12. Mauvais traitements infligés aux enfants - Rapport de M. Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI) - Intervention de M. Claude BIRRAUX, député (UDF) (Jeudi 23 avril)
Le
rapport de Nicolas ABOUT énonce les différentes formes de
maltraitance des enfants dans le but de mettre en place, sur le plan
européen, des moyens permettant de combattre ce phénomène
à tous les niveaux.
La découverte d'un certain nombre de crimes, et le constat selon lequel
l'exploitation et les abus sexuels ne connaissent pas de frontières, ont
conduit à déployer en Europe de nouveaux efforts pour lutter
contre divers aspects de ce problème - y compris la pédophilie,
la prostitution, la pédopornographie, l'inceste et les autres abus au
sein de la famille.
Le rapport condamne également la stérilisation abusive et la
mutilation génitale des petites filles, et lance un appel en faveur de
la mise à jour des réseaux mafieux qui s'adonnent au trafic de
nouveau-nés et d'enfants en bas âge pour alimenter le
marché international de l'adoption.
Le rapport préconise la mise en place d'un fichier international de
personnes reconnues coupables d'infractions contre des mineurs. Ce fichier, qui
serait tenu par la Cour européenne des Droits de l'Homme, viserait en
particulier à éviter que des pédophiles potentiels
trouvent un emploi lié à la garde et à l'éducation
des enfants dans d'autres pays européens.
En même temps, le rapport invite les gouvernements :
- à établir des listes de pédophiles qui puissent
être consultées par les autorités nationales et
étrangères ;
- à normaliser les définitions de la pédophilie dans
toute l'Europe et à criminaliser certains comportements pratiqués
dans des sectes ou au sein de la famille ;
- à indiquer clairement que la prostitution de mineurs est toujours
assimilable au viol ou aux sévices sexuels ;
- à s'en prendre au tourisme sexuel en organisant des
conférences avec les pays concernés et en s'attachant à
promouvoir la coopération des polices ;
- à traiter de façon adéquate les enfants victimes de
mauvais traitements, afin qu'ils ne deviennent pas à leur tour auteurs
d'abus semblables ;
- à placer ces enfants dans des familles, plutôt qu'en
institution ;
- à mettre en place des lignes téléphoniques directes
que les enfants puissent utiliser gratuitement pour obtenir de l'aide ;
- à faire en sorte que les procédures judiciaires ne soient
pas traumatisantes compatissantes pour les victimes, et à modifier les
délais de prescription, afin qu'un adulte puisse, le cas
échéant, faire état de la maltraitance qu'il a subie
lorsqu'il était enfant ;
- à améliorer la formation de tous ceux qui sont en contact
professionnel avec des enfants (services de soins sociaux et de santé,
médecins, police et tribunaux).
Présentant son rapport, au nom de la Commission des questions sociales,
de la santé et de la famille,
M. Nicolas ABOUT, sénateur (Ap.
RI)
, formule les observations suivantes :
" Selon un moraliste français, entre le fort et le faible, c'est
la liberté qui opprime et la loi qui libère. Telle est l'optique
dans laquelle je souhaiterais que nous abordions le débat sur le projet
de recommandation visant à la prévention et à la
répression des formes les plus graves des mauvais traitements à
enfants.
Ces formes, si elles apparaissent très différentes les unes des
autres -pédophilie, pornographie, prostitution, inceste, mutilations,
maltraitance familiale, rapt en vue d'adoption- ont pourtant un trait commun ou
plutôt une cause commune : l'enfant est toujours traité comme
une marchandise.
Toute notre civilisation tend à la protection des plus
vulnérables, je dirai même à la protection des faibles.
Pour ma part, je vois dans la défense des plus vulnérables la
première mission du législateur. Force est pourtant de constater
que, à ce principe de notre civilisation européenne, s'opposent
de plus en plus vivement certaines tendances du monde actuel.
D'abord, la mondialisation, la "globalisation", qui facilite les voyages, les
communications, la circulation de toutes sortes d'informations, mais aussi la
circulation d'argent sale, l'extension des activités mafieuses et
l'affaiblissement des contrôles étatiques sur des comportements
tenus pour contraires à l'ordre public.
Ensuite, la remise en cause des normes de comportement fondées sur des
valeurs également partagées et la tendance à
reconnaître l'individualisme comme manifestation ultime de la
liberté.
En outre, la persistance paradoxale de relations archaïques de domination
de l'adulte envers les enfants, des hommes envers les femmes, et notamment
envers les fillettes.
Enfin, le choc d'immenses inégalités économiques, la
richesse des uns facilitant toutes les formes d'exploitation de la
misère des autres et en particulier l'utilisation des enfants comme une
marchandise, sous forme de pédophilie, de pornographie ou de
prostitution enfantine, jusqu'au rapt en vue d'adoption, après
intervention d'intermédiaires plus ou moins mafieux.
Aussi vous proposerai-je, à partir de cette réaffirmation et du
constat de l'augmentation préoccupante des atteintes graves à la
personne des enfants, de recommander aux Etats membres d'adopter une dispositif
cohérent. D'une part, ce dispositif s'appuie sur des travaux
antérieurs de notre Assemblée, pour les regrouper et les
compléter. D'autre part, le projet de recommandation recherche un
équilibre entre deux attitudes complémentaires, la
prévention et la répression des violences aux enfants. Enfin,
notre recommandation innoverait par rapport, notamment, aux conventions des
Droits de l'enfant, qu'il s'agisse de celles des Nations unies ou de celle du
Conseil de l'Europe, qui ont trop tendance, à mes yeux, à traiter
les enfants comme des petits adultes, qui seraient suffisamment
protégés dès lors qu'ils pourraient plaider en justice
contre ceux qui abusent d'eux.
Du fait même de sa faiblesse physique, de son discernement encore
insuffisamment formé, et surtout de l'imbrication des liens affectifs ou
de subordination avec les auteurs mêmes de violences, l'enfant doit
bénéficier de protections particulières qui vont
au-delà de simples extensions procédurales. Notre projet de
recommandation énonce donc les différentes formes de violences
contre lesquelles les enfants doivent être protégés par des
législations expresses. Les paragraphes un à onze constituent une
sorte de préambule qui justifie l'intervention de notre
Assemblée. Les paragraphes suivants énumèrent les formes
de violence contre lesquelles nous appelons les gouvernements du Conseil de
l'Europe à lutter à la fois par la prévention et par la
répression.
S'agissant de la pédophilie, la proposition vise à faire
progresser l'harmonisation des qualifications juridiques et à
développer le suivi médico-psychologique des délinquants.
Pour ce qui est des messages diffusés par voie électronique
notamment sur le réseau Internet, l'Europe ne peut se contenter
d'attendre l'interprétation que donnera la Cour suprême des
Etats-Unis, à l'occasion d'un procès particulier, de
l'étendue respective de la liberté d'expression, garantie par le
premier amendement à la Constitution américaine, et de la
répression des messages pédophiles. Le Conseil de l'Europe est le
lieu approprié pour la définition d'une approche qui nous soit
commune, en conformité avec un modèle européen humaniste.
Enfin, nous devons inviter nos gouvernement à être vigilants
vis-à-vis de " communautés de vies " où certains
" gourous ", sous couleur d'amour universel, abusent d'enfants,
coupés de l'école comme des membres de leur famille non adeptes
de la communauté, et donc doublement perturbés, privés de
repères affectifs et sociaux.
En ce qui concerne l'exploitation pornographique d'enfants, le projet de
recommandation propose l'harmonisation des qualifications juridiques et des
régulations des messages électroniques. Je crois également
que nous ne devons pas accepter la distinction spécieuse entre
détention privée d'images pornographiques mettant en scène
des mineurs et commerce de ces images. Celui qui visionne est
nécessairement complice de la violence faite à l'enfant
filmé. Les réseaux d'échanges privés rendent
d'ailleurs sans portée juridique cette distinction, mais offrent une
excuse commode aux consommateurs de pornographie enfantine. Comment prouver que
des cassettes détenues par un particulier ont été
réalisées par le détenteur lui-même, achetées
ou échangées ? Le troc n'est-il pas la forme du commerce la
plus primitive ?
Quant à la prostitution d'enfants, je voudrais que notre
assemblée affirme nettement qu'il ne s'agit pas d'une modalité
particulière d'exercice de la prostitution, activité par ailleurs
tolérée, mais qu'il s'agit bien d'un viol quand un mineur est en
cause et qu'il a subi une pénétration sexuelle de quelque nature
que ce soit. Je serais scandalisé si l'on considérait que la
remise d'argent exonère le client - un violeur - de son crime.
Dans le cas de la prostitution enfantine, il convient de distinguer nettement
entre l'attitude à tenir vis-à-vis des victimes, qui doivent
être aidées et déculpabilisées, et vis-à-vis
des clients et proxénètes où l'on doit être d'une
grande sévérité. Cette sévérité se
justifie par la gravité de l'atteinte à la santé des
enfants comme à leur développement psychologique et social ;
elle se justifie aussi par le cynisme de l'exploitation de populations
réduites aux formes les plus extrêmes de la soumission. Les
destinations du tourisme sexuel parlent d'elles-mêmes : jeunes
marginaux des banlieues de certaines capitales européennes, "enfants des
rues" d'Asie ou d'Amérique latine et, maintenant, jeunesse
désocialisée par l'explosion démographique en Afrique
noire.
J'en viens à l'inceste. Les conséquences de ce crime ne doivent
pas être méconnues tant elles sont destructrices de la
personnalité de l'enfant. L'essentiel est de développer la
formation des personnels des services qui sont au contact des enfants,
enseignants, infirmières, médecins... afin que tous soient
à l'écoute des enfants et puissent détecter des atteintes
souvent tenues secrètes. Mais il convient aussi de développer une
formation spécifique des services de justice et de police.
Quelques mots sur les procédures pénales et les délais
adaptés pour agir en justice. On a cherché, en France comme dans
plusieurs pays, à adapter les interrogatoires par la police et la
justice pour éviter, le plus possible, d'aggraver le traumatisme des
enfants victimes. La présence de femmes dans ces services est un
élément généralement sécurisant pour les
enfants. De même, on devrait chercher à limiter au minimum la
répétition du récit des faits, par exemple en enregistrant
l'interrogatoire initial.
En matière de délai, et en complément de la convention du
Conseil de l'Europe sur les droits des enfants, je suggère que soit
rouvert, lorsque les jeunes victimes atteignent leur majorité, le droit
de saisir la justice. Spécialement quand les violences s'exercent dans
le cadre familial, ou avec la complicité de membres de la famille. Il
faut absolument permettre aux victimes, devenues majeures, de demander une
réparation au moins symbolique, malgré l'inertie de ceux qui
auraient dû les protéger.
J'en reviens à un point capital à mes yeux, la coopération
judiciaire pour sanctionner la récidive. Ce point, mes chers
collègues, est l'une des innovations principales de notre proposition.
Vous savez que la récidive, au sens légal, n'est actuellement
constituée que si une personne a commis le même délit dans
le même pays.
Nos concitoyens n'accepteront pas que l'Europe sans frontières soit
l'Europe des criminels. Je propose donc que soit institué, auprès
de notre Cour européenne des Droits de l'Homme et sous son
contrôle, un registre dans lequel serait notifiée par les
juridictions des différents Etats membres, toute condamnation
prononcée en cas de violence à enfant. Bien entendu, les
condamnations amnistiées au niveau national pourraient être, de
même, radiées du registre commun.
En ce qui concerne les stérilisations abusives, sujet extrêmement
délicat, le scandale soulevé récemment par des cas de
stérilisations de personnes jugées déficientes, notamment
sur le plan mental, pose un problème voisin de la Convention sur la
biomédecine, et plus généralement, le problème du
respect de l'intégrité physique des personnes incapables et du
recueil de leur consentement.
C'est pourquoi, je vous propose une solution que je crois conforme à
l'impératif primordial de respect de la personne, doublement faible, par
son âge comme par son état physique ou mental, sans
négliger les cas les plus délicats où la
stérilisation est incontournable.
Un mot sur les pratiques discriminatoires affectant les jeunes filles.
Constatées désormais dans la plupart des Etats européens
avec l'installation durable de familles en provenance d'Afrique, les
mutilations sexuelles imposées aux petites filles appellent la
condamnation la plus nette. Certaines législations d'Etats
européens et des commissions de l'Onu ont déjà
assimilé ces pratiques aux "tortures et traitements barbares et
inhumains" que notre Conseil de l'Europe a pour mission d'éliminer.
Le respect des traditions culturelles ne saurait prévaloir contre le
droit fondamental à l'intégrité physique et à
l'épanouissement personnel de ces jeunes filles. Notre Assemblée
vient d'ailleurs d'affirmer son souci de la promotion des droits de la femme en
créant une commission spécifique et ma proposition s'inscrit donc
parfaitement dans ce sens.
Je propose aussi de lutter contre d'autres formes de discrimination affectant
les jeunes filles comme l'"examen forcé de virginité"... "
M. Nicolas ABOUT
conclut la présentation de son rapport en ces
termes :
" Nous n'avons pas souvent l'occasion de parler d'un problème
aussi grave qu'est celui des atteintes aux enfants, mais je vais
écourter mon propos.
Je parlais donc des examens forcés de virginité qui
malheureusement ont lieu aussi dans certains Etats siégeant ici au
Conseil de l'Europe.
Nous évoquerons la maltraitance dans le cadre familial, les refus de
soins indispensables et toutes les manoeuvres qui entourent l'adoption
internationale et qui portent atteinte, à mon avis, aux droits de
l'enfant puisque ces enfants font l'objet, comme je l'ai dit, quelquefois
même de rapts.
Telles sont simplement, mes chers collègues, les observations que je
voulais vous soumettre en attendant, bien entendu, vos contributions à
la formulation définitive de ce projet de recommandation. "
M. Claude BIRRAUX, député (UDF)
, intervient dans le
débat de la façon suivante :
" Je tiens d'abord à féliciter notre collègue,
M. Nicolas About, pour la qualité et l'exhaustivité de
son rapport sur un sujet grave et malheureusement d'actualité.
Sujet tabou, la maltraitance est une réalité dans toutes les
sociétés, elle touche tous les milieux, et l'on aperçoit
à peine l'ampleur du problème. Il a fallu, en effet, attendre les
années 70-80 pour que le voile se lève peu à peu, sous la
pression des associations de lutte contre la maltraitance à enfants, sur
ce drame et qu'il y ait une réelle prise de conscience de l'opinion
publique pour décider de réprimer mais aussi de prévenir.
Ainsi, la France a lancé une campagne de prévention dont le titre
était "En parler, c'est déjà agir", jusqu'à
décréter la protection de l'enfance "grande cause nationale
en 1997".
Au niveau international, l'Assemblée générale des Nations
unies a adopté, le 20 novembre 1989, la Convention
internationale des droits de l'enfant, qui est venue poser un statut de
l'enfant en abordant aussi bien les questions de statut personnel que les
droits sociaux.
Evoquer la maltraitance renvoie immédiatement aux victimes d'abus
sexuels, de viols, d'exploitation par la prostitution et la pornographie, sur
lesquels les médias se focalisent par moments. La maltraitance couvre
également les violences sexuelles, les violences physiques, les
violences psychologiques et la négligence.
Mais comment ne pas penser aussi au travail des enfants, main-d'oeuvre
silencieuse, exploitée dans des secteurs dangereux pour leur
santé, comme les mines, les fabriques d'allumettes ?
Les enfants victimes de mauvais traitements en subissent les
conséquences de manière durable et profonde dans leur vie
psychologique et affective.
L'Organisation mondiale de la santé a distingué à ce sujet
deux types d'effets.
D'abord, ceux liés aux traumatismes, qui se traduisent par des
états de stress caractérisés par des symptômes
d'anxiété. Ensuite, les effets sur le développement,
caractérisés par une perte de l'attachement, une diminution de
l'estime de soi et des relations interpersonnelles réduites.
Il me semble également fondamental de mentionner que les enfants
victimes de mauvais traitements, de violences physiques ou sexuelles, risquent
de se rendre par la suite coupables de violences similaires contre des enfants
plus jeunes ou contre leurs propres enfants.
En France, un récent rapport public fait état, pour 1996, de
74 000 enfants en danger et d'une augmentation du nombre d'enfants
victimes d'abus sexuels. Il est impératif d'agir. Pour ma part, je
partage pleinement le projet de recommandation du rapporteur qui invite les
Etats membres à adopter des mesures aussi bien préventives que
répressives.
Prévention, tout d'abord, car c'est par une meilleure connaissance de la
maltraitance que sera facilité le repérage d'enfants en danger,
prévention que chacun doit exercer et pas seulement l'Etat. La loi
française de 1989 associe prévention et répression et
prévoit l'obligation de signalement, y compris par dérogation au
secret professionnel.
C'est aussi par le biais de campagnes d'information que l'on peut sensibiliser
les enfants et donner à l'enfant des moyens pour se protéger et
faire respecter son intégrité, en lui apprenant par la parole et
par l'image, le respect dû par les adultes à son propre corps et
à celui des enfants qui l'entourent.
Je tiens aussi à citer la mise en place d'un numéro vert
permettant aux enfants victimes ainsi qu'aux témoins de mauvais
traitements d'appeler.
Le deuxième volet est la répression. Une loi est en cours
d'examen en France, dont deux dispositions vont dans le sens des propositions
de notre rapporteur. D'une part, il s'agit de l'institution d'une peine
complémentaire de suivi socio-judiciaire, dont le but est de
prévenir la récidive. D'autre part, il est procédé,
pour lutter contre le tourisme sexuel, à l'extension de l'application de
la loi française pour l'ensemble des crimes et délits sexuels
commis contre les mineurs à l'étranger par des Français.
Cela signifie que ce projet de loi étend la clause
d'extraterritorialité aux agressions sexuelles contre un mineur de
quinze ans et moins, à la corruption de mineurs, à la diffusion
d'images pornographiques de mineurs, aux atteintes sexuelles sans violence,
contrainte, menace ni surprise commises sur des mineurs de 15 ans et moins, par
des Français ou par des personnes résidant habituellement en
France.
Face à l'immensité du drame, je souhaiterais conclure en
rappelant les propos de Mme la secrétaire de la grande cause
nationale qui nous concerne tous : " Si tout le monde bouge,
ça bougera ". "
M. Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI)
, reprend alors la parole en
ces termes :
" Je remercie les orateurs de leurs propos et je vais revenir
peut-être sur certains points.
Mme Pozza Tasca a évoqué un divorce entre les textes et
la réalité. Nous avons un devoir, c'est vrai, celui de tout faire
pour précisément rapprocher, dans chacun de nos Etats, la
réalité des textes. Notre collègue a fait aussi
état du trafic d'enfants et du trafic d'organes vivants, un sujet
effectivement dramatique que nous ne pouvons pas écarter. Nous y
reviendrons certainement à l'occasion de l'examen à venir d'un
texte sur l'adoption internationale.
Mme Fyfe a évoqué les problèmes de mutilation
sexuelle et de pédophilie. Rappelons ce que les Canadiens aiment
à dire : " pédophile un jour, pédophile
toujours ! ". Il est vrai qu'il existe un fort taux de
récidive et que nous devons tout faire pour tenir éloigner les
pédophiles des emplois auprès des enfants.
Quant à ceux qui se livrent à des actes de mutilation sexuelle,
il est nécessaire de les condamner à des peines fermes et non pas
à des peines avec sursis, comme cela se produit même dans mon
pays. A défaut, nous n'exprimerons jamais clairement la volonté
de mettre fin à de tels actes.
Le témoignage de M. Maltsev sur ce qui se passe dans son pays, en
particulier ces quatre millions d'enfants sans toit et la pauvreté
contre laquelle il faut lutter, est extrêmement poignant.
Mme Gatterer a rappelé à juste titre que chacun peut
être concerné par tous ces problèmes. Chaque enfant peut
être victime des méfaits de la drogue, par exemple quel que soit
son environnement. Il ne faut pas croire que cela se passe uniquement dans les
milieux extrêmement défavorisés. N'oubliez pas les chiffres
de l'OMS : un enfant sur 5 000 à 10 000 meurt chaque
année de violences physiques. Au total 5 % à 10 % des
adultes estiment avoir été victimes de violences physiques
pendant leur enfance. Ces chiffres parlent d'eux-mêmes et nous rappellent
que ne sont pas seules concernées les populations
défavorisées.
Selon Mme Poptodorova, le Conseil de l'Europe devrait être
associé à la défense de l'enfance. Je ne peux que partager
ses propos. Elle s'est référée à juste titre, car
c'est tellement facile, au slogan : "c'est la faute à la
démocratie !" C'est pourquoi j'ai commencé en disant que la
liberté opprime les faibles, qui sont protégés par la loi.
Il est donc absolument nécessaire de légiférer et, comme
notre collègue le rappelait en évoquant un texte examiné
en deuxième lecture dans son pays, d'exercer une pression sur nos Etats
et nos gouvernements pour que les textes soient votés.
Madame Loule, vous aviez évoqué à juste titre
l'évolution de la notion de maltraitance. Il est de notre orgueil et de
notre fierté de faire évoluer ce texte, particulièrement
en Europe.
M. Claude BIRRAUX
a rappelé le rôle des associations, des
campagnes d'information, ainsi que le cycle de la violence qui doit certes
être pris en considération : 15,8 % des enfants battus
seront, un jour, inculpés pour un acte criminel. Ce constat doit nous
inviter à beaucoup d'attention.
M. Ruffy est intervenu sur la négligence qui intervient, en effet,
dans les récidives d'actes criminels pour tous les enfants soumis
à des négligences alimentaires, de soins, d'éducation et
de formation. En effet, 12,5 % d'entre eux retombent dans ce cycle.
Je conclurai sur un dernier point évoqué à l'instant par
Mme Jones, celui de la crédibilité des dires de l'enfant.
Sans verser dans la naïveté, il faut accorder de l'importance et
surtout être attentif aux dires de l'enfant - depuis des siècles
nous ne l'avons pas tellement été - sans pour autant condamner a
priori l'adulte mis en accusation. Il s'agit donc d'une tâche, certes,
difficile, mais incontournable. "
Sur le projet de recommandation, est déposé un amendement oral
visant à remplacer dans la phrase suivante les mots : " selon
le droit
d'un certain nombre
d'Etats membres, les délinquants ne
sont considérés comme récidivistes que " par les mots
" la quasi-totalité des ".
M. Nicolas ABOUT, sénateur (ap. RI)
, prend alors la parole pour
défendre l'amendement en ces termes :
" S'il est vrai que les juges tiennent compte des faits qui se sont
produits dans les autres Etats, le fait ne saurait leur permettre
d'établir la récidive. Le débat que j'ai pu avoir avec des
magistrats français hier démontre qu'après avoir eu
à connaître de ce qui s'est passé ailleurs, on ne peut pas
pour autant qualifier la récidive, le droit ne le permet pas.
Pour tenir compte de la demande de la commission des questions juridiques et
des droits de l'homme nous avons donné un avis favorable, sous
réserve de rappeler que la quasi-totalité des Etats membres ne
permet pas la qualification de récidive. "
Cet amendement oral est adopté.
Sur un amendement suivant visant à dissocier le commerce et la
possession, et donc à permettre, dans le cadre d'enquêtes, la
possession d'images pornographiques d'enfants par des professionnels, tels des
journalistes, sans que cela soit qualifié d'infraction pénale,
M. Nicolas ABOUT, sénateur (ap. RI)
, intervient alors :
" La commission est contre l'amendement, parce que l'argument
professionnel ne tient pas. En tant que médecin, il est vrai que l'on
peut être obligé de pratiquer sur des enfants des
opérations ou des actes qui pourraient, s'ils étaient
pratiqués par d'autres, être des atteintes à enfant, sur le
plan sexuel ou autre.
L'argument du professionnalisme risque de permettre d'éviter de
condamner des gens qui utilisent des images pour leur simple vice ou qui font
commerce de ces images. Or cette distinction est fallacieuse car, après
tout, celui qui visionne ces images avec un but de vice est bien complice de la
violence faite à l'enfant filmé.
On nous invite souvent à comparer avec la drogue. Mais une telle
comparaison n'est pas pertinente. Celui qui consomme de la drogue n'est,
à la limite, complice que de la culture du chanvre ; celui qui
visionne des images pornographiques, lui, est complice de violences commises
contre un enfant ! Ce n'est pas du tout la même chose.
Il faut donc bien associer la détention au commerce et rappeler que,
très souvent, les réseaux de pédophiles font des
échanges de cassettes et donc du commerce au sens le plus primitif du
terme ; c'est une sorte de troc. Il est indispensable de lier les deux. Il
appartiendra aux juges, dans une gradation des peines, de punir peut-être
différemment : mais ce sera le rôle du juge, en fonction des
circonstances, de punir plus sévèrement peut-être ceux qui
font commerce à grande échelle. "
L'amendement n'est pas adopté.
A un amendement qui vise à prendre en compte le consentement des mineurs
au-delà d'un certain âge et à supprimer la
référence au profit dans la prostitution enfantine,
M. Nicolas
ABOUT, sénateur (ap. RI)
, répond : " l'avis de la
Commission est défavorable, car il nous paraît très
important, dans un premier temps, de réaffirmer qu'on n'a pas le droit
de rapprocher la prostitution des mineurs d'une prostitution banale. La
prostitution des mineurs est constitutive d'un viol ou d'un abus sexuel. Cela
nous paraît être un socle indispensable pour aborder les points
suivants du texte. Faute de ce constat, tout le reste ne voudrait absolument
rien dire. On ne peut limiter la discussion à la responsabilité
des agences de voyage, établissements de prostitution ou organismes de
tourisme.
Il est donc fondamental de garder l'expression "prostitution des mineurs de
moins de 15 ans". C'est l'âge que nous avons retenu, sur le plan
sexuel, lors d'un précédent débat : en dessous de 15
ans, en effet, il ne peut y avoir de consentement. Lorsque nous
précisons que "l'enfant ne serait être tenu pour consentant", nous
faisons référence à un vote précédent de
notre Assemblée.
Nous demandons donc le rejet de cet amendement. "
Mis aux voix, l'amendement n'est pas adopté.
Enfin,
M. Nicolas ABOUT, sénateur (ap. RI)
, au nom de la
Commission, accepte un amendement oral visant à substituer au terme
" mineurs " les mots " de moins de 15 ans ". Il le
défend en ces termes :
" J'ai déjà défendu cet amendement. Notre
Assemblée a déjà approuvé le principe selon lequel
il ne saurait y avoir de consentement en dessous de 15 ans. "
L'amendement oral est adopté.
Puis, lors de l'examen d'un amendement relatif à la suppression d'un
paragraphe " affirmant nettement que la prostitution de mineurs est
toujours constitutive d'un viol ou d'un abus sexuel... ",
M. Nicolas
ABOUT, sénateur (ap. RI)
, au nom de la Commission,
répond :
" Nous avons estimé que cet amendement tombait du fait du rejet du
précédent. Nous pensons qu'il faut maintenir une telle
disposition concernant les tenanciers, les agences de tourisme, par exemple.
De toute façon, si cet amendement ne tombait pas, la commission invite
l'Assemblée à voter contre. "
L'amendement est rejeté.
Répondant, au nom de la Commission, à un amendement visant
à supprimer le " délit de non-assistance à personne
en danger à l'encontre des personnes ayant l'autorité
parentale ",
M. Nicolas ABOUT, sénateur (ap. RI)
,
s'exprime en ces termes :
" La commission est contre. Sa rédaction note que, dans la
quasi-totalité des législations nationales, sans pouvoir affirmer
que c'est dans la totalité, il est effectivement très difficile
de faire le point sur l'existence ou non de cette disposition dans l'ensemble
des Etats constituant le Conseil de l'Europe.
Nous avons, nous, le sentiment que trop d'enfants meurent par refus de soins,
par manque du respect de l'obligation alimentaire, par exemple. Nous souhaitons
donc que soit réaffirmée la nécessité de poursuites
à l'encontre de personnes ayant l'autorité parentale. Nous
voulons donc le maintien de cette disposition. "
L'amendement n'est pas adopté.
Au terme du débat,
la recommandation 1371 figurant dans le rapport
8041, telle qu'amendée, est adoptée
.
La directive 543, amendée également, est adoptée
à l'unanimité.
M. Nicolas ABOUT, sénateur (ap. RI)
, ajoute quelques mots de
conclusion :
" A mon tour, je remercie l'ensemble de mes collègues, en
particulier, ceux de la commission des questions juridiques et des droits de
l'homme et Mme le rapporteur, Mme Plechatá, pour son travail
ainsi que mes collègues de la commission des questions sociales, de la
santé et de la famille et notre présidente.
Merci à vous tous. C'est un sujet qui me tient beaucoup à
coeur. "