CHAPITRE PREMIER
LE RAPPORT MIQUEL A RÉVÉLÉ
LE RETARD
DES BIBLIOTHÈQUES UNIVERSITAIRES
FRANÇAISES
A. " LES BIBLIOTHÈQUES CONSTITUENT UNE DES ZONES SINISTRÉES DE L'ENSEMBLE UNIVERSITAIRE "
1. Les conclusions du rapport Miquel
Dans son
rapport sur les bibliothèques universitaires, M. André
Miquel écrivait : "
Locaux exigus ou
périmés, peu ou pas assez ouverts, manque de postes,
démobilisation trop fréquente des personnels, lassitude
générale, désaffection des étudiants causée,
au moins en partie, par le manque de moyens offerts, renonciation à lire
ou découragement devant les difficultés de la documentation (que
l'on comparera, à notre désavantage, avec telle ou telle
bibliothèque étrangère fonctionnant comme un intense et
permanent appel à la curiosité), inexistence ou insuffisance de
l'apprentissage de la lecture spécialisée, tout incite à
ce constat, que les bibliothèques constituent une des zones
sinistrées de l'ensemble universitaire et, au-delà, du tissu
national ".
Il donnait ainsi le ton d'un rapport dont l'ambition était de favoriser
"
la réparation du scandale et de l'injustice
".
Dans le même temps, il a banalisé ce que d'aucuns appellent
"
la
rhétorique de la pénurie
" ou encore
un "
discours misérabiliste
".
Pourtant, le constat dressé par la commission que présidait
André Miquel est accablant, et a fait prendre conscience au monde
universitaire comme aux pouvoirs publics de la situation très
délicate dans laquelle se trouvaient alors les bibliothèques
universitaires.
Quelques passages du rapport Miquel constituent d'excellentes illustrations de
la misère des bibliothèques universitaires constatée en
1988.
A propos du temps d'ouverture, il notait que "
en Allemagne, les
bibliothèques universitaires sont ouvertes entre 60 et 80 heures
par semaine ; en France, la moyenne se situe aux environs de
40 heures
". Il estimait ainsi que "
l'extension des
plages horaires et du nombre de jours ouverts dans l'année est
nécessaire
", 60 heures hebdomadaires étant
"
un objectif minimal à assigner à toutes les
bibliothèques universitaires françaises
".
Le constat relatif aux locaux est plus sévère encore : la
"
saturation complète des capacités d'accueil "
est illustrée par le fait que chaque étudiant ne disposait que de
0,65 mètre carré contre 0,73 mètre carré
en 1970, la norme généralement admise étant de
1,5 mètre carré. Le rapport conclut : "
le
déficit de locaux universitaires aboutit au détournement de
l'utilisation des bibliothèques et compromet encore davantage leur
efficacité "
.
En outre, "
le nombre des personnels de bibliothèque par rapport
au nombre des étudiants est en diminution constante depuis
20 ans ".
Non seulement, "
le recrutement des
bibliothécaires n'a absolument pas suivi l'accroissement du nombre des
étudiants
", mais "
ce secteur a été plus
durement touché par les suppressions d'emplois
".
Enfin, le rapport rappelait que "
le pouvoir d'achat par
étudiant d'une bibliothèque universitaire française est
inférieur de 4 à 9 fois à celui des
bibliothèques universitaires étrangères
".
Dès lors, les bibliothèques universitaires françaises sont
"
au-dessous du seuil minimal où l'on peut véritablement
parler de collections "
. La différence avec l'Allemagne est
flagrante puisque, là-bas, "
aucune université ne peut
commencer à travailler sans disposer d'une collection minimale de
200.000 volumes ".