III. LES CHOIX IMPLICITES DE L'INACTION
A. LE GOUVERNEMENT SUBORDONNE TOUTE RÉFORME AUX RÉSULTATS D'UNE NOUVELLE CONCERTATION
1. L'annonce d'une nouvelle phase de concertation témoigne de la volonté du Gouvernement de se démarquer des conclusions du rapport
Dans ces
conditions, on comprend mieux l'attitude prudente du Gouvernement qui n'a pas
voulu être prisonnier du rapport et a pris très tôt ses
distances à l'égard de ses conclusions.
Le dossier de presse du service d'information du Gouvernement, distribué
le 29 avril 1999 à l'occasion de la remise du rapport au Premier
ministre, précise ainsi :
" Ces propositions du
Commissariat général du Plan sont versées au débat
public. Elles n'engagent pas le Gouvernement. ".
Reconnaissant implicitement que l'objectif de concertation assigné
à la commission Charpin avait échoué, le communiqué
de presse de Matignon publié le même jour annonce la
méthode que compte suivre désormais le Gouvernement :
" Ce diagnostic constitue la première étape de la
démarche engagée par le Gouvernement.
"
Une nouvelle phase de concertation va désormais s'ouvrir. Elle
portera tant sur la méthode que sur les voies de réforme
possibles.
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)
Cette
concertation sera animée par Mme Martine Aubry, ministre de
l'Emploi et de la Solidarité, avec le concours des autres ministres
concernés, notamment M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de
l'Economie des Finances et de l'Industrie, M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'Equipement, des Transports et du Logement, et M. Emile
Zuccarelli, ministre de la Fonction publique, de la réforme de l'Etat et
de la Décentralisation. ".
" A la fin de cette année, le Gouvernement dégagera les
orientations générales de réforme des régimes de
retraite
.
" Trois principes guideront les choix du Gouvernement :
"
- Consolider les régimes de retraite par
répartition
. (...) Lorsque les orientations générales
auront été définies, chaque régime devra s'inscrire
dans cette démarche, en tenant compte de ses propres
spécificités. Les efforts nécessaires devront être
assurés par tous, de façon équitable.
"
- Reconstruire une société du plein emploi
.
Une croissance économique soutenue et le retour à un haut niveau
d'emploi seront de nature à retarder l'apparition des
déséquilibres financiers et ouvriront également de
nouvelles voies de financement pour faire face aux difficultés futures,
notamment par le développement du fonds de réserve
créé en 1998. (...)
"
- Réformer de manière progressive
. Le
Gouvernement proposera aux partenaires sociaux de réfléchir, dans
le cadre de la réforme, à la mise en place d'un dispositif
permanent de pilotage du système des retraites. "
Dans un entretien accordé au Parisien le même jour, le Premier
ministre semble prendre plus de distance encore à l'égard du
rapport. Il indique ainsi que la deuxième concertation portera
également
" sur les hypothèses du rapport
Charpin ".
A la lecture de ces propos, on se demande si l'on doit comprendre que le
rapport Charpin a été totalement inutile et qu'il faut envisager
de revoir l'intégralité de son contenu, y compris les
hypothèses sur lesquelles il s'appuie.
S'agissant d'éventuelles décisions, le Premier ministre
confirme la position très prudente du Gouvernement :
" C'est pourquoi je crois raisonnable de dire que nous pourrons
dégager les orientations nécessaires à la réforme
de notre système de retraites à la fin de cette
année. ".
2. Les décisions sont encore repoussées
Le
calendrier prévisionnel serait donc le suivant : concertation
jusqu'à la fin de l'année 1999 puis définition des
" orientations " à cette date. Les décisions, si
décisions il y a, ne seraient donc annoncées que dans le courant
de l'année 2000, soit près de trois ans après
l'arrivée au pouvoir de l'actuel Gouvernement !
Invité du Journal de TF1, le 13 janvier 1999, le Premier ministre avait
pourtant indiqué :
" nous nous orientons vers des
premières prises de décision (sur les retraites) dès la
fin de l'année 1999. "
Trois mois plus tard, il n'est plus
désormais question que d'
" orientations ".
A
mesure que l'obstacle s'approche, le Gouvernement cherche à se
dérober.
Après avoir répété que les décisions
étaient conditionnées aux résultats de la mission Charpin,
ce qui avait conduit votre rapporteur à intituler
" En attendant
Charpin... "
le titre d'une partie de son rapport sur le volet
vieillesse du projet de loi de financement de la sécurité sociale
pour 1999, le Gouvernement annonce désormais que les réformes
viendront après une nouvelle concertation !
Personne ne peut naturellement contester le souci de concertation sur un sujet
aussi sensible que les retraites ;
toutefois, la concertation ne doit
pas constituer un prétexte à l'inaction.
De concertation en concertation, le Gouvernement essaie avant tout de gagner du
temps.
S'agit-il de nier l'évidence ? D'une incapacité
à imposer la réforme à sa majorité plurielle ?
Ou d'un refus d'assumer les risques politiques de décisions difficiles
et pourtant indispensables ?
Les gouvernements de MM. Balladur et Juppé avaient engagé
des réformes courageuses, celui de M. Jospin a décidé
d'attendre 2000 pour faire part de ses " orientations ", fuyant ainsi
ses responsabilités.
On remarquera d'ailleurs que la nouvelle concertation que devrait piloter Mme
Martine Aubry a déjà pris un certain retard. Aucune rencontre
avec les partenaires sociaux n'est encore prévue et il semble que cette
nouvelle concertation, dont on ignore encore les modalités, ne
démarrera véritablement qu'à l'automne.
Il apparaît donc que le projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2000 ne comportera aucune mesure
d'importance relative aux retraites et que l'année 1999
s'achèvera sans qu'aucune décision n'ait été prise
sur les retraites.
Les véritables réformes sont une fois encore
différées et rien ne garantit d'ailleurs qu'elles seront un jour
effectivement engagées.
En effet, selon Le Monde daté du 23 juin, le Premier ministre a ainsi
évoqué en ces termes, devant le groupe socialiste de
l'Assemblée nationale, la question des retraites :
" A la fin de l'année, nous dégagerons les orientations
générales de la réforme. Mais qu'il n'y ait pas
d'ambiguïtés :
il n'y aura pas de grand soir des
retraites
. (...) Les discussions devront s'engager dans chaque
régime, pour tenir compte des spécificités de ces
régimes. (...) ".
On ne saurait être plus prudent... Faute de " grand soir ", il
est à craindre des lendemains difficiles.