Audition de Philip LOEB |
Président Directeur général d'EURIWARE
et de
Christian LE DRIAN
Directeur général d'IFATEC
Résumé : L'aspect « éducation » est probablement le fondement du retard français dans l'utilisation des NTIC : on s'aperçoit que dans le système éducatif rien n'est fait pour utiliser l'information ; pire: à l'école, utiliser l'accès à l'information par des systèmes actuels est considéré comme de la fraude ; on constate le même blocage psychologique dans les entreprises, et qui vient de la difficulté que nous avons à travailler en équipe ; il faut faire naître une informatique décisionnelle et communiquante qui dope l'entreprise au niveau commercial et du marketing et arriver à passer d'une vente pilotée par la production à une production pilotée par les ventes; il faut le faire car le problème est que les centres de décisions, dans le domaine des hautes technologies, sont en train de quitter la France.
1. Le retard français : l'aspect Education est probablement le fondement de ce retard ; aujourd'hui, dans le milieu professionnel mais aussi en tant que parents, on s'aperçoit que dans le système éducatif rien n'est fait pour utiliser l'information ; l'accès à l'information est quelque chose de très limité ; un exemple : il y a un ou deux ans, ma fille ne pouvait pas dire, en terminale, qu'elle utilisait Internet pour faire ses devoirs ; en deux ans, la situation a cependant pas mal évolué parce qu'il a été admis qu'elle puisse capter un document sur un écrivain sur Internet et le mettre derrière un devoir de français Cela veut dire, en résumé, qu'utiliser l'accès à l'information par des systèmes actuels n'est pas valorisé ; c'est un des points de base qui fait qu'aujourd'hui, parmi nos dirigeants, la notion même d'accès à l'information est une notion qui n'est pas considérée comme elle devrait l'être ;
2. Au niveau de l'Education , j'ai une suggestion : le besoin d'accéder à l'information telle qu'elle est disponible sur les nouveaux outils n'étant pas ressenti, et rien n'y prédisposant, je suggère que, dans les écoles, on demande aux élèves de rechercher des informations sur le Net pour faire leurs devoirs et qu'on oblige un certain nombre de gens à considérer que c'est un « plus » ; (Christian LE DRIAN)
3. Dans les entreprises , même blocage psychologique : dans les premières démonstrations d'Internet que nous faisions à des dirigeants d'entreprises, ceux-ci se montraient très intéressés ; pourtant, la question que l'on m'a posée fut : « Oui, mais la sécurité ? » ; je leur apportais un service tout fait, qui ne coûtait quasiment rien, et c'est la seule question que l'on m'a posée ; je crois que ce blocage psychologique vient de la difficulté que nous avons, dans la société française, à travailler en équipe ; (Philip LOEB)
4. La France n'a absolument aucun retard dans la maîtrise des technologies informatiques ; le problème n'est pas là ; en fait, la force et la faiblesse des français est qu'ils ont à portée de leur vie une richesse et un patrimoine que l'on ne retrouve pas ailleurs ; ils n'ont donc pas le réflexe d'aller chercher ailleurs ; ce qui est dommage car aujourd'hui, ils pourraient trouver sur Internet les informations qui leur permettraient d'être plus efficaces et plus performants ;
De même, du côté du management des entreprises -qui sont des gens d'une génération pour laquelle l'outil informatique n'était pas présent ou très peu important dans leur culture - cet outil et les possibilités qu'il ouvre ne sont pas perçues à leur juste valeur ; combien de chefs d'entreprises ne se sont jamais connectés sur un ordinateur personnel ? Ces gens là ne sont pas capables de montrer l'exemple dans l'entreprise et donc d'impliquer une volonté de changement importante ; (Christian LE DRIAN)
5. Les entreprises : technologiquement, on a les ingénieurs qu'il faut pour toutes les technologies de base ; la problématique est que la hiérarchie de l'entreprise fait que le travail en groupe n'est pas dans la culture ; ça ne peut changer que si les entreprises françaises s'internationalisent ; il faut espérer d'autre part que les nouvelles générations apporteront une autre façon de travailler ; le problème est que les centres de décisions , dans le domaine des hautes technologies, sont en train de quitter la France ; il faut tenter d'inverser cette tendance ; dans mon expérience, je suis frappé de voir que nous avons de très bons ingénieurs mais que l'exploitation marketing et la capacité commerciale sont très difficiles à mettre en oeuvre, malgré les aides ;
6. En France , le système d'information est encore trop orienté vers la production ; c'est une informatique de production qui est là pour aider à produire, à compter et contrôler ce qu'on a produit ; à partir du moment où la production baisse, on cherche à réduire les coûts ou à améliorer les marges ; par conséquent on a pas la volonté, comme aux USA, de regarder cette chaîne de valeur dans sa globalité , c'est-à-dire au-delà de l'entreprise, en regardant ses fournisseurs et clients, de remonter d'un cran pour la voir dans sa globalité et de redessiner ses process pour donner à l'entreprise de la souplesse, de la réactivité, des capacités d'anticipation ; donc, faire naître une informatique décisionnelle et communiquante qui dope l'entreprise au niveau commercial et marketing ; passer à une production pilotée par les ventes et non une vente pilotée par la production ; aujourd'hui, on a un paysage qui est assez en retard et déficient sur tout ce qui est systèmes de pilotage par les ventes et le marketing ;
7. Le problème est bien d'ordre culturel : l'américain est pragmatique , il se demande comment il va pouvoir réduire ses achats, anticiper par rapport aux prévisions de vente ; en France, on a une culture analytique qui fait qu'il faut tout avoir ; on construit donc des monstres qui ne marchent pas et qui s'arrêtent en cours de route ; c'est pour cela qu'il y aussi peu d'exemples de réussite de systèmes de pilotage ; nous ne savons pas être pragmatiques ; la France est à côté de ce mouvement qui consiste à recentrer les activités et à dire que, finalement, l'entreprise a besoin de l'information ; maîtriser l'information n'apparaît pas comme étant son problème ; c'est là que la société française est en crise ; que font les étrangers ? Ils achètent des parts de marchés, des ingénieurs et cadres français, des structures françaises : c'est moins une crise que se ressent au niveau de l'emploi - il y a un sous effectif majeur de ce côté là - qu'au niveau de la perte de pouvoir pour la France ;