Audition de Roger-François GAUTHIER |
Directeur général du CNDP
Résumé : L'Éducation nationale n'a pas jusqu'ici l'habitude d'intervenir dans l'utilisation des technologies, anciennes ou nouvelles, pour la classe ; cette attitude remonte à très loin et rejoint le thème de la liberté des maîtres dans la classe ; il faut donc agir avec doigté face aux enseignants et leur montrer que le professionnalisme, aujourd'hui, c'est, en plus de leurs compétences traditionnelles, la possibilité de jouer d'une palette d'instruments, tels que ceux que les TICE mettent à leur disposition. Il faut aussi, puisqu'il y a maintenant urgence, multiplier les lieux ressources où ils pourront se connecter et rechercher les informations et les documents qui peuvent leur être utiles ; le CNDP dispose d'un réservoir multimédia extraordinaire et la question de sa numérisation est posée.
1. Éléments de discussion :
Il y a au monde deux grands types de systèmes éducatifs : vous avez le cas du Japon, système éducatif centralisé comme le nôtre dans la définition de ses programmes, de son organisation, et qui va très loin dans la définition des outils d'enseignement ; à l'opposé, les systèmes anglo-saxons génèrent des contenus d'enseignements qui ne sont pas définis au niveau national mais dans les établissements scolaires, et donc à proximité des destinataires, ce qui suppose un travail très étroit avec les familles.
En France, situation intermédiaire, les programmes d'enseignement sont définis par l'Etat, le même État qui se fait discret dès qu'il s'agit des outils et ressources pour l'enseignement : les manuels d'enseignement ne sont l'objet d'aucune validation ni a priori ni a posteriori de la part de l'autorité éducative ; il y a, traditionnellement, une grande pudeur, qui rejoint le thème de la liberté des maîtres dans la classe : une fois les programmes d'enseignement rédigés et publiés, l'institution considère son travail comme terminé. Ceci explique l'attitude de l'Éducation nationale par rapport aux TICE : elle n'a pas l'habitude d'intervenir dans l'utilisation des technologies pour la classe, que ce soit les technologies anciennes, les manuels scolaires par exemple, ou les autres ; donc, le cas de figure français est vraiment spécifique.
Il faut aussi voir que les questions qui nous arrivent par les nouveaux supports, principalement Internet, sont pour l'école, extrêmement dérangeantes : jadis, une fois les programmes élaborés, ils « passaient » dans les manuels et la porte de la classe se refermait sur ces savoirs qui étaient figés pour quelques années ; aujourd'hui, on est confronté à une profusion documentaire, un contact, à portée de clavier, avec des savoirs savants qui étaient jusqu'ici tenus à distance, filtrés, transformés en savoirs scolaires. D'où les difficultés d'adaptation des enseignants.
D'autre part, le public des enseignants est très spécifique, segmenté. Chacun se reconnaît plus dans sa discipline que dans le métier d'enseignant commun à tous ; c'est un secteur où les généralisations, les extensions, sont très difficiles ; on a très rarement vu, dans l'Éducation nationale, des phénomènes d'innovations arrivant, dans des temps observables, à couvrir la totalité du champ ; je crois que nous devons, sur ces questions là, être d'un volontarisme très fort, il ne s'agit pas d'aller faire de la cueillette mais bien de poser la question de savoir comment on peut labourer le territoire afin que vraiment quelque chose puisse décoller.
Il faut savoir trouver des langages très concrets par rapport à tel ou tel programme d'enseignement à mettre en oeuvre ; les professeurs dont on doit rêver sont ceux qui savent jouer d'une palette d'instruments : l'idée est de leur montrer que leur professionnalisme sera de plus en plus ceci. De même, il serait indispensable que, dans chaque établissement d'enseignement, il y ait un lieu institutionnel, émanation du conseil d'administration par exemple, où il soit obligatoire que les partenaires de l'établissement et ceux de l'extérieur se posent la question des technologies nouvelles et de la documentation.
Si on veut que les choses avancent, il faut certes former les enseignants mais aussi être disponible pour les aider partout où ils se trouvent ; il faudrait ainsi multiplier les lieux et les ressources : il n'y a pas aujourd'hui assez d'endroits où, de façon simple, immédiate, les enseignants peuvent consulter des produits numériques, consulter Internet. Il faut aussi leur faciliter la tâche en leur montrant des usages, en diffusant des documents y compris sur papier et en vidéo ; l'Etat, à cet égard, ne se met pas assez en ordre de bataille ;
2. Les projets du CNDP :
Le CNDP est un réservoir multimédia extraordinaire : il y a des années que sur le son, l'image animée, l'image fixe, nous produisons beaucoup. Nous possédons des archives et collections entières, sorte de quasi encyclopédie construite au fil des années au service de la classe. La question de la numérisation de tout ce capital est posée, de façon urgente maintenant ; nous y travaillons déjà. Nous avons des réserves en « or » qui doivent nous permettre de remplir les « tuyaux ». Le service que nous avons commencé de construire et qui ouvrira en septembre 1997, tourné vers le collège sous le nom de Savoirs-Collège, répond à l'objectif suivant : permettre à tout professeur de collège, de façon très simple, à partir d'une connexion à un site Internet « Savoirs-collège », sorte de guichet unique, d'interroger le dispositif d'information construit par le CNDP à partir d'une discipline, d'un niveau de classe, de telle question didactique et de se voir proposer et signaler des ressources documentaires privées, publiques, écrites, audiovisuelles, numériques. C'est ainsi que la palette d'outils prend une première forme, et nous pensons par là jouer de façon évidente la complémentarité des supports, puisque les documents pédagogiques d'accompagnement d'émissions de télévision du CNDP pour la classe, par exemple, seront consultables et imprimables à partir d'Internet deux semaines avant la diffusion hertzienne, qui elle-même sera libérée de droits pour l'enregistrement et l'usage en classe.
Simplicité d'accès à une pluralité de ressources repérées, commentées, avec signalement d'usages éducatifs possibles et enrichissement par tous les établissements du réseau CNDP, voilà les idées principales qui sous-tendent Savoirs Collège à son origine.