2. La création de nouvelles ressources propres
a) L'institution d'un impôt direct européen
Un impôt sur les sociétés
L'instauration d'un impôt sur les sociétés européen
a été évoquée à plusieurs reprises depuis la
fin des années 1970, en particulier par le Parlement européen
(rapport Colom I Naval de 1990). Ce dernier souligne d'ailleurs que,
" dans la plupart des systèmes fédéraux du monde,
soit les impôts sur les sociétés sont partagés entre
les niveaux fédéral et national, soit les deux niveaux imposent
des taxes concurrentes "
. Un récent document de travail de la
direction générale de la recherche du Parlement européen
voit les avantages suivants à l'attribution de l'impôt sur les
sociétés au niveau de l'Union européenne :
-
" une partie de l'impôt sur les sociétés est
payée en pratique par les consommateurs, sous la forme d'une
augmentation des prix et, parfois, par les travailleurs, sous la forme d'une
baisse des salaires. Si les consommateurs et les travailleurs résident
dans un pays autre que celui qui prélève l'impôt, les
recettes fiscales bénéficient aux autorités fiscales d'un
pays différent de celui où la taxe est effectivement payée
(...)
;
-
de même, si certains actionnaires résident dans un pays
autre que celui où la société est taxée, ce sont
les citoyens d'un autre pays qui paieront la taxe (...)
;
-
l'administration des impôts sur les sociétés est
plus problématique au niveau national lorsque les sociétés
effectuent une quantité d'opérations appréciable dans
d'autres pays
;
-
les différents systèmes appliqués par les Etats
membres en matière d'impôt sur les sociétés ont pour
effet d'affecter l'efficacité économique. En effet, la
diversité des taux d'imposition pourrait résulter en une mauvaise
répartition des ressources au sein de l'Union européenne,
générant une perte d'efficacité appréciable
(...)
;
-
l'instauration d'un impôt sur les sociétés
à l'échelon européen présenterait l'avantage de
générer des recettes considérables, suffisant largement
à couvrir les engagements de dépense actuels. Le rapport
Colom I Naval estimait que l'attribution de 64 % des revenus de
l'impôt sur les sociétés à l'Union européenne
(c'est-à-dire environ la proportion allouée à
l'échelon supérieur des Etats fédéraux de l'OCDE)
permettrait d'augmenter les ressources de l'Union européenne de quelque
65 milliards d'écus (par rapport aux prix de 1988), doublant
pratiquement les ressources actuelles. "
Quant à la Commission, elle souligne en outre qu'un tel impôt
ferait progresser l'intégration dans le contexte du marché unique
et pourrait aider à réduire la charge de la fiscalité qui
pèse sur le travail, contribuant ainsi à accroître les
résultats en matière d'emploi.
Toutefois, le Parlement européen comme la Commission invoquent plusieurs
inconvénients à l'encontre d'un impôt sur les
sociétés européen. Indépendamment des
difficultés techniques, liées à l'absence de base
harmonisée entre les Etats, ces deux institutions insistent sur les
inconvénients suivants :
- l'absence de visibilité d'un tel impôt, dans la mesure
où il ne serait ressenti par les citoyens qu'en tant que
propriétaires d'entreprises alors que, en fait, cet impôt
pèserait, au moins en partie, sur les citoyens en tant que consommateurs
ou en tant que salariés ;
- l'extrême dépendance de ce prélèvement
à l'égard de la conjoncture économique, laquelle
engendrerait d'imposantes variations dans les recettes de l'Union
européenne. Le document de travail de la direction
générale de la recherche du Parlement européen
précise ainsi que,
" dans la mesure où l'Union doit
pouvoir compter sur cet impôt pour une bonne partie de ses recettes, il
semble peu approprié "
.
Un impôt sur le revenu des personnes physiques
L'idée d'un impôt européen sur le revenu, soutenue par
certains théoriciens du fédéralisme fiscal, a
été relancée par M. José-Maria Gil-Robles,
président du Parlement européen, dans un discours prononcé
le 24 octobre 1998 à Pörtschach (Autriche), où se
tenait une réunion informelle des chefs d'Etat et de Gouvernement :
" Le meilleur moyen d'établir un lien solide entre les citoyens
et la construction européenne, c'est d'associer ces citoyens au
système de financement de l'Union, en créant une ressource propre
qui serait alimentée par un impôt direct fondé sur les
revenus des personnes, indépendamment de leur nationalité.
Cette contribution, intégrée à l'imposition nationale sur
les revenus du travail et du capital, ne devrait pas impliquer une augmentation
de la charge imposable et permettrait d'introduire le principe de base de la
justice fiscale, chacun contribuant en fonction de ses revenus. Nous
clôturerions ainsi de façon définitive le débat sur
les contributions nationales.
Je ne propose rien d'autre que d'en revenir aux principes de la
Communauté, dotée de ressources propres et autonomes, et de
sortir le plus rapidement possible du cercle infernal du débat entre les
Etats sur qui doit payer plus et qui doit payer moins, c'est-à-dire un
système de répartition des dépenses publiques qui n'est
plus utilisé dans aucun de nos pays . "
Outre une meilleure perception du rôle de l'Union européenne par
le citoyen-contribuable, l'impôt européen sur le revenu trouve une
justification théorique dans le fait que, appliqué au niveau
régional, l'impôt sur le revenu peut provoquer des effets de
migration indésirables. On peut cependant objecter que ce raisonnement
suppose une mobilité de la main-d'oeuvre plus importante qu'elle n'est
en réalité. La Commission souligne en outre qu'il n'existe pas de
lien direct entre un tel impôt et les politiques de l'Union
européenne et que la superposition sur la même taxe fiscale des
autorités nationales et des instances de l'Union européenne
compliquerait la gestion des priorités économiques et
budgétaires nationales.