2. Le rôle central du soufisme
La
culture sunnite de l'Asie centrale ne peut se comprendre en dehors de sa
dimension soufie
.
Cette région est le berceau d'au moins trois grands ordres soufis. Le
plus important est La Naqchbandiyya, fondé à Boukhara au XIVe
siècle ; les deux autres sont La Yasawiyya et La Kubrawiyya
fondés au XIIe siècle.
L'islamisation de l'Asie centrale doit beaucoup à l'intense
activité missionnaire de ces confréries. Quand, au XIIè
siècle, pour la première fois dans l'histoire du monde musulman,
l'islam fut menacé par des envahisseurs infidèles -Kara Kitay
à l'Est, croisés à l'Ouest- le soufisme s'est
érigé en défenseur de la foi et s'est
métamorphosé en un mouvement de masse. C'est à cette
époque que sont apparues les premières confréries
regroupant des adeptes autour d'un maître.
Le culte des saints soufis
est l'un des éléments essentiels de l'islam populaire
. En
effet, la vénération d'un saint soufi n'est pas seulement le fait
des adeptes de la confrérie à laquelle il a appartenu, mais un
acte de foi et de piété populaire collectif auquel toutes les
catégories sociales participent. Grâce à la
vénération des saints, le soufisme est devenu l'avant-garde d'un
mouvement spirituel de masse, et le mazar (tombeau) du saint, le lieu de
rencontre entre la confrérie et la masse des croyants.
L'implantation rurale est un trait caractéristique du soufisme en
Asie centrale. En outre, dans cette région, comme le souligne Olivier
Roy, le soufisme duplique et dépasse à la fois la segmentation
tribale.
Le soufisme contribue, d'autre part, à contenir la
renaissance de l'islam dans la sphère privée, cette tradition
privilégiant aujourd'hui le mysticisme, la prière plutôt
que l'organisation de la société.