2. Relations et tensions sociales
Nous allons appeler à nos côtés pour le beau à la porte des villes M. Guy Poirier, conseiller technique auprès du directeur de l'espace rural et de la forêt et M. Bruno Letellier, directeur du CAUE du Maine-et-Loire qui nous parlera de la beauté et de la laideur.
a) L'apparence des quartiers par M. Christian MOREAU, urbaniste
Je suis
urbaniste, architecte. J'ai beaucoup travaillé sur l'intégration
d'infrastructures et sur des problèmes d'environnement urbain. Je
reprendrai l'introduction de M. Delorme ce matin, sur la définition du
périurbain qui est tout à fait intéressante à
partir de la notion de déplacement. Le tissu qui nous intéresse
aujourd'hui est lié à la mobilité et aux modes de
déplacement nouveaux qui caractérisent le périurbain qui
nous intéresse. Il y a un débat qui est tout à fait clair,
c'est la confusion qu'il y a entre le développement des villes de
manière globale et le tissu périurbain. Je me suis
intéressé au périurbain sous l'angle d'un tissu
spécifique qui correspond au développement d'une urbanisation
liée à l'évolution des modes de déplacement et
à la mobilité. Le développement des zones industrielles et
des zones commerciales s'attache de manière indissociable en
matière de mobilité et de déplacements. On voit
aujourd'hui ces zones périurbaines se développer autour de ces
axes de déplacement et ce n'est pas nouveau, le commerce s'est toujours
déplacé le long des axes de communication, c'est la nature de ces
axes qui s'est modifiée et nous sommes devant des enjeux
considérables, en matière d'utilisation de l'espace, liés
à la nature de ces nouveaux axes de communication qui, eux-mêmes,
ont accompagné l'émergence de nouvelles formes de commerce.
Les éléments nouveaux peuvent être listés
rapidement. Nous avons des axes de communication qui se sont
développés autour des axes historiques, des nationales. Dans le
courant des années un certain nombre de projets de voies de
déviation, de contournement s'étaient développés.
Aujourd'hui ces voies sont intégrées dans de nouvelles formes
d'urbanisation qui reprennent le zonage qui a été
développé à l'époque. Le réseau des voies
rapides s'est développé dans les années 70 et plus
récemment des réseaux autoroutiers ont
généré un certain nombre de pôles de communication
ou d'échanges importants au niveau des échangeurs, des
croisements autoroutiers. Ce constat est le suivant : il y a occupation du
domaine agricole pour pouvoir réaliser toutes ces infrastructures qui
constituent un suréquipement en matière d'infrastructures et cela
a conduit à ce que soient consommés de plus en plus vite, de plus
en plus d'espaces qui deviennent rapidement obsolètes. Les
critères de localisation évoluent de manière très
rapide dans une logique très consommatrice d'espace et sans
véritablement d'idée de mutabilité, de recyclage de ces
espaces. Nous avons ce phénomène qui s'est un peu
développé autour des gares TGV où on avait imaginé
sur les gares de villes moyennes (Mâcon, Le Creusot, Amiens...), que se
développeraient de nouvelles zones d'échanges, de pôles
d'emploi. Cela a conduit à ouvrir à l'urbanisation des secteurs
tout à fait agricoles, ruraux et qui se sont trouvés mal
portés sur le plan économique et bien souvent en grande
difficulté mais déjà périurbains avant même
d'avoir été attachés à un centre urbain quelconque.
L'idée de périurbain, consommateur d'espace, est très
liée aux types des infrastructures elles-mêmes très
consommatrices d'espace et qui consomment de l'espace agricole, rural,
sensible, à forte valeur écologique. En fait, ces deux notions de
déplacement, de mobilité et d'urbanisation périurbaine
autour d'espaces fragiles sont indissociables.
Pourtant, il y a un certain nombre de notions qui ont été
rappelées ce matin sur l'intérêt ville/campagne ou
ville/agriculture. Une d'entre elles ne me semble pas avoir été
abordée : la ville a besoin de l'agriculture pour donner un sens
à ce qui n'est pas la ville elle-même et pour servir de
référence aux urbains. Je suis moi-même père de
famille et je suis tout à fait étonné de voir que ce n'est
pas une évidence pour un enfant de huit ans de savoir d'où vient
le yaourt et que cela ne vient pas seulement du supermarché ou de
l'usine à yaourts, que cela à quelque chose à voir avec
une activité agricole, une activité qui concerne la
géographie et là-dessus l'agriculture a à témoigner
vis-à-vis du monde urbain et dans une dimension culturelle très
importante d'un usage de l'espace qui, à mon avis, doit être vu
comme un service à rendre à la ville.
Il y a une notion sous-jacente dans tout cela qui est
intéressante : autour du périurbain, et du périurbain
lié aux infrastructures, s'est développée la notion d'un
espace jetable, consommable qui est vécu comme une denrée
amortissable, quelque chose qui, en fait, est à prendre à un
moment donné parce que les facteurs sont favorables et qui tombe en
déshérence et dans des cycles très courts sans que l'on
ait la préoccupation du recyclage de ces sites. Cette notion prend deux
références : il y a la référence
nord-américaine à laquelle tout le monde pense, pays de
pionniers, il y a beaucoup d'espace et il est consommé. C'est une
référence à caractère industriel. Jusque
très récemment, quand la mine s'installe à un endroit,
elle exploite le site et lorsque celui-ci est exploité, on va un peu
plus loin et le site tombe en déshérence du point de vue
industriel et c'est normal. C'est ainsi que nous avons assisté à
la création d'immenses bassins industriels, miniers,
sidérurgiques et autres. Cette notion a été
appliquée finalement aux territoires périurbains sans autre forme
de procès. Nous sommes face à un espace qui est consommé
et qui n'est pas recyclé. Je vais aller plus loin : on sait que le
développement du crédit-bail pour le financement de cet espace va
dans ce sens puisque finalement nous acceptons, et c'est cautionné par
le financement, d'avoir une denrée périssable. La
différence est que nous nous retrouvons avec des déchets qui sont
de l'espace utilisé et qui tombe en désuétude parce que la
départementale s'est développée et qu'il y a une rocade,
parce qu'il y a un échangeur qui s'est déplacé, il y a
donc là des déchets à recycler.
En conclusion, je reprendrai plusieurs types de recommandations :
- C'est de clairement identifier ce qui est du domaine du bâti et du
domaine du non bâti et de l'identifier durablement. Dissuader
également l'urbanisation abusive de secteurs qui sont, d'un point de vue
économique, fragiles, d'un point de vue écologique, importants
comme les zones humides, les bassins d'expansion de crues. Ces zones doivent
être clairement qualifiées de façon à ce que la
pression foncière même d'un moment, fut-il très court, ne
puisse pas ne pas prendre en compte cet aspect.
- Nous devons également justifier des infrastructures et de leurs
impacts. Il y a un gros travail à faire sur les études d'impacts
qui sont très bien définies par le législateur, mais qui
ne prennent pas en compte cet aspect de création de déchets
urbains ou d'espaces disqualifiés quand une infrastructure remplace une
infrastructure précédente et va poser la question d'un certain
nombre de sites qui ont été structurés par la
première infrastructure et qui vont perdre de leur sens.
C'est donner une ossature paysagère urbaine permanente au-delà
d'un strict usage à un moment donné, pour tel ou tel centre
commercial, telle ou telle zone d'activités, telle ou telle
opération pavillonnaire. Il faut se dire qu'on entrevoit un usage, que
cet usage n'aura qu'un temps et que nous avons à mettre en place une
réflexion permanente, pérenne au-delà de cet usage.
Ainsi, nous pourrions appliquer des principes qui vont largement au-delà
du problème périurbain, qui sont des principes de
précaution. En France, l'espace est une denrée rare auquel il
faut appliquer un principe d'économie, de précaution. Il faut
ensuite appliquer des principes classiques, pollueurs / payeurs
c'est-à-dire poser le problème du recyclage des espaces au moment
où ils sont créés, se dire qu'il y a une
responsabilité à assumer au moment de l'aménagement, la
mutabilité de ces sites.
Enfin, il y a le troisième aspect fondateur qui est de dire qu'il y a un
déficit démocratique, se poser la question du bon outil pertinent
pour pouvoir apprécier des choix en matière d'aménagement
notamment en regard de l'intercommunalité et des concurrences entre
communes qui sont souvent génératrices de cette forme
d'urbanisme. Il y a un problème de fond à se poser sur les
notions de mobilité et de droit à la mobilité pour tous
quand on voit se développer un urbanisme qui est très
orienté vers un certain type de mode de déplacement individuel,
en voiture, et qui exclut du fonctionnement urbain, de l'emploi, du commerce,
de l'activité culturelle un certain nombre de personnes qui n'ont pas
accès à ce droit à la mobilité pour tous. Merci.
M. Daniel PERCHERON
: Nous allons entendre M. Calamme qui va nous
présenter la Bergerie du Véxin et après Mme Bourgain.