b) La crainte d'une dérive vers le contrôle de l'opportunité
Le
contrôle de
l'efficacité des dépenses
constitue le
second aspect du contrôle de gestion. Il est évidemment au coeur
du débat sur le glissement du contrôle de gestion vers un
contrôle d'opportunité. Il cristallise les incompréhensions
entre beaucoup d'élus locaux et les magistrats des chambres
régionales des comptes.
En principe, il revient aux chambres à partir d'un objectif
déterminé par l'assemblée délibérante -et
sur lequel il ne lui appartient pas de se prononcer- d'examiner le choix des
moyens, le coût de l'opération et les résultats obtenus.
Une chambre régionale des comptes est dans son rôle lorsqu'elle
relève les risques attachés à une opération
donnée ou les conséquences négatives qui peuvent
résulter d'une mauvaise organisation des services.
L'attribution d'un marché public, tout en respectant les
procédures de mise en concurrence, peut s'appuyer sur des
critères de choix qui ne sont pas exempts de risques.
L'application du critère du
" mieux disant "
est aussi
souvent source de difficultés pour les décideurs publics. Ce
critère ne permet pas à ces derniers de disposer d'un instrument
efficace d'aide à la décision.
De même, le mauvais fonctionnement des services d'une collectivité
locale, chargés de la commande publique, peut expliquer le
dépassement des seuils permettant le règlement des achats sur
simple facture.
Certaines chambres régionales des comptes veillent à circonscrire
expressément dans leurs lettres d'observations définitives leur
champ d'investigation par rapport aux compétences des assemblées
élues.
Pour autant, force est de constater l'existence d'un
très grand
décalage
entre les conditions dans lesquelles l'action locale doit
être mise en oeuvre et la perception que peut en avoir un contrôle
opéré souvent plusieurs années après les
décisions prises.
Les collectivités locales -confrontées au désengagement de
l'Etat- doivent prendre en compte les
attentes de plus en plus
diversifiées
de nos concitoyens, qu'elles concernent la
sécurité, l'emploi, le logement, les transports ou encore
l'environnement.
Elles sont ainsi conduites à
innover
, à
prendre des
risques
, souvent pour faire face à des situations urgentes.
La gestion locale est elle-même de plus en plus éclatée
sous l'effet du partage des compétences mais aussi du
développement de l'intercommunalité.
Or, le contrôle
a posteriori
, s'il s'abstrait de ce contexte, ne
peut que rendre compte de manière déformée de la gestion
locale.
Ainsi, une chambre régionale des comptes qui relève qu'une
collectivité locale intervient dans le domaine qui relève de la
compétence de l'Etat omet que cette intervention est motivée par
le désengagement de ce dernier qui compromet gravement la
réalisation d'un équipement essentiel sur le plan local, tel que
la construction d'une université.
De même, comme il a été souligné devant le groupe de
travail, une interprétation trop stricte des compétences des
établissements publics de coopération intercommunale -qui sont
libellées de manière assez large- a pour effet négatif de
brider inutilement la capacité d'initiative
de ces
établissements, capacité qui est essentielle pour le
développement local.
Les incertitudes du cadre législatif et règlementaire dans un
grand nombre de domaines pèsent également sur la gestion locale.
Elles ne peuvent être ignorées dans la mise en oeuvre du
contrôle financier.
L'évaluation des résultats obtenus peut, par ailleurs, conduire
certaines chambres à remettre en cause les choix opérés
par l'assemblée délibérante en toute clarté. Le
contrôle de l'efficacité de la dépense risque alors de
dériver vers un contrôle de l'opportunité des choix.
Une chambre régionale des comptes est-elle fondée à
adopter une telle démarche ? Certes, il lui revient
d'évaluer le coût financier de l'opération,
d'apprécier le choix des moyens. Mais peut-elle sans glisser vers
l'opportunité mettre en cause la décision elle-même de
l'assemblée délibérante ? Tel est bien ce qui
résulte de certaines lettres d'observations définitives.
Or, cette pratique contribue à l'incompréhension des élus
concernés qui ont le sentiment que les chambre régionales des
comptes substituent leur propre appréciation à celle des organes
délibérants élus démocratiquement et seuls
responsables devant le suffrage universel.
Ainsi les observations portées sur une opération de construction
d'un ouvrage public critiquant le choix même de la collectivité de
financer l'ouvrage ainsi que l'emplacement retenu pour celui-ci peuvent
apparaître aux yeux des élus concernés comme une mise en
cause de la libre décision de la collectivité.
De même, une appréciation relativement sommaire sur les
retombées financières d'une épreuve sportive pour une
collectivité locale qui lui a apporté son appui financier peut
être perçue comme une critique injustifiée d'un choix
librement décidé par cette collectivité.