C. LE FONCIER : CLE DE LA RECONQUÊTE
Introduction de M. Michel SOUPLET, sénateur de l'Oise, rapporteur de la loi d'orientation agricole
Nous
allons aborder le dernier problème de l'ordre du jour
c'est-à-dire le foncier. Tout à l'heure quand il a
été dit que je traiterai cet aspect, on avait l'air de dire que
l'on m'avait confié ce dossier car je venais de défendre, en tant
que rapporteur, le projet de loi d'orientation agricole devant le Sénat.
La raison première pour laquelle M. Gérard Larcher m'a
demandé d'être là, c'est que dans le département de
l'Oise où j'ai été président de
Fédération et de Chambre, globalement, pendant 32 ans, nous avons
eu énormément de dossiers à régler, dossiers
fonciers sur expropriations. Nous avons eu les autoroutes du Nord, l'autoroute
d'Abbeville, le TGV, des passages de lignes à haute tension. Ainsi,
depuis 32 ans, et cela continue, nous avons toujours des négociations
importantes qu'il a fallu traiter au cas par cas et de ce fait, le
président Larcher pensait que l'on pouvait évoquer ces aspects
durant ce débat.
Mais ce débat était pour moi très intéressant car,
né dans un village rural où je continue d'habiter, au sud du
département de l'Oise, j'ai constaté aujourd'hui que
j'étais né rural et que je périrai urbain.
Nous allons maintenant aborder au fond le problème qui nous est
posé. Effectivement, à chaque fois qu'il y a
nécessité d'implanter une infrastructure quelle qu'elle soit, il
y a nécessité de trouver du sol, donc de chercher par quel moyen
il est possible de libérer des terres pour les utiliser à
d'autres usages et cela nous paraît fondamental. Mais lorsque l'on parle
d'emprise de terres, il faut déjà penser qu'il y a
peut-être deux partenaires : il y aura le propriétaire et
l'exploitant. Et les deux partenaires ont des intérêts parfois
divergents. Nous constatons aussi que sur les emprises de terres en milieux
périurbains, il y a une concurrence acharnée, entre les
problèmes à résoudre d'urbanisme, de construction de
logements, d'implantation d'entreprises, d'usines, de zones industrielles, de
zones artisanales, etc. et que cette concurrence joue sur la recherche des
terrains possibles, et stimule, de ce fait, le coût de ces terrains et
les prix d'expropriation. La première victime de l'expropriation, c'est
l'exploitant agricole et le propriétaire. C'est vrai que pour
l'exploitant agricole, selon l'importance de l'emprise, on détruit tout
ou partiellement l'outil de travail qui est son exploitation agricole. Et comme
dans 90 cas sur 100, il ne pourra pas s'agrandir sur place, on lèse
l'entreprise d'un potentiel de productivité plus ou moins important. Les
indemnités sont obligées de tenir compte de cette emprise et de
son importance sur l'exploitation générale.
Les collectivités locales ont beaucoup de mal à définir
une politique foncière. Tout à l'heure, M. Michel Mercier nous
parlait de programme à long terme qui nécessitait une vue
à longue distance des besoins potentiels de terres. Mais comment les
acquérir ? Quand une exploitation est libérée,
peut-être peut-on à ce moment-là essayer de l'acheter au
titre de la collectivité possédant un certain potentiel foncier,
afin, par des échanges, de permettre à d'autres exploitants de
s'agrandir légèrement quand il y en a un qui accepte de partir.
Et on fait du remembrement intégral local à l'amiable. C'est une
solution qui est assez rare mais elle existe et il ne faut pas l'ignorer.
Se pose aussi le problème des moyens financiers d'une
collectivité. Est-ce qu'au moment où elle a prévu son
programme, elle a les moyens financiers pour faire des réserves
foncières ? Bien souvent, non. Nous avons donc une politique au coup par
coup et toute la journée d'aujourd'hui nous avons entendu parler de ces
problèmes.
Nous avons évoqué aussi le problème du montant des
évaluations foncières dans le rapport de M. Gérard
Larcher. On cite parfois des indemnités beaucoup trop
élevées. Il est difficile de juger si l'indemnité est
élevée. Ce que je peux dire en tant qu'ancien président de
chambre, c'est que lorsque nous avions une expropriation en région
parisienne importante, concernant, deux, trois ou quatre agriculteurs,
l'indemnité qui leur était versée leur permettait de se
réinstaller dans un rayon de 50 à 100 kilomètres,
c'est-à-dire dans les départements limitrophes, avec les moyens
de concurrencer ceux qui étaient en place lorsque leur exploitation
était à vendre. Et nous avions à gérer le double
problème :
- soit on laisse partir un agriculteur parce qu'il ne peut plus faire jouer son
droit de préemption compte tenu du prix qui est offert,
- soit d'empêcher celui qui voulait s'installer, parce qu'il avait
été exproprié ailleurs, de le faire.
Si je vous expose mes états d'âme, c'est que nous avons eu
à régler ces problèmes en permanence et qu'il est vrai
qu'ils ne sont pas faciles à résoudre car il n'y a pas beaucoup
de solution miracle.
Enfin, il y a le problème de la déstabilisation d'un exploitant
agricole. J'ai entendu un jeune qui disait "Je suis agriculteur de façon
précaire et je risque de le rester longtemps. Je suis comme un oiseau
sur la branche, je ne sais pas de quoi le lendemain sera fait". Or
l'agriculteur a besoin de la sécurité, de la
longévité, d'argent car c'est une profession où il faut
beaucoup de capitaux, et il ne peut pas prendre le risque d'investir s'il n'a
pas un minimum de sécurité dans la durée. Voilà
tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés lorsque l'on
est en région périurbaine et où l'on doit essayer de
résoudre des problèmes que l'on a évoqué toute
cette journée.
Il est vrai que la loi d'orientation agricole pourrait peut-être sur
certains aspects donner des moyens supplémentaires aux
collectivités locales. Quant aux SAFER, nous avons essayé de
renforcer un peu leurs moyens. Nous n'avons pas obtenu tout ce que l'on aurait
souhaité mais malgré tout, il y a une amélioration et
peut-être qu'en commission mixte paritaire, nous pourrions revoir ce
problème. Il y a eu le problème de la réciprocité
entre les exploitations agricoles déjà installées et des
nouvelles installations qui se font dans un périmètre
protégé où l'on met en difficulté l'agriculteur
alors qu'il était premier occupant du site, et que normalement il devait
pouvoir bénéficier de cette première occupation. Mais
aujourd'hui nous avons oublié qu'il était là avant les
autres et à cause de ses nuisances, on lui impose parfois de partir.
Voilà ce que je voulais dire. Il n'est pas impossible que, dans le cadre
des CTE, nous ayons un moyen supplémentaire pour permettre à des
agriculteurs, dans un contrat avec l'Etat, de remplir le travail qu'ils font
actuellement bénévolement, dans bien des cas, et qu'ils
pourraient demain faire au travers de ces contrats territoriaux d'exploitation
avec l'Etat et les collectivités territoriales.
Je vais demander tout d'abord à Mme Anne Bain qui est directeur à
l'action foncière et immobilière de l'Agence foncière et
technique de la région parisienne de prendre la parole. Elle pourrait
peut-être évoquer devant nous l'expérience de cet
opérateur foncier très important et les problèmes
posés par les évaluations foncières, parfois
élevées, qui sont faites par les tribunaux.
1. Mme Anne BAIN, directeur des affaires foncières et immobilières de l'AFTRP
Je vous
remercie, Monsieur le président. L'exercice auquel je dois me livrer
devant vous est doublement périlleux. D'une part parce que, plus on
avance dans la journée, plus des choses que l'on voulait dire sont dites
par ailleurs et, d'autre part, parce que l'Agence foncière et technique
de la région parisienne est un opérateur foncier, un prestataire
de services. Or aujourd'hui je parle devant certains de nos donneurs d'ordres,
que ce soit la région d'Ile-de-France, ou l'Etat ou nos partenaires,
comme les SAFER, et aussi devant nos interlocuteurs au quotidien que sont les
propriétaires, puisque le foncier est le point de passage obligé
de toutes les réalisations, qu'elles soient de protection,
d'équipement, d'aménagement ou de restructuration. Pour autant,
je vous demande de reconnaître à l'outil que je représente,
l'intelligence -au sens de compréhension- résultant de
l'expérience, puisque l'Agence foncière et technique a
été créée en 1962, et une bonne connaissance du
territoire francilien.
Sur les territoires sur lesquels nous intervenons, différents acteurs
réalisent des projets qui n'ont pas obligatoirement une logique
foncière. Si je prends l'exemple du pôle de Roissy, qui est un
pôle d'excellence d'envergure européenne, nous intervenons pour le
compte de la région d'Ile-de-France, par l'Agence des Espaces Verts,
dans une logique de protection des espaces naturels. Nous sommes intervenus
également pour le compte d'Aéroports de Paris pour
maîtriser le foncier des pistes 3 et 4 de l'aéroport
Roissy-Charles de Gaulle. Le problème d'ADP n'était pas
obligatoirement celui du niveau des prix fonciers parce que dans ce projet,
sous son aspect politique et dans son coût total, le foncier
représentait peu. L'AFTRP est également intervenue pour la
Chambre de commerce et d'Industrie pour l'extension du Parc des expositions de
Paris Nord -Villepinte. Intervention également dans le cadre d'une zone
d'activités internationale, dans le prolongement de cette extension.
Nous sommes également intervenus pour la réalisation d'un
transformateur pour le compte d'EDF : dans ce cas encore, le coût du
foncier n'était pas obligatoirement l'élément
déterminant dans la réalisation du projet. Tout cela pour dire
que si les prix avaient dérapé dans le cadre de l'acquisition du
foncier pour un équipement ponctuel, ces références de
prix auraient été opposées ensuite aux autres projets qui,
eux, nécessitaient des investissements publics très importants :
assainissement, infrastructures routières, transports en commun, etc.
Or, si l'on part d'un prix de foncier trop élevé, sans commune
mesure avec la valeur des biens et leur utilisation effective au moment
où ils sont acquis, c'est la faisabilité du projet qui peut
être remise en cause. De ce point de vue, on peut considérer que,
sur le Pôle de Roissy notamment, l'AFTRP a joué un rôle de
" chef d'orchestre " et de modérateur des interventions
publiques du point de vue des prix fonciers.
Si l'on reprend le document de référence pour l'Ile-de-France que
constitue le schéma directeur régional, celui-ci postule un
recentrage de la croissance francilienne sur les parties déjà
urbanisées et préconise une stricte maîtrise des
développements périphériques. Sauf que la tendance
naturelle est d'aller là où c'est " facile " : le
foncier en zone périphérique est moins cher, plus facile à
maîtriser et à équiper pour réaliser de nouvelles
urbanisations. L'intervention sur les centres est une problématique
beaucoup plus complexe. Il ne suffit pas de dire " recentrage, la ville
sur la ville ou la ville renouvelée ". Il faut également
voir comment faire en sorte de restructurer effectivement les tissus urbains
existants. Si nous ne faisons pas l'effort d'intervenir sur ces tissus
existants en nous en donnant les moyens, le problème de la protection
des espaces agricoles périurbains ne se réglera pas.
Etant opérateur, je vais parler de manière très terre
à terre, en rappelant un certain nombre d'évidences qui ont
déjà été évoquées : le foncier
est support d'enjeux conflictuels, le foncier est un bien rare, non
renouvelable -beaucoup l'on dit- ou, si les utilisations ne sont pas
irréversibles, elles sont lourdes et coûteuses, bien
qu'indispensables : je pense aux friches industrielles, aux grands
ensembles en difficulté, à la ville renouvelée.
Pour illustrer mon propos sur la reconstruction de la ville sur la ville par
rapport aux extensions urbaines, je prendrai les chiffres du Ministère
de l'emploi et de la solidarité, source officielle, chiffres qui
résultent d'une extrapolation des tendances constatées depuis le
début de la décennie jusqu'en 2020 même si cela nous
mène un peu au-delà du prochain contrat de plan
Etat/région. Nous constatons à cette
échéance : - 15 % sur Paris intra-muros -donc une poursuite
du dépeuplement de la ville capitale-, + 40% sur la grande couronne, et
- 11 % sur la première couronne. En suivant ces tendances, nous ne
serions pas du tout dans ce qui est préconisé par le SDRIF,
à savoir gérer de façon économe les espaces
à ouvrir à l'urbanisation en privilégiant la
reconstruction de la ville sur la ville. Ce sont des chiffres qu'il faut avoir
à l'esprit parce qu'en 2020, s'ils se confirmaient, le premier
département francilien sera la Seine-et-Marne avec 2 800 000 habitants,
et c'est a priori le scénario de l'inacceptable.
Donc, au-delà des constats et des analyses, protégeons les
espaces naturels, gérons-les de façon économe, optimisons
les prélèvements sur les surfaces agricoles en n'additionnant pas
les projets individuels, mais en structurant ces réalisations par
rapport à des projets d'ensemble. Nous retrouvons là la notion de
temps et de durée des opérations, qui dépasse aussi la
durée des mandats qui séquencent l'intervention des
différents acteurs de l'aménagement : il y a des
périodes " où on ne bouge plus " parce que les
échéances électorales se rapprochent, et après, il
y a une " fenêtre de tir " pour repartir. Si je prends le cas
des ZAC en difficulté, après les derniers renouvellements,
certains ont dit : "il y a des nouveaux maires, ils vont pouvoir
faire le bilan et relancer les opérations". Car les ZAC
«plantées» constituent des gisements fonciers
stratégiques dans les quartiers existants, totalement desservis par des
lignes de métro, des bus, etc. Sauf qu'il faut reconnaître les
erreurs passées, et ce pas n'a pas toujours été franchi.
Dans la stratégie foncière, il n'y a plus d'ordonnance
transposable d'un projet à l'autre. Nous sommes dans la " haute
couture au prix du prêt-à-porter ", surtout dans les tissus
à restructurer. Il faut chaque fois investir sur un état des
lieux, une connaissance fine du tissu, car, lorsqu'on est en zone urbaine, les
niveaux de prix sont de l'ordre de 1 000 à 2 000 F du mètre
carré, et les montants en jeu ne sont pas les mêmes qu'en zone
" NA " -agricole-, même si c'est 70 F par mètre
carré.
Il faut donc partir d'une analyse fine du territoire urbain à
restructurer : connaissance du foncier du parcellaire, des
propriétaires, de l'évolution des mutations -" qui a vendu
quoi à qui "- identifier les propriétaires qui peuvent
être des partenaires dans la mise en oeuvre des projets. Mais cette
problématique de la reconstruction de la ville sur elle-même
implique des investissements lourds au travers d'opérations qui
coûtent à la collectivité. C'est pour cela que, dans nos
démarches, nous faisons des projections sur les aspects fiscaux, sur les
retombées de toutes natures sur le long terme. Il y a des
économies à court terme qui coûtent beaucoup sur le long
terme.
Le foncier n'est pas une fin en soi mais c'est un point de passage
obligé. Le foncier est au service d'objectifs. Acheter du foncier sans
savoir ce que l'on va en faire, c'est se charger de foncier alors que les taux
d'intérêts réels sont positifs. Plus on porte, plus cela
coûte, non seulement en prix de revient, mais aussi en gestion, en image
de l'intervention de la collectivité publique : squats,
décharges publiques, occupations non contrôlées par des
gens du voyage. Le foncier est un maillon d'une chaîne avec, en amont des
réflexions de planification et, en aval, des processus
opérationnels qui peuvent se décliner, de façon
partenariale, dans le temps.
L'ingénierie foncière a aujourd'hui une réalité
compte tenu des territoires sur lesquels nous sommes appelés à
travailler. Si je reprends l'exemple des démarches de l'AFTRP,
au-delà du pôle de Roissy que j'évoquais tout à
l'heure, ce sont aussi les études de stratégie foncière
que nous avons réalisées, à la demande de l'Etat, sur les
sites de la Plaine-Saint-Denis et de la Seine Amont, deux territoires aux
portes de Paris.
Vous m'avez demandé de dire quelques mots sur les estimations. Je ferai
une incidente sur les textes, nous parlons beaucoup de
réformes : je pense que la " boîte à
outils " dont nous disposons n'est pas parfaite, mais que ce sont moins
les outils que leur utilisation qui est en cause. Nous avons parlé de la
diffusion des pratiques, des partages d'expérience. Or, chaque fois que
l'on fait un texte nouveau, il faut d'abord l'expliquer, qu'il se
" diffuse ". Les outils ne me semblent pas obsolètes, il faut
mieux s'en servir, peut-être autrement.
S'agissant des règles d'estimation des terrains, c'est la loi
" Aménagement " de 1985 qui a réformé les
règles d'évaluation des terrains définies par l'article
L13-15 du code de l'expropriation. Je pense qu'en l'espèce, le
législateur est allé aussi loin qu'il le pouvait dans la mesure
où ce texte dit que, pour qu'un terrain puisse être
qualifié de terrain à bâtir, il faut qu'il soit
situé dans une zone désignée comme constructible par un
POS ou un document d'urbanisme en tenant lieu et, cumulativement, qu'il soit
desservi par un certain nombre de réseaux de capacité suffisante.
Si l'une ou l'autre de ces conditions n'est pas satisfaite, le terrain doit
être estimé en valeur agricole. Ce texte est passé au
Conseil constitutionnel. A l'époque j'étais au Ministère
de l'équipement, et j'allais expliquer les nouveaux dispositifs. J'avais
été appelée à intervenir devant une
assemblée de juges de l'expropriation, et certains m'ont
expliqué : "quels que soient les textes, nous les
respecterons, mais nous aboutirons aux valeurs que l'on considère comme
justes". Là encore, la démarche pertinente ne me semble pas de
réformer une nouvelle fois les règles -je ne vois pas comment on
pourrait aller plus loin que cette double exigence et éviter la censure
du Conseil constitutionnel.
Par contre, ne faudrait-il pas que les juges compétents en la
matière, -qui sont au coeur du dispositif, puisqu'en matière
dévaluations foncières, ils donnent le feu vert ou ils condamnent
un projet selon le niveau de prix qu'ils estiment-, bénéficient
d'une formation spéciale à ce domaine de l'urbanisme si complexe.
J'ai rencontré des juges de l'expropriation, qui auparavant
étaient juges pour enfants, et qui découvraient l'emplacement
réservé, la date de référence en ZAD sous DUP, etc.
Dans ce cas-là, ils additionnent les prétentions de
l'exproprié, les offres de l'expropriant, divisent par deux, et la
vérité ne serait pas loin. Sauf que ce n'est pas le cas et que,
parfois, cette marge est celle qui condamne l'opération
-déclarée d'utilité publique par ailleurs. C'est donc une
formation spéciale, une valorisation de ce métier, qui pourrait
apporter une solution, car les juges sauront alors dans le détail ce que
sont les documents et les procédures d'urbanisme, les contraintes des
collectivités, et qu'ils auraient une approche économique
au-delà d'une approche qui, aujourd'hui n'est que juridique.
Depuis 1991 ou 1992, il y a une nouvelle jurisprudence de la Cour de Cassation
qui se réfère à la notion de " situation
privilégiée " d'un terrain : en zone agricole, le
juge constate qu'effectivement ce n'est pas une zone constructible au regard
des documents d'urbanisme, qu'elle n'est pas équipée de telle
façon que l'on puisse en déduire une constructibilité.
Pour autant, considérant que le terrain n'est pas très
éloigné de ce qui est déjà bâti, le juge
n'alloue plus 10 F mais 70 F par mètre carré.
En ce qui concerne la question des procédures passées en Villes
Nouvelles, il faut tirer les enseignements du passé. Les Villes
Nouvelles, ce sont les années 60-70. C'était aussi le
départ des expropriations sur 200 hectares. Depuis, il y a eu la crise.
Aujourd'hui, nous intervenons différemment, y compris dans le maniement
des procédures. On ne lance plus de DUP avec ordonnance d'expropriation
dans la foulée, puis saisine du juge pour savoir combien cela va
coûter. Nous privilégions les négociations amiables, les
reconstitutions de références de prix en expliquant aux uns et
aux autres. Et après cette étape, on saisit le juge, non pas pour
faire transférer la propriété, mais pour faire fixer le
prix : ce sont les fixations provisionnelles. Une fois que le juge a
fixé le prix, si c'est trop cher, on n'achète pas. Cela peut
d'ailleurs rouvrir une négociation avec les propriétaires.
Voilà ce que je pouvais dire brièvement, Monsieur le
Président.
M. Michel SOUPLET :
Merci Madame. Il est un fait que c'est un
problème très complexe et qu'être capable de définir
une valeur réelle d'un bien exproprié, c'est très
difficile. Vous avez d'ailleurs laissé sous-entendre que dans bien des
cas, le juge décidait d'un prix qui pouvait paraître très
élevé mais dans la mesure où cela évite toute la
hiérarchie des procédures qui, elles, retardent les dossiers et
les investissements lourds, cela coûte beaucoup plus cher. Et les juges
bien souvent pensent à l'efficacité globale du projet et à
l'intérêt que représente le coût du foncier par
rapport à la structure globale.
Je vais demander maintenant à M. Balny, directeur de l'Agence des
espaces verts de la région parisienne, de bien vouloir prendre la
parole. Il pourrait nous évoquer la politique d'achat des terres
agricoles et d'espaces naturels sensibles de son agence et pourrait aussi
évoquer les résultats du groupe de travail qu'il a
constitué pour envisager les solutions alternatives à l'achat.