L'accroissement des pressions concurrentielles
Comme on a pu le constater, les réformes mises en place reposaient sur un maître mot : la concurrence. Celle-ci était à la fois interne (les établissements français entre eux), externe (avec les compétiteurs européens et internationaux) et structurelle (concurrence entre le crédit bancaire classique et le financement sur les marchés financiers). Elle aurait dû entraîner des ajustements.
La concurrence structurelle des marchés financiers
La marchéisation de l'économie a sans doute
été le phénomène le plus spectaculaire des
transformations induites par les réformes de la décennie 80.
Surtout, elle a contribué à inverser durablement les rapports
entre les banques et les entreprises au profit des secondes.
La création d'un marché du refinancement à court terme
ouvert aux entreprises a effectivement donné à celles-ci la
possibilité de ne plus s'adresser systématiquement à un
établissement de crédit pour obtenir des fonds à moins de
sept ans ou pour gérer leurs risques de taux d'intérêt ou
de change. En outre, les entreprises ont développé leurs
fonctions financières (placements financiers, gestion de
trésorerie, opérations de haut de bilan) pour exploiter au mieux
la gamme des produits financiers offerts. Pour les plus grandes d'entre elles,
des structures
ad hoc
ont même été
créées, allant parfois jusqu'à la création de
banques de groupe.
Le marché des billets de trésorerie a attiré les plus
grandes entreprises françaises, donc souvent les moins risquées,
qui avaient la surface financière suffisante pour émettre en
continu. Mécaniquement, ces "
très bonnes signatures
" ont
eu moins recours aux banques qui ont vu ainsi s'échapper leurs meilleurs
clients, en termes de volume d'activité et de risque.
Le taux d'intermédiation financière calculé sur les flux
par le Conseil national du crédit a connu une décroissance
spectaculaire puisqu'il est passé de 58 % en 1984 à 2 % en 1993.
Ce taux mesure le rapport entre les flux de crédit des
établissements résidents et le total des flux de financement.
La Commission bancaire fait toutefois observer que si le nouveau cadre
financier donne à des emprunteurs importants, le choix entre un
financement direct et un financement intermédié, le premier
relève néanmoins en grande partie des banques, qui, en
acquérant des titres, continuent de financer les agents
économiques. En d'autres termes, les titres se substituent aux
crédits, mais les emplois bancaires, donc les concours à
l'économie s'accroissent. Si l'on retient une approche en termes d'offre
de financement, la part des établissements de crédit est
passée de 66,9 % en 1984 à 22,6 % en 1993. Ainsi, la chute du
taux d'intermédiation entre 1984 et 1993 occulte un quadruplement du
portefeuille-titres sur la période et une augmentation de 38 % des
crédits sur le territoire métropolitain.
Cette observation corrobore le développement des activités de
marché des banques que nous avons observé dans la première
partie de ce rapport (voir
supra
chapitre I, première partie).