Le financement de l'Union européenne 2000-2006
BADRE (Denis)
RAPPORT D'INFORMATION 136 (98-99) - DELEGATION DU SENAT POUR L'UNION EUROPEENNE
Table des matières
-
INTRODUCTION
-
I. LA DETERMINATION DU NOUVEAU CADRE FINANCIER DE L'UNION EUROPEENNE : UN
PROBLEME AUX MULTIPLES FACETTES
- A. LES DONNÉES DU DÉBAT SUR LES CHOIX BUDGETAIRES DE L'UNION EUROPÉENNE : LES PERSPECTIVES FINANCIÈRES PRÉSENTÉES PAR LA COMMISSION
- B. UNE NÉGOCIATION QUI NE PEUT SE LIMITER AU STRICT CADRE DES MONTANTS DE DÉPENSES
- II. DES PROPOSITIONS MULTIPLES ET SOUVENT INCONCILIABLES
-
III. UNE VOIE A PRIVILEGIER : L'ACTION SUR LES DEPENSES DE L'UNION
EUROPEENNE
- A. LA NECESSAIRE MAÎTRISE DES DÉPENSES DE L'UNION EUROPÉENNE
- B. LES CRITERES D'ARBITRAGE ENTRE LES DEPENSES : EFFICACITE, SUBSIDIARITE ET REALISME
- C. L'AMELIORATION DE LA GESTION DES CREDITS
-
I. LA DETERMINATION DU NOUVEAU CADRE FINANCIER DE L'UNION EUROPEENNE : UN
PROBLEME AUX MULTIPLES FACETTES
- CONCLUSION
- EXAMEN EN DELEGATION
N°
136
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès verbal de la séance du 17 décembre 1998.
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la Délégation du Sénat pour l'Union
européenne (1)
sur
le futur cadre financier de l'Union européenne,
Par M. Denis BADRÉ,
Sénateur.
(1)
Cette délégation est composée de
: MM. Michel Barnier,
président
;
Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. James Bordas,
Claude Estier, Pierre Fauchon, Lucien Lanier, Aymeri de Montesquiou,
vice-présidents
; MM. Nicolas About, Hubert Durand-Chastel,
Emmanuel Hamel,
secrétaires
; MM. Bernard Angels, Robert
Badinter, Denis Badré, José Balarello, Mme Marie-Claude Beaudeau,
MM. Jean Bizet, Maurice Blin, Marcel Deneux, Mme Marie-Madeleine
Dieulangard, MM. Jean-Paul Emin, André Ferrand, Jean-Pierre Fourcade,
Philippe François, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Daniel Hoeffel, Serge
Lagauche, Simon Loueckhote, Paul Masson, Jacques Oudin, Mme Danièle
Pourtaud, MM. André Rouvière, Simon Sutour, René
Trégouët, Xavier de Villepin, Henri Weber.
Union européenne. - Financement du budget communautaire - Perspectives financières - Elargissement de la communauté - Dépense communautaire .
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
A l'issue du Conseil européen de Vienne des 11 et 12 décembre
1998, les chefs d'Etat et de Gouvernement de l'Union européenne ont une
nouvelle fois affirmé leur intention de parvenir avant la fin du premier
trimestre 1999 à un accord définitif sur le dossier dit de
"
l'Agenda 2000 ".
Les prochains mois s'annoncent ainsi décisifs pour l'avenir de l'Union
européenne car il s'agira, ni plus, ni moins, de la préparer
à son élargissement à des pays d'Europe centrale et
orientale (PECO), de réformer à cette fin la politique agricole
commune (PAC) ainsi que les fonds structurels et le fonds de cohésion et
d'aider les pays candidats à s'organiser pour adhérer dans les
meilleures conditions.
Les propositions E 1049, relative à l'établissement de nouvelles
perspectives financières pour la période 2000-2006, et E 1128,
relative à un nouvel accord interinstitutionnel sur la discipline
budgétaire et l'amélioration de la procédure
budgétaire, visent à définir un cadre financier pour la
réalisation de ce programme ambitieux. C'est dire l'importance de ces
deux textes, sur lesquels la Délégation pour l'Union
européenne a souhaité donner au Sénat la plus large
information.
Il serait en effet regrettable, ne fût-ce qu'au regard des sommes en jeu
(la participation de la France au budget des Communautés
s'élèvera en 1999 à 95 milliards de francs), que le
Parlement ne se prononçât point sur la programmation pluriannuelle
des dépenses communautaires et sur leur exécution. L'article 88-4
de la Constitution, entré en vigueur peu après l'adoption des
actuelles perspectives financières (dites
" Paquet Delors
II ")
par le Conseil européen d'Edimbourg de 1992, lui en donne
pour la première fois l'occasion ; il est de son devoir de la saisir.
L'organisation d'un débat au niveau national apparaît d'autant
plus souhaitable que les enjeux dépassent largement le strict domaine
financier : la perspective de l'intégration de plus de cent millions de
citoyens, la mise en place de l'euro, l'évolution attendue de la
démographie et de la population active au cours des prochaines
années, le phénomène de mondialisation lié au
développement des nouvelles technologies et à la
libéralisation des échanges constituent autant de défis
pour l'Union européenne du XXIème siècle.
Ces défis, les Quinze se doivent de les relever en se dotant d'un cadre
financier répondant aux impératifs de la construction
européenne. Dans un contexte sans précédent, marqué
en outre par l'appel de plusieurs Etats à une réduction de leur
contribution nette, ils ne peuvent se contenter d'adapter à la marge les
décisions du passé.
L'Europe de demain ne se bâtira pas sur les choix d'hier.
Les finances communautaires ne peuvent continuer de dériver sur l'erre
des actuelles perspectives financières.
Une redéfinition des priorités de l'Union européenne, un
aggiornamento
de ses politiques et, en définitive, l'invention
d'un nouveau budget pour l'Europe s'imposent.
Le traité de Maastricht, complété par celui d'Amsterdam, a
clairement énoncé les objectifs de l'Union européenne,
précisant que ceux-ci doivent être atteints dans le respect du
principe de subsidiarité. L'enjeu est aujourd'hui d'élaborer un
cadre cohérent permettant la meilleure réalisation de ces
objectifs.
L'ampleur du dossier de l'Agenda 2000 et les intérêts divergents
des Etats membres rendent les négociations particulièrement
difficiles. Chaque semaine, des voix discordantes se font entendre sur tel ou
tel aspect, conduisant certains à douter de la possibilité de
parvenir à un accord général et définitif au
premier trimestre prochain. Consciente de ces difficultés, mais refusant
de céder au pessimisme, la Délégation pour l'Union
européenne croit en la possibilité de définir un cadre
financier permettant à l'Union d'atteindre les objectifs qui lui sont
assignés.
Pour ce faire, elle s'est efforcé de répondre à une
question simple : " quel budget pour construire l'Union européenne
? " Une approche politique de cette question s'imposait car l'objectif est
à présent de construire une Union plus politique en tenant compte
de la spécificité du pouvoir de décision en matière
budgétaire, partagé entre n+1 partenaires : les Etats membres et
l'Union européenne.
L'autorité budgétaire de l'Union européenne a
désormais un interlocuteur au niveau communautaire pour la politique
monétaire, la Banque centrale européenne, ce qui permet la mise
en place d'une véritable union économique et monétaire.
Mais la réussite de celle-ci dépendra des choix qui seront faits
quant aux interventions de l'Union européenne, lesquelles doivent
apporter une réelle plus-value à celles des Etats telles qu'elles
sont définies par leurs autorités budgétaires.
Le budget de l'Union doit en effet servir à financer des actions que les
Etats membres ne sauraient entreprendre isolément ou qui
présentent la meilleure efficacité lorsqu'elles sont conduites au
niveau européen plutôt que national.
C'est en gardant constamment à l'esprit ce rôle qui doit
être celui du budget européen que le présent rapport :
- recense l'ensemble des difficultés auxquelles se heurte la
définition du nouveau cadre financier de l'Union européenne,
qu'elles concernent les dépenses, les recettes, ou le problème
des soldes nets (I) ;
- présente l'ensemble des solutions avancées par les Etats,
le Parlement européen ou la Commission européenne sur chacun de
ces points (II) ;
- propose de sortir de l'impasse en réduisant le montant global des
dépenses et en opérant une redistribution entre les
différentes interventions de l'Union (III).
I. LA DETERMINATION DU NOUVEAU CADRE FINANCIER DE L'UNION EUROPEENNE : UN PROBLEME AUX MULTIPLES FACETTES
Toute la complexité de la détermination du futur cadre financier de l'Union européenne réside dans le fait que la négociation ne se limite pas à la seule question, pourtant déjà délicate en elle-même, des choix budgétaires de l'Europe des quinze. Il ne s'agit pas seulement -si l'on peut dire- de s'entendre sur les priorités de demain dans une perspective d'élargissement à l'est et de réforme des principales politiques communautaires. Il s'agit également de répondre aux critiques multiples adressées aux finances publiques européennes, qu'elles concernent les recettes ou la gestion des crédits, le tout dans un contexte de contestation par plusieurs Etats membres de leur contribution nette au budget communautaire.
A. LES DONNÉES DU DÉBAT SUR LES CHOIX BUDGETAIRES DE L'UNION EUROPÉENNE : LES PERSPECTIVES FINANCIÈRES PRÉSENTÉES PAR LA COMMISSION
1. Des propositions marquées par la réforme des politiques communautaires et l'élargissement
a) La démarche retenue par la Commission
Comme
l'indique la Commission dans l'introduction de la proposition E 1049, les
futures perspectives financières
" déterminent
l'évolution générale du budget communautaire pour une
Union dans sa configuration à quinze Etats membres, y compris les
mesures de préadhésion en faveur des pays candidats. Elles
doivent aussi laisser disponibles les ressources qui permettront le moment venu
de financer les adhésions... "
.
L'étude du cadre financier proposé par la Commission pour les
années 2000-2006 doit donc prendre en considération cette
perspective d'un élargissement en cours de période et les
modifications des politiques communautaires qui lui sont liées. Cette
démarche complique sensiblement l'effort de prévision
nécessaire à toute programmation. La Commission a en effet non
seulement dû retenir des hypothèses macro-économiques sur
longue période, par essence contestables, mais également
anticiper sur des décisions dont l'adoption en l'état demeure
aléatoire : le maintien du plafond actuel de ressources propres des
Communautés, l'adoption des propositions de réforme de la PAC et
des politiques structurelles dans la rédaction du collège des
commissaires, l'élargissement de l'Union européenne au milieu de
la période de programmation.
Les nombreuses incertitudes quant
à la réalisation de ces hypothèses constituent autant de
points de discussion qui rendent encore plus difficiles les
négociations.
Les hypothèses macro-économiques
Les tableaux ci-après, extraits de la proposition E 1049,
résument les hypothèses économiques retenues par la
Commission pour l'établissement des futures perspectives
financières :
Données économiques de base
Milliards d'euros -
|
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
PNB
Quinze
|
7 804,3 |
7 999,4 |
8 199,4 |
8 404,4
|
8 614,5
|
8 829,8
|
9 050,6
|
9 276,9
|
Source : proposition E 1049
Prévisions de croissance |
2000-2001 |
2002-2006 |
PNB
Quinze
|
2,5 %
|
2,5 %
|
Déflateur |
2,0 % |
2,0 % |
Source : proposition E 1049
Comme le révèle le second tableau, la Commission a retenu des
hypothèses optimistes, qui figuraient déjà dans sa
communication sur l'" Agenda 2000 " : un taux de croissance
du PNB de 2,5 % par an en moyenne pour les Quinze et de 4 % pour les
candidats à l'adhésion. En ce qui concerne plus
particulièrement l'Union européenne, cette communication
(rédigée en mars 1998) soulignait que
" les
évolutions les plus récentes de l'économie communautaire
et les perspectives maintenant ouvertes par le passage à la
troisième phase de l'Union économique et monétaire
confortent les hypothèses économiques retenues "
.
Le maintien à 1,27 % du plafond des ressources propres
Dans sa communication sur l'" Agenda 2000 ", la Commission avait
déjà souligné que, durant la période des prochaines
perspectives financières,
" la maîtrise de
l'évolution des finances publiques continuera de s'imposer dans tous les
Etats membres pour conforter une croissance saine. Cette même exigence
s'appliquera au budget communautaire "
. Elle estimait possible de
répondre au défi de l'élargissement sans modifier le
plafond des ressources propres, fixé par une décision du Conseil
du 31 octobre 1994 à 1,27 % du total des PNB des Etats
membres. Trois séries de considérations lui permettaient de
parvenir à cette conclusion :
- la perspective d'un budget pour 1999 nettement en-deçà du
plafond de 1,27 %, qui devait permettre
" de disposer dès
le début de la période d'une marge non
négligeable "
;
- une croissance soutenue pour les Quinze et les candidats à
l'adhésion qui, avec un plafond de ressources propres par rapport au PNB
maintenu à son niveau de 1999, devait se traduire en fin de
période par un supplément potentiel de ressources d'un peu plus
de 20 milliards d'écus (prix 1997) ;
- le fait que la première vague d'adhésion n'aurait d'effet
qu'à partir du milieu de la période des futures perspectives
financières.
Conformément à cette conclusion,
la Commission propose
aujourd'hui
de maintenir à 1,27 % le plafond des ressources
propres.
La prise en compte des réformes des politiques
communautaires
Dans le cadre de l'Agenda 2000, la Commission a notamment proposé
de réformer la politique régionale de la Communauté et la
politique agricole commune. Les perspectives financières
présentées pour la période 2000-2006 partent du postulat
d'une adoption de ces propositions telles que la Commission les a
présentées. Aussi convient-il d'en faire une présentation
sommaire, étant précisé que l'étude
détaillée de ces perspectives de réforme a d'ores et
déjà été effectuée au Sénat :
par M. Yann Gaillard, au nom de la délégation pour l'Union
européenne, en ce qui concerne la politique
régionale
(1(
*
))
; par
une mission d'information de la commission des Affaires économiques et
du Plan, sur la réforme de la PAC
(2(
*
))
.
• En ce qui concerne la politique régionale, la Commission
européenne propose de concentrer ses actions sur des objectifs plus
ciblés. Aux sept objectifs actuels des fonds structurels
succéderaient trois objectifs :
- l'objectif 1, consacré au développement des
régions les plus pauvres (définies comme celles ayant un PIB
inférieur à 75 % de la moyenne communautaire, ce qui
correspond à 20 % de la population européenne) ;
- l'objectif 2, consacré au soutien à la
restructuration d'activités en déclin (industrie, pêche),
à la diversification des activités en zone rurale et en zone
urbaine en difficulté. Les objectifs actuels 2 (régions en
déclin industriel) et 5b (zones rurales fragiles) seraient donc
regroupés ;
- l'objectif 3, consacré au soutien à l'adaptation et
à la modernisation du système d'éducation, de formation et
d'accès à l'emploi dans toutes les régions (avec
priorité à la lutte contre le chômage et l'exclusion dans
une perspective de formation tout au long de la vie). Les objectifs actuels 3
et 4 seraient donc regroupés.
Les initiatives communautaires passeraient de treize à trois. Elles
concerneraient la coopération transnationale, le développement
rural, et la lutte contre les inégalités sur le marché du
travail.
Pour améliorer l'efficacité de la politique régionale, sa
mise en oeuvre serait décentralisée et une plus grande marge de
manoeuvre conférée aux Etats.
Le retrait du soutien de l'Union européenne serait progressif dans les
zones géographiques qui ne devraient plus en bénéficier.
• En ce qui concerne la politique agricole commune, la Commission
souhaite poursuivre les efforts déjà accomplis dans le cadre de
la première réforme de la PAC. Dans le souci d'améliorer
la compétitivité de l'agriculture européenne, elle propose
de réduire le soutien des prix agricoles et, en contrepartie,
d'augmenter les aides directes aux agriculteurs. L'accent devrait être
mis sur la sécurité alimentaire, les préoccupations
environnementales et l'approche intégrée du développement
rural.
L'aide au développement rural serait renforcée en favorisant
notamment les actions de développement du tourisme rural et de
l'agriculture biologique, la préservation des habitats semi-naturels et
le maintien des élevages alpestres.
La programmation des dépenses liées à
l'élargissement
La proposition E 1049 reprend la structure existante des perspectives
financières en classant les dépenses en six rubriques :
- l'agriculture (rubrique 1) ;
- les actions structurelles (rubrique 2), pour lesquelles une distinction
est opérée entre les fonds structurels et le fonds de
cohésion ;
- les politiques internes (rubrique 3) ;
- les actions extérieures (rubrique 4) ;
- les dépenses administratives (rubrique 5) ;
- les réserves (rubrique 6), au sein desquelles une distinction est
opérée entre la réserve monétaire, la
réserve pour aide d'urgence et la réserve pour garantie.
Aucune rubrique spécifique au financement de l'élargissement
n'est donc créée,
les dépenses afférentes
relevant des rubriques existantes. La Commission a évalué leur
coût total à 75 milliards d'euros, ce qui a conduit son
président, M. Jacques Santer, à parler de
" véritable plan Marshall pour les pays d'Europe centrale et
orientale ".
Ces dépenses liées à
l'élargissement seront
de deux ordres
:
-
d'une part, les dépenses destinées à aider les
pays candidats dans leur préparation à l'adhésion à
l'Union européenne. Elles couvrent ce que la Commission appelle
" l'aide préadhésion "
.
Le montant correspondant
à celle-ci
" devra être décidé dès
maintenant et inclus dans les perspectives financières dans les limites
des ressources de la Communauté actuelle "
.
La Commission
propose de répartir le montant total de l'aide préadhésion
entre trois rubriques, à savoir celles relatives à l'agriculture,
aux actions structurelles et aux actions extérieures.
Au sein de
chacune de ces rubriques, l'aide préadhésion ferait l'objet d'une
sous-rubrique spécifique.
La Commission considère que cette
démarche
" permet à la fois de garantir les financements
respectifs tant pour les quinze Etats membres que pour les pays candidats et
offre également une plus grande transparence de l'action
communautaire "
. Le montant total de l'aide préadhésion
serait chaque année de 3 120 millions d'euros (520 au titre de
l'agriculture ; 1 040 au titre des actions structurelles ;
1 560 au titre des actions extérieures) ;
-
d'autre part, les dépenses entraînées par
l'adhésion une fois celle-ci effective
. Ces dépenses ne
peuvent par hypothèse être déterminées dès
à présent :
elles
" ne pourront être
incorporées dans le cadre financier qu'au moment de l'adhésion
par la voie d'une adaptation des perspectives financières
.
Cette adaptation portera à la fois sur les besoins nouveaux
résultant de l'adhésion et sur leur financement à partir
des ressources laissées disponibles à cette fin dans la
Communauté à quinze mais aussi des ressources
supplémentaires induites par l'accroissement du PNB communautaire du
fait de l'adhésion "
. La Commission estime cependant
nécessaire d'évaluer leur coût dès à
présent afin de déterminer la position commune des Quinze pour
les négociations à venir. Elle propose donc de programmer les
dépenses liées à l'adhésion au sein des rubriques
1, 2, 3 et 5 pour un montant total allant de 4 140 millions d'euros
en 2002 (première année d'exécution de ces dépenses
en cas d'adhésion au 1er janvier 2002) à
14 220 millions en 2006. C'est cette programmation que retrace le
tableau suivant, extrait de la proposition E 1049.
Les dépenses liées à l'adhésion et leur financement
Millions d'euros - prix 1999 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
Les dépenses
|
1 600
|
2 030
|
2 450
|
2 930
|
3 400
|
Total des crédits pour engagements |
6 450 |
9 030 |
11 610 |
14 200 |
16 780 |
(1) Total des crédits pour paiements |
4.140 |
6.710 |
8.890 |
11.440 |
14.220 |
Les sources de financement disponibles |
|
|
|
|
|
Financement des dépenses agricoles par prélèvement sur la marge disponible sous la ligne directrice |
1 600 |
2 030 |
2 450 |
2 930 |
3 400 |
Disponibilités réservées pour l'adhésion dans le cadre financier de la Communauté à Quinze (estimation) |
1 280 |
3 300 |
5 680 |
8 060 |
10 470 |
Augmentation des ressources propres résultant de l'accroissement du PNB de l'Union du fait de l'adhésion (estimation) |
3 440 |
3 510 |
3 580 |
3 660 |
3 740 |
(2) Total des financements disponibles |
6.320 |
8.840 |
11.710 |
14.650 |
17.610 |
Evolution des marges sous le
plafond des ressources
propres
|
2 180
|
2 130
|
2 820
|
3 210
|
3 390
|
Marge totale disponible dans une Communauté élargie (estimation) |
4 700 |
4 710 |
5 470 |
5 930 |
6 170 |
Marge totale en pourcentage du PNB de la Communauté élargie |
0,05 % |
0,05 % |
0,06 % |
0,06 % |
0,06 % |
Source : proposition E 1049.
Il convient d'insister sur le fait que, à la différence de
l'aide préadhésion, ces dépenses liées à
l'adhésion ne sont pas intégrées dans les perspectives
financières.
Elles sont mentionnées à titre indicatif
et devront être intégrées ultérieurement,
après l'élargissement, par une décision d'adaptation des
perspectives financières.
b) Les montants proposés par la Commission
Le tableau ci-après, extrait de la proposition E 1049, présente les futures perspectives financières proposées par la Commission (les montants sont fixés en euros constants). Ce tableau est appelé à devenir partie intégrante de l'accord interinstitutionnel sur la discipline budgétaire (proposition E 1128).
Tableau des perspectives financières
Millions d'euros - prix 1999
|
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
1.
AGRICULTURE (*)
|
45.205 |
46.050
|
46.920
|
47.820
|
48.730
|
49.670
|
50.630
|
51.610
|
2.
ACTIONS STRUCTURELLES
|
39.025
|
36.640
|
37.470
|
36.640
|
35.600
|
34.450
|
33.410
|
32.470
|
3. POLITIQUES INTERNES |
6.386 |
6.390 |
6.710 |
6.880 |
7.050 |
7.230 |
7.410 |
7.600 |
4.
ACTIONS EXTÉRIEURES
|
6.870 |
6.870
|
7.070
|
7.250
|
7.430
|
7.610
|
7.790
|
7.900
|
5. ADMINISTRATION |
4.723 |
4.730 |
4.820 |
4.910 |
5.010 |
5.100 |
5.200 |
5.300 |
6.
RÉSERVES
|
1.192
|
850
|
850
|
600
|
350
|
350
|
350
|
350
|
PLAFOND DES CRÉDITS POUR ENGAGEMENTS |
103.401 |
101.530 |
103.840 |
104.100 |
104.170 |
104.410 |
104.790 |
105.230 |
PLAFOND DES CRÉDITS POUR PAIEMENTS |
96.380 |
98.800 |
101.650 |
102.930 |
103.520 |
103.810 |
104.170 |
104.560 |
Plafond
des crédits pour paiements (en pourcentage du PNB)
|
1,23 %
|
1,24 %
|
1,24 %
|
1,22 %
|
1,20 %
|
1,18 %
|
1,15 %
|
1,13 %
|
Source : proposition E 1049
(*) Le plafond correspond à la ligne directrice agricole.
(**) y compris le montant relatif au mécanisme financier " Espace
économique européen " et la proposition d'adaptation
présentée par la Commission suite aux conditions
d'exécution du budget 1997.
Les dépenses agricoles
Avec
51,6 milliards d'euros en 2006, soit 6,4 milliards de plus qu'en
1999, les dépenses de la rubrique 1 progresseraient au rythme de
1,9 % par an en termes réels.
Dans sa communication " Agenda 2000 ", la Commission avait
déjà annoncé une augmentation des dépenses
agricoles, laquelle devait résulter de deux séries de
facteurs :
• La réforme de la PAC qui, pour les Quinze, devait
entraîner chaque année environ 8 milliards de dépenses
supplémentaire, conséquence des évolutions suivantes :
- une diminution des dépenses d'intervention sur les
marchés et des restitutions à l'exportation de l'ordre de
3,7 milliards d'euros (1,4 milliard dans le secteur des
céréales, 1,2 milliard dans celui de la viande bovine et
0,9 milliard dans le secteur laitier) en raison du rapprochement des prix
communautaires des cours mondiaux ;
- une augmentation des aides directes compensatoires,
évaluée à 7,7 milliards d'euros (1,7 milliard
pour les céréales, 4,1 milliards pour le boeuf, 3 milliards
pour le secteur laitier, et une économie de 1 milliard du fait de la
suppression des paiements directs pour le maïs ensilé) ;
- 2,8 milliards d'euros de dépenses supplémentaires
pour les mesures d'accompagnement existantes (environnement, reboisement,
préretraite) ;
- environ 2 milliards d'euros pour de nouvelles mesures
d'accompagnement de développement rural et des mesures dans le secteur
de la pêche à porter à la section " Garantie " du
FEOGA.
• L'élargissement, dont le coût dans le domaine agricole
était estimé à environ 500 millions d'euros par an au
titre de l'aide de préadhésion.
En dépit de cette progression attendue des dépenses agricoles,
la Commission estime que celles-ci pourront toujours être assurées
avec un mode de calcul inchangé de la ligne directrice agricole
(LDA), c'est-à-dire en augmentant chaque année celle-ci de
74 % au plus de la croissance du PNB communautaire.
Conformément à ces grandes lignes dégagées dans
" Agenda 2000 ", la Commission présente, pour les
nouvelles perspectives financières, une estimation de l'évolution
des dépenses agricoles que résume le tableau suivant
(malheureusement établi à prix courants), extrait de la
proposition E 1049.
Estimation de l'évolution des dépenses
agricoles
(prix courants)
Millions d'euros |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
Ligne
directrice
|
45.205 |
46.940 |
48.750 |
50.630 |
52.600 |
54.650 |
56.790 |
59.020 |
Dépenses agricoles
|
40.400 |
42.650 |
45.710 |
47.515 |
49.040 |
49.250 |
49.270 |
49.360 |
Communauté à
Quinze
|
40.400
|
42.120
|
45.170
|
46.965
|
48.480
|
48.680
|
48.680
|
48.760
|
Aide préadhésion (**) |
|
530 |
540 |
550 |
560 |
570 |
590 |
600 |
Marge |
4.805 |
4.290 |
3.040 |
3.115 |
3.560 |
5.400 |
7.520 |
9.660 |
Dépenses
estimées pour
|
|
|
|
1.700 |
2.200 |
2.700 |
3.300 |
3.900 |
Source : proposition E 1049
(*) Ligne directrice définie pour les quinze Etats membres.
(**) Soit 520 millions à prix constants de 1999.
Ce tableau met en évidence
l'importance de la marge sous la LDA
,
qui, après une légère diminution en début de
période (due à la prise en compte immédiate des nouvelles
dépenses), augmenterait sensiblement sous le double effet de la
stabilisation des dépenses et de la progression régulière
de la ligne directrice.
Cette marge sous la LDA est d'autant plus notable que, selon les propositions
de la Commission, la rubrique 1 comprendrait désormais des
dépenses qui relevaient auparavant d'autres rubriques, à
savoir :
- les mesures vétérinaires et phytosanitaires (environ
100 millions d'euros par an sur la période 2000-2006),
financées actuellement par la rubrique 3 ;
- les aides aux zones défavorisées et certaines
interventions du FEOGA-Orientation, financées actuellement au titre des
objectifs 5a et 5b des fonds structurels. Ces dépenses
représentaient plus de 8 milliards d'euros (prix 1999) dans la
dernière programmation.
Compte tenu de ces transferts purement comptables vers la rubrique 1 de
dépenses relevant jusqu'à présent d'autres rubriques, la
progression apparente de 1,9 % par an des dépenses agricoles masque
une stabilité de fait, voire une diminution à prix constants
.
Parallèlement, l'évolution des autres rubriques, et notamment des
crédits des fonds structurels, doit s'apprécier en gardant ces
transferts à l'esprit.
Reprenant une observation formulée dans sa communication
" Agenda 2000 ", la Commission juge opportune l'existence d'une
marge importante sous la LDA :
" elle devrait permettre d'abord de
couvrir les coûts liés à l'élargissement sans qu'il
soit nécessaire, au moment de l'adhésion, de procéder au
relèvement de la ligne directrice agricole. La Commission estime aussi
qu'une marge importante se justifie pour faire face aux aléas du
marché agricole. Elle devrait aussi permettre de mettre fin, le moment
venu, au régime transitoire appliqué aux nouveaux Etats
membres "
. L'existence d'une marge importante sous la LDA,
l'expérience l'a prouvé, se revèle en effet indispensable
pour faire face aux chocs auxquels est particulièrement sujet le secteur
agricole. C'est cette marge qui a permis à l'Union européenne de
financer la lutte contre l'encéphalopathie spongiforme bovine, dont le
coût, faut-il le rappeler, s'est élevé à
1,7 milliards d'écus pour la seule année 1996. Une marge
apparaît d'autant plus nécessaire que les cours des produits
agricoles se caractérisent par leur extrême volatilité. A
cet égard, rien ne permet d'affirmer que le resserrement entre les prix
mondiaux et les prix européens, qui a permis de réduire les
dépenses d'intervention au titre de la PAC, se confirmera dans l'avenir.
Il semble même que la tendance soit à une augmentation de la
différence entre ces prix.
En dépit de ces réserve, la Commission considère,
compte tenu de cette marge disponible attendue,
" qu'il ne serait pas
opportun de revoir dès maintenant le mode de calcul de la ligne
directrice, mais que cette question pourrait être
réexaminée avant 2005 "
.
Les dépenses structurelles
Avec une
enveloppe de 247 milliards d'euros (prix 1999) pour les quinze Etats
membres sur la période 2000-2006, les dotations des actions
structurelles progresseraient à prix constants de 39 milliards par
rapport à la période 1993-1999.
Cette forte augmentation n'apparaît point dans le tableau des
perspectives financières qui révèle même une
diminution par rapport à l'année 1999. En réalité,
cette dernière année ne saurait servir de référence
pour apprécier l'évolution des crédits des actions
structurelles. A la différence en effet des autres rubriques, les
montants inscrits à la rubrique 2 des dernières perspectives
financières sont aujourd'hui non point des plafonds mais des objectifs
de dépenses. Ainsi, compte tenu des retards accumulés au cours
des premières années de mise en oeuvre de cette programmation, le
statut privilégié des dépenses structurelles a conduit,
pour respecter ledit objectif, à augmenter considérablement
(d'environ 17 % par rapport à 1998) les crédits des fonds
structurels en 1999. Cet impératif juridique de " solder
Edimbourg " a donc " gonflé " l'enveloppe
consacrée à ces fonds en 1999.
Aussi convient-il, pour mesurer
la progression des crédits alloués aux actions structurelles, de
comparer non pas leur évolution par rapport à la seule
année 1999, mais l'évolution de leur enveloppe globale sur la
période 2000-2006 par rapport à l'actuelle période, de
même durée, des perspectives financières.
Ainsi, en
dépit d'une diminution moyenne de 1,4 % par an, pour atteindre
32,47 milliards d'euros en 2006, le montant total des crédits de la
rubrique 2 serait substantiellement abondé dans les nouvelles
perspectives financières. La Commission rappelle d'ailleurs que, en
1993, les dotations des actions structurelles atteignaient seulement, si l'on
peut dire, 22 milliards (prix 1999).
Les 247 milliards d'euros seraient ainsi répartis :
•
7,28 milliards (soit 1,04 milliard par an) au titre de
l'instrument structurel de préadhésion
. Cet instrument
permettrait le cofinancement de projets dans deux domaines :
- celui des infrastructures de transports, notamment dans le cadre des
réseaux transeuropéens ;
- celui de l'environnement, afin que les pays bénéficiaires
se conforment à l'acquis communautaire en cette matière ;
•
environ 218 milliards au titre des fonds structurels
,
conformément à l'enveloppe annoncée par la Commission dans
ses propositions de réforme présentées récemment
par M. Yann Gaillard.
La dotation de ces fonds atteindrait
environ 28,4 milliards d'euros (prix 1999) en 2006, soit une diminution
annuelle moyenne de l'ordre de 2 % par rapport à la dotation de
base prévue pour 1999 (32,7 milliards). Cette diminution apparente
doit cependant être relativisée en raison :
- d'une part, de la spécificité ci-dessus soulignée
de l'exercice 1999, dernière année de mise en oeuvre du
" Paquet Delors II ". On rappellera à cet égard que, en
1998, les fonds structurels ont été dotés de
30,8 milliards d'écus ;
- d'autre part, de l'abandon du financement de certaines actions par les
fonds structurels dont le relais serait pris par le FEOGA-Garantie. Selon la
Commission, à périmètre constant, la diminution moyenne
par rapport à 1999 serait de l'ordre de 1 % par an.
Au total, comme l'a souligné M. Gaillard dans son rapport
précité, l'enveloppe proposée pour les fonds structurels
pour la période 2000-2006
" correspond à un effort annuel
de 30 milliards, légèrement inférieur à la
situation financière des fonds structurels en fin de période de
programmation, mais qui affiche un maintien de l'effort global
précédemment consenti "
.
A cet égard, la
récurrente sous-exécution des crédits consacrés aux
actions structurelles, et tout particulièrement aux fonds structurels,
au cours de l'actuelle période de programmation amène à
s'interroger sur l'opportunité d'accroître, ou même
seulement de maintenir, les dotations de la rubrique 2. Avec plus de 42
milliards d'euros de " reste à liquider " prévus pour
la fin de la période, le paquet Delors II a en effet largement
surestimé les besoins des collectivités locales ou leur
capacité à mettre en oeuvre les projets envisagés. Dans
ces conditions, le simple maintien de l'effort global
précédemment consenti, surtout s'il devait aller de pair avec la
confirmation du statut privilégié des dépenses
structurelles, pousserait artificiellement à la dépense,
donnerait le sentiment d'un certain laxisme dans la gestion des crédits
et, en définitive, nuirait à la crédibilité de
l'Union européenne.
•
20 milliards au titre du fonds de cohésion
, soit un
maintien de l'effort de cohésion à 3 milliards par an. La
Commission précise que seraient éligibles les Etats
" dont le PNB par tête est inférieur à 90 % de
la moyenne communautaire,
indépendamment de leur adhésion ou
non à la troisième phase de l'Union économique et
monétaire
. L'éligibilité à ce critère
serait réexaminée à mi-parcours "
.
Comme l'a relevé un récent rapport du Conseil de l'Union
européenne,
les dotations totales des fonds structurels et du fonds
de cohésion, s'élevant à près de 240 milliards
d'euros, augmenteraient de 15 % à prix constants par rapport aux
précédentes perspectives financières
(208 milliards).
La dotation des politiques internes
Avec
7,6 milliards d'euros en 2006 contre 6,39 en 1999, la rubrique 3,
consacrée aux politiques internes, connaîtrait le taux de
progression le plus important dans les nouvelles perspectives
financières : 2,5 % par an en moyenne.
Dans sa communication sur " Agenda 2000 ", la Commission avait
déjà insisté sur son souci de développer et de
rendre plus efficace les politiques internes :
" Le développement des politiques internes au cours de la
prochaine période couverte par les perspectives financières
devrait répondre à une double préoccupation, concourant
à accroître l'efficacité des actions menées à
l'échelle communautaire. Il s'agit en premier lieu de concentrer les
moyens disponibles au sein des politiques internes, de manière à
éviter toute dispersion sur des actions qui ne seraient pas en mesure
d'atteindre un impact significatif. En même temps, un certain nombre de
programmes, prioritaires en raison de la valeur ajoutée
générée par une intervention à l'échelle
communautaire, notamment du point de vue de la croissance et de l'emploi ainsi
que du développement et de la diffusion de nouvelles technologies,
devraient voir leurs dotations progresser plus rapidement que le PNB. Il
s'agirait essentiellement des réseaux transeuropéens, de la
recherche et de l'innovation, de l'éducation/formation, de la mise en
oeuvre de technologies respectueuses de l'environnement, des actions en faveur
des PME. "
La Commission avait également insisté sur les conséquences
de l'élargissement sur les politiques internes. Elle avait notamment
souligné que :
- certains programmes (tels que ceux concernant les réseaux
transeuropéens ou la culture) devraient acquérir une dimension
nouvelle dans une Europe élargie ;
- la préparation des pays candidats à certaines politiques
internes, dont le programme de recherche et de développement, qui sera
tout d'abord financée par la rubrique 4 (actions
extérieures) au titre de l'aide préadhésion, serait,
après l'élargissement, financée par la rubrique 3.
Compte tenu de ces deux éléments, la Commission prévoit,
à partir de 2002, 730 millions d'euros de dépenses
supplémentaires liées à l'adhésion pour les
politiques internes. En fin de période, ces dépenses
supplémentaires atteindraient 850 millions.
Les dotations consacrées aux actions extérieures
Avec
7,9 milliards d'euros en 2006 contre 6,87 en 1999, la dotation des
actions extérieures (rubrique 4) augmenterait en moyenne de
2 % par an. Ce plafond comprendrait chaque année 1,56 milliard
au titre de l'aide de préadhésion, montant qui serait
financé par le biais du programme PHARE.
L'exposé des motifs de la proposition E 1049 affiche trois
séries de priorités dont l'objectif est de permettre à
l'Union
" de s'affirmer davantage sur la scène internationale et
d'optimiser ses interventions budgétaires dans la perspective du double
processus de globalisation et de régionalisation des
économies "
:
• renforcer la coopération de la Communauté avec ses
voisins les plus proches, qu'il s'agisse des républiques issues de
l'ex-Union soviétique, de l'ex-Yougoslavie, de l'Albanie ou des pays
tiers méditerranéens. Selon la Commission, il convient,
" compte tenu de la proximité de certains de ces pays avec les
Etats candidats (...), d'inscrire dès aujourd'hui l'évolution
future de l'action extérieure de la Communauté dans la
perspective d'une Union élargie "
. Elle prévoit
notamment la poursuite du programme MEDA en faveur de la Turquie et du
programme TACIS pour le financement des infrastructures et le soutien des
investissements dans les PME. Elle évoque également la
possibilité d'un
" soutien accru au processus de paix au
Proche-Orient si les circonstances politiques le réclament et le
permettent "
;
• conserver à l'aide humanitaire et à la
sécurité alimentaire leur caractère de
" fonctions
essentielles de l'action communautaire
"
. La Commission, qui
prévoit le transfert, pour un montant de 150 millions, de dotations
de l'aide d'urgence vers les lignes budgétaires opérationnelles,
réclame un accroissement des moyens financiers en ce domaine ;
• accorder le soutien financier nécessaire à la mise en
oeuvre de la politique étrangère et de sécurité
commune (PESC) puisque le traité d'Amsterdam a posé le principe,
sauf décision contraire à l'unanimité du Conseil, d'un
financement communautaire des dépenses opérationnelles.
L'appréciation des dotations de la rubrique 4 doit se faire en gardant
à l'esprit l'indéniable utilité des actions
extérieures qui affirment l'identité de l'Union
européenne, lui permettent de faire entendre sa voix sur la scène
internationale et donnent corps à l'image de
générosité que les pays tiers se font de l'Europe. Encore
convient-il que ces dépenses ne donnent lieu à aucune suspiscion
qui se retournerait contre l'Europe. Pour ce faire, l'engagement des
crédits correspondants devra s'effectuer dans le respect des
" bases légales ", c'est-à-dire être
autorisé par une décision normative. Ce respect des bases
légales constitue, nous le verrons, l'un des impératifs que devra
garantir le futur accord interinstitutionnel sur la discipline
budgétaire.
Les dotations consacrées aux dépenses administratives
Avec
5,3 milliards d'euros en 2006 contre 4,73 en 1999, les dotations des
dépenses administratives augmenteraient en moyenne de 1,7 % par an.
La Commission observe toutefois que près de la moitié de cette
augmentation correspondrait à une forte progression des pensions qui,
à régime inchangé, conduirait à l'horizon 2006
à un montant supplémentaire de 260 millions, soit un taux de
croissance supérieur à 6 % par an.
Hors pensions, la progression des dépenses administratives ne devrait
donc pas dépasser 1 % par an en moyenne :
- les dépenses de personnel devraient légèrement
progresser, non pas en raison d'une politique plus active de recrutement
(puisque les effectifs devraient rester stables), mais en raison des
glissements catégoriels et statutaires ;
- les dépenses immobilières se stabiliseront dans la mesure
où les programmes engagés ces dernières années par
le Conseil et le Parlement européen sont achevées ou le seront en
1999. La Commission estime à environ 50 millions d'euros le montant
des dépenses supplémentaires, lesquelles concerneront en
particulier l'extension de l'immeuble de la Cour de justice et celui de la Cour
des comptes ;
- les autres dépenses de fonctionnement administratif devraient
rester stables en termes réels sur toute la durée de la
période.
L'élargissement entraînerait une augmentation
supplémentaire des dépenses administratives (que la Commission
évalue à 450 millions pour l'année 2006) liée
à la nécessité de travailler dans de nouvelles langues ou
à l'accueil des ressortissants des nouveaux Etats membres.
Les réserves
La
Commission prévoit une diminution des réserves en début de
période, celles-ci passant de 1 192 millions d'euros en 1999
à 350 en 2003 en raison de la suppression progressive de la
réserve monétaire. La suppression de cette réserve (dont
le montant sera, en 1999, de 500 millions d'euros), annoncée dans
la communication " Agenda 2000 ", est expliquée par la
réforme de la PAC qui devrait progressivement aligner les prix
communautaires sur ceux des marchés mondiaux et donc réduire
rapidement la part des restitutions dans les dépenses agricoles ;
de ce fait la sensibilité de la dépense agricole totale aux
variations du dollar par rapport à l'euro serait, selon la Commission,
quasiment inexistante.
En ce qui concerne la réserve pour aide d'urgence, la Commission propose
de la réduire dès l'an 2000 à 200 millions d'euros
(contre 346 en 1999), montant qui demeurerait inchangé à prix
réel sur l'ensemble de la période. Dans sa communication
" Agenda 2000 ", comme dans l'exposé des motifs de la
proposition E 1049, la Commission considère que cette
réserve
" s'est avérée très utile pour
répondre à des besoins urgents d'aide humanitaire "
mais
regrette qu'elle se soit
" de fait ajoutée aux dotations
disponibles des actions extérieures au détriment de la discipline
budgétaire "
. En effet,
" compte tenu de son montant
relativement élevé, son utilisation a été
anticipée lors de l'élaboration du budget et les lignes
opérationnelles ont eu tendance à être
sous-budgétisées "
.
La Commission propose donc de réduire cette réserve afin de lui
faire retrouver sa vocation première (à savoir faire face
à des besoins réellement nouveaux et imprévisibles). Cette
réduction a pour contrepartie un renforcement correspondant des lignes
budgétaires opérationnelles dans le cadre de la rubrique 4.
Quant à la réserve pour garanties, elle passerait dès l'an
2000 de 346 à 150 millions d'euros, montant qui demeurerait
inchangé en termes réels jusqu'en 2006. Cette réduction
fait suite à une proposition de la Commission sur le fonds de
garantie : le montant de celui-ci correspond aujourd'hui à
10 % de l'encours total des prêts garantis alors que ledit fonds n'a
jamais été appelé à intervenir pour un montant
supérieur à 5 % de cet encours. Aussi la Commission a-t-elle
proposé de baisser le taux de provisionnement à 6 % des
prêts garantis et de baisser à 150 millions d'euros le
montant de la réserve pour garanties (dont l'objet est d'approvisionner
ledit fonds).
2. Des propositions contestées
Le
principe retenu par la Commission d'un maintien à 1,27 % du plafond
des ressources propres recueille un large accord au sein du Conseil. Certains
Etats, l'Espagne en tête, jugent certes que ce plafond ne permettrait pas
d'intégrer les pays candidats dans des conditions satisfaisantes ;
ils craignent que, faute d'un relèvement, les ajustements
nécessaires ne s'effectuent par une compression des dépenses de
la rubrique 2 dont ils sont les principaux bénéficiaires.
Toutefois, dans la mesure où la décision du 31 octobre 1994
relative au système des ressources propres des communautés
européennes, qui fixe, sans limite de temps, ce plafond à
1,27 %, ne peut être modifiée qu'à l'unanimité,
on peut tenir pour acquis le maintien à 1,27 % du plafond de
ressources propres dans les prochaines perspectives financières. Dans
ces conditions, les propositions de la Commission doivent, dans un premier
temps, être appréciées au regard des réponses
apportées à l'interrogation suivante : les dotations
proposées pourront-elles être couvertes par les ressources propres
dont le plafond demeurera inchangé ?
Or, selon plusieurs
membres du Conseil, rien ne garantit que le montant effectif des ressources
propres corresponde aux prévisions de la Commission eu égard aux
hypothèses, jugées par beaucoup trop optimistes, retenues par
celle-ci.
Au-delà de la question sur le montant global des dépenses, c'est
en fonction de l'utilisation de celles-ci qu'il convient également
d'apprécier les propositions de la Commission :
la répartition
des crédits prévue dans la proposition E 1049 est-elle optimale
au regard des objectifs de l'Union Européenne ?
Sur ce point,
certaines dotations sont d'ores et déjà considérées
par les Etats membres comme trop importantes.
a) Un niveau annoncé de ressources propres jugé surestimé par une majorité d'Etats membres
Compte
tenu de ses hypothèses macro-économiques, la Commission
considère que les plafonds de dépenses proposés pour les
futures perspectives financières représenteraient
" un
pourcentage décroissant du PNB communautaire, passant de 1,23 % en
1999 à 1,13 % en 2006 "
, laissant ainsi
" une
importante marge sous le plafond des ressources propres qui augmenterait
progressivement pour atteindre 0,14 % du PNB en 2006 "
. Cette
marge serait ainsi utilisée :
- à hauteur de 0,03 % du PNB pour constituer la
" marge pour imprévus "
, destinée à faire
face à une croissance moins forte que prévue ;
- le surplus (soit, selon la Commission, 10,5 milliards d'euros en
2006) pour faire face aux dépenses entraînées par
l'adhésion de nouveaux Etats membres.
Cependant, dans un rapport publié le 10 juin dernier sur
l'avancement des travaux sur les principales questions de l'Agenda 2000, le
Conseil de l'Union européenne souligne que
" plusieurs
délégations ont jugé optimiste l'hypothèse d'un
taux de croissance moyen de 2,5 % "
sur la période
2000-2006 : elles "
ont fait valoir que toute baisse de la croissance
économique moyenne en deçà de 2 % pourrait susciter
des difficultés, notamment vers le milieu de la période
considérée. La plupart d'entre elles ont estimé qu'un taux
de croissance de 1,5 % aurait une incidence économique
considérable, en particulier eu égard au choc en retour qui
s'exercerait sur la création d'emplois, mais toutes les
délégations n'ont pas été d'avis que ce
scénario était susceptible de se produire. D'autres ont toutefois
jugé que l'on ne pouvait exclure l'éventualité d'un taux
de croissance faible, du moins pour une partie de la période à
venir, puisque cela s'était produit au début des années
1990 "
.
De fait, la crise financière internationale, survenue plusieurs mois
après les propositions de la Commission, a d'ores et déjà
conduit cette dernière à revoir à la baisse ses
prévisions de croissance pour l'année 1999 : 2,4 % pour
les Quinze contre 3 % prévus au printemps dernier. Certes, la
Commission maintient ses prévisions pour l'an 2000 (2,8 %),
première année de mise en oeuvre des nouvelles perspectives
financières. Toutefois :
- cette prévision de croissance de 2,8 % pour l'an 2000 est
établie dans la perspective d'un contexte plutôt favorable,
lié notamment à l'effet d'entraînement de l'entrée
en vigueur de l'euro. Il suffirait d'une circonstance défavorable
(baisse du dollar, ralentissement plus important que prévu aux
Etats-Unis, récession au Japon au lieu d'une croissance
espérée de 0,6 %...) pour descendre en deçà du
seuil de 2,5 %. Or, comme l'indique le rapport précité du
Conseil de l'Union européenne,
" toute phase de faible
croissance nettement inférieure à 2,5 % qui se produirait au
début de la période risquerait de mettre les finances sous
pression vers 2002-2003, époque à laquelle les dépenses
connaîtront une augmentation plus rapide "
;
- en tout état de cause, il est pour le moins hasardeux d'effectuer
des prévisions de croissance soutenue pour les huit années
à venir, compte tenu des multiples facteurs entrant en
considération et des aléas susceptibles de survenir à tout
moment ;
- en cas de croissance inégale, tout retard pris une année
devra être rattrapé au cours des années suivantes afin de
respecter la moyenne de 2,5 % par an. Cela supposerait une croissance bien
supérieure à ce dernier taux, pourtant déjà
relativement élevé. En ce qui concerne les pays candidats
à l'adhésion, l'hypothèse d'un taux de croissance moyen de
4 % par an suppose pratiquement l'absence de toute " année
creuse ".
L'affirmation de la Commission selon laquelle les perspectives
financières proposées seraient viables même dans le cas
d'un taux de croissance moyen de 2 %, voire de 1,5 %, n'a semble-t-il
pas convaincu toutes les délégations. Plusieurs ont ainsi
insisté pour que les marges disponibles, sous le plafond des ressources
propres, soient
" suffisamment importantes pour tenir compte de la
possibilité d'une croissance inégale sur l'ensemble de la
période, ainsi que d'autres événements
inattendus "
.
Ainsi,
pour une majorité d'Etats membres, le montant des recettes
communautaires risque de se révéler inférieur à
celui prévu par la Commission
. Dès lors, compte tenu du
maintien à 1,27 % du plafond des ressources propres,
une
compression des dépenses proposées serait nécessaire
pour respecter la règle posée par l'article 1999 du
traité instituant la Communauté européenne :
" le budget doit être équilibré en recettes et en
dépenses "
.
b) Les discussions sur les montants envisagés par la Commission
Les
dotations proposées par la Commission pour les différentes
rubriques sont déterminées sur la base de propositions multiples
concernant les fonds structurels, la PAC, la préadhésion, le fond
de cohésion... Dans la mesure où ces propositions donnent
elles-mêmes lieu à de difficiles négociations, les
discussions conduites dans le cadre de celles-ci rejaillissent
inéluctablement sur les propositions pour les futures perspectives
financières. Trois exemples permettront de mesurer toute la
complexité des négociations.
Le débat sur les dépenses agricoles
Comme l'a souligné l'excellent rapport de la mission d'information de
notre commission des Affaires économiques et du plan sur la
réforme de la PAC, plusieurs pays (notamment la France, l'Allemagne,
l'Espagne, le Portugal et l'Irlande) sont opposés aux propositions de la
Commission en ce domaine. On peut en conséquence raisonnablement
s'attendre à ce que les montants prévus par la Commission pour la
rubrique 1, qui visent à traduire ces propositions, donnent lieu
à discussion.
D'une manière générale, comme l'a indiqué la
présidence autrichienne après le Conseil Affaires
générales du 8 octobre 1998, certains Etats souhaiteraient
réduire les dépenses agricoles (Suède, Royaume-Uni, ...)
alors que d'autres considèrent que les plafonds proposés,
conçus pour une Europe à quinze, ne suffiront pas en cas
d'élargissement (Espagne notamment).
Le débat sur les dépenses structurelles
Sur ce point, les propositions de la Commission se heurtent à la
position de certains Etats (Allemagne, Autriche, Suède, France,
Pays-Bas, Royaume-Uni) qui réclament une diminution des dotations
prévues pour les fonds structurels. Quant aux pays dits " de la
cohésion " (Espagne, Grèce, Portugal), ils souhaitent bien
naturellement l'augmentation de crédits dont ils sont les principaux
bénéficiaires.
Un autre élément de discussion, soulevé par M. Yann
Gaillard dans son rapport d'information précité, porte sur le
point de savoir si les pays accédant à la troisième phase
de l'Union économique et monétaire doivent, du même coup,
se voir exclus du bénéfice du fonds de cohésion. La
Commission propose, rappelons-le, que l'adhésion à la
troisième phase de l'Union économique et monétaire soit
sans conséquence sur l'éligibilité aux crédits du
fonds de cohésion. Pourtant, comme l'a fort bien rappelé notre
collègue Yann Gaillard,
" il paraît (...) logique de
considérer que les Etats accédant à l'Euro ne remplissent
plus les conditions d'allocation du fonds de cohésion, qui aura alors
accompli sa mission "
. Ce point de vue est notamment celui des
Allemands et des Néerlandais.
Enfin, compte tenu de l'extrême dispersion des crédits
consacrés aux fonds structurels, la définition du futur cadre
financier de l'Union européenne ne pourra s'affranchir d'une
réflexion sur l'émergence d'une politique d'aménagement du
territoire européenne qui ne figure pourtant point parmi les objectifs
assignés à l'Union. Il conviendra en effet de s'interroger sur le
niveau optimal d'affectation desdits crédits au regard du souci de
cohésion entre Etats et d'un meilleur équilibre au sein des Etats
eux-mêmes.
Le débat sur le financement de l'élargissement
Les perspectives financières proposées par la Commission reposent
sur le principe, posé dans la communication
" Agenda 2000 ", que l'Union européenne comportera six
nouveaux membres en 2002. Cette hypothèse semble aujourd'hui
irréaliste eu égard à la tâche de longue haleine que
constitue la préparation des pays candidats à l'adhésion
et de la ferme volonté de plusieurs Etats membres (en tête
desquels figurent la France, l'Italie et la Belgique), soutenus par le
Parlement européen, de subordonner tout nouvel élargissement
à une réforme institutionnelle préalable.
De fait, il paraît désormais acquis que l'Union européenne
ne s'élargira pas avant le 1er janvier 2002. Il semble même
improbable à certains observateurs qu'un élargissement
intervienne avant la fin de la période couverte par les prochaines
perspectives financières.
Dans ces conditions, le coût total de 75 milliards d'euros sur la
période de programmation serait certainement surévalué,
tout au moins pour la partie concernant les dépenses liées
à l'adhésion.
En revanche, le débat reste ouvert sur le point de savoir si les
crédits de préadhésion doivent, compte tenu de cette
" nouvelle donne ", être abondés ou, au contraire,
diminués.
Les propositions de la Commission relative à l'aide
préadhésion se heurtent tout d'abord à une
difficulté tenant à la présentation : ne serait-il pas
préférable de consacrer une rubrique particulière
regroupant l'ensemble des dépenses de préadhésion
plutôt que d'adopter une présentation éclatée en les
répartissant entre trois rubriques ? Sur un plan strictement juridique,
il a en outre été estimé que les dépenses de
préadhésion s'apparentaient à des crédits pour
l'action extérieure et ne pouvaient en conséquence relever des
rubriques 1 et 2. Il semble que les Quinze s'orienteraient vers la constitution
d'une rubrique spéciale, composée de trois sous-rubriques : une
pour l'aide en matière agricole, une pour l'instrument structurel de
préadhésion (ISPA), une au titre de l'aide extérieure.
Mais, au-delà de cette question de présentation, c'est le montant
même de l'aide préadhésion qui donne lieu à
discussion, et plus particulièrement celui de l'ISPA. Sur ce point, deux
dispositions contenues dans la proposition de règlement
présentée par la Commission pour instituer l'ISPA
soulèvent des difficultés :
- la première (qui se pose aussi pour l'aide de
préadhésion en matière agricole) concerne le sort des
crédits attribués à un Etat au titre de l'ISPA lorsque
ledit Etat adhérera effectivement à l'Union européenne. La
logique veut que l'adhésion entraîne la perte du droit aux
concours au titre de l'ISPA. C'est d'ailleurs ce que prévoit la
Commission dans l'article 15 de sa proposition de règlement. Mais le
même article prévoit également la réallocation aux
autres pays bénéficiaires de l'ISPA de la part restante de
l'allocation attribuée au nouvel adhérent. Cette solution
soulève la question de l'automaticité de la réallocation.
Une décision explicite du Conseil, prise par exemple à la
majorité qualifiée, apparaît préférable
à certains Etats dans la mesure où elle permettrait de tenir
compte de la capacité d'absorption effective des crédits par les
bénéficiaires potentiels ;
- la seconde difficulté, plus épineuse, concerne le taux de
la contribution communautaire qui, selon la proposition de la Commission,
pourrait pour chaque projet aller jusqu'à 85 % des dépenses
publiques ou assimilables. Ce taux pourrait, dans certaines hypothèses
(par exemple, lorsque la mesure aidée serait susceptible de
générer des recettes durables ou pour appliquer le principe du
" pollueur-payeur "...) être réduit. Ce dispositif
reprend en substance celui proposé par la Commission dans le cadre de la
réforme du fonds de cohésion. Ce lien étroit entre fonds
de cohésion et ISPA génère d'intenses discussions sur le
taux communautaire applicable à ce dernier, taux qui pourrait, selon
certains, servir de modèle au taux du concours communautaire dans le
cadre du fonds de cohésion. La plupart des Etats souhaitent inverser le
principe proposé par la Commission : le taux communautaire applicable au
titre de l'ISPA serait fixé à un niveau inférieur, par
exemple à 75 %, et ne pourrait être porté à 85 % que
dans des cas particuliers. L'Espagne s'oppose fermement à cette
solution, craignant qu'elle ne soit reprise pour le fonds de
cohésion.
B. UNE NÉGOCIATION QUI NE PEUT SE LIMITER AU STRICT CADRE DES MONTANTS DE DÉPENSES
Le passage suivant, extrait des conclusions de la présidence, permet de prendre la mesure des problèmes relatifs au cadre financier de l'Union européenne : " Le Conseil européen prend note de l'hypothèse de travail de la Commission, à savoir que le plafond actuel des ressources propres serait maintenu, ce que certains Etats membres n'ont pas accepté. Le Conseil européen prend note de l'engagement de la Commission d'avancer à l'automne la présentation de son rapport sur les ressources propres, y compris la question des positions budgétaires relatives, à la lumière de la réforme des politiques et notamment de toutes les autres questions dont le Conseil européen a discuté à Cardiff. Dans ce contexte, le Conseil européen prend note du fait que certains Etats membres ont estimé que la répartition des charges devait être plus équitable et ont demandé de créer un mécanisme de correction des déséquilibres budgétaires, mais que certains autres Etats membres s'y sont opposés. Dans le même contexte, il note également que certains Etats membres ont présenté des propositions de modification des ressources propres, par exemple en introduisant un élément de progressivité, mais que d'autres se sont opposés à cette solution ".
1. Les appels à une réforme du système des ressources propres
En ce qui concerne les recettes de l'Union européenne, l'auteur du présent rapport ne peut que rappeler ce qu'il a écrit en tant que rapporteur spécial du budget des affaires européennes (3( * )) : " l'architecture des ressources du budget européen se caractérise par sa particulière complexité et opacité. Ces caractéristiques privent les citoyens de l'Union européen de l'idée même de participer au financement de l'Union européenne ".
a) Le système actuel des ressources propres
Le
financement de la Communauté européenne est assuré par des
recettes que l'article 201 du traité dénomme
" ressources propres "
. Ces ressources propres sont au nombre
de quatre :
- les droits agricoles et les cotisations sucre et isoglucose ;
- les droits de douane, qui proviennent de l'application du tarif douanier
commun à la valeur en douane de biens importés de pays
n'appartenant pas à la Communauté européenne ;
- la ressource TVA, qui provient de l'application d'un taux uniforme
(1 % en 1999) à l'assiette TVA de chaque Etat membre
calculée sur une base harmonisée. Toutefois, l'assiette à
prendre en compte pour chaque Etat ne peut dépasser un certain seuil de
son PNB, fixé à 50 % pour 1999 ;
- la
" quatrième ressource ",
fondée sur le
PNB, également désignée par l'expression
" ressource complémentaire "
puisqu'elle intervient
pour équilibrer le budget communautaire, en complément des autres
ressources. Chaque année, compte tenu du montant total des autres
recettes et du volume des dépenses, l'autorité budgétaire
fixe le taux d'appel de cette quatrième ressource afin de parvenir
à l'équilibre.
Le tableau et le graphique ci-après retracent l'évolution de la
part des montants des différentes ressources (en regroupant les deux
premières, à savoir les droits agricoles et les droits de douane,
sous l'expression de
" ressources propres
traditionnelles ")
:
Composition des ressources propres de l'Union
européenne
(en pourcentage du total, chiffres
consolidés ; les données pour 1998 et 1999
sont des
projections)
|
1988 |
1989 |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
Ressources propres traditionnelles |
29.1 |
28.7 |
29.4 |
26.4 |
23.6 |
20.3 |
20.6 |
21.3 |
19.1 |
18.8 |
16.7 |
16.1 |
TVA (1) |
60.0 |
60.7 |
69.9 |
59.5 |
61.9 |
54.0 |
51.9 |
57.8 |
51.3 |
45.5 |
39.7 |
35.4 |
PNB |
10.9 |
10.6 |
0.7 |
14.1 |
14.5 |
25.7 |
27.5 |
20.9 |
29.6 |
35.7 |
43.6 |
48.4 |
Source : Commission européenne.
(1) Y compris la correction en faveur du Royaume-Uni.
Composition des ressources propres de l'Union
européenne
1988-1999
(prix courants en milliards
d'écus)
Ces
données font apparaître :
• une diminution continue de la part des ressources propres
traditionnelles (RPT) dont le montant, du fait de la libéralisation du
commerce mondial, est demeuré stable (entre 12 et 14 milliards
d'écus selon les années) alors que le montant global des
ressources propres ne cessait de croître ;
• une diminution continue de la part de la ressource TVA à partir
de 1992, due pour l'essentiel :
- au plafonnement de l'assiette TVA en fonction du PNB des Etats
membres : de 54 % en 1995 à 50 % en 1999 (ce plafonnement
à 50 % ayant été même décidé
dès 1995 pour les Etats dont le PNB par habitant était
inférieur à 90 % de la moyenne communautaire). Compte tenu
de ce plafonnement, cinq Etats devraient voir leur base TVA
écrêtée en 1999 : Grèce, Irlande,
Luxembourg, Portugal, Royaume-Uni ;
- à la réduction du taux maximal d'appel de la TVA de
1,4 % en 1995 à 1 % en 1999.
• Une augmentation parallèle de la part de la quatrième
ressource dont le taux d'appel est passé de 0,33 % en 1995 à
0,403 % en 1997 et dépassera 0,5 % en 1999.
Ces quatre ressources propres couvrent plus de 99 % des recettes de
l'Union européenne. Celle-ci dispose également de diverses
recettes telles que le produit d'amendes, d'intérêts de retard ou
de l'imposition des traitements des salariés de l'Union.
b) Un dispositif critiqué
Le
système actuel de ressources propres a fait récemment l'objet de
nombreuses critiques émanant notamment de la Commission elle-même,
de la Cour des comptes européenne et du Parlement européen.
Ces critiques ne portent pas sur le plafond de 1,27 % du PNB, qui a
toujours permis de financer de manière satisfaisante les dépenses
de l'Union européenne.
Elles sont d'ordre qualitatif et concernent
notamment l'équité, l'autonomie financière de l'Union
européenne et l'efficacité du dispositif.
Ressources propres et équité
Comme le souligne la Commission dans son récent rapport, la charge
financière doit être répartie équitablement entre
les Etats membres. A cet égard, la Commission a longtemps
critiqué la ressource TVA qui, par sa nature d'impôt sur la
consommation, lui paraissait peser proportionnellement davantage sur les Etats
les moins prospères. Par hypothèse, ceux-ci consacrent en effet
à la consommation une part de leur revenu relativement plus
élevée que les Etats dits riches. Mais l'importante diminution de
la part de la ressource TVA depuis le début de la présente
décennie a conduit la Commission, dans son récent rapport,
à juger satisfaisant au regard de l'équité le
système actuel de ressources propres :
" les contributions
des Etats membres sont désormais en plus étroite
corrélation avec les PNB nationaux (...). Les contributions
reflètent fidèlement les parts du PNB, à l'exception de
l'Italie et du Royaume-Uni où, du fait de la correction, les
contributions
(4(
*
))
sont nettement
inférieures "
.
Le raisonnement de la Commission sur l'effet régressif de la ressource
TVA devrait logiquement conduire à la suppression de cette
dernière et à son remplacement pur et simple par la ressource
PNB. Mais celle-ci contient également des facteurs de
déséquilibre que la Cour des comptes européenne a
dénoncés dans un rapport spécial
" relatif au
bilan du système des ressources fondées sur la TVA et le
PNB "
, adopté en mai 1998 :
- d'abord parce que la ressource PNB n'est pas calculée sur la base la
plus affinée, celle de la nouvelle version du système
européen de comptes économiques intégrés (dit SEC
1995), mais sur la base d'une version plus ancienne, le SEC 1979. Or, comme le
souligne la Cour des comptes, s'appuyant sur un document du Conseil,
" il est probable que le nouveau système entraîne une
augmentation du PNB communautaire et une modification des rapports entre les
PNB des Etats membres. Parmi les neuf Etats membres ayant fourni une estimation
lors des travaux préparatoires du SEC 1995, la différence par
rapport au PNB actuel (SEC 1979) se situait entre - 9,7 % et
+ 5 % selon les pays "
. Et la Cour de conclure :
" le principe d'impartialité des statistiques communautaires,
qui implique qu'elles soient produites de manière objective et
indépendante, s'en trouve affecté "
.
- ensuite, en raison des approximations dans la prévision de l'assiette
(qui concerne d'ailleurs aussi bien la recette PNB que la recette TVA) :
" au cours de la période 1989-1995, pour la ressource TVA, les
écarts maximaux entre assiette prévisionnelle et assiette
réelle ont varié, pour l'ensemble des Etats membres, entre
- 5 % et + 9 %. Pour la ressource PNB, ce même
écart se situait entre - 6 % et + 3 %. Comme les
ressources globalement disponibles pour un exercice n,
déterminées au début de l'année n-1 à
partir d'une prévision du PNB communautaire, ne sont pas
corrigées au cours de cet exercice n de référence, la
qualité des prévisions est donc particulièrement
importante "
.
Ressources propres et autonomie financière de l'Union
européenne
Selon la Commission, les ressources de l'Union européenne doivent
assurer l'indépendance du budget de celle-ci par rapport aux
trésors publics nationaux. Or, les ressources propres traditionnelles,
dont la part ne cesse de diminuer,
" constituent à l'heure
actuelle la seule vraie ressource propre de l'Union
européenne "
. La Cour des comptes rejoint la Commission dans
cette analyse : si la ressource PNB est, par nature, une contribution
nationale et n'a donc pas de caractère fiscal,
" la situation
n'est pas très différente pour ce qui est de la ressource TVA. Et
ce en dépit du fait que le système des ressources TVA avait
été conçu pour fournir une source de financement
communautaire tout en assurant un lien direct entre les contribuables
européens et le budget communautaire "
. En particulier, observe
la Cour,
" l'écrêtement progressif de l'assiette de la
ressource TVA en pourcentage du PNB (...) en accentue le caractère
macro-économique par son lien avec le PNB "
.
Ce " déficit d'autonomie financière " de l'Union
européenne par rapport aux Etats membres présente quatre
inconvénients :
- les contributions nationales alimentent des conflits en imitant les
Etats membres à se livrer à des calculs (souvent biaisés)
sur leur contribution au financement du budget communautaire, calculs en
eux-mêmes totalement incompatibles avec la logique communautaire ;
- comme le souligne la Commission,
" les variations dans les
dépenses communautaire se traduisent à la marge par des
variations dans les dépenses nationales "
(puisque les Etats
membres doivent prévoir dans leur budget un chapitre relatif à
leur contribution au budget de l'Union européenne, laquelle varie d'une
année sur l'autre dans la mesure où la ressource PNB, variable
d'ajustement des recettes aux dépenses, varie elle-même).
" Cela mêle les problèmes de financement de l'Union
européenne aux politiques financières et budgétaires
nationales en masquant pour les citoyens les priorités en jeu au niveau
de l'Union "
. Cette observation rejoint celle de la Cour des comptes
européenne selon laquelle
" les ressources TVA et PNB
constituent des transferts de recettes des Etats membres vers le budget de
l'Union européenne ".
En résumé, la part
croissante des contributions des Etats a pour conséquence que le
financement de l'Union européenne est assuré par des
contribuables nationaux bien plus que par des contribuables européens ;
-
comme le fait observer la Commission, "
toute perte dans le
recouvrement des ressources propres traditionnelles doit être
compensée par une augmentation correspondante de la ressource PNB
appelée. La négligence d'un Etat membre a donc des
conséquences financières pour tous les autres
". On
pourrait ajouter que le coût de cette négligence est
réparti entre les Etats membres. Cette situation n'incite guère
les Etats a fournir des efforts coûteux et impopulaires pour percevoir
des ressources au nom de l'Union européenne. Ainsi, par essence, le
système des ressources propres de l'Union européenne tel qu'il
existe dissuade les Etats d'adopter un comportement véritablement
européen ;
- enfin, comme le note également la Commission,
" le
contrôle démocratique est amenuisé par l'absence de
relation directe entre les citoyens et les taxes versées au budget de
l'Union européenne "
.
Ressources propres et efficacité
Cour des comptes et Commission se rejoignent également pour
dénoncer la complexité de la gestion des ressources propres et
notamment des ressources propres traditionnelles.
Ainsi, la seule législation douanière compte plus de
11 000 positions tarifaires sans pour autant être
adaptée à l'ensemble des échanges internationaux, toujours
plus complexes en raison de l'apparition quotidienne de nouveaux produits et de
nouveaux flux commerciaux.
Cette complexité facilite la fraude et multiplie les litiges. Elle est
en outre à l'origine d'un découragement des administrations
nationales, pourtant chargées de percevoir les ressources propres
traditionnelles pour le compte de l'Union européenne. D'ailleurs, comme
le souligne la Commission,
" pour des raisons compréhensibles,
(les Etats membres) ne sont disposés ni à renforcer le cadre
réglementaire du système douanier, ni à engager les
ressources nécessaires au recouvrement des droits de
douane "
.
2. Les critiques adressées au régime des dépenses
Le débat sur les montants prévus par les perspectives financières pour les différentes rubriques ne saurait être dissocié du débat sur le régime des dépenses ainsi programmées. Les règles d'utilisation de ces dépenses relèvent dans une large mesure de l' " accord interinstitutionnel sur la discipline budgétaire et l'amélioration de la procédure budgétaire " . L'accord en vigueur, adopté le 29 octobre 1993, doit être prochainement renouvelé, sur la base de la proposition E 1128. Les principaux points de discussion du futur accord interinstitutionnel ont trait, d'une part, au statut des dépenses structurelles et, d'autre part, à la flexibilité, c'est-à-dire à la possibilité de transférer des dépenses d'une rubrique sur une autre ou d'une année sur l'autre.
a) Le débat sur le statut des dépenses structurelles
Selon
l'accord interinstitutionnel en vigueur, les perspectives financières
fixent en principe des plafonds de dépenses. Une exception a cependant
été prévue pour les dépenses des actions
structurelles, pour lesquelles la programmation des perspectives
financières est non pas un plafond, mais un objectif de
dépenses :
- d'une part, les crédits fixés par les perspectives
financières sont systématiquement inscrits au budget dans leur
intégralité :
" à l'intérieur des taux
maximaux d'augmentation des dépenses non obligatoires (...), le
Parlement européen et le Conseil s'engagent à respecter les
dotations en crédits d'engagements prévues dans les perspectives
financières pour les fonds structurels et le fonds de
cohésion "
(§ 21) ;
- d'autre part, les crédits non utilisés au cours d'un exercice
sont reportés sur les exercices suivants :
" sur proposition de
la Commission, les deux branches de l'autorité budgétaire
s'engagent à autoriser le transfert sur des exercices ultérieurs
(...) des dotations non utilisées "
correspondant aux actions
structurelles (§ 10).
Ce statut privilégié des dépenses structurelles est au
coeur d'un débat entre les Etats qui en sont les principaux
destinataires en proportion de leur PNB (Espagne, Portugal, Grèce),
partisans de l'objectif de dépenses, et les Etats contributeurs (dont
l'Allemagne), favorables au plafond et qui préconisent une plus stricte
orthodoxie budgétaire. De fait, force est de constater que :
- d'une part, comme l'a souligné le rapport de M. Yann
Gaillard,
" au cours des dernières années, il a
été observé une sous-utilisation des crédits
disponibles par les Etats membres. Jusqu'à présent, une
sous-consommation se traduisait par un report automatique des fonds non
utilisés pendant l'année sur l'exercice suivant "
. C'est
ainsi que, pour " solder " les actuelles perspectives
financières adoptées à Edimbourg, la Commission a
été conduite à inscrire dans l'avant-projet de budget pour
1999 une augmentation de 17 % par rapport à 1998 des crédits
des fonds structurels et du fonds de cohésion alors même que,
parallèlement, la plupart des Etats membres devaient réduire leur
déficit budgétaire dans la perspective de leur entrée dans
la troisième phase de l'Union économique et monétaire.
Cette situation, nous l'avons vu, ne peut que nuire à la
crédibilité de l'Union européenne. A cet égard, il
convient de souligner que, en France, les autorisations de programme des
budgets communaux ou régionaux peuvent, lorsqu'elles n'ont pas
donné lieu à crédits de paiement, être
annulées, ce qui paraît la moindre des choses. On ne voit
guère de raisons justifiant que l'Union européenne s'affranchisse
de cette règle de bon sens selon laquelle il n'y a pas lieu de
budgétiser des crédits dont on sait pertinemment qu'ils ne seront
point exécutés ;
- d'autre part, la discussion sur le statut des dépenses
structurelles ne peut être dissociée de la discussion sur leur
montant prévu par les perspectives financières. Ainsi,
dans un
contexte d'appel à une maîtrise des finances publiques
par la
Commission,
il paraît évident qu'une substantielle augmentation
des dépenses pour les actions structurelles ne peut aller de pair avec
le maintien de leur statut privilégié
.
b) Le débat sur la flexibilité des dépenses
Ainsi
que le prévoit le paragraphe 11 de l'accord interinstitutionnel de
1993,
" indépendamment des exercices réguliers
d'ajustement technique et d'adaptation aux conditions d'exécution, les
perspectives financières peuvent être révisées, sur
proposition de la Commission, pour faire face à la
nécessité d'engager des actions non prévues à
l'origine, dans le respect du plafond des ressources propres
".
Au-delà de ces adaptations, qui supposent une décision commune du
Parlement européen et du Conseil, le paragraphe 13 prévoit
quelque peu laconiquement que
" les institutions examinent, en outre,
les possibilités de compenser le relèvement du plafond d'une
rubrique par la réduction du plafond d'une autre rubrique "
.
Cette disposition permet donc d'ores et déjà une certaine
flexibilité d'une rubrique à l'autre. Dans son rapport sur la
mise en oeuvre de l'accord interinstitutionnel du 29 octobre 1993, la
Commission juge souhaitable, pour des besoins ponctuels pouvant
apparaître lors de l'établissement du budget ou en cours
d'exercice, d'introduire des marges supplémentaires (mais
limitées) de flexibilité. Cette flexibilité accrue
permettrait des transferts de dotations entre certaines rubriques ou d'une
année sur l'autre.
Sans anticiper sur les propositions de la Commission, formalisées dans
son projet de nouvel accord interinstitutionnel, il convient d'ores et
déjà de s'interroger sur la compatibilité de cette
flexibilité avec la logique des perspectives financières, dont
l'objet est de fixer des plafonds de dépenses. En effet, ou bien les
dotations d'une rubrique inscrites pour une année suffisent
effectivement à financer les actions envisagées et, dans ce cas,
la flexibilité est inutile ; ou bien la flexibilité permet
de pallier l'insuffisance de ces dotations, et donc de dépasser
ipso
facto
le montant des perspectives financières, lesquelles ne fixent
donc plus un plafond de dépenses pour chaque rubrique mais, au mieux, un
plafond global pour l'ensemble de la période et pour l'ensemble des
rubriques.
En d'autres termes,
sauf à être strictement encadrée, la
flexibilité viderait les perspectives financières de leur raison
d'être : la fixation de plafonds de dépenses
.
3. La question des soldes budgétaires
La question des soldes budgétaires nets des Etats membres a souvent pollué les négociations relatives au budget communautaire, tout particulièrement après l'entrée du Royaume-Uni dans le marché commun. Le problème, que le Conseil européen de Fontainebleau de 1984 avait permis d'atténuer, a resurgi à la fin de l'année 1997, à la suite de revendications de plusieurs Etats membres, dont l'Allemagne. Ce débat doit être replacé dans le contexte général de l'Agenda 2000, et notamment dans la perspective de l'élargissement. Celui-ci entraînera en effet une détérioration de la situation budgétaire des Quinze que la Commission évalue à 0,15 % de leur PNB.
a) Le précédent britannique
Dès son adhésion à la Communauté
économique européenne, en 1973, le Royaume-Uni a soulevé
la question du déséquilibre entre sa contribution au budget
communautaire et les dépenses communautaires dont il était
destinataire. Ce déséquilibre tenait essentiellement à la
spécificité du secteur agricole britannique, plus modeste et
structurellement différent de celui d'autres Etats membres, et à
une contribution relativement importante, liée à la part du
Royaume-Uni dans l'assiette de la TVA harmonisée (plus grande que sa
part dans le PNB total de la Communauté).
Le Conseil européen a adopté plusieurs dispositifs successifs de
correction de ce déséquilibre. Le système actuel de
correction remonte au Conseil de Fontainebleau de juin 1984, dont les
conclusions sur ce point ont été traduites dans une
décision du 7 mai 1985. Aux termes de celle-ci, la contribution du
Royaume-Uni au budget communautaire est réduite à hauteur de
66 % de son déséquilibre budgétaire. Le
déficit de financement qui résulte de cette correction est
financée par les
" autres Etats membres "
(ce qui
exclut le Royaume-Uni), étant précisé que l'Allemagne ne
participe qu'à hauteur de deux-tiers de sa part normale.
Comme le montre le graphique ci-après, le mécanisme ainsi
adopté a atteint son objectif en ce qu'il a conduit à une
substantielle réduction du solde négatif du Royaume-Uni, qui
s'élève aujourd'hui à environ 0,2 % de son PNB.
Solde
du Royaume-Uni
(
En pourcentage du PNB)
Source : Commission Européenne
Toutefois, près de quinze années après
le
Conseil de Fontainebleau, les données qui avaient pu justifier l'octroi
d'une compensation au Royaume-Uni sont profondément
transformées :
- l'écart de prospérité relative entre le Royaume-Uni
et les autres Etats contributeurs nets s'est resserré. Comme le fait
observer la Commission dans son rapport sur les ressources propres,
" le Royaume-Uni connaît une prospérité relative
(et donc une capacité relative de payer) qui se situe autour de la
moyenne de l'Union européenne et qui la dépassera certainement
après le prochain élargissement "
;
- la création de la ressource PNB en 1988 et
l'écrêtement de la base TVA ont réduit le poids relatif de
la ressource TVA et rapproché la part de la contribution britannique au
budget communautaire de la part du PNB britannique dans le PNB communautaire.
Cette évolution réduit sensiblement la portée de
l'assiette TVA harmonisée dont l'ampleur, rappelons-le, avait
été l'une des deux principales raisons avancées à
Fontainebleau pour justifier le " chèque britannique ". Au
surplus, ces modifications n'ont pas donné lieu à des
réelles adaptations du mode de calcul du montant dudit chèque qui
continue à être évalué comme si le budget
était encore pour l'essentiel financé par la TVA non
écrêtée, c'est-à-dire sur la base d'un
système abandonné depuis dix ans ;
- alors que les dépenses agricoles (dont l'ampleur constituait la
seconde justification d'une correction au profit des britanniques)
représentaient plus de 70 % des dépenses réparties
entre Etats en 1984, cette part est aujourd'hui inférieure à
50 % (et devrait se réduire encore si les perspectives
financières proposées par la Commission étaient
adoptées en l'état).
Il résulte de ces évolutions que la correction au
bénéfice du Royaume-Uni, déjà contraire au principe
de solidarité qui régit la construction européenne,
aboutit
, pour reprendre l'expression de la Commission,
à
" une distorsion dans le système des contributions "
puisque la contribution budgétaire de ce pays
" représente une proportion plus faible de ses revenus que celle
payée par les autres Etats membres "
.
Au surplus, et c'est l'une des principales difficultés à laquelle
se heurtent les Quinze pour définir le futur cadre financier de l'Union
européenne,
ce précédent suscite des revendications de
la part d'autres Etats contributeurs nets
.
b) Les revendications de certains Etats contributeurs nets
Aux
termes de l'accord de Fontainebleau,
" tout Etat membre supportant une
charge budgétaire excessive au regard de sa prospérité est
susceptible de bénéficier, le moment venu, d'une
correction "
. Quatre Etats -l'Allemagne, les Pays-Bas, la Suède
et l'Autriche- ont récemment demandé à
bénéficier de cette correction. Ils ont en outre implicitement
pointé du doigt certains Etats qui ont des soldes négatifs
beaucoup moins importants, voire des soldes positifs, tout en ayant une
capacité contributive comparable à la leur.
Le tableau ci-après, établi à partir du rapport de la
Commission sur les ressources propres, mesure les soldes budgétaires
comptables
de chaque Etat membre en 1997.
|
Dépenses totales de l'UE dans l'Etat membre |
Contributions des Etats membres au financement |
Soldes budgétaires comptables |
|||
|
(milliards d'euros) |
% PNB |
(milliards d'euros) |
% PNB |
(milliards d'euros) |
% PNB |
Belgique |
4,05 |
5,0 |
2,97 |
3,9 |
1,08 |
0,50 |
Danemark |
1,57 |
2,0 |
1,51 |
2,0 |
0,07 |
0,05 |
Allemagne |
10,27 |
12,8 |
21,21 |
28,2 |
- 10,94 |
- 0,60 |
Grèce |
5,55 |
6,9 |
1,18 |
1,6 |
4,37 |
4,13 |
Espagne |
11,30 |
14,1 |
5,37 |
7,1 |
5,93 |
1,28 |
France |
12,40 |
15,5 |
13,18 |
17,5 |
- 0,78 |
- 0,06 |
Irlande |
3,36 |
4,2 |
0,69 |
0,9 |
2,68 |
4,84 |
Italie |
8,60 |
10,7 |
8,67 |
11,5 |
- 0,06 |
- 0,01 |
Luxembourg |
0,89 |
1,1 |
0,17 |
0,2 |
0,72 |
4,89 |
Pays-Bas |
2,56 |
3,2 |
4,84 |
6,4 |
- 2,28 |
- 0,71 |
Autriche |
1,38 |
1,7 |
2,11 |
2,8 |
- 0,72 |
- 0,40 |
Portugal |
3,80 |
4,7 |
1,08 |
1,4 |
2,72 |
3,12 |
Finlande |
1,12 |
1,4 |
1,06 |
1,4 |
0,06 |
0,06 |
Suède |
1,19 |
1,5 |
2,32 |
3,1 |
- 1,13 |
- 0,59 |
Royaume-Uni |
7,13 |
8,9 |
8,93 |
11,9 |
- 1,80 |
- 0,16 |
A la lecture de ce tableau, il est manifeste que les Etats montrés du doigt par les quatre susmentionnés sont la Belgique, le Danemark, la France et le Luxembourg. Toutefois, il est communément admis que les soldes budgétaires comptables ne mesurent point le bénéfice retiré par les Etats de leur appartenance à l'Union européenne.
c) La nécessité de dépasser la stricte analyse comptable
La seule
comparaison du total des dépenses et de celui des contributions des
quinze Etats pris dans leur ensemble, tels qu'ils résultent du tableau
ci-dessus, suffirait d'ailleurs à démontrer les limites d'un
raisonnement comptable. Les secondes sont en effet largement supérieures
aux premières pour la bonne et simple raison que certaines
dépenses ne peuvent être réparties entre les Etats. Il en
va notamment ainsi des actions extérieures.
Par ailleurs, comme l'avait déjà souligné la Commission
dans une étude d'octobre 1997 intitulée
Contributions
budgétaires, dépenses de l'Union européenne, soldes
budgétaires et prospérité relative des Etats
membres
:
" L'examen des seuls flux budgétaires
ne permet pas de dresser une liste exhaustive de tous les avantages qui
découlent de l'adhésion à l'Union européenne.
Celle-ci procure des avantages et impose des obligations qui sont à la
fois d'ordre financier et non financier ; elle a aussi une dimension non
budgétaire dont l'importance en éclipse l'aspect
budgétaire. Ainsi, le profit retiré de la réalisation
d'objectifs communs, tels que la libération des échanges et
l'intégration économique européenne, ne saurait
s'apprécier en se référant uniquement aux flux
budgétaires. De plus, les moyens provenant du budget de l'Union
européenne bénéficient toujours, non seulement aux
destinataires de ces fonds, mais aussi aux autres Etats membres par le biais
d'un reflux de capitaux. Les politiques structurelles et les actions
extérieures, dans le cadre desquelles la mise en oeuvre des projets
donne souvent lieu à des achats de biens et de services dans d'autres
Etats membres, en sont des exemples caractéristiques "
.
Dans son rapport spécial de juin 1998 sur les ressources TVA et PNB, la
Cour des comptes a, à son tour, insisté sur le fait que
" les flux budgétaires enregistrés en comptabilité
ne permettent pas d'identifier les effets d'entraînement de ces
politiques communautaires "
.
II. DES PROPOSITIONS MULTIPLES ET SOUVENT INCONCILIABLES
A la suite de la communication " Agenda 2000 ", les propositions ont surgi (ou resurgi) dans la perspective des négociations relatives au cadre financier de l'Europe de demain : Commission, Parlement européen, Etats membres, Cour des comptes européenne ont chacun formulé des voeux ou émis des suggestions portant sur l'ensemble des questions auxquelles se heurte l'élaboration de ce cadre financier : quelles recettes pour l'Union européenne ? Comment définir un régime de dépenses permettant la meilleure utilisation des crédits ? Comment répondre à la question incontournable des déséquilibres budgétaires ?
A. LES PROPOSITIONS CONCERNANT LES RECETTES DE L'UNION EUROPEENNE
Les propositions concernant les recettes se rangent en deux catégories les unes visent à aménager les ressources existantes ; les autres visent à créer de nouvelles ressources propres. Toutes ces propositions ne sont d'ailleurs pas exclusives les unes des autres.
1. L'aménagement des ressources existantes
a) La progressivité de la ressource PNB
Le
1
er
juillet 1998, l'Espagne a présenté une
proposition, soutenue par la Grèce et le Portugal, qui tend à
pondérer la base de la ressource PNB par des coefficients
reflétant la prospérité relative de chaque Etat membre.
Les modalités de cette pondération resteraient à
déterminer.
Le rapport de la Commission sur les ressources propres contient une
annexe 7 intégralement consacrée à cette proposition
qui est présentée en ces termes :
La proposition espagnole d'une progressivité de la ressource PNB
Afin
d'atteindre la progressivité, la proposition prévoit
l'application d'une correction fondamentale selon l'une des méthodes
suivantes :
|
Ainsi,
à propos de la ressource PNB,
l'Espagne souhaite passer de la
proportionnalité à la progressivité
.
Selon la Commission,
" quelle que soit l'option choisie, la Belgique,
le Danemark, l'Allemagne, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas, l'Autriche et
la Suède devraient verser une contribution nettement supérieure
à ce qu'ils paient dans le régime actuel "
. C'est ce que
démontre le tableau suivant, établi d'après les
données figurant dans le rapport sur les ressources propres.
Evaluation des conséquences financières de la
proposition espagnole
(sur la base de l'année 1997, en
millions d'écus et
en pourcentage des contributions
nationales)
|
Modifications des contributions nationales avant suppression de la ressource TVA |
Modifications des contributions nationales après suppression de la ressource TVA |
||
|
millions d'écus |
% |
millions d'écus |
% |
Belgique |
70,0 |
2,3 |
303,0 |
9,8 |
Danemark |
178,6 |
11,6 |
493,7 |
32,1 |
Allemagne |
1 043,4 |
4,8 |
1 396,0 |
6,5 |
Grèce |
-204,1 |
-17,1 |
-471,3 |
-39,4 |
Espagne |
-803,9 |
-14,8 |
-1 758,9 |
-32,4 |
France |
259,1 |
1,9 |
504,3 |
3,8 |
Irlande |
-45,4 |
-6,4 |
-117,6 |
-16,5 |
Italie |
-466,4 |
-5,3 |
11,8 |
0,1 |
Luxembourg |
47,9 |
27,7 |
98,6 |
56,9 |
Pays-Bas |
44,5 |
0,9 |
115,3 |
2,3 |
Autriche |
102,0 |
4,8 |
184,9 |
8,6 |
Portugal |
-199,3 |
-18,2 |
-475,5 |
-43,4 |
Finlande |
1,3 |
0,1 |
39,5 |
3,7 |
Suède |
71,1 |
3,0 |
259,8 |
11 |
Royaume-Uni |
-98,9 |
-1,1 |
-583,8 |
-6,3 |
Total |
0,0 |
|
0,0 |
|
La
Commission précise que l'option B déboucherait sur les
mêmes résultats, mais proportionnellement à la partie de
l'assiette PNB à laquelle les
" coefficients
modulateurs "
seraient appliqués.
" Quant à la
troisième option, il est impossible d'en faire une simulation
étant donné qu'il faudrait déterminer les
" coefficients de modulation " pour chaque groupe d'Etats membres.
Néanmoins, il est clair qu'en utilisant des valeurs plausibles, la
simulation donnerait des résultats quantitatifs ne différant
guère de ceux figurant dans le tableau ci-dessus "
.
Ainsi, quelles que soient les options retenues,
la proposition de l'Espagne
est en totale opposition avec le souhait de certains Etats d'obtenir une
réduction de leur contribution au budget communautaire
. Cette
opposition entre ceux que d'aucuns appellent le
" syndicat de la
cohésion "
et certains contributeurs nets est le noeud gordien
des négociations de l'Agenda 2000.
b) L'instauration d'une TVA différenciée
En 1994,
un rapport établi par M. Horst Langes au nom de la commission des
budgets du Parlement européen a préconisé le remplacement
des troisième et quatrième ressources par une ressource TVA
renouvelée, dite TVA différenciée (ou modulée),
dont les principales caractéristiques seraient les suivantes :
- elle serait perçue en même temps que la TVA nationale, ce
qui, pour l'assujetti, conduirait à un taux de TVA combiné,
composé du taux national auquel s'ajouterait le taux communautaire ;
- le taux communautaire convenu pour tous les Etats serait
différencié selon les produits : certains se verraient
appliquer un taux minoré, qui pourrait être de 1,5 %, alors
que d'autres se verraient appliquer un taux majoré, de 3 % par
exemple.
Dans l'annexe 2 de son rapport précité, consacrée
à l'examen des possibilités de nouvelles ressources propres pour
l'Union européenne, la Commission souligne notamment que
" comportant deux taux distincts, un taux national et un taux
communautaire, cette taxe (serait) indéniablement très visible
pour les contribuables/citoyens qui la (percevraient) assurément comme
une contribution au budget de l'Union européenne, ce qui
(remédierait) au déficit démocratique "
. En
outre,
" le fait que les autorités nationales et les instances
de l'Union européenne se partagent cette même taxe (contribuerait)
à réduire les coûts et à limiter l'ampleur de la
fraude et de l'évasion fiscales. Le taux de TVA national étant
largement supérieur à celui de l'Union européenne, les
Etats membres devraient être suffisamment incités à
vérifier si les redevables s'acquittent dûment de leurs
obligations fiscales "
.
En ce qui concerne le rendement de cette TVA différenciée, la
Commission émet un jugement nuancé. Elle observe que son produit
serait important mais que, compte tenu du caractère cyclique de la
consommation privée, principale composante de la base TVA, le
remplacement des troisième et quatrième ressources par une TVA
différenciée aurait sans nul doute pour effet d'accroître
l'irrégularité des recettes budgétaires de l'Union
européenne.
En revanche, cette nouvelle ressource propre se heurterait, selon la
Commission, aux inconvénients suivants :
- le non-respect du critère d'équité verticale,
puisque la contribution des Etats les moins riches serait proportionnellement
plus élevée en raison de la moindre part de l'épargne dans
leur revenu national ;
- la mise en oeuvre de cette taxe
" pourrait entrer en conflit
avec l'environnement fiscal national et en particulier avec les
priorités budgétaires des Etats membres, sauf à mettre en
place une étroite coordination des décisions fiscales aux deux
niveaux d'autorité "
. En d'autres termes, un Etat qui
souhaiterait encourager la consommation d'une catégorie de produits par
un faible taux de TVA pourrait voir ses efforts contrariés par un taux
communautaire majoré ; inversement un taux communautaire
réduit pourrait aller à l'encontre d'une politique nationale
visant à limiter la consommation d'une catégorie de produits.
Bien entendu, rien n'empêcherait un Etat, par exemple la France,
d'appliquer un taux national de 33 % à une catégorie de
produits soumise au taux communautaire réduit ; mais une telle
différence révélerait une opposition entre la politique
nationale et la politique communautaire qui ne serait point du meilleur
effet.
c) Accroître la part de la ressource PNB dans le financement de l'Union européenne
Dans son
rapport sur les ressources propres, la Commission évoque la
possibilité d'accroître la part de la ressource PNB :
- soit en supprimant la ressource TVA, qui serait remplacée par la
ressource PNB ;
- soit en généralisant la ressource PNB, qui deviendrait l'unique
ressource propre des Communautés.
Même si la Commission n'aborde pas cette question, il va sans dire que
l'extension de cette ressource, a fortiori sa généralisation, ne
donnerait ses meilleurs résultats en termes d'équité que
si au préalable, conformément aux observations de la Cour des
Comptes, son assiette, en l'occurrence le PNB, était
déterminée sur la base de critères fiables,
reflétant véritablement la prospérité relative des
Etats membres.
2. La création de nouvelles ressources propres
a) L'institution d'un impôt direct européen
Un impôt sur les sociétés
L'instauration d'un impôt sur les sociétés européen
a été évoquée à plusieurs reprises depuis la
fin des années 1970, en particulier par le Parlement européen
(rapport Colom I Naval de 1990). Ce dernier souligne d'ailleurs que,
" dans la plupart des systèmes fédéraux du monde,
soit les impôts sur les sociétés sont partagés entre
les niveaux fédéral et national, soit les deux niveaux imposent
des taxes concurrentes "
. Un récent document de travail de la
direction générale de la recherche du Parlement européen
voit les avantages suivants à l'attribution de l'impôt sur les
sociétés au niveau de l'Union européenne :
-
" une partie de l'impôt sur les sociétés est
payée en pratique par les consommateurs, sous la forme d'une
augmentation des prix et, parfois, par les travailleurs, sous la forme d'une
baisse des salaires. Si les consommateurs et les travailleurs résident
dans un pays autre que celui qui prélève l'impôt, les
recettes fiscales bénéficient aux autorités fiscales d'un
pays différent de celui où la taxe est effectivement payée
(...)
;
-
de même, si certains actionnaires résident dans un pays
autre que celui où la société est taxée, ce sont
les citoyens d'un autre pays qui paieront la taxe (...)
;
-
l'administration des impôts sur les sociétés est
plus problématique au niveau national lorsque les sociétés
effectuent une quantité d'opérations appréciable dans
d'autres pays
;
-
les différents systèmes appliqués par les Etats
membres en matière d'impôt sur les sociétés ont pour
effet d'affecter l'efficacité économique. En effet, la
diversité des taux d'imposition pourrait résulter en une mauvaise
répartition des ressources au sein de l'Union européenne,
générant une perte d'efficacité appréciable
(...)
;
-
l'instauration d'un impôt sur les sociétés
à l'échelon européen présenterait l'avantage de
générer des recettes considérables, suffisant largement
à couvrir les engagements de dépense actuels. Le rapport
Colom I Naval estimait que l'attribution de 64 % des revenus de
l'impôt sur les sociétés à l'Union européenne
(c'est-à-dire environ la proportion allouée à
l'échelon supérieur des Etats fédéraux de l'OCDE)
permettrait d'augmenter les ressources de l'Union européenne de quelque
65 milliards d'écus (par rapport aux prix de 1988), doublant
pratiquement les ressources actuelles. "
Quant à la Commission, elle souligne en outre qu'un tel impôt
ferait progresser l'intégration dans le contexte du marché unique
et pourrait aider à réduire la charge de la fiscalité qui
pèse sur le travail, contribuant ainsi à accroître les
résultats en matière d'emploi.
Toutefois, le Parlement européen comme la Commission invoquent plusieurs
inconvénients à l'encontre d'un impôt sur les
sociétés européen. Indépendamment des
difficultés techniques, liées à l'absence de base
harmonisée entre les Etats, ces deux institutions insistent sur les
inconvénients suivants :
- l'absence de visibilité d'un tel impôt, dans la mesure
où il ne serait ressenti par les citoyens qu'en tant que
propriétaires d'entreprises alors que, en fait, cet impôt
pèserait, au moins en partie, sur les citoyens en tant que consommateurs
ou en tant que salariés ;
- l'extrême dépendance de ce prélèvement
à l'égard de la conjoncture économique, laquelle
engendrerait d'imposantes variations dans les recettes de l'Union
européenne. Le document de travail de la direction
générale de la recherche du Parlement européen
précise ainsi que,
" dans la mesure où l'Union doit
pouvoir compter sur cet impôt pour une bonne partie de ses recettes, il
semble peu approprié "
.
Un impôt sur le revenu des personnes physiques
L'idée d'un impôt européen sur le revenu, soutenue par
certains théoriciens du fédéralisme fiscal, a
été relancée par M. José-Maria Gil-Robles,
président du Parlement européen, dans un discours prononcé
le 24 octobre 1998 à Pörtschach (Autriche), où se
tenait une réunion informelle des chefs d'Etat et de Gouvernement :
" Le meilleur moyen d'établir un lien solide entre les citoyens
et la construction européenne, c'est d'associer ces citoyens au
système de financement de l'Union, en créant une ressource propre
qui serait alimentée par un impôt direct fondé sur les
revenus des personnes, indépendamment de leur nationalité.
Cette contribution, intégrée à l'imposition nationale sur
les revenus du travail et du capital, ne devrait pas impliquer une augmentation
de la charge imposable et permettrait d'introduire le principe de base de la
justice fiscale, chacun contribuant en fonction de ses revenus. Nous
clôturerions ainsi de façon définitive le débat sur
les contributions nationales.
Je ne propose rien d'autre que d'en revenir aux principes de la
Communauté, dotée de ressources propres et autonomes, et de
sortir le plus rapidement possible du cercle infernal du débat entre les
Etats sur qui doit payer plus et qui doit payer moins, c'est-à-dire un
système de répartition des dépenses publiques qui n'est
plus utilisé dans aucun de nos pays . "
Outre une meilleure perception du rôle de l'Union européenne par
le citoyen-contribuable, l'impôt européen sur le revenu trouve une
justification théorique dans le fait que, appliqué au niveau
régional, l'impôt sur le revenu peut provoquer des effets de
migration indésirables. On peut cependant objecter que ce raisonnement
suppose une mobilité de la main-d'oeuvre plus importante qu'elle n'est
en réalité. La Commission souligne en outre qu'il n'existe pas de
lien direct entre un tel impôt et les politiques de l'Union
européenne et que la superposition sur la même taxe fiscale des
autorités nationales et des instances de l'Union européenne
compliquerait la gestion des priorités économiques et
budgétaires nationales.
b) L'instauration d'une " taxe CO2 "
En 1991,
la Commission européenne a proposé d'instaurer une taxe de
10 $ par baril de pétrole afin de stabiliser, pour l'an 2000,
les émissions de CO
2
à leur niveau de 1990. Face
à l'opposition du Conseil, la Commission a présenté en
1995 une proposition révisée ménageant une période
transitoire. Les difficultés persistant, elle a par la suite
proposé l'instauration d'une taxe sur l'énergie prévoyant
des exonérations pour les industries à haute intensité
énergétique.
Quelles que soient les modalités retenues, et à supposer
levées les réticences du Conseil sur ce sujet, une taxe sur le
CO
2
ou sur l'énergie n'aurait pas, comme le reconnaît
la Commission, pour vocation première l'instauration d'une nouvelle
ressource propre. Il s'agirait avant tout d'un instrument au service des
politiques communes, au premier rang desquelles la protection de
l'environnement.
Toutefois, cette taxe pourrait, selon les estimations de la Commission,
procurer un montant de recettes correspondant à environ 1 % du PNB
de l'Union européenne, ce qui permettrait de couvrir plus des trois
quarts de ses dépenses. Cela étant, cette estimation pourrait se
révéler largement au-dessus de la réalité compte
tenu de la possibilité, dans certains secteurs, de remplacer des
activités polluantes par d'autres plus respectueuses de l'environnement.
Une telle substitution serait d'ailleurs l'objectif d'une
" éco-taxe " qui provoquerait donc une diminution de son
propre rendement.
En outre, comme l'observe la Commission, son produit serait imprévisible
puisqu'elle serait perçue dans des secteurs extrêmement sensibles
aux fluctuations économiques.
c) Les autres propositions de nouvelles ressources propres
Un droit d'accises sur le tabac, l'alcool et les
huiles
minérales
C'est en 1978 que la Commission a, pour la première fois, proposé
une taxe sur l'alcool et le tabac. Elle estimait qu'une simple taxe de
0,15 écus sur chaque paquet de cigarettes permettrait de collecter
l'équivalent de 0,3 % du PIB de la CEE. Vingt ans après,
elle continue à réclamer ce prélèvement, constatant
que tous les Etats membres de l'Union européenne imposent des droits
d'accises sur l'alcool et le tabac mais avec des taux fort divers. Dans son
"
Plan d'action pour le marché unique
", publié
en 1997, la Commission estimait d'ailleurs nécessaire d'éliminer
les distorsions significatives dans le domaine de la taxation indirecte.
Dans l'annexe 2 de son rapport sur les ressources propres, la Commission a
une nouvelle fois pris position pour l'affectation d'une partie des droits
d'accises à l'Union européenne, soulignant que les recettes
pourraient être importantes.
Toutefois, le Parlement européen et la Commission ont mis en avant
certains inconvénients qui résulteraient de l'affectation
à l'Union européenne de ce type de
prélèvement :
- d'abord, les accises sur le tabac, l'alcool et les huiles
minérales sont d'importants instruments des politiques nationales :
politique de la santé, politique de l'environnement... ;
- en deuxième lieu, comme l'a relevé le rapport de
M. Langes de 1994, ce type de prélèvement a un aspect
régressif en ce qu'il s'agit d'un impôt sur la consommation qui,
vu la faible élasticité de la demande d'alcool ou de tabac aux
variations de prix, pèse autant (et même davantage en proportion)
sur les consommateurs modestes que sur les consommateurs aisés ;
- les coûts de gestion et de perception de ces droits seraient
nettement plus élevés que ceux des actuelles ressources propres.
La taxation des services de communication
Dans l'annexe 2 de son rapport sur les ressources propres, la Commission
évoque une proposition, contenue dans une étude de 1997,
consistant à taxer l'imposition des communications. Trois séries
de services pourraient fournir la base de cette imposition : les services
de téléphone et de téléphonie mobile ; les
transports routiers ; les transports aériens. La Commission
souligne la nécessité d'imposer les activités dans ces
deux derniers domaines, vu l'encombrement du trafic routier et aérien.
En ce qui concerne les services de télécommunication, elle
considère que, ceux-ci étant en étroite corrélation
avec le PNB,
" le principe de l'équité y trouverait son
compte "
.
Plusieurs obstacles semblent toutefois s'opposer à l'instauration de
cette taxation, tout au moins dans l'immédiat :
- les services de communication et de transport sont déjà
soumis à la TVA ou aux droits d'accises (parfois aux deux) ;
- les coûts administratifs liés à la perception de ces
taxes seraient plus élevés que ceux des ressources
actuelles ;
-
" même si l'on prévoit une forte croissance des
services de consommation, il est certain que les recettes tirées de
cette source ne permettront de financer qu'une partie du budget de l'Union
européenne "
. Il faudrait une taxe d'aéroport
acquittée au départ de 15 euros pour rapporter environ
10 % du budget ; pour financer une autre tranche de 10 %, il
faudrait une taxe annuelle moyenne de 40 euros par ligne
téléphonique.
Une retenue à la source sur les intérêts
Cette proposition a d'ores et déjà été
formalisée dans un projet d'acte communautaire soumis à
l'Assemblée nationale et au Sénat en application de
l'article 88-4 de la Constitution (proposition E 1105). Cette
proposition de directive du Conseil
" visant à garantir un
minimum d'imposition effective des revenus de l'épargne sous forme
d'intérêts à l'intérieur de la
Communauté "
intervient près de dix ans après une
autre proposition de directive visant à introduire un régime
unique de retenue à la source et qui n'avait pu obtenir
l'unanimité des membres du Conseil. Le nouveau projet offre une option
à chaque Etat où sont payés des
intérêts : ou bien appliquer un régime de retenue
à la source de 20 % ou plus, ou bien fournir à tout Etat
membre dans lequel le bénéficiaire des intérêts a sa
résidence fiscale toutes les informations nécessaires sur les
intérêts perçus.
On observera que la proposition de directive présentée par la
Commission ne tend pas à créer une nouvelle ressource propre
puisque les recettes ainsi perçues auraient un caractère
national. La possibilité d'une retenue à la source
affectée directement à l'Union européenne est cependant
évoquée dans le rapport sur les ressources propres :
" l'efficacité économique voudrait que l'on affecte la
taxe à un niveau d'autorité supérieur "
. Le
rapport juge cependant impossible de déterminer si cette taxe
procurerait des recettes suffisantes et observe que l'harmonisation de la base
taxable est encore insuffisante.
Le document de travail de la direction générale de la recherche
du Parlement européen invoque également les inconvénients
économiques de cette taxe (découragement de l'investissement et
risque de fuite de capitaux). Ces critiques s'appliquent cependant à
toute forme de taxation des revenus de l'épargne, qu'elle soit nationale
ou européenne. Elles ne sauraient donc à elles seules fonder un
refus de transfert de cette taxation à l'Union européenne
dès lors que ce transfert serait financièrement neutre pour les
assujettis. En revanche, l'objection émise par ce document de travail
sur l'insuffisance des rendements attendus et sur leur instabilité
pourrait être utilisée par les opposants à une telle taxe
européenne.
Un impôt sur le seigneuriage de la Banque centrale
européenne
Détentrice du monopole d'émettre des billets ayant cours
légal, une banque centrale dispose ainsi constamment de valeurs sur
lesquelles elle ne paie pas d'intérêts et qui sont la contrepartie
de valeurs porteuses d'intérêts (notamment les emprunts d'Etat).
Les bénéfices ainsi obtenus, le seigneuriage, constituent sa
principale source de revenus. L'idée a été émise
d'imposer ces recettes.
La BCE est appelée à détenir le monopole des billets de
banque en euros. Les recettes provenant du seigneuriage seront
distribuées aux banques centrales des Etats participant à la
troisième phase de l'Union économique et monétaire en
fonction de leur souscription de capital auprès de la BCE. La Commission
estime donc que
" pour permettre le transfert du seigneuriage au budget
de l'Union européenne, il faudrait imposer directement les
bénéfices "
desdites banques centrales nationales. La
recette ainsi perçue, qui serait simple à gérer, pourrait
aller, selon les estimations, jusqu'à 0,2 % du PNB de l'Union
européenne. En revanche, le traitement des Etats membres ne participant
pas à l'euro poserait un problème de transition. En tout
état de cause, cette nouvelle ressource ne pourrait intervenir avant
2002, première année de circulation des billets en
euros.
B. LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION SUR LE REGIME DES DEPENSES
Ces propositions sont contenues dans la proposition E 1128 relative au nouvel accord interinstitutionnel sur la discipline budgétaire et l'amélioration de la procédure budgétaire. Ce texte, qui reprend dans une large mesure l'accord interinstitutionnel de 1993, prévoit cependant deux séries de dispositions novatrices dont la discussion est inséparable des négociations menées dans le cadre de l'Agenda 2000.
1. Le maintien d'un statut relativement privilégié des dépenses structurelles
Dans son
rapport, en date du 18 mars 1998, sur la mise en oeuvre de l'accord
interinstitutionnel du 29 octobre 1993, la Commission souligne les
risques, révélés par l'expérience, du statut
privilégié des dotations consacrées aux actions
structurelles dans les perspectives financières :
"
- une rebudgétisation sur des exercices ultérieurs des
crédits non utilisés n'est possible que dans la mesure où
une marge est disponible sous le plafond des ressources propres. Or
l'importance de cette marge ne peut pas être toujours prévue avec
précision au moment où la décision de transfert doit
être prise ;
- ce mécanisme est justifié si la sous utilisation des dotations
trouve son origine dans des difficultés temporaires de mise en oeuvre
des programmes. S'il s'agit de problèmes permanents d'exécution
et d'absorption, les transferts successifs aboutissent à un effet
" boule de neige " sans incitation à régler au fond ces
problèmes ;
- ces transferts conduisent à inscrire plusieurs fois dans les
perspectives financières et dans le budget les mêmes
dépenses jusqu'à leur exécution. Ceci risque de donner une
image faussée des évolutions budgétaires effectives.
Dès lors que l'orientation de la politique budgétaire est de
fixer une limite globale à l'augmentation de la dépense totale
d'une année sur l'autre (...), la nécessité de prendre en
compte les montants à rebudgétiser contraint d'autant la
progression possible d'autres catégories de dépenses
".
Pour autant, la Commission ne propose pas de revenir entièrement sur ce
statut privilégié. Le texte présenté pour le nouvel
accord interinstitutionnel reprend en effet presque à la lettre la
rédaction du paragraphe 21 de l'actuel accord
interinstitutionnel : "
Le Parlement européen et le Conseil
s'engagent à respecter les dotations en crédits d'engagements
prévues dans les perspectives financières pour les actions
structurelles
".
Ainsi, comme actuellement, les crédits des actions structurelles
inscrits au budget de l'année correspondraient automatiquement aux
tranches annuelles déterminées dans les perspectives
financières.
A la différence d'aujourd'hui, l'ajustement
technique du plafond de la sous-rubrique " Fonds structurels " serait
effectué forfaitairement, sur la base d'un coefficient déflateur
(que la proposition de règlement du Conseil portant dispositions
générales sur les fonds structurels fixe à 2 %).
Cette base d'indexation pourrait être revue à mi-parcours de la
programmation pour tenir compte de l'inflation effective, étant
toutefois précisé que cet ajustement ne porterait que sur
l'avenir, et non sur les années écoulées.
En revanche, le projet de nouvel accord interterinstitutionnel ne reprend
pas l'obligation pour l'autorité budgétaire de transférer
sur les années ultérieures les dotations prévues pour les
actions structurelles non utilisées au cours de l'exercice
précédent.
Il prévoit cependant une exception pour les
dotations non utilisées au cours de la première année
couverte par les perspectives financières afin de remédier
à un éventuel retard en début de période :
" A l'occasion de l'exercice d'adaptation réalisé en 2001
et en cas de retard dans l'adoption des programmes relatifs aux actions
structurelles, les deux branches de l'autorité budgétaire
s'engagent à autoriser, sur proposition de la Commission, le transfert
sur les années ultérieures, en augmentation des plafonds
correspondants de dépenses, des dotations correspondantes non
utilisées au cours de l'exercice 2000 ".
Ainsi, l'adoption du projet d'accord interinstitutionnel tel que
proposé par la Commission aurait pour conséquence de maintenir un
statut relativement privilégié des dépenses
structurelles : les engagements budgétaires correspondraient aux
plafonds annuels fixés par les perspectives financières, mais les
crédits non liquidés dans les deux années suivant leur
budgétisation feraient l'objet d'un dégagement automatique,
comme le prévoit l'article 30 de la proposition de règlement
du Conseil portant dispositions générales sur les Fonds
structurels.
2. L'instauration d'une certaine flexibilité
a) La flexibilité entre rubriques
Optant
pour une solution intermédiaire entre une flexibilité sans limite
entre les rubriques (qui permettrait de dépasser les plafonds pour
certaines d'entre elles, contrairement à la logique même des
perspectives financières) et une étanchéité totale,
la Commission propose d'autoriser des transferts entre rubriques pour des
besoins ponctuels puisque leur montant maximal ne saurait excéder
100 millions d'euros.
Ces transferts ne pourraient intervenir qu'entre les rubriques 3 (politiques
internes) et 4 (actions extérieures).
Dans son rapport sur la mise
en oeuvre de l'accord interinstitutionnel du 29 octobre 1993, la
Commission justifie ainsi le maintien de l'étanchéité des
autres rubriques :
"
- la rubrique 1 demeure (...) régie par la ligne
directrice agricole dont le principe est posé dans la décision
sur la discipline budgétaire ;
- les dotations de la rubrique 2 ont un caractère
privilégié
". Cette justification souligne bien la
volonté de Bruxelles de ne point remettre en cause ce statut
privilégié, même indirectement, en permettant de
transférer des crédits de la rubrique 2 sur une autre
rubrique ;
" -
les dépenses administratives de la rubrique 5 ne
peuvent être vraiment considérées comme fongibles avec les
dépenses opérationnelles
" ;
- la rubrique 6 regroupe justement des réserves ayant pour objet
de permettre à l'Union de faire face à des dépenses
imprévues sans hypothéquer le financement des politiques en
vigueur
".
Outre les conditions, tenant aux rubriques concernées et au montant
maximum autorisé, la Commission propose de soumettre chaque transfert
à deux conditions destinées à maintenir la fonction
d'encadrement des perspectives financières :
- d'une part,
une marge supérieure d'au moins 100 millions
d'euros au montant du dépassement du plafond de la rubrique de
destination devrait être laissée sous la rubrique d'origine
.
En d'autres termes, en cas de transfert de la rubrique 3 vers la
rubrique 4 conduisant à dépasser de 50 millions d'euros
le plafond fixé pour cette dernière par la programmation, une
marge disponible d'au moins 150 millions d'euros devra être
laissée sous le plafond fixé pour la rubrique 3 ;
- d'autre part, un transfert ne pourrait être effectué, pour
les mêmes raisons, deux années de suite.
b) La flexibilité d'une année sur l'autre
Selon le
projet de nouvel accord interinstitutionnel,
l'autorité
budgétaire pourrait, sur proposition de la Commission, convenir
d'inscrire dans le budget des crédits d'engagement pour un montant
excédant le plafond fixé par les perspectives financières
en cas de sous-exécution constatée au titre de l'exercice
précédent
.
Ces transferts d'une année sur l'autre seraient soumis à trois
séries de conditions :
- le dépassement des plafonds des perspectives financières ne
pourrait excéder 500 millions d'euros ;
- ce dépassement devrait avoir pour objet de "
couvrir des
besoins précisément identifiés et d'importance politique
significative
" ;
- une inexécution des crédits d'engagement correspondante au
dépassement devrait avoir été constatée au titre de
l'exercice précédent. Cette inexécution devrait porter sur
un montant tel que le solde d'exécution budgétaire et le solde
global de l'exercice précédent soient équivalents.
L'objet de la flexibilité est ainsi de permettre le dépassement
des plafonds annuels fixés pour les rubriques 3 ou 4 par les
perspectives financières. Elle est donc, nous l'avons vu, en totale
contradiction avec la logique même des perspectives financières
qui, dans le but de maîtriser les dépenses publiques, fixent pour
chaque année de la période de programmation et pour chaque
rubrique des dotations à ne point dépasser. Par ailleurs, si
cette flexibilité devait être retenue, il conviendrait de veiller
au sein du nouvel accord interinstitutionnel à ce que la décision
de transférer les crédits d'une rubrique à l'autre ou
d'une année sur l'autre ne soit pas assimilée à une
décision normative donnant une base légale à
l'exécution desdits crédits. Une telle interprétation
reviendrait à détourner le principe de l'exigence d'une base
légale.
C. LES PROPOSITIONS POUR LA CORRECTION DES DÉSÉQUILIBRES BUDGÉTAIRES
1. Une généralisation de la correction consentie au Royaume-Uni
Le
tableau ci-après, extrait d'une annexe du rapport de la Commission sur
les ressources propres, évalue les conséquences pour chaque Etat
membre d'une généralisation de la correction consentie à
Fontainebleau au Royaume-Uni (prévisions sur la base des données
pour 1999).
Dans un tel dispositif, chaque Etat ayant un solde budgétaire (colonnes
1 et 2) négatif, bénéficierait d'une compensation de
66 % de ce solde (colonne 3).
Incidences d'un
mécanisme non restreint de correction
généralisée sur les soldes budgétaires
|
||||||||
|
Solde budgétaire (avant correction britannique) |
EM susceptibles de bénéficier d'un rabais |
Montant de la compensation |
Financement |
Effet
redistributif total
|
Nouveau solde budgétaire |
||
|
Millions d'euros |
% du PNB |
Seuil : 0,0 % du PNB |
Coefficient 0,66 |
Part du PNB |
Gains/pertes causés par le mécanisme |
Millions d'euros (1) + (6) |
% du PNB |
|
(1) |
(2) |
(3) |
(4) |
(5) |
(6) |
(7) |
(8) |
Belgique |
2.131,7 |
0,92 |
0,0 |
0,0 |
- 538,9 |
- 538,9 |
1.592,7 |
0,68 |
Danemark |
188,8 |
0,12 |
0,00 |
0,0 |
- 357,7 |
- 357,7 |
- 168,9 |
- 0,11 |
Allemagne |
- 9.804,8 |
- 0,50 |
- 9.804,8 |
6.471,2 |
- 2.361,1 |
4.110,1 |
- 5.694,7 |
- 0,29 |
Grèce |
5.221,0 |
4,71 |
0,0 |
0,0 |
- 256,4 |
- 256,4 |
4.964,6 |
4,48 |
Espagne |
8.006,8 |
1,55 |
0,0 |
0,0 |
- 1.197,6 |
- 1.197,8 |
6.808,9 |
1,32 |
France |
- 516,8 |
- 0,04 |
- 516,8 |
341,1 |
- 2.990,1 |
- 2.649,1 |
- 3.165,8 |
- 0,24 |
Irlande |
2.570,4 |
4,08 |
0,0 |
0,0 |
- 145,7 |
- 145,7 |
2.424,6 |
3,85 |
Italie |
- 649,5 |
- 0,06 |
- 649,5 |
428,6 |
- 2.443,1 |
- 2.014,5 |
- 2.664,0 |
- 0,25 |
Luxembourg |
717,8 |
4,33 |
0,0 |
0,0 |
- 38,3 |
- 38,3 |
679,5 |
4,10 |
Pays-Bas |
- 1.342,0 |
- 0,38 |
- 1.342,0 |
885,7 |
- 773,9 |
111,8 |
- 1.230,2 |
- 0,35 |
Autriche |
- 770,2 |
- 0,39 |
- 770,2 |
508,4 |
- 440,5 |
67,9 |
- 702,3 |
- 0,36 |
Portugal |
3.173,1 |
3,24 |
0,0 |
0,0 |
- 226,7 |
- 226,7 |
2.946,4 |
3,01 |
Finlande |
- 124,9 |
- 0,11 |
- 124,9 |
82,4 |
- 258,4 |
- 176,0 |
- 300,9 |
- 0,27 |
Suède |
- 1.001,6 |
- 0,47 |
- 1.001,6 |
661,1 |
- 476,5 |
184,6 |
- 817,1 |
- 0,38 |
Royaume-Uni |
- 7.799,8 |
- 0,58 |
- 7.799,6 |
5.147,9 |
- 2.021,0 |
3.126,9 |
- 4.672,9 |
- 0,35 |
Total |
0,0 |
0,00 |
- 22.009,6 |
14.526,3 |
- 14.526,3 |
0,0 |
0,0 |
0,00 |
Source : Commission européenne
On observera que la Commission a retenu l'hypothèse d'une participation
par chaque Etat, y compris les contributeurs nets, au financement des
compensations ainsi accordées, dont le total s'élèverait
à 14.526,3 millions d'écus (colonne 4). C'est une
différence par rapport au dispositif actuel dans lequel le Royaume-Uni
ne participe pas au financement de sa contribution. Il résulte de cette
hypothèse que seuls les " gros " contributeurs nets verraient
leur solde budgétaire s'améliorer. Les Etats ayant un faible
solde négatif verraient au contraire leur situation s'aggraver puisqu'il
bénéficieraient d'une compensation inférieure à
leur participation au financement de l'ensemble des compensations. Tel serait
le cas de la France, de l'Italie et de la Finlande.
2. La révision de la correction consentie au Royaume-Uni
Dans son
rapport sur les ressources propres, la Commission juge envisageable la
progressive élimination ou la réduction de la correction
actuellement accordée au Royaume-Uni.
La suppression du " chèque britannique ", pour souhaitable
qu'il soit, ne résoudrait cependant pas à elle seule la question
des déséquilibres budgétaires. La Commission évalue
en effet le coût du " chèque britannique " en 1999
à 0,04 % du PNB pour l'Allemagne et à 0,07 % pour les
Pays-Bas, l'Autriche et la Suède. Sa suppression ne permettrait donc pas
de réduire les soldes négatifs de ces Etats en-deçà
du niveau qu'ils jugent acceptable.
A fortiori, la simple réduction de la correction britannique (qui
pourrait également être obtenue par la participation du
Royaume-Uni au financement de sa propre correction), ne saurait constituer une
solution suffisante.
Toutefois, la suppression ou la réduction du " chèque
britannique " pourrait constituer une mesure complémentaire,
accompagnant d'autres modifications, qu'elles concernent les recettes, les
dépenses ou les déséquilibres budgétaires.
3. L'instauration d'un mécanisme d'écrêtement
L'Allemagne, relayée par l'Autriche, les Pays-Bas et la
Suède, a proposé l'instauration d'un mécanisme de
correction généralisé, en ce sens que, à la
différence du système de Fontainebleau, il s'appliquerait de
plein droit à tout Etat membre connaissant un déséquilibre
budgétaire disproportionné.
La Commission résume en ces termes le mécanisme
proposé :
Le dispositif d'écrêtement proposé par l'Allemagne
Le cadre
précis du mécanisme de correction proposé est
défini comme suit :
|
La
proposition allemande n'aborde pas expressément la question du
financement des rabais accordés. La Commission juge cependant difficile
d'exclure la participation des bénéficiaires de
l'écrêtement à ce financement : "
Cette
solution serait non seulement très coûteuse si le système
devait s'appliquer à un grand nombre d'Etats membres, mais elle comporte
aussi des risques. Il pourrait notamment y avoir un effet de seuil par lequel
un pays enregistrant un solde négatif tout juste supérieur au
seuil bénéficierait d'une (modeste) remise, mais serait
exempté de la charge de financer la compensation des autres. Une
légère différence entre la charge nette de deux Etats
membres avant l'application du mécanisme pourrait augmenter sensiblement
une fois la correction appliquée. Il semble donc logique de
considérer qu'un Etat membre ne devrait pas financer sa propre
compensation, mais devrait financer toutes les autres. Cela permettrait
d'éliminer tout effet de seuil indésirable
".
Le tableau ci-après, établi par la Commission, évalue les
conséquences pour chaque Etat membre de l'instauration d'un dispositif
d'écrêtement en prenant 0,3 % du PNB pour seuil de
déséquilibre budgétaire. Dans un tel dispositif, seuls les
Etats ayant un solde négatif supérieur à 0,3 % de
leur PNB bénéficieraient donc d'une compensation. Celle-ci serait
de 66 % (colonne 4) de la partie du solde excédant le seuil de
0,3 % du PNB (colonne 3).
Incidences d'un
mécanisme restreint de correction
généralisée sur les soldes budgétaires
|
||||||||
|
Solde budgétaire (avant correction britannique) |
Etats susceptibles de bénéficier d'un rabais |
Montant de la compensation |
Financement |
Effet redistributif total (4) + (5) |
Nouveau solde budgétaire |
||
|
Millions d'euros |
% du PNB |
Seuil : 0,3 % du PNB |
Coefficient 0,66 |
Part du PNB |
Gains/pertes causés par le mécanisme |
Millions d'euros (1) + (6) |
% du PNB |
|
(1) |
(2) |
(3) |
(4) |
(5) |
(6) |
(7) |
(8) |
Belgique |
2.131,7 |
0,92 |
0,0 |
0,0 |
- 210,8 |
- 210,8 |
1.920,9 |
0,82 |
Danemark |
188,8 |
0,12 |
0,0 |
0,0 |
- 139,9 |
- 139,9 |
48,9 |
0,03 |
Allemagne |
- 9.804,8 |
- 0,50 |
- 3.903,8 |
2.576,5 |
- 907,9 |
1.668,6 |
- 8.136,2 |
- 0,41 |
Grèce |
5.221,0 |
4,71 |
0,0 |
0,0 |
- 100,3 |
- 100,3 |
5.120,7 |
4,62 |
Espagne |
8.006,8 |
1,55 |
0,0 |
0,0 |
- 468,5 |
- 468,5 |
7.538,3 |
1,46 |
France |
- 516,8 |
- 0,04 |
0,0 |
0,0 |
- 1.196,7 |
- 1.196,7 |
- 1.713,5 |
- 0,13 |
Irlande |
2.570,4 |
4,08 |
0,0 |
0,0 |
- 57,0 |
- 57,0 |
2.513,4 |
3,99 |
Italie |
- 649,5 |
- 0,06 |
0,0 |
0,0 |
- 982,7 |
- 982,7 |
- 1.632,1 |
- 0,15 |
Luxembourg |
717,8 |
4,33 |
0,0 |
0,0 |
- 15,0 |
- 15,0 |
702,9 |
4,24 |
Pays-Bas |
- 1.342,0 |
- 0,38 |
- 284,2 |
187,6 |
- 310,2 |
- 122,6 |
- 1.464,7 |
- 0,42 |
Autriche |
- 770,2 |
- 0,39 |
- 182,2 |
120,2 |
- 174,3 |
- 54,0 |
- 824,3 |
- 0,42 |
Portugal |
3.173,1 |
3,24 |
0,0 |
0,0 |
- 88,7 |
- 88,7 |
3.024,5 |
3,15 |
Finlande |
- 124,9 |
- 0,11 |
0,0 |
0,0 |
- 101,5 |
- 101,5 |
- 226,4 |
- 0,20 |
Suède |
- 1.001,6 |
- 0,47 |
- 359,6 |
237,4 |
- 187,0 |
50,4 |
- 951,2 |
- 0,44 |
Royaume-Uni |
- 7.799,8 |
- 0,58 |
- 3.798,3 |
2.506,9 |
- 688,2 |
1.818,7 |
- 5.981,1 |
- 0,45 |
Total |
0,0 |
0,00 |
- 8.528,1 |
5.628,5 |
5.628,5 |
0,0 |
0,0 |
0,00 |
Source : Commission européenne
Ce dispositif d'écrêtement entraînerait donc une
redistribution beaucoup moins importante que la généralisation
pure et simple du mécanisme de correction britannique :
5.628,5 millions d'euros de compensation totale, contre 14.526,3. Cette
différence tient au fait que le système de
l'écrêtement ne jouerait qu'à partir d'un certain seuil
alors que le " chèque britannique " s'appliquerait à
tout solde budgétaire négatif et à
l'intégralité de celui-ci.
On constate par ailleurs que,
dans la mesure où chaque Etat
participerait au financement des compensations, seuls l'Allemagne et la
Suède
(5(
*
))
verraient
leur contribution réduite par l'écrêtement
. En
particulier, les Pays-Bas et l'Autriche tireraient de l'écrêtement
des soldes budgétaires un bénéfice inférieur
à la charge qui résulterait pour ces Etats de leur contribution
au financement de compensations.
4. La correction par les dépenses : l'hypothèse d'un cofinancement des dépenses agricoles
Estimant
que les contributions brutes des Etats membres au budget de l'UE sont
généralement équitables et devraient l'être encore
plus dans les années à venir du fait de l'augmentation de la part
de la ressource PNB dans les recettes de l'Union,
la Commission voit dans la
structure des dépenses la cause fondamentale des
déséquilibres budgétaires
. Elle souligne en outre que,
selon l'accord de Fontainebleau, la voie privilégiée du
traitement des déséquilibres budgétaires est l'action sur
le volet des dépenses du budget.
Partant du postulat qu'
" il est manifestement incohérent d'agir
sur les résultats budgétaires des dépenses
structurelles ",
la Commission estime en revanche
" concevable
de modifier les dépenses agricoles "
en réduisant leur
montant global. "
L'idée fondamentale consiste à tirer
parti du fait que la part dans le financement du budget de l'UE de tous les
Etats membres connaissant des déséquilibres budgétaires
importants est beaucoup plus grande que leur part dans les dépenses
agricoles de l'UE et qu'une réduction du montant global des
dépenses améliorerait leur solde budgétaire
".
La Commission évoque ainsi l'hypothèse d'un cofinancement par
l'UE et les Etats membres des aides directes de la politique agricole commune
qui, à l'avenir, ne seraient donc remboursées que partiellement
par l'Union (par exemple à hauteur de 75 %). Les mesures de soutien
demeureraient quant à elles intégralement financées par
Bruxelles.
La Commission considère que la limitation du remboursement des aides
directes versées aux agriculteurs serait justifiée par le fait
que celles-ci "
constituent une redistribution strictement
interpersonnelle, sans aucun objectif de répartition. Selon le principe
de subsidiarité, la redistribution interpersonnelle est mieux mise en
valeur au niveau des Etats membres qu'au niveau de l'Union
européenne
".
Les tableaux ci-après, établis à partir des données
de la Commission, présentent les conséquences pour chaque Etat
membre d'un remboursement par l'Union européenne des aides directes aux
agriculteurs limité à 75 %.
Conséquences
d'un remboursement partiel (75 %) des
aides directes de la PAC
|
|||||||||
|
Montant des aides
directes qui serait laissé à la
charge des Etats
|
Montant de la diminution des contributions nationales au budget de l'Union Européenne (due au non-remboursement par l'Union européenne de 25 % des aides indirectes) |
Différence |
||||||
|
en millions d'euros |
en millions d'euros |
en millions d'euros |
PNB (%) |
|||||
Belgique |
77,8 |
208,6 |
130,9 |
0,06 |
|||||
Danemark |
201,3 |
138,5 |
- 62,8 |
- 0,04 |
|||||
Allemagne |
1.057,8 |
1.762,0 |
704,3 |
0,04 |
|||||
Grèce |
551,5 |
99,2 |
-452,3 |
- 0,41 |
|||||
Espagne |
993,5 |
463,7 |
- 529,8 |
- 0,10 |
|||||
France |
1.663,0 |
1.184,5 |
- 478,5 |
- 0,04 |
|||||
Irlande |
163,0 |
56,4 |
- 106,6 |
- 0,17 |
|||||
Italie |
877,3 |
972,7 |
95,4 |
0,01 |
|||||
Luxembourg |
3,8 |
14,8 |
11,1 |
0,07 |
|||||
Pays-Bas |
90,3 |
315,9 |
225,6 |
0,06 |
|||||
Autriche |
120,5 |
175,6 |
55,1 |
0,03 |
|||||
Portugal |
106,5 |
87,8 |
- 18,7 |
- 0,02 |
|||||
Finlande |
72,0 |
100,5 |
28,5 |
0,03 |
|||||
Suède |
134,8 |
191,7 |
56,9 |
0,03 |
|||||
Royaume-Uni |
854,0 |
1.194,8 |
340,8 |
0,03 |
|||||
Total |
6.966,8 |
6.966,6 |
0,0 |
0,00 |
|||||
Conséquences
d'un remboursement partiel (75 %) des
aides directes de la PAC
|
|||||||||
|
Montant des aides directes qui serait laissé à la charge des Etats |
Montant de la diminution des contributions nationales au budget de l'UE |
Différence |
||||||
|
en millions d'euros |
en millions d'euros |
en millions d'euros |
PNB (%) |
|||||
Belgique |
157,4 |
268,1 |
110,7 |
0,03 |
|||||
Danemark |
278,7 |
178,1 |
- 100,6 |
- 0,05 |
|||||
Allemagne |
1.586,6 |
2.264,8 |
678,2 |
0,03 |
|||||
Grèce |
579,5 |
127,8 |
- 451,7 |
- 0,30 |
|||||
Espagne |
1.123,7 |
595,5 |
- 528,2 |
- 0,07 |
|||||
France |
2.169,7 |
1.521,2 |
- 648,5 |
- 0,04 |
|||||
Irlande |
268,4 |
72,6 |
- 195,8 |
- 0,23 |
|||||
Italie |
1.115,2 |
1.249,7 |
134,5 |
0,01 |
|||||
Luxembourg |
7,5 |
19,1 |
11,6 |
0,05 |
|||||
Pays-Bas |
237,2 |
406,0 |
168,8 |
0,03 |
|||||
Autriche |
181,9 |
225,7 |
43,8 |
0,02 |
|||||
Portugal |
136,6 |
112,8 |
- 23,9 |
- 0,02 |
|||||
Finlande |
106,3 |
129,1 |
22,8 |
0,01 |
|||||
Suède |
185,9 |
248,2 |
62,3 |
0,02 |
|||||
Royaume-Uni |
1.010,7 |
1.440,3 |
429,6 |
0,03 |
|||||
6 nouv. EM |
0,0 |
286,4 |
286,4 |
0,07 |
|||||
Total |
9.145,3 |
9.145,3 |
0,0 |
0,00 |
Les résultats de ces derniers tableaux sont résumés par les graphiques suivants, extraits du rapport de la Commission.
Conséquences sur les soldes budgétaires
d'un
remboursement partiel des aides directes de la PAC
(Différences par rapport au système actuel ; données
pour 2006 ;
prix courants correction du RU ; taux de
remboursement : 75%)
Ces
données conduisent à un triple constat :
- la réduction effective du solde négatif de l'Allemagne,
des Pays-Bas, de l'Autriche et de la Suède ne correspondrait pas, loin
de là, aux demandes de ces quatre Etats. Pour l'année 1999, cette
réduction serait au mieux identique (pour l'Allemagne) et le plus
souvent bien inférieure à celle qui résulterait pour ces
pays de la suppression du " chèque britannique ", qui serait
donc tout aussi efficace (et en même temps plus conforme à la
logique communautaire) que le cofinancement de la PAC ;
- la timide amélioration (en % du PNB) qui en
résulterait pour les quatre Etats précités diminuerait sur
la période 1999-2006 : de 25 % pour l'Allemagne ; de
33 % pour l'Autriche et la Suède ; de 50 % pour les
Pays-Bas. Ce constat conduit à s'interroger sur l'efficacité
à terme d'un dispositif qui serait pourtant conçu dans le seul
but de réduire la contribution nette de ces pays ;
- enfin, si l'on excepte la France et le Danemark, ce
rééquilibrage serait intégralement financé par les
Etats les moins prospères (Espagne, Grèce, Irlande et Portugal).
Face à ces multiples revendications et propositions, souvent
inconciliables, le risque est grand de céder au pessimisme. Fort
heureusement pour l'avenir de l'Union européenne, les Quinze refusent de
se considérer dans une impasse et maintiennent leur objectif d'un
aboutissement des négociations sur l'Agenda 2000 pour le premier
trimestre 1999. La délégation pour l'Union européenne
croit également à un accord dans des termes qui permettront
d'améliorer l'efficacité et la légitimité de
l'Union européenne. Une solution aux difficultés, acceptable par
tous, paraît en effet susceptible d'être trouvée par une
adaptation du " volet dépenses ".
III. UNE VOIE A PRIVILEGIER : L'ACTION SUR LES DEPENSES DE L'UNION EUROPEENNE
Seule
une action sur les dépenses semble de nature à permettre aux
Quinze de parvenir à un accord satisfaisant et dans un délai
raisonnable sur le cadre financier de l'Europe de demain.
Cette action doit d'abord porter sur le montant global des dépenses,
qu'il importe de maîtriser si l'on ne veut pas que, aux yeux du citoyen,
l'Europe devienne synonyme d'impôt.
Cette action doit également porter sur la distribution des moyens
financiers de l'Union européenne entre les différentes rubriques
et sous-rubriques du budget communautaire. Seule une meilleure
répartition permettra en effet de résoudre l'épineux
problème des déséquilibres budgétaires dans le
respect de la logique communautaire. Mieux, cette autre répartition est
aujourd'hui une nécessité pour la construction européenne
et pour rapprocher le citoyen de l'Union européenne. La
répartition actuelle des dépenses ne répond pas, loin de
là, aux impératifs de l'intégration européenne.
Elle relève davantage du saupoudrage que de la construction. Il
appartient à présent aux Quinze de réinventer un budget
européen, un budget qui traduise des choix clairs et cohérents
avec les objectifs assignés à l'Union européenne. Il faut
pour ce faire tirer les leçons du passé et ne point
hésiter à remettre en cause les choix d'hier. La maîtrise
des finances publiques européennes implique des coupes dans certaines
dépenses qui doivent rechercher l'efficacité, dans un souci de
réalisme et dans le respect du principe de subsidiarité.
La rigueur doit enfin se traduire au niveau de la gestion des crédits.
L'Europe ne doit pas seulement dépenser moins ; elle doit
dépenser mieux.
A. LA NECESSAIRE MAÎTRISE DES DÉPENSES DE L'UNION EUROPÉENNE
1. L'assainissement des finances publiques des Etats membres passe par une réduction des dépenses de l'Union européenne
a) Un objectif affiché : la résorption des déficits budgétaires des administrations nationales
L'obligation pour les Etats membres d'éviter les
déficits publics excessifs, posée par l'article 104C du
Traité instituant la Communauté européenne, prendra un
aspect encore plus contraignant avec l'entrée dans la troisième
phase de l'Union économique et monétaire. La Commission comme le
Conseil rappellent régulièrement la nécessité
d'assurer la discipline budgétaire pour relever avec succès les
défis de la mondialisation et de la compétitivité ainsi
que pour promouvoir l'emploi et l'insertion. Le pacte de stabilité et de
croissance a précisé les contours de ce nécessaire
assainissement des finances publiques nationales, les Etats membres s'engageant
à "
respecter l'objectif à moyen terme d'une position
proche de l'équilibre ou excédentaire
".
Cet objectif affiché d'une situation budgétaire
équilibrée, voire excédentaire, posé par le pacte
de stabilité n'existait pas au moment de l'adoption des dernières
perspectives financières. Cette nouvelle donne conduit à
relativiser la portée de toute argumentation fondée sur une
comparaison entre les futures perspectives financières et la
programmation actuelle. En effet, un contexte différent implique des
solutions différentes et impose donc une remise en cause des choix du
passé.
b) La progression des dépenses communautaires : une solution incompatible avec l'objectif d'assainissement budgétaire.
Le
déclin continu de la part des ressources propres traditionnelles dans
l'ensemble des recettes de l'Union européenne a pour conséquence
directe de faire financer 84 % du budget communautaire par les contribuables
nationaux, via les ressources TVA et PNB. Pour la France, 95 milliards de
francs seront ainsi prélevés en 1999 sur les recettes de l'Etat
au titre de sa participation au financement du budget des Communautés
européennes.
Les dépenses européennes ont donc un effet
d'éviction sur les recettes nationales qui rend d'autant plus difficile
la résorption des déficits budgétaires nationaux.
Cette participation demandée aux Etats membres a sensiblement
augmenté au cours des dernières années : avec un
accroissement évalué à 3,5 milliards de francs pour
1999, le prélèvement opéré sur les recettes de
l'Etat progresserait en France d'environ 3,8 %, soit à un rythme bien
supérieur au taux de croissance attendu du PNB (2,7 % selon les
prévisions du Gouvernement).
Mais l'accroissement des dépenses européennes n'a pas pour
unique conséquence la réduction des recettes nettes des Etats.
Elle entraîne aussi une augmentation de leurs dépenses.
En effet, le
principe d'additionnalité
, selon lequel
l'affectation de chaque euro communautaire au titre des dépenses
structurelles doit s'accompagner de l'engagement simultané d'un euro
national, conduirait à lui seul, compte tenu de l'enveloppe
prévue par la Commission pour lesdites dépenses et du maintien
relatif de leur statut privilégié, à accroître les
dépenses publiques nationales de 39 milliards d'euros sur la
période 2000-2006 par rapport à la programmation actuelle.
Cet " effet de ciseaux " (diminution des recettes et augmentation
des dépenses) rend incompatible la progression, même
limitée, des dépenses européennes avec l'obligation pour
les Etats membres de réduire le déficit de leurs administrations
publiques.
Pour parvenir à une situation budgétaire proche de
l'équilibre, les Etats devraient en effet opérer de
spectaculaires coupes dans leurs dépenses et/ou augmenter les
prélèvements obligatoires.
L'effort demandé aux
contribuables deviendrait, s'il ne l'est déjà, rapidement
insupportable.
La construction européenne deviendrait à leurs
yeux synonyme d'impôt
; elle serait discréditée.
Dans ces conditions, la progression des dépenses communautaires
proposée par la Commission ne peut être admise. La stabilisation
serait déjà un échec. C'est à leur diminution qu'il
y a lieu de s'atteler.
c) Le risque de dérapage des dépenses communautaires.
Les
montants de dépenses proposés par la Commission pour les
nouvelles perspectives financières contiennent en germe un risque
sérieux de dérapage, lié à deux séries de
considérations :
- tout d'abord aux hypothèses macro-économiques, pour le
moins optimistes, de la Commission. A cet égard, il paraît
d'autant plus souhaitable de faire montre de réalisme que
l'expérience a prouvé que, en cas de dégradation de la
conjoncture économique, l'adaptation des perspectives financières
ne se fait point par une révision à la baisse mais au contraire
par une augmentation des dépenses effectives de l'Union
européenne. Dans ce cas en effet, la Commission propose de recycler les
marges ouvertes par les sous-consommations de crédits. Cet exercice
d'équilibriste, en rapprochant les dotations effectives des plafonds
prévus par les perspectives financières, limite les
possibilités d'économies en cours de programmation : le maximum
autorisé tend à devenir un objectif à atteindre. Pour la
période 2000-2006, l'hypothèse d'une quasi coïncidence entre
les plafonds des perspectives financières et les dépenses
effectives est d'autant plus plausible que, la Commission l'a clairement
affirmé, la marge laissée disponible sous le plafond de
ressources propres ne serait pas consacrée à alléger le
poids des contributions nationales, mais à financer
l'élargissement ;
- en second lieu, les montants inscrits dans les perspectives
financières serviront de référence pour les revendications
des futurs adhérents à l'Union européenne. Comme le
soulignent en effet les considérants de la proposition de
résolution sur les fonds structurels présentée par
M. Yann Gaillard, au nom de la délégation du
Sénat pour l'Union européenne, "
les nouveaux
adhérents pourraient légitimement prétendre, dans
l'avenir, à un niveau d'aide équivalent à celui
accordé aux actuels membres de l'Union
".
2. La maîtrise des dépenses, seule solution envisageable dans un contexte de remise en cause des contributions nettes
La question des déséquilibres budgétaires, soulevée par certains Etats membres, ne peut être résolue que par la maîtrise des dépenses de l'Union européenne. Cette conclusion était déjà celle du Conseil européen de Fontainebleau : " La politique des dépenses est, à terme, le moyen essentiel de résoudre la question des déséquilibres budgétaires ". Les autres solutions proposées ne peuvent être envisagées, soit en raison de la négation même de la logique communautaire qu'elles impliquent, soit en raison de l'impossibilité de les retenir, tout au moins à moyen terme, faute d'accord suffisant entre les Quinze.
a) La logique communautaire prohibe les solutions fondées sur le " juste retour "
:
le
" juste retour " : une revendication aux fondements erronés
La notion de "
juste retour
" repose sur un double postulat
éminemment contestable :
- d'une part, chaque Etat membre devrait recevoir de l'Union européenne
un montant de crédits au moins égal, ou tout au moins peu
inférieur, au montant de sa participation au financement du budget
communautaire ;
- d'autre part, une simple analyse comptable, consistant à comparer le
montant brut des dépenses de l'Union européenne dans un Etat et
les recettes communautaires en provenance de ce dernier, donnerait une
idée exacte du solde budgétaire dudit Etat.
Ce double postulat est d'abord en totale contradiction avec la logique
communautaire, fondée sur la solidarité.
En deuxième lieu, sur le plan économique, la recherche d'un juste
retour qu'il vise à justifier conduirait à des résultats
absurdes
, comme l'a démontré la Cour des comptes à
propos de la correction britannique :
" six autres Etats membres
pourraient y prétendre. Il en résulterait, par exemple sur la
base des dernières données définitives (exercice 1996),
que la correction totale passerait de 2,9 milliards d'ECU (un Etat membre)
à 12,4 Milliards ECU (sept Etats membres), soit 22 % des ressources TVA
et PNB pour cet exercice. De plus, étant donné que les Etats
membres bénéficiaires ne participent pas à son
financement, cette correction serait largement financée dans les faits
par des Etats membres dont le PNB par habitant est inférieur à la
moyenne communautaire ".
Enfin, en se limitant à une analyse comptable, ce double postulat
donne une vision erronée de l'apport des politiques
européennes
. Ainsi, quatre séries de considérations au
moins peuvent être avancées pour réfuter l'analyse par les
seuls soldes budgétaires comptables :
- la nécessité de prendre en compte les effets externes
favorables des dépenses de l'Union européenne. Comme le souligne
la Commission, "
la PAC, les interventions structurelles et les
dépenses extérieures ne profitent pas uniquement aux
bénéficiaires immédiats, mais développent aussi un
effet d'entraînement qui transcende les frontières
nationales
". C'est l'exemple bien connu de l'aide octroyée
à un Etat pour construire des infrastructures dont la réalisation
est confiée à des entreprises relevant d'un ou de plusieurs
autres Etats ;
- les fréquentes " illusions d'optique " quant aux
bénéficiaires effectifs d'une dépense. Sur ce point, la
Commission donne deux exemples dans son étude de 1997 : "
les
restitutions à l'exportation octroyées dans le cadre de la PAC
peuvent être considérées comme octroyées à
l'Etat membre d'où les biens sont exportés, alors que, en
réalité, les bénéficiaires finals sont des
producteurs établis dans d'autres Etats membres ; un autre exemple peut
être trouvé dans les dépenses consenties en matière
de recherche pour lesquelles les consortiums multinationaux demandent que les
crédits de l'Union européenne soient versés à l'un
des membres du consortium ou sur un compte bancaire ouvert en Belgique ou au
Luxembourg
" ;
- l'extrême diversité des dépenses budgétaires
de l'Union européenne :
alors que les dépenses
structurelles augmentent la richesse de l'Etat bénéficiaire
à hauteur du montant consenti, d'autres ne l'augmentent qu'à
concurrence d'une partie de leur montant
(ainsi, une aide octroyée
à un Etat pour l'achat d'un bien fabriqué dans cet Etat
n'accroît sa richesse qu'à hauteur de la valeur ajoutée
procurée par la vente) ;
- les multiples modes de calcul des soldes budgétaires. Ainsi,
l'intégration des ressources propres traditionnelles
" gonfle " considérablement le montant apparent de la
contribution des Etats qui, à l'instar des Pays-Bas, disposent de
nombreuses infrastructures portuaires et perçoivent de ce fait des
droits de douane pour le compte de l'Union européenne. De même,
considérant que les dépenses administratives des institutions
européennes bénéficient à l'ensemble des Etats de
l'Union, la Belgique et le Luxembourg contestent l'intégration de ces
dépenses dans le calcul des soldes budgétaires.
D'une manière générale, force est de constater que
certaines dépenses ne peuvent être attribuées à un
Etat précisément individualisé.
Il en va notamment
ainsi des dépenses consacrées aux actions extérieures et,
dans une certaine mesure, des dépenses administratives. Seule une partie
des crédits, que l'on peut évaluer à environ 90 %, entre
dans la catégorie dite des " dépenses
réparties " sur la base de laquelle sont le plus souvent
calculés les soldes budgétaires. De leur côté, les
recettes de l'Union sont dans leur quasi-totalité prises en compte,
parfois de manière contestable (ainsi, les versements de ressources
propres traditionnelles sont considérés comme effectives
intégralement par l'Etat membre qui les transfère au budget de
l'Union européenne). Ainsi, lorsque les Quinze versent 100 euros au
budget de l'Union, seuls 90 environ sont comptabilisés comme
dépenses réparties. Il en résulte donc un solde
négatif net apparent de 10 euros alors que, en réalité, le
solde global est égal à zéro. Dans ces conditions,
selon les règles arithmétiques les plus
élémentaires, les soldes négatifs sont forcément
surévalués et les soldes positifs sous-évalués
.
Ainsi, les notions de " juste retour " et de " solde
net ", philosophiquement, économiquement et comptablement
erronées ne sauraient servir de référence pour la
détermination du cadre financier de l'Union européenne.
la conséquence : le caractère inacceptable des solutions
fondées sur les soldes nets
Dans la mesure où les soldes nets n'ont pas de signification comptable
et ne rendent aucunement compte de la réalité des apports des
politiques européennes, toute solution, quelle qu'elle soit,
dictée par le souci de les résorber en leur appliquant une
clé de répartition doit impérativement être
écartée.
Aussi est-il inconcevable d'envisager une généralisation de la
correction britannique ou un dispositif d'écrêtement qui,
consistant à appliquer un pourcentage à une donnée par
nature gravement inexacte, constitueraient des non-sens économiques,
comptables et incompatibles avec la logique communautaire.
Non seulement cette généralisation ne saurait être admise,
mais la
suppression pure et simple du chèque britannique paraît
même s'imposer
en raison notamment :
- de la diminution continue des dépenses agricoles, dont le montant
élevé avait pu un temps occulter l'absurdité de ce
dispositif eu égard aux principes de base de la construction
européenne ;
- du fait que la suppression du chèque britannique apporterait
déjà une nette amélioration à la situation des
quatre Etats membres qui, s'appuyant sur ce regrettable
précédent, ont réclamé une diminution de leur
contribution nette au budget de l'Union ;
- de la réduction de l'écart de prospérité
relative entre le Royaume-Uni et d'autres Etats largement contributeurs nets,
comme le montre le tableau ci-après, établi d'après les
données de la Commission :
PNB
par habitant
|
||
|
1980 |
1999 |
Belgique |
108,5 |
115,2 |
Danemark |
102,9 |
112,9 |
Allemagne |
117,8 |
108,8 |
Grèce |
66,6 |
69,8 |
Espagne |
70,0 |
79,8 |
France |
112,9 |
104,3 |
Irlande |
62,3 |
86,8 |
Italie |
102,1 |
102,7 |
Luxembourg |
146,7 |
174,9 |
Pays-Bas |
105,1 |
106,2 |
Autriche |
104,9 |
112,4 |
Portugal |
53,6 |
71,2 |
Finlande |
94,9 |
99,4 |
Suède |
110,9 |
93,8 |
Royaume-Uni |
97,0 |
98,6 |
EUR-15 |
100,0 |
100,0 |
Source : Commission européenne
b) Une adaptation par les recettes paraît difficilement concevable
La
proposition espagnole d'une progressivité de la ressource PNB
présente le grave inconvénient de transposer hâtivement
à des Etats une règle appliquée jusqu'à
présent à des personnes physiques
. Or, les Etats regroupent
des personnes physiques extrêmement diverses, notamment sur le plan de
leur richesse effective. Ainsi, en termes d'équité, on peut
difficilement concevoir qu'un espagnol riche contribue moins au financement de
l'Union européenne qu'un allemand modeste. Comme le fait en effet
observer la Commission, "
la progressivité est
généralement obtenue en
différenciant les taux des
impôts incombant aux contribuables et non en élargissant ou en
rétrécissant la base d'imposition. (...) En revanche, la
proposition espagnole visant à utiliser le PNB par habitant en
écus comme coefficient de progressivité à appliquer aux
parts de PNB revient à réaliser la progressivité en
élargissant ou en diminuant l'assiette et en conservant un taux
identique pour tous (taux d'appel des ressources PNB), du moins dans l'une des
variantes de la proposition
".
Les solutions proposées pour créer de nouvelles ressources
propres se heurtent toutes à plusieurs objections :
- soit en raison de l'insuffisante visibilité par le citoyen de la
ressource proposée (impôt sur les sociétés
européen)
- soit en raison de la dépendance de cette ressource à
l'égard de la conjoncture économique (impôt sur les
sociétés - " taxe CO
2
", retenue à la
source sur les intérêts...) ;
- soit en raison des coûts de perception (droit d'accises, taxation des
services de communication...).
Certaines de ces objections,
notamment l'irrégularité de
leur rendement,
peuvent être formulées à l'encontre de
la " TVA différenciée ".
Quant à la généralisation de la ressource PNB, qui
deviendrait l'unique ressource propre des Communautés, elle aboutirait
à financer intégralement le budget communautaire par des
contributions nationales, au dépens de l'autonomie des finances
européennes.
Toutes les objections ci-dessus évoquées ne sont peut-être
point dirimantes et ne sauraient conduire à renoncer à une
éventuelle modification du régime des ressource propres de
l'Union européenne. Toutefois, indépendamment de leurs avantages
et inconvénients respectifs, ces suggestions ne constituent pour l'heure
que des pistes de réflexion.
La nécessité de recueillir
l'unanimité des membres du Conseil pour modifier la décision sur
les ressources propres condamne en effet, tout au moins à court terme,
toute tentative en ce sens.
C'est donc forcément autour de la question d'une autre affectation des
dépenses que doit s'orienter le débat sur les futures
perspectives financières.
Cette orientation correspond d'ailleurs
aux observations de la Cour des comptes européenne, laquelle souligne
que "
l'objectif de réduire un déséquilibre
budgétaire (...) aurait pu être atteint par le volet
"dépenses" du budget
". Elle correspond également aux
conclusions du rapport de la Commission sur les ressources propres :
" Le choix par l'Union européenne de préférer une
solidarité financée par le volet dépenses du budget
répond à deux raisons principales :
- en premier lieu, la solidarité au sein de l'Union européenne
s'exprime essentiellement par le biais de l'objectif de convergence
réelle des économies obtenue par le transfert des fonds vers les
régions éligibles plutôt que vers l'Etat membre pris en
tant que tel ;
- deuxièmement, il est plus probable que la convergence se
réalise grâce à la progressivité des dépenses
plutôt que par celle des contributions. La raison en est que
cette
dernière, en réduisant la quote-part financière des Etats
membres moins prospères, leur laisserait le libre choix de l'utilisation
des fonds.
Il est plausible qu'en ce cas, les investissements ne
bénéficieraient pas d'un renforcement aussi important que dans le
cadre d'une progressivité basée sur les
dépenses. "
B. LES CRITERES D'ARBITRAGE ENTRE LES DEPENSES : EFFICACITE, SUBSIDIARITE ET REALISME
L'objectif général de maîtrise de la
dépense européenne suppose des arbitrages parmi les
différentes rubriques des perspectives financières. Ces
arbitrages doivent être dictés par le souci d'élaborer un
cadre financier qui soit véritablement axé sur la construction
européenne.
L'Union européenne ne peut s'affranchir d'une
réflexion sur la répartition optimale de ses dépenses en
fonction de ses objectifs tels qu'ils sont notamment affirmés par
l'article B du traité sur l'Union européenne :
promouvoir un progrès économique et durable, notamment par la
création d'un espace sans frontières intérieures, par le
renforcement et la cohésion économique et sociale et par
l'établissement d'une union économique et monétaire ;
affirmer son identité sur la scène internationale...
Le budget des Communautés doit être un instrument au service de
ces objectifs et non une " machine à saupoudrer " des
crédits entre les Etats.
Il doit traduire de véritables choix
entre les politiques en fonction :
- de l'apport de chacun d'entre elles à la réalisation des
objectifs de l'Union européenne ;
- de la nécessité, pour cette réalisation, de mener ces
politiques au niveau européen plutôt qu'au niveau national ;
- de l'utilisation effective des crédits mobilisés.
Efficacité, subsidiarité et réalisme, tels sont ainsi les
trois critères en fonction desquels les Etats membres doivent
déterminer les dotations consacrées aux différentes
rubriques.
1. Les dépenses agricoles
En ce qui concerne les dépenses de la rubrique 1, la réduction des montants proposés par la Commission paraît difficile à obtenir. En premier lieu, il convient de faire montre de prudence compte tenu de la volatilité des dépenses agricoles et des hypothèses pour le moins optimistes retenues par la Commission pour proposer les dotations de la rubrique 1. En deuxième lieu, la possibilité, envisagée par certains, de transférer sur le budget des Etats une partie de ces dépenses constitue un véritable non-sens communautaire. Enfin, l'évolution passée et attendue de ces dépenses conduit à réduire la part de celles-ci dans le budget communautaire et agit déjà comme un facteur de correction des déséquilibres budgétaires.
a) Des montant qui pourraient se révéler sous-évalués dans la perspective de l'élargissement
Comme
l'a souligné la Commission dans sa communication sur l'Agenda 2000,
"
l'élargissement augmentera la superficie agricole de l'Union
de 60 millions d'hectares, pour la porter à près de
200 millions d'hectares (...). La main d'oeuvre agricole, qui , dans
l'Union à quinze, devrait s'élever à 6,6 millions de
personnes en 2000, pourrait atteindre plus du double dans une Union
élargie, la surface agricole moyenne disponible par personne
employée dans ce secteur étant de 9 hectares dans les pays
candidats, contre 21 hectares dans l'Union actuelle
".
Les conséquences de l'élargissement devraient dans un premier
temps être favorables aux agricultures des Etats membres actuels. Certes,
les prix agricoles pratiqués dans les pays candidats sont en
général sensiblement inférieurs à ceux
pratiqués au niveau communautaire. Mais cette différence devrait
se combler en partie d'ici la date de l'élargissement, compte tenu d'un
taux d'inflation relativement élevé dans les PECO et de la
politique de baisse des prix communautaires engagée par la Commission.
La qualité des produits communautaires et le fait que l'agriculture des
pays candidats ne suffise pas à couvrir leurs besoins alimentaires
provoquera un accroissement de la demande de produits en provenance des quinze
Etats membres actuels.
Mais cette évolution favorable à moyen terme ne saurait justifier
une diminution du budget agricole compte tenu notamment de l'ampleur des aides
nécessitées pour la modernisation des agricultures des nouveaux
Etats membres. L'élargissement aura en effet, à plus long terme,
un coût important pour le budget communautaire dont le passage suivant,
extrait de la communication sur l'Agenda 2000, donnera une idée :
"
Dans l'hypothèse où les dix pays associés
adhéreraient tous en 2002 et appliqueraient pleinement la politique
agricole commune sous sa forme actuelle, l'impact budgétaire de
l'élargissement serait un surcoût de l'ordre de 11 milliards
d'écus par an à partir de 2005 pour la section garantie du FEOGA.
Sur ce montant, près de 7 milliards d'écus seraient
consacrés à des paiements directs (aides à l'hectare et
primes à l'animal) et 1,5 milliard d'écus iraient à
des mesures d'accompagnement (programme d'action agri-environnemental,
afforestation, préretraite). Les mesures de soutien du marché
(interventions et restitutions à l'exportation) en faveur des dix pays
candidats se chiffreraient à 2,5 milliards d'écus, montant
qui serait absorbé en grande partie par le secteur laitier
".
Dans son avis n° 10/98 sur "
certaines propositions de
règlements dans le cadre de l'Agenda 2000
", la Cour des comptes
européennes juge même que la marge disponible sous la LDA
calculée par la Commission résulte d'hypothèses
plutôt optimistes. Indépendamment des hypothèses de
croissance, qu'un souci de réalisme devrait conduire à revoir
à la baisse, la Cour insiste sur le fait que, pour évaluer le
coût de l'intégration de six nouveaux Etats membres dans l'Union
européenne, la Commission n'a pris en compte que le financement des
mesures d'intervention, excluant ainsi les aides directes. Or, d'après
la Cour, celles-ci s'élèveraient en moyenne à
3,3 milliards d'euros par an entre 2002 et 2006.
Ce facteur pris en compte, la Cour souligne le risque d'un dépassement
de la LDA entre 2002 et 2005.
Dans ces conditions, le souci de réalisme qui doit dominer
l'établissement des perspectives financières rend difficile une
diminution des dotations proposée par la Commission.
b) Le cofinancement des dépenses agricoles ne peut être retenu
La PAC a
fait la preuve de son efficacité : elle a répondu aux
objectifs que lui assigne l'article 39 du traité instituant la
Communauté européenne, notamment la garantie de la
sécurité des approvisionnements et l'assurance de prix
raisonnables à la consommation. Ses résultats sont d'autant plus
remarquables que, au début des années 1960, le secteur agricole
de l'Europe des six était peu performant et n'assurait pas
l'autosuffisance de la Communauté économique européenne
pour la plupart des produits alimentaires de base. On peut d'ailleurs affirmer
sans exagération que la PAC symbolise la réussite de la
construction européenne : elle est le modèle d'une politique
commune réussie.
Ce rôle de ciment de l'Europe de la PAC ne saurait être remis en
question. La PAC sera même, on l'a vu, un instrument nécessaire
à la réussite de l'élargissement compte tenu de la part de
l'agriculture dans les économies des pays candidats à
l'adhésion.
Or le cofinancement de la PAC
envisagé par la Commission dans son
rapport sur les ressources propres,
conduirait inéluctablement
à la disparition progressive de cette politique en tant que politique
commune
:
- d'abord parce que les aides directes financées par les Etats le
seraient en fonction de critères, qui, pour être définis au
niveau communautaire, ne supprimeraient pas pour autant tout pouvoir
d'appréciation au niveau national. Il en résulterait des
différences inévitables entre quinze Etats, puis vingt-et-un, au
point que, à terme, l'épithète
" commune "
ne refléterait plus la
réalité ; comme l'écrit la Cour des comptes
européenne dans son avis n° 10/98, "
la
décentralisation pourrait réduire l'assurance d'une concurrence
loyale au sein de l'Union européenne, puisqu'une partie des aides
directes varieraient en fonction des critères
nationaux
" ;
- en deuxième lieu, quel que soit le taux de financement laissé
à la charge des Etats, la tentation serait forte de l'augmenter
progressivement pour répondre aux difficultés que
soulèverait le financement de l'Union européenne. Elle serait
d'autant moins résistible que cette augmentation ne nécessiterait
pas une décision à l'unanimité, mais à la
majorité qualifiée. Ainsi, le principe du cofinancement
contiendrait en germe la réduction, voire la disparition du financement
de la PAC par l'Union européenne.
On observera par ailleurs que le cofinancement de la PAC aurait pour seul objet
de réduire le solde budgétaire de certains Etats contributeurs
nets et non d'améliorer le fonctionnement de cette politique. Ce
faisant, l'Union européenne accepterait expressément de faire
primer le principe du juste retour sur celui de la solidarité
européenne. Ce serait un dangereux précédent qui, par la
suite, pourrait être appliqué à n'importe quelle politique
commune, y compris à celles qui, comme la PAC, favorisent le plus la
construction européenne.
Enfin, le cofinancement ne réduirait en rien la pression
financière exercée par Bruxelles sur les Etats membres puisque
ceux-ci seraient tenus d'inscrire les montants correspondants dans leur budget
national. Bien à rebours, et
en totale contradiction avec son
objectif annoncé, le cofinancement conduirait de fait à une
augmentation de la charge budgétaire imposée par l'Europe. La
somme mise à la charge des budgets nationaux serait toujours totalement
maîtrisée par Bruxelles et, en outre, augmenterait la marge
disponible sous le plafond des ressources propres pour un montant qui, nul ne
peut en douter, ne serait pas reversé dans son intégralité
aux Etats membres.
c) L'évolution des dépenses agricoles favorisera d'elle-même une certaine correction des déséquilibres budgétaires
Depuis
le début des années 1980, la part des dépenses agricoles
dans le budget communautaire n'a cessé de diminuer, passant d'environ
70 % à un peu plus de 50 %. Cette réduction devrait se
poursuivre au cours des années 2000-2006 puisque, selon le tableau des
perspectives financières présenté par la Commission, la
rubrique 1 serait dotée (aide préadhésion comprise),
de 51,6 milliards d'euros, en fin de période, soit 49 % du
total des crédits pour engagements. Ces 51,6 milliards
comprendraient d'ailleurs des crédits financés jusqu'à
présent par les rubriques 2 et 3. Ce transfert purement comptable
masque une diminution effective de la part des dépenses agricoles
totales.
Parallèlement, la composition de ces dépenses est appelée
à évoluer dans le sens d'une augmentation des aides directes,
conformément aux objectifs de la réforme annoncée de la
PAC.
Enfin, d'après les données de la Commission, les quatre Etats
ayant appelé à une réduction de leur contribution nette
devraient bénéficier de manière de plus en plus importante
des aides directes au cours de la période de programmation, ainsi que le
souligne le tableau ci-après :
Répartition des aides directes agricoles entre les Etats membres |
||
|
Pourcentage en 1999 |
Pourcentage en 2006 |
Belgique |
1,1 |
1,7 |
Danemark |
2,9 |
3,0 |
Allemagne |
15,2 |
17,4 |
Grèce |
7,9 |
6,3 |
Espagne |
14,3 |
12,3 |
France |
23,9 |
23,7 |
Irlande |
2,3 |
2,9 |
Italie |
12,6 |
12,2 |
Luxembourg |
0,1 |
0,1 |
Pays-Bas |
1,3 |
2,6 |
Autriche |
1,7 |
2,0 |
Portugal |
1,5 |
1,5 |
Finlande |
1,0 |
1,2 |
Suède |
1,9 |
2,0 |
Royaume-Uni |
12,3 |
11,0 |
Source : Commission européenne
Cette triple évolution attendue des dépenses agricoles
(diminution du montant total des dépenses, augmentation de la part des
aides directes, augmentation de la part des " quatre " dans les aides
directes) conduira
ipso facto
à une diminution des soldes
négatifs nets de l'Allemagne, de la Suède, des Pays-Bas et de
l'Autriche.
2. Les dépenses structurelles
Les propositions de la Commission concernant les dépenses structurelles, tout au moins pour les actions des fonds structurels, laissent quelque peu perplexe, tant le bilan du " paquet Delors II " paraît plaider pour une réduction draconienne de leurs dotations.
a) L'efficacité de l'action des fonds structurels reste à démontrer
Selon le
dernier rapport annuel de la Commission sur les fonds structurels (portant sur
l'année 1997), la population des zones éligibles aux fonds
structurels couvre 51 % de la population communautaire. Cette dispersion
des crédits traduit un manque de concentration sur les Etats les plus
pauvres et limite considérablement l'effet redistributif des
dépenses structurelles ; elle est contraire à l'objectif
expressément assigné aux fonds structurels par le
règlement du Conseil du 24 juin 1988 : orienter l'ensemble de
l'action communautaire dans le domaine de la cohésion économique
et sociale vers des objectifs prioritaires et clairement définis,
étant précisé "
que
la réalisation de
l'objectif prioritaire d'assurer l'ajustement structurel des régions en
retard de développement implique une concentration significative des
ressources des fonds structurels de la Communauté en faveur de cet
objectif
".
De fait, la répartition des crédits, récapitulée
dans le tableau ci-après, donne souvent l'impression d'un certain
" saupoudrage " comme si chaque Etat devait recevoir un minimum de
part du " gâteau " :
Rappel
des concours des fonds structurels 1994-1999
|
|||||
|
Total |
FEDER |
FSE |
FEOGA |
IFOP |
Belgique |
1.850,11 |
852,43 |
727,23 |
244,81 |
25,64 |
Danemark |
755,26 |
118,07 |
343,65 |
151,00 |
142,54 |
Allemagne |
19.793,76 |
8.516,06 |
6.803,41 |
4.285,49 |
188,80 |
Grèce |
13.902,33 |
9.367,05 |
2.585,07 |
1.818,41 |
131,80 |
Espagne |
30.543,85 |
16.860,49 |
8.455,94 |
4.089,39 |
1.138,03, |
France |
13.544,61 |
5.362,53 |
4.724,80 |
3.229,18 |
228,10 |
Irlande |
5.708,42 |
2.603,95 |
2.009,10 |
1.047,67 |
47,70 |
Italie |
19.561,72 |
10.821,80 |
4.982,09 |
3.384,54 |
373,30 |
Luxembourg |
85,49 |
15,62 |
26,84 |
41,93 |
1,10 |
Pays-Bas |
2.172,70 |
598,07 |
1.379,16 |
140,37 |
55,10 |
Autriche |
1.482,12 |
352,84 |
539,30 |
587,98 |
2,00 |
Portugal |
14.106,82 |
8.762,63 |
3.183,93 |
1.952,11 |
208,15 |
Finlande |
1.549,58 |
417,23 |
523,80 |
581,56 |
27,00 |
Suède |
1.217,55 |
314,88 |
652,48 |
204,73 |
45,46 |
Royaume-Uni |
11.355,00 |
5.431,30 |
5.215,84 |
583,98 |
123,88 |
Total |
137.629,34 |
70.394,95 |
42.152,63 |
22.343,15 |
2.738,60 |
Source : Commission européenne |
Dans ces
conditions, il n'est pas surprenant de constater que,
Grèce
exceptée, la richesse relative des principaux
bénéficiaires des fonds structurels ne s'est guère
améliorée au cours de ces dernières années sur la
période 1993-1997 ;
la richesse relative de l'Espagne,
principal bénéficiaire, a même connu une diminution.
Ainsi, à la différence de la PAC, la politique structurelle n'a
pas fait la preuve de son efficacité.
b) La sous-exécution des crédits
La récurrente sous-exécution des crédits affectés à cette politique, en dépit de leur statut privilégié, plaide pour leur réduction dans la prochaine programmation bien plus que pour leur accroissement. Malgré une amélioration au cours de la période récente, le total des crédits restant à liquider à la fin de l'année 1997 par rapport à la programmation des perspectives financières s'élevait à 29,4 milliards d'écus. Il devrait dépasser 42 milliards à la fin de l'année 1999.
Crédits restants
à liquider au
31 décembre 1997
|
||||||||||||||
|
|
Obj 1 |
Obj 2 |
Obj 3 |
Obj 4 |
Obj 5a |
Obj 5b |
Obj 6 |
IC |
Mesures tran. |
Ex-RDA |
Total fin 1997 |
||
Total restant |
|
16.739,01 |
3.248,07 |
2.348,77 |
419,06 |
930,46 |
1.154,10 |
128,64 |
3.941,38 |
425,76 |
82,85 |
29.418,09 |
||
à liquider |
FEDER |
10.589,66 |
2.639,66 |
- |
- |
- |
544,54 |
48,26 |
|
|
|
|
||
fin 1997 |
FSE |
3.415,30 |
608,41 |
2.348,77 |
419,06 |
- |
150,39 |
30,27 |
|
|
|
|
||
(A+B+C) |
FEOGA |
2.452,59 |
- |
- |
- |
813,56 |
459,17 |
48,83 |
|
|
|
|
||
|
IFOP |
281,46 |
- |
- |
- |
116 ,90 |
- |
1,29 |
|
|
|
|
||
Restant |
|
10.957,07 |
1.648,00 |
1.609,72 |
305,78 |
646,32 |
719,46 |
107,70 |
1.156,45 |
176,43 |
0,00 |
17.326,93 |
||
à liquider |
FEDER |
6.552,90 |
1.262,50 |
- |
- |
- |
361,04 |
37,79 |
|
|
|
|
||
sur crédits |
FSE |
2.311,44 |
385,51 |
1.609,72 |
305,78 |
- |
89,37 |
24,58 |
|
|
|
|
||
1997 |
FEOGA |
1.941,72 |
- |
- |
- |
613,66 |
269,05 |
44,34 |
|
|
|
|
||
(A) |
IFOP |
151,01 |
- |
- |
- |
32,66 |
- |
0,99 |
|
|
|
|
||
Restant |
|
3.767,29 |
1.177,06 |
650,58 |
113,28 |
210,30 |
232,38 |
20,94 |
2.331,63 |
128,35 |
0,00 |
8.631,81 |
||
à liquider |
FEDER |
2.765,81 |
972,32 |
- |
- |
- |
83,42 |
10,47 |
|
|
|
|
||
sur crédits |
FSE |
614,36 |
204,74 |
650,58 |
113,28 |
- |
38,28 |
5,70 |
|
|
|
|
||
1994-1996 |
FEOGA |
324,46 |
- |
- |
- |
127,04 |
110,68 |
4,48 |
|
|
|
|
||
(B) |
IFOP |
62,66 |
- |
- |
- |
83,26 |
- |
0,29 |
|
|
|
|
||
Restant |
|
2.014,66 |
423,01 |
88,46 |
0,00 |
73,84 |
202,26 |
0,00 |
453,30 |
120,98 |
82,85 |
3.459,36 |
||
à liquider |
FEDER |
1.270,95 |
|
- |
- |
- |
100,08 |
- |
|
|
|
|
||
sur crédits |
FSE |
489,51 |
404,84 |
88,46 |
0,00 |
- |
22,73 |
- |
|
|
|
|
||
d'avant 1994 |
FEOGA |
186,41 |
18,17 |
- |
- |
72,87 |
79,45 |
- |
|
|
|
|
||
(C) |
IFOP |
67,79 |
|
- |
- |
0,98 |
- |
- |
|
|
|
|
||
Source : Commission européenne |
c) La politique régionale relève essentiellement de la responsabilité des Etats
A la
différence de la PAC, la politique régionale n'est pas à
proprement parler une politique commune conduite au seul niveau
européen. C'est même, ainsi que le rappelle le règlement du
24 juin 1988 concernant les fonds structurels, une action
"
complémentaire de l'action menée par les Etats
membres
" que conduit la Communauté européenne. Le
coût de cette action fait d'ailleurs l'objet d'un cofinancement entre la
Communauté et l'Etat concerné, dont le taux varie selon les
mesures.
Si le renforcement de la cohésion économique et sociale,
objectif consacré par les traités, consiste notamment à
réduire l'écart de développement des régions, il ne
saurait donc occulter la responsabilité des Etats membres en cette
matière
. C'est en effet à ces derniers qu'il appartient,
conformément au principe de subsidiarité, de conduire la
politique d'aménagement du territoire.
Or, la régionalisation
des crédits communautaires consacrés aux actions structurelles,
qui conduit à réserver les trois quarts des crédits aux
régions, traduit l'émergence d'une politique européenne
d'aménagement du territoire
, laquelle peut d'ailleurs aller à
l'encontre de celle conduite par les Etats.
Aussi pourrait-il être préférable d'affecter les actions
structurelles aux Etats les moins prospères, ceux-ci devant par la suite
les répartir entre leurs régions. A défaut,
l'extrême dispersion des interventions structurelles (et donc leur
relative inefficacité) risque de perdurer. Une solution envisageable
pourrait consister à accroître les crédits du fonds de
cohésion, qui sont attribués aux Etats et non aux régions.
La réduction des crédits des fonds structurels ne saurait
s'assimiler à un abandon de la politique d'aménagement du
territoire. Il s'agirait en réalité de rendre aux gouvernements
les prérogatives qui sont les leurs dans un domaine relevant avant tout
de la responsabilité des Etats membres. L'ampleur des dotations des
fonds structurels grève en effet lourdement les budgets nationaux et
conduit à un curieux partage des responsabilités dans lequel les
autorités nationales exécutent, sans pouvoir
d'appréciation, les décisions prises à Bruxelles. Cette
situation ne peut que donner lieu à un certain découragement,
voire à une démission des gouvernements comme on le constate en
France, puisque le budget de l'aménagement du territoire pour 1999 (1,8
milliard de francs) ne représente qu'un sixième des montants
transférés par les fonds structurels (11 milliards de francs).
En ce qui concerne le cas particulier de la France, une renationalisation
intégrale de la politique structurelle allégerait ainsi sa
contribution au budget européen de plus de 35 milliards de francs (en
1999) qui pourraient être consacrés à l'aménagement
du territoire au niveau national. Si l'on retire de ces 35 milliards le total
des montants versés par les fonds structurels (11 milliards), ce sont 24
milliards de francs supplémentaires, soit treize fois le budget de
l'aménagement du territoire, qui pourraient être consacrés
au développement des régions les plus en difficulté.
Il ne s'agit bien évidemment pas de prôner la suppression de la
politique structurelle de l'Union européenne qui constitue, avec la PAC,
l'un des deux piliers de la construction de l'Europe. Il s'agit seulement de
faire prendre conscience de l'importance démesurée de cette
politique et de la nécessité de la ramener à de plus
justes proportions au regard de la responsabilité qui, en ce domaine,
doit rester aux Etats membres
.
La voie de la réduction des dépenses structurelles,
compensée par les budgets nationaux, doit ainsi être
privilégiée. Cette réduction doit cependant s'effectuer
avec discernement : elle doit concerner les fonds structurels plutôt que
le fonds de cohésion, dont les crédits pourraient même
être abondés. Mais cette diminution des dotations des fonds
structurels doit être considérable. D'aucuns la jugeront
peut-être irréaliste et avanceront la probable opposition du
" syndicat de la cohésion ". Celui-ci ne perdrait pourtant
rien à l'opération : environ 180 milliards d'euros seront
effectivement dépensés sur la période 1993-1999, soit
près de 40 milliards de moins que ce que prévoit la Commission
pour les prochaines perspectives financières ; avec la réforme
des fonds structurels, ces crédits seraient plus concentrés sur
les régions les plus pauvres ; le " syndicat de la
cohésion " bénéficierait en outre d'une augmentation
des crédits du fonds de cohésion, qui pourrait être de
l'ordre d'un milliard d'euros par an (+ 33 %).
Une contraction des dotations structurelles permettrait une correction des
déséquilibres budgétaires dont on peut donner une
idée en indiquant qu'une réduction de 10 % de ces
dépenses réduirait de :
- près de 400 millions d'euros la contribution nette
allemande ;
- près de 60 millions la contribution nette suédoise ;
- plus de 42 millions la contribution nette autrichienne ;
- plus de 91 millions la contribution nette néerlandaise.
La France, qui reçoit en année pleine environ 2,6 milliards
d'écus (chiffre 1997) alors qu'elle finance la politique structurelle
à hauteur de 4,6 milliards (17,5 % du total des
dépenses structurelles) aurait, avec des dépenses structurelles
réduites de 10 %, et toutes choses égales par ailleurs,
touché 2,214 milliards et versé 4,14 milliards.
La
réduction de 246 millions d'écus des crédits
communautaires au profit des régions françaises aurait permis
l'octroi de 460 millions d'écus (soit 3 milliards de francs)
d'aides nationales auxdites régions sans que le déficit
budgétaire de la France en soit affecté
.
Bien entendu, cette concentration des actions structurelles au profit des Etats
les moins prospères ne saurait s'effectuer aux dépens des
régions pauvres des pays riches. Mais ces dernières
bénéficieraient alors non point de crédits communautaires,
mais de crédits nationaux que les Etats intéressés
pourraient mobiliser grâce au " ballon d'oxygène " que
constituerait la diminution totale des dotations consacrées aux actions
structurelles.
3. Les politiques internes
Les
politiques internes de la Communauté n'ont pas vocation à se
substituer aux politiques conduites par les Etats membres, mais simplement
à apporter une plus-value aux dispositifs nationaux. Les montants
présentés par la Commission pour la rubrique 3 doivent donc
s'apprécier au regard de la question suivante : compte tenu de
l'efficacité de telle ou telle politique interne, les crédits qui
lui sont consacrés par la Communauté ne seraient-ils pas mieux
utilisés, dans le même domaine, par les Etats membres ? Sur
la base de cette interrogation, il y a lieu de distinguer trois séries
de politiques internes :
- la politique de la recherche, pour laquelle le souci d'efficacité
devrait conduire à une réduction des crédits
européens ;
- la politique des réseaux transeuropéens, pour laquelle
l'intervention de l'Union européenne trouve toute sa
justification ;
- les autres politiques internes, dont le montant total devrait être
diminué ou, à tout le moins, faire l'objet d'une redistribution
entre les différentes actions.
a) La politique de la recherche : des crédits manifestement excessifs
Les
dotations consacrées à la politique de la recherche couvrent
à elles seules plus de 60 % des crédits des politiques
internes. L'exposé des motifs de la proposition E 1049 indique
clairement que "
la part de la recherche dans les dotations de la
rubrique 3 devrait au moins être maintenue
" par rapport
à la situation actuelle. En d'autres termes,
ce sont au minimum
4 milliards d'euros qui, selon la Commission, devraient être
consacrés chaque année à la recherche
, cette somme
étant appelée à augmenter durant toute la période
de programmation.
Un tel montant ne saurait être admis eu égard au principe de
subsidiarité et aux résultats obtenus jusqu'à
présent par la politique européenne en matière de
recherche.
Il conviendrait en effet de tirer les leçons de la mise en oeuvre du
quatrième programme-cadre de recherche, de développement
technologique et de démonstration (PCRD), couvrant la période
1994-1998, qui a donné lieu à de multiples critiques parmi
lesquelles on citera :
- l'extrême dispersion des crédits, puisque près d'un
tiers des 25.000 projets présentés chaque année sont
acceptés par la Commission ;
- le coût exorbitant des dépôts de dossier au regard des
sommes en jeu, lié par exemple à la nécessité de
publier les appels à proposition dans les onze langues officielles de la
Communauté ;
- l'absence de véritable légitimité de certaines
interventions, qui ne s'accompagnent pas d'actions concertées entre
Etats-membres (au mépris du principe de subsidiarité) ou se
préparent sans concertation avec les entreprises, pourtant directement
intéressées par la question.
Il ne s'agit bien entendu aucunement de prôner une diminution des
crédits consacrés à la recherche en Europe. Bien au
contraire, les Etats européens accusent un retard en ce domaine par
rapport à d'autres grands pays industrialisés (Etats-Unis
notamment) qu'ils devraient s'efforcer de combler. Mais ces efforts ne
sauraient justifier un abondement des dotations de l'Union européenne
consacrées à la recherche et au développement, abondement
qui, en dépit du souci louable de la Commission de concentrer ses
activités sur l'amélioration de la compétitivité
européenne, ne ferait vraisemblablement qu'accentuer la dispersion
actuelle.
Dans les conditions actuelles de mise en oeuvre de la politique de recherche de
la Communauté, il serait à la fois plus efficace et plus conforme
au principe de subsidiarité de ne point augmenter les crédits
consacrés à cette politique, voire de les diminuer d'un montant
significatif, les Etats membres devant de leur côté s'efforcer de
développer la recherche.
b) Les réseaux transeuropéens : une priorité pour l'Union européenne
Le
développement des réseaux transeuropéens, tout
particulièrement dans le domaine des transports, favorise
indiscutablement la construction européenne : il constitue non
seulement un facteur de développement durable et de cohésion
interne de l'Union européenne, en facilitant la circulation des
personnes et des biens, mais également un facteur appréciable de
croissance et de création d'emplois.
Pour autant, en dépit du souci, régulièrement
réitéré, des institutions européennes de
développer ces réseaux, les réalisations concrètes
demeurent jusqu'à présent, pour utiliser un euphémisme,
limitées.
Aussi doit-on soutenir la Commission dans son intention d'accroître
sensiblement les dotations des réseaux transeuropéens dont le
montant actuel (449 millions d'euros inscrits au budget pour 1999)
paraît ridiculement bas eu égard aux avantages des interventions
communautaires en ce domaine.
c) Les autres politiques internes
Les
autres politiques internes, dont les dotations représentent aujourd'hui
environ un tiers des montants de la rubrique 3 (1.385 millions
d'euros en 1999), se caractérisent par leur extrême
hétérogénéité et, il faut bien l'admettre,
par une regrettable dispersion des crédits. De l'éducation
à la justice, de l'emploi à l'énergie, de l'environnement
à la culture, de la protection du consommateur à des actions dans
le domaine agricole, force est de constater, ici encore, un indéniable
saupoudrage des crédits, sans véritable logique, sans
véritable réflexion quant à l'utilité effective des
sommes engagées.
Autant certaines de ces politiques paraissent nécessaires au niveau
national, autant leur mise en oeuvre au niveau européen semble
générateur de gaspillages. A cet égard, il y a lieu de
s'interroger sur la montée en puissance des interventions en faveur de
l'emploi, inexistantes en 1995, et dotées de 197 millions d'euros,
en crédits d'engagement, dans le budget 1999. Dans le prolongement du
sommet de Luxembourg, 450 millions devraient ainsi être
consacrés à l'emploi sur la période 1998-2000, comme si le
problème de l'emploi était lié à la construction
européenne, comme s'il se posait dans les mêmes termes dans les
quinze Etats et appelait une réponse commune.
Bien entendu,
il ne s'agit pas de nier l'utilité de l'intervention de
l'Union européenne dans le domaine social
. Il semble toutefois que
celle-ci servirait encore mieux l'emploi en assurant d'abord sa propre
protection contre les risques présentés par la mondialisation, en
particulier contre le dumping social et écologique. C'est à la
construction d'un modèle social et écologique que l'Union
européenne doit s'atteler en toute priorité si elle veut parler
d'une seule voix dans les négociations commerciales, et en particulier
asseoir son autorité dans le cadre de l'OMC.
Il ne s'agit pas non plus de nier l'utilité que peut apporter la
construction européenne dans la lutte contre le chômage
. Bien
au contraire, la réalisation d'un niveau élevé d'emploi
figure parmi les objectifs de l'Union européenne et il ne saurait
être question de le remettre en cause. Mais la réalisation de cet
objectif sera la conséquence des progrès de l'Union dans
l'ensemble des domaines relevant de sa compétence et non d'une
mutualisation des politiques nationales de l'emploi. En particulier, les
efforts pour améliorer le marché du travail doivent être
encouragés, à condition -s'il ne s'agit point d'assurer une
meilleure coordination- qu'ils soient menés dans un cadre national car
aucun marché du travail n'est absolument identique à un autre.
Pour ne prendre que le cas de la France, les 520 millions de francs
qu'elle devra verser en trois ans au titre de sa contribution à
l'initiative pour l'emploi seraient sans aucun doute mieux utilisés au
niveau national, par exemple à l'amélioration du fonctionnement
de l'ANPE.
Inversement, il y a lieu de s'interroger sur le silence de la proposition
E 1049 en matière de lutte contre la fraude aux
intérêts financiers, qui, si l'on ne retient que les seules
irrégularités découvertes, a coûté aux
Communautés plus d'un milliard d'écus en 1997, soit 6,5 % du
budget. Encore cette somme, limitée à la fraude aux ressources
propres, ne prend-elle point en compte les fraudes en matière de
dépenses ; encore ne donne-t-elle qu'un aperçu d'une
réalité beaucoup plus inquiétante puisque l'on peut
raisonnablement penser que de nombreuses fraudes ne sont point
découvertes.
Aussi paraît-il souhaitable de réduire le montant global de ces
multiples politiques internes et de le concentrer sur certaines d'entre elles,
véritablement utiles à la construction européenne.
4. Les actions extérieures
L'Union
européenne a notamment pour objectif d'affirmer son identité sur
la scène internationale. Les dépenses consacrées aux
actions extérieures sont un instrument privilégié au
service de cet objectif. Elles permettent à l'Europe d'exister en tant
que telle et de jouer un rôle à sa hauteur. L'aide humanitaire en
particulier véhicule l'image d'une Europe solidaire avec les populations
en difficulté. Aussi doit-on approuver la Commission dans son intention
de lui conserver une place essentielle au sein de l'action communautaire.
D'une manière générale, les propositions de la Commission
pour la rubrique 4 paraissent raisonnables.
C. L'AMELIORATION DE LA GESTION DES CREDITS
Le régime des dépenses de l'Union européenne doit être déterminé par rapport à un objectif de saine et bonne gestion. L'accord interinstitutionnel sur la discipline budgétaire doit, à cet égard, constituer un instrument complémentaire des perspectives financières. Comme ces dernières, il a vocation à garantir la meilleure maîtrise des dépenses. Dans cette optique, il y a lieu de s'opposer à la flexibilité préconisée par la Commission, au maintien d'un statut relativement privilégié des dépenses structurelles ainsi qu'à toutes dispositions qui conduirait à remettre en cause l'équilibre des responsabilités en matière budgétaire.
1. La logique des perspectives financières est incompatible avec la flexibilité
Les
perspectives financières constituent un instrument de discipline
budgétaire. Ce rôle se traduit notamment par le principe,
affirmé par l'accord interinstitutionnel sur la discipline
budgétaire, selon lequel les montants établis en valeur absolue
pour la période de programmation représentent un
plafond
annuel
de dépenses pour la Communauté (§ 8),
étant précisé que "
le financement de postes
spécifiques de dépenses ne peut être déplacé
d'un plafond à l'autre, sauf révisions des perspectives
financières
" (§ 6).
La proposition de la Commission pour un nouvel accord interinstitutionnel
reprend ces affirmations de principe, tout en prévoyant la
possibilité d'y déroger en instituant une certaine
flexibilité entre rubriques, d'une part, et d'une année sur
l'autre, d'autre part.
Cette nouvelle approche est en totale contradiction avec la logique même
des perspectives financières : à quoi bon fixer des plafonds
annuels de dépenses par rubrique si ceux-ci peuvent être
dépassé grâce à de tels transferts ? Le fait
que la flexibilité soit encadrée, notamment quant aux montants
susceptibles d'être transférés, ne répond aucunement
à cette objection de principe :
quelles que soient les
conditions de sa mise en oeuvre, la flexibilité (entre rubriques ou
d'une année sur l'autre) a par essence pour objet d'autoriser sans
révision des perspectives financières un dépassement des
plafonds déterminés par ces dernières
.
Admettre aujourd'hui cette flexibilité constituerait en outre un
dangereux précédent pour la discipline budgétaire :
le principe en serait posé et, par un assouplissement progressif des
conditions, le champ d'application de la flexibilité pourrait être
progressivement étendu.
Dans ces conditions, il conviendrait de maintenir l'actuel principe de
l'étanchéité entre les rubriques et entre les
années en s'opposant fermement aux dispositions sur la
flexibilité contenues dans la proposition de nouvel accord
interinstitutionnel.
2. Le statut privilégié des dépenses structurelles doit être purement et simplement supprimé
La
proposition de la Commission tendant à revenir partiellement sur le
statut privilégié des dépenses structurelles va dans le
bon sens. Le budget de la Communauté, pour 1999 met en avant, s'il en
était besoin, les inconvénients les plus manifestes d'un
système consistant à considérer comme un objectif de
dépenses des dotations programmées sept années
auparavant : la nécessité juridique de " solder "
la programmation décidée à Edimbourg conduit, compte tenu
des retards accumulés dans l'exécution des crédits,
à une augmentation des dépenses structurelles de 17 % au
moment même où l'entrée dans la troisième phase de
l'Union économique et monétaire impose à la plupart des
Etats membres un effort d'assainissement de leurs finances publiques.
Il convient donc de soutenir fermement la proposition de la Commission,
formalisée à l'article 30 de la proposition de
règlement général sur les fonds structurels, d'un
dégagement automatique des crédits pour lesquels aucune demande
de paiement n'aurait été présentée à la fin
de la deuxième année suivant leur engagement.
Il serait même souhaitable d'aller au-delà en supprimant purement
et simplement l'obligation pour le Parlement européen et le Conseil
d'inscrire dans chaque budget des crédits d'engagement pour les actions
structurelles à hauteur du plafond prévu par les perspectives
financières. Il convient en effet de laisser un certain pouvoir
d'appréciation à l'autorité budgétaire en
évitant tout systématisme qui conduirait à inscrire des
crédits (et à accroître la participation des Etats au
financement de l'Union européenne) quand bien même il serait
évident que ceux-ci ne pourraient être exécutés dans
leur intégralité.
3. Conserver l'équilibre actuel des responsabilités en matière budgétaire
La
procédure budgétaire repose actuellement sur un équilibre
globalement satisfaisant entre les différentes institutions
européennes :
- la Commission propose un avant-projet de budget sur la base duquel sera
établi un projet puis le budget lui-même, le Conseil disposant du
dernier mot en matière de dépenses obligatoires (DO) alors que le
Parlement européen le détient en matière de
dépenses non obligatoires (DNO) ;
- l'engagement d'une dépense pour
" une action communautaire
significative "
suppose non seulement son inscription dans le budget
communautaire, mais aussi une décision normative, dite aussi base
légale, définissant et autorisation l'action communautaire ainsi
financée
(6(
*
))
.
Cet équilibre pourrait se trouver modifié par deux séries
de propositions formulées par la Commission.
Tout d'abord l'intégration dans la rubrique 1 (dont les
dépenses sont classées en DO) de certaines actions relevant
actuellement de la rubrique 2 (dont les dépenses sont
classées en DNO) conduirait à accroître le champ des DO par
rapport aux DNO. Pour y obvier, la Commission propose de préciser, dans
une annexe au futur accord interinstitutionnel, que les dépenses
fiancées par le FEOGA-Garantie autres que celles liées aux
organisations commune de marché entrent dans la catégorie des
DNO. Un tel dispositif présenterait peut être l'avantage d'assurer
le statu quo à court terme, mais constituerait un regrettable
précédent.
Dans la mesure où toutes les dépenses
de la rubrique 1 ne seraient plus considérées comme des DO,
une brèche serait
ouverte qui pourrait venir
ultérieurement à l'appui de
revendications tendant
à supprimer le caractère obligatoire des dépenses
agricoles.
La prudence semble donc commander de s'opposer au transfert vers la
rubrique 1 de dépenses relevant aujourd'hui de la rubrique 2.
Le maintien de la situation actuelle assurerait en outre une meilleure
lisibilité de l'évolution des dépenses de la
rubrique 1 en facilitant les comparaisons avec la programmation
décidée à Edimbourg. Elle permettrait de mieux prendre
conscience de la stabilisation, et même de la diminution des dotations
consacrées à l'agriculture.
Ce même souci de prudence et de lisibilité plaide pour la
création d'une rubrique spécifique à la
préadhésion dès lors que les dépenses de celle-ci
devraient, comme le propose la Commission, être classées en DNO.
En second lieu, la proposition de nouvel accord interinstitutionnel
prévoyait, dans une première version, plusieurs exceptions
à l'exigence d'une base légale préalablement à
l'exécution de crédits inscrits au budget. Ainsi, auraient pu
être exécutés sans base légale, entre autres, les
crédits inscrits sur les lignes dotées de moins de
5 millions d'euros. La Commission considérait donc implicitement
comme non significatives des actions dont le coût n'excédait pas
un certain montant, en l'occurrence 5 millions d'euros. Mais, peu
après le dépôt de cette proposition, la Cour de justice des
Communautés européennes devait, dans un arrêt en date du
22 mai 1998, prendre le contre-pied de cette interprétation :
"
rien ne permet d'exclure qu'une action significative engendre des
dépenses limitées
".
A la suite de cet arrêt, la délégation du Sénat pour
l'Union européenne avait annoncé son souci d'éviter, lors
de l'adoption du nouvel accord interinstitutionnel, "
le maintien d'une
pratique explicitement condamnée par la Cour de justice
".
Tirant les conséquences de cet arrêt, la Commission a
présenté une nouvelle proposition de définition des
crédits susceptibles d'être exécutés sans acte de
base. Il s'agirait :
- des crédits relatifs à des projets pilotes de nature
expérimentale visant à tester la faisabilité d'une action
et son utilité. Les crédits d'engagement y afférents ne
pourraient être inscrits au budget que pour deux exercices
budgétaires et leur montant total ne pourrait excéder
32 millions d'euros ;
- des crédits relatifs à des actions destinées à
préparer des propositions en vue de l'adoption de futures actions
communautaires. Les crédits d'engagement y afférents ne
pourraient être inscrits au budget que pour trois exercices
budgétaires au maximum. Le montant total des lignes nouvelles
concernées ne pourrait dépasser 30 millions d'euros par
exercice et le montant total des crédits effectivement engagés au
titre des actions préparatoires ne pourrait excéder
75 millions d'euros.
Cette nouvelle définition a fait l'objet d'un accord de principe de la
part du Conseil et du Parlement européen au cours du trilogue du
17 juillet 1998. Au plafonnement des crédits, au demeurant assez
élevés, elle ajoute un second critère tenant à
l'objet même de l'action concernée. Elle prend ainsi en
considération l'arrêt de la Cour de justice des Communautés
européennes qui excluait une définition des actions non
significatives par référence au seul niveau des crédits
engagés pour son exécution. Aussi cette nouvelle
définition doit-elle être préférée à
celle initialement proposée par la Commission.
CONCLUSION
L'Union
européenne se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins.
Il lui appartient de faire montre à la fois de modestie et d'ambition :
de modestie, car chacun sait que ses moyens financiers ne peuvent continuer de
croître au rythme annuel de 3 ou 4 %, voire davantage ; d'ambition, car
la maîtrise de ses dépenses doit aller de pair avec une meilleure
réalisation des objectifs qui lui sont assignés.
L'Union doit prendre moins et donner plus au citoyen.
Cela passe par un réexamen approfondi de ses politiques, de ses
priorités et de la gestion de ses moyens. Cela passe également
par une nouvelle délimitation des frontières entre son domaine
d'intervention et celui des Etats, conformément au principe de
subsidiarité.
Ce n'est qu'en se concentrant sur les missions qui sont les siennes, sur celles
qui apportent une réelle plus-value à l'intervention des Etats,
que l'Union répondra aux légitimes espoirs dont elle est porteuse
et préviendra les critiques adressées à la construction
européenne.
Plus efficace, et donc mieux acceptée par le citoyen, l'Europe de demain
n'en sera que plus forte.
EXAMEN EN DELEGATION
(réunion du 16 décembre 1998)
M.
James Bordas :
J'aimerais que notre rapporteur nous donne son sentiment sur l'attitude
inquiétante de l'Allemagne, qui réclame une substantielle
réduction de sa contribution au budget de l'Union européenne.
Par ailleurs, je m'interroge sur le souhait émis par notre rapporteur de
s'opposer aux dispositions de la proposition de nouvel accord
interinstitutionnel permettant de transférer d'une année sur
l'autre une partie des dotations prévues par les perspectives
financières. En France, les collectivités locales peuvent
reporter sur l'exercice suivant ce que l'on appelle les " restes à
réaliser " pour des opérations bien ciblées et en
voie d'achèvement. Pourquoi l'interdirait-on à l'Union
européenne ?
M. Aymeri de Montesquiou
:
Je souhaiterais poser deux brèves questions à notre rapporteur.
D'abord, vu notamment la baisse des prix dans le secteur des
céréales, comment peut-on affirmer que les dépenses
agricoles risquent d'augmenter ? En second lieu, parmi les multiples
propositions qui ont été avancées pour améliorer le
système des ressources propres des Communautés, y en a-t-il qui
lui paraissent séduisantes et, si oui, lesquelles ?
M. Maurice Blin :
Les recettes de l'Union européenne proviennent essentiellement des
contributions des Etats membres sur le montant desquelles les Parlements
nationaux n'ont d'ailleurs pas véritablement de prise. Mais les
dépenses, elles, sont communautaires : leur montant dépend, dans
une large mesure, des décisions des institutions communautaires et
notamment du Parlement européen. Cette situation n'est-elle pas une
incitation à la dépense dans la mesure où ce n'est pas
l'autorité qui décide de la dépense qui devra trouver le
financement nécessaire ?
En ce qui concerne les fonds structurels, je crois, comme notre rapporteur,
qu'il convient de tempérer la croissance presque explosive de leurs
dotations. Je souhaiterais d'ailleurs connaître les raisons qui nous ont
conduits à prendre presque une année de retard, ce qui est
énorme, dans l'exécution des crédits consacrés aux
actions structurelles.
Mme Danielle Pourtaud :
Je pense que, sur de nombreux points abordés par le rapporteur, nous
pouvons trouver un large consensus au sein de notre délégation.
Il en va en particulier ainsi en ce qui concerne l'objectif
général de maîtrise des dépenses européennes.
De même, je crois que nous l'approuvons tous dans son refus des solutions
incompatibles avec la logique communautaire, en particulier de celles qui
reposent sur la notion de juste retour.
Je trouve cependant un peu excessive certains propositions de notre rapporteur,
notamment lorsqu'il nous dit qu'il faudrait réduire de 40 milliards
d'euros l'enveloppe consacrée aux fonds structurels. Faut-il se fixer un
objectif chiffré ? Si oui, pourquoi 40 milliards ? D'une manière
générale, peut-être serait-il préférable de
réclamer une stabilisation plutôt qu'une diminution des
dépenses européennes. De même, comme M. Bordas, je ne
trouve pas choquant que l'on puisse reporter des dotations d'une année
sur l'autre.
Enfin, il serait certainement souhaitable, lorsque nous évoquerons les
priorités de l'Union, de mettre l'accent sur la politique de l'emploi.
M. Yann Gaillard
:
La négociation dans laquelle se sont engagés les Quinze est,
chacun le sait, particulièrement difficile tant les
intérêts des Etats sont contradictoires. Ne risque-t-on pas, en
intervenant dès aujourd'hui dans le débat, de gêner le
Gouvernement en prenant des positions dont nos partenaires pourraient faire
état à l'appui de leurs revendications ?
M. Denis Badré
:
En ce qui concerne l'attitude de l'Allemagne, je dirai que l'appel de certains
Etats à une réduction de leur contribution au budget de l'Europe
était largement prévisible. Cela tient à
l'évolution des ressources propres des Communautés, dont 85 %
proviennent aujourd'hui des contributions des Etats. Cette situation incite
chaque Etat à comparer ce qu'il donne au budget européen et ce
qu'il en reçoit. Mais une telle comparaison est faussée par le
fait que toutes les dépenses de l'Union ne sont pas localisables dans un
Etat particulier. Peut-on dire, par exemple, quel Etat bénéficie
des actions extérieures ? Bien évidemment non, car chaque Etat en
bénéficie et ce bénéfice n'est pas quantifiable.
Ainsi, on ne peut, ne serait-ce que pour des raisons comptables, retenir une
analyse fondée sur le juste retour.
Il n'y a rien de surprenant ni de choquant dans le fait que les pays riches
contribuent plus au financement de l'Union que les pays moins prospères.
Cela étant, il faut reconnaître que le problème a pris des
proportions particulières avec l'Allemagne qui bénéficie
relativement peu des deux grandes politiques, à savoir la PAC, et,
même si elle est mieux lotie que la France à cet égard, la
politique structurelle. L'Allemagne a entraîné dans son sillage
les Pays-Bas, l'Autriche et la Suède, qui estiment verser trop au budget
communautaire. Mais, si chaque contributeur net réclamait un juste
retour, on arriverait à une situation ingérable.
En ce qui concerne le transfert des dotations, je ne vois pas
d'inconvénient à ce que l'on puisse reporter d'une année
sur l'autre des crédits inutilisés, mais à condition de
soumettre ce report à des règles claires, et notamment de
prévoir, comme pour nos finances locales, la caducité des
autorisations de programme. J'ajoute que les reports systématiques
compliquent les comparaisons et empêchent d'apprécier avec
exactitude l'évolution des dépenses d'une année sur
l'autre.
En ce qui concerne les recettes de l'Union européenne, je trouve bonnes
les ressources propres traditionnelles comme les droits de douane car elles
sont véritablement européennes. Malheureusement, elles sont
insuffisantes et il nous faut à présent réfléchir
à une nouvelle ressource européenne. Une recette horizontale
comme une " taxe CO
2
" est une idée
intéressante, d'autant plus que cela permettrait de mieux lutter contre
la pollution. En tout état de cause, il faut admettre que nous
n'aboutirons à aucune solution sur les ressources avant le bouclage du
dossier Agenda 2000, car nous ne pourrons jamais adopter une décision
sur ce sujet délicat à l'unanimité dans les trois mois
à venir. C'est donc sur les dépenses que les Quinze doivent avant
tout travailler.
En ce qui concerne les dépenses agricoles, ce qui m'inquiète
c'est l'évolution prévisible de la différence entre les
prix mondiaux et les prix européens qui, après s'être
réduite, risque de se creuser et donc de conduire à une
augmentation des dépenses d'intervention. Certes, avec
l'élargissement, des opérations qui, aujourd'hui, constituent des
exportations en dehors de l'Union deviendront des mouvements à
l'intérieur de celle-ci. Ce sera une source d'économie. Mais,
d'un autre côté, l'Europe devra aider les PECO à moderniser
leur agriculture.
Je dirai à M. Blin que je déplore chaque année le fait que
les Parlements nationaux ne soient pas impliqués dans
l'élaboration du budget communautaire, si ce n'est au moment de
l'approbation du prélèvement sur les recettes nationales,
approbation qu'ils ne peuvent refuser sauf à provoquer une crise grave
au sein de l'Union européenne.
J'indique à Mme Pourtaud que j'ai évalué à 40
milliards d'euros la réduction souhaitable des dotations structurelles
parce que cette somme correspond à peu près à
l'augmentation que nous propose la Commission par rapport à la
période 1993-1999.
Je suis d'accord avec vous sur le fait que l'Union européenne doit
servir l'emploi. En revanche, je ne suis pas sûr que ce soit en
inscrivant des crédits spécifiques au budget de l'Europe qu'on
poursuivra cet objectif dans les meilleures conditions. L'Union
économique et monétaire servira beaucoup mieux l'emploi qu'une
politique européenne de l'emploi qui s'ajouterait aux politiques,
déjà complexes, des Etats membres. A mon avis, il vaut mieux
réserver à l'Union européenne un rôle
d'harmonisation fiscale et sociale, un rôle de protection
vis-à-vis des tentatives de dumping écologique ou social de pays
tiers, plutôt qu'un rôle de mise en oeuvre d'une politique de
l'emploi. Celle-ci doit relever des Etats, plus proches des citoyens et des
entreprises.
Mme Danièle Pourtaud :
Nous pourrions tout de même souligner le rôle que l'Union
européenne peut jouer dans la promotion de l'emploi.
M. Michel Barnier :
D'autant plus que le Conseil européen, comme il l'a fait à
Vienne, insiste sur sa volonté de développer ce rôle de
l'Union européenne.
M. Denis Badré :
Je ne conteste pas ce rôle, mais je pense qu'il ne nécessite pas
la mobilisation de crédits budgétaires, car il consiste
prioritairement à adopter des dispositions normatives pour
améliorer le marché du travail ou à conduire des actions,
par exemple en matière de grands travaux, qui créent des emplois
sans pour autant former une politique de l'emploi dotée d'une ligne
spécifique dans le budget européen.
M. Michel Barnier :
Je crois que nous pourrions répondre au souci de Mme Pourtaud en
soulignant que la croissance et l'emploi figurent au premier rang des
priorités de l'Union européenne.
M. Denis Badré :
Je suis entièrement d'accord.
Je répondrai à M. Gaillard qu'il n'est nullement dans mes
intentions d'handicaper le Gouvernement français dans les
négociations sur l'Agenda 2000. Mais le Parlement ne peut se faire
entendre en matière budgétaire qu'à l'occasion de
l'adoption des perspectives financières, c'est-à-dire tous les
sept ans. Si nous n'alertons pas aujourd'hui le Gouvernement sur le risque de
dérapage du budget européen, nous ne pourrons le faire avant sept
ans. Or, d'ici là, si les dépenses de l'Union évoluent
comme actuellement, l'Europe risque d'exploser. L'Allemagne refusera de payer
et la construction européenne sera bloquée.
M. Bernard Angels :
Je partage l'analyse de notre collègue Denis Badré. Mais je
regrette que sa proposition de résolution se cantonne au seul plan
budgétaire. On ne peut laisser de côté le rôle de
l'Union en matière sociale ni rester silencieux sur la
nécessité de construire une Europe politique.
M. Denis Badré :
Je partage votre volonté de construire une Europe plus politique.
J'ai pris bonne note des observations que chacun d'entre vous a
formulées et je vais les intégrer dans la proposition de
résolution que je vous soumettrai lors de notre prochaine réunion.
La délégation a alors approuvé le rapport
d'information.
(1)
Rapport de M. Yann Gaillard au nom de la délégation du
Sénat pour l'Union européenne, n° 157
(1997-1998) : " Agenda 2000 : quelle politique régionale
pour une Europe élargie ? "
(2) Rapport de MM. Philippe François (président), Marcel Deneux
(rapporteur) et Jean-Paul Emorine (rapporteur), n° 466/1997-1998 :
" Quelle réforme pour la politique agricole commune ? "
(3) Rapport spécial n° 66 (1997-1998) tome II, fascicule 2, de M.
Denis Badré.
(4) Par " contribution ", la Commission entend ici les ressources TVA
et PNB. En effet, l'inclusion des ressources propres traditionnelles modifie la
structure de l'ensemble des contributions, certains Etats (Belgique, Irlande,
Pays-Bas et Royaume-Uni), qui disposent d'importantes installations portuaires,
servant de " perception " pour les droits de douane pour le compte de
l'Union européenne.
(5) La contribution britannique serait également réduite mais
dans une proportion nettement inférieure à celle qui
résulte du dispositif de Fontainebleau.
(6) Cf. " Garantir la régularité des dépenses
communautaires ", rapport de M. Denis Badré au nom de la
délégation du Sénat pour l'Union européenne
(1997-1998 ; n° 489).