Audition de Michel BON |
Président de France-Telecom
accompagné
de madame PELTIER-CHARRIER et de M. Philippe BERTRAN
Résumé : Relier les écoles au réseau Internet est nécessaire, mais, pour ce faire, il faut laisser l'initiative partir de la base, c'est-à-dire inciter les lycées et collèges à s'organiser eux-mêmes pour bâtir quelque chose, plutôt que d'attendre qu'un programme » tombe » d'en haut, c'est-à-dire du Ministère de l'Education Le financement d'une telle opération au travers de l'élargissement de la notion de « service universel », qui est un impôt, pourrait, en termes de concurrence, s'avérer néfaste. En lançant Wanadoo, France Telecom contribue à créer un surcroît de marché, sans prendre le marché des autres : les problèmes liés à son démarrage, difficile, semblent se résorber rapidement. Depuis peu érigé en priorité dans la politique de France Telecom, Internet la conduit à travailler en direction des Internautes, notamment afin de leur faciliter l'accès au réseau. L'Eldorado que ce dernier représente, plus particulièrement pour les fournisseurs de services du Minitel, nous incite à imaginer une migration de ceux-ci vers Internet. Une réflexion économique commune reste cependant à mener sur ce point, ainsi qu'un gros effort pédagogique.
1. La notion de service universel et son éventuel élargissement afin de relier les écoles : .
1.1 La France et l'Allemagne se ressemblent ; ces deux pays ayant des monopoles finissant ainsi que des tarifications encore un peu élevées. C'est dans ce cadre que Deutsche Telekom et France Telecom ont réfléchi à un programme Internet destiné aux écoles. Or, si les Allemands sont parvenus à convaincre 30.000 établissements scolaires, seules 100 écoles françaises semblaient partantes. Pourquoi ? Parce que les allemands, plutôt que d'offrir internet à toutes les écoles, l'ont offert à celles qui manifestaient de l'intérêt : il y avait donc une éspèce de base contractuelle, l'école disant ce qu'elle voulait faire avec Internet ; d'autre part, la question du public visé par ce programme ne s'est pas posée : il s'agissait des étudiants. Or, ce qui a marché chez eux n'a pas marché en France, l'Education Nationale, par un tropisme qui n'apparaît pas anormal, ayant considéré qu'elle devait se situer au coeur du projet, en en contrôlant l'application. Il faut donc vraiment trouver le moyen de faire en sorte, en France, et pour qu'un tel projet réussisse , que les lycées et collèges trouvent intérêt à s'organiser eux-mêmes pour bâtir quelque chose , plutôt que d'attendre qu'un projet tombe « tout cuit » de la Rue de Grenelle (ils ne l'utiliseraient en effet pas aussi bien que s'ils l'avaient construit eux-mêmes).
1. Une autre question se pose à cet égard, c'est celle du coût d'un tel programme : en partant d'un enveloppe de 10.000 Francs par établissement, somme multipliée par 100.000, on arrive donc à 1 milliard de Francs ; l'Education Nationale peut trouver ce financement sans difficulté ; mais alors, afin d'optimiser la mise en place d'un tel programme, plutôt qu'une organisation « par le haut », il faut imaginer d'emblée une piste beaucoup plus opportune : tenter de voir comment on peut permettre à l'établissement scolaire qui voudrait se lancer dedans de faire librement des arbitrages dans ses dépenses. Ceci lui permettrait de choisir, d'acheter un micro plutôt que de renouveler le stock des cartes géographiques murale, que sais-je encore ; bref , laisser l'initiative partir de la base .
1.3 Sur l'élargissement éventuel de la notion de service universel , il faut rester très prudent :il ne faut pas oublier que le service universel est un impôt ; cet impôt , que nous avons mis en place dans la perspective de la fin du monopole, nous handicape d'ores et déjà par rapport à nos voisins ; l'élargir nous mettrait encore un peu plus à l'écart des autres pays. Or, n'oublions pas non plus qu'il existe toutes sortes de méthodes permettant de joindre un interlocuteur à travers d'autres canaux que le passage par un commutateur « national » ; tout cela pourrait, au bout du compte, s'avérer néfaste.
2. Wanadoo : il a commencé de façon très difficile, mais les problèmes de démarrage sont maintenant surmontés et nous gagnons à peu près 1 point/1 point et demi de parts de marché par mois. Tout ceci est l'indice que, finalement, le produit ne doit pas être si mauvais. D'autre part, il faut bien voir que le monde Internet paraît un peu comme la jungle à la majorité du public actuel (un jargon anglais, des fournisseurs américains,...). Or, la marque France Telecom, elle, est rassurante. Donc, en offrant notre propre service, l'on contribue à créer un surcroît de marché, sans prendre le marché des autres . N'oublions pas non plus qu'Internet n'a vraiment commencé à préoccuper France Telecom que depuis deux ans, et que ce n'est que depuis 1997 qu'Internet est devenu l'une de nos priorités majeures.
3. Le tarif réduit de France Telecom : nous avons eu le tort, lors de la dernière modification tarifaire, de ne pas annoncer fortement la simplification des plages horaires. De même que nous aurions du bâtir quelque chose de spécifique pour les Internautes. Mais nous étudions le moyen de corriger notre démarche, peut-être en leur proposant des forfaits applicables à des heures « impossibles », par exemple 1 heure/5 heures du matin. En consultant les forums, j'ai constaté, même si, objectivement, la nouvelle tarification ne leur est pas défavorable, que les Internautes nous critiquaient très vivement.
4. L'embouteillage du réseau : l'éventuel passage à la forfaitisation ne doit pas nous faire oublier la situation américaine : au fond, la forfaitisation mise en place là-bas est à relier à un autre phénomène : l'embouteillage du réseau . Pour tenter de le désembouteiller, les américains procèdent aujourd'hui à des investissements si considérables qu'ils n'en trouvent pas la rentabilité dans les abonnements locaux. Ces investissements massifs, d'autre part, les empêchent d'investir ailleurs : ils doivent impérativement désengorger le réseau sinon quoi l'ensemble de leurs services pourrait s'effondrer. Ils réflechissent à la mise en place d'un réseau ad hoc pour les internautes, qui bien évidemment engagerait des sommes monumentales. Pour le moment, aucune solution n'a été dégagée.
5. La politique de France Telecom vers les Internautes : il faut garder, à la fois dans les tarifs mais aussi dans notre approche technique, une flexibilité très grande.On peut imaginer l'architecture suivante : une liaison Numeris avec un système de forfait à destination d'un numéro particulier. Nous y travaillons, mais sur le réseau RTC.
6. La migration des services du minitel : Dans l'ensemble, le Minitel a créé de mauvaises habitudes. Il faut donc penser à la migration, que l'on peut prendre par plusieurs bouts : la migration, ce peut être d'abord habituer les utilisateurs du Minitel à un courrier électronique ; on vient de lancer ce service d'ailleurs, et il semble démarrer de façon plaisante.
La migration, c'est aussi le kiosque-micro. Et puis, la migration, c'est aussi la migration dans la tête des fournisseurs de services en observant le phénomène suivant : l'augmentation du volume et la baisse des coûts . Il y a donc un gros effort de pédagogie à fournir, une réflexion économique commune à conduire avec les fournisseurs de services pour qu'il comprennent qu'un Eldorado existe encore, même s'il a tendance à s'éloigner.