2. L'URSS, héritière de l'Empire tsariste en Asie centrale
Quand la
révolution de 1917 mit fin au règne des Romanov, aucun des
problèmes fondamentaux concernant les relations entre l'Etat russe et
ses sujets musulmans n'avait été résolu.
Aucune des
solutions, de la plus libérale -celle appliquée par
Catherine II- à la plus répressive -celle du
Général Kaufman en Asie centrale-, n'avait, en effet, abouti
à un résultat satisfaisant pour les parties en
présence.
Ainsi l'assimilation religieuse, linguistique ou
culturelle pratiquée à partir du XVIe siècle et
jusqu'à la fin du XIXe n'avait touché qu'une minorité, non
sans que s'accumulent rancunes et haines entre communautés russes et
musulmanes.
Dès 1918 se produit un afflux massif de musulmans dans le rang des
organisations locales du parti communiste. Mais ce phénomène
repose, comme l'indique Chantal Lemercier Quelquejay
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*
)
, sur un double
malentendu : d'une part, l'illusion nourrie par les musulmans de
profiter du nouveau régime pour mener à bien les réformes
engagées au XIXe siècle par les réformistes musulmans
Djadides ; d'autre part, l'espoir des bolcheviks russes de
" rééduquer " leurs alliés et d'en faire des
marxistes authentiques.
3. La soviétisation de l'Asie centrale
Le
régime met en place à partir de 1922, une politique des
nationalités destinée à unifier l'ensemble
soviétique. P
olitique qui consiste, à fractionner la masse
musulmane en Etats dotés de territoires bien délimités.
On distingue
deux réalités :
d'une part, la nation, la
nationalité et le groupe ethnique par référence au groupe
humain, à son évolution historique et à son niveau
culturel ; d'autre part, les entités administratives dotées
de statuts différents. Ainsi, à la place des trois groupes
ethniques (groupe nomade au Nord et à l'Est avec les Kazakhs et les
Kirghizs, groupe sédentaire au Sud formé par les Ouzbèks
et les Tadjiks et groupe turkmène à l'Ouest) l'URSS
créé cinq républiques.
Le régime soviétique transforme profondément
l'économie de la région qui était essentiellement
rurale
. La collectivisation menée de 1929 à 1939
entraîne la sédentarisation forcée des nomades : elle a
provoqué au Kazazkhstan des famines, suivies d'une répression
féroce et d'une désorganisation totale de l'économie. Le
cheptel passe de 39 millions de têtes en 1929 à moins de
5 millions en 1989. Parallèlement à la collectivisation,
Moscou développe intensément la culture du coton qui exige le
creusement de grands canaux pour étendre les surfaces irriguées.
En effet, si la planification soviétique a entraîné
l'industrialisation de l'Asie centrale et la diversification des richesses de
son sous-sol et favorisé l'implantation d'industries de transformation,
elle a, en revanche, débouché sur la monoculture du coton.
Cette politique n'a pas manqué de susciter des réactions
d'ordre nationaliste, religieux et démographique.
Face à la volonté du gouvernement soviétique de briser
l'unité musulmane en la divisant en nations, nationalités et
groupes ethniques, s'est dressée la conscience d'appartenances tribales
héritées, d'un lointain passé et le sentiment d'une
identité islamique trans-nationale, réactions qui ont
constitué surtout des obstacles à l'assimilation des musulmans,
sinon à la simple cohabitation entre autochtones et immigrés
russes.
En outre, face à l'islam officiel domestiqué par les
soviétiques, s'est développé un islam parallèle
animé par les confréries soufies.
Enfin, l'
explosion démographique
de la communauté
musulmane a modifié les équilibres initiaux. L'exemple de
l'Ouzbékistan est particulièrement frappant :
Source : Central Asia/Lonely Planet Publications 1996