II. COMPTE-RENDU SOMMAIRE DES ENTRETIENS OFFICIELS DE M. JACQUES CHAUMONT
1.
Entretien avec M. Shukla, conseiller diplomatique du Premier ministre
M. Chaumont a évoqué tout d'abord les relations entre l'Inde et
la Russie.
M. Shukla a estimé que la récente visite de M. Primakov en Inde,
que ce dernier connaît bien pour y avoir été
étudiant, a été un succès. Les relations entre
l'Inde et la Russie, après la période troublée de la fin
du régime soviétique, se sont rétablies à un bon
niveau, notamment dans les domaines de l'espace et de l'énergie atomique.
M. Chaumont a ensuite exposé que sa mission avait notamment pour objet
d'examiner l'état des relations entre la France et l'Inde.
M. Shukla a considéré que la visite de 1998 du
président Chirac en Inde constitue un tournant dans les relations
franco-indiennes. Il a estimé que le Forum d'initiative franco-indien
est couronné de succès et que la coopération entre les
deux pays serait particulièrement fructueuse dans les domaines des
infrastructures, des communications et de l'assurance. Il a souligné
l'ouverture de l'Inde aux investissements étrangers.
Après avoir rappelé que l'Inde est soucieuse de sa
crédibilité militaire, il s'est félicité que son
pays soit parvenu à établir des relations de confiance avec la
Chine, au sujet de laquelle il a souhaité connaître l'opinion de
M. Chaumont.
M. Chaumont a rappelé que la Chine avait fait figure
" d'eldorado " pour les hommes d'affaires français au cours
des dernières années, mais que certaines déconvenues les
avaient conduit à déchanter quelque peu, tandis que le
problème des droits de l'homme continuait à hypothéquer le
développement des relations commerciales franco-chinoises.
Il a estimé que l'Inde avait l'avantage de constituer une ère de
stabilité en Asie, et a approuvé son ouverture récente aux
investissements étrangers, dans un monde où d'importants flux de
capitaux cherchent des opportunités de placement.
Il a toutefois souligné que l'Inde avait encore en France l'image d'un
marché difficile et qu'elle semblait effectivement peu accessible aux
petites et moyennes entreprises.
M. Shukla a ensuite souhaité connaître la manière dont son
interlocuteur concevait l'évolution de l'Europe.
M. Chaumont a estimé que le marché unique est un succès,
tout comme la monnaie unique, mais que les gouvernements des Etats membres se
trouvent désormais confrontés à la difficulté de
devoir coordonner leurs politiques à l'intérieur de marges de
manoeuvre étroites. Il a souligné que l'Europe apparaît
désormais comme une vaste ère de stabilité
monétaire face à la zone dollar.
M. Shukla s'est interrogé sur les conséquences de la monnaie
unique sur la représentation des Etats membres au sein du Fonds
Monétaire International.
M. Chaumont lui a indiqué que cette question n'était pas encore
tranchée et faisait l'objet de négociations. Il a souhaité
savoir si son interlocuteur avait des recommandations à faire pour le
développement des relations franco-indiennes.
M. Shukla a souligné que les prises de positions de la France sur les
essais nucléaires indiens avaient été
particulièrement appréciées en Inde, et estimé que
les conditions lui semblaient réunies pour un approfondissement des
relations entre les deux pays.
M. Chaumont a regretté que le comité mixte en matière de
coopération scientifique et culturelle ne se soit pas réuni
depuis 1992. Il a estimé particulièrement important
d'accroître le nombre des étudiants indiens en France et de
développer la coopération franco-indienne dans le domaine
audiovisuel.
M. Shukla a estimé regrettable le quasi monopole de la BBC et de CNN sur
les ondes internationales.
2. Entretien avec M. Gujral, ancien Premier ministre, président de la
commission des affaires étrangères du Parlement
M. Gujral s'est déclaré très satisfait de la tournure des
relations entre la France et l'Inde, aussi bien sur le plan diplomatique que
sur le plan économique, où les investissements français
dans les infrastructures indiennes sont particulièrement bienvenus.
M. Chaumont a souligné que l'Inde présente le grand avantage,
pour les hommes d'affaires français, de constituer une ère de
stabilité en Asie.
M. Gujral a estimé que l'Inde traverse une période d'incertitude
politique, avec la fin de la domination du Congrès, mais que cette
évolution ne peut aucunement être considéré comme un
facteur d'instabilité, alors qu'il s'agit d'un approfondissement de la
démocratie. Le système politique indien a fait la preuve de sa
solidité, avec la succession au cours de la dernière
décennie de gouvernements tous démocratiquement élus.
M. Chaumont a considéré que la percée des partis
régionaux constitue une preuve supplémentaire de la
vitalité de la démocratie indienne.
En revanche, M. Gujral s'est inquiété de l'instabilité de
la jeune démocratie pakistanaise, qui lui paraissait sur la
défensive dans un contexte économique difficile. Il a
estimé essentiel le dialogue entre l'Inde et le Pakistan,
symbolisé par le rétablissement récent d'une liaison par
bus entre les deux pays. Il a souligné la complémentarité
entre les économies indienne et pakistanaise, qui leur donne un
intérêt mutuel à coopérer.
M. Chaumont a souhaité connaître le point de vue de son
interlocuteur sur la tendance à la diminution des investissements
publics dans le budget de l'Inde.
M. Gujral a constaté que l'Inde s'avère incapable de soutenir par
ses seuls moyens le rythme de croissance du PIB de 8 % dont elle a besoin pour
faire face à sa progression démographique. Il a estimé
qu'il lui faut donc attirer les investissements étrangers, en profitant
du tarissement des flux de capitaux internationaux vers l'Asie de l'Est.
Il a rappelé toutefois que l'Inde n'était pas prête
à toutes les concessions pour attirer des investissements
étrangers, en raison de ses préoccupations sociales
légitimes. Il a relevé que l'Europe elle-même
s'était dotée d'une majorité de gouvernements
sociaux-démocrates.
M. Chaumont a souligné que le FMI lui-même commençait
à se montrer plus sensible aux aspects sociaux dans ses analyses.
M. Gujral a estimé que le FMI s'était lourdement trompé en
Corée, dont il n'avait pas su prévoir l'effondrement
économique.
M. Chaumont s'est déclaré attaché à la
pluralité des approches économiques, et a constaté que
l'Inde avait su se préserver de la crise en Asie du Sud-Est. Il a
estimé que la France, dotée d'une économie mixte, pouvait
comprendre l'économie indienne mieux que les pays anglo-saxons.
3. Entretien avec M. Singh, co-président du Forum d'initiative
franco-indien
M. Singh a considéré que l'Union indienne préfigure ce que
l'Union européenne cherche à devenir.
M. Chaumont, après avoir rappelé son intérêt pour
les aspects économiques des relations franco-indiennes, s'est
déclaré surpris par le petit nombre de Français vivant en
Inde.
Il a estimé que la France devrait être plus présente sur un
marché aussi vaste et diversifié que celui de l'Inde.
Considérant que les Français ont encore une image
passéiste et mystique de l'Inde, il a jugé nécessaire de
leur faire connaître aussi son image
high tech
.
M. Singh a reconnu une certaine faiblesse de l'image de l'Inde en France, ainsi
qu'une difficulté linguistique qui se traduit par le nombre
anormalement réduit d'étudiants indiens en France.
M. Chaumont a estimé que la troisième voie que l'Inde cherche
à définir pour son développement économique est
toujours d'actualité.
M. Singh a déclaré que la politique du Fonds Monétaire
International était un désastre, et qu'elle porte une
responsabilité majeure dans la crise survenue en Asie du Sud-Est. Il a
estimé que l'Inde avait besoin d'un De Gaulle pour fonder une
seconde République.
Evoquant l'euro, il a estimé que cette initiative de l'Union
européenne était excellente, en venant briser le monopole du
dollar.
Evoquant enfin les questions agricoles, il a considéré que la
révolution verte avait atteint certaines limites et regretté que
l'Inde ne soit pas devenue un exportateur de produits agro-alimentaires. Il
s'est déclaré très favorable à une
coopération accrue entre la France et l'Inde pour optimiser la
production de l'agriculture indienne, ainsi que le stockage et la
transformation de ses produits.
4. Entretien avec Mme Raje, secrétaire d'Etat aux affaires
étrangères
M. Chaumont s'est félicité des bonnes relations diplomatiques
entre la France et l'Inde, mais a regretté qu'elle ne se traduisent pas
suffisamment sur les plans commercial et culturel. Il a souhaité
connaître l'analyse de son interlocutrice sur les résultats
relativement décevants pour la coalition au pouvoir des récentes
élections régionales en Inde.
Mme Raje a expliqué ce revers électoral par la dégradation
de la situation économique, qui avait toutefois commencé avant
l'arrivée au pouvoir de son gouvernement. Elle a souligné la
continuité du processus de libéralisation de l'économie,
même si la crise en Asie justifie la prudence dont l'Inde fait preuve en
la matière. Elle a estimé que l'Inde reste stable
indépendamment de la succession des majorités politiques, et que
les investisseurs étrangers n'ont aucune crainte à avoir.
Regrettant profondément les récents incidents dont ont
été victimes des ressortissants des minorités
chrétiennes en Inde, elle a estimé que la presse
étrangère avait donné trop d'échos à ces
événements et a rappelé que son gouvernement assure la
protection de toutes les minorités, quelles qu'elles soient.
M. Chaumont a demandé si les licenciements qui risquaient de suivre la
privatisation des entreprises publiques indiennes ne constituaient pas un
problème politique.
Mme Raje a considéré que ces privatisations demeureraient
très partielles et que, sans que l'ajustement des effectifs constitue un
tabou, les évolutions nécessaires se feraient très
progressivement.
M. Chaumont a rappelé que la France disposait d'une expérience
appréciable en matière d'assurances, et que l'ouverture prochaine
du marché indien dans ce secteur l'intéressait
particulièrement.
Il a souhaité savoir comment le gouvernement indien entendait concilier
la diminution de l'investissement public avec l'acuité croissante des
besoins en infrastructures.
Mme Raje a indiqué que son gouvernement avait pleinement conscience que
l'Inde ne pouvait plus se passer de l'appoint des investisseurs
étrangers.
M. Chaumont a rappelé que la France, en dépit d'une politique de
libéralisation engagée depuis bientôt trente ans, n'avait
pas une économie absolument libérale et que l'Etat prenait en
charge encore beaucoup d'activités économiques.
Mme Raje a manifesté son intérêt pour l'expérience
française en matière de production d'électricité
à partir de l'énergie nucléaire, alors que l'Inde a
engagé la libéralisation de ce secteur.
M. Chaumont a précisé que cette option en faveur du
nucléaire faisait l'objet de discussions au sein du gouvernement actuel
de la France.
Mme Raje a indiqué que cette controverse existait aussi en Inde, tout en
estimant qu'il s'agit d'une source d'énergie propre et sûre.
5. Entretien avec M. Bhattacharya, ministre de l'Intérieur, de la
culture et de l'information du Bengale occidental
M. Chaumont a relevé la qualité de la coopération
culturelle de la France avec Calcutta, tant dans le domaine du livre que du
cinéma.
M. Bhattachaya a indiqué que les Bengalis ont une sensibilité
francophile, et apprécient particulièrement la littérature
française. Il s'est déclaré disposer à favoriser le
projet de nouvelle implantation de l'Alliance française de Calcutta.
Il a rappelé que le gouvernement du Bengale occidental au pouvoir depuis
maintenant 22 ans est soutenu par une coalition de 10 partis de gauche, unis
autour d'un programme commun de réforme agraire, de développement
rural et d'éducation.
Il a souligné l'absence de consensus national en Inde sur la question de
l'armement nucléaire, les partis de gauche étant contre. Il a
regretté les essais nucléaires auxquels le gouvernement indien a
récemment procédé. Estimant dangereuses toutes les formes
de fondamentalisme, il s'est félicité que le Bengale occidental
soit libre de ces phénomènes.
M. Chaumont a salué la vigueur de la démocratie en Inde, tout en
s'interrogeant sur les conséquence de la montée des partis
régionaux sur la cohésion de l'Union indienne.
M. Bhattachaya a souligné qu'en Inde l'armée n'intervient
absolument pas dans la vie politique, que les élections sont loyales et
que la presse est libre.
Toutefois, il a estimé que le développement de partis
régionaux, dépourvus d'une vision globale, constitue un
réel problème pour la démocratie indienne. Avec le
déclin du Congrès, et en l'absence d'un système
bipartisan, les gouvernements de coalition fragiles se succèdent. Mais
il a estimé que les plus grands handicaps de l'Inde restent le
fondamentalisme, l'esprit de caste et l'arriération.
Il a considéré que le Pakistan constitue également un
problème pour l'Inde, en entretenant le contentieux du Cachemire et en
soutenant les fondamentalistes musulmans. Il a précisé que les
services secrets pakistanais sont établis à Calcutta, comme dans
tous les Etats de l'Inde.
En revanche, il s'est félicité des relations amicales entretenues
avec le Bangladesh, peuplé également de Bengalis. Toutefois, il a
indiqué que la pauvreté du Bangladesh suscite une importante
émigration économique que l'Inde ne peut pas accueillir en
totalité.
Il a estimé que la mise en place d'un marché commun entre le
Bengale occidental, le Népal, le Bhoutan, le Bangladesh et la Birmanie
serait très utile. La coopération économique entre les
Etats pauvres du Sud lui paraît d'autant plus nécessaire qu'ils ne
peuvent guère compter sur les Etats du Nord.
6. Entretien avec M. Chatterjee, maire de Calcutta
M. Chaumont a rappelé que deux protocoles franco-indiens financent des
projets à Calcutta dans les domaines du traitement des déchets et
de l'eau.
M. Chatterjee a annoncé qu'il se rendrait bientôt en France pour y
prospecter les technologies de traitement de l'eau. Calcutta a un projet
d'usine dans ce domaine, auquel participe également une entreprise
allemande. La ville doit aussi impérativement améliorer la
qualité de sa distribution de l'eau, qui souffre d'un taux de perte de
25 %.
M. Chaumont a salué dans Calcutta une ville de culture,
internationalement connue grâce à un poète comme Tagore ou
un cinéaste comme Ray.
M. Chatterjee a rappelé que les intellectuels bengalis ont l'habitude de
fréquenter Paris, et s'est déclaré honoré de
l'étape que le président Chirac a faite à Calcutta lors de
sa visite en Inde. Il s'est déclaré intéressé par
l'aide que la France pourrait apporter à sa ville pour la
préservation de son patrimoine.
7. Entretien avec M. Sudan, directeur de cabinet du
Chief minister
de
l'Andhra Pradesh
M. Sudan a indiqué que le
Chief minister
, résolument
tourné vers le futur et favorable au développement des
technologies de l'information, avait prospecté les pays européens
pour y faire connaître les opportunités d'investissement dans les
services informatiques à Hyderabad.
M. Chaumont a rappelé que le forum d'initiative franco-indien mis en
place après la visite en Inde du président Chirac avait notamment
pour but d'identifier les champs possibles de coopération entre les deux
pays. Il a souhaité mieux connaître les opportunités
d'investissements que l'Andhra Pradesh pouvait offrir aux entreprises
françaises.
M. Sudan a indiqué que l'Andhra Pradesh dispose de 50.000 km de routes
dont la qualité devait être améliorée et souhaite
développer un nouvel aéroport international, afin d'accueillir
des vols directs. Il a prévu de doubler sa capacité de production
d'électricité dans les cinq prochaines années. Enfin, il a
décidé de se doter des infrastructures nécessaires aux
technologies de l'information, en recourant systématiquement à
des
joint ventures
avec des partenaires étrangers.
M. Chaumont a souhaité savoir si les sociétés
étrangères disposent d'une protection légale suffisante
pour leurs investissements en Andhra Pradesh.
M. Sudan a indiqué que le
State Investment Promotion Board
s'occupe de toutes les formalités et autorisations nécessaires,
ce qui est un gage de rapidité et d'efficacité.
8. Entretien avec M. Mohanti, secrétaire d'Etat à la culture
de l'Andhra Pradesh
Evoquant le festival international du film d'Hyderabad, M. Mohanti a
estimé que le cinéma est l'un des points forts de la France, tout
en regrettant qu'il ne soit pas possible de voir des films français en
Inde ailleurs que dans les cinéclubs.
M. Chaumont a évoqué les difficultés de l'Alliance
française d'Hyderabad, qui se trouve mise en demeure de libérer
les locaux qu'elle occupe actuellement.
M. Mohanti a indiqué que des terrains ont été
identifiés pour une nouvelle implantation de l'Alliance
française, mais que le comité de gestion de celle-ci ne faisait
pas preuve de beaucoup de dynamisme. Une solution transitoire doit être
trouvée, avant qu'un nouveau bâtiment soit construit.
Il s'est déclaré désireux de renforcer les liens entre son
Etat et la France, notamment en accueillant plus de touristes français.
British Airway devrait bientôt établir une liaison avec Hyderabad,
mais il n'est pas encore prévu qu'Air France fasse de même.
M. Chaumont a constaté que les agences de voyages françaises ont
l'habitude d'envoyer leurs clients en Inde surtout à Agra, dans le
Rajasthan et dans le Kerala.
M. Mohanti est convenu de la nécessité pour l'Andhra Pradesh de
valoriser son patrimoine historique et ses atouts culturels, et de
développer son offre touristique.
M. Chaumont a estimé particulièrement important de
développer les échanges d'étudiants entre les deux pays.
Il a souligné que les bonnes universités ne sont pas uniquement
à Paris, mais existent partout en France.
M. Mohanti a indiqué que la réputation de l'ENA est connue en
Inde, mais a observé qu'il faut parler parfaitement français pour
y faire sa scolarité.
M. Chaumont a indiqué qu'une évolution est en cours sur ce
problème linguistique en France, et que l'actuel ministre de
l'éducation est favorable à la mise en place de formations en
anglais pour les étudiants anglophones.
Il a regretté que les bourses soient actuellement
réservées en France aux troisième cycles, et estimé
que les étudiants étrangers ont besoin d'être soutenu sur
la totalité de leur cursus.
M. Mohanti a estimé qu'il serait particulièrement utile que des
étudiants indiens aillent en France suivre des formations en politique
culturelle et en muséographie.
Il a souligné que l'Inde a moins besoin d'aide financière que
d'expertise technique et d'assistance. Il a souhaité connaître le
sentiment de son interlocuteur sur les opportunités d'investissements
pour les entreprises françaises en Inde.
M. Chaumont a estimé que des opportunités existent notamment dans
les secteurs de l'eau, de l'assainissement, de l'espace, et des
biotechnologies. Il a ajouté que la France bénéficie d'un
savoir-faire appréciable en matière d'hôtellerie.
9. Entretien avec M. Rangarajan, Gouverneur de l'Andhra Pradesh
Relevant que seulement 10 Français vivent à Hyderabad,
M. Chaumont a estimé nécessaire d'y renforcer la
présence française.
M. Rangarajan a indiqué que l'Alliance française d'Hyderabad
était très active, en dépit du problème immobilier
dont il avait été informé. Il a considéré
important de développer les relations culturelles et artistiques entre
la France et l'Inde, mais que la base reste les relations commerciales.
M. Chaumont a évoqué les principaux domaines pour une
coopération économique : assainissement, eau,
biotechnologies, espace, ports et aéroports.
M. Rangjaran a estimé que l'essentiel est de mettre au point des projets
concrets avec des sociétés françaises. Il a
souligné que l'agriculture est importante en Andhra Pradesh, et que
beaucoup pourrait être fait dans le domaine de l'agro-alimentaire.
Il a ensuite évoqué son expérience de gouverneur de la
banque centrale indienne, et ses relations avec M. Trichet.
M. Chaumont s'est interrogé sur la contradiction entre l'importance des
besoins en infrastructures de l'Inde et la rareté de ses moyens
budgétaires.
M. Rangjaran a rappelé que les infrastructures relèvent
historiquement du secteur public en Inde, mais que le secteur privé doit
désormais y jouer un rôle important. Il a indiqué que
l'Andhra Pradesh a privatisé ses petits ports, et que le secteur de
l'électricité est en voie de libéralisation partout en
Inde.
Il a précisé que les entreprises privées avaient d'abord
été réticentes à investir dans
l'électricité en raison des subventions publiques aux prix de
détails. Mais une autorité de régulation a
été mise en place pour rétablir l'égalité
des conditions de concurrence.
Il a souligné la nécessité pour un investisseur
étranger d'avoir un partenaire indien, qui peut désormais
être minoritaire.
M. Chaumont a souhaité connaître l'état d'avancement de la
libéralisation du secteur des assurances.
M. Rangjaran a indiqué qu'il existe actuellement un duopole d'Etat, et
aucune compagnie d'assurance privée. La libéralisation devrait se
faire en deux étapes : d'abord autoriser l'accès du
privé au secteur de l'assurance, ensuite autoriser l'entrée
d'investisseurs étrangers.
Il s'est déclaré averti de l'intérêt des compagnies
d'assurance française pour le marché indien, et a estimé
que cette libéralisation se ferait effectivement, bien qu'il s'agisse
d'un sujet sensible dans un secteur fortement syndicalisé.
M. Chaumont, après avoir rappelé que certains analystes estiment
que le budget de l'Inde devrait être plus restrictif pour qu'elle puisse
maîtriser son inflation et sa dette, s'est demandé si un
gouvernement de coalition pouvait prendre les mesures d'autorité que
cette situation semble justifier.
M. Rangjaran a estimé que le ministre des finances était
parfaitement conscient que l'Inde ne peut pas se permettre de laisser filer le
déficit, et que le Parlement soutenait le gouvernement dans sa
volonté de contenir la progression du budget. La majorité
actuelle devrait probablement renoncer, pour cette raison, à la baisse
des impôts qui faisait partie de son programme électoral.
10. Entretien avec M. Naidu,
Chief minister
de l'Andhra Pradesh
M. Naidu a indiqué que ses deux priorités pour le
développement de son Etat étaient les technologies de
l'information et les infrastructures. Il a souligné que l'Andhra
Pradesh, qui bénéficie de ressources humaines de qualité
et d'excellents ports naturels, s'est hissé au troisième rang des
Etats de l'Union indienne pour les investissements étrangers et vise le
premier rang l'an prochain.
M. Chaumont a souhaité savoir comment l'Andhra Pradesh finançait
ses investissements.
M. Naidu a indiqué qu'il cherchait à attirer les investissements
privés partout où cela est possible. En dehors des secteurs
réglementés par la loi, tous les autres sont ouverts au
privé. Les meilleurs entreprises mondiales sont en train de s'implanter
sur le nouveau site de
High Tech City
, et l'Etat met en place des
écoles d'informatique.
M. Chaumont a observé que la France a également mis en oeuvre une
politique de privatisation, délicate dans les débuts mais
bénéfique à long terme. Il a indiqué que la France,
qui est la première destination touristique mondiale, dispose en la
matière d'une expérience dont pourrait bénéficier
l'Andhra Pradesh.
M. Naidu s'est déclaré désireux de développer une
coopération accrue avec la France en matière de formation
supérieure.
M. Chaumont a interrogé son interlocuteur sur les relations entre les
Etats et l'Union indienne.
M. Naidu a indiqué que le pouvoir central est fort en Inde, et qu'une
majorité d'Etats souhaite davantage de compétences. Cette demande
est l'un des éléments du programme de la coalition actuellement
au pouvoir.
11. Entretien avec M. Khan, gouverneur du Karnataka
M. Khan a rappelé son expérience passée de parlementaire,
siégeant au sein du Lok Sabha. Il a indiqué avoir
été favorablement impressionné par une séance de
question au gouvernement à l'Assemblée nationale, à
laquelle il lui avait été donné d'assister lors d'une
visite effectuée en France.
M. Chaumont s'est enquis de l'état du projet de métro de
Bangalore.
M. Khan a constaté que, avec 1,2 million de véhicules, la
circulation est désormais saturée à Bangalore, et que la
ville a impérativement besoin d'un moyen de transport collectif. Le
métro aérien à l'étude répond à ce
besoin, mais présente l'inconvénient d'être bruyant.
Il a ajouté que Bangalore a également besoin d'un aéroport
international, qu'il espérait voir réaliser dans deux ans.
M. Chaumont a interrogé son interlocuteur sur les relations entre les
Etats et le pouvoir central.
M. Khan a indiqué que la Constitution indienne établit un partage
des compétences très clair entre l'Union et les Etats, et que les
ressources fiscales sont réparties entre eux, ce qui réduit les
occasions de conflits.
M. Chaumont a interrogé son interlocuteur sur les initiatives que la
France pourrait prendre pour accroître sa présence à
Bangalore.
M. Khan a indiqué que des opportunités très
concrètes existent pour les entreprises françaises avec les
projets de métro, d'aéroport international et de production
d'électricité. Il a estimé que la France avait la
technologie et l'expérience nécessaires dans ces domaines.
M. Chaumont a ensuite évoqué l'activité de l'Alliance
française de Bangalore.
M. Khan a rappelé que les relations entre Bangalore et la France sont
anciennes, puisque le sultan de Mysore a eu des contacts avec Louis XIV, et que
les troupes au service sa dynastie étaient traditionnellement
entraînées par des mercenaires français.
M. Chaumont a interrogé son interlocuteur sur les perspectives de
croissance de l'Inde, compte tenu de la crise en Asie du Sud-Est.
M. Khan a estimé que l'économie indienne est très stable,
et qu'elle ne devrait pas être affectée par cette crise.
M. Chaumont a demandé à son interlocuteur si la montée des
partis régionaux en Inde lui paraissait être une tendance durable.
M. Khan a estimé qu'un bipartisme se mettrait en place à terme en
Inde, les petits partis à base régionale ne pouvant pas
durablement travailler en coopération, du fait de leurs particularismes.
Toutefois, il a observé que le gouvernement de coalition en place
fonctionnait pour l'instant correctement.
12. Entretien avec Mme RAI, Lieutenant-Gouverneur de Pondichéry
M. Chaumont a souligné l'importance de Pondichéry pour la
France, en raison de liens historiques qui se traduisent par une
présence française culturelle plus qu'économique. Il s'est
déclaré préoccupé par la multiplication des cas de
dépossession frauduleuse de leurs maisons dont sont victimes les
franco-pondichériens.
Mme RAI a indiqué que 93 cas d'occupation illégale de
maisons ont été répertoriés, qui font tous l'objet
d'investigations en liaison avec le Consulat général. Elle a
toutefois souligné que les procédures devant la juridiction
civile compétente sont très longues, et que la police reste
impuissante dans l'intervalle.
M. Chaumont a souhaité savoir si un changement du statut de
Pondichéry, territoire relevant directement du pouvoir central,
était envisagé dans les années à venir.
Mme RAI a relevé la situation particulière du territoire de
Pondichéry, constitué de quatre entités
géographiques distantes de plus de 600 kilomètres et
où l'on parle des langues différentes. Mais elle a
considéré que ses habitants sont attachées à leur
identité historique et ne souhaitent pas de changement de leur statut.
M. Chaumont a ensuite évoqué les possibilités de
développement touristique de Pondichéry, que le projet
d'aéroport devrait favoriser.
Mme RAI a observé que la desserte directe de Pondichéry ne
serait pas rentable pour les compagnies aériennes, et indiqué que
le Territoire comptait surtout sur la mise en place d'une liaison
régulière avec Madras, peut-être par ferry.
Elle a souligné la nécessité d'améliorer le niveau
d'éducation des habitants de Pondichéry, et regretté le
faible nombre des étudiants indiens en France.
M. Chaumont a indiqué que la France envisage de créer des
enseignements en anglais pour les étudiants étrangers, et
estimé qu'une autre solution pourrait consister à passer des
accords avec des universités anglo-saxonnes pour mettre en place des
cours de français en premier cycle.
Mme RAI a estimé ces projets bienvenus, et souligné que
l'Australie fait en Inde une promotion active de ses universités.
13. Entretien avec M. Navalkar, ministre de la Culture, de l'information et
des relations publiques du Maharashtra
M. Navalkar a rappelé que le français est la première
langue étrangère enseignée en Inde, et que de nombreuses
troupes de spectacle françaises se produisent à Bombay.
M. Chaumont a évoqué l'intérêt de l'investissement
étranger dans les infrastructures.
M. Navalkar a indiqué que le Maharashtra se développe rapidement,
ce qui entraîne d'importants besoins en infrastructures, mais que
l'essentiel de l'activité reste encore trop concentré à
Bombay.
Il a rappelé que Bombay est la capitale indienne du cinéma, mais
dispose aussi de nombreux théâtres et académies. Il a
observé une diminution récente de la production
cinématographique, vraisemblablement en raison de la concurrence
croissante des séries télévisées. Il a
regretté qu'une partie de cette activité soit
contrôlée par la mafia et financée par de l'argent sale.
M. Chaumont a observé que la réception de TV5 en Inde est
très imparfaite, mais que la télévision française
consacre de plus en plus de films et des reportages à l'Inde.
M. Navalkar a souligné le dynamisme et le cosmopolitisme de Bombay, qui
fait figure de capitale culturelle de l'Inde.
14. Entretien avec M. Shetty, maire-adjoint de Bombay
M. Shetty a indiqué que Bombay, métropole de 16 millions
d'habitants, ne reçoit aucune subvention du pouvoir central, ni de
l'Etat du Maharashtra, et ne peut alimenter un budget de 4 milliards de roupies
qu'avec des taxes locales, qui sont correctement recouvrées.
M. Chaumont a souhaité savoir quel était le principal
problème rencontré par la ville.
M. Shetty a estimé que le principal problème est celui des
transports, avec la multiplication des déplacements pendulaires. En
revanche, Bombay n'a pas de difficulté d'approvisionnement en
électricité, à la différence de la plupart des
autres villes d'Inde.
Il a ajouté que la ville connaît des difficultés
d'approvisionnement en eau, 70 % seulement de la population étant
desservie, et que trois projets importants sont en cours pour aller chercher
l'eau jusqu'à 100 km de la ville. Il a rappelé que
Degrémont travaille dans ce domaine avec Bombay depuis plus de dix ans.
M. Chaumont a demandé à son interlocuteur si la ville continuait
de croître au rythme de 2000 habitants supplémentaires par jour.
M. Shetty a indiqué que la croissance démographique de Bombay se
ralentit, mais qu'elle continue d'être alimentée par une
immigration en provenance du nord de l'Inde, du Bihar et du Bangladesh.
M. Chaumont s'est enquis de la situation de l'emploi à Bombay.
M. Shetty a précisé qu'il existe des quotas pour l'emploi
des femmes dans l'administration municipale et que, grâce à la
gratuité de l'enseignement primaire, la quasi totalité de la
population de la ville est alphabétisée.
15. Entretien avec M. Alexander, gouverneur du Maharashtra
M. Alexander a estimé que les relations franco-indiennes ont pris une
tournure favorable depuis la visite du président Chirac, et que les
opportunités de coopération entre les deux pays sont grandes,
particulièrement en matière de hautes technologies.
Il a observé que l'Inde et la France sont actuellement toutes deux
dirigées par des gouvernements de coalition. Il a estimé
toutefois que, après la domination du parti du Congrès pendant
cinquante ans, l'expérience nouvelle de la coalition est délicate
à acclimater en Inde et que les revendications multiples des petits
partis sont sources de confusion
Il a souligné que cette étape de la vie politique indienne ne
menace pas les acquis démocratiques et s'est déclaré
confiant dans l'avenir de la démocratie en Inde, dont les institutions
sont solides, avec une administration recrutée strictement au
mérite et une presse parfaitement libre et indépendante.
M. Chaumont a souhaité connaître l'analyse de son interlocuteur
sur les risques que la montée des partis régionaux pourraient
faire courir à l'unité de l'Inde.
M. Alexander a considéré que ce phénomène a pris
une ampleur particulière depuis les élections de 1996, et pose un
problème en raison du manque de vision globale des partis
régionaux. Il a estimé probable que, après une ou deux
législatures, le système politique se stabilise autour des partis
nationaux, aucun parti régional n'ayant d'assise suffisante pour imposer
sa domination aux autres.
M. Chaumont a interrogé son interlocuteur sur les conséquences
pour l'Inde de la crise économique asiatique.
M. Alexander a estimé que l'Inde s'en est mieux sortie que les autres
pays asiatiques, en restant préservée de la contagion
monétaire et boursière. Il a observé que les exportations
indiennes de biens industriels ont été sensiblement
affectées par la crise asiatique, mais que l'agriculture constitue un
élément de stabilité pour l'économie indienne
grâce à une bonne récolte.
Il a constaté que l'Inde reste incapable de maîtriser sa
croissance démographique, même si le taux de natalité a
été abaissé de 3 % en 1948 à 1,8 % aujourd'hui
et devrait diminuer encore jusqu'à 1,6 % au cours des prochaines
années. Il a considéré que la solution à ce
problème, dans la mesure où elle passe par une meilleure
éducation des femmes, demande du temps.
M. Chaumont a constaté les importants besoins en infrastructures de
l'Inde et demandé comment ceux-ci pourraient être financés
dans un contexte budgétaire difficile.
M. Alexander a considéré que l'épargne nationale ne
pouvait suffire au financement des infrastructures, et qu'il convenait de faire
appel aux investisseurs étrangers. Il a souligné que tous les
partis politiques indiens sont convaincus que l'autosuffisance
antérieurement prônée par l'Inde est dépassée
et que, sans investissement étranger, il est impossible de desserrer les
goulets d'étranglement dans les infrastructures.
Il a observé que le gouvernement actuel est resté fidèle
à la ligne de libéralisation économique adoptée en
1991, et estimé que l'investissement matériel va de pair avec
l'investissement humain dans l'éducation et la santé.