8. Situation à Chypre - Intervention de M. Nicolas ABOUT, sénateur (ap. RI) (Mercredi 29 janvier)
Le
rapport 7717 constate que les négociations en vue d'un règlement
pacifique et global de la situation à Chypre se trouvent actuellement
dans l'impasse. Il rappelle que cette absence de progrès, dont les
dirigeants politiques des deux communautés portent la
responsabilité, a créé le climat politique qui a abouti
à l'assassinat de quatre Chypriotes grecs et d'un Chypriote turc au
cours du deuxième semestre 1996.
La perspective des négociations pour l'adhésion à l'Union
européenne semble pourtant être un moment propice pour de
nouvelles propositions, selon le rapporteur.
Se fondant sur les deux exemples existants de coopération entre les deux
communautés à Nicosie, il demande l'extension de telles
pratiques, notamment aux télécommunications et aux services
postaux. Rappelant que le traitement des Chypriotes grecs et des Maronites
vivant dans la zone de Karpass suscite de vives inquiétudes, il demande
à l'administration chypriote turque de rendre effectives les
améliorations annoncées.
Le rapport fait également des propositions pour améliorer le
dialogue de l'Assemblée avec les deux Communautés. Il invite les
représentants élus des deux communautés à entamer
des négociations sur la possibilité d'assurer une vraie
représentation de tout le peuple de Chypre à l'Assemblée.
M. Nicolas ABOUT, sénateur
(ap. RI),
est intervenu dans le
débat en ces termes :
" Monsieur le Président, mes chers collègues, je remercie
les rapporteurs pour la qualité de leur travail, et je tiens à
rendre hommage en particulier à notre collègue disparu, Lord
Finsberg.
La situation qui prévaut actuellement à Chypre relève du
non-sens historique eu égard à la nouvelle donne en Europe et en
Méditerranée orientale. Comment peut-on encore justifier la ligne
de démarcation qui scinde en deux parties la capitale Nicosie ? Ce
" Mur de la Honte " rappelle étrangement le Mur de Berlin.
Pourtant, à Chypre il n'y a pas de ligne de fracture idéologique
: Grecs et Turcs sont membres de l'OTAN et du Conseil de l'Europe. Il s'agit
plutôt du résultat de surenchères de nationalisme d'un
autre temps, utilisées par Athènes et Ankara pour flatter un
certain électorat et justifier auprès de celui-ci l'augmentation
des dépenses militaires. Tout cela se fait au détriment de la
sécurité régionale et du bien-être de la population
chypriote.
Suivant l'exemple des Français et des Allemands après 1945, celui
des Polonais et des Allemands en 1989 et plus récemment des Palestiniens
et des Israéliens, Turcs et Grecs doivent emprunter le chemin de la
réconciliation, se tourner vers le XXIe siècle en cessant de se
référer aux antagonismes historiques qui font le jeu des
extrémismes.
La Grèce doit se montrer digne de son appartenance à l'Union
européenne et cesser de bloquer le dossier chypriote sinon l'île
n'adhérera pas à l'Union européenne. La Turquie de son
côté est assurée par l'OTAN et l'UEO d'une
sécurité maximale. Elle a donc tout à gagner dans
l'intégration de l'île à l'Union européenne.
Je demande donc aux parlementaires grecs et turcs, ici présents, de
faire pression sur leurs gouvernements respectifs pour qu'ils engagent
dès à présent des négociations, sous l'égide
de l'ONU et de l'Union européenne afin d'aboutir d'ici à l'an
prochain à une fédération bizonale et bicommunautaire mais
aussi à la démilitarisation, conditions
sine qua non
de
son adhésion à l'Union européenne. Evidemment, l'objectif
de démilitarisation doit être atteint - il ne pourra
l'être que si les producteurs d'armes adoptent une attitude responsable,
ce qui n'a pas été le cas de la part de la Russie dans ce dossier
chypriote - et là je m'adresse à nos collègues russes
afin qu'ils fassent annuler la livraison des missiles sol-air. Voilà une
décision de bon sens de nature à restaurer la confiance.
Je sais que, pour les Chypriotes, seule une initiative américaine serait
susceptible de faire progresser le règlement du conflit. Avons-nous
déjà oublié les accords de Zurich et de Londres
imposés par les Américains ? Avons-nous oublié que
ces accords ont mécontenté les deux parties ? Avons-nous
oublié le rôle joué partout par les Américains ou
pour le moins leurs encouragements qui devaient faciliter les
événements de 1974 et aboutir à la situation
actuelle ?
Nous sommes, nous Européens, à nouveau devant un défi
important, nous qui souhaitons vivre ensemble dans le respect les uns des
autres, avons-nous la capacité de régler nos différents ou
sommes-nous condamnés à nous déchirer ?
En ce début d'année, je forme le voeu d'un règlement
rapide et global de la question de Chypre. "
Au terme du débat,
la résolution 1113 contenue dans le rapport
7717, amendée, est adoptée, alors que la proposition de directive
figurant dans le rapport 7743 est rejetée.