11. Respect des obligations et engagements contractés par la Roumanie - Intervention de Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc), rapporteur pour avis de la commission des relations avec les pays européens non membres (Jeudi 24 avril)
Le
Rapport invite l'Assemblée à constater les progrès
considérables accomplis par la Roumanie dans le respect des obligations
et engagements qu'elle a contractés depuis qu'elle est devenue membre du
Conseil de l'Europe le 7 octobre 1993. La Roumanie a ratifié, en
particulier, la Convention européenne des Droits de l'Homme et tous ses
protocoles y compris le Protocole 6 (abolissant la peine de mort), le Protocole
11 (qui instaurera une Cour unique), la Convention européenne pour la
prévention de la torture et la Convention pour la protection des
minorités nationales.
Par ailleurs, la Roumanie a fait connaître son intention de ratifier
prochainement la Charte européenne de l'autonomie locale et la Charte
européenne des langues régionales ou minoritaires, ainsi que
plusieurs conventions dans les domaines du droit pénal et de
l'enseignement.
Le rapporteur, M. Gunnar JANSSON (Finlande) observe cependant que la
Roumanie doit encore résoudre un certain nombre de problèmes.
C'est pourquoi le texte soumis à la discussion de l'Assemblée
demande à la Roumanie :
- de modifier certaines dispositions du Code pénal qui mettent en cause
l'exercice des libertés fondamentales (par exemple, l'article 200
relatif aux actes homosexuels et les articles 205, 206, 238 et 239 relatifs
à l'insulte et à la diffamation qui constituent notamment une
atteinte à la liberté de la presse) ;
- de poursuivre sa réforme judiciaire afin de garantir
l'indépendance de la justice et de clarifier le rôle du
Parquet ;
- d'améliorer les conditions de détention déplorables qui
règnent dans les prisons et de modifier les dispositions
législatives qui permettent les abus de la détention
provisoire ;
- d'améliorer les conditions des enfants abandonnés dans les
institutions de l'Etat, de faciliter leur adoption et de développer une
campagne contre l'abandon ;
- de modifier la législation afin de restituer les biens
confisqués notamment aux particuliers et aux Eglises ou, à
défaut, de prévoir un dédommagement
équitable ;
- d'engager une lutte efficace contre le racisme, la xénophobie et
l'intolérance et d'adopter toutes mesures utiles en faveur de
l'intégration sociale de la population Roumaine.
L'Assemblée, considérant que la Roumanie a respecté ses
engagements les plus importants, propose de clore la procédure de suivi.
Elle se réserve cependant la possibilité de rouvrir cette
procédure si dans un an, ses recommandations n'étaient pas
respectées ou si des évolutions significatives le justifiaient.
Le rapporteur propose également que l'Assemblée demande au
Comité des ministres de seconder la Roumanie dans ses efforts notamment
dans le cadre du programme conjoint de coopération entre le Conseil de
l'Europe et la Commission européenne pour la réalisation de sa
réforme pénitentiaire, l'organisation d'une campagne
d'information contre l'abandon de enfants et la lutte contre le racisme, la
xénophobie et l'intolérance.
Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc),
rapporteur pour avis de la
commission des relations avec les pays européens non membres, fait les
observations suivantes en présentant son rapport :
" Je voudrais insister sur deux points évoqués par mon
collègue, M. Schwimmer. Effectivement, au sein de cette commission,
nous avons travaillé dans une très grande harmonie. J'en remercie
mes collègues, ainsi que le secrétariat qui a fait un travail
exemplaire.
M. Schwimmer a insisté sur quelques anecdotes qui traduisent bien
l'ambiance qui règne en Roumanie. Un certain nombre de choses changent
très vite en ce moment. Nous éprouvons beaucoup de sympathie pour
ce pays, pour ce peuple qui a vécu comme les autres, et parfois plus que
les autres, un certain nombre de problèmes délicats qu'il est
difficile d'évacuer complètement et rapidement.
Au nom de la commission des relations avec les pays européens non
membres, j'exprime un avis favorable au document proposé et à la
clôture de la procédure de suivi relevant de la directive 508,
étant entendu que la Roumanie a rempli nombre d'obligations. Elle ne les
a pas toutes assumées, mais la tendance est extrêmement positive.
Nous manifestons donc toute notre confiance à ce pays.
Je vais maintenant revenir sur un problème douloureux
évoqué par M. Schwimmer : parce que c'est un
problème et parce qu'il est douloureux. Il s'agit des enfants
abandonnés qui vivent dans l'enfermement. S'ils ne sont pas
placés dans des orphelinats, ils errent carrément dans la rue.
Les chiffres, certes approximatifs, sont significatifs : il existe environ
600 institutions et entre 40 000 et 100 000 enfants seraient
abandonnés et placés. Actuellement, 20 000 enfants seraient
encore abandonnés chaque année.
Comme l'a rappelé notre collègue, M. Schwimmer, il y a,
à l'origine, une loi datant des années 70, et donc votée
sous Ceaucescu. Elle obligeait les femmes et les familles à
procréer et à avoir au minimum cinq enfants, pour que la
population de la Roumanie puisse doubler, étant entendu que ces enfants
seraient abandonnés dans un réseau d'institutions d'Etat. Le
problème est que le réseau existe toujours et la loi aussi !
La Roumanie a ratifié, et c'est à son honneur, la Convention de
l'ONU sur les droits de l'enfant et elle a déclaré que le milieu
normal pour l'épanouissement de l'enfant est la famille. Certes, c'est
un progrès, mais ce n'est pas suffisant puisque le nombre des enfants
abandonnés est toujours important et ne diminue pas.
Naturellement, la situation économique est difficile. Sachant que les
abandons sont toujours très nombreux, j'aurais tendance à dire
à nos amis roumains : attention ! il est impératif
d'avoir une prise de conscience plus forte de ce problème douloureux et
vraiment difficile pour vous. Il ne faut pas qu'il ternisse l'image de la
Roumanie. Il faut que s'exprime une volonté politique plus forte.
Or, je n'ai pas senti, au moment des élections, que ce problème
était au coeur des préoccupations. En revanche, lors de notre
dernier voyage en Roumanie, j'ai pu voir quelque chose que je n'avais pas
encore vu précédemment : des affiches qui montraient une
jolie tête d'un petit enfant blond demandant : Qui veut
m'adopter ?
Une campagne est actuellement menée mais, je le répète, il
faut une démarche politique plus offensive et plus volontariste ;
ce problème l'exige. Naturellement, en termes politiques, la
législation est complexe. Trois lois sur l'adoption datant de 1990, 1991
et 1993 ont été effectivement promulguées, mais la loi
communiste de 1970 demeure en vigueur et elle bloque le processus de
l'adoption. Il faut sortir de ces contradictions, de cette complexité.
Certes, il est facile de dire : il faut, il faut, il faut pourtant bien
trois choses.
En premier lieu, il faut une politique de prévention de l'abandon
commençant par une réelle politique de la contraception. Si la
contraception est libre, elle n'est cependant pas possible dans ce pays sans
information et sans formation. Une vraie politique de la prévention de
l'abandon passe aussi hélas ! par un certain nombre de
considérations économiques.
En deuxième lieu, il faut une vraie politique de placement familial. Ce
qui signifie qu'il faut mettre un terme à l'enfermement des enfants dans
des instituts, qui se traduit par des problèmes psychologiques
irréversibles. Le processus est actuellement engagé puisqu'il
existe effectivement des lois. Je pense notamment à une allocation
consentie par l'Etat depuis 1993 aux familles pour recueillir des enfants,
lesquels seront ainsi placés dans ces familles. Il s'agit d'un processus
non pas d'adoption mais de placement, ce qui marque déjà un
progrès.
En troisième lieu, il faut une politique de l'adoption. Je comprends que
les Roumains souhaitent observer une certaine prudence dans ce domaine :
il faut éviter tout trafic, tout commerce, tout profit. Il n'en demeure
pas moins urgent et indispensable que ces enfants puissent grandir dans le
milieu familial.
Aidons les Roumains. L'Union européenne le fait dans le cadre du projet
PHARE. De nombreuses associations - j'en connais en France - le font. Le
Conseil de l'Europe doit le faire davantage. Le Fonds de développement
social peut le faire. Je proposerai que, dans ce cas très concret, le
Fonds de développement social vienne en aide à la Roumanie et
cherche, dans le cadre des institutions, des orphelinats ou de l'aide aux
familles, des moyens d'intervenir.
Amis Roumains, vous avez toute notre sympathie, vous le savez. Nous voyons vos
efforts et nous les encourageons. Vous avez également toute notre
confiance. Je pense que vous la méritez. "
A l'issue du débat,
la résolution 1123, amendée, et la
recommandation 1326 contenues dans le rapport 7795 sont adoptées.