CONCLUSION
L'Union
européenne se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins.
Il lui appartient de faire montre à la fois de modestie et d'ambition :
de modestie, car chacun sait que ses moyens financiers ne peuvent continuer de
croître au rythme annuel de 3 ou 4 %, voire davantage ; d'ambition, car
la maîtrise de ses dépenses doit aller de pair avec une meilleure
réalisation des objectifs qui lui sont assignés.
L'Union doit prendre moins et donner plus au citoyen.
Cela passe par un réexamen approfondi de ses politiques, de ses
priorités et de la gestion de ses moyens. Cela passe également
par une nouvelle délimitation des frontières entre son domaine
d'intervention et celui des Etats, conformément au principe de
subsidiarité.
Ce n'est qu'en se concentrant sur les missions qui sont les siennes, sur celles
qui apportent une réelle plus-value à l'intervention des Etats,
que l'Union répondra aux légitimes espoirs dont elle est porteuse
et préviendra les critiques adressées à la construction
européenne.
Plus efficace, et donc mieux acceptée par le citoyen, l'Europe de demain
n'en sera que plus forte.
EXAMEN EN DELEGATION
(réunion du 16 décembre 1998)
M.
James Bordas :
J'aimerais que notre rapporteur nous donne son sentiment sur l'attitude
inquiétante de l'Allemagne, qui réclame une substantielle
réduction de sa contribution au budget de l'Union européenne.
Par ailleurs, je m'interroge sur le souhait émis par notre rapporteur de
s'opposer aux dispositions de la proposition de nouvel accord
interinstitutionnel permettant de transférer d'une année sur
l'autre une partie des dotations prévues par les perspectives
financières. En France, les collectivités locales peuvent
reporter sur l'exercice suivant ce que l'on appelle les " restes à
réaliser " pour des opérations bien ciblées et en
voie d'achèvement. Pourquoi l'interdirait-on à l'Union
européenne ?
M. Aymeri de Montesquiou
:
Je souhaiterais poser deux brèves questions à notre rapporteur.
D'abord, vu notamment la baisse des prix dans le secteur des
céréales, comment peut-on affirmer que les dépenses
agricoles risquent d'augmenter ? En second lieu, parmi les multiples
propositions qui ont été avancées pour améliorer le
système des ressources propres des Communautés, y en a-t-il qui
lui paraissent séduisantes et, si oui, lesquelles ?
M. Maurice Blin :
Les recettes de l'Union européenne proviennent essentiellement des
contributions des Etats membres sur le montant desquelles les Parlements
nationaux n'ont d'ailleurs pas véritablement de prise. Mais les
dépenses, elles, sont communautaires : leur montant dépend, dans
une large mesure, des décisions des institutions communautaires et
notamment du Parlement européen. Cette situation n'est-elle pas une
incitation à la dépense dans la mesure où ce n'est pas
l'autorité qui décide de la dépense qui devra trouver le
financement nécessaire ?
En ce qui concerne les fonds structurels, je crois, comme notre rapporteur,
qu'il convient de tempérer la croissance presque explosive de leurs
dotations. Je souhaiterais d'ailleurs connaître les raisons qui nous ont
conduits à prendre presque une année de retard, ce qui est
énorme, dans l'exécution des crédits consacrés aux
actions structurelles.
Mme Danielle Pourtaud :
Je pense que, sur de nombreux points abordés par le rapporteur, nous
pouvons trouver un large consensus au sein de notre délégation.
Il en va en particulier ainsi en ce qui concerne l'objectif
général de maîtrise des dépenses européennes.
De même, je crois que nous l'approuvons tous dans son refus des solutions
incompatibles avec la logique communautaire, en particulier de celles qui
reposent sur la notion de juste retour.
Je trouve cependant un peu excessive certains propositions de notre rapporteur,
notamment lorsqu'il nous dit qu'il faudrait réduire de 40 milliards
d'euros l'enveloppe consacrée aux fonds structurels. Faut-il se fixer un
objectif chiffré ? Si oui, pourquoi 40 milliards ? D'une manière
générale, peut-être serait-il préférable de
réclamer une stabilisation plutôt qu'une diminution des
dépenses européennes. De même, comme M. Bordas, je ne
trouve pas choquant que l'on puisse reporter des dotations d'une année
sur l'autre.
Enfin, il serait certainement souhaitable, lorsque nous évoquerons les
priorités de l'Union, de mettre l'accent sur la politique de l'emploi.
M. Yann Gaillard
:
La négociation dans laquelle se sont engagés les Quinze est,
chacun le sait, particulièrement difficile tant les
intérêts des Etats sont contradictoires. Ne risque-t-on pas, en
intervenant dès aujourd'hui dans le débat, de gêner le
Gouvernement en prenant des positions dont nos partenaires pourraient faire
état à l'appui de leurs revendications ?
M. Denis Badré
:
En ce qui concerne l'attitude de l'Allemagne, je dirai que l'appel de certains
Etats à une réduction de leur contribution au budget de l'Europe
était largement prévisible. Cela tient à
l'évolution des ressources propres des Communautés, dont 85 %
proviennent aujourd'hui des contributions des Etats. Cette situation incite
chaque Etat à comparer ce qu'il donne au budget européen et ce
qu'il en reçoit. Mais une telle comparaison est faussée par le
fait que toutes les dépenses de l'Union ne sont pas localisables dans un
Etat particulier. Peut-on dire, par exemple, quel Etat bénéficie
des actions extérieures ? Bien évidemment non, car chaque Etat en
bénéficie et ce bénéfice n'est pas quantifiable.
Ainsi, on ne peut, ne serait-ce que pour des raisons comptables, retenir une
analyse fondée sur le juste retour.
Il n'y a rien de surprenant ni de choquant dans le fait que les pays riches
contribuent plus au financement de l'Union que les pays moins prospères.
Cela étant, il faut reconnaître que le problème a pris des
proportions particulières avec l'Allemagne qui bénéficie
relativement peu des deux grandes politiques, à savoir la PAC, et,
même si elle est mieux lotie que la France à cet égard, la
politique structurelle. L'Allemagne a entraîné dans son sillage
les Pays-Bas, l'Autriche et la Suède, qui estiment verser trop au budget
communautaire. Mais, si chaque contributeur net réclamait un juste
retour, on arriverait à une situation ingérable.
En ce qui concerne le transfert des dotations, je ne vois pas
d'inconvénient à ce que l'on puisse reporter d'une année
sur l'autre des crédits inutilisés, mais à condition de
soumettre ce report à des règles claires, et notamment de
prévoir, comme pour nos finances locales, la caducité des
autorisations de programme. J'ajoute que les reports systématiques
compliquent les comparaisons et empêchent d'apprécier avec
exactitude l'évolution des dépenses d'une année sur
l'autre.
En ce qui concerne les recettes de l'Union européenne, je trouve bonnes
les ressources propres traditionnelles comme les droits de douane car elles
sont véritablement européennes. Malheureusement, elles sont
insuffisantes et il nous faut à présent réfléchir
à une nouvelle ressource européenne. Une recette horizontale
comme une " taxe CO
2
" est une idée
intéressante, d'autant plus que cela permettrait de mieux lutter contre
la pollution. En tout état de cause, il faut admettre que nous
n'aboutirons à aucune solution sur les ressources avant le bouclage du
dossier Agenda 2000, car nous ne pourrons jamais adopter une décision
sur ce sujet délicat à l'unanimité dans les trois mois
à venir. C'est donc sur les dépenses que les Quinze doivent avant
tout travailler.
En ce qui concerne les dépenses agricoles, ce qui m'inquiète
c'est l'évolution prévisible de la différence entre les
prix mondiaux et les prix européens qui, après s'être
réduite, risque de se creuser et donc de conduire à une
augmentation des dépenses d'intervention. Certes, avec
l'élargissement, des opérations qui, aujourd'hui, constituent des
exportations en dehors de l'Union deviendront des mouvements à
l'intérieur de celle-ci. Ce sera une source d'économie. Mais,
d'un autre côté, l'Europe devra aider les PECO à moderniser
leur agriculture.
Je dirai à M. Blin que je déplore chaque année le fait que
les Parlements nationaux ne soient pas impliqués dans
l'élaboration du budget communautaire, si ce n'est au moment de
l'approbation du prélèvement sur les recettes nationales,
approbation qu'ils ne peuvent refuser sauf à provoquer une crise grave
au sein de l'Union européenne.
J'indique à Mme Pourtaud que j'ai évalué à 40
milliards d'euros la réduction souhaitable des dotations structurelles
parce que cette somme correspond à peu près à
l'augmentation que nous propose la Commission par rapport à la
période 1993-1999.
Je suis d'accord avec vous sur le fait que l'Union européenne doit
servir l'emploi. En revanche, je ne suis pas sûr que ce soit en
inscrivant des crédits spécifiques au budget de l'Europe qu'on
poursuivra cet objectif dans les meilleures conditions. L'Union
économique et monétaire servira beaucoup mieux l'emploi qu'une
politique européenne de l'emploi qui s'ajouterait aux politiques,
déjà complexes, des Etats membres. A mon avis, il vaut mieux
réserver à l'Union européenne un rôle
d'harmonisation fiscale et sociale, un rôle de protection
vis-à-vis des tentatives de dumping écologique ou social de pays
tiers, plutôt qu'un rôle de mise en oeuvre d'une politique de
l'emploi. Celle-ci doit relever des Etats, plus proches des citoyens et des
entreprises.
Mme Danièle Pourtaud :
Nous pourrions tout de même souligner le rôle que l'Union
européenne peut jouer dans la promotion de l'emploi.
M. Michel Barnier :
D'autant plus que le Conseil européen, comme il l'a fait à
Vienne, insiste sur sa volonté de développer ce rôle de
l'Union européenne.
M. Denis Badré :
Je ne conteste pas ce rôle, mais je pense qu'il ne nécessite pas
la mobilisation de crédits budgétaires, car il consiste
prioritairement à adopter des dispositions normatives pour
améliorer le marché du travail ou à conduire des actions,
par exemple en matière de grands travaux, qui créent des emplois
sans pour autant former une politique de l'emploi dotée d'une ligne
spécifique dans le budget européen.
M. Michel Barnier :
Je crois que nous pourrions répondre au souci de Mme Pourtaud en
soulignant que la croissance et l'emploi figurent au premier rang des
priorités de l'Union européenne.
M. Denis Badré :
Je suis entièrement d'accord.
Je répondrai à M. Gaillard qu'il n'est nullement dans mes
intentions d'handicaper le Gouvernement français dans les
négociations sur l'Agenda 2000. Mais le Parlement ne peut se faire
entendre en matière budgétaire qu'à l'occasion de
l'adoption des perspectives financières, c'est-à-dire tous les
sept ans. Si nous n'alertons pas aujourd'hui le Gouvernement sur le risque de
dérapage du budget européen, nous ne pourrons le faire avant sept
ans. Or, d'ici là, si les dépenses de l'Union évoluent
comme actuellement, l'Europe risque d'exploser. L'Allemagne refusera de payer
et la construction européenne sera bloquée.
M. Bernard Angels :
Je partage l'analyse de notre collègue Denis Badré. Mais je
regrette que sa proposition de résolution se cantonne au seul plan
budgétaire. On ne peut laisser de côté le rôle de
l'Union en matière sociale ni rester silencieux sur la
nécessité de construire une Europe politique.
M. Denis Badré :
Je partage votre volonté de construire une Europe plus politique.
J'ai pris bonne note des observations que chacun d'entre vous a
formulées et je vais les intégrer dans la proposition de
résolution que je vous soumettrai lors de notre prochaine réunion.
La délégation a alors approuvé le rapport
d'information.