4. Encourager le remodelage des quartiers par M. Michel MERCIER, sénateur du Rhône, président de l'OPAC du Rhône
Merci
Monsieur le président. Je ne vais peut-être pas aborder le fond du
sujet qui m'a été confié car je crois qu'il n'a pas de
lien très réel avec le sujet du colloque, encore que ! Les grands
quartiers, c'est d'abord une réponse historique à un moment
donné, à une demande très forte d'habitat. A la fin de la
guerre, essentiellement, le retard antérieur en matière de
logement et la croissance industrielle ont amené cette réponse
des grands quartiers. Si nous regardons avec un peu de recul, nous voyons que
ces quartiers nouveaux, cela a été aussi un moment où la
ville s'est abandonnée elle-même en se transformant en
consommatrice d'espace. Cette réponse historique, avec cette production
de masse nécessaire a probablement aujourd'hui trouvé ses
limites, pour de multiples raisons, tant au point de vue de l'urbanisme
où l'on s'aperçoit que les conceptions urbani-innovantes n'auront
pas duré, que du fait de ses conséquences économiques et
sociales. On est passé d'une population diversifiée, qui a
été la première occupante de ces quartiers - des classes
moyennes pour la plupart - à une population qui est de plus en plus
paupérisée, si bien que l'équipement du pays en logements
s'est fait petit à petit autrement, que l'idée de ville a repris
toute sa valeur et que tous les essais d'un urbanisme nouveau apparaissent
comme un échec relatif. C'est là que l'on peut le plus
éviter les effets de ghettos. Si l'on regarde sur une durée assez
longue, nous nous apercevons que cette consommation de l'espace a
été d'une certaine façon un gâchis et qu'il faut
apporter aujourd'hui une autre réponse. Cette réponse, c'est la
démolition, le remodelage des quartiers périurbains en
reconstruisant la ville traditionnelle avec la rue, l'îlot, le commerce,
comme l'a rappelé Monsieur Raffarin. Donc, un des moyens d'arriver
à cela, c'est bien entendu de démolir ce qui a été
construit à un certain moment et cela entraîne un certain nombre
de problèmes, de négociations avec les locataires pour le
relogement, d'équilibre économique puisqu'il y a encore des
emprunts qui courent et que l'on va casser quelque chose qui ne rapportera plus
rien. Puis il faut reloger, et quel type de relogement va-t-on offrir aux
gens ?
On s'aperçoit que si l'on veut faire une politique de logement où
le lien social reprendra toute sa place, il faut rapprocher les gens les uns
des autres, et que le relogement des gens qui habitent ces quartiers qui
étaient nouveaux il y a quelques années, doit se faire d'abord
par la reconquête de la ville. C'est l'utilisation des
possibilités que donnera la ville avec la dispersion et la mixité
assurée qui peut être aujourd'hui une réponse. Il faut que
l'on sépare et que l'on respecte, le terrain, le territoire et que la
ville, en se reconstruisant, en retrouvant son rôle social, respecte le
foncier qui est autour d'elle, car la consommation foncière n'est pas la
solution pour la ville.
A mon sens, il ne doit pas y avoir d'opposition entre l'urbain et la campagne,
et au contraire, aujourd'hui, la ville a besoin de se retrouver elle-même
avec tout ce qu'elle peut créer comme lien social.
Questions - réponses :
Un interlocuteur
(dans la salle) : S'il y a un contentieux, on nous dit par
exemple "On ne peut pas faire appel à une irrégularité
dans l'expropriation contre un permis de construire." Ce sont deux
législations distinctes, donc on ne peut pas juger les moyens qui valent
sur le domaine exproprié. Je précise, l'anticipation d'un permis
de construire sur une déclaration d'utilité publique et en
déclarant clairement que le plan soumis à enquête pour la
déclaration d'utilité publique ne s'impose pas pour la
construction. C'est l'incohérence totale. Ou encore, installation
classée et permis de construire. C'est jugé isolément.
Comment le législateur peut-il assurer la cohérence des
différentes lois et que cette cohérence s'impose ensuite aux
juges, c'est-à-dire au Conseil d'état ?
M. Guy FISCHER -
Je crois que le problème est réel. Je
vais donc demander à Monsieur Lemas de vous répondre.
M. Pierre-René LEMAS -
Sur les cas que vous citez, toutes les
situations sont particulières. Sur le problème de fond de la
cohérence, vous avez raison, il y a un sujet aujourd'hui qui est la
démultiplication des législations qui se sont surajoutées
les unes sur les autres et pour lesquelles il y a, de l'une à l'autre,
un lien soit de conformité, soit de compatibilité, ce sont les
mots magiques du Code de l'urbanisme. Je crois que nous avons effectivement
besoin d'aller vers une meilleure lisibilité de l'ensemble de ces
législations, dans tous les domaines, c'est-à-dire à la
fois en terme de permis, en terme d'expropriation et sans doute en terme de
schéma directeur ou de documents de cohérence. Nous avons
cité tout à l'heure les ZPPAU, les ZNIEFF, etc. Ce sont des
documents qui ont chacun leur utilité, chacun leur pertinence. Ils sont
incompréhensibles pour le commun des mortels. La ZPPAUP s'est d'abord
appelée ZPPAU, et s'appelle maintenant la ZPPAUP, tout cela est un peu
barbare, mais nous avons besoin d'aller vers plus de cohérence de ces
législations pour une vision globale du territoire.
Je crois que nous sommes à un moment où il y a un type de
débat qui me semble-t-il est derrière nous, et nous sommes
à un moment de chance ou d'opportunité.
L'opportunité est la suivante : il y a une quinzaine
d'années, 20, 30 ans, dans la foulée de la reconstruction,
l'objectif était de construire des villes neuves. Nous avons
parlé tout à l'heure du foncier dans les villes nouvelles. On
bâtissait dans des zones agricoles au foncier pas cher. Aujourd'hui la
priorité, et l'ensemble des acteurs publics le reconnaît, c'est de
faire en sorte que l'on puisse bâtir, comme l'a dit le président
Mercier, la ville sur la ville. Les collectivités locales, l'ensemble
des acteurs veulent faire quoi ? Ils veulent réhabiliter des logements
mal fichus, ils veulent faire de l'acquisition/amélioration avec une
fiscalité adaptée pour loger les gens dans une situation de
mixité sociale ; ils veulent pouvoir démolir ce qui ne va pas
pour reconstruire, c'est cela la priorité. Il me semble que nous sommes
à une période où ce besoin de rendre la ville plus dense
et de la reconstruire sur elle-même, est en même temps une chance
pour ce qui est du lien ville/campagne. Ne laissons pas passer ce moment qui me
paraît important et nouveau. Les choses ont changé de ce point de
vue.