- UNE FISCALITÉ DES TRANSMISSIONS DÉSTABILISANTE
Comme le montre le tableau précédent du poids
des impôts dans le PIB, les droits de mutation représentent 0,4%
de la valeur ajoutée française, soit davantage que pour les
partenaires européens. Les écarts sont d'ailleurs importants en
valeur relative. On passe du simple (Italie, Allemagne) au quadruple (la
France). En dépit de nombreux aménagements apportés
à la fiscalité des droits de mutation, la France reste
néanmoins l'un des pays où ces droits sont les plus
élevés. Le poids excessif des droits de mutation sur les
transmissions d'entreprises familiales est surtout imputable à la forte
progressivité du barème. A titre d'exemple, l'Allemagne applique
le taux maximum de 35% à partir d'une fraction de part nette taxable de
100 millions de deutsche-mark, alors que le même taux s'applique en
France à une part nette taxable de 5 millions de francs. Si le
coût fiscal de la transmission peut être jugé supportable
pour les transmissions d'entreprises individuelles ou de petites
sociétés, sous réserve que l'opération de
transmission soit suffisamment anticipée, la forte progressivité
du barème des droits de mutation pénalise particulièrement
les PME patrimoniales. Au poids du barème s'ajoute de plus la
fiscalisation des dividendes que l'entreprise transmise devra verser aux
héritiers pour le paiement des droits de mutation.
Le coût fiscal comparé de la transmission d'une entreprise selon
les pays peut être résumé dans les deux tableaux suivants,
qui présentent le montant des droits dans les cas d'une succession ou
d'une donation, concernant deux héritiers en ligne directe. Il est fait
l'hypothèse que la valeur de l'entreprise est de 15 millions de francs,
pour un chiffre d'affaires de 50 millions de francs, et un résultat
net courant de 1,5 million de francs. La plupart des pays ont adopté des
modalités de paiement différé des droits de mutation.
En France, le paiement des droits de mutation peut être
différé pendant une période de 5 ans, puis
étalé sur une période de 10 ans, moyennant un taux
d'intérêt de l'ordre de 4,5%.
|
France |
Allemagne |
Royaume-Uni |
Belgique |
Italie |
Droits de
succession
|
5 MF
|
1,7 MF
|
2,4 MF
|
3,1 MF
|
2,5 MF
|
Ainsi les droits de mutation pour une succession sont trois fois plus
élevés en France qu'en Allemagne, et près de deux fois
plus élevés qu'au Royaume-Uni ou qu'en Italie. Par rapport
à l'Allemagne, les droits de mutation concernant les donations sont 50%
plus élevés. Mais au Royaume-Uni ou en Belgique, les
transmissions préparées via une donation sont en fait
pratiquement exonérées, sous réserve d'être
suffisamment anticipées.
Les conséquences de ces différences fiscales sur l'emploi, la
structure du tissu d'entreprises et sur la richesse du pays sont difficilement
évaluables. Nous rappelons quelques constatations. Ainsi le poids de
droits de mutation entraîne fréquemment une perte de
contrôle des actionnaires familiaux, avec le risque de
délocalisation à l'étranger de certains centres de
décision. Cette situation concourt notamment à expliquer la
relative faiblesse du nombre des entreprises moyennes indépendantes par
rapport à l'Allemagne. De plus lorsque l'entreprise est en situation
fragile, il est à craindre que ce choc des droits de mutation
entraîne quelques dépôts de bilan.