b) Quelle réforme de la Commission européenne ?
Durant
la CIG, la France a défendu avec constance l'idée d'une
Commission resserrée, comptant de dix à douze membres ; pour
désarmer la crainte toujours présente d'un " directoire des
grands Etats ", elle n'a pas hésité à affirmer
(d'ailleurs sans être crue ) qu'elle accepterait parfaitement qu'aucun de
ses nationaux ne soit membre de cette Commission restreinte.
La France est restée isolée sur cette position. L'accent mis sur
le nombre des membres de la Commission a été perçu par les
" petits " Etats comme un moyen de les exclure du coeur du processus
de décision. Relancée, cette proposition se heurterait aux
mêmes obstacles : mieux vaut donc considérer qu'elle n'est plus
d'actualité. Lors de sa récente visite en Autriche, le
Président de la République en a d'ailleurs pris acte.
Reste la raison d'être de cette proposition. L'élargissement
à onze nouveaux pays, en appliquant les règles actuelles, portera
le nombre des membres de la Commission à trente-deux. La France
soulignait à juste titre qu'une Commission aussi nombreuse, à
structures inchangées, ne pourrait pratiquer la
collégialité qui, selon le traité, doit
caractériser son fonctionnement ; les responsabilités,
déjà émiettées dans la configuration actuelle, se
trouveraient diluées, tandis que les commissaires risqueraient de se
transformer peu à peu en représentants de leur Etat d'origine.
Mais ne peut-on envisager, pour empêcher une telle évolution,
d'autres solutions que la réduction du nombre des membres de la
Commission ? A partir du moment où la présence au sein de la
Commission d'un national au moins de chaque Etat membre est
considérée comme une garantie fondamentale par la majorité
des Etats membres, mieux vaut partir de cette donnée de base que
d'essayer de s'en affranchir. Au demeurant, une Commission relativement
nombreuse ne présente pas seulement des inconvénients : par
exemple, les auditions de commissaires européens par les Parlements
nationaux, pratique qui aujourd'hui n'a rien d'exceptionnel, se heurteraient
à une impossibilité pratique dans une Union élargie
dotée d'une Commission de dix à douze membres. On peut par
ailleurs observer que, à l'échelon national, des Gouvernements de
trente membres ou plus sont chose courante sans que cela nuise à la
collégialité et à la responsabilité.
Tout en conservant la finalité de la proposition française, on
est donc amené à envisager d'autres moyens pour y répondre.
Une solution pourrait être, sans modifier les règles qui
déterminent le nombre des membres de la Commission, d'introduire une
certaine distinction des rôles en son sein. Le traité d'Amsterdam
a fait un pas dans ce sens en rehaussant le statut de son président, qui
est investi séparément par le Parlement européen, est
associé à la formation du collège des commissaires, et
doit veiller à ce que l'action de ceux-ci s'inscrive dans le cadre des
orientations politiques sur la base desquelles il a été investi.
Cette logique pourrait être poussée plus loin en
réexaminant également le statut des vice-présidences de la
Commission, aujourd'hui dénuées de véritable signification
fonctionnelle. Des vice-présidents pourraient être chargés
d'un rôle effectif de coordination dans de grands secteurs d'intervention
communautaire ; avec le président, ils constitueraient une
formation restreinte et véritablement collégiale, qui pourrait se
voir confier par le Conseil des missions spécifiques. Un tel
système introduirait plus de souplesse dans le fonctionnement de la
Commission et permettrait une attribution plus claire des
responsabilités, tout en favorisant une meilleure cohérence dans
l'action menée au titre de chaque grand domaine. L'attribution de tout
ou partie des vice-présidences pourrait reposer sur un principe de
rotation, de manière à ce que tous les Etats membres puissent se
retrouver dans ce mécanisme.
Ainsi, on peut penser qu'une nouvelle structure de la Commission
européenne pourrait permettre d'atteindre au moins en partie les
objectifs mis en avant par la France dans la CIG sans heurter frontalement
l'idée que la plupart des " petits " pays se font de leur
juste place dans les institutions de l'Union.