B. DES ÉTATS PLURI-ETHNIQUES
1. Une mosaïque de peuples durement éprouvés
Lorsque
l'on évoque les populations qui composent les Etats d'Asie centrale, un
constat s'impose : celui de
l'hétérogénéité des ethnies
vivant
dans la région.
On dénombre au Kazakhstan, en Ouzbékistan et au
Turkménistan, parmi les principales nationalités
3(
*
)
:
|
KAZAKHSTAN |
OUZBEKISTAN |
TURKMENISTAN |
Kazahks |
44,3 |
4,1 |
2 |
Ouzbeks |
|
71 |
9,2 |
Turkmènes |
|
|
77 |
Russes |
35,8 |
6 |
6,5 |
Ukrainiens |
5,1 |
|
|
Allemands |
2 |
|
|
Tatars |
1,6 |
2,4 |
|
Tadjiks |
|
4,7 |
|
Coréens |
|
0,9 |
|
Karaklpaks |
|
2 |
|
Ouighours |
1,8 |
0,5 |
0,3 |
(en
pourcentage des populations)
Source : Ministère des affaires étrangères
Le Kazakhstan et l'Ouzbékistan comptent en fait plus de
100 nationalités
. La mission sénatoriale a pu constater
que celles-ci vivaient globalement en bonne harmonie, la Constitution de ces
Etats consacrant d'ailleurs le respect des minorités, ce qui n'a pas
empêché depuis trois ans, une importante émigration russe :
330.000 départs en 1993, 500.000 en 1994.
La diversité humaine caractéristique de l'Asie centrale s'est
accentuée à la fin du XIXe siècle, par l'arrivée de
plus d'un million d'Européens (Russes et autres slaves, Allemands,
mennonites en particulier), essentiellement des ruraux. Le nombre des
Européens dans la steppe est passé de quelques milliers avant
1889 à 20 % de la population en 1897 et 40 % en 1911. La
construction du tronçon occidental du transsibérien vers Omsk en
1892-1894 a accéléré ce mouvement qui a culminé
entre 1896 et 1916. On peut noter que le déclin du nomadisme a suivi la
courbe inverse, 30 % des Kazakhs étant devenus agriculteurs en 1913.
Le kaléidoscope ethnique de l'Asie centrale est sans
équivalent
: par le nombre de groupes humains,
l'hétérogénéité de leurs modes
d'identification et la variété des religions
représentées (islamisme, judaïsme, bouddhisme, chamanisme).
A cette mosaïque de peuples, sont venus s'ajouter les victimes des
multiples déportations ou transferts de population :
réprouvés de diverses origines, Coréens arrachés
à la région de Vladivostok par Staline craignant l'influence
japonaise, Tatars de Crimée, Allemands de la Volga, Grecs... Les pays
voisins ont, eux aussi, jeté en Asie centrale leurs lots de
réfugiés, Doungaves (Chinois musulmans), Ouïghours et
Kazakhs du Xinjiang, Afghans enfin.
Sont ensuite arrivés les colonisateurs des " terres vierges "
issus du monde slave dans le Nord-Kazakhstan sous Khrouchtchev, les
" reconstructeurs " de Tachkent après le tremblement de terre
d'avril 1966, enfin les ouvriers d'usine à l'occasion d'une
industrialisation plus récente encore.
Alors que l'identité des populations d'Asie centrale reposait jusqu'au
début du siècle sur l'interdépendance économique et
sociale entre ethnies,
le processus de soviétisation a
oblitéré ces liens à la fois tribaux et ethniques
,
entre éleveurs et jardiniers, caravaniers et guerriers,
commerçants et théelgours, artisans nomades du feutre ou des
brocarts destinés aux cours princières.
La distribution des
rôles a été gommée par la colonisation d'abord, puis
par la révolution bolchevique qui a balayé les traditions,
qu'elles soient agricoles ou religieuses.
Elle a provoqué ensuite le
déclin définitif des relations commerciales, celui relatif des
artisans et entraîné du fait de la collectivisation, la quasi
disparition des troupeaux et de leurs maîtres.