6. Projet de convention pénale sur la corruption - Intervention de M. Michel HUNAULT, député (RPR) (Mardi 23 juin)
Le
projet de Convention pénale sur la corruption élaboré par
le GMC (Groupe Multidisciplinaire sur la Corruption) a été
transmis à l'Assemblée parlementaire pour avis avant son adoption
par le Comité des Ministres.
Au nombre des aspects positifs, le rapporteur de la Commission des questions
juridiques et des droits de l'homme M. Jaume Bartumeu Cassany constate que
ce texte couvre un champ très vaste (celle de l'Union européenne
se limitant aux fonctionnaires des Communautés européennes et aux
Etats membres de l'Union européenne et celle de l'OCDE à la
corruption active dans les transactions commerciales).
Il souligne également l'intérêt particulier de ce texte
dans le domaine de la coopération internationale : la convention
prévoit d'une part que les Etats fournissent spontanément aux
autres Etats les informations en leur possession. D'autre part, elle comporte
une forme de subsidiarité à cette coopération en ne
s'appliquant que lorsqu'elle n'est pas organisée par les
législations nationales ou d'autres accords (bilatéraux ou
multilatéraux). Cette dernière disposition est essentielle pour
faciliter la coopération internationale contre la corruption avec des
Etats qui ne sont pas liés par d'autres instruments juridiques.
Le Rapporteur relève cependant que le texte comporte quelques points
d'ombre qui risquent de le vider de sa substance. Notamment, le texte contient
un nombre trop élevé de possibilités de réserves.
C'est pourquoi il est proposé à l'Assemblée de recommander
au Comité des Ministres de l'amender et notamment :
- de limiter le nombre de réserves possibles,
- d'exclure la possibilité de réserves pour les membres
d'assemblées publiques nationales, les membres d'assemblées
publiques étrangères et les membres d'assemblées
internationales,
- que la responsabilité pénale des personnes morales soit
engagée (art. 18)
- que l'Assemblée parlementaire soit associée au suivi de la
mise en oeuvre de la Convention en siégeant au mécanisme
prévu à cet effet (GRECO).
M. Michel HUNAULT, député (RPR)
,
formule les
observations suivantes :
" Notre Assemblée est invitée à donner son
approbation à ce très important rapport de convention
pénale sur la corruption.
Nous savons combien la corruption a pris aujourd'hui une ampleur sans
précédent. Rarement autant de responsables politiques ou du monde
économique ont été mis en cause dans les " affaires
". La corruption constitue l'une des plus graves menaces en cette fin de
siècle pour nos démocraties et représente un réel
danger pour la stabilité de nos institutions.
Je veux d'abord saluer le contenu de ce projet de convention qui oblige chacune
des parties à ériger en infractions pénales des pratiques
aujourd'hui hélas fréquentes, mais fort condamnables. Il faut
aussi être plus efficace, ce qui nécessite de prévoir
l'incrimination coordonnée de ces infractions et, surtout, une
coopération renforcée dans leur poursuite.
Je tiens à mettre l'accent sur les liens de la corruption avec le crime
organisé et le blanchiment de l'argent. Je regrette solennellement que
tous les pays membres de notre haute Assemblée n'aient pas à ce
jour adopté dans leur législation interne, la
précédente recommandation du Conseil de l'Europe qui les incitait
à créer un véritable délit du blanchiment de
l'argent. La France, pour sa part, l'a adoptée par une loi votée
à l'unanimité le 2 mai 1996. Mais beaucoup de pays
ne l'ont toujours pas fait à ce jour.
Or, pour être efficace, l'élaboration d'une politique
pénale commune exige une coopération entre les autorités
nationales. Il faut, pour ce faire, faciliter le travail des autorités
chargées des investigations et de la poursuite des infractions
pénales.
Le chapitre IV de la convention pénale rappelle aux parties
à la convention la nécessité de coopérer, condition
incontournable d'efficacité. Aucun pays ne devrait pouvoir invoquer le
secret bancaire pour justifier son refus de toute opération
prévue dans ce texte.
Il est nécessaire de faciliter la coopération des magistrats qui
se heurtent trop souvent aux législations internes de chacun des Etats
membres à l'heure de la mondialisation de l'économie et de
transferts de capitaux dont l'origine est souvent mal connue.
Le projet de convention pénale sur la corruption, parce qu'il s'inscrit
dans le cadre des actions menées par les organismes monétaires
internationaux et d'autres organisations à l'échelon
européen est un élément décisif de la lutte contre
l'argent sale. J'aurais souhaité, pour ma part, qu'il s'accompagne d'un
calendrier précis d'adoption au sein des législations de chacun
des Etats membres de notre Assemblée.
Je considère que la lutte contre la corruption -ainsi que contre ses
liens avec le crime organisé et le blanchiment de l'argent- est devenue
une priorité et que la ratification de cette convention devrait
être exigée de chacun des Etats membres au même titre que
l'harmonisation des législations en matière des droits de l'homme.
Il me semble que notre Assemblée devrait demander au Comité des
Ministres de donner des moyens accrus aux magistrats. Il faut, en effet, que
soit renforcée la coopération judiciaire internationale,
indispensable si l'on veut lutter efficacement contre la corruption.
L'émergence d'institutions judiciaires européennes
indépendantes doit être favorisée. Aujourd'hui, en effet,
les législations nationales font trop souvent obstacle à
l'efficacité de la coopération européenne. D'où ma
suggestion de compléter l'article 29 du titre IV en
suggérant la création d'un organisme constitué de
magistrats européens spécialisés dans les affaires
financières.
C'est l'honneur du Conseil de l'Europe que de se préoccuper de ce
fléau de notre fin de siècle qu'est la corruption en lui donnant
une définition commune et d'exprimer une volonté commune de la
combattre efficacement.
Il reste à faire le plus difficile, comme l'a rappelé le
rapporteur, appliquer cette convention pénale sur la corruption dont
l'efficacité dépendra avant tout de la volonté
affichée de chaque Etat membre pour faciliter son application !
En conclusion, je veux formuler une suggestion qui est aussi un voeu :
notre Assemblée devrait chaque année inscrire à l'ordre du
jour de ses travaux cet important dossier de la lutte contre la corruption afin
d'évaluer l'efficacité de nos travaux et, surtout, de veiller
à la bonne suite donnée aux recommandations. "
A l'issue du débat,
l'avis 207 figurant dans le rapport 8133 est
adopté.