C. PRODUCTIVITÉ ET EMPLOI
La plupart des prévisions et diagnostics à moyen
terme soulignent la poursuite du ralentissement tendanciel de la
productivité du travail
.
Ce phénomène mérite quelques clarifications. Il
soulève en effet deux questions :
- Quelle est la réalité de cette évolution et quelles en
sont les causes ?
- Quelles sont ses conséquences macroéconomiques ?
La réponse à la première question nécessite un
rappel historique :
· Le taux de croissance moyen sur la période 1963-1973
(5,1 % par an en France) et celui de la productivité du travail
(4,4 % par an) ont été divisés par deux environ
après le premier choc pétrolier (sur la période
1973-1990). Cette évolution,
commune
à la plupart des pays
développés, suscite généralement deux types
d'explication :
- le ralentissement du
progrès technique
, explicable
alternativement ou cumulativement par l'achèvement du
rattrapage
technologique de l'économie américaine par les autres pays
industrialisés, par les délais nécessaires à la
" mise au point " des nouvelles technologies de
l'information, et par
le
plafonnement de l'effort de recherche-développement
dans les
pays les plus avancés ;
- le
ralentissement de la demande
, qui réduit les perspectives de
débouchés et l'investissement, lequel est un
élément déterminant de la productivité :
l'accumulation du capital permet à la fois d'incorporer du
progrès technique dans le processus de production et de substituer du
capital au travail (donc d'augmenter la productivité).
· Les statistiques récentes font apparaître en France un
nouveau ralentissement de la productivité du travail
depuis 1990.
La productivité par tête n'a en effet progressé que de
1,5 % par an entre 1990 et 1995, contre 2,3 % entre 1974 et 1989.
Seule la Belgique aurait connu une évolution de même ampleur. Dans
le même temps, la productivité américaine s'est
redressée : l'écart avec la France, de près de 2 % en
moyenne entre 1974 et 1989, est tombé en dessous de 0,4 % sur la
période récente.
Ce ralentissement de la productivité est intervenu dans le secteur
tertiaire, et plus particulièrement dans les branches (commerce et
services aux entreprises) qui connaissaient précédemment une
évolution particulièrement forte par rapport à nos
partenaires (et qui expliqueraient une certaine spécificité
française de faible contenu en emplois de la production de services).
· Deux raisons pourraient expliquer ce nouveau ralentissement de la
productivité du travail :
- Nombre de calculs économétriques, mesurant les effets d'une
baisse du
coût du travail non qualifié
par un
allégement des cotisations sociales employeurs, mettent en
évidence un lien significatif entre coût du travail et emploi pour
certains segments du marché du travail, situés dans les services.
Or le coût du travail non qualifié a été notablement
allégé
depuis 1993, que ce soit par le biais de mesures
générales (exonération de cotisations à la branche
famille et ristourne dégressive, exonérations pour le travail
à temps partiel ou le premier emploi, etc.) ou de mesures
spécifiques (contrat initiative-emploi, " exo-jeunes ",
etc...). Celles-ci ont coûté à l'Etat en 1996, près
de 85 milliards de francs (soit une augmentation de 35 milliards
entre 1992 et 1995). Cet allégement du coût du travail pourrait
être à l'origine de l'enrichissement du contenu en emplois de la
croissance : c'est l'hypothèse privilégiée notamment par
l'INSEE
15(
*
)
.
- Si l'on prend correctement en compte l'évolution de la
durée
du travail
, et notamment l'impact du développement du
temps
partiel
, l'évolution de l'emploi depuis trois ans n'apparaît
pas en rupture par rapport aux tendances antérieures : le ralentissement
de la croissance de la productivité apparente du travail s'expliquerait
par la baisse de la durée du travail, particulièrement importante
en 1993 (cf. tableau ci-dessous). C'est l'explication notamment avancée
par le Ministère du Travail.
DURÉE DU TRAVAIL, PRODUCTIVITÉ ET EMPLOI
(Evolutions annuelles moyennes en %)
|
Durée du travail |
Productivité horaire |
Productivité par tête |
PIBmna(1) |
Emploi |
Emploi salarié |
1990
|
- 0,1
|
1,0
|
0,9
|
2,7
|
1,8
|
2,1
|
1990-1995 |
- 0,4 |
1,9 |
1,5 |
1,2 |
- 0,5 |
- 0,1 |
(1) Produit intérieur brut du secteur marchand non
agricole.
· Les projections et prévisions à moyen terme, dont votre
Rapporteur a présenté ci-dessus les résultats, retiennent
toutes l'hypothèse d'une poursuite du ralentissement de
l'évolution de la productivité apparente du travail.