13. Projet de convention sur la protection de l'environnement par le droit pénal (Jeudi 23 avril)
Plusieurs textes de portée internationale ont
été adoptés dans le passé par le Conseil de
l'Europe pour protéger l'environnement, en particulier la Convention
européenne sur la responsabilité civile résultant
d'activités dangereuses pour l'environnement de 1994. Cependant, ni les
réponses administratives aux violations de la loi (retrait du permis ou
de la licence), ni les procédures civiles classiques ne garantissent une
protection juridique réelle et préventive. D'où
l'intérêt d'un instrument de droit pénal qui pourrait
criminaliser et sanctionner (y compris par des peines de prison) les actes ou
omissions graves portant atteinte à l'environnement et exercer des
pressions décisives pour faire respecter la loi.
Tel est précisément l'objet du nouveau projet de convention qui
qualifie le concept de responsabilité criminelle des personnes physiques
et surtout des personnes morales, ce qui constitue l'une des dispositions
centrales du projet. Précision importante : la
responsabilité pénale d'une personne morale n'exclut pas les
poursuites contre des personnes physiques.
D'après le rapport, le projet de convention constitue un excellent cadre
dont pourront s'inspirer les législateurs pour l'élaboration de
législations adéquates en matière pénale mais aussi
les Etats membres dont la législation est déjà bien
avancée, afin de la renforcer. L'Assemblée devrait par
conséquent recommander au Comité des Ministres de l'adopter et de
l'ouvrir à la signature des Etats.
Le rapport propose cependant quelques amendements dans un esprit constructif,
qui visent en particulier les réserves. Il propose que leur nombre soit
limité à deux par Etat contractant et que les réserves ne
puissent avoir qu'une validité temporaire de 3 ans au maximum. Par
ailleurs, aucune réserve ne devrait être autorisée quant
à la responsabilité pénale des personnes morales.
A l'issue du débat,
l'avis 204, figurant dans le rapport 8056,
amendé, est adopté.
14. Gestion des déchets radioactifs - Interventions de MM. François LESEIN, sénateur (RDSE), et Claude BIRRAUX, député (UDF) (Vendredi 24 avril)
Selon le
rapporteur, la gestion des déchets radioactifs est un sujet important
pour l'opinion publique et soulève un grand nombre de questions
scientifiques, politiques et éthiques à l'échelle
mondiale. Par ailleurs, la diffusion en grand nombre d'informations sur les
déchets et la sécurité nucléaires est souvent
biaisée par les préjugés contre l'énergie
nucléaire en général, ce qui crée un double
problème : les personnes mal informées se persuadent que les
inconvénients de cette énergie dépassent les avantages, et
ceux qui sont mieux informés sont tentés de croire que toutes les
informations sur les risques potentiels sont fausses.
Laissant de côté les arguments pour et contre le recours à
l'énergie nucléaire, le rapport part du constat que tous les
Etats membres du Conseil de l'Europe se trouvent devant des difficultés
liées à l'existence de déchets radioactifs dont les
sources se situent à l'intérieur et à l'extérieur
de leurs frontières. Il examine les principes fondamentaux et les
réglementations de sécurité concernant la gestion des
déchets radioactifs et la protection de l'environnement, formulés
par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) sur la
manipulation, le transport et l'évacuation de ces déchets. Le
rapport dresse également le tableau de la coopération
internationale dans ce domaine et de la situation quant aux dispositions
relatives à l'énergie nucléaire au niveau national,
notamment en Europe centrale et orientale.
L'auteur conclut que, si la gestion des déchets radioactifs doit
évidement faire l'objet de préoccupations scientifiques
constantes et rigoureuses, les informations communiquées au public sur
la question sont souvent inadéquates. Il présente ensuite des
recommandations pour améliorer à la fois la gestion des
déchets précités et la qualité de l'information
publique en la matière.
M. François LESEIN, sénateur (RDSE)
, intervient en ces
termes dans le débat :
"
Je félicite notre rapporteur M. Proke pour l'excellent
document dont nous disposons grâce à lui. Il ne s'agit pas d'une
concession à la politesse mais l'expression d'une
réalité : le rapport est à la fois
synthétique, extrêmement précis et les annexes, pour moi,
inédites. C'est un rapport que je conserverai comme document de
référence.
Je veux féliciter aussi notre rapporteur de l'esprit constructif avec
lequel il a abordé une question qui suscite trop souvent des positions
sommaires presque sectaires parfois, certains niant tout danger tandis que
d'autres voudraient la fin immédiate de la production d'énergie
nucléaire.
Le projet de résolution qui nous est soumis se situe exactement au
niveau où nous pouvions le souhaiter de la part du Conseil de
l'Europe : il s'agit de définir une éthique de la
responsabilité en matière de gestion des déchets
radioactifs, éthique commune à tout le vieux continent.
J'approuve également l'invitation adressée aux gouvernements de
développer la coopération technique et scientifique. M. Staes
vient d'insister lui aussi sur cette nécessité. Notre rapporteur
décrit les différentes méthodes accessibles. Il n'est pas
concevable que devant des risques évidemment transfrontières, les
connaissances techniques et les avancées qui ne manqueront pas
heureusement de se produire restent des monopoles nationaux.
Les études actuellement dispersées doivent faire l'objet de
communications afin que le progrès technique se diffuse rapidement dans
l'intérêt évident des populations de toute l'Europe et
au-delà.
En revanche, la gestion des déchets radioactifs doit incomber aux Etats
sur le territoire desquels ils ont été produits. Il serait
particulièrement choquant que les Etats les plus
développés qui produisent aussi le plus de déchets
radioactifs, délocalisent le stockage à long terme en achetant
une sorte de "droit à polluer" dans les pays en voie de
développement ou encore dans certains Etats d'Europe centrale et
orientale insuffisamment protecteurs de leur propre environnement. Il ne serait
pas moins choquant de se servir des océans comme d'une poubelle. On
vient d'en parler.
En évoquant l'éthique de responsabilité qui doit inspirer
la gestion des déchets radioactifs, je pense, non seulement, à la
responsabilité des pays développés vis-à-vis des
autres, mais surtout à notre responsabilité commune
vis-à-vis des générations futures. C'est dire l'importance
de mettre en place à l'échelon européen une harmonisation
des solutions retenues. C'est dire l'importance de la coopération afin
de faire progresser les techniques assurant la gestion de ces déchets
pleinement protectrice de la santé humaine et de l'environnement. C'est
dire l'intérêt d'adopter le projet de résolution
proposé par M. Proke ; c'est le voeu pressant du Groupe
libéral au nom duquel je m'exprime. "
M. Claude BIRRAUX, député (UDF)
, prend à son tour
la parole :
" Je me réjouis que notre Assemblée puisse aborder le
thème des déchets nucléaires à travers un rapport
spécifique, plutôt qu'à travers un rapport fourre-tout qui
aurait jeté la confusion.
J'approuve le rapporteur lorsqu'il écrit que ce rapport ne traite pas
des arguments pour ou contre l'énergie nucléaire. Il donne
néanmoins quelques chiffres intéressants auxquels je vous renvoie
dans ce document.
L'effet de serre et les déchets radioactifs sont là, et nous
devons faire avec. Il est de la responsabilité de la
génération de ceux qui ont bénéficié des
avantages de la production d'électricité nucléaire de
faire face au problème de la gestion des déchets et de ne pas le
laisser sur les bras des générations futures. C'est bien cette
génération qui doit assumer. C'est un premier principe fort.
Il se complète d'une seconde affirmation, qui repose aussi sur la notion
de responsabilité. Il n'est pas question de se débarrasser
à bon compte de ce fardeau, en entreposant, sans précaution
aucune, ces déchets dans le désert ou dans les pays du tiers
monde qui, en échange de quelques pièces, ne se montreraient pas
trop regardants sur la protection de leur environnement.
Chaque pays utilisateur doit résoudre lui-même le problème
de la gestion de ses déchets. Ce principe de responsabilité se
retrouve dans la loi française, loi Bataille, votée en 1991.
Elle affirme que les déchets sont et demeurent propriété
du producteur même lorsque ce dernier les confie à d'autres
entreprises pour leur conditionnement ou leur gestion. La
traçabilité doit être assurée en tout temps et en
tout lieu, ce qui doit éviter la dispersion ou la dissémination
incontrôlée.
Pendant longtemps et même encore de nos jours, dans certains pays, un
débat a animé la communauté scientifique, celui des seuils
d'exemption ou de libération et en particulier celui d'un seuil
universel. La France n'a pas choisi cette voie, pourquoi ?
L'utilisation de l'énergie nucléaire demande tout au long de la
chaîne, une attention et une vigilance à nulle autre pareille. Le
danger de fixer ainsi des seuils universels est de voir des producteurs
utiliser abusivement la dilution pour se débarrasser de déchets
très toxiques, gênants : un seau ou deux dans un camion et
finalement, les normes globales sont respectées.
Un autre danger de fixation de seuils universels concerne en particulier les
ferrailles. Par dilution, on peut tout à fait obtenir un produit dont
l'activité soit en dessous d'un seuil. Mais combien de personnes
accepteront sans broncher que l'acier de leur voiture provienne de dilution de
ferrailles radioactives ? Ne croyez pas que cette affirmation soit
gratuite. Il est bon que vous sachiez que les ferrailles contaminées
provenant du démantèlement du centre nucléaire militaire
de Mururoa ont été achetées, en toute connaissance de leur
état, par une entreprise australienne.
J'aimerais ajouter deux commentaires :
Je ne suis pas favorable à la création de dépôts
internationaux de déchets nucléaires : c'est la
responsabilité de chaque Etat d'avoir recours à l'énergie
nucléaire. C'est sa responsabilité d'en assumer toutes les
conséquences, y compris la gestion des déchets.
Le public a parfois quelques difficultés à comprendre ces notions
nucléaires. Et lorsque j'entends certains orateurs, je sens qu'ils
traquent le premier becquerel venu. Or, il faut savoir que chacun d'entre
nous -les rapporteurs, les interprètes et moi-même qui vous
parle- nous avons une "activité nucléaire" qui représente
environ 6 à 7000 becquerels.
La plus grande transparence doit donc présider à la communication
sur ce sujet.
Mais ce qui me paraît important, en particulier en relation avec cette
échelle du temps, c'est qu'une coopération internationale intense
se développe pour accélérer les recherches sur la
transmutation des déchets radioactifs à haute activité et
à vie longue en déchets radioactifs à vie la plus courte
possible, voire en déchets inertes.
Les expériences menées par le professeur Carlo Rubbia dans ce
domaine sont encourageantes et doivent être poursuivies avec comme
objectif la construction d'un pilote industriel. D'autres expériences
conduites ailleurs doivent également se fédérer pour que
ces initiatives augmentent leur efficacité.
Nous devons nous rappeler que dans les rapports concernant la
sûreté en exploitation des centrales nucléaires, nous avons
mis l'accent sur la culture de sûreté et l'esprit de
responsabilité qui devait animer chacun des agents d'une centrale
nucléaire.
Les phases ultérieures de l'exploitation, c'est-à-dire les
différentes étapes de la gestion des déchets
nucléaires demandent un esprit de responsabilité tout aussi
grand. Responsabilité devant les générations futures et la
qualité de l'environnement que nous allons leur léguer.
Responsabilité de cette génération pour faire face
à ce problème et tenter de le résoudre.
Puisse ce premier rapport de notre Assemblée sur ce sujet provoquer une
prise de conscience de chacun des Etats, de chacun des acteurs et de chacun des
citoyens. "
Sur le projet de résolution, quatre amendements ont été
déposés par MM. OLRICH et
Claude BIRRAUX,
député (UDF)
.
Le premier amendement rappelle les grands principes environnementaux concernant
la question des déchets radioactifs énoncés dans les
traités internationaux et les résolutions de l'ONU.
Un deuxième amendement vise à supprimer un paragraphe de la
résolution qui doute des méthodes scientifiques traditionnelles
pour résoudre le problème des déchets radioactifs.
Un troisième amendement propose de promouvoir le principe selon lequel
c'est aux Etats producteurs de déchets radioactifs de veiller à
la sûreté de leur stockage et de leur évacuation.
Enfin un dernier amendement demande le renforcement des mesures de
sécurité concernant les déchets radioactifs et notamment
de ne pas autoriser le stockage ou l'évacuation des déchets
à proximité du milieu marin sans avoir la preuve que cela
n'entraîne aucun risque pour la population ou le milieu marin.
S'exprimant alors au nom de la Commission de la science et de la technologie,
M. Claude BIRRAUX, député (UDF)
, a donné par quatre
fois un avis favorable et les amendements ont été adoptés.
Enfin, sur le projet de résolution, MM.
OLRICH et
BIRRAUX
ont déposé de nouveaux amendements qui proposent
" de
prendre toutes les mesures possibles pour réduire le déversement
de déchets radioactifs dans le milieu marin "
et
" de
veiller à ce que le transport des déchets radioactifs par mer
soit strictement limité et que la norme IMF soit la norme
minimale "
.
Après avis favorable de la Commission, ces amendements sont
également adoptés.
La résolution 1157, contenue dans le rapport 8054, est
adoptée, ainsi amendée, à l'unanimité.