N°
459
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 25 juin 1999
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur la réforme des retraites ,
Par M.
Alain VASSELLE,
Sénateur,
(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Paul Blanc, Mme Nicole Borvo, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Christian Demuynck, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Claude Huriet, André Jourdain, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Simon Loueckhote, Jacques Machet, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.
Retraites. |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Par lettre en date du 29 mai 1998, le Premier ministre chargeait
M. Jean-Michel Charpin, Commissaire général du Plan,
d'établir, sur la situation et les perspectives de notre système
de retraite,
" un diagnostic aussi partagé que possible par les
partenaires sociaux et les gestionnaires des différents
régimes. "
1(
*
)
Après avoir indiqué que le Gouvernement entendait adopter
" une démarche transparente et ouverte ",
la lettre du
Premier ministre précisait que ce diagnostic devait porter sur le
régime général, les régimes spéciaux, les
régimes des professions non salariées et les régimes
complémentaires, ainsi que sur les transferts de compensation entre
régimes.
Le Commissariat général du Plan était chargé
d'actualiser et de compléter les projections disponibles sur la
situation financière des différents régimes de retraite.
Il devait également réunir des informations sur les
systèmes de retraites de nos principaux partenaires et sur les
politiques mises en oeuvre pour assurer leur équilibre à moyen et
long terme.
La lettre de mission du Premier ministre formulait le souhait que les
projections financières soient complétées par une analyse
des dispositions respectives des différents régimes, analyse qui
tienne compte des contributions versées par l'assuré et
éventuellement par son employeur, de son revenu d'activité et des
spécificités liées à son statut. Elle
précisait qu'il serait également utile de fournir des
éléments d'appréciation sur l'évolution du niveau
de vie des retraités.
Le Commissaire général du Plan avait enfin pour mission de
réunir en temps voulu une commission de concertation qui examinerait les
travaux de projection et d'analyse, pourrait commander des variantes et offrir
" à chacun des participants la possibilité d'exprimer son
appréciation sur les éléments
présentés ".
Le rapport de M. Charpin, intitulé
" L'avenir de nos
retraites ",
a été finalement remis au Premier ministre
le 29 avril 1999.
La commission des Affaires sociales du Sénat a considéré
pour sa part que le Parlement ne saurait rester à l'écart de la
réflexion et du débat sur les retraites.
Après avoir auditionné M. Jean-Michel Charpin à deux
reprises -le 16 décembre 1998, après le début des travaux
de la commission de concertation, et le 5 mai 1999, après la remise
officielle du rapport au Premier ministre-, la commission a confié
à votre rapporteur la mission de préparer un rapport
d'information.
Présenté à la commission le 24 juin 1999, le
présent rapport s'appuie sur l'audition de l'ensemble des organisations
syndicales et régimes de retraite ayant participé à la
commission de concertation de la " mission Charpin ".
Il répond à trois questions :
quels
éléments véritablement nouveaux apportent les travaux du
Commissariat général du Plan ? L'ambition d'un diagnostic
" partagé " a-t-elle été couronnée de
succès ? Quelles sont aujourd'hui les suites prévisibles de
ce rapport ?
A l'examen, il apparaît que le rapport Charpin confirme, sans surprise,
la nécessité de réformer nos régimes de
retraite ; il recommande d'engager cette réforme dès
à présent, avant que le choc démographique ne fasse sentir
ses effets.
Le diagnostic n'a pas été " partagé ". Le
rapport Charpin s'avère très contesté par les partenaires
sociaux : les critiques portent autant sur les hypothèses que sur
les pistes de réforme envisagées.
Enfin, alors que toute décision était subordonnée aux
résultats de la mission Charpin, le Gouvernement annonce la mise en
place d'une nouvelle concertation. Les véritables réformes sont
une fois encore différées et l'année 1999
s'achèvera sans qu'aucune décision n'ait été prise.
Pour sa part, la commission des Affaires sociales du Sénat
considère que la concertation ne doit pas constituer un prétexte
à l'inaction. En repoussant des décisions indispensables, le
Gouvernement ferait en réalité un choix implicite : celui de
la hausse future des cotisations.
I. UN CONSTAT RÉITÉRÉ : LA NÉCESSITÉ DE RÉFORMER NOS RÉGIMES DE RETRAITE
A. LES ÉTUDES PRÉCÉDENTES AVAIENT DÉJÀ MIS EN LUMIÈRE LES DÉSÉQUILIBRES FUTURS DES RÉGIMES DE RETRAITE
1. Les enseignements du Livre blanc sur les retraites (1991) et du rapport sur les " Perspectives à long terme des retraites " (1995)
Le
Gouvernement a confié au Commissariat général du Plan la
mission d'élaborer un nouveau diagnostic des régimes de retraite.
Au cours des dernières années, un panorama du système de
retraite français avait pourtant déjà été
réalisé à deux reprises, donnant lieu à la
publication de deux rapports : le
Livre blanc sur les retraites
en 1991
et le rapport
Perspectives à long terme des retraites
en 1995.
Le
Livre blanc sur les retraites
était l'aboutissement d'un
travail technique interministériel coordonné par le Commissariat
général du Plan. Préfacé par le Premier ministre,
M. Michel Rocard, le Livre blanc présentait la situation de l'ensemble
des régimes de retraite et leurs perspectives d'évolution. Il
proposait également différentes réformes pour faire face
aux effets du vieillissement démographique.
Etabli à la demande du Premier ministre, le rapport
Perspectives
à long terme des retraites
était le résultat des
travaux d'un groupe présidé par M. Raoul Briet,
Commissaire-adjoint au Plan puis directeur de la Caisse nationale d'assurance
vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS) ; il
présentait une actualisation des diagnostics et projections contenus
dans le Livre blanc, avec cependant un champ d'étude plus restreint
puisqu'il ne portait que sur les régimes des salariés du secteur
privé (régime général, ARRCO, AGIRC), les
régimes des fonctionnaires civils de l'Etat, des exploitants agricoles,
de la SNCF et des agents des collectivités territoriales (CNRACL). Il
intégrait en outre les effets des réformes engagées en
1993 pour le régime général et les régimes
alignés.
Les enseignements de ce rapport étaient particulièrement
explicites et méritent d'être rappelés brièvement.
Le rapport " Perspectives à long terme des retraites "
évoque successivement quatre points : la comparaison entre les niveaux
de vie des actifs et des retraités, l'impact des hypothèses
d'évolutions démographique et économique sur le taux de
dépendance des retraités par rapport aux cotisants,
l'équilibre financier à long terme des différents
régimes et les effets de la réforme de 1993 sur les pensions
versées aux différentes catégories d'assurés. Il
met également l'accent sur la nécessité de poursuivre la
réforme des retraites et notamment de celles relevant des régimes
spéciaux.
Le rapport fait tout d'abord le constat d'une parité moyenne des niveaux
de vie des actifs et des retraités, confirmant ainsi les conclusions du
Livre blanc sur les retraites.
S'agissant de l'évolution probable des cotisations face au choc
démographique des années 2010-2040, le Livre blanc sur les
retraites de 1991 soulignait la dégradation rapide du ratio population
âgée de plus de 60 ans/population de 15 à 59 ans.
L'actualisation des projections démographiques à l'horizon 2040
effectuées par l'INSEE en 1995 confirme cette tendance en l'aggravant.
L'introduction d'une hypothèse basse de mortalité -reflet des
évolutions récentes de la démographie française-
conduit à une détérioration importante de ce ratio, qui
passerait ainsi de 0,31 en 1990 à 0,43 en 2015 et à 0,63 en 2040
(dans le Livre blanc, ce ratio n'était que de 0,55).
Cela signifie qu'à cette date, il y aurait 6 personnes " en
âge d'être à la retraite " pour 10 personnes " en
âge de travailler ", si du moins l'on considère -ce qui ne va
pas de soi- qu'en 2040 l'âge de 60 ans restera l'âge
charnière à partir duquel on considère que l'on cesse
d'être en âge de travailler. En 1990, cette proportion était
de 3 contre 10.
A lui seul, ce ratio explique l'essentiel des difficultés auxquelles les
régimes de retraite vont être confrontés à l'horizon
2010, date d'arrivée à l'âge de la retraite de la
génération du baby-boom.
Selon le rapport
" Perspectives à long terme des
retraites "
de 1995, dans le plus favorable des scénarios, le
taux de dépendance serait proche de celui présenté comme
étant le plus défavorable dans le Livre blanc sur les retraites.
Le taux de dépendance augmenterait entre 2000 et 2040 de 0,3 point,
passant ainsi de 0,48 à 0,77. Pour le scénario le plus sombre, le
taux de dépendance atteindrait même 0,9 point en 2040. A
cette date, il ne resterait alors plus que 1,1 cotisant par
retraité contre 2 en l'an 2000 et 3 en 1990.
La dégradation du taux de dépendance trouve son corollaire dans
l'augmentation des taux de cotisation vieillesse. La Direction de la
Prévision estime, à l'horizon 2015, dans un scénario
macro-économique central,
à 10 points
supplémentaires de cotisations le besoin de financement d'un
régime global fictif à législation antérieure
à la réforme du régime général. Ce besoin de
financement aurait même atteint 26 points de cotisations en 2040
(dans le Livre blanc, l'estimation était seulement de
20 points).
L'actualisation des hypothèses démographiques conduit, à
législation inchangée, à une dégradation de la
situation financière des régimes de retraite. Les perspectives de
financement des principaux régimes apparaissent en 1995 plus
contrastées qu'en 1991.
S'agissant des régimes du secteur privé (régime
général et régimes complémentaires ARRCO et AGIRC),
les mesures prises en 1993 et 1994 leur permettent de viser, dans un contexte
économique moyennement favorable, un quasi-équilibre jusqu'en
2005 (0,9 point de cotisation supplémentaire nécessaire pour
le régime général).
En revanche, pour les régimes spéciaux de salariés
(fonctionnaires de l'Etat et agents des collectivités locales), qui
n'ont pas été concernés par la réforme de 1993, et
connaissent des évolutions démographiques défavorables,
les perspectives sont beaucoup plus préoccupantes : exprimé en
points de cotisation, le besoin de financement du régime des
fonctionnaires civils s'élève à plus de 10 points
d'ici 2005 et celui des agents des collectivités locales à plus
de 16 points.
Si, pour les régimes spéciaux de salariés, la
période 2005-2015 prolonge les évolutions constatées sur
la période 1995-2005 (+ 20 points pour les fonctionnaires
civils, + 30 points pour la CNRACL), il n'en va pas de même
pour les régimes du secteur privé, et notamment pour le
régime général, qui voit ses perspectives
financières se dégrader : le besoin de financement serait
équivalent à un relèvement des cotisations de
4,3 points entre 1995 et 2015 dans le scénario économique
qualifié de central. Cette détérioration résulte,
à parts pratiquement égales, d'une progression plus soutenue des
charges à compter de 2005 (+ 3,8 % entre 2005 et 2015) et d'un
ralentissement dans l'évolution des ressources (+ 2 % au lieu
de + 2,85 %).
Selon le rapport de 1995, la réforme du régime
général décidée en 1993 a permis de remettre
celui-ci dans une situation proche de l'équilibre à l'horizon
2005 (contre un besoin de financement de plus de 3 points avant
réforme en supposant maintenue dans les faits l'indexation des pensions
sur les prix, et réduit de moitié le besoin de financement
résiduel à l'horizon 2015 (un peu plus de 4 points contre
près de 8 avant réforme).
Le rapport cotisants/retraités des différents régimes
Effectifs en milliers |
1995 |
2000 |
2005 |
2010 |
2015 |
Evolution 2015/1995 |
|
|
Population totale âgée de plus de 60 ans |
11.582 |
12.152 |
12.611 |
14.102 |
15.617 |
35 % |
Population totale |
Population active totale |
25.998 |
27.055 |
27.739 |
27.739 |
27.481 |
5 % |
|
rapport cotisants/retraités |
2,24 |
2,23 |
2,2 |
1,97 |
1,75 |
- 22 % |
|
Retraités |
8.052 |
9.207 |
10.226 |
11.884 |
13.590 |
69 % |
Régime général |
Cotisants |
14.056 |
15.276 |
16.582 |
16.854 |
16.581 |
18 % |
|
rapport cotisants/retraités |
1,75 |
1,66 |
1,62 |
1,42 |
1,22 |
- 30 % |
|
Retraités |
821 |
948 |
1.118 |
1.309 |
1.481 |
80 % |
Fonctionnaires civils |
Cotisants |
2.075 |
2.075 |
2.075 |
2.075 |
2.075 |
- |
|
rapport cotisants/retraités |
2,53 |
2,19 |
1,86 |
1,59 |
1,4 |
- 45% |
|
retraités |
426 |
576 |
794 |
984 |
1.177 |
176 % |
CNRACL |
Cotisants |
1.541 |
1.561 |
1.560 |
1.560 |
1.560 |
1 % |
|
rapport cotisants/retraités |
3,62 |
2,71 |
1,96 |
1,59 |
1,33 |
- 63 % |
|
Retraités |
215 |
205 |
192 |
188 |
186 |
- 13 % |
SNCF |
Cotisants |
183 |
167 |
153 |
139 |
127 |
- 30 % |
|
rapport cotisants/retraités |
0,85 |
0,83 |
0,79 |
0,74 |
0,68 |
- 20 % |
|
Retraités |
5.100 |
8.100 |
6.530 |
7.260 |
8.700 |
71 % |
ARRCO |
Cotisants |
13.800 |
15.010 |
16.330 |
16.580 |
16.330 |
18 % |
|
rapport cotisants/retraités |
2,71 |
2,58 |
2,5 |
2,28 |
1,88 |
- 31 % |
|
Retraités |
1.063 |
1.277 |
1.523 |
1.930 |
2.384 |
124 % |
AGIRC |
Cotisants |
2.760 |
3.081 |
3.427 |
3.728 |
14.016 |
46 % |
|
rapport cotisants/retraités |
2,6 |
2,41 |
2,25 |
1,93 |
1,68 |
- 35 % |
|
Retraités |
2.104 |
2.007 |
1.819 |
1.691 |
1.588 |
- 25 % |
Exploitants agricoles |
Cotisants |
911 |
821 |
739 |
666 |
600 |
- 34 % |
|
rapport cotisants/retraités |
0,43 |
0,41 |
0,41 |
0,39 |
0,38 |
- 13 % |
Source : Perspectives à long terme des retraites, 1995
Stable
sur la première période de la projection (1995-2005), le rapport
démographique de la population totale se dégraderait rapidement
à compter de 2005 avec l'arrivée à l'âge de la
retraite des générations du baby-boom.
Les trois régimes du secteur privé
présentent
sensiblement les mêmes caractéristiques que la population totale
-du fait des hypothèses retenues, leurs effectifs de cotisants
évoluent, en effet, sensiblement comme ceux de la population totale
active, alors que leurs effectifs de retraités sont largement
dépendants des taux de mortalité projetés pour l'ensemble
de la population. Ainsi, le rapport démographique du régime
général diminue de 25 % entre 2005 et 2015 contre 7 %
entre 1995 et 2005.
Le rapport démographique du
régime général
varie ainsi de 1,75 en 1995 à 1,22 en 2015 ; soit une diminution de
30 % en vingt ans. La baisse de ce ratio tient évidemment à
une progression beaucoup plus rapide des retraités (+ 70 %)
que des cotisants (+ 20 %). La progression des retraités
résulte elle-même de deux facteurs : une augmentation de 35 %
de la population totale de 60 ans et plus et une croissance de 25 %
du taux de couverture (nombre de titulaires d'une pension directe
rapporté à la population âgée de plus de
60 ans) du régime général.
L'AGIRC,
comme
l'ARRCO
, subit avec retard le choc
démographique des années 2005-2010. Son rapport
démographique se dégrade cependant plus rapidement sous l'effet
des évolutions passées et futures du taux d'encadrement. Ce
régime a, en effet, bénéficié de l'augmentation
constante du taux d'encadrement, permettant un développement rapide de
sa population cotisante. Cet effet, qui a amélioré
mécaniquement son rapport de charge, pèse
a
contrario
en projection sur l'évolution des effectifs
retraités, et ce d'autant plus que le scénario central repose sur
une hypothèse de ralentissement de l'augmentation du taux d'encadrement.
Ainsi, le rapport démographique diminue de plus de 35 % entre 1995
et 2015.
L'effet du baby-boom est, en revanche, nettement moins accentué dans les
autres régimes, ainsi, contrairement à ce qui se passe dans les
régimes du secteur privé, les rapports démographiques
du régime des fonctionnaires et de celui des collectivités
locales
se dégradent de façon importante dès l'an 2000.
Cette détérioration reflète, pour le régime des
fonctionnaires, la structure actuelle de la pyramide des âges des
cotisants qui résulte de la politique d'embauche de la fonction publique
des années 1960 à nos jours (forte augmentation de ses effectifs
à compter des années 1960 puis stabilisation depuis 10 ans).
Dans le cas du régime des collectivités locales, la baisse
importante du rapport démographique est imputable à la
montée en charge de ce régime encore jeune. En outre, ses
ressortissants sont majoritairement de sexe féminin (63 % des
retraités de droits directs en 1994, 75 % en 2015) et ont donc une
espérance de vie plus élevée que la moyenne. Le rapport
démographique est divisé par presque 3 d'ici 2015.
En résumé, le rapport
Perspectives à long terme des
retraites
de 1995 évalue les besoins de financement futurs du seul
régime général à 18,4 milliards de francs en
2000, 17,8 en 2005, 55,4 en 2010 et 107 milliards de francs en 2015, soit
à cette date l'équivalent de 4,3 points de cotisation.
Pour les fonctionnaires civils, le besoin de financement
s'élèverait à 34,2 milliards de francs en 2005, 56 en
2010 et 80,2 milliards de francs en 2015.
Si l'on additionne les besoins de financement en 2015 des différents
régimes étudiés par le rapport de 1995 (régime
général, fonctionnaires civils, CNRACL, SNCF, ARRCO, AGIRC,
exploitants agricoles), on obtient un total de 330 milliards de francs.
Les besoins de financement des différents régimes
(en milliards de francs)
|
|
1993 |
1995 |
2000 |
2005 |
2010 |
2015 |
2015/
|
|
Charges |
266,4 |
276,2 |
318,4 |
363,8 |
441,8 |
525,8 |
90 % |
|
Ressources |
241,2 |
266,7 |
299,9 |
346,0 |
386,4 |
418,8 |
57 % |
Régime général |
Besoin de financement |
25,2 |
9,5 |
18,4 |
17,9 |
55,5 |
107,0 |
|
|
exprimé en points de
|
1,7 |
0,6 |
1,1 |
0,9 |
2,4 |
4,3 |
|
|
Charges |
98,6 |
104,8 |
122,7 |
148,6 |
182,2 |
219,6 |
110 % |
|
Ressources |
98,6 |
101,0 |
106,2 |
114,4 |
126,2 |
139,4 |
38 % |
Fonctionnaires |
Besoin de financement |
0,0 |
3,8 |
16,5 |
34,2 |
56,0 |
80,2 |
|
civils |
exprimé en points de cotisation 1 |
- |
1,3 |
5,5 |
10,7 |
15,9 |
20,6 |
|
|
Charges |
31,3 |
37,3 |
50,3 |
71,2 |
93,4 |
119,2 |
220 % |
|
Ressources |
31,3 |
34,5 |
36,7 |
39,8 |
43,9 |
48,4 |
40 % |
CNRACL |
Besoin de financement |
0,0 |
2,8 |
13,6 |
31,4 |
49,5 |
70,8 |
|
|
exprimé en points de cotisation 1 |
- |
1,7 |
7,8 |
16,7 |
23,8 |
30,8 |
|
|
Charges |
26,8 |
26,4 |
25,6 |
25,4 |
26,0 |
27,3 |
3 % |
|
Ressources |
8,6 |
8,3 |
8,0 |
7,9 |
7,9 |
8,0 |
- 4 % |
SNCF |
Besoin de financement |
0 |
0,1 |
0,2 |
0,3 |
0,4 |
0,7 |
|
|
exprimé en points de cotisation 2 |
- |
0,6 |
0,9 |
1,2 |
1,8 |
3,4 |
|
|
Charges |
104,1 |
119,8 |
146,1 |
166,3 |
189,8 |
235,3 |
96 % |
|
Ressources |
108,4 |
117,0 |
151,8 |
175,3 |
195,4 |
212,4 |
82 % |
ARRCO |
Besoin de financement |
- 4,3 |
2,8 |
- 5,7 |
- 9,0 |
- 5,6 |
22,9 |
|
|
exprimé en points de cotisation |
- |
0,2 |
- |
- |
- |
0,9 |
|
|
Charges |
51,5 |
58,7 |
72,1 |
86,0 |
102,5 |
129,1 |
120 % |
|
Ressources |
48,8 |
57,8 |
68,6 |
80,3 |
91,7 |
103,9 |
80 % |
AGIRC |
Besoin de financement |
2,7 |
0,9 |
3,5 |
5,7 |
10,8 |
25,2 |
|
|
exprimé en points de cotisation |
1,0 |
0,3 |
1,1 |
1,5 |
2,5 |
5,2 |
|
|
Charges |
40,2 |
40,5 |
37,9 |
33,8 |
31,0 |
28,7 |
- 29 % |
|
Ressources |
4,9 |
4,7 |
4,3 |
4,0 |
3,7 |
3,4 |
- 27 % |
Exploitants |
Besoin de financement |
35,3 |
35,8 |
33,6 |
29,8 |
27,3 |
25,3 |
|
agricoles |
exprimé en % d'évolution de la cotisation moyenne |
- |
4,1 |
5,6 |
2,2 |
1,6 |
2 |
|
Source : Perspectives à long terme des retraites, 1995
(1)
Pour le régime des fonctionnaires et
celui des collectivités locales, le besoin de financement et son
expression en termes de points de cotisation est obtenu sur la base du taux de
cotisation implicite qui équilibre les comptes de ces deux
régimes en 1993.
(2)
Pour le régime de la SNCF, les taux de cotisation
affichés dans ce tableau sont calculés de telle sorte que le
rapport des cotisations sur les charges (rapport de charges) de ce
régime reste constant pendant toute la période. En effet, les
cotisations représentant une faible part dans les ressources,
l'équilibre technique de ce régime ne peut être
recherché à travers une augmentation des taux de cotisation.
Les déséquilibres futurs prévisibles de nos régimes
de retraite sont par conséquent connus depuis longtemps. Les
éléments mis en lumière dans le Livre blanc et
confirmés par le rapport
Perspectives à long terme des
retraites
témoignaient de la nécessité et de l'urgence
des réformes entreprises en 1993 et en 1995.
Quelques semaines avant que le Gouvernement ne demande à
M. Jean-Michel Charpin un nouveau diagnostic sur les retraites, la
nécessité d'une réforme avait été encore
rappelée par M. Laurent Caussat, membre du Conseil d'analyse
économique, lors du bilan qu'il dressait de la situation des
régimes de retraite sept ans après le Livre blanc, au cours d'un
colloque organisé à l'Assemblée nationale le 26 mars
1998
2(
*
)
.
Selon M. Caussat, qui s'exprimait à titre personnel, si la
réforme de 1993 du régime général semblait assurer
jusqu'en 2005 l'équilibre financier du régime des salariés
du secteur privé, tel n'était pas le cas des régimes
spéciaux dont la situation apparaissait très difficile.
M. Caussat s'était prononcé en faveur de la poursuite de
l'indexation des pensions sur les prix et soulignait l'urgence d'une
réforme des régimes spéciaux de retraite. Il avait
préconisé l'allongement progressif des durées de
cotisation à 170 trimestres pour l'obtention d'une pension à taux
plein, et recommandait la mise en place de " réserves " par
capitalisation, afin de pouvoir absorber les chocs démographiques de
2005-2010, sans remise en cause du régime par répartition.
2. ... justifiaient la mise en oeuvre en 1993 et 1995 de réformes structurelles
Les
réformes entreprises par le Gouvernement de M. Edouard Balladur, en
1993, ont contribué à résorber les déficits
accumulés et à assurer une évolution des dépenses
plus compatible avec les ressources disponibles.
Les mesures prises portaient sur quatre régimes : le régime
général géré par la CNAVTS et trois régimes
dits " alignés " : le régime de base des
salariés agricoles, géré par la MSA, le régime de
base des artisans, géré par des caisses relevant de la CANCAVA,
le régime de base des industriels et commerçants
gérés par les caisses relevant de l'ORGANIC.
S'agissant des modes de calcul et de revalorisation des pensions, elles
prévoyaient :
- un allongement de la durée d'assurance prise en compte pour
bénéficier d'une pension à taux plein. Cette durée
passe progressivement de 150 trimestres à 160 trimestres, soit 40
annuités, par adjonction d'un trimestre supplémentaire par an
à compter du 1er janvier 1994 ;
- une extension de la période de référence : les
pensions du régime général seront calculées
à l'avenir sur la base des 25 meilleures années de
carrière, au lieu de 10 années. Cette opération est
également réalisée de façon progressive, par
adjonction d'une année supplémentaire tous les ans ;
- une indexation des pensions de retraite sur les prix à la
consommation, pérennisant une pratique de fait depuis 1987. Cette mesure
était valable cinq ans, jusqu'à la fin de l'année 1998.
Pour utile qu'elle soit, cette réforme des retraites n'aurait suffi
à elle seule à limiter l'aggravation des déficits. Quatre
dispositions législatives de recettes ont en effet permis, depuis cette
date, de redresser le solde du régime général d'assurance
vieillesse :
- le relèvement d'1,3 point du taux de la contribution sociale
généralisée au 1er juillet 1993 et la création du
Fonds de solidarité vieillesse (FSV) au 1er janvier 1994 ;
- la suppression de la remise mensuelle forfaitaire de 42 francs au
1er septembre 1995 ;
- la création de la CADES et de la contribution au remboursement de
la dette sociale (CRDS), ainsi que la taxe de 6 % sur les contributions
à la prévoyance complémentaire, prévues par le plan
de réforme de la protection sociale de novembre 1995.
On remarquera, à cet égard, avec le nouveau diagnostic
demandé à M. Jean-Michel Charpin, Commissaire
général du Plan, que les gouvernements de gauche semblent plus
à l'aise dans la commande d'études que dans la prise des
décisions qui en découlent et qui s'imposent.
Si le Livre blanc avait été rédigé à la
demande de M. Michel Rocard, les décisions ont été prises
par le gouvernement de M. Edouard Balladur, en 1993.
En 1995, s'appuyant sur les travaux du Commissariat général du
Plan réalisés à l'occasion du rapport sur " Les
perspectives à long terme des retraites ", le Premier ministre,
M. Alain Juppé, lançait pour sa part la nécessaire
réforme des régimes de retraite spéciaux, réforme
qui a dû être interrompue dans les conditions que l'on sait.
On rappellera en outre que les partenaires sociaux ont pris, en 1993, 1994 et
1995, des décisions courageuses qui programment la diminution du
" rendement " des régimes de retraites complémentaires
et qui organisent une solidarité financière entre l'AGIRC et
l'ARRCO.
Au vu de ces éléments, et même si la mission Charpin
poursuivait incontestablement des objectifs plus ambitieux que les travaux
menés précédemment,
votre rapporteur se demande
cependant s'il était vraiment nécessaire d'établir un
nouveau diagnostic sur les retraites.
Les conclusions des études existantes étaient suffisamment
explicites pour engager sans tarder les réformes nécessaires.