- UN MANQUE DE LISIBILITÉ DE LA FISCALITÉ EN FRANCE
Le tableau suivant présente une comparaison du poids (en % du PIB) de quelques types d'impôts spécifiques à la charge des entreprises, pour les grands pays européens.
Importance comparée de quelques impôts
spécifiques
(1995 en % du PIB)
|
France |
Allemagne |
Royaume-Uni |
Italie |
Pays-Bas |
Impôt foncier
|
0,4
|
0,2
|
1,8
|
0,8
|
0,6
|
Source : OCDE - REXECODE
La lecture de ce tableau montre que l'impôt sur les
sociétés était plutôt faible en France en 1995
(c'est-à-dire avant les surimpositions décidées en 1996 et
en 1997). En revanche les autres impôts étaient
élevés en France. Avec 3,2% du PIB ce poids est sensiblement plus
élevé que celui des autres pays européens. Ce niveau
élevé est inquiétant à deux titres. D'une part
parce qu'il pèse sur la rentabilité des entreprises et d'autre
part parce qu'il donne de la fiscalité française une image de
complexité importante. Or une lecture difficile de l'environnement
économique rend les investisseurs prudents dans leur comportement. Les
responsables d'entreprises que nous avons rencontrés ont insisté
sur le fait que la France a une fiscalité complexe propre à
affecter la localisation des firmes.
Nous allons préciser maintenant ces mesures fiscales qui pèsent
sur les implantations d'activités en France. Dans le cadre de notre
mission, il ne nous était pas possible d'examiner l'ensemble de la
fiscalité des entreprises françaises et européennes.
Néanmoins à partir de nos entretiens et de la lecture d'articles
ayant trait à la fiscalité comparée des entreprises
européennes, il nous est apparu qu'un certain nombre de dispositions
fiscales françaises semblaient peser particulièrement sur
l'attractivité de notre territoire. Compte tenu de nos objectifs, le
travail que nous présentons ici ne vise pas à
l'exhaustivité, mais donne simplement quelques pistes possibles de
réflexion.
Investir, c'est prendre un pari sur l'avenir. L'entreprise évitera de
s'engager si l'avenir paraît trop incertain. Tout élément
qui contribue à accroître l'incertitude décourage
l'investisseur. Lorsqu'il s'agit d'établir le plan financier d'un
projet, il est classique d'ajouter au coût du capital un facteur
représentatif du risque (prime de risque) qui regroupe le risque
politique, économique et technologique du pays et du risque
intrinsèque du projet. L'investissement n'est retenu que si la
rentabilité attendue est supérieure à la somme des
coûts précédents. Un défaut de la fiscalité
française semble être qu'elle est perçue par les
entrepreneurs comme trop incertaine, essentiellement pour deux raisons :
- d'une part parce que la multiplicité des « autres taxes »
donne une idée imprécise du poids exact de la fiscalité,
- d'autre part, et cela semble tout particulièrement important, en
raison du manque de stabilité fiscale. Il n'est pas possible de
contracter avec une entité politique, contrairement à ce qui ce
passe aux Etats-Unis et un impôt peut du jour au lendemain fortement
évoluer. Les hausses à répétition (avec un effet
quasiment rétroactif) de l'impôt sur les sociétés
sont à cet égard particulièrement pénalisantes. Ce
n'est pas seulement la hausse qui est critiquée, mais aussi le fait que
les règles du jeu peuvent changer à chaque instant.
Au total l'accroissement de l'incertitude fiscale pèse en France sur la
localisation d'implantation, et de façon plus générale,
sur le niveau d'investissement. Pour illustrer cela, prenons un exemple simple.
Soit un investisseur dont la prime de risque politique, économique et
technologique est de 10% et le coût du capital est de 5% (taux
d'intérêt, fiscalité,...) par an. Il choisira d'investir
dans un projet français lorsque la rentabilité attendue est
supérieure à 15%. Si dans ce pays le gouvernement décide
de relever la pression fiscale des entreprises de 2 points, au titre d'une
stabilisation macro-économique, quel sera le comportement des
investisseurs ? Plusieurs cas peuvent se produire. On peut supposer par exemple
que du fait de la crédibilité du gouvernement, la prime de risque
va baisser de 3 points, les investisseurs ont confiance en la
possibilité du gouvernement de stabiliser l'économie. Par suite,
le coût du capital progresse de 2 points pour atteindre 7%, mais la prime
de risque descend à 7%. Au total le niveau de rentabilité
escompté pour investir baisse de 1 point, pour passer de 15% à
14%. Dans ce cas, malgré une hausse de la pression fiscale, les
investissements directs étrangers reçus par le pays devraient
s'accroître. Le cas inverse est aussi envisageable, à savoir une
hausse de la fiscalité et une augmentation de la prime de risque si le
gouvernement accroît les impôts, c'est qu'il ne parvient plus
à contrôler ses dépenses, il devient alors plus
risqué d'investir dans ce pays. Dans ce cas les investisseurs fuiront.
Cet exemple montre que les paramètres de la politique fiscale qui
comportent une dimension de crédibilité et de stabilité,
sont essentiels pour permettre le développement de l'investissement.
D'autres économistes ont insisté sur ce point. Ainsi P.A. Muet et
S. Avouyi-Dovi écrivaient-ils en conclusion de leur article
intitulé
L'effet des incitations fiscales sur l'investissement (1993)
« Il est certainement plus pertinent de réserver des
incitations fiscales à des politiques structurelles (favoriser des
économies d'énergie ou le développement de secteurs de
pointe, par exemple) plutôt que de les appliquer de façons
indifférenciées. Par ailleurs la comparaison de l'incidence
respective des différents facteurs du coût du capital confirme que
les incitations sont d'autant plus efficaces qu'elles sont simples et que leurs
conséquences sont clairement perçues par les entreprises. »