement, voire des actions
gratuites.
S'agissant des PEE, il a considéré que ceux-ci permettaient
d'affecter l'épargne salariale à l'acquisition de titres de
l'entreprise dans des conditions attractives (abondement de l'employeur,
décote pouvant atteindre 20 %, régime social et fiscal
favorable) à la condition que les fonds recueillis soient bloqués
pendant au moins cinq ans.
M. Jean Chérioux
a néanmoins considéré qu'un
véritable actionnariat salarié exigeait également une
participation du personnel à la gestion de l'entreprise, celle-ci ayant
été progressivement rendue possible par la loi : ordonnance
du 21 octobre 1986 définissant les conditions de désignation
d'administrateurs salariés dans les conseils d'administration des
sociétés, loi du 23 décembre 1988 sur les fonds communs de
placement d'entreprise (FCPE) prévoyant que les représentants des
salariés actionnaires soient présents en nombre au moins
égal aux représentants de l'entreprise dans les conseils de
surveillance, loi du 25 juillet 1994 rendant nécessaire, lorsque les
salariés détiennent plus de 5 % du capital social de
l'entreprise, la convocation d'une assemblée générale
extraordinaire devant se prononcer sur une modification des statuts visant
à faire siéger les représentants des salariés
actionnaires au conseil d'administration de l'entreprise.
Observant une accélération récente de l'actionnariat
salarié, il a souligné que celui-ci restait néanmoins
difficile à quantifier faute d'indicateurs statistiques complets et
précis. Il a estimé qu'il était cependant possible de
relever plusieurs signes de son développement. Ainsi il a indiqué
que 3 % des ménages, soit 700.000 familles, possédaient des
actions de leur entreprise, selon l'Institut national de la statistique et des
études économiques (INSEE), que 7 % des entreprises ayant un
accord d'intéressement ou de participation pratiquaient l'actionnariat
salarié, selon la Direction de l'animation, de la recherche, des
études et des statistiques (DARES), que la part du capital des
entreprises du CAC 40 détenue par leurs salariés
s'élevait à environ 2,6 % en 1998 contre 2,3 % en 1997,
que les émissions de titres réservés aux actionnaires
salariés étaient passées de 3,9 à 7 milliards
de francs entre 1996 et 1998. Il a également observé que
l'épargne salariale tendait de plus en plus à être investie
en actions de l'entreprise, constatant qu'en 1998, 88 milliards de francs
sur les 232 milliards de francs d'encours des FCPE étaient
placés en actions de l'entreprise, celles-ci représentant
38 % de l'encours total des FCPE contre 15 % en 1988.
Au-delà de ces indicateurs statistiques,
M. Jean Chérioux
a également observé que le développement de l'actionnariat
salarié était souligné par plusieurs tendances
récentes. Ainsi, il a constaté une multiplication et une
médiatisation croissantes des opérations réservées
aux salariés, évaluant à environ 75 % le taux de
souscription moyen des salariés à ces opérations. Il a
également observé une volonté croissante des entreprises
d'attirer l'épargne salariale vers les actions, précisant que de
nombreuses sociétés offraient un abondement plus important dans
ce cas. Il a également indiqué que certaines entreprises allaient
plus loin en proposant des opérations d'actionnariat avec " effet
de levier " ou avec " garantie " comme en témoignait par
exemple l'opération Pégase de Vivendi présentée
devant la commission. Il a également constaté une première
évolution dans la nature des plans d'options sur actions,
précisant que ceux-ci, traditionnellement réservés aux
cadres dirigeants, étaient de plus en plus distribués à
l'ensemble du personnel, une étude de la DARES évaluant à
15 % la proportion des entreprises ayant des plans d'options sur actions
qui les distribuent à tous leurs salariés.
M. Jean Chérioux
a considéré que le changement de
dimension récent de l'actionnariat salarié s'expliquait avant
tout par le fait qu'il constituait désormais une réponse aux
aspirations convergentes des entreprises et des salariés.
S'agissant des entreprises, il a considéré que l'actionnariat
salarié présentait un triple intérêt : il est
facteur de cohésion sociale dans l'entreprise, il permet de contribuer
à la stabilité du capital de l'entreprise au moment où
l'arrivée massive d'investisseurs étrangers rend le capital des
entreprises françaises plus volatile, il est enfin un moyen de
redistribution de la richesse créée et un complément de la
politique salariale.
S'agissant des salariés, il a rappelé qu'un récent sondage
montrait que 81 % d'entre eux considéraient le développement
de l'actionnariat salarié comme une évolution favorable. Il a
d'abord observé qu'il s'agissait d'un placement attractif, le
salarié bénéficiant de conditions très favorables
(décote ou abondement) pour investir son épargne en actions. Il a
aussi considéré que l'actionnariat permettait aux salariés
d'être mieux associés à la marche de l'entreprise et de
pouvoir se prononcer sur le sort de leur emploi et le destin de leur
entreprise. Il a estimé que cette meilleure participation du
salarié à la décision pouvait se vérifier à
trois niveaux. S'agissant de la gestion de l'épargne et de
l'actionnariat, il a rappelé que les salariés étaient
représentés par au moins la moitié des membres des
conseils de surveillance des FCPE. S'agissant de l'exercice des droits de vote
aux assemblées générales, il a précisé que
le plus souvent les conseils de surveillance des FCPE détenaient
collectivement les droits de vote des salariés, tout en observant que la
loi du 24 juillet 1994 pouvait aussi favoriser la désignation de
mandataires. Il a estimé que ces systèmes permettaient
d'éviter l'éparpillement des votes et d'organiser l'actionnariat
salarié pour lui donner un réel poids dans la prise de
décision. S'agissant enfin des organismes dirigeants, il a
indiqué qu'une enquête de la DARES concluait que plus des deux
tiers des sociétés ayant un actionnariat salarié
supérieur à 5 % du capital comptaient un administrateur
représentant les salariés actionnaires.
Constatant que l'actionnariat salarié était plus
développé en France que dans le reste de l'Europe continentale,
M. Jean Chérioux
a néanmoins estimé que le
développement actuel de l'actionnariat salarié pouvait se heurter
à certains obstacles susceptibles de ralentir sa progression. Ainsi, il
a rappelé que celui-ci restait en retrait par rapport aux Etats-Unis
où 18 % des salariés détiennent des actions de leur
entreprise. Il a considéré que les privatisations qui ont
très largement contribué à l'essor de l'actionnariat
salarié auront nécessairement un terme lorsque toutes les
entreprises privatisables auront été privatisées. Il a
également souligné le risque de dilution progressif de
l'actionnariat salarié. De la même manière, il a
observé que les PEE, qui sont actuellement le principal support de
l'actionnariat salarié, n'étaient que peu mis en place dans les
petites et moyennes entreprises (PME), rappelant qu'en 1997, seules
8.700 entreprises dotées d'un accord d'intéressement ou de
participation avaient un PEE. Par ailleurs, il a estimé que les
dispositions de la loi du 25 juillet 1994 tendant à favoriser la
représentation des salariés actionnaires au conseil
d'administration des sociétés étaient encore
imparfaitement appliquées. Enfin, il a considéré que le
droit actuellement applicable restait complexe et parfois inadapté.
C'est pourquoi
M. Jean Chérioux
a estimé nécessaire
de proposer des mesures nouvelles capables d'accompagner le mouvement actuel.
Il a jugé que ces mesures devaient reposer sur une idée centrale,
celle de l'incitation, considérant que ce n'était pas en
instaurant par la loi de nouvelles obligations que l'actionnariat se
développera et qu'il était nécessaire que l'actionnariat
reste une démarche volontaire et définie par voie contractuelle.
Il a précisé que ces mesures nouvelles devaient en
conséquence s'articuler autour de cinq grands principes : le
développement de l'actionnariat salarié doit se faire par voie
contractuelle ; l'actionnariat salarié doit être aussi stable
et durable que possible, il doit donc en conséquence être
fidélisé ; l'actionnariat salarié ne peut être
efficace que s'il est organisé, l'actionnariat exercé
individuellement ne permettant pas aux salariés d'influer directement
sur les décisions de l'entreprise ; l'actionnariat salarié
doit se traduire par une participation réelle du salarié aux
décisions et surtout aux décisions les plus importantes qui
engagent le destin de l'entreprise ; l'actionnariat salarié doit
enfin être adapté aux spécificités des entreprises
car il ne s'agit pas d'imposer un modèle unique d'actionnariat mais
d'ouvrir des voies différentes et souples.
Il a alors indiqué qu'il faisait 28 propositions, ces propositions
étant de nature et d'importance diverses, une vingtaine d'entre elles
nécessitant un ajustement législatif.
Il a d'abord estimé nécessaire d'encourager plus encore les
opérations d'actionnariat salarié dans les entreprises. A cet
égard, il a proposé de reprendre les dispositions de la
proposition de loi présentée par M. Edouard Balladur à
l'Assemblée nationale en mai dernier, visant à réserver
aux salariés, à des conditions préférentielles,
5 % des actions émises lors d'une augmentation de capital,
M.
Jean Chérioux
jugeant cependant que ces dispositions pouvaient
être enrichies d'un certain nombre de mesures allant dans le sens de la
souplesse et de la contractualisation, et notamment d'une modulation, par voie
contractuelle, des aides des entreprises en fonction de la durée
d'immobilisation des actions afin de permettre une plus grande stabilité
de l'actionnariat salarié. Il a aussi jugé souhaitable de
relancer les plans d'actionnariat prévus par la loi du 27
décembre 1973 en alignant leur régime fiscal et social sur celui
des PEE, ces plans d'actionnariat pouvant constituer une solution
adaptée à certaines entreprises. Il a également
proposé, pour favoriser l'actionnariat dans les PME, de permettre une
décote sur l'évaluation de l'action pour les
sociétés non cotées. Il a enfin estimé qu'il serait
opportun d'assimiler les actions de l'entreprise détenues par les
salariés à un " bien professionnel ", cette
assimilation entraînant une exonération d'impôt de
solidarité sur la fortune (ISF).
Il a, dans un deuxième temps, jugé nécessaire de favoriser
la représentation et la participation aux décisions des
salariés actionnaires. Estimant difficile de reconnaître un statut
spécifique aux associations d'actionnaires salariés, il a
proposé de modifier la loi du 25 juillet 1994, afin que les
salariés actionnaires puissent présenter d'eux-mêmes, en
cas de non-respect des obligations légales, une motion tendant à
modifier les statuts lors de la plus prochaine assemblée ordinaire, afin
de permettre la représentation des salariés actionnaires au
conseil d'administration. Il a également jugé nécessaire
de garantir que les salariés actionnaires soient majoritaires dans les
conseils de surveillance des FCPE dès lors que ceux-ci détiennent
5 % du capital de l'entreprise. Il a enfin considéré qu'il
fallait assurer une réelle participation des salariés
actionnaires aux décisions qui engagent le plus la vie de l'entreprise,
en favorisant l'émergence des mandataires, notamment lorsque
l'assemblée générale doit se prononcer sur une fusion ou
une offre publique d'achat.
Dans un troisième temps,
M. Jean Chérioux
a estimé
qu'il fallait assurer une meilleure protection des salariés
actionnaires, même si l'action était par nature un investissement
risqué. A cet égard, il a souhaité renforcer la
transparence des FCPE et assurer une réelle formation des
salariés membres des conseils de surveillance de ces fonds.
Dans un quatrième temps, il a considéré qu'il était
nécessaire de moderniser les autres dispositifs de participation
financière, ceux-ci constituant en effet le principal vecteur de
l'actionnariat salarié. Ainsi, il a jugé prioritaire de mieux
impliquer les PME en proposant notamment la création de PEE
" inter-entreprises " et une meilleure consultation des
salariés des PME sur l'opportunité d'une installation d'un
dispositif d'épargne salariale dans l'entreprise. Il a également
estimé souhaitable de revoir, afin de tenir compte du mouvement de
baisse des taux, la rémunération des comptes courants
bloqués fixée depuis 1987 à un niveau élevé.
Par ailleurs,
M. Jean Chérioux
a constaté que les
ménages cherchaient de plus en plus à se constituer une
épargne longue, en particulier pour servir de complément aux
retraites servies par les régimes par répartition. A cet
égard, il a observé que de nombreuses entreprises avaient mis en
place des plans d'épargne à long terme. Il a jugé
souhaitable d'accompagner ce mouvement, par voie contractuelle, en permettant,
grâce à une exonération totale ou partielle de contribution
sociale généralisée (CSG), de contribution au
remboursement de la dette sociale (CRDS) et de prélèvement
social, le transfert de l'épargne salariale, dès lors qu'elle
représente une certaine durée d'immobilisation, vers un organisme
de gestion servant une rente viagère aux salariés partant en
retraite.
Dans un cinquième temps, il a jugé indispensable de proposer de
nouvelles formes d'actionnariat salarié adaptées aux
spécificités des entreprises. Ainsi, il a suggéré
de revoir le régime fiscal et social des stock-options, en
prévoyant un régime plus favorable à la double condition
que la distribution d'options soit généralisée à
l'ensemble du personnel en fonction des rémunérations et que les
actions soient conservées, une fois l'option levée, un certain
temps afin que l'actionnariat soit réel et non pas virtuel. Il a
également suggéré de relancer les reprises d'entreprises
par les salariés (RES) qui peuvent dans certains cas apporter une
réponse pertinente aux difficultés de transmission d'entreprise.
Enfin, il a estimé nécessaire d'améliorer l'information
statistique disponible sur l'actionnariat salarié jugeant celle-ci
disparate, lacunaire et tardive. Il a considéré que le Conseil
supérieur de la participation pouvait utilement y contribuer, notamment
s'il se rapprochait de l'INSEE ou de la Commission des opérations de
bourse (COB).
En conclusion,
M. Jean Chérioux
a insisté sur
l'évolution de nos économies sous l'action de la mondialisation.
Il a estimé que l'avenir des entreprises et de leurs salariés ne
pouvait dépendre uniquement de préoccupations strictement
financières et a jugé indispensable d'associer le personnel non
seulement aux résultats de l'entreprise, mais aussi en lui permettant de
se prononcer sur le sort de l'emploi et le destin de l'entreprise. Il a
considéré que c'était là l'ambition de
l'actionnariat salarié.
Il a rappelé que le XIX
ème
siècle avait
été celui de l'affrontement entre le capital et le travail, que
le XX
ème
siècle avait été celui de la
normalisation des rapports sociaux avec l'essor des politiques contractuelles
et la découverte des solidarités au sein de l'entreprise à
travers la participation. Il a jugé que le XXI
ème
siècle devait être celui de l'association du capital et du travail
grâce à la détention d'une partie du capital par les
salariés. Il a estimé que c'était la seule voie permettant
aux entreprises de notre pays de ne pas sombrer dans l'anonymat des rapports
sociaux et de ne pas succomber à la domination de groupes financiers
internationaux.
M. Guy Fischer
, après s'être dit impressionné par
l'exposé de M. Jean Chérioux, a considéré que
l'actionnariat salarié, malgré son développement, restait
encore un phénomène marginal. Il a néanmoins
constaté un changement progressif dans les mentalités, observant,
à ce propos, un début d'évolution dans la position des
grandes confédérations syndicales. Il a estimé que
certaines des propositions de M. Jean Chérioux semblaient
intéressantes, mais il a souligné que l'actionnariat
salarié restait un placement risqué. Il a enfin rappelé
que l'actionnariat n'était pas la seule forme de redistribution des
richesses créées dans l'entreprise.
M. Lucien Neuwirth
, après avoir félicité M. Jean
Chérioux pour la qualité de son intervention, s'est
déclaré en accord avec ses analyses et celles de M. Guy Fischer.
Il a souligné que le conflit entre une société de plus en
plus régie par des rapports marchands et la place de plus en plus
restreinte de la dimension humaine tendait à s'exacerber. Il a
indiqué que la participation et l'actionnariat salarié pouvaient
atténuer ce conflit. Il a estimé que les propositions de M. Jean
Chérioux constituaient des hypothèses de travail
intéressantes dans lesquelles il fallait s'engager mais qu'il ne fallait
néanmoins pas sous-estimer les obstacles.
M. André Jourdain
s'est interrogé sur les causes du faible
développement des PEE dans les PME.
M. Marcel Lesbros
a rappelé que l'idée d'une association
entre capital et travail était une idée vieille et
généreuse, aux racines chrétiennes, garantissant le
respect de la dignité humaine. Il a estimé nécessaire de
poursuivre dans ce sens. Il a cependant considéré que la
faiblesse principale de l'actionnariat salarié était le risque de
perte en capital pour le salarié. Il s'est interrogé sur
l'opportunité de constituer un groupe de travail pour prolonger les
travaux de M. Jean Chérioux.
M. Francis Giraud
s'est déclaré en accord avec les
propositions de M. Jean Chérioux. Il s'est interrogé sur la suite
que celui-ci comptait leur réserver.
Mme Gisèle Printz
s'est déclarée sensible à
certaines propositions de M. Jean Chérioux.
En réponse aux différents intervenants,
M. Jean
Chérioux
a précisé qu'il comptait déposer
prochainement une proposition de loi reprenant les propositions à valeur
législative. Il a indiqué à M. Marcel Lesbros que le
rapport d'information, si la commission décidait de sa publication,
comporterait le compte rendu des nombreuses auditions auquel il avait
procédé, de même que de celles qui s'étaient
déroulées devant la commission.
Il a également considéré que le risque de fluctuation de
l'action constituait la principale menace pesant sur l'actionnariat
salarié. Il a précisé qu'il faisait des propositions pour
mieux encadrer ce risque. Ainsi, il a indiqué qu'il souhaitait
développer l'actionnariat dans les sociétés non
cotées, qui ne connaissent pas, par définition, de fluctuations
de la valeur de leurs titres, et qu'il proposait d'entourer la gestion des FCPE
de certaines garanties. Il a ajouté que la décote constituait une
garantie pour le salarié face au risque de baisse du cours de l'action.
En revanche, il a souligné que les plans d'épargne à long
terme ne pouvaient pas se fonder, à l'évidence, sur les seules
actions de l'entreprise.
Il a estimé que le faible développement des PEE dans les PME
s'expliquait à la fois par leur caractère non obligatoire et par
la complexité de leur mise en oeuvre. Il a rappelé à ce
propos qu'il proposait de créer des PEE " inter-entreprises "
afin de favoriser leur diffusion dans les PME.
Rappelant l'évolution de la participation depuis 40 ans, il a
souligné que le développement de l'actionnariat salarié
n'était pas forcément une utopie. Il a estimé que
l'actionnariat salarié ne devait pas être considéré
comme une alternative à la négociation collective. Il a
insisté sur l'importance de l'organisation de l'actionnariat
salarié, estimant que celui-ci pouvait jouer un rôle réel
lorsqu'il atteignait 5 à 10 % du capital de l'entreprise. Il a
enfin affirmé que l'objectif de ses propositions était
essentiellement de faciliter les choses.
La commission a ensuite
approuvé les conclusions de M. Jean
Chérioux
et a décidé de
les publier sous la forme
d'un rapport d'information
.
ANNEXE 3
-
LISTE DES PERSONNES
AUDITIONNÉES
PAR LA COMMISSION
-
M. Georges Repeczky
, vice-président du
Conseil supérieur de la participation
, accompagné de
MM. Paul Maillard, Maurice Aumage et Claude Cambus
, membres de ce
conseil au titre des personnalités qualifiées, et respectivement
rapporteurs des groupes de travail " épargne salariale et
épargne retraite ", " participation " et
" intéressement " du
Conseil supérieur de la
participation
;
-
M. Serge Cimmati
, président de la
Fédération française des associations d'actionnaires
salariés et anciens salariés
(FAS),
accompagné
de
M. Jacques Ansquer
, vice-président de l'
Assemblée
libre des minoritaires des AGF - salariés mandataires et tous
porteurs
(ALMA-SMP)
;
-
M. Frédéric Gagey
, directeur de l'ingénierie
financière, des participations et de la communication financière
du
groupe Air France
, accompagné de
Mme Catherine
Guillouard
, conseillère du directeur général adjoint
chargé des ressources humaines ;
-
M. Jean-François Colin
, directeur général
adjoint, directeur des ressources humaines de
Vivendi
, accompagné
de
M. Pierre Laederich
, chargé de mission, responsable du secteur
épargne ;
-
M. Alexandre de Juniac
, secrétaire général
du
groupe Thomson-CSF
.
ANNEXE 4
-
LISTE DES PERSONNES
AUDITIONNÉES
PAR M. JEAN CHÉRIOUX, RAPPORTEUR
•
Organisations syndicales
-
M. Michel Lamy
, secrétaire national à
l'économie de la
Confédération générale
des cadres (CGC)
, accompagné de
Mme Anne Bernard
, chef
adjointe du service économique ;
-
Mme Sophie Bailacq
, responsable du bureau d'étude de la
Confédération française des travailleurs
chrétiens (CFTC),
membre suppléant du Conseil
supérieur de la participation, accompagnée de
Mme Valérie Heitz
, conseiller technique ;
-
M. Paul Cadot
, secrétaire national de la
Confédération française démocratique du travail
(CFDT),
accompagné de
Mme Delphine Vegas
, secrétaire
confédérale, membre du Conseil supérieur de la
participation ;
-
M. Florent Clariana
, secrétaire général de
la
Fédération métallurgie Force Ouvrière
(FO)
, membre suppléant du Conseil supérieur de la
participation ;
-
M. Roland Metz
, secrétaire national de la
Confédération générale du travail (CGT),
membre du Conseil supérieur de la participation ;
-
M. Jean-François Veysset
, vice-président de la
commission sociale de la
Confédération générale
des petites et moyennes entreprises (CGPME),
accompagné de
M.
Georges Tissié
, directeur des affaire sociales, membre
suppléant du Conseil supérieur de la participation ;
-
Mme Agnès Lepinay
, directeur du groupe de projet
Croissance au
Mouvement des entreprises de France (MEDEF),
accompagné de
Mme Anne Mounolou
, chargé des relations
avec les pouvoirs publics.
•
Entreprises
-
M. Michel Hoste
, directeur juridique d'
Auchan
France
;
-
M. Jean-Jacques Pignères
, directeur administratif et
financier de
Latécoère
;
-
M. Marc Veyron
, directeur du développement social de
Carrefour France ;
-
M. Jean-François Canton
, président de
Comgest
;
-
M. Bernard Cazals
, directeur des ressources humaines du groupe
Pernod-Ricard
, accompagné de
Mme Coralie de Kerhor
,
responsable de l'épargne salariale ;
-
M. Michel Madesclaire
, directeur financier du groupe
Bouygues
;
-
M. Pierre Faurre
, président directeur
général de
SAGEM
, accompagné de
M. Mario
Colaiacovo
, directeur administratif et financier ;
-
M. Patrick Brandys
, président directeur
général de
Genset
;
-
M. Georges Seban
, président directeur
général de
Prologue Software
.
•
Représentation des salariés
actionnaires
-
M. Jean-Aymon Massié
, président de la
Fédération européenne des actionnaires
salariés
(FEAS), président de l'Association volontaire des
actionnaires salariés du groupe Elf (AVAS), accompagné de
Mme
Geneviève Carriou-Schreiber
, vice-présidente de la FEAS ;
-
M. Jacques Dewailly
, président du conseil de surveillance
du fonds commun de placement d'entreprise
Valauchan
.
•
Personnalités qualifiées au titre de
l'épargne salariale et de l'actionnariat salarié
-
M. Gérard Rameix
, directeur général de la
Commission des opérations de bourse (COB),
accompagné de
M. Jean-Louis Rouquette
, adjoint au chef de service de la gestion et de
l'épargne ;
-
M. Noël Talagrand
, président de
Fondact
;
-
Mme Chantal Cumunel
, membre du collège de la
COB
;
-
M. Pierre Bollon
, délégué
général de
l'Association française de la gestion
financière (AFG-ASFFI),
M. Alain Dromer
, président de
la commission " épargne retraite ",
M. Luc de Foucault
,
président de la commission " Fonds d'entreprises " et
M.
Jean Beltoise
, directeur général de BNP-Gestion ;
-
M. Jean-Claude Javillier
, professeur agrégé des
facultés de droit, expert du Bureau international du travail ;
-
M. Bernard Brunhes
, président directeur
général de
Bernard Brunhes consultants
;
-
M. Eric Franc
, responsable du département épargne
salariale chez
Axa Investment Managers
, accompagné de
M.
Philippe Merdy
, chargé d'affaires ;
-
Mme Claire Lamboley
, chef de bureau " Salaire et
participation financière " à la Direction des relations du
travail au
Ministère de l'emploi et de la solidarité
;
-
M. Olivier Fagnot
, chargé d'études à la
Direction de l'animation, de la recherche, des études et des
statistiques (DARES)
au ministère de l'emploi et de la
solidarité.
ANNEXE 5
-
LISTE DES ENTREPRISES AYANT
RÉPONDU AU QUESTIONNAIRE ÉCRIT DU RAPPORTEUR
Alcatel
Elf
France-Télécom
Rhône-Poulenc
Renault
Saint-Gobain
Schneider Electric
Seita
Société générale
Usinor
ANNEXE 6
-
L'INTÉRESSEMENT, LA
PARTICIPATION
ET L'ACTIONNARIAT SALARIÉ :
UNE ÉTUDE DE
LÉGISLATION COMPARÉE
DU SERVICE DES AFFAIRES
EUROPÉENNES DU SÉNAT
LES
DOCUMENTS DE TRAVAIL DU SENAT
Série LEGISLATION COMPAREE
L'INTERESSEMENT, LA PARTICIPATION ET
L'ACTIONNARIAT SALARIE
Ce document constitue un instrument de travail élaboré à l'intention des Sénateurs par la Division des études de législation comparée du Service des affaires européennes. Il a un caractère informatif et ne contient aucune prise de position susceptible d'engager le Sénat.
n° LC 60 Septembre 1999
|
|
SERVICE
|
Le 9 Septembre 1999 |
L'INTERESSEMENT, LA PARTICIPATION
ET L'ACTIONNARIAT SALARIE
Sommaire
|
Pages |
||
NOTE DE SYNTHESE |
1 |
||
DISPOSITIONS NATIONALES |
|
||
Allemagne |
5 |
||
Belgique |
9 |
||
Pays-Bas |
15 |
||
Royaume-Uni |
19 |
||
Suède |
25 |
||
Etats-Unis |
27 |
||
|
|
||
SERVICE
|
|
L'INTERESSEMENT, LA PARTICIPATION
ET L'ACTIONNARIAT SALARIE
La
participation des salariés à la vie de l'entreprise prend deux
formes principales : la participation à la gestion, qui a fait
l'objet d'une précédente étude, et la participation
financière, qui constitue l'objet de la présente étude.
La participation financière des salariés désigne aussi
bien la participation aux bénéfices que la participation au
capital. Dans notre pays, la participation aux bénéfices
relève du système de l'
intéressement
lorsqu'elle
est facultative, et de celui de la
participation
lorsqu'elle est
obligatoire. Quant à la participation au capital, elle est souvent
qualifiée d'
actionnariat
ouvrier
ou d'
actionnariat
salarié
. Cependant, la distinction entre participation aux
bénéfices et participation au capital n'est pas aussi claire, car
les primes d'intéressement ou de participation distribuées
peuvent être investies en actions.
En France, la participation financière des salariés a
été mise en place dès 1959 par une ordonnance instituant
un système facultatif d'intéressement. Face au peu de
succès de cette mesure, deux ordonnances ont été
signées en 1967, l'une rendant obligatoire la participation aux fruits
de l'expansion dans les entreprises de plus de 100 salariés et
l'autre créant les plans d'épargne d'entreprise. Ces dispositions
ont été modifiées à plusieurs reprises, et en
dernier lieu par la loi du 24 juillet 1994.
A l'heure actuelle,
la participation est obligatoire dans les entreprises de
plus de 50 salariés qui ont réalisé un
bénéfice au cours de l'année précédente,
de sorte qu'environ 5 millions de salariés sont actuellement
concernés par ce système. Le mode de calcul de la réserve
spéciale de participation, défini par l'ordonnance de 1967,
s'impose aux entreprises. Le montant des primes de participation versées
aux salariés varie en fonction des résultats annuels de
l'entreprise. Elles sont investies en valeurs mobilières (actions de
l'entreprise, parts de SICAV ou de fonds communs de placement d'entreprise,
actions émises par les sociétés créées par
des salariés en vue du rachat de leur entreprise...) dans le cadre d'un
plan d'épargne d'entreprise ou versées sur un compte courant
rémunéré. Leur montant maximal est de 86.820 F par an
et par salarié. Elles sont exonérées d'impôt, mais
restent bloquées pendant une durée de cinq ans sauf circonstances
exceptionnelles (mariage, divorce, naissance d'un troisième enfant,
départ de l'entreprise...).
L'intéressement, qui est facultatif
,
touche
près de 3 millions de salariés. La prime versée
à chaque salarié est liée à la réalisation
d'objectifs choisis dans l'entreprise et ne peut être supérieure
à 86.820 F par an. Elle est imposable, sauf si elle est
versée sur un plan d'épargne d'entreprise où elle est
indisponible pendant une durée de cinq ans. En conséquence, un
grand nombre d'entreprises ont mis en place à la fois un dispositif
d'intéressement et un plan d'épargne d'entreprise.
Les plans d'épargne d'entreprise
reçoivent les primes de
participation et, le cas échéant, les primes
d'intéressement ainsi que les versements volontaires des
salariés, qui peuvent donner lieu à un abondement versé
par l'entreprise. Le montant de ce dernier est limité à
15.000 F par salarié et par an, et ne peut excéder le triple
de la contribution du salarié. Par ailleurs, le total des sommes
versées sur le plan est plafonné au quart de la
rémunération annuelle du salarié. Les sommes recueillies
sur ces plans sont investies, pour le compte des salariés, en valeurs
mobilières (actions de l'entreprise, parts de SICAV ou de fonds communs
de placement...).
Les
plans d'options sur actions
(
stock options
), qui
permettent à une entreprise d'attribuer à certains de ses
salariés le droit d'acquérir ses propres actions à des
conditions privilégiées, constituent à la fois une forme
d'intéressement et de participation au capital. Apparus aux Etats-Unis
dans les années 50, ils ont été introduits en France par
la loi du 31 décembre 1970, mais ne s'y sont vraiment
développés qu'à la fin des années 80. Ils ont fait
l'objet de nombreuses modifications législatives au cours des
dernières années.
* *
*
Les
systèmes participatifs apparaissent donc assez développés
dans notre pays. Afin de savoir s'il en va de même chez nos partenaires,
la présente étude analyse les systèmes de participation
financière institués dans plusieurs pays européens,
l'
Allemagne
, la
Belgique
, les
Pays
-
Bas
, le
Royaume
-
Uni
et la
Suède
, ainsi qu'aux
Etats
-
Unis
. Pour chacun de ces pays, on s'est efforcé
d'étudier les
principaux systèmes permettant aux
salariés de participer au capital ou aux bénéfices de
l'entreprise, ainsi que le régime fiscal appliqué aux
bénéficiaires des plans d'options sur actions.
Cet examen permet de mettre en évidence que,
si le Royaume-Uni et les
Etats-Unis ont multiplié les systèmes de participation
financière depuis les années 70, la participation
financière demeure, malgré les réformes récentes,
peu développée en Europe continentale.
1) Les nombreux systèmes de participation financière au Royaume
Uni et aux Etats-Unis
Au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, il existe plusieurs formules de participation
des salariés aux bénéfices et au capital de l'entreprise
qui les emploie : partage du profit avec paiement en actions ou en
numéraire, plans d'actionnariat collectifs, plans d'options sur
actions... Toutefois, comme aucun des systèmes de participation n'est
obligatoire, les entreprises demeurent libres de les instituer ou non. De plus,
le mode de calcul des primes d'intéressement ou de participation
n'étant pas fixé au niveau national, les employeurs disposent
d'une liberté certaine.
Dans ces deux pays, les différents régimes créés
par l'entreprise ne bénéficient d'un traitement fiscal favorable
que dans la mesure où ils respectent certains critères :
durée minimale de détention des actions ou des primes
d'intéressement, plafonnement des sommes attribuées, mode de
calcul identique des primes pour tous les salariés...
Par ailleurs,
aux Etats-Unis
,
la participation
financière des salariés constitue plus un dispositif
d'épargne en vue de la retraite qu'un mécanisme de
rémunération
. En effet, la plupart des systèmes de
participation offrent une possibilité de
report d'imposition
jusqu'à l'âge de la retraite,
car l'imposition est
différée dans la mesure où les sommes distribuées
et les produits financiers associés ne sont pas perçus. Dans le
cas contraire, le salarié paie non seulement l'impôt dû,
mais également une taxe complémentaire, à moins qu'il ne
se trouve dans une situation (maladie, licenciement...) justifiant un versement
anticipé.
2) Le caractère limité de la participation financière
en Europe continentale
Des quatre pays étudiés (l'Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas
et la Suède),
c'est la Belgique qui a fait le plus d'efforts pour
développer la participation financière
depuis le
début des années 80
, notamment avec la loi du
28 décembre 1983, dite loi Monory bis, qui cherche à inciter
les salariés à acheter des parts sociales de leur entreprise. Une
déduction fiscale annuelle de 22.000 BEF (environ 3.300 FRF) leur
est en effet offerte, à condition qu'ils conservent leurs parts pendant
au moins cinq ans. Par ailleurs, la loi du 18 juillet 1991 permet aux
sociétés qui ont distribué à deux reprises au moins
des dividendes au cours des trois dernières années
d'émettre des actions réservées aux membres du personnel.
Les actions sont proposées avec une décote maximale de 20 %.
Quant au régime fiscal des plans d'options sur actions,
considéré comme défavorable et donc à peine
utilisé depuis son instauration en 1984, il a été
réformé en mars 1999. Pour les options attribuées à
partir du 1
er
janvier 1999, l'avantage imposable est
estimé forfaitairement à 15 % de la valeur du marché
des actions. L'accord de gouvernement conclu après les élections
législatives de juin 1999 entre les partis de la nouvelle
majorité prévoit la création de diverses formules de
participation des salariés.
Aux
Pays-Bas
, la participation des salariés au capital et aux
bénéfices des entreprises s'exerce dans le cadre des plans
d'épargne sur salaires et des plans d'épargne d'entreprise. Les
premiers permettent aux salariés d'épargner jusque
1.706 florins par an (c'est-à-dire un peu plus de 5.000 FRF)
dans des conditions favorables dès lors que l'épargne est
bloquée pendant quatre ans : les salariés ne paient en effet
pas de charges sociales sur cette somme, et l'employeur retient à la
source l'impôt sur les salaires au taux de 10 %. Les seconds
permettent aux salariés d'épargner 1.138 florins (environ
3.500 FRF) par an dans des conditions similaires, l'épargne
étant abondée par l'employeur d'un montant égal. Par
ailleurs, les options d'achat d'actions octroyées dans le cadre d'un
plan d'épargne sur salaire sont soumises à un régime
fiscal particulièrement favorable : dans la limite de
3.340 florins par an (soit environ 10.000 FRF), elles sont soumises
à l'impôt sur les revenus au taux de 10 %.
En
Allemagne
, la seule mesure destinée à encourager
spécifiquement l'actionnariat des salariés a une portée
très limitée : les salariés qui achètent des
actions de leur entreprise à prix réduit
bénéficient d'une exonération d'impôt et de
cotisations sociales sur cet avantage. L'exonération, plafonnée
à 300 DEM (environ 1.000 FRF), est subordonnée au fait
que les entreprises ne subventionnent pas plus de la moitié des parts
sociales ainsi acquises par les salariés et que ces dernières
soient conservées pendant au moins six ans. En effet, l'autre mesure
d'incitation à l'épargne salariale ne concerne pas seulement
l'épargne en actions, mais également d'autres formes
d'épargne. De plus, elle exclut les détenteurs des salaires les
plus élevés (plus de 35.000 DEM, soit environ
120.000 FRF par an pour un célibataire, le double pour un couple
marié). L'avantage consiste en une prime modique payée par
l'Etat : lorsque le salarié affecte une partie de son salaire
à l'achat de parts sociales de son entreprise, cette prime
s'élève à 20 % des fonds investis, dans la limite
d'un investissement d'environ 2.700 FRF.
En
Suède
, des fonds salariaux collectifs, contrôlés
par les salariés et destinés à acquérir des actions
d'entreprises privées, ont été institués en 1984.
Il ont été supprimés au début des années 90.
Nos systèmes de participation et d'intéressement apparaissent
beaucoup plus proches des régimes anglais et américains que de
ceux d'Europe continentale. Cependant, le système français de
participation se distingue des dispositifs anglo-saxons par son
caractère obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés
et par la définition législative de son mode de calcul.
L'INTERESSEMENT, LA PARTICIPATION
ET L'ACTIONNARIAT SALARIE
ALLEMAGNE
Les
fondements juridiques
|
I.
L'ENCOURAGEMENT A L'EPARGNE SALARIALE DANS LE CADRE DE LA LOI SUR LA FORMATION
DU PATRIMOINE
1) Le champ d'application
a) Les entreprises concernées
Le système s'applique sur demande des salariés. Lorsqu'il
n'existe pas de conventions collectives (d'entreprise ou de branche),
salariés et employeurs doivent conclure des accords particuliers.
b) Les bénéficiaires
Tous les salariés dont le
revenu net imposable annuel est
inférieur à un certain plafond
peuvent
bénéficier de la loi sur la formation du patrimoine.
Le plafond se monte à :
-
35.000 DEM
(soit environ 120.000 FRF)
pour un
célibataire
(ce qui correspond à un revenu brut d'environ
41.000 DEM) ;
-
70.000 DEM pour un couple marié
(ce qui correspond
à un revenu brut d'environ 94.000 DEM).
Par conséquent, presque deux tiers des salariés allemands sont
susceptibles de profiter de ces dispositions.
Avant la dernière réforme, ces montants s'élevaient
respectivement à 27.000 DEM et 54.000 DEM.
c) Les investissements aidés
Le salarié reçoit une subvention de l'Etat si, à sa
demande, son employeur affecte une partie de son salaire à des
investissements dits "
investissements productifs en
patrimoine
", dont font partie non seulement l'achat de parts sociales
de l'entreprise où travaille le salarié
, mais aussi les
achats d'actions d'autres sociétés ou de parts de fonds communs
de placement, voire les sommes versées sur un compte d'épargne
logement.
Pour encourager les salariés à participer au capital de leur
propre entreprise, une disposition protégeant les placements en cas de
défaillance de l'entreprise a été ajoutée par la
commission de conciliation (équivalent de notre commission mixte
paritaire) à la fin de la procédure parlementaire.
2) L'aide de l'Etat
Lorsque le salarié décide d'affecter une partie de son
épargne à l'achat de parts sociales, de sa propre entreprise ou
d'autres entreprises, il reçoit de l'Etat
une subvention de
20 %
,
plafonnée à 160 DEM
, car seuls les 800
premiers marks investis bénéficient d'un encouragement de l'Etat.
Jusqu'au 31 décembre 2004, ce taux est porté à
25 % dans les Länder de l'ancienne Allemagne de l'Est.
Pour les autres "
investissements productifs en patrimoine
"
susceptibles de justifier le versement d'une subvention, les taux et les
plafonds diffèrent. Les salariés peuvent cumuler l'aide
qu'apporte l'Etat pour l'achat de parts sociales et celle qu'il fournit pour
l'investissement immobilier (10 % d'un investissement plafonné
à 936 DEM). Avant la dernière réforme, ce cumul
n'était pas possible. De plus, le taux de la subvention n'était
que de 10 %, mais il s'appliquait à un montant plafonné de
936 DEM.
3) Les conditions
La constitution de l'épargne doit s'effectuer
par
l'intermédiaire de l'employeur
. Si le salarié épargne
à titre individuel, il ne reçoit aucune aide.
L'investissement est bloqué
pendant une période dont la
durée varie selon qu'il s'agit de parts sociales réservées
aux salariés (actions réservées au personnel, prêts
ou participations dans le cadre d'une " société
tacite ") ou susceptibles d'être achetées par le grand public.
Dans le premier cas, l'investissement est bloqué pendant
six
ans
; dans le second, il l'est pendant
sept ans
. Des
circonstances exceptionnelles (mariage, chômage...) peuvent justifier un
déblocage anticipé sans perte de la subvention.
II. L'ENCOURAGEMENT A LA SOUSCRIPTION DE PARTS SOCIALES DE L'ENTREPRISE PAR
LA LOI SUR L'IMPOSITION DU REVENU
Aux termes de
l'article 19a de la loi sur l'imposition du
revenu
,
introduit en 1984, l'avantage financier que constitue
l'attribution gratuite de parts sociales de l'entreprise aux salariés,
ou leur cession à prix réduit, est exonéré de
l'impôt sur le revenu et des cotisations sociales dans la mesure
où il ne dépasse pas la moitié de la valeur des parts
ainsi obtenues, l'exonération étant en outre plafonnée
à 300 DEM. Par exemple, si une entreprise offre à ses
salariés une participation de 500 DEM, la moitié
(250 DEM) est exonérée de l'impôt sur le revenu et des
cotisations de sécurité sociale. Si elle offre 2.200 DEM,
l'exonération est plafonnée à 300 DEM.
Entre 1987 et 1993, ce plafond était de 500 DEM, il a
été abaissé à 300 DEM, et les promoteurs de la
participation financière des salariés suggèrent qu'il soit
porté à 1.000 DEM.
Cette disposition s'applique quels que soient les revenus du
bénéficiaire si les parts sociales sont conservées pendant
au moins six ans.
Les entreprises associent en général les possibilités
qu'offre l'article 19a de la loi sur l'imposition du revenu avec celles de la
loi sur la formation du patrimoine.
Ainsi, si un célibataire choisit de prendre une participation au capital
de son entreprise de 800 DEM, la prime de 20 % de l'Etat
ramène la somme qu'il paye à 640 DEM. La participation du
salarié est complétée à hauteur de 300 DEM par
l'entreprise. En investissant 640 DEM, le salarié acquiert une
participation de 1.100 DEM. Parallèlement, par son apport de
300 DEM, l'entreprise réduit ses bénéfices et peut
augmenter son capital de 1.100 DEM.
* *
*
La
participation financière des salariés est
généralement considérée comme relevant de la
responsabilité des partenaires sociaux. Ceci explique la faible
importance des dispositions nationales.
Indépendamment de ces mesures législatives, certaines entreprises
font bénéficier leurs cadres dirigeants de plans d'options sur
actions. En cas d'exercice de ces options, les plus-values
réalisées sont imposées normalement.
D'autres entreprises ont introduit des programmes LESOP (
Leveraged Employee
Stock Ownership Programme
), qui permettent aux salariés de devenir
actionnaires grâce à des prêts sans intérêts
des employeurs.
En 1996-1997, un peu plus de 2 millions de salariés participaient
au capital de 2.500 entreprises et 80 % des salariés
concernés disposaient d'actions, les autres détenant par exemple
des participations dans des SARL ou dans des sociétés en
participation. Ils représentaient donc 45 % des 4,5 millions
d'actionnaires allemands. Le nombre de ces derniers a beaucoup augmenté
au cours des dernières années, puisqu'il s'élevait
seulement à 3,2 millions en 1988. Cette forte croissance est
principalement imputable au développement de l'actionnariat
salarié.
L'INTERESSEMENT, LA PARTICIPATION
ET L'ACTIONNARIAT SALARIE
BELGIQUE
Les
fondements juridiques
|
I.
L'ENCOURAGEMENT A L'ACTIONNARIAT SALARIE
1) L'actionnariat individuel
Toujours en vigueur,
la loi du 28 décembre 1983
(dite loi
Monory bis ou Monory permanent),
a été la première loi
comportant des mesures spécifiques visant à
encourager
l'achat par les salariés d'actions de leur entreprise
.
L'incitation consiste en l'octroi d'une
déduction fiscale
sur le
montant des "
sommes affectées à la libération en
numéraire d'actions ou de parts, souscrites par le contribuable en tant
que travailleur, représentant une fraction du capital social de la
société résidente qui occupe le contribuable
".
Elle est
limitée à 22.000 BEF
par contribuable et par
année fiscale, à condition que le salarié conserve ses
actions ou parts pendant un
délai minimum de cinq ans
.
Précédemment, l'arrêté royal n° 15 du
9 mars 1982 (dit Monory-De Clercq) portant encouragement à la
souscription ou à l'achat d'actions ou de parts représentatives
de droits sociaux dans les sociétés belges avait introduit,
à titre temporaire (pour les exercices d'imposition 1983 à 1986),
des incitations fiscales destinées à favoriser l'épargne
en actions de façon générale.
En 1984, la loi de redressement du 31 juillet avait cherché à
favoriser l'investissement dans les sociétés reconnues comme
novatrices et constituées entre 1984 et 1993. Ces dispositions, qui
intéressaient tous les contribuables, avantageaient les salariés
de l'entreprise, car ils bénéficiaient de déductions
fiscales plus importantes. La loi du 28 décembre 1990 relative
à diverses dispositions fiscales ou non fiscales ayant mis fin
prématurément à la reconnaissance du statut de
société novatrice, les augmentations de capital
postérieures au 31 décembre 1990 n'ont plus
bénéficié de ces avantages fiscaux.
2) Les augmentations de capital réservées au personnel
La loi du 18 juillet 1991 permet aux sociétés qui ont
distribué à deux reprises au moins des dividendes au cours des
trois derniers exercices d'émettre, à l'occasion d'une
augmentation de capital, des actions "
à l'exception d'actions
sans droit de vote, destinées en tout ou partie à être
réservées à l'ensemble du personnel
".
La durée de la période de souscription "
ne peut
être inférieure à trente jours, ni supérieure
à trois mois
", et le délai accordé pour la
libération des actions "
ne peut être supérieur
à trois ans
" à compter de l'expiration de la
période de souscription.
Les actions sont proposées avec une
décote maximale de
20 %
par rapport au prix normal. L'ancienneté requise pour en
bénéficier "
ne peut être ni inférieure
à six mois ni supérieure à trois ans
".
Le recours à une telle augmentation de capital doit faire l'objet d'une
concertation au sein du conseil central d'entreprise de la
société. Le montant maximum de ce type d'augmentation de capital
ne peut excéder, sur une période de cinq ans, 20 % du
capital social, le pourcentage s'appliquant sur la valeur du capital
après augmentation.
Ces
actions
sont
nominatives
et
incessibles pendant une
période de cinq ans
à partir de la date de la
souscription.
En principe, l'administration fiscale belge considère que la
souscription d'actions avec décote constitue un avantage en nature
imposable au moment où l'employé souscrit, et le montant
imposable correspond à la décote.
Cependant,
pour encourager les augmentations de capital
réservées au
personnel, les articles 48 et 49 de la loi du
26 mars 1999
ont apporté les précisions suivantes :
l'avantage retiré de l'émission d'actions avec décote
n'est considéré ni comme un avantage en nature ni comme une
rémunération, il n'est donc ni imposable ni soumis à
cotisations de sécurité sociale.
Par ailleurs, la plus-value éventuellement réalisée lors
de la revente des actions n'est pas imposable.
II. LE REGIME FISCAL DES PLANS D'OPTIONS SUR ACTIONS
Les plans d'options sur actions ont été introduits en 1984, mais
ils ne se sont pas développés. C'est pourquoi la loi de 1984 a
été abrogée au début de l'année 1999 et
remplacée par des dispositions plus favorables.
1) La loi du 27 décembre 1984
Elle permet à l'employeur de signer une convention d'options sur actions
par laquelle il s'engage "
soit à céder à un
travailleur à un prix déterminé et dans un délai
déterminé, un nombre déterminé d'actions ou parts
représentatives de son capital social [...] soit à lui permettre
de souscrire, dans les mêmes conditions, à une augmentation de son
capital
".
La plus-value d'acquisition est considérée comme un avantage en
nature. Elle est donc soumise à cotisations de sécurité
sociale et imposable comme un revenu professionnel. Cependant,
cet avantage
est exonéré d'impôt lorsque
:
- la convention d'options sur actions est conforme à une convention type
préalablement approuvée par l'assemblée
générale des associés ;
- le salarié a au moins un an d'ancienneté dans l'entreprise au
moment de l'octroi de l'option ;
- l'option est levée pendant une période de un à six ans
suivant son octroi ;
- le salarié n'acquiert de cette façon pas plus de 5 % des
actions émises par la société et consacre à la
levée d'options au plus 25 % du salaire de l'année
précédente, avec un maximum de 500.000 BEF (le montant n'a
pas été modifié depuis 1984) ;
- les actions acquises à la suite de la levée d'une option sont
déposées à la Banque nationale de Belgique, la restitution
du dépôt et le transfert au profit de tiers étant interdits
pendant ce délai.
De plus,
l'éventuelle plus-value de cession n'est pas imposable
.
Comme les conditions d'application de ce régime sont très
contraignantes, il a été peu appliqué : entre 1991 et
1994, il y a eu seulement 45 levées d'option représentant un
total de 3.941 titres
(
37(
*
)
)
. Il a donc été modifié
par la loi du 26 mars 1999.
2) Le régime actuel
Les articles 41 à 45 de la loi du 26 mars 1999
prévoient, pour les options attribuées à compter du
1
er
janvier 1999, la taxation de l'avantage en nature que
constitue l'attribution d'options sur actions.
La valeur imposable des options est déterminée au moment de leur
attribution, qui est fixée le soixantième jour suivant la date de
l'offre, "
même si l'exercice de l'option est soumis à des
conditions suspensives ou résolutoires
", et non au moment
où le salarié lève l'option.
L'avantage imposable est estimé forfaitairement à 15 % de
la valeur de marché
des actions
. Lorsque l'option est
accordée pour une durée supérieure à cinq ans, cet
avantage imposable est majoré de 1 % de ladite valeur par
année au-delà de la cinquième.
Ces deux pourcentages sont réduits de moitié lorsqu'un certain
nombre de conditions sont réunies :
- la levée de l'option doit avoir lieu à l'expiration d'un
délai compris entre trois et dix ans ;
- l'option doit porter sur des actions de la société qui emploie
le bénéficiaire de cette option, ou d'une autre
société dans laquelle l'employeur a une participation ;
- le risque de diminution de la valeur des actions ne peut être couvert
par la société qui a attribué l'option ;
- l'option ne peut être cédée entre vifs.
En revanche, l'avantage constitué par l'attribution de l'option n'est
pas soumis au paiement de cotisations de sécurité sociale.
III. LA PARTICIPATION DES SALARIES AUX BENEFICES
L'article 2 de la loi du 10 juillet 1998 précise qu'"
on
entend par participation aux bénéfices tout avantage
évaluable en espèces, quelle que soit sa dénomination,
accordé au travailleur par l'employeur ou à charge de celui-ci,
si cet avantage est directement lié aux bénéfices de
l'entreprise
".
Toutefois, l'objet de cette loi n'est pas la mise en place d'une règle
nationale en matière de participation aux bénéfices, mais
l'instauration d'une mesure d'accompagnement de la modération salariale.
Les sommes versées aux salariés au titre de la participation
aux bénéfices sont imposables et soumises à cotisations de
sécurité sociale.
Compte tenu du peu d'intérêt de ce type de régime, un
certain nombre de sociétés ont instauré un système
de participation consistant en l'octroi de parts
bénéficiaires ne constituant pas le capital de la
société et donc dépourvues de droit de vote. Ces parts
donnent simplement droit à un dividende, qui n'est pas imposable comme
un revenu mais est soumis au précompte mobilier libératoire de
25 %.
Dans un arrêt du 11 septembre 1995, la Cour de cassation a
estimé que les dividendes sur les parts bénéficiaires
constituaient une rémunération soumise à cotisations de
sécurité sociale. Toutefois, un arrêt rendu par la cour du
travail de Bruxelles le 29 avril 1999 tend à exclure cet avantage
de l'assiette des cotisations sociales.
* *
*
Le cadre
juridique de la participation financière devrait être
modifié prochainement. En effet, une proposition de loi avait
été discutée au Sénat avant les élections
législatives de juin 1999, et le gouvernement actuel envisage
également de réformer le système.
Une proposition de loi sur la participation des travailleurs salariés
dans l'entreprise avait été déposée le 6 mai
1997 par M. Delcroix, sénateur. Elle concernait essentiellement la
participation au capital.
Elle proposait d'instaurer un plan de participation auquel aurait pu s'affilier
tout salarié ayant au moins trois ans d'ancienneté. Le fonds de
participation aurait été alimenté par les versements du
travailleur et/ou par des apports de l'entreprise. L'apport annuel du
salarié aurait été compris entre 10.000 BEF et
100.000 BEF, et celui de l'entreprise n'aurait pas pu dépasser
100.000 BEF par travailleur et par an. Les parts du fonds de participation
n'auraient pas pu être remises aux salariés, en espèces ou
sous la forme d'actions de l'entreprise, d'une filiale, ou de la
société-mère, qu'à l'issue d'une période
minimum de cinq ans. Les versements effectués auraient donné
droit à une réduction d'impôt et n'auraient pas
été soumis à cotisations de sécurité
sociale. Cette proposition de loi, qui avait été examinée
par le Sénat, est devenue caduque par suite du renouvellement du
Parlement le 13 juin 1999.
Par ailleurs, l'accord de
gouvernement entre les partis de la
nouvelle majorité prévoit la création d'un cadre
légal instaurant diverses formules de participation des
salariés
.
L'INTERESSEMENT, LA PARTICIPATION
ET L'ACTIONNARIAT SALARIE
PAYS-BAS
Les
fondements juridiques
|
I.
LES PLANS D'EPARGNE SUR SALAIRES
1) Le mécanisme
Chaque salarié peut épargner jusque 1.706 florins par an
(c'est-à-dire un peu plus de 5.000 FRF) sans avoir à payer
ni impôt sur le revenu ni charges sociales sur cette somme, dans la
mesure où l'épargne est bloquée pendant quatre ans
(sur un compte bancaire, un compte d'assurance-vie ou un fonds de retraite
complémentaire). De plus, les produits de cette épargne
échappent aussi à l'impôt, dans la limite de
1.000 florins par an pour un célibataire et de 2.000 florins
pour un couple.
Cependant, l'employeur doit retenir à la source l'impôt sur les
salaires, mais au taux de 10 %
(
38(
*
)
)
sur les parts de salaire
épargnées.
Indépendamment des circonstances où le déblocage s'impose
(décès du salarié, départ de l'entreprise...), ce
dernier est autorisé dans trois cas :
- achat de la résidence principale ;
- placement dans certaines formes d'assurance-vie ;
- achat de valeurs mobilières par l'intermédiaire de l'employeur
ou d'un établissement mentionné dans le règlement du plan
d'épargne.
2) La participation aux bénéfices
Le dispositif du plan d'épargne sur salaires peut en particulier
être utilisé pour distribuer, de façon avantageuse, une
partie des bénéfices de l'entreprise aux salariés, car
l'opération se déroule alors dans les conditions exposées
plus haut.
De plus, les sommes accordées au personnel permettent alors à
l'entreprise de réduire son bénéfice imposable.
3) Les plans d'options sur actions
Le dispositif de l'épargne sur salaires peut également être
combiné avec celui des plans d'options de souscription d'actions.
En principe, aux Pays-Bas, les options sont imposables au moment où
elles sont accordées de façon irrévocable
(
39(
*
)
)
,
même si
elles sont exercées plus tard. Considérées comme un
avantage en nature, elles sont imposées au taux progressif de
l'impôt sur les salaires.
Les options octroyées dans le cadre d'un plan d'épargne
salariale bénéficient d'un régime fiscal favorable
.
Dans la limite de 3.340 florins par an, elles sont soumises à
l'impôt sur les salaires au taux de 10 %. Au-delà de ce
plafond, les options octroyées
dans le cadre d'un plan
d'épargne salariale suivent le régime fiscal de droit commun, qui
est exposé plus loin.
II. LES PLANS D'EPARGNE D'ENTREPRISE
Dans ce cadre, le salarié peut épargner jusque 1.138 florins
par an sans avoir à payer ni impôt ni charges sociales sur cette
somme.
Cette épargne est abondée par l'employeur d'un montant
égal. L'abondement est également exclu de l'assiette de
l'impôt sur le revenu, dans la mesure où l'épargne est
bloquée pendant quatre ans, dans les mêmes conditions que
l'épargne sur salaires.
Aucune retenue à la source n'est due au titre de l'impôt sur les
salaires.
Le produit de l'épargne n'entre pas dans l'assiette de l'impôt sur
le revenu, dans la limite annuelle de 1.000 florins pour un
célibataire et de 2.000 florins pour un couple.
Les possibilités de déblocage anticipé sont les
mêmes que pour l'épargne sur salaires et il y a une
possibilité supplémentaire : le remboursement d'une
hypothèque.
* *
*
Le cumul
des deux dispositifs (plans d'épargne sur salaires et plans
d'épargne d'entreprise) est possible. A l'intérieur du dispositif
des plans d'épargne sur salaires, le cumul entre les trois
possibilités (épargne du seul salarié, participation aux
bénéfices et plans d'option sur actions) est également
autorisé, dans la limite d'un plafond annuel de 3.340 florins. Les
plans d'épargne sur salaires sont les plus nombreux.
III. LE REGIME FISCAL DES PLANS D'OPTIONS SUR ACTIONS
La loi du 24 juin 1998, immédiatement applicable, alourdit
l'imposition des stock options de deux façons :
- par la réévaluation des options des sociétés non
cotées ;
- par l'imposition de la plus-value réalisée en cas de
levée ou de cession de l'option dans les trois ans.
Avant l'adoption de cette loi, les options des sociétés non
cotées étaient évaluées de façon forfaitaire
à 7,5 % de la valeur de marché des actions sur lesquelles
elles portaient. Or, la valeur forfaitaire constitue la base imposable sur
laquelle est appliqué le taux progressif de l'impôt sur les
salaires, à moins que l'employeur ou le salarié ne
démontre que la valeur du marché est inférieure à
la valeur forfaitaire. Dans cette hypothèse, la valeur du marché
est retenue.
Pour les options octroyées à partir du 26 juin 1998, la
valeur forfaitaire dépend de la durée de l'option, du prix de
levée et de la valeur de l'action au moment où l'option est
accordée. Lorsque la durée de l'option est de cinq ans, la valeur
forfaitaire est au moins
(
40(
*
)
)
de 20 % de la valeur de marché.
Elle est au moins de 50 % lorsque la durée est de vingt ans ou
plus.
En outre, depuis la réforme, si le salarié lève ou
cède son option dans les trois ans, la plus-value qu'il retire est
imposée comme un salaire, alors qu'auparavant la plus-value
réalisée n'était pas imposable. Cependant, cette
plus-value n'est pas soumise à cotisations sociales. De plus,
l'impôt payé par le salarié au moment de l'octroi de
l'option est soustrait de l'impôt sur la plus-value.
La société qui attribue des options peut déduire de son
bénéfice un montant égal à celui qui est imposable
au titre de l'impôt sur le revenu du salarié.
L'INTERESSEMENT, LA PARTICIPATION
ET L'ACTIONNARIAT
SALARIE
ROYAUME-UNI
Les
fondements juridiques
|
I.
L'ENCOURAGEMENT A L'ACTIONNARIAT SALARIE
1) L'
Approved
Profit Sharing Scheme
(APS)
L'APS, que nous avons classé dans les régimes de participation au
capital, constitue également un système de participation aux
bénéfices. En effet, les sommes correspondant à la
participation aux bénéfices des salariés sont
versées à un trust qui achète, au nom des salariés,
soit des actions déjà émises, soit de nouvelles actions.
Les actions achetées par le trust peuvent représenter
jusqu'à 5 % des bénéfices avant impôt. Elles
doivent être conservées, pour le compte des salariés,
pendant au moins deux ans.
Tous les ans, chaque salarié peut recevoir en actions 3.000 livres
(
43(
*
)
)
ou 10 % de son
salaire annuel, avec un plafonnement à 8.000 livres.
Pour être agréé par l'administration fiscale et
bénéficier d'avantages fiscaux
, l'APS doit remplir plusieurs
conditions :
- il doit être ouvert à tous les salariés (à temps
plein et depuis 1995, également aux salariés à temps
partiel) ayant au minimum cinq ans d'ancienneté dans l'entreprise ;
- les conditions de participation doivent être les mêmes pour tous
les salariés (par exemple, en proportion directe du résultat, de
la rentabilité, des bénéfices réels par rapport aux
bénéfices prévisionnels...).
Depuis 1995,
les sommes correspondant à la participation sont
entièrement exonérées d'impôt sur le revenu
à condition que le trust conserve les
actions pendant une
troisième année
. Pendant ces trois années, les
salariés reçoivent des dividendes, mais ne peuvent assister aux
réunions des actionnaires.
Depuis 1995, en contrepartie de la réduction de cinq à trois ans
de la durée minimale pendant laquelle le trust doit détenir les
actions pour que les salariés bénéficient des avantages
fiscaux, les salariés sont assujettis à la taxe sur les
plus-values en capital lors de la vente de ces actions. Toutefois, l'abattement
déductible des plus-values imposables des particuliers étant
fixé à 7.100 livres pour l'année 1999, la plupart des
salariés n'ont pas à payer cet impôt.
Ces actions peuvent ensuite être transférées, à
hauteur de 3.000 livres par année fiscale, sur un
Personal
Equity Plan
(PEP)
(44(
*
))
portant sur une seule
société (
Single Company PEP
) : la
société employeur. Ce transfert s'effectue en franchise
d'impôt sur les plus-values, et les dividendes perçus sont
exemptés d'impôt sur le revenu. Cette mesure vise à
encourager la mise en place de cette catégorie de PEP au profit des
salariés.
2)
Le
Save As You Earn
(SAYE)
Les salariés qui le souhaitent peuvent épargner, dans le cadre
d'un contrat d'épargne SAYE conclu par l'employeur avec une banque ou
une société de crédit, entre 5 et 250 livres par
mois. Le montant de l'épargne est prélevé sur le salaire.
Chaque salarié ayant conclu un tel contrat reçoit des options lui
permettant, à l'issue d'une période de trois ou cinq ans,
d'acheter des actions de la société qui l'emploie à un
prix qui ne peut être inférieur à 80 % du cours de
l'action au moment où l'option a été accordée.
A la fin de cette période, le salarié peut choisir entre deux
solutions :
- recevoir en espèces l'épargne accumulée
augmentée des intérêts (généralement
3 %) et d'une prime variable en fonction de la durée du
contrat ;
- exercer son option en achetant, pour la totalité de la somme ou
seulement pour une partie, des actions de l'entreprise au prix indiqué
lors de la signature du contrat.
Pour être agréés par l'administration fiscale et
bénéficier des avantages fiscaux, les contrats SAYE doivent
être ouverts, dans des conditions identiques, aux salariés ayant
plus de cinq ans d'ancienneté.
Aucun impôt n'est dû ni sur les intérêts, ni sur la
prime, ni sur l'éventuelle plus-value d'acquisition. Cependant, les
salariés sont assujettis à la taxe sur les plus-values en capital
lorsqu'ils vendent leurs actions. Mais en raison du seuil d'abattement fiscal
(7.100 livres en 1999), la plupart échappent à cet
impôt.
Les actions peuvent être transférées sur des
Single
Company PEP
, dans les mêmes conditions que pour les APS.
3)
L'
Employee
Share Ownership Plan
(ESOP)
Les entreprises créent un fonds d'investissement qui peut emprunter pour
acquérir les actions et les distribuer aux salariés soit
directement, soit par le biais d'un régime agréé de
participation aux bénéfices (
Profit Sharing Scheme
). Ce
système est principalement utilisé pour transmettre une partie du
capital de la société aux employés, car le trust ainsi
créé peut détenir un pourcentage illimité des
actions de la société sans limitation de durée, ce qui
permet de créer une réserve d'actions.
Les salariés concernés sont aussi bien ceux travaillant à
temps plein que ceux travaillant au minimum vingt heures par semaine.
L'ancienneté requise pour bénéficier de ces plans ne peut
excéder cinq ans.
La valeur globale des actions attribuées est déterminée
par le trust, de la même façon pour tous les salariés, et
doit être proportionnelle soit à la rémunération
soit à l'ancienneté.
Les avantages fiscaux ne sont accordés qu'aux plans ESOP dans lesquels
les actions sont distribuées aux salariés avant la fin d'une
période maximum de sept ans après leur acquisition.
Comme peu de propriétaires sont disposés à transmettre
leur entreprise à leurs salariés et que les critères
d'homologation exigés par l'administration fiscale sont très
stricts, il existe peu de plans ESOP.
II. LA PARTICIPATION DES SALARIES AUX BENEFICES
Connu sous le nom de
Profit Related Pay
(PRP)
, ce
régime consiste à verser aux salariés une somme
directement liée aux bénéfices de l'entreprise où
ils travaillent. Cette participation peut s'ajouter au salaire ou s'y
substituer en partie. Son montant peut varier entre 1 % et 20 % de la
rémunération totale.
Pour être agréée par l'administration fiscale et
bénéficier d'une exonération fiscale, la participation au
titre du PRP doit répondre à plusieurs conditions :
- elle doit durer au moins un an ;
- elle doit concerner au moins 80 % des salariés (à temps
plein et, depuis 1995, également les salariés à temps
partiel) ayant plus de trois ans d'ancienneté ;
- les sommes versées doivent être proportionnelles soit au salaire
soit à l'ancienneté ;
- les sommes distribuées doivent être liées aux
bénéfices selon une formule définie à l'avance.
Les dispositifs de participation peuvent toutefois être changés
chaque année, sous réserve d'une nouvelle homologation, ce qui
permet de réviser la formule d'intéressement pour obtenir une
stabilité des salaires. Ils peuvent également être
suspendus lorsqu'une entreprise s'aperçoit, en cours d'exercice, que sa
rentabilité risque d'être inférieure au niveau prévu.
Lorsque la participation se substitue en partie à la
rémunération de base, l'employeur doit obtenir le consentement
des salariés dans la mesure où le " sacrifice du
salaire " constitue une modification du contrat de travail. Les trois
quarts des dispositifs mis en place répondent à ce modèle.
Les sommes versées au titre du
Profit Related Pay
bénéficient d'une exonération fiscale fixée, pour
l'exercice 1999, à 20 % du total de la rémunération
annuelle dans la limite de 1.000 livres. Toutefois, cette
exonération sera définitivement supprimée à compter
du 1
er
janvier 2000.
Au 31 mars 1996, près de 3,6 millions de salariés
bénéficiaient d'un
Profit Related Pay
, soit près
d'un quart des salariés du secteur privé.
III. LE REGIME FISCAL DES PLANS D'OPTIONS SUR ACTIONS
Les plans d'options sur actions (
Approved Company Share Options
Plans
)
permettent aux sociétés d'offrir à leurs
salariés des options pour l'achat d'actions ordinaires de la
société.
Un salarié ne peut recevoir des options d'achat d'actions pour une
valeur annuelle totale supérieure à 30.000 livres. La valeur
de l'option est fixée au moment de son octroi et ne peut être
inférieure au cours de l'action.
Pour bénéficier des avantages fiscaux, ces plans doivent
être agréés par l'administration fiscale. L'avantage
procuré par l'octroi de ces options n'est pas imposable à
condition :
- que le salarié lève l'option dans le délai de trois
à sept ans suivant l'octroi de l'option pour celles accordées
avant le 6 avril 1998, et de trois à dix ans pour celles
accordées postérieurement ;
- qu'il y ait un délai minimum de trois ans entre la levée de
l'option et la précédente levée d'option ayant
bénéficié d'un avantage fiscal.
Toutefois, en cas de revente des actions ainsi acquises, l'impôt sur les
plus-values mobilières est dû si la plus-value est
supérieure à 7.100 livres.
* *
*
Le
projet de budget pour 2000
prévoit la création d'un
nouveau plan d'épargne d'entreprise
, l'
Employee Share
Ownership Scheme
, destiné à tous les salariés. Ces
derniers pourraient investir chaque année jusqu'à
1.500 livres pour l'acquisition d'actions de leur entreprise et pourraient
se voir offrir par leur employeur un nombre d'actions équivalent.
Les sommes consacrées par les salariés à l'achat de ces
actions resteraient assujetties à l'impôt sur le revenu, mais les
dividendes reçus pendant la durée du plan (trois ans) ne
seraient pas imposables. La valeur des actions offertes aux salariés
constituerait un revenu non imposable à condition que les actions soient
conservées pendant trois ans.
L'INTERESSEMENT, LA PARTICIPATION
ET L'ACTIONNARIAT SALARIE
SUÈDE
En 1975,
la Confédération générale du travail de
Suède (LO) demanda la création de
fonds salariaux
collectifs
, c'est-à-dire de fonds d'investissement
contrôlés par les salariés et destinés à
acquérir des actions d'entreprise privées.
|
L'INTERESSEMENT, LA PARTICIPATION
ET L'ACTIONNARIAT
SALARIE
ETATS-UNIS
Les
fondements juridiques
|
I.
L'ENCOURAGEMENT A L'ACTIONNARIAT SALARIE
1)
Les
Employee Stock Ownership Plans
(ESOP)
Ce sont des
plans d'actionnariat collectif
auxquels participent tous les
salariés âgés de plus de vingt et un ans et travaillant
plus de mille heures par an.
Les entreprises créent un fonds d'investissement
qui acquiert
des actions pour leurs salariés.
Les ressources du fonds sont constituées par des contributions de
l'entreprise. Pour bénéficier d'un régime fiscal
avantageux, ces dernières sont plafonnées à
30.000 dollars par an et par salarié et limitées à un
certain pourcentage de la masse salariale :
- 15 % lorsque le fonds d'investissement ne recourt pas à un emprunt
pour acquérir des actions ;
- 25 % dans le cas contraire.
Le fonds d'investissement peut en effet emprunter auprès d'un organisme
de prêt ou auprès de l'entreprise, et rembourser l'emprunt au
moyen des contributions de l'employeur, des dividendes et des plus-values.
Ces ressources permettent au fonds d'acquérir non seulement des actions
de la société qui le parraine, mais également d'autres
actions. En effet, lorsque les employés ayant dix ans
d'ancienneté atteignent l'âge de cinquante-cinq ans, ils doivent
être autorisés à diversifier leur placement à
hauteur de 25 % du montant de leur compte dans au moins trois autres
titres. A l'âge de soixante ans, ce pourcentage atteint 50 %.
Chaque salarié dispose d'un compte personnel alimenté selon une
formule préétablie. En revanche, les titres acquis grâce
à un emprunt sont placés dans un compte bloqué et ne sont
transférés sur les comptes personnels qu'après
remboursement de l'emprunt.
Le fonds d'investissement ne constitue pas une entité imposable. Les
salariés ne sont redevables d'aucun impôt aussi longtemps que le
fonds détient les actions pour
leur compte
. Seuls les
dividendes qui leur sont versés directement sont imposables comme des
revenus ordinaires. En revanche, les dividendes " raisonnables "
versés au fonds, bien qu'attribués aux salariés sur leur
compte personnel, ne font l'objet d'aucune imposition.
Toutes les contributions de l'entreprise à l'ESOP sont
exonérées d'impôt. Les dividendes versés à
l'ESOP sont déductibles s'ils sont utilisés pour rembourser le
prêt. L'employeur peut payer les intérêts dus par l'ESOP et
en déduire le montant de ses impôts.
Lorsqu'ils prennent leur retraite, les salariés reçoivent leurs
titres, qu'ils peuvent conserver ou revendre. S'ils les revendent, le montant
correspondant aux contributions versées initialement par l'entreprise
est soumis à l'impôt sur le revenu, tandis que la
différence entre ces dernières et la valeur de revente des titres
est soumise à l'impôt sur les plus-values. Le salarié qui
réclame ses droits avant d'atteindre l'âge de cinquante-neuf ans
et demi paie une taxe complémentaire de 10 %.
Par ailleurs, les salariés qui cèdent leurs actions à un
ESOP peuvent bénéficier d'un différé d'imposition
dans certaines circonstances.
Il existe environ 10.000 plans ESOP concernant 9 millions de salariés.
Comme le dispositif incite les salariés à devenir actionnaires de
l'entreprise qui les emploie, actuellement environ 2.500 sociétés
sont majoritairement détenues par leurs salariés.
2) Les plans 401 (k)
Ils tirent leur nom de la section du code fédéral des
impôts qui les régit.
L'employeur crée un fonds d'investissement dans lequel les
salariés placent, à leur initiative, un certain pourcentage de
leur rémunération.
La possibilité de participation
à ces plans est offerte aux employés ayant plus de vingt et un
ans et une certaine ancienneté dans l'entreprise. La participation des
salariés à ce fonds est encouragée par le versement, par
l'employeur, d'une contribution qui doit être inférieure ou
égale au montant versé par l'employé.
Généralement, elle se situe entre 25 % et 75 % de
l'investissement du salarié, avec un maximum de 6 % du salaire. En
1998, le montant maximum annuel que pouvait verser un salarié
était de 10.000 dollars.
Les sommes épargnées par les salariés peuvent être
investies dans différents types de placements (le salarié dispose
en général de trois à cinq possibilités), alors que
la contribution de l'employeur est nécessairement investie dans des
actions de la société.
Les sommes versées par l'employeur ne sont toutefois
définitivement acquises au salarié qu'après qu'il a
travaillé un certain temps dans l'entreprise, par exemple :
- 25 % après deux ans ;
- 50 % après trois ans ;
- 100 % après cinq ans.
L'investissement réalisé par les salariés est
déductible du revenu brut, mais soumis à cotisations
sociales.
Lorsque le salarié démissionne, il peut demander le
transfert du plan 401 (k) sur un compte de retraite individuel (IRA) ou sur un
plan proposé par son nouvel employeur. Il peut également demander
le paiement de la totalité des sommes investies.
Le remboursement du plan peut être demandé à l'âge de
cinquante-neuf ans et demi. Il peut également être demandé
plus tôt dans des cas exceptionnels (achat d'une résidence
principale, paiement d'études pour les enfants, dépenses de
santé...). Ces paiements sont assujettis à l'impôt sur le
revenu et, le cas échéant, à une taxe de 10 % pour
distribution précoce.
Les salariés peuvent également obtenir un prêt d'un montant
égal à la moitié de la somme dont ils sont
bénéficiaires sur leur compte. Le capital et les
intérêts dus sont reversés sur leur compte au fur et
à mesure des remboursements.
Les plus-values, ainsi que les dividendes, ne sont assujettis à
l'impôt que lorsqu'ils sont effectivement distribués.
Ces plans peuvent être associés à des ESOP. Dans ce cas, la
contribution de l'employeur est versée automatiquement sur le compte
individuel ESOP de l'employé, sous la forme d'actions.
A la fin de l'année 1993, il y avait environ 114.000 plans 401 (k)
concernant 21 millions de salariés.
II. LA PARTICIPATION DES SALARIES AUX BENEFICES
1) Les
Profit Sharing Plans
(PSP)
Ces
plans d'intéressement
sont offerts généralement
à
tous les salariés
âgés de plus de vingt et
un ans, ayant au moins un an d'ancienneté et ayant travaillé
au moins mille heures pendant une période de douze mois. Ils sont
soumis à l'approbation des actionnaires.
L'entreprise verse à un fonds d'investissement une contribution
qu'elle détermine chaque année et qui est plafonnée
à 15 % de la masse salariale
. En 1997, cette contribution
était de plus limitée à 24.000 dollars par
employé. Le fonds d'investissement achète des actions qu'il
gère pour le compte des salariés.
L'entreprise n'est pas obligée de faire des bénéfices
chaque année pour proposer ce plan à ses salariés.
Toutefois, lorsque la contribution annuelle est subordonnée à
l'existence de bénéfices, le plan doit préciser la
définition qui en est retenue. Ce système est d'autant plus
souple que l'entreprise peut changer tous les ans la formule de calcul de sa
contribution.
Le mode de répartition de la contribution de l'employeur entre les
salariés est fixé dans le plan. La part de chacun peut être
proportionnelle au salaire, aux points accordés en fonction de
l'âge, de l'ancienneté, de l'efficacité, ou dépendre
du groupe professionnel auquel appartient le salarié. Elle peut
également inclure les cotisations de sécurité sociale dues
par les employés.
Il existe
deux sortes de
Profit Sharing Plans
. Les
Deferred
PSP
sont les plus courants : les sommes accumulées
(capital et intérêts produits) sont versées aux
salariés après un nombre déterminé d'années,
à un âge donné ou lors de la survenance
d'événements tels que licenciement, maladie, invalidité,
retraite, départ de l'entreprise, décès... En revanche,
pour les
Current PSP,
les bénéfices sont
versés directement aux employés, en espèces ou en actions
de la société, chaque année, après
détermination des bénéfices.
Les sommes versées au titre de l'intéressement sont
assujetties à l'impôt sur le revenu. Toutefois, le paiement de cet
impôt est différé jusqu'à la date de
distribution.
Lorsque le salarié demande le versement des sommes qui lui sont dues
avant l'âge de cinquante-neuf ans et demi, en dehors des cas
prévus pour un versement anticipé, il doit supporter une taxe
complémentaire de 10 %.
2) Les
Stock Bonus Plans
Ils sont établis dans les mêmes conditions que les
Profit
Sharing Plans
, mais l'intéressement offert aux salariés n'est
constitué que par des actions de l'entreprise. L'imposition est
différée jusqu'au moment de la cession des actions reçues
par les salariés.
Il existe très peu de
Stock Bonus Plans
(moins de 1.000).
III. LE REGIME FISCAL DES PLANS D'OPTIONS SUR ACTIONS
Ces plans permettent d'intéresser certains salariés à la
croissance future de l'entreprise. L'employeur offre à tous les
salariés, ou seulement à certains d'entre eux, l'option
d'acquérir, à un prix déterminé et pendant un
délai donné, une quotité d'actions de l'entreprise. En
général, le prix proposé pour l'achat des actions est
celui du marché au moment de l'octroi de l'option.
1) Les
Incentive Stock Options
(ISO)
Pour bénéficier d'un régime fiscal favorable, elles
doivent répondre à un certain nombre de critères. Elles ne
peuvent être proposées qu'aux employés de l'entreprise, sur
la base d'un
plan écrit et enregistré
indiquant le nombre
total d'actions qui peuvent être offertes et les employés qui
pourront en bénéficier. Les conditions d'attribution et les
quotités des ISO ne sont pas nécessairement les mêmes pour
tous les bénéficiaires. Très souvent, les droits de
levée d'option ne peuvent être acquis qu'en fonction de la
durée de présence dans l'entreprise, l'employé ne pouvant,
par exemple, lever l'option qui lui a été consentie qu'à
hauteur de 25 % par an.
Le plan doit être approuvé par les actionnaires dans les
douze mois précédant ou suivant son adoption.
La valeur
des options ne peut être inférieure au cours de l'action à
la date de
l'octroi de l'option.
Ni l'octroi ni la levée de l'option ne sont considérés
comme des opérations imposables.
C'est seulement au moment de la
revente des actions que la situation fiscale des bénéficiaires
des options est appréciée.
Les options doivent être levées dans un délai maximum de
dix ans. Toutefois, lorsqu'un salarié, au moment de l'octroi de
l'option, détient plus de 10 % du capital de l'entreprise, la
valeur des options ne peut être fixée à moins de 110 %
du cours de l'action et le délai de levée de l'option est de
cinq ans.
En principe, ces options ne sont pas transférables, sauf en cas de
décès du salarié, de divorce...
Si la vente des actions a lieu plus de deux ans après la date de
l'octroi de l'option et plus d'un an après la date de sa levée,
le bénéficiaire paie, au moment où il revend les actions,
la taxe sur la plus-value résultant de la différence entre le
prix fixé lors de l'octroi de l'option et le prix de revente,
c'est-à-dire la somme de la plus-value d'acquisition et de la plus-value
de cession. Le taux d'imposition est de 28 %. Il est réduit
à 20 % lorsque les titres ont été conservés
plus de dix-huit mois. Après l'an 2000, ce taux sera limité
à 18 % pour les actions qui auront été
détenues pendant au moins cinq ans.
En revanche, lorsque la vente des actions a lieu avant ces délais, le
salarié doit déclarer dans ses revenus la plus-value
d'acquisition et payer l'impôt sur les plus-values sur la plus-value de
cession. La plus-value d'acquisition peut donc être imposée au
taux maximal de l'impôt sur le revenu, c'est-à-dire 39,6 %,
tandis que la plus-value de cession est taxée au taux de 28 %.
Chaque salarié ne peut se voir proposer, annuellement, une valeur
d'options supérieure à 100.000 dollars. Cependant, si les options
offertes ont une valeur supérieure à cette somme, le plan peut
prévoir que toutes les actions en excédent soient
qualifiées de
Non Qualified Stock Options.
2) Les
Non Qualified Stock Options
(NSO)
Contrairement aux ISO, les NSO
peuvent être offertes non seulement aux
salariés mais également à des personnes travaillant pour
le compte de l'entreprise
(partenaires, fournisseurs...).
Les conditions d'attribution, les délais de levée d'option, le
prix des actions et la valeur maximale de l'option offerte, ne sont pas soumis
aux obligations des ISO.
Le nombre total de NSO doit faire l'objet d'une approbation du conseil
d'administration et de l'assemblée générale, mais l'octroi
de NSO n'est pas soumis à l'approbation des actionnaires.
Si les NSO ont une valeur marchande facilement constatable, elles sont
imposées lors de l'octroi de l'option. Dans le cas contraire, la
plus-value d'acquisition réalisée au moment de la levée de
l'option est assujettie à l'impôt sur le revenu au taux maximal,
c'est-à-dire au taux de 39,6 %. De plus, la plus-value de cession
est imposée au titre de l'impôt sur les plus-values, dont le taux
varie entre 18 % et 28 % selon la durée de détention
des valeurs.
3) Les
Employee Stock Purchase Plans
Ces plans peuvent être
offerts à tous les salariés de
l'entreprise
qui ont au moins deux ans d'ancienneté,
travaillent plus de vingt heures par semaine ou plus de cinq mois par an.
Contrairement aux ISO, ils ne sont pas destinés principalement aux
cadres.
Pour bénéficier d'un régime fiscal favorable, le plan
doit :
- être approuvé par les actionnaires dans les douze mois
précédant ou suivant son adoption ;
- ne pas être proposé aux salariés qui, après
l'octroi d'une option, posséderaient 5 % ou plus du capital ou des
droits de vote ;
- offrir les mêmes droits à tous les salariés ;
- ne pas offrir à un salarié un montant total
supérieur à 25.000 dollars par an, ce montant étant
déterminé au moment de l'octroi de l'option ;
- proposer des actions non transférables, sauf en cas de
décès.
De plus, la valeur des options ne peut pas être inférieure
à 85 % du plus petit des deux montants suivants : la valeur
des actions lors de l'octroi de l'option ou lors de sa levée.
La durée de l'option est de cinq ans si le plan définit que la
valeur de l'option ne doit pas être inférieure à 85 %
de la valeur de l'action au moment de la levée. Elle est de vingt-sept
mois dans les autres cas.
La contribution des salariés à ces plans s'effectue par
prélèvements sur le salaire et est utilisée à
l'acquisition d'actions lors d'offres spécifiques.
Ni l'octroi ni la levée de l'option ne sont considérés
comme des opérations imposables, et aucun impôt n'est donc
dû avant la cession des actions. Le régime fiscal de ces options
est comparable à celui des ISO ;
la
différence
essentielle réside dans le fait que la valeur de
l'option peut
être inférieure au
cours de l'action au moment de l'octroi
de l'option, ce qui n'est pas permis pour les ISO.
De façon générale, si les options n'ont pas
été octroyées avec décote et que la vente a lieu
plus de deux ans après leur octroi et plus d'un an après leur
levée, le salarié bénéficie d'un régime
fiscal favorable : il paie l'impôt sur les plus-values sur la
différence entre le prix de vente des actions et le prix des options
(c'est-à-dire la somme des plus-values d'acquisition et de cession).
Dans les autres cas, une partie de la plus-value peut être soumise
à l'impôt sur le revenu.
1
Ainsi le rapport
" PEPPER " de
la commission des communautés européennes de 1997 souligne la
"
longue tradition d'encouragement à la participation
financière
" dans notre pays. Il observe que
"
grâce au soutien continu accordé par le gouvernement
à la participation financière des salariés depuis la fin
des années 50, la législation française offre aujourd'hui
un cadre juridique et des avantages fiscaux considérables pour plusieurs
formes de participation : système facultatif de participation aux
bénéfices délivrée en espèces, participation
différée aux bénéfices, actionnariat des
salariés et plans d'épargne d'entreprise
". De
même, la remarquable étude de législation comparée
du service des affaires européennes du Sénat conclut que
" la participation financière demeure, malgré les
réformes récentes, peu développée en Europe
continentale ".
(cf. Annexe 6).
2
Alain Couret et Gérard Hirigoyen,
" L'actionnariat des salariés ", PUF, 1990.
3
C'est grâce à un amendement de Louis Vallon que la
loi du 12 juillet 1965 modifiant l'imposition des entreprises et des revenus de
capitaux mobiliers comporte, dans son article 33, une disposition prescrivant
au Gouvernement de déposer avant le 1
er
mai 1966 un projet de
loi " définissant les modalités selon lesquelles seront
reconnus et garantis les droits des salariés sur l'accroissement des
valeurs d'actif des entreprises dû à l'autofinancement ".
4
Proposition de loi n° 1167 (6
e
législature)
présentée par MM. Claude Labbé, Jean-Pierre Delalande,
Pierre Lataillade et René Caille, reprenant les propositions de loi
n° 248 (1978-1979, Sénat) de M. Jean Chérioux et n° 328
(6
e
législature, Assemblée nationale) de M. Pierre
Lataillade.
5
Source : rapport de M. Jean Chérioux, Sénat
n° 247 (1979-1980).
6
Cette loi reprend les grandes lignes d'une proposition de loi
(n° 332, 1990-1991) présentée par M. Jean Chérioux et
plusieurs de ses collègues et adoptée au Sénat le 3 mai
1993. Elle ne fut cependant jamais examinée à l'Assemblée
nationale.
7
Alain Viandier dans la Revue sociale de 1981.
8
Rapport d'information, Sénat, n° 274, 1994-1995.
9
L'Expansion, n° 604, 9-22 septembre 1999.
10
Citons notamment, à ce propos, l'enquête
réalisée en juin 1999 par la société Altédia
avec le concours de la COB auprès de 150 sociétés
cotées à la bourse de Paris et celle réalisée en
juin 1999 par l'Institut Ipsos Opinion pour l'Observatoire du monde du travail
en collaboration avec le Monde auprès d'un échantillon de 1.275
salariés
.
11
La moyenne porte sur les entreprises ayant
publié la part de leur capital détenu par leurs salariés.
12
Voir en particulier " Réforme des retraites :
peut-on encore attendre ? ", rapport rédigé par
M. Alain Vasselle au nom de la commission des affaires sociales du
Sénat, n° 459, 1998-1999.
13
COB, rapport annuel 1997.
14
Premières informations Premières synthèses,
99.03.
15
" Mémoires d'Espoir ".
16
Entretien du 7 juin 1968.
17
Cité dans Enjeux - Les Echos, décembre 1998.
18
La Tribune, 25 août 1999.
19
" Le Capitalisme de demain ", Note de la Fondation
Saint-Simon, novembre 1998.
20
Source : Enquête Sofres, mai 1999.
21
" Innovation et croissance ", 1998.
22
Cité par Le Figaro du 8 juin 1999.
23
Rappelons que cette enquête ne concerne que les entreprises
pratiquant l'intéressement ou la participation aux résultats.
24
" Les Relations salariales en France ", Jean-Louis
Beffa, Robert Boyer et Jean-Philippe Touffut, juin 1999.
25
La Tribune, 25 août 1999.
26
Ce titre premier reprenait d'ailleurs très largement
les dispositions d'une proposition de loi n° 332 (1990-1991)
présentée par votre rapporteur et adoptée par le
Sénat le 6 mai 1993, mais jamais examinée par l'Assemblée
nationale.
27
Chiffre issu de l'enquête Altédia
précitée.
28
" Etude sur l'épargne salariale ", Bulletin COB
n° 315, juillet-août 1997.
29
La désignation d'un membre de l'INSEE est moins
nécessaire, l'article R. 442-2-1 du code du travail prévoyant la
présence d'un représentant du ministre chargé de
l'économie au sein du Conseil.
30
Paul Maillard " Intéressement, Participation,
Actionnariat ", Delmas, 1998.
31
Rapport de la commission " Pepper "
précité, commission des communautés européennes,
1997.
32
Simulations effectuées à partir de données
réelles.
33
Article L. 444-3 du code du travail.
(34) Les dispositions de cette loi sont actuellement codifiées sous les
articles 145
1
-4°, 145
7
et 31 du code des
impôts sur les revenus.
(35) Un franc belge équivaut à environ 16 centimes
français.
(36) Les dispositions de cette loi concernant les options sur actions sont
codifiées sous l'article 52 septiès du code de commerce.
(37) Rapport du Conseil central de l'économie et du Conseil national du
travail du 16 juin 1998 sur la proposition de loi Delcroix
n° 1-624/1 sur la participation des travailleurs salariés dans
l'entreprise.
(
38
) Initialement fixé à 35 %, ce taux a
progressivement été abaissé à 10 %. Le taux de
droit commun est un taux progressif qui varie de 6,2 % à 60 %,
car l'impôt sur les salaires constitue normalement l'impôt sur le
revenu des salariés.
(
39
) Les autres options sont imposables au moment où
la condition suspensive de leur octroi est remplie.
(
40
) La valeur forfaitaire est égale à la somme
de la valeur intrinsèque et de la valeur attendue. Cette
dernière, qui correspond à la différence attendue entre le
prix de levée et la valeur de l'action lorsque l'option est
exercée, s'exprime en pourcentage de la valeur de marché au
moment où l'option est octroyée. Un texte réglementaire
détermine ce pourcentage, variable en fonction de la durée de
l'option. Quant à la valeur intrinsèque, elle est le plus souvent
nulle, car le prix de levée est généralement
supérieur à la valeur de l'action lors de l'octroi de l'option.
(41) La loi de finances d'une année donnée est applicable
l'année suivante.
(42) Auparavant, le terme ESOP était désigné pour
qualifier de façon générale toutes les formes
d'actionnariat salarié.
(43) Une livre équivaut à environ 10 francs français.
(44) Les PEP, introduits en 1987 pour encourager l'épargne
boursière, sont des plans d'épargne en actions. Ils comportent de
nombreux avantages fiscaux : exonération fiscale des dividendes
reçus et des plus-values réalisées.