2. L'application des dispositions relatives à l'urbanisme commercial par M. Jean-Pierre RAFFARIN, ancien ministre, sénateur de la Vienne
Merci
Monsieur le Président. Ce sera d'autant plus facile que M Lemas a
été très complet. Ce que vous dites sur la
sémantique me paraît très important. Ne serait-ce que dans
les mots qui sont employés lorsque l'on parle de périurbain, la
présence du mot périmètre et du mot frontière,
alors qu'il s'agit d'espace, et si vous lisez bien le texte de Mme Voynet, vous
verrez qu'il y a une sémantique complètement nouvelle en terme
d'aménagement du territoire par rapport aux précédentes.
Il est très important de voir l'importance que prennent des mots comme
développement durable. Quelquefois les mots prennent plus d'importance
que le contenu. Cela devrait nous faire réfléchir parce que
qu'est-ce que l'on met derrière ces "périmètres", ces
"frontières", alors que dans les logiques, aujourd'hui, nous voulons
abaisser les frontières et là, je vois en titre :"Les espaces
périurbains, une frontière en mouvement".
Je crois que la problématique est là : le périurbain
est-il un espace, est-il une frontière ? A-t-il une identité ?
Cette identité s'est fondamentalement développée autour
des logiques économiques, laissant de côté pratiquement
complètement le social, et complètement le culturel. Au fond,
l'identité du périurbain c'est un gros coefficient
économique et des fragilités sociales et culturelles. Ce sont des
territoires qui sont souvent fragiles sur le plan identitaire et pour moi qui
suis un militant de la décentralisation, il n'y a pas de mobilisation
sans identité. Avoir au fond de son coeur un petit territoire auquel on
est attaché pour pouvoir se battre, c'est là sans doute le
meilleur des ressorts du dynamisme. Le problème du périurbain est
qu'il n'a pas d'identité la plupart du temps, notamment parce que le
culturel et le social y sont déficients et que l'économique s'y
est fait cannibale. Territoire vécu, souvent territoire imposé.
Territoire flux plus que territoire stock, territoire où
l'hypermarché a joué le rôle de moteur, de pompe aspirante
et refoulante sans que cela ait, en dehors de la fiscalité, sur le plan
social, comme sur le plan culturel, beaucoup amélioré
l'identité de ces espaces périurbains.
Ce qui est très important, pour en venir au sujet de l'urbanisme
commercial, c'est que l'on voit bien que dans ces secteurs-là, les
hypermarchés ont été vraiment les moteurs du
développement parce qu'ils ont créé des flux de
populations très importants, qu'ils ont également
créé des richesses et concentré un pouvoir,
économique essentiellement. On est allé beaucoup trop loin dans
la logique du développement de l'hypermarché et je rejoins le
thème fiscal : c'est vrai que très souvent la chasse à la
taxe professionnelle a été le moteur pour les communes qui
n'avaient pas d'autre identité que ce fait d'être un espace
intermédiaire. Elles sont allées chercher là une
ressource, un positionnement, une activité et évidemment beaucoup
d'abus ont été ici enregistrés. Des efforts ont
été faits pour maîtriser le phénomène. Sur le
plan juridique, puisque je suis interrogé sur les dispositions relatives
à l'urbanisme commercial, je crois que le territoire a, en grande
partie, les moyens de maîtriser ce dispositif commercial. Les
dégâts sont faits et les maîtrises viennent un peu tard, il
aurait fallu s'y prendre plus tôt. La question de fond est "avons-nous
les moyens de maîtriser le dispositif ?". Je pense que la loi sur
l'urbanisme commercial aujourd'hui, notamment avec la Commission
départementale nous permet d'avoir une approche raisonnable puisque nous
avons choisi d'être équilibrés par rapport au pouvoir
politique. Les élus ne sont pas parfaits mais ce sont eux qui sont
légitimement les plus puissants sur le plan de la lecture
démocratique, 3 pour les élus, 3 pour les professionnels. Dans
les élus nous mettons le Maire de la commune concernée et
l'agglomération et l'on va chercher la commune concurrente. Quand les
trois élus sont d'accord, cela veut tout de même dire quelque
chose, mais cela ne suffit pas. Il faut aller chercher un quatrième
soutien qui doit être du côté des Chambres de
métiers, des Chambres de commerce ou chez les consommateurs. Il est vrai
que l'on peut l'emporter quelquefois contre les artisans, contre les
commerçants, mais on l'emporte à condition que tous les
élus soient d'accord et que les consommateurs soient d'accord, ce qui
veut dire que c'est un projet qui a quelque pertinence. Il faut trouver
l'équilibre. Je veux bien que l'on conteste toujours les
décisions des élus mais qu'avons-nous de mieux que les
élus pour décider ? Et finalement, ce dispositif avec une
majorité de 4 sur 6 me paraît pouvoir être
maîtrisé. Le pouvoir réglementaire a ensuite ajouté
un certain nombre de contraintes comme la possibilité pour le
préfet de faire des recours quand il estime qu'il y a au niveau du
territoire une déstructuration. Nous pouvons regretter que sur
l'année 1996, il y ait eu 130 recours demandés par le Ministre et
que sur l'année 1997, il n'y ait eu que 13 recours. Le
système existe et les recours devant la Commission nationale permettent
de pouvoir bien valider un certain nombre de projets.
Ce qui est très important aujourd'hui, c'est cette capacité de
maîtrise, car je conçois qu'il y ait des bons projets et je
conçois que sur le plan de l'urbanisme commercial, le commerce peut
jouer sa fonction sociale et culturelle si elle est maîtrisée par
le territoire : on ne peut pas être intégriste sur tous ces
sujets. Mais nous avons vu très souvent que l'hypermarché et la
course à la super dimension pouvaient conduire à des
excès, et à la déstructuration d'un certain nombre de
centres villes, par la disparition de structures qui avaient une vocation de
cohésion économique et sociale, sans pour autant les remplacer,
là où ils prenaient les flux commerciaux par une autre
cohésion économique et sociale. D'un côté, il y
avait une déstructuration sans qu'il y ait de l'autre une
restructuration, en dehors des aspects économiques sur le plan social ou
culturel.
Le dispositif aujourd'hui me paraît ouvert à condition que l'on
puisse régler les problèmes politiques et financiers. Le
problème politique c'est l'identité de ces territoires et le
problème des élections. J'entends beaucoup parler de
l'élection du président de l'agglomération au suffrage
universel. C'est un sujet intéressant qui a ses avantages mais attention
! Le périurbain étant aujourd'hui sans identité, il peut
très souvent se trouver politiquement marginalisé, et je suis
inquiet quand je vois que dans le texte de Mme Voynet, on fait du contrat
l'outil majeur de l'aménagement du territoire : contrat de ville,
contrat d'agglomération, contrat de plan, l'ensemble des fonds
structurels existant aujourd'hui passant dans la moulinette des contrats. Qui
dit contrat dit partenariat, qui dit partenariat dit identification du
partenaire. Si les territoires périurbains ne sont pas
identifiés, si c'est toujours le centre qui identifie l'urbain et le
périurbain, il y a à nouveau dans la politique contractuelle des
problèmes identitaires au niveau politique. Il faut donc bien
réfléchir à l'identité politique du
périurbain.
D'autre part, sur le plan fiscal, je crois qu'en effet, il faut éviter
cette course à la chasse de la taxe professionnelle qui a
déstructuré beaucoup d'agglomérations.
En conclusion, nous avons globalement les moyens de maîtriser l'urbanisme
commercial. Ce que je ne comprends pas et qui devrait évoluer dans
l'avenir, c'est pourquoi nous sommes tant marqués par l'évolution
des nouvelles technologies ? Comment se fait-il que nous soyons si admiratifs
devant ces nouvelles technologies, devant Internet, devant la
possibilité que nous aurons demain de pouvoir regarder des films sur
notre petit téléphone. Les nouvelles technologies valorisent le
local, permettent au petit d'être mondial. Elles vont nous permettre
d'entrer dans des réseaux tout en restant petits et modestes alors que
nous continuons à faire du gigantisme et de la concentration les lois
d'avenir de la société ?
Comment se fait-il qu'au moment où l'on envisage la possibilité
d'avoir quinze chaînes de télévision dans sa poche, l'on
multiplie les multiplex de cinéma pour faire, avec les cinémas,
les mêmes erreurs que celles que l'on a fait avec les
hypermarchés. Il y a des choses qui ne me paraissent pas très
rationnelles et je crains que nous prenions la logique de la concentration et
du gigantisme alors qu'il faut prendre, pour demain la logique de l'humain et
du convivial. Les nouvelles technologies devraient nous faire évoluer en
ce sens.
M. Guy FISCHER :
Le pari est presque rempli, la certitude y
était, sauf peut-être pour la péréquation de la taxe
professionnelle. Nous revenons au monde agricole. Les documents d'urbanisme,
les nouveaux outils interrogent. Nous avons souhaité connaître les
points de vue du monde agricole.