EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le 28 avril 1999 sous la présidence de M.
Alain
Lambert, président, la commission à tout d'abord entendu la
communication
de
M. Yann Gaillard
, rapporteur spécial
des crédits de la culture, sur les
aspects fiscaux
et
budgétaires
d'une politique de relance du
marché de
l'art
en
France
.
Après avoir rappelé qu'il avait procédé à
l'audition de nombreuses personnalités du monde de l'art, conservateurs,
marchands, experts, commissaires-priseurs, artistes, ainsi que de
représentants des administrations compétentes, M. Yann Gaillard a
souhaité poser d'emblée une question fondamentale : quels
sont les enjeux pour la France d'une relance du marché de l'art ?
Indiquant que, pour lui, l'importance sans doute faible sur le plan quantitatif
-environ 20 milliards de francs de chiffres d'affaires pour l'ensemble du
secteur - ventes publiques et commerce - était néanmoins
significative au regard des ambitions de notre pays en matière de
culture ou dans le domaine des produits et des services de luxe, M. Yann
Gaillard a décrit, chiffres à l'appui, le déclin du
marché de l'art français : ainsi, en dépit de
chiffres globaux relativement rassurants - les commissaires-priseurs
représentant à peu près le même chiffre d'affaires
que chaque grande maison de vente aux enchères anglo-saxonne -, la
France ne représente que 5,6 % du marché mondial des
tableaux et dessins en 1998.
Il a souligné ensuite qu'une telle situation peut s'interpréter,
soit comme la conséquence d'un statut tellement protecteur qu'il en est
sclérosant, soit comme celle d'une infériorité
structurelle par rapport à des maisons de ventes anglo-saxonnes,
naturellement tournées vers l'international et qui ont fait preuve d'un
pragmatisme et d'un esprit d'innovation exceptionnels.
Il a ensuite attiré l'attention sur les facteurs structurels
macro-économiques à l'origine de cette situation, et qui
expliquent l'ascension de New-York et le déclin relatif de Londres comme
pôle majeur du marché de l'art, désormais mondial.
Enfin, il lui a paru important d'évoquer les transformations
structurelles en cours sur un marché en voie de globalisation :
extension des activités des grandes maisons de ventes à l'art
contemporain, investissements importants sur Internet, soulignant au passage
les liens toujours plus étroits entre marchands et vendeurs aux
enchères.
Abordant ensuite les aspects fiscaux d'une relance du marché de l'art et
renvoyant au rapport écrit pour les autres aspects de son analyse, M.
Yann Gaillard a mis l'accent sur l'étroitesse de la marge de manoeuvre
en la matière, compte tenu des contraintes communautaires et de
l'état d'esprit de l'administration fiscale, plus sensible à des
considérations de principe qu'aux exigences propres du marché de
l'art. Il a également estimé que beaucoup d'obstacles
étaient plus psychologiques que réels, même si cela pouvait
entraîner des conséquences non négligeables sur le
comportement des acteurs - acheteurs ou vendeurs - spontanément
allergiques aux contraintes administratives et fiscales.
En matière de TVA, il a souhaité que, à défaut de
pouvoir la supprimer à l'importation, on ne laisse pas se
perpétuer un différentiel de taux avec Londres, évoquant
à cet égard l'attention portée par les pouvoirs publics
britanniques à la question, comme il avait pu le mesurer lors de son
voyage à Londres. Il a aussi noté les effets pervers du
mécanisme de la TVA, qui freine les importations des collectionneurs et
pousse à l'exportation pour les marchands.
En ce qui concerne le droit de suite, M. Yann Gaillard a estimé qu'il
était difficile de revenir sur un droit d'auteur que la France avait
inventé, et qui était actuellement perçu dans huit pays de
l'Union européenne sur quinze, et qu'il fallait appuyer le projet de
directive en cours d'élaboration à Bruxelles, assorti de la
variante proposée par la présidence allemande comportant une
tranche à 0,5 % pour les oeuvres d'un prix de plus de 500.000 euros.
Puis il a examiné les perpectives d'adaptations ponctuelles tant de la
taxe forfaitaire sur les objets d'art (actualisation du seuil de
20.000 F ; alignement du taux applicable aux ventes en galeries et
aux enchères publiques) que des droits de mutation à titre
gratuit, pour s'efforcer de retenir sur le territoire national les
" trésors nationaux ", soulignant une fois de plus à ce
sujet l'efficacité du pragmatisme anglo-saxon.
En dernier lieu, il a évoqué la situation des galeries d'art
contemporain, aussi sinistrées économiquement que moralement
après l'euphorie des années 80, en souhaitant que l'on mette
en place, non des dispositifs fiscaux d'aide à l'achat des particuliers,
mais des dispositifs de financement de stocks fournissant des
débouchés aux jeunes artistes travaillant en France.
Un débat s'est ensuite engagé. M. Philippe Marini, rapporteur
général, a souhaité connaître les instruments
permettant de contrôler la sortie du territoire français des
oeuvres classées. S'agissant, par ailleurs, des acquisitions d'oeuvres
d'art par les musées publics, il s'est interrogé sur les mesures
qui permettraient de faciliter les apports de fonds de concours des entreprises
ou de personnes privées.
M. Jacques Chaumont et M. François Trucy ont tenu à souligner
qu'il existait un marché de l'art souterrain, dit " en
chambre ", dont il paraissait difficile de prendre la mesure.
M. Alain Lambert, président, a estimé que l'art devrait
constituer pour la France un des moyens de maintenir son rayonnement dans le
monde. Il s'est également demandé si l'aspect fiscal constituait
un outil efficace pour attirer un marché actif ou si la solution ne
résidait pas en une réelle volonté politique
vis-à-vis du marché de l'art.
M. Yann Gaillard a tout d'abord précisé qu'il existait des
mécanismes de protection des oeuvres classées et a
évoqué d'autres prérogatives régaliennes, comme la
retenue à l'exportation et l'exercice du droit de préemption par
l'Etat.
Il a ensuite indiqué que le système anglais de contrôle des
trésors nationaux, à la fois plus souple et plus efficace que le
système français, ferait l'objet d'un développement dans
le rapport d'information.
Il a reconnu que le marché de l'art, de gré à gré,
constituait un secteur important mais que la France se trouvait dans une
ignorance de la réalité et des chiffres de ce marché,
alors même que l'on trouvait des antiquaires dans toutes les villes de
France, phénomène qui n'existait, à cette échelle,
dans aucun autre pays d'Europe. Évoquant, par ailleurs, les secteurs
porteurs du marché qui expliquaient l'installation à Paris des
maisons de vente anglo-saxonnes, il a indiqué qu'il existait encore en
France des réserves d'oeuvres très importantes.
Enfin, s'agissant des obstacles fiscaux au développement du
marché de l'art français, il s'est déclaré
sceptique sur notre capacité à les lever, tout en rappelant qu'il
ne fallait pas en majorer l'importance.
Il a toutefois souligné que des mesures d'accompagnement pourraient
permettre aux pouvoirs publics de témoigner de l'importance du
marché de l'art en France. Il a regretté, à cet
égard, le retard pris dans l'examen du projet de loi sur le statut des
commissaires-priseurs.
La commission a alors donné acte au rapporteur spécial de sa
communication et décidé de publier, sous forme d'un rapport
d'information, le rapport qui en était l'objet.