II. LE SYSTÈME ÉDUCATIF DOIT ENGAGER UNE RÉFLEXION SUR SON ÉVOLUTION
Il
n'incombe évidemment pas au système éducatif de
résoudre les problèmes de Saint-Pierre et Miquelon.
Néanmoins, il lui appartient de mettre à la disposition de
l'archipel des jeunes femmes et des jeunes hommes aptes à prendre le
tournant de la modernité et à relever les défis du
développement et de l'ouverture sur l'extérieur. Pour cela,
plusieurs adaptations apparaissent nécessaires :
- une réorganisation des services de l'éducation nationale afin
de laisser au chef des services de l'éducation nationale, qui assume
également les fonctions de proviseur du lycée de Saint-Pierre,
toute latitude pour entreprendre la réflexion indispensable sur l'avenir
du système éducatif ;
- une mobilisation du corps enseignant pour sensibiliser les
élèves aux nouvelles technologies et à la
mondialisation ;
- une clarification du statut de Saint-Pierre et Miquelon pour accroître
l'autonomie d'action et libérer les initiatives locales.
A. PERMETTRE L'ADAPTATION DES JEUNES GÉNÉRATIONS AUX MÉTIERS D'AVENIR DE L'ARCHIPEL
Pour
répondre aux défis posés à l'archipel en
matière de reconversion, il importe de sensibiliser les futures
générations actives aux métiers qui assureront l'avenir de
Saint-Pierre et Miquelon et, lorsque cela est possible, de mettre en place les
filières de formation correspondantes : activités de
services portuaires, formation d'officiers de marine, tourisme, francophonie,
organisation de congrès, métiers du multimédia...
Ainsi, dans la perspective d'une coopération de zone accrue, comme le
prévoit l'accord du 2 décembre 1994, il faudrait que les
élèves scolarisés à Saint-Pierre et Miquelon soient
parfaitement bilingues en français et en anglais à l'issue de
leur scolarité, ce qui n'est pas encore le cas.
Par ailleurs, les élèves devraient être des utilisateurs
familiers des technologies modernes de communication. Il n'est en effet pas
absurde d'entretenir l'espoir que Saint-Pierre et Miquelon recentre une partie
de sa " matière grise " sur l'offre de services " en
ligne " comme les provinces maritimes du Canada l'ont fait depuis la chute
des activité de pêche. Ainsi, la visite de votre rapporteur
à Moncton, capitale de la province du Nouveau-Brunswick, lui a permis de
constater que les Canadiens avaient pallié l'absence d'industries dans
cette région par le développement des activités
liées aux nouvelles technologies de la communication. Le projet
TéléEducation, par exemple, consiste à mettre à la
disposition de la population du Nouveau-Brunswick des programmes de formation
et d'apprentissage à distance.
B. CLARIFIER LE STATUT DE SAINT-PIERRE ET MIQUELON
La
totalité des interlocuteurs rencontrés au cours de la mission
jugent le
statut de collectivité territoriale
6(
*
)
de Saint-Pierre et Miquelon
inadapté
. En effet, la succession des statuts applicables
à l'archipel fait que Saint-Pierre et Miquelon se situe aujourd'hui
à mi-chemin entre un département d'outre-mer et un territoire
d'outre-mer et que l'incertitude plane sur les textes législatifs et
réglementaires applicables.
En conséquence, la moitié des lois ne sont pas appliquées
car pour partie contre-productives. Ainsi, la nouvelle loi relative aux
marchés publics a fait grimper les prix de 20 %. Par ailleurs, la
législation actuelle interdit de construire des habitations en bois pour
des raisons de sécurité, ce qui semble assez paradoxal dans un
archipel où l'essentiel des constructions sont en bois.
En outre, le Conseil Général est compétent dans les
matières douanières et fiscales, pour l'urbanisme et le logement
et possède les attributs d'un conseil régional, ce qui prive les
communes de l'essentiel de leurs prérogatives.
Le problème de gestion posé par les épreuves orales du
baccalauréat pour les élèves de Saint-Pierre et Miquelon
est un exemple de l'indétermination juridique qui caractérise
l'archipel. En effet, dans le cadre de la passation du baccalauréat, le
chef de services de l'éducation nationale de Saint-Pierre et Miquelon
est amené à :
- faire venir des professeurs extérieurs à l'archipel, en
provenance de métropole ou de Montréal ;
- confier à des personnels placés sous son autorité des
missions de membre de jurys se déroulant à Montréal ou en
métropole ;
- envoyer des élèves passer des épreuves orales à
Montréal.
L'Education nationale prend en charge depuis des années, sur le chapitre
37-82, le transport des examinateurs et des candidats, ainsi que les frais de
mission du personnel enseignant, et donne aux candidats une participation en
dollars canadiens aux frais d'hébergement et de repas.
Or, l'imputation de ces dépenses est contestée par le
Trésorier Payeur Général de Saint-Pierre puisqu'il
n'existe pas de réglementation pour ces cas de figure. Le TPG demande
donc qu'un texte de portée générale visé par la
direction du budget soit publié.
Au total, un toilettage des textes s'impose pour clarifier les
situations.
C. CRÉER UN VICE-RECTORAT
Le
départ du chef des services de l'éducation nationale de
Saint-Pierre et Miquelon en janvier 1997 a laissé au proviseur adjoint
du lycée de Saint-Pierre nouvellement arrivé la lourde charge du
cumul de la fonction de proviseur adjoint, de l'intérim des fonctions de
proviseur et de chef des services de l'éducation nationale. Outre que sa
charge de travail est très lourde, les fonctions de proviseur du
lycée et de chef des services académiques ne sont pas
nécessairement compatibles. Or, depuis janvier 1997, le chef des
services de l'éducation nationale n'a toujours pas été
nommé malgré deux appels à candidature successifs.
Votre rapporteur est pour sa part favorable à la création d'un
vice-rectorat à Saint-Pierre et Miquelon. Délivré des
contingences de la gestion d'un établissement scolaire, le vice-recteur
pourrait mener à bien la mission de réflexion sur l'avenir du
système éducatif de l'archipel.
En outre, la création d'un vice-rectorat permettrait de
réunifier la gestion des personnels de l'éducation
nationale
à Saint-Pierre et Miquelon, qui est aujourd'hui
réalisée dans trois endroits différents. Ainsi, si les
personnels de catégorie C et les professeurs de l'enseignement
général de collège dépendent de l'académie
de Caen, les personnels de catégorie A et B dépendent de
l'académie de Paris, tandis que les maîtres-auxiliaires, les
vacataires et les enseignants du primaire sont recrutés au niveau local.
Enfin, l'indétermination en matière statutaire pose des
problèmes de gestion des personnels de l'éducation nationale,
qu'il s'agisse du statut des personnels, des salaires ou du régime de
protection sociale. Ainsi, les personnels de l'éducation nationale sont
la seule catégorie de fonctionnaires à n'être pas pris en
charge par le régime de sécurité sociale de
métropole.
Le proviseur doit,
a contrario,
se concentrer sur la gestion du
lycée. L'idéal serait que les personnes nommées pour
chacun de ces postes ne le soient pas en même temps afin d'éviter
toute rupture et que la durée de leur séjour soit limitée
à cinq ou six ans.
On peut regretter qu'en dépit d'un large consensus de tous les acteurs
rencontrés sur la nécessité de créer un
vice-rectorat depuis presque deux ans, la décision n'ait toujours pas
été prise. Or la seule considération des
300.000 francophones des provinces maritimes du Canada justifie la
création d'un vice-rectorat. En effet, un vice-rectorat
conférerait à Saint-Pierre et Miquelon l'autonomie
nécessaire pour servir de pôle de la francophonie et de
l'enseignement du Français en Amérique du Nord. Son rayonnement
pourrait s'étendre jusqu'à la province du Québec où
les établissements français sont à l'heure actuelle sous
la tutelle de l'Agence pour l'enseignement du français à
l'étranger (AEFE).
D. MOBILISER LE CORPS ENSEIGNANT EN POURSUIVANT L'EFFORT DE FORMATION
Les
enseignants sont la clé du succès de la mission éducative
et il convient ici de leur rendre hommage pour la compétence et le
dévouement dont ils font preuve dans l'exercice, parfois difficile, de
leurs fonctions.
S'ils bénéficient à Saint-Pierre et Miquelon d'avantages
statutaires et indiciaires considérables
7(
*
)
et de conditions d'enseignement
exceptionnelles liées au faible nombre d'élèves et
à l'absence de phénomènes d'indiscipline, ils
pâtissent en contrepartie de l'enclavement de l'archipel et du manque de
motivation des élèves.
Aussi, est-il essentiel que le corps enseignant se mobilise davantage
auprès des élèves pour faire disparaître chez eux le
réflexe de repli. Il lui appartient d'ouvrir les élèves
sur le monde et de leur redonner espoir. Pour afficher l'ouverture de
l'archipel sur l'extérieur, il importe que les enseignants occupent une
place prépondérante dans les activités associatives et
multiplient les voyages de découverte dans les provinces canadiennes. De
tels projets doivent pouvoir se concrétiser dans le cadre du volet
coopération de l'accord du 2 décembre 1994.
Les syndicats enseignants de l'archipel demandent qu'un plan de formation
continue soit mis en place au profit des personnels, afin de leur assurer tout
au long de leur carrière, à intervalles réguliers, une
année scolaire de formation et de mise à niveau des contenus et
des méthodes. Ils souhaiteraient ainsi pouvoir réaliser un
séjour d'un an en métropole tous les cinq ans. Votre rapporteur
estime qu'une telle revendication n'est pas dénuée de
justifications.
Il s'étonne néanmoins que parmi les 36 stages de formation
continue effectués au cours de l'année scolaire 1996-1997 (dont
24 pour les enseignants du premier degré et 12 pour les enseignants du
second degré), seul un stage ait été effectué dans
le domaine de l'informatique.