N° 14
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 2 octobre 1997
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la délégation du Sénat pour l'Union
européenne (1),
sur
le Traité d'Amsterdam,
Par M. Christian de LA MALÈNE,
Sénateur.
(1) Cette délégation est composée de
: MM. Jacques Genton,
président
; James Bordas, Michel
Caldaguès, Claude Estier, Pierre Fauchon,
vice-présidents
; Nicolas About, Jacques Habert, Emmanuel Hamel, Paul Loridant,
secrétaires
; Robert Badinter, Denis Badré, Mme
Danielle Bidard-Reydet, MM. Gérard Delfau, Charles Descours, Mme
Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Ambroise Dupont,
Jean-Paul Emorine, Philippe François, Jean François-Poncet, Yann
Gaillard, Pierre Lagourgue, Christian de La Malène, Lucien
Lanier, Paul Masson, Daniel Millaud, Georges Othily, Jacques Oudin, Mme
Danièle Pourtaud, MM. Jacques Rocca Serra, Louis-Ferdinand de Rocca
Serra, André Rouvière, René Trégouët, Marcel
Vidal, Robert-Paul Vigouroux, Xavier de Villepin.
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le traité d'Amsterdam clôt un cycle de
négociations qui, préparé par les travaux du " groupe
Westendorp ", s'est poursuivi sous trois présidences successives de
l'Union. Ces négociations ont été suivies de près
par les Parlements nationaux comme par le Parlement européen. La
délégation du Sénat pour l'Union européenne a ainsi
consacré, depuis décembre 1994, dix rapports d'information
à la Conférence intergouvernementale. Elle a entendu chaque mois
à ce sujet le ministre des Affaires européennes.
Le moment est venu de prendre la mesure des résultats des
négociations, dans l'optique du débat de ratification qui
pourrait se dérouler au printemps 1998.
Le présent rapport s'efforce, dans un premier temps, de
présenter de manière synthétique les principaux aspects du
traité. Puis il propose des éléments
d'appréciation, sans pour autant avancer une conclusion d'ensemble.
Enfin, une annexe examine le problème de la conformité de ce
texte à la Constitution.
I. LES PRINCIPAUX ASPECTS DU TRAITE
A. LES QUESTIONS INSTITUTIONNELLES
1. Le fonctionnement des institutions
a) Le Parlement européen
·
La procédure de codécision entre le
Parlement et le Conseil est étendue à de nouvelles
matières
. Elle couvre désormais la plupart des domaines
où le Conseil statue à la majorité qualifiée
(à l'exception de la politique agricole commune et de la politique
commerciale commune) ; elle a également été retenue
pour quelques sujets où le Conseil continue de décider à
l'unanimité (libre circulation des citoyens de l'Union, accès aux
professions non salariées, sécurité sociale des
travailleurs migrants). Les principaux domaines auxquels est étendue la
procédure de codécision sont les suivants : la majeure partie des
dispositions de la politique sociale et de la politique de l'emploi ; la libre
circulation des citoyens de l'Union ; la santé publique ; le droit
d'établissement ; la politique des transports ; la formation
professionnelle ; certains aspects de la politique régionale ; la
recherche ; l'environnement ; les réseaux
transeuropéens ; la coopération au
développement...
(1(
*
))
.
· Par ailleurs,
cette procédure est modifiée
. Si un
accord n'est pas intervenu après deux lectures par chaque institution,
un comité de conciliation est convoqué. En cas d'échec de
la conciliation ou de rejet par le Conseil ou le Parlement européen de
l'accord intervenu, le texte est réputé non adopté. Ainsi,
le Parlement et le Conseil sont désormais placés strictement
à égalité
; selon les dispositions
antérieures, le Conseil avait, en cas de désaccord persistant, la
faculté d'adopter le texte en discussion par une ultime lecture :
certes, le Parlement européen pouvait alors rejeter à la
majorité absolue de ses membres le texte ainsi adopté, mais dans
ce cas, il portait seul la responsabilité de l'échec de la
procédure.
·
La désignation du président de la Commission
européenne
est désormais soumise, séparément,
à l'approbation du Parlement européen (qui, dans un second vote,
approuve ensuite la composition du collège des commissaires).
· Le nombre des membres du Parlement européen est plafonné
à 700 membres dans la perspective de l'élargissement.
· Le Parlement reçoit le pouvoir de définir, en accord avec
le Conseil, "
le statut et les
conditions
générales d'exercice des fonctions de ses membres
". Un
protocole confirme qu'il siège à Strasbourg pour ses douze
sessions plénières mensuelles ; les réunions de commission
ainsi que les sessions plénières additionnelles continuent
à se tenir à Bruxelles et les services du Parlement restent
installés à Luxembourg.
b) Le Conseil (2( * ))
·
La décision à la majorité
qualifiée s'applique à de nouveaux domaines
: les principales
dispositions de la politique sociale ; la politique de l'emploi ; la
santé publique ; la lutte anti-fraude ; le programme cadre de
recherche...
(3(
*
))
· Le Conseil détermine les cas dans lesquels il doit être
considéré comme agissant en sa qualité de
législateur ; dans ces cas, les résultats et les explications des
votes, ainsi que les déclarations inscrites au procès-verbal,
sont rendus publics.
· S'agissant de la
pondération des votes au Conseil
, il est
prévu dans un protocole annexé que, lorsque l'Union comptera de
seize à vingt membres, la pondération actuelle devra normalement
être modifiée par la mise en place, soit d'une nouvelle
pondération, soit d'un système de double majorité. Le
protocole ne rend pas obligatoire cette modification, mais il en fait une
condition du changement de la composition de la Commission qui, toujours dans
l'hypothèse d'une Union de 16 à 20 membres, devrait en principe
comprendre un commissaire par Etat membre : en l'absence d'une révision
du système de pondération, les " grands " Etats
garderaient donc un second commissaire.
c) La Commission
· La question de la composition de la Commission
européenne est réglée par le protocole qui vient
d'être évoqué.
· La Commission est placée plus nettement sous l'autorité
de son président ; elle doit remplir sa mission "
dans le
respect des orientations politiques
" définies par ce dernier.
·
Le contrôle politique du Parlement européen sur la
Commission est renforcé par un mécanisme de " double
investiture "
: le Parlement investit tout d'abord le président
de la Commission, puis il investit la Commission en tant que collège,
après audition de chacun des membres pressentis.
d) La Cour de justice
La composition, l'organisation et le fonctionnement de la
Cour
demeurent inchangés. En revanche,
ses attributions sont
étendues
:
- elle est désormais explicitement compétente pour
vérifier que les actes communautaires respectent les droits fondamentaux
tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne des droits de
l'homme et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles des
Etats membres.
- sa compétence est par ailleurs étendue, sous réserve de
certaines adaptations, aux matières transférées du
troisième vers le premier pilier :
visas, asile, immigration et
autres politiques liées à la libre circulation des personnes
.
- enfin, la Cour de justice reçoit
des compétences accrues
à l'égard du troisième pilier " maintenu "
:
un Etat membre ou la Commission peut lui adresser un recours en annulation
d'une "
décision-cadre
" ou d'une
"
décision
" ; elle peut être appelée
à statuer sur les différends entre Etats membres concernant
l'interprétation de l'ensemble des actes relevant du troisième
pilier, et sur les différends entre un ou plusieurs Etats membres et la
Commission concernant spécifiquement l'interprétation des
conventions établies dans le cadre de ce même pilier ; enfin,
chaque Etat membre peut lui reconnaître une compétence pour
statuer à titre préjudiciel sur la validité et
l'interprétation des différentes catégories d'actes
relevant du troisième pilier.
e) L'application du principe de subsidiarité
La subsidiarité fait l'objet d'un protocole qui confirme, tout en les précisant, les conclusions du Conseil européen d'Edimbourg (décembre 1992) et les dispositions de l'accord interinstitutionnel d'octobre 1993 entre le Parlement européen, la Commission et le Conseil.
f) Les Parlements nationaux
Les Parlements nationaux sont évoqués dans un
protocole comprenant deux principaux aspects :
- un délai de six semaines devra être normalement observé
entre la présentation officielle d'une proposition législative
par la Commission européenne et son inscription à l'ordre du jour
du Conseil ;
- la COSAC est officialisée ; elle peut "
soumettre toute
contribution
" à l'attention des institutions de l'Union,
particulièrement en ce qui concerne le troisième pilier, la
subsidiarité et les questions relatives aux droits fondamentaux.
g) La " comitologie "
Le traité d'Amsterdam ne contient pas de nouvelle disposition dans ce domaine. Toutefois, une déclaration invite la Commission à présenter, avant la fin de 1998, une proposition relative aux modalités de l'exercice des compétences d'exécution qui lui sont conférées.
h) Les coopérations renforcées
Le dispositif retenu prend la forme, d'une part, d'une clause
générale, et d'autre part, de clauses spécifiques
adaptées respectivement aux premier et troisième piliers (pour le
deuxième pilier, c'est la formule de "
l'abstention
constructive
" qui a été retenue).
La clause générale
précise notamment qu'une
coopération renforcée doit être lancée par au moins
une majorité d'Etats membres, ne doit être utilisée qu'en
dernier ressort, et rester ouverte à tous les Etats membres.
Les dispositions institutionnelles des traités s'appliquent sous deux
réserves :
- au sein du Conseil, seuls les représentants des Etats participant
à la coopération renforcée prennent part aux votes ;
- les dépenses sont à la charge des Etats participants.
Le Parlement et la Commission jouent leur rôle avec la totalité de
leurs membres.
· La clause propre au
premier pilier
précise notamment
qu'une coopération renforcée concernant ce pilier ne peut
être lancée qu'avec l'accord de la Commission européenne.
L'autorisation est en principe accordée par le Conseil à la
majorité qualifiée, mais si un Etat membre s'y oppose
"
pour des raisons de politique nationale
importantes
", il
n'est pas procédé au vote (la question peut alors être
renvoyée au Conseil européen en vue d'une décision
à l'unanimité). Lorsqu'un Etat souhaite se joindre à une
coopération renforcée déjà engagée, c'est la
Commission qui décide des suites à donner à sa demande.
· La clause propre au
troisième pilier
précise que,
dans le cas de ce pilier, l'autorisation de lancer une coopération
renforcée est accordée par le Conseil après avis de la
Commission. La décision est prise à la majorité
qualifiée, mais, comme dans le cas du premier pilier, un Etat membre
peut s'y opposer en invoquant "
des raisons de politique nationale
importantes
". Lorsqu'un Etat souhaite se joindre à une
coopération renforcée, sa demande est réputée
approuvée à l'expiration d'un délai de quatre mois sauf
si, dans ce délai, les Etats participants ont décidé
à la majorité qualifiée de la "
tenir en
suspens
".
· La Cour de Justice est compétente, dans tous les cas, pour
vérifier si les coopérations renforcées respectent les
compétences et les objectifs de la Communauté et de l'Union ;
elle est également compétente pour contrôler le respect des
conditions de lancement des coopérations renforcées et des
procédures permettant aux autres Etats membres de s'y joindre
ultérieurement.