Banques: votre santé nous intéresse


Alain Lambert


Commission des Finances - Rapport 52 - 1996 / 1997

Table des matières






AVANT-PROPOS

La commission des finances du Sénat a décidé, le 17 janvier 1996, de créer, en son sein, un groupe de travail chargé d'étudier la situation et les perspectives du système bancaire français.

Ce groupe de travail, composé de Mme Maryse BERGÉ-LAVIGNE et de MM. Claude BELOT, Jacques CHAUMONT, Henri COLLARD, Yann GAILLARD, Jean-Philippe LACHENAUD, Paul LORIDANT, Philippe MARINI, Jean-Pierre MASSERET, Alain RICHARD, et François TRUCY a été présidé par M. Alain LAMBERT, rapporteur général.

Le présent rapport est le fruit des travaux de ce groupe. Il a pour vocation d'éclairer la Haute Assemblée sur l'origine des difficultés traversées par ce secteur déterminant de l'économie nationale et de formuler un ensemble de propositions destinées à en améliorer la situation.

En mettant l'accent sur l'analyse des causes structurelles de la crise du secteur bancaire français, ce rapport se veut complémentaire du rapport d'information déposé le 27 juin dernier par M. Philippe Auberger, au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale, sur le " contrôle des banques et la protection des déposants " 1( * ) .

Le groupe de travail a procédé à l'audition des personnalités représentatives des grandes institutions et des autorités de place concernées, ainsi que d'un grand nombre de représentants d'organisations professionnelles et syndicales. La liste des personnes auditionnées et le compte rendu de ces auditions figurent en annexe au présent rapport.

Le Commissariat général au plan et le Conseil de la concurrence, saisi sur le fondement de l'article 5 de l'ordonnance du 12 janvier 1986, ont apporté une contribution majeure à la réflexion du groupe de travail au travers respectivement d'un rapport relatif au " système bancaire français " et d'un avis sur les " distorsions de concurrence ", reproduits intégralement en annexe au présent rapport.

Les contributions écrites des services financiers de nos ambassades de Rome , de Londres et de Bonn ont également été d'une grande utilité. Elles ont apporté l'indispensable éclairage, venu de l'étranger, sur les spécificités du secteur bancaire en France.

Les services de la Commission bancaire ont enfin contribué à étayer l'analyse chiffrée figurant en première partie de ce rapport. Une telle analyse, dont le champ d'application porte sur l'ensemble du secteur bancaire pour la période 1988-1995, n'avait jusqu'à présent pas encore été réalisée.

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Après y avoir consacré un long examen, la commission des finances a adopté le mercredi 30 octobre 1996 les conclusions du présent rapport d'information et autorisé sa publication. Certains de ses commissaires ont souhaité voir publiées leurs appréciations spécifiques. Ces contributions, ainsi que le compte rendu des débats en commission, sont consignés dans le présent document.

INTRODUCTION

Incapable de s'assurer une rentabilité suffisante sur le marché domestique, le secteur bancaire français, pris dans son ensemble, ne dispose pas des fonds propres nécessaires à l'affirmation de sa présence sur les marchés tiers, aux prises de participation dans un secteur bancaire mondial qui se reconfigure ou encore aux investissements justifiés par les bouleversements de la sphère financière. Un grand pays comme la France, soumis aux défis de la monnaie unique et de la mondialisation des échanges , se doit de réagir sous peine de perdre son rang.

Si notre pays est une grande puissance économique, c'est aussi une vieille Nation qui cultive un héritage culturel spécifique. La relation qu'il entretient avec son système bancaire est une relation ambiguë, dont il convient de prendre la mesure avant de préconiser des solutions.

Cet héritage possède plusieurs composantes spécifiques :

· l'existence d'un secteur mutualiste et coopératif puissant ;

· l'exigence d'une contribution du secteur financier à l'aménagement du territoire ;

· la volonté de maintenir, pour les moins favorisés de nos concitoyens, l'accès à des services bancaires de qualité ;

· la large part prise par les fonctionnaires de l'administration des finances dans la gestion des banques ;

· la méfiance manifestée à l'endroit des dirigeants bancaires, à la suite de nombreuses fautes de gestion (crise immobilière notamment) dont le contribuable est souvent appelé à payer les conséquences.

C'est en tenant compte de cet héritage que le groupe de travail de la commission des finances du Sénat propose un ensemble de mesures propres à redynamiser un secteur bancaire, dont il convient encore de souligner l'importance stratégique.

Le marché bancaire est un marché unique sur lequel il peut y avoir pluralité d'acteurs, mais sur lequel il doit y avoir égalité des conditions de concurrence. Cette égalité des conditions doit être appréciée, le cas échéant, au regard des missions de service public, clairement définies et financées, que l'Etat peut vouloir imposer au secteur bancaire en général, ou à tel établissement en particulier.

De ce point de vue, il existe actuellement des distorsions de concurrence dont la réalité ne fait plus de doute. Mais ces distorsions n'expliquent pas la crise du secteur bancaire français, pris dans son ensemble.

Cette crise tient en effet à des causes structurelles anciennes et profondes que le présent rapport s'attache à mettre en évidence . Les contributions de toutes natures dont le groupe de travail a souhaité disposer ont orienté et conforté son analyse sur ce point fondamental.

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CHAPITRE I

UNE SITUATION DIFFICILE MAIS CONTRASTÉE

La simple observation du système bancaire français appelle trois constatations :

1. Le système bancaire vient de traverser une crise d'une ampleur sans précédent qui, contrairement aux apparences, n'est pas achevée.

2. Notre pays n'est pas le seul à avoir connu une telle situation. Mais il est le seul dans lequel la crise bancaire ne s'est traduite ni par une réduction du nombre des acteurs, ni par des licenciements significatifs, ni même par une réduction des moyens mis en oeuvre par les établissements de crédit.

3. Tous les établissements de crédit n'ont pas traversé la crise de la même manière. La crise s'est accompagnée d'une importante redistribution des cartes entre les différents types de réseaux.

UNE CRISE D'UNE AMPLEUR SANS PRÉCÉDENT, QUI PRODUIT ENCORE SES EFFETS

Le système bancaire français vient de connaître la crise la plus grave depuis la seconde guerre mondiale. Cette crise, qui a atteint son paroxysme en 1994, s'est traduite par une baisse en valeur absolue du produit net bancaire et du résultat net d'exploitation. De tels phénomènes n'avaient jamais été observés depuis que les statistiques bancaires existent. Depuis, la situation s'est améliorée et pourrait laisser penser que la crise est derrière nous. Malheureusement, les comparaisons internationales montrent la sous rentabilité chronique de notre système bancaire et les conséquences importantes qui en résultent.

UNE CRISE D'UNE AMPLEUR SANS PRÉCÉDENT...

La crise a été d'une ampleur sans précédent et s'est traduite non seulement par une diminution en valeur du produit net bancaire mais aussi par des pertes record pour l'ensemble du système bancaire.

On peut appréhender la mesure du phénomène au travers des indicateurs d'activité et de résultat.

Les indicateurs d'activité

Comme le montre le tableau ci-après, la situation globale cumulée des établissements de crédit (la somme des bilans de l'ensemble des établissements de crédit, pour l'ensemble de leurs activités en France et à l'étranger) a connu un double ralentissement pendant les années 1991 et 1994.

Une analyse plus fine des principaux postes de bilan fait apparaître de façon claire que le ralentissement de la croissance des activités bancaires résulte principalement de la diminution des opérations bancaires (crédits à la clientèle) et interbancaires, alors que, dans le même temps, les opérations de marché ont connu une croissance très forte.

Encore faut-il observer que la progression apparente des crédits à la clientèle observée en 1995 s'explique par l'impact sur les encours de crédit de certaines opérations de défaisance, qui génèrent un double comptage à hauteur d'environ 123 milliards de francs. Si l'on neutralise cet effet, la progression apparente des encours de crédit fait place à une légère contraction (- 0,2 %).

Globalement, la demande de crédit des entreprises est restée faible, ces dernières ayant continué à dégager une forte capacité d'autofinancement (environ 105 à 115 %). La progression d'un point du taux d'épargne des ménages en 1995 , à un niveau élevé, a continué à peser sur leur demande de crédit, notamment en ce qui concerne les crédits immobiliers. Même l'évolution des opérations de marché commence à connaître une certaine stagnation après plusieurs années de vive croissance, imputable essentiellement à la diminution des opérations sur produits dérivés à la suite d'un ralentissement à la demande de la part des utilisateurs non bancaires.

Par ailleurs, l'augmentation de la collecte des dépôts depuis le début des années 1990 résulte quant à elle de la vive progression de l'épargne administrée, dont les encours ont augmenté chaque année beaucoup plus vite que la moyenne (+11,9 % en 1995).

Cette diminution de l'activité s'est traduite, jusqu'en 1995, par une forte augmentation des provisions et par une détérioration du taux de couverture des créances douteuses. Le rapport moyen des fonds propres comptables au total de la situation s'est également dégradé.

Les indicateurs de rentabilité

Il existe plusieurs façons d'apprécier et de mesurer la rentabilité bancaire (voir encadré ci-après).

S'agissant du cas particulier de la France, cette mesure est rendue difficile par les changements de méthodologie comptable intervenus depuis 1990 et, notamment, par la réforme de la collecte des informations comptables (BAFI) entrée en vigueur au 1 er janvier 1993, qui introduit une rupture dans les séries statistiques (voir tableaux ci-après).

On observera qu'il n'existe pas d'analyse globale sur les résultats des établissements de crédit depuis dix ans. La seule étude d'envergure dont on ait connaissance a été réalisée par la Commission bancaire 2( * ) , mais ne porte que sur les seules banques AFB.

L'analyse qui suit a été effectuée à partir des Analyses comparatives (volumes 1 et 2) produites par la Commission bancaire depuis 1988. Il en va de même des tableaux décomposant les différents soldes de gestion établis dans la suite du présent rapport.

Les résultats

L'analyse des résultats d'ensemble des établissements de crédit fait apparaître un fort ralentissement, voire une diminution du produit net bancaire. Face à cette évolution, la stabilisation des frais généraux ne suffit pas à éviter la chute du résultat d'exploitation et plus encore du résultat net.

Le ralentissement de la croissance du produit net bancaire

Le taux d'augmentation du produit net bancaire est passé de 7,7 % en 1988 à 3,5 % en 1995, après avoir connu " pour la première fois que les statistiques sur les résultats bancaires sont calculées " 3( * ) une diminution nette de 7,7 % en 1994. Même si l'on neutralise les effets du changement de méthode comptable, cette diminution demeure de l'ordre de 4,6 %.

DÉFINITION ET MESURE DE LA RENTABILITÉ BANCAIRE

Les différentes approches de la rentabilité bancaire

La rentabilité d'un établissement de crédit représente son aptitude à dégager de son exploitation des gains suffisants, après déduction des coûts nécessaires à cette exploitation, pour poursuivre durablement son activité. Il existe plusieurs façons d'apprécier la rentabilité bancaire, selon l'objectif poursuivi.

Pour les actionnaires , le rapport du résultat net aux fonds propres ( coefficient de rentabilité ou return on equity ROE ) met en évidence le rendement de leur investissement. Cette vision peut s'accommoder d'une sous-capitalisation structurelle des établissements, un bon coefficient de rentabilité pouvant provenir d'un faible niveau de fonds propres.

Les analystes extérieurs , notamment les contreparties des établissements de crédit, prennent également en compte les autres aspects de la structure financière et en particulier, le coefficient de rendement ou return on assets (ROA) . L'inconvénient de cette approche est qu'elle place tous les actifs sur un même plan, alors que leurs risques sont différents et qu'elle néglige les activités de hors-bilan qui se sont fort développées au cours des dernières années.

C'est pourquoi, les autorités prudentielles utilisent plusieurs de ces instruments d'appréciation de la rentabilité. C'est l'éclairage d'ensemble qui résulte de leur analyse qui permet de dégager une opinion sur la rentabilité d'un établissement.

Pour une étude plus approfondie de la mesure de la rentabilité bancaire, le lecteur intéressé pourra se reporter utilement aux travaux de la Commission bancaire présentés dans son rapport pour 1995 (p. 183 et suivantes).

Les instruments d'analyse de la rentabilité

* Les soldes intermédiaires de gestion


L'équilibre rentabilité/risque ne peut pas toujours être apprécié par le seul examen du résultat net, qui est un solde intégrant parfois des produits ou charges non récurrents qui peuvent masquer la structure de la rentabilité des établissements. C'est pourquoi l'analyse de celle-ci passe par la mise en évidence de soldes intermédiaires de gestion qui permettent d'identifier les éléments ayant concouru à l'obtention du résultat final.

- Le produit net bancaire (PNB) est calculé par différence entre les produits bancaires et les charges bancaires (activité de prêt et d'emprunt ; opérations sur titres, change, marchés dérivés,...). Il mesure la contribution spécifique des banques à l'augmentation de la richesse nationale et peut en cela être rapproché de la valeur ajoutée dégagée par les entreprises non financières. Depuis 1993, le calcul du PNB intègre les dotations ou reprises de provisions sur titres de placement. En revanche, les intérêts sur créances douteuses en sont désormais déduits.

- Le produit global d'exploitation (PGE), calculé depuis 1993, est un solde intermédiaire qui ajoute au PNB, les produits accessoires et divers, les plus-values nettes de cession sur immobilisations corporelles ou incorporelles, les plus values nettes de cession sur immobilisations financières et les dotations nettes aux provisions sur immobilisations financières.

- Le résultat brut d'exploitation (RBE) s'obtient en retranchant du PNB, majoré des produits accessoires, le volume des frais généraux et des dotations aux amortissements. Il permet d'apprécier la capacité d'un établissement de crédit à générer une marge après imputation du coût des ressources et des charges de fonctionnement.

- Le résultat d'exploitation (RE) correspond au RBE diminué des dotations nettes aux provisions d'exploitation. C'est à ce niveau que la notion de risque est prise en compte. Depuis 1993, ce solde a été remplacé par le résultat courant avant impôt.

- Le résultat net (RN) intègre, outre le résultat d'exploitation, les autres produits et charges de caractère le plus souvent exceptionnel, les dotations au fonds pour risques bancaires généraux et l'impôt sur les sociétés.

* Les coûts, rendements et marges

L'évaluation de la rentabilité est le fruit des variations de taux et de volume qu'il importe de pouvoir dissocier dans l'appréciation de la situation d'un établissement de crédit. La mesure de l'effet prix et de l'effet volume passe par l'analyse des coûts et des rendements, obtenus en rapprochant le montant des intérêts perçus et versés sur celui des prêts et des emprunts correspondants. Un calcul de marge peut dès lors être réalisé sur les différentes activités d'intermédiation (opérations avec la clientèle, opérations de trésorerie) et donner lieu en définitive à une évaluation de la marge globale d'intermédiation .

Depuis 1993, ce ratio a fait place à celui de marge bancaire globale dont la création a été motivée, d'une part, par la nécessité d'avoir un ratio prenant en compte l'ensemble de l'activité bancaire, y compris les activités de service et de hors-bilan (la distinction entre intermédiation et non intermédiation tendant à devenir plus imprécise), et, d'autre part, le souci de calculer un indicateur simple facilement utilisable dans les comparaisons internationales. Elle résulte du rapport du PGE sur le total de bilan et "l'équivalent crédit sur instruments financiers à terme".

Compte tenu du fort développement des opérations bancaires hors intermédiation (services de conseil, opérations sur marchés dérivés...) il est souhaitable de tenir compte dans l'analyse des produits et charges qu'elles génèrent et de rapporter l'ensemble des gains nets ainsi obtenus au total des fonds utilisés, qui sont constitués des fonds empruntés et des capitaux propres. Le taux ainsi calculé est un indicateur du rendement global d'un établissement de crédit. Cet indicateur est resté inchangé par la réforme de 1993.

* Les ratios d'exploitation

Plusieurs ratios peuvent être calculés afin de mettre en évidence les structures d'exploitation. Les plus utilisés sont :

- le coefficient global d'exploitation - rapport des frais généraux au PGE. Il montre de façon synthétique la part des gains réalisés qui est absorbée par les coûts fixes.

- le coefficient de rentabilité : rapport du résultat net aux fonds propres (capital, réserves et éléments assimilés, report à nouveau), autrement appelé return on equity ROE .

- le coefficient de rendement : rapport du résultat net au total du bilan, autrement appelé return on assets (ROA) .

La maîtrise des frais généraux

Les frais généraux absorbent entre 60 et 80 % du produit net bancaire. Aussi, leur évolution revêt-elle la plus grande importance dans la perspective de l'amélioration de la rentabilité. C'est ce qui explique que leur taux de progression ait été fortement limité, passant de 7,1 % en 1988 à 0,9 % en 1994. Cet effort est particulièrement sensible sur les charges de personnel qui ont légèrement diminué en 1994, ce qui est en partie imputable à la diminution des effectifs dans le secteur bancaire.

La croissance des charges générales s'est également modérée en passant de + 7 % en 1990 à 1 % en 1994. L'effort de modernisation des conditions d'exploitation est encore sensible, mais beaucoup moins qu'à la fin des années 80, au cours desquelles les dépenses en ce domaine ont été élevées.

La diminution du résultat brut d'exploitation

L'évolution du résultat brut d'exploitation a fluctué pendant les dernières années entre un maximum de 20,7 % d'augmentation en 1991 et un minimum de 25 % de décroissance en 1994. Elle suit d'assez près l'évolution du produit net bancaire.

Au vu des principaux ratios d'exploitation, les conditions d'exploitation bancaire se sont dégradées. Le coefficient net global d'exploitation qui avait diminué de 70,9 en 1990, jusqu'à 65,2 en 1993, est brutalement remonté en 1994 (il est passé selon les nouvelles méthodes comptables de 71,2 en 1993 à 76,8 en 1994). Cette dégradation des conditions d'exploitation a amputé le résultat brut d'exploitation de 1994 de près du quart.

Par ailleurs, l'importance en volume des dotations aux provisions et aux pertes sur créances irrécupérables, qui sont passées de 42,6 milliards en 1990 à 127.8 milliards en 1993, explique en grande partie l'effondrement du résultat d'exploitation qui a connu une diminution historique en 1994 (-83 %).

On notera la diminution des provisions en 1994 (-15 %) même si, calculé selon les anciennes méthodes comptables, ce chiffre serait légèrement moins important (-10 %) 4( * ) .

La contraction du résultat net

Le tableau ci-après traduit de façon assez éloquente l'ampleur de la crise traversée par le système bancaire français puisqu'on constate que le résultat net de l'ensemble des établissements de crédit, qui était de 40,2 milliards de francs en 1988 est devenu négatif en 1994 à hauteur de 11 milliards.

La récente amélioration de ce résultat en 1995, imputable pour l'essentiel au raffermissement de la demande de crédit et à la maîtrise des frais généraux, marque peut être l'amorce d'un nouveau cycle. Ce résultat n'en demeure pas moins très inférieur à son étiage normal et témoigne de la sous-rentabilité du secteur.

La formation du résultat d'exploitation
Les composantes du produit net bancaire

Il convient de noter que, jusqu'en 1994, la croissance du produit net bancaire imputable aux implantations à l'étranger a été nettement supérieure à celle du produit net bancaire sur l'activité métropolitaine. En 1994, cette tendance ne s'est pas poursuivie et la rentabilité s'est surtout améliorée dans le financement de secteurs domestiques (crédit à la consommation, engagements sur les petites et moyennes entreprises).



Il convient également de noter que, sur l'ensemble de l'activité, les opérations avec la clientèle (crédit bancaire classique) ont été à l'origine de la faiblesse des résultats . En tenant compte des opérations de crédit-bail et de location simple, elles ont dégagé, pour l'année 1995, 381,8 milliards de francs de produit net, (soit 107 % du produit global d'exploitation, contre 116 % en 1994, 126 % en 1993 et 129 % en 1992 5( * ) ).

L'évolution de la marge globale d'intermédiation

La dégradation de la rentabilité d'exploitation est attestée par l'évolution de la marge globale d'intermédiation. Celle-ci est en diminution constante depuis le milieu des années 80, passant de 2,07 % en 1988 à 1,19 % en 1994.

La marge bancaire globale, calculée depuis 1993, qui rapporte le produit global d'exploitation au total de l'activité (y compris le hors-bilan à terme) témoigne de la baisse persistante de la rentabilité brute. Elle est ainsi passée de 2,16 % en 1993 à 1,92 % en 1994 pour l'ensemble des établissements sur toutes les zones d'activité. Calculée sur les seules activités métropolitaines, elle est passée de 2,25 % à 2,02 %.

L'analyse du rendement global

Le rendement global a lui aussi connu une baisse tendancielle depuis le milieu des années 80.

La contribution de l'activité de prêts et d'emprunts à la formation du rendement global est passée de 70 % en 1990 à 56,3 % en 1993. Établie à partir de soldes intermédiaires différents à partir de 1993, cette contribution est passée de 69 % à 59 %.

Cette diminution est d'autant plus préoccupante que le rendement global doit être suffisant pour couvrir les charges d'investissement et de fonctionnement, doter les comptes de provisions et dégager un résultat net après impôt. Tel n'a pas été le cas en 1994.

Les indicateurs ci-dessus, tout en permettant de mesurer l'ampleur de la crise traversée par notre système bancaire, montrent que la situation s'est améliorée depuis 1995. On pourrait en déduire que le pire est désormais passé et que la crise était essentiellement conjoncturelle. Malheureusement, il n'en est rien.

... QUI PRODUIT ENCORE SES EFFETS

Si l'on compare les banques françaises à leurs compétiteurs internationaux, la situation demeure au contraire très préoccupante. Les établissements de crédit français, en situation de sous-rentabilité chronique, sont mal placés dans la compétition internationale. Si l'évolution se poursuit dans ce sens, on peut nourrir une vive inquiétude sur leur capacité à faire face au choc concurrentiel qui résultera de la mise en place de la monnaie unique.

On rappellera en préalable, que l'analyse des comparaisons internationales doit être conduite avec prudence et doit s'attacher davantage aux évolutions qu'aux valeurs absolues. En effet, ces comparaisons sont difficiles du fait des différences de réglementation, de comptabilité et de structure existant entre les différents systèmes bancaires.

Sous ces réserves, les comparaisons dont on dispose 6( * ) mettent clairement en évidence l'insuffisance de la rentabilité des banques françaises pour faire face à la compétition internationale.

Le constat de l'insuffisante rentabilité des banques françaises

Si les banques françaises occupent une position médiane s'agissant du produit net bancaire, en revanche, les comparaisons en termes de rentabilité et de profitabilité apparaissent nettement défavorables. Insuffisance qui n'est pas sans conséquence.

La position médiane des banques françaises sur le produit net bancaire

Les principales banques suisses sont celles qui ont enregistré la croissance la plus forte de leur PNB. Bien que la période d'observation soit plus brève que précédemment (1990-1995), le taux moyen de progression a été de 9,42 %. Les principales banques allemandes ont également enregistré un fort accroissement de leur PNB (+8,6 % en moyenne), largement imputable au processus de réunification, de même que les principales banques américaines (+ 8,09 %).

Les banques françaises font, avec les banques britanniques, partie du groupe médian dans lequel le PNB a progressé d'environ 4,7 % par an. La bonne position des banques françaises résulte en partie de la concentration du système bancaire français, sans doute plus prononcé que dans les autres pays.

Enfin, les principales banques espagnoles, italiennes et surtout japonaises ont toutes connu une décroissance globale de leur produit net bancaire.

L'insuffisante rentabilité des banques françaises

Comme le met en évidence le rapport du Commissariat au plan sur le système bancaire français, la rentabilité des banques françaises comparée à celle de ses principaux concurrents apparaît faible, sous quelque critère qu'on l'examine.

La rentabilité brute

La rentabilité brute peut être appréhendée au travers du ratio résultat brut d'exploitation (avant provisions) sur l'actif moyen. Les chiffres du graphique suivant sont extraits d'une étude de Standard & Poor's et portent sur un échantillon d'environ soixante banques de rang international. Ils font apparaître que la rentabilité brute des banques françaises se situe bien en dessous de la rentabilité des banques britanniques et des banques américaines.

La rentabilité économique et la rentabilité financière

La rentabilité économique (voir supra encadré) peut être appréhendée à travers le coefficient de rentabilité (ou return on equity ) tandis que la rentabilité financière peut être mesurée à travers le coefficient de rendement ( return on assets ).

Le tableau ci-après montre que, de ces deux points de vue, la rentabilité des banques françaises est parmi les plus mauvaises des pays du groupe sélectionné, ne devançant, si l'on peut dire, que les banques japonaises.

Il semble également important de relever que la rentabilité des banques françaises est environ trois fois inférieure à celle des banques britanniques et davantage encore par rapport à celle des banques américaines.

Les conséquences de ce mauvais positionnement

L'handicap de développement et l'augmentation des coûts de refinancement

La faible rentabilité des banques françaises se traduit évidemment par un handicap en termes de développement tant interne (accumulation d'actifs risqués nécessitant des fonds propres) qu'externe (possibilités d'effectuer des aquisitions).

Cet handicap de développement est pris en compte dans les classements internationaux. La revue " The Banker" qui classait encore en 1991 quatre banques françaises parmi les quinze premières banques du monde, en fonction de l'importance des fonds propres, n'en classe plus aujourd'hui que deux.

Cette perte de rang ne serait pas très grave, sauf peut être pour notre orgueil national, si elle n'allait de pair avec une dégradation de la notation des établissements .

Or, l'évolution des notations établies par l'agence Standard & Poor's fait apparaître que, de 1988 à 1990, la notation moyenne des banques françaises était au même niveau que celle des banques britanniques et allemandes et supérieure à celle des banques américaines. En 1995, elle est devenue nettement inférieure à celle des deux premiers pays et se situe au niveau des banques américaines, qui remonte depuis 1992.



Par ailleurs, une récente étude du Crédit Agricole 7( * ) montre que, sur un an, à la fin août les notations des banques françaises ont largement baissé. Les notations établies par l'agence Ibca pour la dette à long terme de 30 établissements se répartissent en 12 abaissements, 17 confirmations et 1 relèvement.

De même, en 1995, sur 70 groupes bancaires et financiers examinés par Standard and Poor's, 21 ont été abaissés, 43 confirmés et 6 relevés. Selon l'auteur de l'étude, ce phénomène s'explique par l'érosion des marges d'intermédiation et la difficulté pour les banques à poursuivre le relèvement des commissions, en raison de la concurrence.

Or, cette dégradation de ce qu'il est convenu d'appeler le rating des banques, se traduit mécaniquement par un renchérissement des coûts de refinancement .

La situation d'opéabilité technique permanente du système bancaire français

Bien évidemment, la faible rentabilité des banques françaises a pour corollaire la faiblesse de leur bénéfice net.

Or, non seulement, les grands groupes bancaires français réalisent moins de bénéfices que leurs concurrents internationaux, mais encore ils voient ce bénéfice diminuer alors que celui de leurs concurrents augmente. Les banques françaises ont en effet enregistré une baisse de bénéfice depuis le début de la période (- 80 %) alors que, dans le même temps, les banques britanniques voyaient leurs profits augmenter de plus de 43 % et les banques américaines de près de 38 %.



Si l'on cumule les bénéfices nets de ces groupes bancaires sur 5 ans, la France arrive en avant-dernière position.

Cette faiblesse des résultats entretient à son tour ce que le rapport du Commissariat général au plan appelle " la situation d'opéabilité technique " du système bancaire français.

Pour reprendre les exemples formulés avec pertinence dans ce rapport : avec 3,8 milliards de dollars de profit net, la Hong Kong and Shanghai Bank of China peut acheter avec moins de trois ans de profit la Société générale, avec moins de deux ans de profit Paribas ou la BNP et, avec moins d'un an, le Crédit Lyonnais.

Barclays qui réalise presque 2 milliards de dollars de profit en 1995, soit l'équivalent de la totalité des bénéfices des banques françaises cette même année, se trouve dans une "situation stratégique potentielle équivalente".

Dans ces conditions, il ne faudrait pas se réjouir trop vite des signes encourageants qui émanent des derniers bilans bancaires. Le premier octobre 1996, la revue Euromoney pouvait encore écrire : " Tout ce que vous avez appris au sujet des banques françaises est encore vrai. Leur coefficient de rentabilité (ROE) et leurs ratios capitalistiques sont parmi les plus bas du monde développé. Cela est aussi vrai pour les banques qui ont été privatisées. Leur coefficient d'exploitation est extrêmement élevé (même si cela résulte davantage de la faiblesse de leurs revenus que de l'importance de leurs coûts). La situation dans laquelle elles se trouvent est en train de changer, mais de façon dramatiquement lente. Et, comme une cerise sur le gâteau, leurs marges sur les crédits sont inexistantes." 8( * )

*

On retiendra de cette première partie, les principaux éléments suivants :

- le ralentissement de la demande de crédit et la baisse, pour la première fois dans notre histoire, du PNB bancaire ;

- la sous-rentabilité chronique des banques françaises ;

- leur mauvaise position dans la concurrence internationale.


Cette situation laisse d'autant plus perplexe que beaucoup de systèmes bancaires étrangers et, notamment, les systèmes bancaires britanniques et américains, ont connu une crise d'une ampleur au moins aussi importante que le système bancaire français et semblent s'en être sortis de façon beaucoup plus rapide.

L'analyse comparative montre en effet le caractère spécifique de la crise bancaire française.

*

UNE CRISE DIFFÉRENTE DE CELLE QU'ONT CONNUE LES AUTRES SYSTÈMES BANCAIRES

L'analyse comparée met en évidence la faiblesse et la lenteur des ajustements en France par contraste avec l'ampleur et la rapidité des ajustements à l'étranger.

LA FAIBLESSE ET LA LENTEUR DES AJUSTEMENTS EN FRANCE ...

Jusqu'en 1995, la crise bancaire ne s'est traduite, dans notre pays, ni par une disparition significative d'acteurs, dont le nombre réel a au contraire augmenté, ni par des réductions d'effectifs importantes. Le nombre de guichets bancaires est même resté relativement stable.

L'augmentation du nombre des acteurs

S'agissant tout d'abord du nombre des établissements de crédit, trois observations s'imposent.

1° Le nombre apparent des établissements de crédit a connu une forte diminution sur la période 1984-1995.

En effet, comme le montre le tableau ci-dessous, le nombre total des établissements de crédit (hors Monaco) est passé de 2.001 en 1984 à 1445 en 1995. Cette diminution globale de 556 unités correspond à une variation nette de - 28 % du nombre des établissements.



2° Cette diminution apparente s'explique essentiellement par des considérations d'ordre juridique.

En effet, la diminution constatée s'explique en grande partie par des considérations d'ordre juridique (changement de catégorie) ou tenant à la stratégie de certains groupes (regroupements).

Comme le montre le tableau ci-dessous, le décompte des entrées-sorties du système bancaire, corrigé des effets de structure, fait apparaître un solde positif de 330 unités sur la période .



Cette restructuration a pris diverses formes :

- certaines filiales qui n'avaient plus guère d'activités et n'avaient parfois été conservées que pour des raisons liées à l'état de la réglementation (notamment du fait de leur potentiel d'encadrement du crédit) ont été soit absorbées, soit cédées ;

- les établissements qui ne possédaient pas une taille suffisante pour conserver leur autonomie juridique et économique ont été regroupés avec d'autres établissements exerçant des activités comparables ou complémentaires ;

- en sens inverse, lorsque des perspectives suffisantes de développement d'activités nouvelles sont apparues, ces groupes ont pris l'initiative de créer de nouveaux établissements, de manière à identifier la rentabilité comme les risques de ces nouvelles activités ;

- certains établissements, désireux de se spécialiser dans les activités de banques d'affaires, ont cédé tout ou partie de leurs réseaux de guichets, notamment à des banques étrangères qui ont pu ainsi trouver des structures déjà opérationnelles en France ;

- enfin, des opérations de restructuration de plus en plus complexes ont été réalisées au moyen de cessions partielles d'éléments spécifiques d'actifs, voire de scissions d'établissements, dans le cadre d'accords destinés à réunir des branches d'activités ou des clientèles pour constituer de nouveaux pôles de développement à l'intérieur ou à l'extérieur des groupes concernés.

Ainsi, la baisse des effectifs des sociétés financières s'explique par la disparition de nombreuses sociétés de caution mutuelle en tant qu'établissements de crédit dont la plupart ont été rattachées aux banques régionales avec lesquelles elles exerçaient leur activité ("agrément unique").

D'autres réseaux ont achevé (par exemple les Caisses d'épargne en 1993) ou poursuivi (par exemple le Crédit agricole) leur mouvement de restructuration. La restructuration des caisses d'épargne et de prévoyance dont le nombre est passé de 468 en 1984 à 35 en 1995 explique, à elle seule, la quasi-totalité de la diminution apparente des établissements de crédits (433 unités sur un total de 556).

En revanche, la catégorie des banques commerciales (banques affiliées à l'AFB) n'a pas enregistré de baisse notable de ses effectifs sur la période. Ce n'est qu'à partir de 1995, que l'on assiste à une très légère diminution des effectifs (- 6 unités).

3° Loin de diminuer, le nombre réel des acteurs a augmenté sur la période.

Comme le montre le graphique ci-après, le nombre des banques AFB (ou leur équivalent avant 1984), après avoir connu un plus bas en 1968 (284 établissements) est passé à 349 en 1984 (+ 65 unités en 16 ans) puis à 412 en 1994 (+ 63 en dix ans). Le trend d'augmentation a été beaucoup plus rapide jusqu'en 1990, puis s'est stabilisé à partir de cette période.

Graphique établi à partir des chiffres du rapport annuel du Comité des établissements de crédit 1995

Ces évolutions, qui démontrent, pour le moins, une certaine stabilité du système bancaire , sont corroborées par les observations que l'on peut faire concernant les moyens mis oeuvre par les établissements et le maintien de l'offre de services bancaires de proximité.

La stabilité des guichets et des effectifs

Les guichets

Globalement, le nombre des guichets bancaires est resté stable sur la période 1984-1995 passant de 25.782 à 25.479 unités, ce qui représente une diminution de 1 %. Si l'on prend comme point de départ, la fin de l'année 1981 on constate même une augmentation du nombre des guichets d'environ 5 %. Accessoirement, on notera que le nombre des distributeurs automatiques de billets et des gestionnaires automates de banque a quasiment doublé en sept ans, passant de 11.457 unités en 1988 à 22.852 unités en 1995.

Les effectifs

Comme le met en évidence le graphique ci-après, on constate également une grande stabilité des effectifs des différents réseaux bancaires au cours des dix dernières années. Ceux-ci n'ont varié que dans une fourchette de 20.000 personnes entre le point le plus haut, atteint en 1988 (433.000 personnes employées par le secteur) et le point le plus bas en 1995 (409.800), ce qui représente une variation de l'ordre de 5 %. Si l'on prend comme point de départ 1984, la baisse n'est plus que de 3 %.

Graphique établi à partir des chiffres du rapport annuel du Comité des établissements de crédit 1995

... CONTRASTENT AVEC L'AMPLEUR ET LA RAPIDITÉ DES AJUSTEMENTS À L'ÉTRANGER

Les difficultés rencontrées par les établissements nationaux ne sont pas spécifiques à notre économie. L'ensemble des systèmes bancaires des pays développés est passé ou passe par de graves crises. Certains, comme le Japon sont toujours au milieu de la crise ou, comme la Suisse, mènent une restructuration en profondeur. D'autres comme les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne ont tourné la page de leurs difficultés et développent une attitude offensive calculée sur les marchés qu'ils ciblent.

On trouvera dans le rapport du commissariat général au plan, une analyse détaillée, pays par pays, qui nous autorise à présenter une vue cavalière des ajustements mis en place.

L'ampleur des ajustements

L'ajustement par le nombre des acteurs
Les Etats-Unis

Au tournant des années 1990, le secteur bancaire américain a vécu une crise majeure. De deux en moyenne dans les années 1970, les faillites bancaires sont passées à 130 en moyenne entre 1982 et 1991. Leur nombre n'a baissé qu'à partir de 1992 (100 banques commerciales) pour revenir à 42 en 1993, 11 en 1994 et 6 en 1995. Le Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC ou Fonds d'assurance des dépôts bancaires) a fermé ou aidé, de 1986 à 1991, plus de 900 banques commerciales.

Cette crise a été particulièrement grave concernant les caisses d'épargne : de 4.000 en 1980, il n'en reste plus aujourd'hui que 1.700. Le Federal Savings and Loans Insurance Corporation (FSLIC ou Fonds d'assurance des caisses d'épargne) a lui-même fait faillite en 1989 et a dû être placé, sous la forme d'un FSLIC Resolution Fund (FRF né en 1989 pour gérer les actifs et les obligations du FSLIC en faillite) placé sous la responsabilité du FDIC. Le coût budgétaire de la crise des caisses d'épargne, qui n'est pas encore tout à fait terminée, s'est élevé à 150 milliards de dollars.

Le Royaume-Uni

Le système bancaire britannique s'est concentré encore davantage avec l'absorption en 1991 de la Midland Bank par la Hong Kong and Shanghai Bank pour devenir la Hong Kong and Shanghai Bank of China Holding.

La crise des building societies (équivalent des caisses d'épargne) n'est pas encore terminée. Ramené de 126 en 1989 à 80 à la fin de 1995 9( * ) , leur nombre est encore trop élevé pour certains observateurs financiers.

La Suisse

Le système bancaire suisse, qui place ses trois grandes banques (Union de banques suisses, Crédit suisse, Société de banques suisses) dans les 220 premières sociétés cotées de la planète 10( * ) , a également entrepris une restructuration drastique de ses réseaux qui s'est traduite par la disparition de 175 banques. Ainsi, le Crédit Suisse a ramené son réseau de 376 à 250 succursales. L'UBS a fermé trente agences ces trois dernières années et n'offre la totalité des services bancaires que dans une trentaine d'agences sur 285.

Le Japon

Le système bancaire japonais vit certainement la plus grave crise de son histoire. Il est aussi celui qui, sur le plan national, est à l'heure actuelle, dans la situation la plus fragile, à cause de la faillite des Jusen et de sa répercussion sur les bilans des grandes banques japonaises.

Les Jusen sont des institutions de crédit spécialisées dans le crédit hypothécaire créées par les grandes banques japonaises au cours des années 1970. Huit ont vu le jour, dont 7, en grande difficulté, sont en voie de liquidation.

L'ajustement par les effectifs

Aux Etats-Unis, la baisse des effectifs a été d'environ 10 % par rapport à l'effectif initial total.

Au Royaume-Uni, le secteur bancaire n'employait plus en 1995 que 370.000 personnes contre 460.000 en 1989, ce qui représente une diminution d'environ 20 %. 75.000 emplois devraient encore être supprimés dans les dix ans à venir 11( * ) .

En Suisse, 9.000 emplois ont été supprimés depuis 1988. Le Crédit suisse, à lui seul, supprimé 5.000 emplois dont 3.500 en Suisse, ce qui est vécu, dans le premier pays bancarisé du monde, comme une sorte de séisme. Le total des effectifs, qui était encore de 119.000 à fin 1995, devrait passer sous la barre des 100.000 d'ici à l'an 2.000 (- 16 %). La SBS devrait supprimer 1.700 emplois d'ici trois ans mais sans licenciement. Les trois grandes banques ont refondu et concentré leurs organigrammes.

La vitesse des ajustements

Aux Etats-Unis, les banques commerciales ont recommencé à enregistrer des profits records dès 1992 (32 Milliards de dollars) et en 1993 ceux-ci passaient à 43,4 Milliards de dollars. Même les caisses d'épargne ont recommencé à faire des profits à partir de 1993 (7 Milliards de dollars).

Les grandes banques britanniques ont renoué avec les profits depuis 1992. Le système a également fait la preuve de sa capacité à gérer efficacement des sinistres bancaires majeurs comme la défaillance de la Barings , dont plus personne ne parle aujourd'hui, contrairement au Crédit Lyonnais, même si ces deux banques ne sont pas directement comparables.

Les grandes banques suisses n'ont jamais vraiment cessé de faire des profits et ont joué, avec les banques néerlandaises, un rôle majeur dans le rachat des grandes banques d'affaires britanniques, ce que les banques françaises n'ont pas été en mesure de faire.

Le Japon connaît une situation assez voisine de la France, avec une crise bancaire qui n'en finit pas de durer et qui explique, en partie du moins, la politique monétaire extrêmement accommodante de la Banque centrale japonaise, dont le taux de refinancement est voisin de zéro.

Seul en définitive, le système bancaire allemand semble être passé au travers de la crise en raison notamment de l'accroissement de la demande de crédit résultant de la réunification du pays. Il est vrai qu'il n'a pas connu une révolution réglementaire comparable à celle du système bancaire français et que sa modernisation est, pour partie, encore à faire.

UNE CRISE QUI N'A PAS ÉTÉ TRAVERSÉE DE FAÇON IDENTIQUE PAR TOUS LES ÉTABLISSEMENTS DE CRÉDIT

Il est possible de distinguer les différents établissements de crédit en fonction des critères juridiques tirés de la loi bancaire. On distingue alors six groupes qui sont :

- les " banques " qui, entre autres caractéristiques communes, sont toutes affiliées à l'Association française des banques, d'où leur nom de "banques AFB" ;

- les banques mutualistes ou coopératives ;

- les caisses d'épargne ;

- les caisses de crédit municipal ;

- les sociétés financières dans laquelle il convient de ménager une place à part aux maisons de titres ;

- les institutions financières spécialisées.

Mais il est également possible de reprendre la classification adoptée par la Commission bancaire sur la base de données économiques et qui distingue neuf grands groupes homogènes qui sont :

- les très grands établissements ou réseaux à vocation générale ;

- les grands établissements ou réseaux à vocation générale ;

- les établissements ou réseaux petits ou moyens à vocation générale ;

- les banques locales ou mixtes ;

- les établissements de financement spécialisés ;

- les établissements de marché ;

- les établissements de groupe, d'ingénierie ou de portefeuille ;

- les banques étrangères et enfin, les autres établissements ;

- les "autres établissements".

Que l'on utilise l'une ou l'autre de ces classifications, on doit constater que la crise n'a pas été traversée de la même façon par tous les établissements de crédit.

LA DIVERSITÉ DES RÉSULTATS FINANCIERS

Les tableaux ci-après mettent en évidence la diversité des résultats d'une catégorie à une autre, observés sur la période 1988-1993.

S'agissant tout d'abord du produit net bancaire , on constate que la part relative des banques dans ce solde de gestion a diminué légèrement, passant de 53,6 % à 50,1 %. Cette tendance s'est du reste confirmée en 1994, puisque cette part a été ramenée à 48,6 %. Cette diminution relative a bénéficié principalement aux banques mutualistes et aux caisses d'épargne dont la contribution au PNB du secteur est passée respectivement de 24,1 à 26,1 % et de 5,1 à 6,7 %. Cette évolution s'explique par des taux de progression du PNB très différents entre ces catégories. Ainsi, alors que le PNB des banques n'a progressé sur la période que de 26,7 %, cette progression a été de 46,7 % pour les banques mutualistes et de 76,8 % pour les caisses d'épargne.

Si l'on raisonne en termes de groupes homogènes, on constate une certaine stabilité dans les parts respectives des différents groupes, à l'exception toutefois des établissements de financement spécialisés qui ont accru leur part de 2,4 points et ont connu le taux de progression de leur PNB le plus élevé (+ 56,1 % contre 35,3 % en moyenne) suivis de près par la catégorie des banques étrangères (+46,2 %).

L'analyse des frais généraux montre, quant à elle, que les banques ont réussi à maîtriser leur évolution beaucoup mieux que les caisses d'épargne (+ 30, 8 % contre + 60,8 %), mais moins bien que les banques mutualistes (+ 23,9 %).

Par groupes homogènes, ce sont les grands moyens ou établissements qui ont le mieux maîtrisé l'évolution des frais généraux (+10,9 % contre 31,2 % en moyenne), ainsi que les banques locales ou mixtes. En revanche, les très grands établissements ou réseaux à vocation générale ont moins bien maîtrisé cette évolution (+31,2 %).

Dans ces conditions, l'évolution du résultat brut d'exploitation des banques (+ 8,6 %) a été beaucoup moins importante que celui des sociétés financières (+ 36,3 %), des banques mutualistes (+ 76,6 %) et des caisses d'épargne (+ 89,6 %). Par groupes homogènes ce sont les établissements de financement spécialisés qui ont connu l'évolution la plus favorable (+ 80,9 %) et les banques étrangères (+ 38 %), la moyenne s'établissant à une progression du RBE de + 33,5 %.

Après prise en compte des dotations nettes aux provisions et des pertes sur créances irrécupérables, ces évolutions apparaissent encore plus contrastées au niveau du résultat d'exploitation . En effet, celui des banques a diminué de 167 % alors que celui des banques mutualistes augmentait de 67 % et celui des caisses d'épargne de 206 %. Les autres catégories ont toutes enregistré une diminution nette de leurs résultats moyens d'exploitation.

Ce sont les établissements ou réseaux petits ou moyens à vocation générale ainsi que les banques locales ou mixtes qui ont enregistré la plus forte baisse du résultat d'exploitation (respectivement - 451 % et - 761 %). Les très grands établissements semblent avoir beaucoup mieux résisté à la crise puisque leur résultat d'exploitation n'a diminué que de 5,8 % contre 72 % en moyenne.

Enfin, on retrouve au niveau du résultat net ces mêmes évolutions. Les banques qui réalisaient en 1988 un résultat net de + 15,3 milliards, enregistraient en 1994 une perte de - 24 milliards. Dans le même temps, le résultat net des banques mutualistes est passé de + 5,9 à 8,3 milliards et celui des caisses d'épargne de 2,1 à 1,3 milliards de francs.

Économiquement, ce sont les établissements de marché et les très grands établissements qui ont le mieux résisté à la crise et les établissements petits ou moyens ainsi que les banques locales ou mixtes qui ont le moins bien résisté. Les banques étrangères ont du mal à asseoir la rentabilité de leurs investissements en France, ce qui prouve que le problème tient davantage aux caractéristiques du marché bancaire français, qu'à la gestion des banques françaises.

Ces éléments transparaissent clairement de l'analyse chiffrée qui suit.











LA DIVERSITÉ DES ÉVOLUTIONS RÉELLES

Les tableaux ci-après mettent en évidence l'importance des contrastes entre les différents réseaux bancaires, que ce soit en termes de guichets ou en termes d'effectifs.

On constate ainsi que les banques AFB auxquelles on peut rattacher également le groupe formé par les banques populaires ont enregistré une diminution globale de leurs effectifs (-28.100 pour les banques AFB) et une augmentation de leur présence sur le territoire (+ 284 guichets).

A l'opposé, les Caisses d'épargne et le Crédit Mutuel ont vu leurs effectifs s'accroître respectivement de 10.000 personnes et de 3.500 et leur présence diminuer (- 156 et -616 guichets).

Seul le Crédit Agricole semble être resté stable dans ses effectifs comme dans le nombre de ses guichets.

Comme le relève le rapport 1995 de la Commission bancaire, cette " grande diversité " des situations individuelles reflète à la fois les performances réalisées par les établissements en matière d'adaptation de leurs conditions d'exploitation aux évolutions de la demande de produits et services financiers et leurs situations différenciées au regard des risques compromis, notamment immobiliers, issus de la crise du début des années quatre-vingt-dix, tant en termes de coût de portage des actifs improductifs que d'importance des besoins de provisionnement complémentaire.



L'ÉVOLUTION DES PARTS DE MARCHÉ

Il aurait été surprenant que l'évolution contrastée de l'activité et des résultats des différents réseaux fût sans conséquence sur l'évolution des parts de marché.

Le tableau ci-après, établi à partir des chiffres contenus dans les rapports annuels de la Commission bancaire, met en évidence le fait que les parts de marché ont connu des évolutions importantes depuis la fin des années 1980.

En effet, si l'on se réfère aux dépôts, l'on constate que la part des banques AFB après avoir crû de façon significative de 49 % en 1988 à 55,1 % en 1991 a décrû depuis lors, de façon constante, jusqu'à 43,7 % en 1995. Les caisses d'épargne ont connu une évolution exactement inverse : leur part a décru de 1988 à 1991, passant de 17,2 à 12,4 % en 1991 puis est remontée à 19,4 % en 1995. Les banques mutualistes ont enregistré un accroissement constant de leur part de marché qui est passée de 28,2 % en 1988 à 35,7 % en 1995. La part des sociétés financières et celle des institutions financières spécialisées ont, quant à elles, constamment décru sur la période d'observation.

En termes de crédits, on constate une évolution similaire. Jusqu'en 1991, la part des banques a légèrement crû, passant de 49,5 % à 51 %, pour ensuite décroître jusqu'à 48,8 % en 1995. Inversement, la part des caisses d'épargne est restée stable jusqu'en 1991 autour de 4,2 % pour ensuite croître jusqu'à 5,3 % en 1995. La part des mutualistes et celle des sociétés financières ont augmenté de façon constante, alors que celle des institutions financières spécialisées a décru.

Ces évolutions ne se retrouvent qu'avec un certain retard dans la situation globale de bilan, puisque la part des banques AFB a crû jusqu'en 1993, passant ainsi de 55 % à 59,5 %, avant de décroître jusqu'à 57,6 %. Les caisses d'épargne ont enregistré une évolution inverse, leur part diminuant de 8,3 % à 5,8 % pour ensuite remonter jusqu'à 6,4 %. Les mutualistes ont enregistré une progression constante de leur part de marché de 15,7 à 17,7 %, contrairement aux institutions financières spécialisées et aux sociétés financières qui ont vu leur part décroître de façon régulière.



Force est donc de constater que la crise n'a pas été traversée de la même façon par les établissements.

En termes juridiques, ce sont les banques commerciales classiques dites banques AFB qui ont supporté l'essentiel de la crise. Elles ont vu leurs bénéfices nets diminuer globalement et ont dû commencer à réduire leurs effectifs pour faire face aux difficultés. En revanche, les banques mutualistes et les banques coopératives ont réalisé de bonnes performances. Quant aux caisses d'épargne elles ont pu à la fois augmenter leurs bénéfices et leurs effectifs.

En termes économiques, il semble que ce sont les petits et moyens établissements à vocation générale et les banques locales ou mixtes qui aient le plus mal supporté la crise. Les très grands établissements ou réseaux à vocation générale tirent leur épingle du jeu, mieux en tout cas que les grands établissements. Les établissements de marché sont ceux qui ont le mieux résisté à la crise.

*

En conclusion de cette première partie, il convient de se poser deux questions :

- pourquoi certains établissements bancaires ont-ils mieux traversé la crise que d'autres ?

- pourquoi les systèmes bancaires qui ont également traversé une crise dans la période récente se sont-ils rétablis plus rapidement que le système français ?

En réponse à ces questions, l'analyse semble montrer que la crise du système bancaire français est essentiellement d'origine structurelle et que les distorsions de concurrence, même si elles n'ont joué qu'un rôle macro-économique mineur, conduisent à une redistribution sectorielle importante des parts de marché qui explique, au moins en partie, la situation contrastée de notre système bancaire.

* *
*

CHAPITRE II

UNE CRISE D'ORIGINE STRUCTURELLE RENDUE INSUPPORTABLE POUR CERTAINS ACTEURS À CAUSE DE DISTORSIONS DE CONCURRENCE

Les réformes structurelles mises en place au cours de la décennie 1980 se sont traduites, mécaniquement, par une augmentation très importante des pressions concurrentielles. C'est l'impossibilité (ou le refus) de laisser se produire les ajustements nécessaires pour faire face à ce surcroît de concurrence qui a conduit à la situation actuelle. Seule en effet l'absence d'ajustement peut expliquer à la fois la longueur de la crise dans notre pays, la sous-rentabilité comparée de nos banques et l'absence de crise dans le système bancaire allemand. Dans ce dernier système il n'y a pas eu à faire d'ajustements particuliers pour la simple raison qu'une moitié des réformes n'avait pas de raison d'être et que l'autre moitié n'a pas encore été faite 12( * ) .

Les distorsions de concurrence quant à elles n'ont vraisemblablement joué aucun rôle, au niveau macro-économique du moins, dans la survenue de cette crise. En revanche elles induisent une puissante redistribution sectorielle qui les rend insupportables aux acteurs n'en bénéficiant pas.

L'IMPOSSIBILITÉ DE PROCÉDER AUX AJUSTEMENTS INDUITS PAR LES RÉFORMES STRUCTURELLES EST LA CAUSE PREMIÈRE DE LA CRISE

Si on s'efforce d'établir, non pas une pondération entre les différents facteurs de la crise, mais l'enchaînement causal qui en est responsable, il apparaît que la cause première de la crise tient à l'impossibilité de laisser se réaliser les ajustements induits par les réformes structurelles et que les erreurs de gestion des banques et le retournement conjoncturel des années 1991-1993 n'ont joué qu'un rôle aggravant.

LES RÉFORMES STRUCTURELLES DES ANNÉES 1984-1989 ET L'ACCROISSEMENT DES PRESSIONS CONCURRENTIELLES

Les réformes structurelles

La politique monétaire d'encadrement du crédit, menée quasiment sans interruption depuis la Libération, avait installé les banques françaises dans une situation assez confortable, caractérisée par l'absence de concurrence et l'existence de circuits cloisonnés de financement concernant certains secteurs ou certaines priorités. Cette situation masquait en réalité une sclérose généralisée. Les banques, assimilées à des services publics, n'étaient pas considérées comme des entreprises comme les autres et leurs agents étaient assimilés à des fonctionnaires. De ce point de vue, les nationalisations de 1982 marquaient davantage l'aboutissement d'un processus étalé sur quarante ans, qu'une véritable révolution 13( * ) .

Cette situation a été totalement bouleversée par les réformes intervenues dans le milieu des années 80. L'objectif de ces réformes était d'abord de favoriser le financement de l'Etat par la création d'un vaste marché de capitaux sur lequel il pourrait financer plus facilement sa dette. Mais ces réformes étaient également censées améliorer le financement de notre économie en conduisant les établissements de crédit à se livrer à une concurrence qui devait normalement se traduire par une baisse du coût du crédit.

Regroupées sous le terme générique de " déréglementation ", ces réformes ont affecté à la fois les marchés eux-mêmes (décloisonnement et désintermédiation), les intermédiaires (banalisation) et les flux de capitaux (internationalisation).

Le décloisonnement des marchés et la désintermédiation

Le décloisonnement a consisté à réduire le nombre des procédures dont la résultante formait un patchwork de marchés spécifiques (crédits hypothécaires, exportations, logement, agriculture, artisanat, création d'emplois, recherche...) afin de constituer un vaste marché des capitaux sur lequel la régulation monétaire pourrait se faire de façon plus efficace et plus conforme aux règles de la concurrence.

La création du marché monétaire

La création du marché monétaire, en 1985, a été la première étape du processus de décloisonnement. Elle a consisté à mettre en place le chaînon manquant entre le marché interbancaire et le marché obligataire. Elle a été réalisée par la mise à disposition des intervenants de titres de créances négociables 14( * ) de caractéristiques similaires permettant l'instauration d'un continuum d'échéances entre le très court terme (dix jours) et le long terme (sept ans, soit le seuil du marché obligataire).

Fait notable, ce marché a été d'emblée ouvert à tous les intervenants et notamment aux entreprises, avec l'introduction en France des billets de trésorerie. Par contraste, le marché monétaire était auparavant réservé à un nombre limité d'établissements : les banques et les " établissements non bancaires admis au marché monétaire ", plus connus sous le sigle d'ENBAMM.

Du côté de la demande, la mise en place de ce marché a été grandement facilité par l'essor des organismes de placement collectifs (SICAV et FCP), organismes bénéficiant d'une fiscalité favorable et qui ont massivement souscrit des titres de créances négociables.

La levée progressive de l'encadrement du crédit

La seconde étape du processus de décloisonnement a été réalisée par la levée progressive de l'encadrement du crédit entre 1985 et 1987 . Grâce à l'unification, la régulation monétaire pouvait se faire sur un seul compartiment (le marché interbancaire) par des variations de taux d'intérêt se répercutant à l'ensemble des segments.

Par ailleurs, une bonne partie des enveloppes de prêts bonifiés a soit disparu, soit fait l'objet d'une distribution plus ouverte par la mise en place de procédures d'adjudication.

Enfin, la levée de l'encadrement du crédit a été complétée par une plus grande égalité dans les conditions de collecte des ressources et d'octroi de financements . Ainsi, dès 1983, de nouveaux produits rémunérés et défiscalisés (Codevi, livrets d'épargne populaire) on pu être distribués indifféremment par tous les réseaux bancaires.

On observera qu'avec cette politique la France ne faisait que rattraper un retard dans la modernisation de ses instruments de politique monétaire. Comme le relève le gouverneur de la Banque de France, " aucun autre système bancaire dans le monde industrialisé n'était encore placé dans une telle situation au milieu des années quatre vingt " 15( * ) .

La désintermédiation

La désintermédiation ou " marchéisation " a été, en quelque sorte, le prix à payer pour le décloisonnement : dans la mesure où l'on recherchait un marché monétaire ample et diversifié, il fallait laisser les entreprises y avoir accès directement.

Mais d'autres réformes, inspirées de la vague d'innovation financière qui secouait l'ensemble des marchés financiers, ont également contribué au développement des marchés de capitaux.

Ainsi, les conditions d'accès ont été améliorées par l'ouverture internationale du marché primaire en 1984, la liberté de négociation des courtages et des commissions sur les émissions et l'ouverture d'un second marché.

Le système financier français a également profité d'innovations sur le marché des actions (certificats d'investissement, titres participatifs...) et sur celui des obligations (obligations à taux variables, à taux révisables, convertibles, à bons de souscription...).

En outre, la Bourse a été réformée techniquement (marché en continu, règlement mensuel) et réglementairement (création des sociétés de bourse en 1988, réforme des autorités de marchés et renforcement des pouvoirs de la Commission des opérations de bourse).

Enfin, la mise en place d'instruments de couverture des risques de marché a été réalisée sous l'impulsion des pouvoirs publics afin de permettre aux intervenants de limiter l'impact des fluctuations de taux d'intérêt (création du MATIF), de cours des actions ou de l'indice boursier (MONEP). Simultanément s'est développée très rapidement l'utilisation d'instruments dérivés négociés de gré à gré (contrats d'échange, accords de taux futur, options).

Théoriquement la désintermédiation devait se traduire par le passage d'une situation qualifiée d' " économie d'endettement" , dans laquelle les entreprises sont essentiellement financées par les banques au moyen de crédits bancaires classiques, à une situation de " finance directe ", dans laquelle les entreprises se financent davantage par apport de fonds propres ou par émission de titres de créances négociables, sur les marchés financiers.

Il était donc prévisible que les banques, entendues au sens classique de distributeurs de crédits, perdraient de leur importance par rapport aux intermédiaires de marché. A moins toutefois qu'on ne les autorise et les encourage à devenir elles mêmes des intermédiaires de marché.

La banalisation des intermédiaires : la banque universelle
Le cadre juridique universel

La loi bancaire de 1984 avait pour objectif premier de créer les conditions d'une concurrence normale en mettant en place un cadre universel et moderne de la profession bancaire . Tout en respectant les spécificités statutaires du monde mutualiste et coopératif, elle a rendu fonctionnellement homogène le concept d'établissement de crédit 16( * ) . Tous les établissements de crédit doivent remplir les mêmes conditions pour être agréés 17( * ) ; une fois agréé un établissement de crédit peut effectuer toutes les opérations de banque 18( * ) .

La vocation économique universelle

Dans le même temps, la loi bancaire reconnaissait de façon explicite la vocation universelle des établissements de crédit puisque ceux-ci étaient non seulement habilités à effectuer toutes les opérations de banque mais encore la quasi-totalité des opérations de finance (gestion et intermédiation, à l'exception de la négociation de valeurs mobilières réservée aux agents de change, puis à partir de 1988, aux sociétés de bourse) 19( * ) . La loi financière adoptée au printemps dernier n'a fait, de ce point de vue, que parachever cette évolution en donnant la possibilité aux établissements de crédit d'exercer, directement, tous les métiers de la finance, y compris la négociation de valeurs mobilières.

C'est ce glissement du juridique (les banques doivent exercer leur métier dans les mêmes conditions) vers l'économique (les banques pourront faire face au surcroît de concurrence en étendant leurs activités sur tous les marchés et à tous les métiers) qui permit à cette théorie de la banque universelle de devenir, en quelque sorte, la pierre philosophale de l'ensemble des réformes. En limitant la concurrence de nouveaux entrants sur le marché et en orientant les banques sur les métiers de la finance, elle devait amortir la " casse sociale " résultant du surcroît de concurrence interne et structurel.

On peut penser, en effet, que la restriction du nombre des nouveaux concurrents constituait une compensation, d'ordre juridique, destinée à permettre aux banques d'affronter le surcroît de concurrence. Cette restriction découle nécessairement du caractère universel de l'agrément : puisqu'une banque peut effectuer tous les métiers de banque, il convient d'exiger d'elle, au moment de son agrément, les conditions, notamment en termes de fonds propres, que l'on exigerait de celui qui veut faire le métier le plus risqué. C'est le contraire de l'approche d'agrément limité retenue pour les services d'investissement, dans la loi financière du 2 juillet 1996, et qui permet de pondérer les exigences, notamment en fonds propres, par la nature du métier exercé.

L'ouverture des banques sur les métiers de la finance était censée permettre, de façon prosaïque, à celles-ci de récupérer en volume d'activité sur les marchés financiers ce qu'elles perdraient sur le crédit bancaire classique. Par la suite, cette réorientation a été théorisée sous la forme qu'on lui connaît aujourd'hui. Dans cette optique, la banque universelle est censée présenter deux avantages décisifs. En premier lieu, elle permet de s'assurer de la fidélité de la clientèle importante en étant capable de lui offrir l'ensemble des services financiers dont ils ont besoin. C'est ce qu'il est convenu d'appeler l'approche " orientée-client " (par opposition à l'approche des établissements spécialisés dite " orientée-marchés "). En second lieu, elle permet d'amortir les fluctuations économiques en diversifiant les secteurs d'intervention : financement bancaire/intervention sur les marchés financiers ; banque de dépôt/banque d'affaires ; national/international).

L'Etat lui-même a donné l'exemple en banalisant progressivement les réseaux dont il avait peu ou prou la charge tels que le réseau des Sociétés de développement régional, le Comptoir des entrepreneurs, le CEPME ou encore le Crédit Foncier.

L'internationalisation

L'internationalisation a d'abord été un phénomène technique, grâce à la mise en place d'un vaste réseau de télécommunications puis d'échange de moyens de paiement capable de faire circuler les capitaux en même temps que l'information (création du système SWIFT, développement des chambres privées de compensation comme CEDEL ou EUROCLEAR).

Mais elle a été également juridique avec l'adoption en 1977 de la première directive bancaire qui prohibe aux Etats membres de refuser l'implantation d'établissements de crédit de pays de la Communauté et surtout en 1989 avec la deuxième directive bancaire , transposée en droit français en 1992, mais largement anticipée dès 1988. Cette directive consacre les notions de libre établissement et de libre prestation de services bancaires, sur la base de la reconnaissance mutuelle des agréments .

Cette internationalisation des acteurs, ainsi que la participation au mécanisme de change du système monétaire européen, puis la réalisation de la phase I de l'UEM, nécessitaient la libéralisation des mouvements de capitaux qui s'est traduite par l'abandon du contrôle des changes, réalisé progressivement de 1985 à 1989 20( * ) .

L'ensemble de ces évolutions a fortement contribué à accroître la concurrence internationale entre grandes banques. La phase ultime de ce processus consistera dans le passage à la monnaie unique qui, en accroissant la fongibilité des actifs, renforcera encore davantage la concurrence entre établissements.

L'accroissement des pressions concurrentielles

Comme on a pu le constater, les réformes mises en place reposaient sur un maître mot : la concurrence. Celle-ci était à la fois interne (les établissements français entre eux), externe (avec les compétiteurs européens et internationaux) et structurelle (concurrence entre le crédit bancaire classique et le financement sur les marchés financiers). Elle aurait dû entraîner des ajustements.

La concurrence structurelle des marchés financiers

La marchéisation de l'économie a sans doute été le phénomène le plus spectaculaire des transformations induites par les réformes de la décennie 80. Surtout, elle a contribué à inverser durablement les rapports entre les banques et les entreprises au profit des secondes.

La création d'un marché du refinancement à court terme ouvert aux entreprises a effectivement donné à celles-ci la possibilité de ne plus s'adresser systématiquement à un établissement de crédit pour obtenir des fonds à moins de sept ans ou pour gérer leurs risques de taux d'intérêt ou de change. En outre, les entreprises ont développé leurs fonctions financières (placements financiers, gestion de trésorerie, opérations de haut de bilan) pour exploiter au mieux la gamme des produits financiers offerts. Pour les plus grandes d'entre elles, des structures ad hoc ont même été créées, allant parfois jusqu'à la création de banques de groupe.

Le marché des billets de trésorerie a attiré les plus grandes entreprises françaises, donc souvent les moins risquées, qui avaient la surface financière suffisante pour émettre en continu. Mécaniquement, ces " très bonnes signatures " ont eu moins recours aux banques qui ont vu ainsi s'échapper leurs meilleurs clients, en termes de volume d'activité et de risque.

Le taux d'intermédiation financière calculé sur les flux par le Conseil national du crédit a connu une décroissance spectaculaire puisqu'il est passé de 58 % en 1984 à 2 % en 1993. Ce taux mesure le rapport entre les flux de crédit des établissements résidents et le total des flux de financement.

La Commission bancaire fait toutefois observer que si le nouveau cadre financier donne à des emprunteurs importants, le choix entre un financement direct et un financement intermédié, le premier relève néanmoins en grande partie des banques, qui, en acquérant des titres, continuent de financer les agents économiques. En d'autres termes, les titres se substituent aux crédits, mais les emplois bancaires, donc les concours à l'économie s'accroissent. Si l'on retient une approche en termes d'offre de financement, la part des établissements de crédit est passée de 66,9 % en 1984 à 22,6 % en 1993. Ainsi, la chute du taux d'intermédiation entre 1984 et 1993 occulte un quadruplement du portefeuille-titres sur la période et une augmentation de 38 % des crédits sur le territoire métropolitain.

Cette observation corrobore le développement des activités de marché des banques que nous avons observé dans la première partie de ce rapport (voir supra chapitre I, première partie).

La concurrence interne

Concurrencées dans leur activité de crédit, parfois ignorées par les meilleures entreprises, les banques se sont livrées à une guerre des prix sur les segments les plus risqués : les PME et l'immobilier. Cette guerre a été d'autant plus forte que, même sur ces segments, elles ont dû prendre en compte les prix de marché et consentir aux entreprises des conditions plus favorables que celles qui leur étaient antérieurement réservées.

Elles ont dû également adapter leur offre aux nouveaux besoins de leur clientèle en proposant de nouveaux produits. L'essor des billets de trésorerie a poussé les banques à multiplier les clauses d'indexation sur le taux du marché monétaire pour les crédits courts. De surcroît, le développement des marchés de capitaux nationaux et internationaux les a entraînées à accorder des taux voisins des taux des émissions obligataires pour les financements plus longs. Ce phénomène a pesé de façon non négligeable sur les marges bancaires, alors que de moins en moins de concours sont indexés sur le taux de base bancaire.

Parallèlement, les établissements de crédit ont subi une évolution défavorable de la structure de leurs ressources et, notamment, en ce qui concerne les dépôts à vue. Cette évolution résulte du changement de comportement des agents économiques qui ont partiellement délaissé les dépôts bancaires traditionnels au profit de placements plus rémunérateurs et aussi liquides, principalement les titres de Sicav monétaires, qui ont bénéficié d'évolutions de taux et de traitements fiscaux favorables.

La concurrence internationale

Une première mesure de la pression concurrentielle exercée par les banques étrangères sur le système bancaire français peut être effectuée à partir du taux d'internationalisation tel qu'il est mesuré par la Commission bancaire. Or ce taux est passé de 42,8 % à 67,7 % entre 1984 et 1993 pour les banques AFB qui assurent l'essentiel de l'activité internationale des établissements de crédit français. Cette internationalisation a été encore plus forte sur les activités de marché.

Par ailleurs, le nombre d'établissements étrangers exerçant en France a crû de façon considérable. Ainsi, la part des banques sous contrôle étranger, qu'il s'agisse de filiales de droit français d'établissements étrangers ou de succursales d'établissements de l'Espace économique européen exerçant en libre établissement est passée de 40 % à 46 %.

Cela ne signifie pas, comme on l'a vu, que les banques étrangères occupent 46 % des parts du marché français (elles ne réalisaient en 1995 que 3,4 % du PNB bancaire). Mais ce phénomène traduit néanmoins une augmentation de la pression concurrentielle.

Les ajustements prévisibles

Cette augmentation sur trois fronts 21( * ) de la pression concurrentielle aurait dû provoquer l'enchaînement suivant :

augmentation de la concurrence baisse des prix 22( * ) diminution des marges réduction d'effectifs faillites des concurrents les plus faibles restructuration du secteur (OPA, fusions, reprises...) amorce d'un nouveau cycle d'expansion avec création d'emplois.

Une crise du système bancaire était donc à redouter dès la mise en place des réformes. Il s'agissait d'un phénomène naturel et prévisible tel que l'ont connu, par exemple, le secteur des télécommunications ou celui des transports aériens aux Etats-Unis.

Les ajustements induits, en termes de réduction d'effectifs ou de disparition des acteurs les plus faibles auraient pu intervenir de façon relativement indolore grâce à la forte croissance de la fin des années 1980.
Après une première phase de crise, le système bancaire français, restructuré, aurait dû recommencer à créer des emplois et à générer des bénéfices.

Mais il n'en a rien été et le processus décrit ci-dessus a été bloqué au stade de la diminution des marges.

Ce blocage, mesuré à l'aune de l'intérêt général, ne peut qu'inquiéter. Comme le relève la Commission bancaire dans son rapport de 1995 : " Le renforcement de la concurrence , qui a résulté de la réforme du système bancaire à partir de 1984, de l'intégration européenne et de l'internationalisation de l'activité bancaire ainsi que de la globalisation des activités financières, était hautement souhaitable , en particulier dans le but de moderniser le système bancaire. Il s'est accompagné d'une réduction prononcée et ininterrompue des marges bancaires depuis 1986 (...). Une telle évolution est bénéfique pour l'ensemble de l'économie lorsqu'elle traduit les performances réalisées par les banques françaises en termes d'efficacité économique. Elle devient source de difficultés quand (...) la rémunération des fonds propres n'est plus suffisante pour assurer le renforcement des structures financières et pour permettre au système bancaire français de rivaliser, dans des conditions d'égalité de concurrence, avec ses concurrents étrangers."

L'IMPOSSIBILITÉ DE PROCÉDER AUX AJUSTEMENTS

L'absence d'ajustements tient, d'une part, à la difficulté d'admettre que les banques puissent faire faillite - c'est le dogme du " zéro faillite agreement " - et, d'autre part, à une législation particulièrement rigide qui ne facilite pas les adaptations, notamment en ce qui concerne la durée du travail ou la tarification des services.

L'immortalité des banques et le dogme du "zéro faillite agreement"

Comme on a pu le voir, le nombre réel des acteurs de la compétition bancaire a eu tendance à augmenter en dépit de l'accroissement sévère des conditions de concurrence. Les " barrières à l'entrée " de la profession (agrément, capital minimum, actionnaire de référence) n'ont pas véritablement fonctionné. Elles n'ont représenté qu'un filtre individuel, sans impact réel sur l'équilibre économique du secteur.

Au demeurant, une telle limitation du nombre des entrants eût été impossible compte tenu des engagements internationaux et notamment européens en matière de libre établissement et de libre prestation, sauf à ne faire porter le poids des restrictions que sur les seuls candidats nationaux.

Mais cette " libre entrée dans la branche " aurait supposé, en toute logique, une libre sortie. Or, le contraire s'est produit puisque a été mis en place une " administration de la sortie " qui constitue, comme le souligne le rapport du Commissariat général du plan 23( * ) , une " incohérence" .

Cette incohérence, qui est, de l'avis du groupe de travail, la cause première des difficultés actuelles du secteur bancaire, trouve son origine dans la conjugaison de deux phénomènes, l'un financier, l'autre juridique, se traduisant par une forme d'immortalité bancaire.

L'immortalité financière : le comportement de l'État actionnaire et le "colbertisme résiduel"

Chaque fois que des établissements de crédit public ont connu des difficultés, l'Etat , actionnaire pendant les années 84-93 d'une grande partie (sinon la majeure) du secteur bancaire, a recapitalisé ces établissements (ce qui était normal) sans exiger de façon systématique une réduction des activités des établissements en mauvaise posture (ce qui non seulement constituait un encouragement à la mauvaise gestion, mais a entraîné des surcapacités). C'est la litanie des recapitalisations des années 90 : SDR, banque Hervet, SMC, Crédit Lyonnais, annonciatrice des plans de redressement et de défaisance (Comptoir des entrepreneurs, Crédit Lyonnais, Crédit Foncier).

Au total, et hors effet patrimonial, l'Etat a plus donné pour le secteur bancaire, sous forme de dotations budgétaires, qu'il n'a reçu de ses banques, sous forme de dividendes.

En contrepartie de cette immortalité financière, l'Etat a continué à utiliser les banques comme instrument de politique économique, leur assignant des objectifs d'intérêt public (maintien de l'emploi 24( * ) , aménagement du territoire) ou de politique industrielle. Malheureusement, le colbertisme industriel, qui a permis à la France de mener à bien de grands projets dans l'aéronautique, le nucléaire ou les télécommunications, n'a pas fait bon ménage avec le libéralisme dominant dans les métiers de la banque et de la finance 25( * ) .

C'est l'époque où les principales banques françaises, " grisées " par les libertés nouvelles dont elles bénéficiaient se sont lancés dans une course au bilan, sans considération des règles élémentaires de rentabilité et de contrôle des risques. C'est aussi l'époque où le classement des banques se faisait avant tout en fonction de leur " total de bilan ".

Il faut bien admettre que l'Etat français n'est pas le seul à être intervenu, par la voie de concours publics, au secours d'établissements bancaires.

D'après les estimations dont on dispose, 26( * ) la Norvège a ainsi assuré entre 1987 et 1992 le sauvetage par nationalisation totale ou partielle des trois premières banques du pays pour un coût total pour l'Etat de 20 milliards de francs. La Suède a apporté entre 1991 et 1993, 50 milliards de fonds publics à 3 établissements sous forme de fonds propres et de garantie ainsi que de nationalisation, en attendant la reprise par des investisseurs privés. L'Etat finlandais, également entre 1991 et 1993, a dirigé des restructurations massives par le truchement d'un fonds public d'assurance dont le coût final a été de 50 milliards de francs.

Dans la crise des caisses d'épargne américaines, le coût supporté par le Résolution Trust Corporation , organisme financé sur ressources budgétaires et emprunts garantis par le Trésor a été de 700 milliards de francs (132 milliards de dollars) étalé entre 1989 et 1992. Cet organisme a pris le contrôle des caisses d'épargne en faillite et en a cédé les actifs. Déjà, entre 1985 et 1992, le coût supporté par le fonds de garantie des banques (FDIC) pour la disparition d'environ 500 banques texanes avait été de 70 milliards de francs (13 milliards de dollars).

En Angleterre, le soutien de 40 petites banques sous forme de concours directs et de garanties accordés par la Banque d'Angleterre peut être estimé à 1 milliard de francs. Le coût de la faillite de la BCCI a été de 2,6 milliards de francs. L'essentiel des pertes a été supporté par les déposants, les autorités publiques refusant de prendre en charge la partie non couverte par le système de garantie des dépôts.

En Espagne, le règlement du sinistre de la Banesto en 1993, d'un coût total estimé entre 35 et 48 milliards de francs, a été assurée par le fonds de garantie des dépôts et par la Banque centrale qui a joué un rôle très important.

Au Japon, a été créée en janvier 1993, une structure de defeasance (ou bad bank ) dont les actifs proviennent de 162 établissements de crédit pour un total estimé à 360 milliards de francs. En février 1995, a été créée une structure au capital de 2,1 milliards de francs, détenu pour moitié par la Banque centrale et pour moitié par les principaux établissements de la place. Cette structure est censée racheter 2 établissements de crédit mutuel qui totalisent 5,4 milliards de francs de créances compromises. C'est la première fois qu'il a été dérogé au principe de non-assistance financière de la puissance publique à des établissements de crédit.

Mais comme on a déjà eu l'occasion de le voir, ces crises bancaires ont été résolues dans un laps de temps relativement court et dans la totalité de ces pays, à l'exception il est vrai du Japon, les principales banques ont renoué avec les bénéfices . Qui parle encore de la banque Banesto, ou de la Barings ? Par contraste, il ne se passe pas une semaine sans que l'on ne puisse lire un article de presse sur le Crédit Lyonnais.

Indépendamment de la question de savoir si l'Etat a été un bon actionnaire ou un bon gestionnaire, qui sera évoquée plus loin, on remarquera qu'il n'a pas su traiter avec efficacité les difficultés de ses propres banques.

Schématiquement, l'Etat dispose de quatre moyens pour venir à la rescousse d'une banque défaillante.

1) La liquidation :
les banques insolvables sont mises en faillite, les déposants assurés sont remboursés et tous les actifs restant sont liquidés. Dans sa forme la plus pure, une liquidation entraîne la perte des participations des détenteurs de la banque, tandis que les détenteurs de la dette de deuxième rang perdent également une partie, ou la totalité de leur argent. Dans la pratique, seuls les Etats-Unis ont été en mesure d'adopter cette politique : environ une banque sur cinq ayant fait faillite a été liquidée. En revanche, aucune banque japonaise ne l'a été depuis 1945.

2) La fermeture par fusion : cela implique de fusionner une banque en mauvaise santé financière avec une autre en bonne santé. Dans certains cas, les autorités réglementaires offrent au repreneur des incitations, peut être en gardant une partie des actifs non garantis ou en remboursant les déposants assurés ou les créanciers. Les autorités réglementaires américaines emploient souvent cette méthode et nombre d'autorités européennes l'ont mise en pratique. C'est le cas par exemple des autorités espagnoles lorsque la banque Banesto a fait faillite en 1994. Cette banque fut mise aux enchères et rachetée par la banque Santander. C'est le cas également de la Barings en Angleterre.

3) Les dotations budgétaires, ou les garanties gouvernementales : le plus souvent cela consiste à nettoyer les bilans des banques en transférant leurs plus mauvais actifs à l'Etat ou à faire en sorte qu'il s'en porte garant. C'est l'approche la plus souvent retenue. Une étude de la London School of economics portant sur 120 cas de faillites dans 24 pays différents au cours des années 80 a montré en effet que deux banques sur trois étaient renflouées. La forme d'intervention la plus simple implique la garantie que l'Etat agira en tant que prêteur de dernier ressort au cas où les prêts à risque viendraient à menacer la solidité d'une banque. La forme la plus fréquente a été la création d'une agence comme le Securum suédois , la Résolution Trust Company américaine ou la Coopérative d'achat de crédit au Japon, qui garde les mauvais actifs jusqu'à leur maturité ou à leur réalisation. Le sauvetage du Crédit Lyonnais s'inspire également de cette approche.

4) La nationalisation : c'est la solution la plus radicale. Elle est souvent adoptée lorsqu'un Gouvernement craint que les problèmes d'une banque se répercutent sur l'ensemble du système. L'exemple le plus éloquent a été la nationalisation d'une vaste partie du système bancaire norvégien. Elle suppose, bien évidemment, que les banques ne soient pas déjà entre les mains d'actionnaires publics.

En écartant systématiquement l'option de la liquidation et celle de la vente, les gouvernements successifs n'ont fait que rendre ces options plus coûteuses, une fois l'inefficacité du renflouement avérée. Le Crédit Lyonnais illustre malheureusement cette vérité : le coût de la procrastination s'avère élevé 27( * ) .

En outre, les instances gouvernementales ne possédaient pas de compétence particulière en tant que gérants d'actifs défaillants et il s'avère également difficile d'évaluer le coût réel de ces arrangements pour les contribuables. Là encore, le cas du Crédit Lyonnais se révèle démonstratif.

En premier lieu, les autorité de tutelle ont, pendant longtemps, donné l'impression de refuser de prendre la mesure exacte du désastre.

Ensuite, le plan de sauvetage a mis à la charge de la banque en difficulté une contribution qu'elle n'était pas en mesure d'apporter.

Enfin, à la suite de modifications successives, le plan de sauvetage a du finalement prendre acte du montant total des pertes (de l'ordre de 80 milliards de francs) et séparer définitivement la bonne banque de la mauvaise (l'ensemble formé par l'Établissement public de financement et de restructuration et le Consortium de réalisation). D'après les informations rendues publiques par le Gouvernement, le processus de privatisation est en passe d'être engagé.

Quand bien même l'Etat ne serait-il pas intervenu de façon aussi massive et récurrente, on peut s'interroger sur les effets pervers de notre système de droit commun concernant le traitement des banques en difficulté.

L'immortalité juridique : l'article 52 de la loi bancaire

La banque n'est pas la seule industrie à avoir été transformée par les forces conjuguées de la déréglementation et de la concurrence. Beaucoup d'autres secteurs ont du faire face à des évolutions similaires. Généralement la conséquence en est que les entreprises les plus fragiles disparaissent, en théorie, pour le plus grand bénéfice du secteur pris dans son ensemble.

Mais la question de la disparition des banques se pose en des termes différents. La première raison en est que celles-ci ont généralement des milliers de déposants, dont la plus grande partie ont besoin de leurs dépôts bancaires pour vivre. La seconde, au moins aussi importante, tient à la présence du " risque systémique " 28( * ) . C'est ce qui explique que depuis longtemps 29( * ) , aucun Gouvernement au monde ne se soit désintéressé des difficultés des banques, pourvoyeuses de crédit et gardiennes du système de paiement de leur économie.

Cependant, la résolution de ce problème suppose de trancher un noeud gordien : comment assurer la protection des déposants et réduire le risque systémique sans assurer la survie des établissements non rentables et, accessoirement, sans mettre en place de système de garantie trop coûteux pour les banques ?

En d'autres termes : quel mécanisme mettre en place pour permettre à la plupart des banques, sinon à toutes, de faire faillite sans provoquer de crise systémique, en préservant les déposants, sans trop faire payer les concurrents et, si possible, sans faire intervenir l'Etat ?

Cette question centrale pour l'évolution économique du secteur est au coeur des réflexions des analystes anglo-saxons sur le système bancaire. Pour l'hebdomadaire britannique The Economist , " certains économistes estiment que si l'on ne fait pas figurer les dispositifs de sauvetage parmi les facteurs d'instabilité, on ignore un problème essentiel" 30( * ) . Pour Martin Giles 31( * ) , " les peurs au sujet du risque systémique ont conduit à des appels pour plus de règles et de contrôle. Mais constituent elles une partie de la solution ou bien une partie du problème ?".

Il est du reste significatif que, jusqu'au rapport de la Commission des finances de l'Assemblée nationale sur le contrôle des banques et la protection des déposants 32( * ) , cette problématique n'ait pas été au centre 33( * ) de la réflexion de place.

C'est qu'en effet, le système français de prévention des crises bancaires, unique en son genre, a fonctionné de façon souple et efficace jusqu'au tournant de la crise. Mais depuis, l'environnement économique et réglementaire ayant considérablement changé on peut légitimement se demander s'il ne produit pas plus d'inconvénients qu'il ne comporte d'avantages.

Les spécificités du mécanisme français de traitement des crises bancaires

Les autorités bancaires disposent de trois instruments pour faire face au risque systémique, instruments qu'ils utilisent généralement de concert.

Le premier d'entre eux, le plus ancien aussi, consiste à désigner la Banque centrale comme " prêteur en dernier ressort " et la charger, en cas de crise, à fournir des liquidités non seulement aux banques en difficultés mais à l'ensemble du système. Au siècle dernier, l'économiste Walter Bagehot, dans son livre " Lombard Street ", formulait ainsi ce qu'il pensait devoir être la position des banquiers centraux : ils ne devraient prêter qu'aux banques solvables mais illiquides (sous entendu, ils ne devraient pas prêter aux banques insolvables), et seulement à un taux de pénalisation. Selon lui, les prêteurs de dernier ressort devraient également faire connaître leur intention à l'avance et de façon claire afin de décourager les banques de prendre des risques excessifs. Cette doctrine continue d'inspirer le comportement de certaines banques centrales, à commencer par la Banque d'Angleterre dont le gouverneur a déclaré à plusieurs reprises qu'il n'aiderait que les banques dont la disparition provoquerait l'apparition d'un risque systémique et qu'il ne le ferait qu'à un coût très onéreux pour ces banques. La disparition de la BCCI, puis celle de la Barings ont montré qu'il ne s'agissait pas de " propos en l'air" .

Le second instrument consiste à établir un " filet de sécurité " par l'intermédiaire d'un fonds de garantie auquel cotise l'ensemble de la communauté bancaire, le plus souvent sur une base obligatoire. Les premiers fonds de garantie furent installés aux Etats-Unis - le Federal Deposit Insurance Corporation pour les banques et le Federal Savings & Loans Insurance Corporation pour les caisses d'épargne furent mis en place en 1934, à peu près dans le même temps que le Glass Steagall Act et le Mac Faden Act, lois qui, dans un but prudentiel, avaient pour objectif de restreindre fonctionnellement et géographiquement l'activité bancaire. Depuis, l'ensemble des pays de l'OCDE se sont dotés de fonds de garantie sur le modèle américain, et dont la caractéristique commune est un appel ex ante des cotisations. En d'autres termes, les fonds sont disponibles avant la crise.

Enfin, plus récemment, sous l'impulsion du Comité de Bâle 34( * ) une troisième voie a été explorée consistant, d'une part, à mettre en place une réglementation prudentielle tendant au développement des fonds propres des entreprises bancaires 35( * ) . La phase la plus achevée de cette voie consiste à se rapprocher le plus possible de la naissance du risque en incitant les banques à se doter d'un système de contrôle interne le plus performant possible. C'est la voie recommandée aussi bien par la Commission bancaire 36( * ) que par le ministre de l'économie et des finances qui déclarait récemment : " après les difficultés de ces dernières années, il faut améliorer le système de surveillance, le contrôle interne, pour anticiper les risques nouveaux." 37( * )

Or, à défaut de mettre en oeuvre le troisième instrument dont l'importance était à l'époque vraisemblablement sous estimée, le système mis en place, dans notre pays, en 1984 n'empruntait que partiellement aux deux premiers instruments.

Il n'y a pas eu en effet de création d'un fonds de garantie obligatoire et couvrant l'ensemble du système bancaire
. Le législateur de l'époque semble s'être satisfait des systèmes existants sur base professionnelle, qu'il s'agisse des systèmes mutualistes ou du système de l'AFB, mis en place le 14 janvier 1980. Ces systèmes sont des systèmes fonctionnant par appel de cotisation ex post : ce qui signifie que tant qu'il n'y a pas de pas de problème, il n'y a pas de cotisations.

S'agissant de la garantie de prêteur en dernier ressort , la doctrine de notre Banque centrale s'est progressivement formalisée afin de déboucher sur ce qu'il est désormais convenu d'appeler la théorie de " l'ambiguïté constructive ". Afin de limiter la prise de risques trop importants qu'encourage le sentiment qu'en fin de compte il y aura toujours quelqu'un pour payer (ce que les anglo-saxons appellent le moral hazard et que l'on pourrait traduire par aléa de moralité ), les banques commerciales, solvables ou non, ne doivent jamais être sûres de pouvoir bénéficier de la garantie de la Banque centrale.

A vrai dire, le système mis en place reposait essentiellement sur la codification dans la loi d'une pratique existante, en Angleterre notamment, selon laquelle le Gouverneur de la Banque centrale invite les actionnaires d'un établissement de crédit à le recapitaliser en tant que de besoin.

C'est le célèbre article 52 de la loi bancaire 38( * ) , manifestation selon certains du " génie financier français " 39( * ) , censé résoudre tout à la fois les problèmes du risque systémique et du coût de la garantie (ce sont les actionnaires qui paient), et dont on rappellera qu'en 1983 la Commission des lois du Sénat, sans doute peu sensible à cette forme de génie, avait, sous l'impulsion de son rapporteur, le président Étienne Dailly, demandé la suppression du premier alinéa 40( * ) .

En effet, le Président Dailly s'était opposé à l'alinéa premier de l'article 52 qui lui semblait contraire au droit des sociétés et notamment le principe de la limitation de la responsabilité des actionnaires au prorata de leurs apport Pour lui ce texte était inutile et dangereux. Il craignait que sous cette "invitation" du Gouverneur ne se cache en vérité une contrainte. Il lui fut répondu qu'il n'en serait rien... (voir encadré)


Travaux préparatoires relatifs à l'article 52 de la loi bancaire

L'examen de cet article en séance publique, au Sénat, avait appelé une longue discussion qu'il serait hors de propos de rapporter ici intégralement. On en retiendra néanmoins les passages les plus significatifs ( Journal Officiel , débats Sénat, Samedi 5 novembre 1983 p. 2630 et suivantes).

M. Étienne Dailly, rapporteur pour avis.- " Le gouverneur de la Banque de France est donc tenu d'inviter - l'indicatif est évidemment impératif - les associés à fournir leur soutien, mais ces derniers, en revanche, ne sont pas tenus de répondre à son invitation, puisque cette disposition n'est assortie d'aucune sanction, grâce au Ciel !

"En fait cette disposition constitue une sorte de droit d'alerte, mais ce droit d'alerte est institué au profit du gouverneur de la Banque de France dans le cadre d'un établissement de crédit en difficulté. Cette mesure pourrait être, certes positive, mais l'article 41 du projet prévoit déjà pour la commission bancaire un droit d'alerte des établissements de crédit en difficulté, à l'effet de prendre toutes mesures destinées à rétablir ou renforcer son équilibre financier.

"En revanche, le gouverneur de la Banque de France ne paraît pas habilité à imposer - personne ne soutiendra, j'imagine le contraire - aux actionnaires des obligations financières nouvelles, d'autant que le propre même des actionnaires est que leur responsabilité financière est limitée à leur participation au capital. Voilà pourquoi la commission des lois préfère supprimer cet alinéa, qui, en définitive, n'a qu'une portée pédagogique, mais pourrait, par son maintien, donner à croire qu'il confère au gouverneur de la Banque des pouvoirs qu'en aucun cas personne ne peut lui conférer. Tel est l'objet de l'amendement n° 90 qui vise à supprimer le premier alinéa de l'article 49
"

M. Yves Durand , rapporteur.- " La commission des finances vient d'écouter le rapporteur pour avis de la commission des lois et a suivi son raisonnement. Mais elle avait accepté le principe de cet alinéa, qui confère au gouverneur de la Banque de France une prérogative particulière, au demeurant non contraignante. Elle demande donc que la commission des lois réfléchisse au maintien ou au retrait de son amendement. "

M. Jacques Delors , ministre de l'économie, des finances et du budget.- " Le Sénat a manifesté à maintes reprises son souci de voir le gouverneur de la Banque de France jouir de prérogatives qui lui sont nécessaires et comparables, compte tenu de ce qu'est notre pays, à ce qui existe dans les autres.

"Nous avons donc cru bon d'introduire cet article, qui montre bien que l'équilibre entre les pouvoirs de l'Etat, d'un côté, et ceux du gouverneur de la Banque de France, de l'autre, est établi avec soin. Des affaires récentes montrent qu'il est important que le gouverneur de la Banque de France soit conforté tant vis à vis de l'intérieur que vis à vis de l'extérieur. Sa double mission consiste, d'une part à veiller au maintien des règles du jeu et, d'autre part, à organiser la solidarité de place.

"Cet article de loi me paraît donc indispensable
".

(plus loin) M. Étienne Dailly, rapporteur pour avis.- " Dans une récente affaire (...) si le gouverneur avait eu ce texte il aurait pu le leur imposer (aux actionnaires)" M. Jacques Delors , ministre de l'économie, des finances et du budget.- " Non, pas du tout ! "

(plus loin) M. Étienne Dailly, rapporteur pour avis.- " En tant que rapporteur de la commission des lois, et nous plaçant, comme nous devons le faire sur le plan du droit, nous vous disons que cet article est inutile et dangereux ".

(plus loin) M. Charles Lederman .- " Je suis persuadé, monsieur Dailly, que vous ne pensez pas un seul instant que ce mot (invite) puisse prêter à confusion. (...) Mais vous ne pouvez pas, un seul instant, permettre à nos collègues de penser qu'il peut y avoir une confusion et que le terme "invite" qui figure dans l'article 49, alinéa premier, peut le moins du monde, être considéré comme une contrainte .

" Par conséquent, puisque, incontestablement, il n'y a pas de contrainte, il ne peut pas y avoir de confusion et nous en revenons à la pédagogie à laquelle il a été fait allusion tout à l'heure. Effectivement, c'est un moyen pédagogique qui, dans les espèces qui peuvent nous intéresser, est important ".

A l'Assemblée nationale, la discussion de cet article a été plus brève. Mais confirme sans aucun doute l'intention du législateur.

M. le ministre de l'économie, des finances et du budget.- " J'indique simplement à M. Gantier que, par cet article, nous avons voulu mettre le droit en conformité avec les faits et consacrer le rôle de magistère moral de la Banque de France, magistère moral qui ne va pas d'ailleurs sans lui imposer, le cas échéant, le devoir d'intervenir.

"De telles interventions sont elles fréquentes ? Fort heureusement, non, je crois me souvenir qu'il n'y a eu qu'une en cinq ans
."

Il ressort des investigations menées par la mission d'information de la Commission des finances de l'Assemblée nationale, que l'alinéa premier de l'article 52 aurait été utilisé, soit explicitement, soit sous forme de " menace " à plus de vingt reprises, " en toute confidentialité et avec succès, sauf dans un nombre très limité de cas " 41( * ) .

Or, on peut se demander dans quelle mesure cet article n'a pas sacralisé l'immortalité bancaire et, avec elle, les surcapacités actuelles.

Comme le relèvent les analystes de Standard & Poor's 42( * ) " la pratique française de soutien continu aux banques en difficulté aboutit à un paradoxe. Le principe de solidarité bancaire illustré par l'article 52 de la loi bancaire de 1984 apporte une sécurité supplémentaire aux créanciers des banques françaises. (...) Mais, bien qu'ayant réussi à préserver la confiance dans le système bancaire dans son ensemble, cette politique de soutien systématique des établissements en difficulté a contribué à la faible rentabilité de l'ensemble du secteur en laissant subsister des établissements non rentables ou au bord de la faillite . Le sauvetage du Crédit Lyonnais en 1994 n'est que l'exemple le plus spectaculaire parmi ceux organisés par les pouvoirs publics depuis le début de la décennie. "

En effet, si une recapitalisation ponctuelle peut être justifiée dans un souci patrimonial lorsque l'établissement est viable, la recapitalisation érigée en système de prévention des risques, même dans le cas d'établissements non viables, aboutit à entretenir la surcapacité du système et rend impossibles les ajustements.

Afin d'apprécier à sa juste mesure cet effet macro-économique, il faudrait pouvoir connaître avec précision dans combien de cas l'application du premier alinéa de l'article 52 a débouché sur une liquidation de l'établissement recapitalisé. Le caractère confidentiel de son utilisation rend malheureusement une telle mesure difficile. On suppose néanmoins que sur la vingtaine d'utilisations dont il a fait l'objet, ce texte a conduit, dans une majorité de cas, à la survie de l'établissement en difficulté. On imagine mal en effet des actionnaires, même bancaires, accepter de recapitaliser un établissement dont ils savent par avance qu'il va faire l'objet d'un retrait d'agrément ou d'une liquidation.

En outre, ce dispositif a progressivement donné lieu à une jurisprudence du Comité des établissements de crédit consistant à exiger, lors de l'agrément des banques, la présence dans leur capital d'actionnaires de référence , s'engageant par des lettres de confort à garantir leur intervention en comblement de passif, sur l'invite du Gouverneur de la Banque de France. Dans la mesure où, pour être efficace, ce dispositif supposait que les actionnaires de référence soient des établissements de crédit existants et solides, cette pratique aurait très bien pu déboucher sur une cartellisation de la place bancaire de Paris.

Les possibles effets pervers de l'article 52

Deux évolutions ont profondément modifié l'appréciation que l'on peut porter sur le dispositif français.

La première, d'ordre économique, tient à l'élargissement du capital des banques à des acteurs non bancaires ou étrangers . En effet, dans quelle mesure est-il possible de contraindre ces acteurs, par nature moins sensibles à la pression des autorités bancaires, à respecter la solidarité de place ?

La dissolution progressive des noyaux durs imposés lors de la privatisation des banques de premier ordre (Société Générale, BNP, Paribas...) a également contribué à fissurer les fondements mêmes de la solidarité de place à la française . Ce système ne serait-il efficace que pour les plus petites banques ?

La faillite de la banque Pallas Stern en 1995, qui fut la plus importante faillite bancaire en France depuis la guerre, illustre bien la remise en question de ce principe de solidarité bancaire. Les actionnaires de la Banque Pallas Stern ont en effet décliné la requête des autorités de tutelle visant à organiser le soutien de la banque. Avec le cas de la Compagnie du BTP et de Banque Commerciale privée (BCP), il s'agit du troisième cas depuis 1993 où l'utilisation publique de l'article 52 est restée sans effet. En outre, dans un cas au moins, le Comptoir des entrepreneurs, son application s'est révélée très difficile. Comme le remarquent les analystes cités plus haut : " Cet échec montre que les structures d'actionnaires de type consortial ainsi que les actionnaires industriels (au contraire des actionnaires bancaires) sont particulièrement réticents à soutenir leur filiales bancaires en France. "

La seconde évolution réside dans l'adoption, au niveau européen, d'une réglementation relative à la garantie des dépôts . C'est la directive n°94/20/CE du 30 mai 1994; transposée par la France dès le 8 août 1994 au niveau législatif (article 10 de la loi n° 94-679 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier créant un article 52-1 de la loi bancaire 43( * ) ) et en 1995 au niveau réglementaire (règlement 95-01 du 21 juillet 1995 du Comité de la réglementation bancaire).

Ce nouveau dispositif pose évidement le problème de la cohérence avec l'article 52 de la loi bancaire 44( * ) et notamment de l'ordre chronologique des interventions. Certains analystes 45( * ) pensent que le recours à la garantie des dépôts pourrait jouer de façon concomitante avec l'article 52, après l'appel en comblement de passif et avant l'appel à la solidarité de place. La mission d'information de la Commission des finances de l'Assemblée nationale 46( * ) penche au contraire pour une utilisation mi-consécutive, mi-alternative : dans tous les cas, le gouverneur de la Banque centrale ferait appel, dans un premier temps, à la garantie des actionnaires de référence. Si cet appel reste sans écho ou s'il se montre inefficace, il serait alors décidé, en fonction de la nature du risque encouru, de faire appel soit au mécanisme de garantie des dépôts (risque non systémique) , soit au mécanisme de la solidarité de place (risque systémique).

Le second problème est celui de la modification des systèmes de garanties existant. Contrairement à la proposition avancée par la mission d'information de l'Assemblée nationale consistant à mettre en place un véritable fonds de garantie interbancaire, la solution retenue par le Gouvernement semble être la reconnaissance des systèmes actuels 47( * ) . En effet, le 26 juillet dernier, ont été approuvés par le Comité de la réglementation bancaire, le système de garantie des dépôts de l'AFB et les systèmes dits équivalents des établissements mutualistes. L'homologation de ces décisions devrait en principe intervenir prochainement.

Si tel était le cas, la transposition de la directive " garantie des dépôts " n'aurait fondamentalement rien changé à la structure de notre système de protection. Celui-ci continuerait de reposer, avant tout, sur l'article 52 de la loi bancaire, et la prédiction du Président Dailly se révélerait exacte : cet article était dangereux quand il fonctionnait, il est devenu inutile depuis qu'il ne fonctionne plus.

Les blocages législatifs et réglementaires

En l'absence d'une diminution du nombre des acteurs, d'autres modes d'ajustement auraient normalement du être utilisés : mobilité du travail (géographique et sectorielle), durée du travail, flexibilité des rémunérations et enfin licenciements. Il n'en a rien été, ou presque.

La mobilité géographique et sectorielle n'a pu offrir des perspectives suffisantes d'ajustement en dépit du poids très important des charges de formation dans le secteur bancaire (le double de la moyenne nationale). En effet, la structure démographique du secteur bancaire a pour caractéristique de comporter un grand nombre de personnels faiblement qualifiés, recrutés pendant les années 60. Olivier Pastré fait remarquer à cet égard que " même un secteur comme le BTP n'a jamais connu un niveau de sous-qualification aussi durablement marqué " 48( * ) . Selon ce même auteur, " les progrès dans ce domaine ne sont pas à l'échelle des enjeux globaux. D'abord, parce que la réforme du système de formation bancaire est une oeuvre de longue haleine, mais aussi et surtout - ayons le courage de le dire - parce qu'une partie encore trop importante des effectifs bancaires libérés par l'informatisation n'est pas "recyclable" - au moins à un coût financier acceptable - sur les segments créateurs d'emploi. Les difficultés que présente la formation d'un salarié à Bac - 2 sont d'autant plus grandes (ce que soulignent tous les rapports scientifiques sur le système éducatif) que l'on cherche à transformer un technicien administratif en cadre commercial " 49( * ) .

En ce qui concerne les rémunérations, d'importants efforts ont déjà été consentis au cours des dernières années . La seule marge de manoeuvre restante se trouve peut être du côté de la variabilité des rémunérations , facteur à la fois de motivation et d'intégration progressive.

S'agissant des réductions d'effectifs, le secteur bancaire a subi, comme l'ensemble des autres secteurs, les rigidités du droit du travail français et notamment de l'autorisation administrative de licenciement, introduite en 1975 et renforcée par la suite. Quand bien même les possibilités de licenciement auraient été plus fortes, il est douteux que des banques nationalisées eussent réellement mis en oeuvre de telles procédures. Il n'en reste pas moins vrai que des réductions d'effectifs sont malheureusement inévitables. Pour autant, ces réductions sont le plus sûr garant des possibilités de créations d'emplois ultérieures dans le secteur et il convient de refuser l'affirmation selon laquelle la " banque est la sidérurgie de demain ".

Le secteur bancaire reste, en effet, un des secteurs où les créations potentielles d'emploi sont les plus significatives. Toute une génération de diplômés, qui reste aujourd'hui aux portes du marché de l'emploi, pourrait permettre d'opérer la diversification de l'offre de services bancaires. Pour reprendre le parallèle effectué par M. Pastré, l'évolution de ce secteur doit être comparée à celle du secteur du service informatique qui a subi lui aussi un passage à marches forcées de la taylorisation à la vente de services à valeur ajoutée. Or, l'industrie française des services informatiques reste parmi les plus performantes et les plus exportatrices au monde et constitue un des atouts dont nous disposons pour lutter contre le chômage des jeunes qualifiés. Comme le dit M. Marc Viénot, président de la Société Générale, la réduction des coûts se fera automatiquement en 2003-2004, du fait de la pyramide des âges dans le secteur bancaire. A cette époque, " le problème ne sera plus de savoir s'il faut licencier, mais de savoir comment il faut recruter " 50( * )

D'ici là, les licenciements seront d'autant plus réduits que les entreprises bancaires pourront utiliser les autres variables que sont la durée du travail et la modulation des prix. Or, de ce double point de vue, la législation actuelle est source de blocages et de rigidités.

La législation en matière de durée du travail

La variabilité de la durée du travail constitue une marge de manoeuvre qui a été, globalement, insuffisamment utilisée. Or quelle qu'en soit la forme, il s'agit sans doute d'une des variables clés pour éviter que les pressions concurrentielles ne se traduisent par des licenciements.

Cependant, l'interdiction d'étaler la durée du travail sur une semaine entière rend cette marge de manoeuvre particulièrement difficile à utiliser.


En effet, le décret du 31 mars 1937 interdit l'organisation du travail par relais et par roulement 51( * ) , ce qui contraint en pratique les guichets à mettre en place un horaire unique de travail pour tout le personnel. Car même si le travail en équipe est autorisé (12 ème alinéa de l'article 2), le travail d'équipe doit être continu, la seule interruption étant le repos hebdomadaire.

L'article 2 de ce décret oblige également les banques AFB à respecter deux jours de repos hebdomadaires (le dimanche et soit le lundi, soit le samedi). Ceci n'est évidemment pas condamnable, mais la combinaison de cette disposition avec l'obligation de répartir de façon uniforme la durée hebdomadaire du travail sur cinq jours contraint en pratique les guichets à fermer deux jours consécutivement. Ils ne sont donc ouverts que 37 heures 30 par semaine sur cinq jours (20 heures de moins que la Poste, un jour de moins que les agences du Crédit agricole ouvertes six jours sur sept).

Toutefois, l'article L 212-2 du code du travail permet de déroger aux dispositions du décret de 1937 par accord entre les partenaires sociaux. Toutefois la procédure actuelle est particulièrement lourde puisqu'elle prévoit un arrêté du préfet pour déroger au repos du samedi et un arrêté ministériel pour déroger à l'interdiction du travail par roulement ou par relais.

La négociation de ce dossier au niveau de la branche professionnelle (commission paritaire de la profession bancaire) n'a guère évolué depuis plus de dix ans. Après l'échec, en décembre 1994, de la négociation de branche, l'AFB a proposé, en novembre 1995, au ministre des affaires sociales, une " charte " offrant des garanties formelles aux salariés du secteur, en contrepartie d'une suppression du décret. Mais cette initiative n'a pas encore eu de suites.

Certaines banques ont alors négocié leur propre accord. La Compagnie bancaire a ouvert la voie en janvier 1995. Elle a été suivie depuis par le CFF, quelques banques du CIC, la BRED et la BNP en juillet 1995. Mais ces accords, tous dérogatoires au décret de 1937, sont limités, dans leur quasi-totalité, à des plates-formes téléphoniques dédiées à des services de banque à domicile.

L'accord-cadre signé par le Crédit Lyonnais en avril dernier tranche avec les précédents en prévoyant une réduction du temps de travail sans réduction du salaire 52( * ) .

En dépit de cet accord, le dialogue entre les partenaires sociaux ne semble toujours pas, à la rentrée 1996, en mesure de déboucher sur un accord de branche, les syndicats (voir auditions des responsables syndicaux en annexe) refusant d'envisager une diminution généralisée du temps de travail, assortie d'une diminution de salaires. Toutefois, l'utilisation des dispositifs prévus par la loi du 11 juin 1996 tendant à favoriser l'emploi par l'aménagement et la réduction conventionnels du temps de travail, dite loi Robien, pourrait donner lieu à de nouveaux développements.

Réponses des conseillers financiers des ambassades de France à Rome, Londres et Bonn

La réglementation sociale dans le secteur bancaire se caractérise-t-elle par des obligations spécifiques analogues à celles auxquelles sont soumises les banques AFB (décret de 1937) en France ?

1. La réglementation sociale en Grande-Bretagne


"La réglementation sociale de base est minimale et chaque banque a ses propres dispositions. Ci-joint les dispositions de la banque National Westminster et Lloyds bank. Il est à noter que les licenciements se font très rapidement sans préavis."

2. La réglementation sociale en Allemagne

"Les relations sociales à l'intérieur du secteur bancaire relèvent en Allemagne, comme pour tous les autres secteurs de l'économie, d'un strict paritarisme employeurs-organisations syndicales. La réglementation sociale résulte d'accords trouvés dans ce cadre sans intervention de l'Etat fédéral, tant pour les conditions générales du travail (révisées à intervalle régulier) que pour les augmentations salariales (négociées actuellement)."

3. La réglementation sociale en Italie

"La réglementation sociale applicable aux banques italiennes est celle de droit commun. Certaines d'entre elles, notamment les fondations, avaient, dans le passé, constitué leur propre fonds de pensions prenant entièrement en charge le paiement des retraites. Ces fonds ont été transférés à l'Institut National de Prévoyance (l'INPS), les banques ne gérant plus que les fonds de pensions constitués à titre volontaire et assurant le paiement de retraites complémentaires."

La législation en matière de tarification des services

L'interdiction de rémunérer les dépôts et de tarifer les services nourrit une controverse récurrente. On peut y voir un legs de l'ancienne conception de la " banque-service public ". A cet égard, on peut rappeler que la décision de tarifer les chèques, qui avait été adoptée à une très large majorité par les caisses régionales de Crédit Agricole en 1985, s'était heurtée, semble-t-il, au veto du Gouvernement.

Récemment, la Cour de cassation, dans un arrêt de janvier 1995, a remis en cause les dates de valeur sur les espèces. Cette jurisprudence, ainsi qu'un rapport du Conseil national du crédit sur le " bilan et les perspectives des moyens de paiement en France ", de février 1996 ont relancé ce débat, dont on rappellera brièvement les fondements juridiques avant d'en présenter l'impact économique.

Les fondements juridiques

L'interdiction de tarifer la délivrance des chèques résulte de l'article 65-1 du décret loi du 30 octobre 1935. Celui-ci dispose que : " Lorsqu'il en est délivré, les formules de chèques sont mises gratuitement à la disposition du titulaire du compte dans les conditions déterminées par décision de caractère général du Conseil national du crédit ".

Une rédaction analogue se retrouve à l'article premier de la loi du 1 er février 1943 relative aux règlements par chèques et virements : " Les formules de chèques sont mises gratuitement à la disposition des titulaires de comptes de chèques par les personnes, établissements et entreprises sur qui les chèques peuvent être tirés et par l'administration des Postes, télégraphes et téléphones ." On observera que seule la délivrance de carnets de chèques doit être gratuite, et non l'émission de chèques elle-même.

L'interdiction de rémunérer les dépôts résulte d'une décision de caractère général du Conseil national du crédit du 8 mai 1969, dont la teneur est reprise à l'article 2 du règlement n° 86-13 du 14 mai 1986 du comité de la réglementation bancaire (CRB) 53( * ) . Le principe législatif de cette interdiction figure à l'article 1756 bis du code général des impôts, qui énonce l'interdiction de rémunérer les dépôts au-dessus d'un niveau fixé par le CRB ou directement par le ministre de l'économie et des finances.

L'impact économique

S'agissant de l'impact économique de cette politique du ni-ni (ni tarification - ni rémunération), plusieurs observations s'imposent.

En premier lieu, il est évident qu' une situation qui repose sur " l'échange de gratuités " n'est pas économiquement propice aux évolutions. Imagine-t-on une autre industrie où les producteurs ne pourraient ajuster en rien l'évolution de leurs coûts sur les prix de leurs services ? Or , la gestion de moyens de paiements s'assimile véritablement à une activité industrielle. Avec 10,3 milliards de transactions à traiter par an et des taux de croissance annuelle de l'ordre de 4%, elle absorbe en moyenne 35 % des frais généraux des établissements et se traduit pour les établissements de crédit par un déficit de plusieurs milliards de francs. Du reste, le Conseil national du crédit, dans son rapport précité, a considéré que " si la productivité économique et l'adaptation sociale de la gestion de moyens de paiement dans notre pays sont unanimement reconnues, il n'en demeure pas moins que cette gestion reste très déséquilibrée pour le système bancaire . "

Par ailleurs, les distorsions dans la facturation des moyens de paiement restent à l'origine d'une utilisation inefficiente desdits moyens par la clientèle (50 % de chèques de petit montant).

Ensuite, la non tarification est source d' importantes péréquations entre produits et entre clients , qui correspondent de moins en moins aux réalités économiques actuelles, tant du côté des banques que du côté des clients. Elle est source d'opacité et donne lieu à des tarifications occultes, dont la pratique des dates de valeur, qui est sans doute la plus connue 54( * ) et la plus irritante pour les clients des banques, n'est malheureusement pas la seule (Certaines banques se sont fait une spécialité de " prélèvements pour frais de gestion ", ou " participations à la gestion des comptes " soudainement imposés aux clients, en marge des " conditions générales " d'ouverture et de tenue des comptes).

Une enquête réalisée auprès de quinze grands établissements de la place et publiée par l'Institut national de la consommation en mars dernier confirme cette péréquation des produits. Cette enquête a montré que les prix des services bancaires aux particuliers ont progressé en moyenne de 89 % entre 1986 et 1995, quand l'ensemble des prix à la consommation n'augmentait que de 27 %.

Dans le même ordre d'idées une étude publiée dans la revue d'économie financière de l'hiver 1995 semble montrer qu'il existe " une péréquation forte " entre produits de dépôts (surfacturés) et produits de crédits (sous-facturés). 55( * )

Enfin, la non tarification constitue un frein à la baisse des taux bancaires . Ce phénomène s'explique par la structure particulière du PNB des banques françaises. Celui-ci comporte en effet une part assez faible de commissions (22,5 % en 1994), comparée aux PNB des banques américaines (34,3 %) et britanniques (43,2 %), qui rend les banques françaises particulièrement vulnérables à la baisse des taux d'intérêt.

Selon certains analystes 56( * ) , une baisse des taux de 1 % conduirait, pour les " très grands établissements à vocation générale " (nomenclature 100 de la Commission bancaire), et sur la base des résultats de 1994, à une baisse du PNB de 6 % et, par l'effet d'inertie des frais généraux et du poids du réseau, à une baisse d'un tiers du résultat d'exploitation. Selon ces mêmes analystes, la désensibilisation des résultats des banques aux variations des taux d'intérêt exige d'accroître la part des commissions dans le PNB. Or cet accroissement passe par une tarification de l'ensemble des services bancaires, sans exception, sur la base de leurs prix de revient, et non, comme c'est le cas actuellement, en fonction du degré d'acceptation, réel ou supposé, du client face à des hausses de tarifs.

Le tableau ci-dessous met en évidence la faible élasticité du taux de base bancaire par rapport à un taux de marché.

On observera encore que le démarrage de la troisième phase de l'Union économique et monétaire, au 1 er janvier 1999, va immanquablement confronter les établissements français à l'arrivée de concurrents étrangers, où la rémunération des comptes courants est classique. La France restant avec la Grèce et la Nouvelle-Zélande, l'un des derniers pays de l'OCDE où une telle pratique est interdite.

Toutes ces raisons ont conduit le Conseil national du Crédit, à émettre le souhait que soient trouvés " les principes d'un meilleur équilibre économique pour la gestion des moyens de paiement, que celui mis en place dans le milieu des années soixante."

Réponses des conseillers financiers des ambassades de France à Rome, Londres et Bonn

Existe-t-il, en matière de protection des consommateurs, des dispositions aussi rigides que celles de la législation française (modalités de renégociation des taux d'intérêt des prêts en cours en cas de baisse des taux, lois sur le surendettement ?

1. Grande-Bretagne


"Les britanniques ont des dispositions similaires à celles de la France, une période d'attente ( cooling period ) pendant laquelle le contrat peut être résilié sans frais."

2. Allemagne

"La protection du consommateur existe naturellement en Allemagne pour les opérations financières, mais relève pour l'essentiel de dispositions juridiques de niveau législatif et relativement succinctes (interdiction de l'usure, faculté de renégociation des prêts bancaire, etc.) et de la jurisprudence.

"Par comparaison avec la situation qui prévaut en France, les dispositions juridiques de nature réglementaire sont sans doute nettement moins nombreuses en Allemagne."

3. Italie

Il semblerait qu'il n'y ait pas en Italie de législation sur la renégociation des prêts, dans la mesure où certaines associations de consommateurs ont demandé au gouvernement d'imposer aux banques cette faculté.

Les autres blocages législatifs ou réglementaires

Dans l'ensemble européen, la réglementation française apparaît aujourd'hui comme la mieux faite pour défendre les consommateurs. Mais c'est aussi la plus rigide.

La Commission des Communautés européennes considère toutefois que le désarmement du système français est la seule solution possible en prévision d'une éventuelle harmonisation.

Rupture abusive et soutien abusif

Les banques françaises sont certainement les seules parmi les pays développés à être placées aussi étroitement qu'elles le sont entre le marteau de la rupture abusive de crédit et l'enclume du soutien abusif à entreprise en difficulté voir la mise en cause pour gestion de fait. La jurisprudence britannique, par exemple, est beaucoup plus restrictive en la matière 57( * ) . S'il est vrai que ces imputations ne peuvent être retenues arbitrairement, le risque juridique encouru par les banques en France est loin d'être négligeable et peut expliquer l'attitude réputée " frileuse " des banques vis-à-vis de certains " risques ", notamment les PME.

De la même façon, des jurisprudences sont établies qui cultivent l'exception française de manière exagérée par rapport aux usages internationaux en vigueur. Ainsi, contrairement à ceux-ci, la Cour de cassation 58( * ) , en application du décret du 4 septembre 1995 sur le taux effectif global, a cassé l'arrêt de la Cour d'appel qui avait décidé que l'expert pouvait s'appuyer sur l'usage " lombard " consistant à retenir 360 jours pour calculer les intérêts applicables aux découverts successifs du compte courant d'une société.

La législation sur les faillites

La législation sur les faillites telle qu'elle résulte de la loi de 1985 est très favorable aux débiteurs. En effet, cette loi, en vue de faciliter la continuation de l'activité de l'entreprise a rendu prioritaires les créanciers titulaires de créances nées au cours de la période d'observation, c'est à dire après l'ouverture de la procédure, même par rapport aux créanciers antérieurs, titulaires de sûretés réelles.

Toutefois, les excès les plus évidents de cette loi ont été corrigés par la loi du 26 mai 1994 qui a rétabli, dans une large mesure les garanties bancaires et moralisé les procédures, notamment les reprises. Cette loi a également amélioré les mécanismes de prévention des entreprises en difficulté.

Le risque de remboursement anticipé des crédits aux particuliers

Introduite par la loi du 13 juillet 1979, la faculté offerte aux emprunteurs de pouvoir renégocier leurs prêts à taux fixe moyennant une pénalité assez faible constitue une source de pertes de revenus pour les banques, invoquée par de nombreuses personnalités entendues par le groupe de travail.


Rappel des règles relatives au remboursement anticipé


· Crédit à la consommation : article L 311-29 du code de la consommation.


Droit exerçable à tout moment, sans indemnité, pour un montant au moins égal à trois fois le montant de la première échéance non échue (décret n° 90-979 du 31 octobre 1990).


· Crédit immobilier : article L 312-21 du même code.


Droit exerçable à tout moment, avec une indemnité ne pouvant excéder six mois d'intérêt, plafonnés à 3 % du capital restant dû * (décret n° 80-473 du 28 juin 1980 - art. 2), pour un montant qui peut ne pas être inférieur à 10 % du montant initial du prêt.

* 1 % pour les prêts aidés par l'Etat.

De fait, lorsque les taux d'intérêt baissent significativement, les emprunteurs trouvent avantage à rembourser leurs prêts par anticipation puis à réemprunter le capital restant dû, ou à renégocier leur prêt sur la base du gain qu'ils pourraient réaliser par ce remboursement.

Cette attitude n'est pas illégitime, mais elle coûte très cher aux établissements 59( * ) qui doivent répercuter ce coût sur les nouveaux emprunteurs (phénomène connu sous l'expression de " mutualisation " du risque de remboursement anticipé).

En outre, elle peut donner lieu, dans certains cas, à des pratiques déontologiquement condamnables. C'est le cas par exemple des pratiques qui affectent les établissements spécialisés, notamment dans le secteur des crédits immobiliers (voir audition du président de l'Association des sociétés financières en annexe). Ces institutions, qui, le plus souvent, font tenir leurs comptes par des banques domiciliataires, ont été victimes, de la part de ces dernières, de détournements de fichiers dont l'objectif est de démarcher les clients en leur proposant de renégocier les crédits en cours.

Examiné tout au long de l'année par le comité des usagers du Conseil National du Crédit, ce dossier a fait l'objet de réflexions présentées dans le rapport 1994-1995, mais n'a pu déboucher sur un accord. Faute d'un consensus quant aux solutions à adopter, les banques sous l'égide de l'AFEC et de l'AFB, n'ont pu que clore provisoirement le dossier.

*

Cette impossibilité de procéder à des ajustements a provoqué une anémie généralisée du secteur bancaire. Au lieu d'être concentrées sur les acteurs les plus faibles, les difficultés ont été partagées par l'ensemble du système (phénomène dit du partage du fardeau ou burden share) , ce qui a rendu les ajustements particulièrement lents par comparaison avec les systèmes bancaires étrangers et notamment britanniques et américains, où la crise a été surmontée beaucoup plus rapidement.

Surtout, les établissements de crédit se sont lancés dans une concurrence effrénée qui les ont conduits dans des situations d'aveuglement collectif. A défaut d'être " régulatrice " la concurrence est devenue " destructrice ".

LES ERREURS DE GESTION DES BANQUES ET LA CONCURRENCE DESTRUCTRICE

Les erreurs de gestion ont aggravé la situation générale des banques, aggravation qui, à son tour a débouché sur une guerre des prix et une situation de concurrence destructrice.

Les erreurs de gestion

Les erreurs commises par les banques ont été nombreuses et pourraient justifier un rapport spécifique.

Plusieurs membres de la Commission des finances du Sénat ont particulièrement insisté sur ces erreurs, lui attribuant une responsabilité très importante voire prépondérante dans la genèse de la crise 60( * ) .

Il est exact que l'on ne saurait minorer, pour expliquer cette crise, l'importance de certains atavismes de notre système bancaire et, notamment, les liens privilégiés qu'il entretient avec la haute fonction publique. Le métier de banquier, comme tous les autres métiers, nécessite un long apprentissage. Les hauts fonctionnaires, même les plus brillants, ne sauraient s'improviser dirigeants bancaires par la seule vertu d'un décret de nomination. Il convient toutefois de ne pas succomber à la tentation d'une généralisation sans nuances.

Il est non moins vrai qu'en nommant systématiquement des hauts fonctionnaires de l'administration des finances dans les banques publiques, (voire privées ou semi-privées) l'exécutif a engagé sa responsabilité.


Néanmoins, le rôle du législateur n'est pas de définir ce que doit être (ou ne pas être) la gestion des établissements de crédit. Pour autant, il demeure comptable de la bonne utilisation des deniers publics. De ce point de vue, la commission des finances du Sénat reste fidèle à la doctrine qu'elle a établie dans le cadre de son rapport sur l'Etat actionnaire 61( * ) .

On observera également que des erreurs de gestion ont été commises par les dirigeants bancaires dans tous les pays du monde et que faire peser la responsabilité de la crise du secteur bancaire français sur la seule administration serait réducteur.

Enfin, on peut penser que dans, une large mesure, le facteur "erreurs" a revêtu un caractère endogène autant qu'exogène. En d'autres termes, qu'elles aient été d'essence tactique, comme l'aveuglement collectif sur l'immobilier, ou au contraire stratégique, comme l'idée que toutes les banques sont capables de devenir des banques universelles, les erreurs commises ont résulté davantage de la situation créée par les réformes, que d'une incapacité collective des dirigeants bancaires français, hauts fonctionnaires ou non.

Les erreurs tactiques
Les erreurs privées

Les erreurs tactiques témoignent avant tout de la volonté des établissements de crédit, marqués par l'affaiblissement de leurs marges, de se " refaire ". La crise de l'immobilier est particulièrement révélatrice de cet enchaînement des catastrophes.

A cet égard, trois erreurs peuvent rétrospectivement leur être imputées : s'être précipitées à la fin des années 1980 sur un marché lucratif mais spéculatif, avoir nié la crise pendant des années et en avoir sous-estimé l'ampleur en ne procédant pas aux provisionnements nécessaires.

Dans un premier temps, les banques, séduites par une rentabilité élevée, ont cherché à compenser la faiblesse des marges sur leurs activités traditionnelles en se précipitant sur le financement de l'immobilier de bureaux, essentiellement en région parisienne. Les concours accordés aux professionnels de l'immobilier auraient augmenté de 173 % entre 1988 et 1990 pour atteindre plus de 300 milliards de francs en 1992. Cette stratégie pouvait se comprendre s'agissant des établissements spécialisés ou de petite taille qui cherchaient à survivre.

Le cas du Comptoir des entrepreneurs, qui a connu une défaillance en 1993, est exemplaire. Cette institution financière spécialisée, privée de la distribution de prêts bonifiés par l'Etat, a cherché à se constituer à la hâte un fonds de commerce. Sans atout concurrentiel particulier, elle s'est lancée sur un marché risqué mais rémunérateur. Elle y était même encouragée par l'administration de tutelle, qui porte une part de responsabilité non négligeable dans la quasi-faillite de l'établissement.

Le cas du Crédit Lyonnais, qui, par le caractère massif de ses engagements, a aggravé la crise de l'immobilier, est encore plus révélateur. Selon certaines informations 62( * ) , la banque publique représentait à elle seule près d'un tiers (105 milliards de francs) des concours de toutes les banques françaises. Si l'on prend l'ensemble des établissements publics ou semi-publics on arrive à environ 200 milliards soit près des deux tiers des encours de crédit.

La deuxième erreur a été de nier ou de minimiser la crise de 1990 à 1992. Pourtant les signes en étaient nombreux et concordants : entre 1990 et 1993, les prix de vente des bureaux parisiens se sont effondrés de 40 %. Les loyers de bureau dans Paris centre qui s'élevaient en 1990 à 3.000 francs le mètre carré, ne dépassaient guère les 2.000 francs en 1993. Enfin, le stock des immeubles de bureaux anciens en Île-de-France a quasiment doublé entre 1990 et 1993. En dépit de ces signes, les dirigeants de banques ont considéré que la baisse des prix serait passagère. Avec l'aval des commissaires aux comptes et de l'instance régulatrice, les établissements de crédit ont minimisé l'impact des créances impayées sur leurs comptes en attendant, en vain, des jours meilleurs.

Les pertes potentielles étant considérables, la troisième erreur a consisté, quand la crise est apparue, à tenter de lisser les provisions et à éviter un effondrement des prix de l'immobilier. Un consensus de place s'est instauré, sous l'impulsion, notamment, du tribunal de commerce de Paris, dont le mot d'ordre était : pas de faillite afin d'éviter le bradage des prix et, par ricochet, d'obliger tous les établissements à afficher des provisions et des pertes massives.

Cette stratégie a eu pour conséquence de limiter les pertes affichées, mais aussi de " tuer " le marché de l'immobilier de bureaux. Les rares transactions n'ont plus été fondées sur la réalité des prix, mais sur des arrangements de circonstances. Finalement, cette stratégie n'a pas empêché les prix de baisser et les coûts de portage de gonfler. En contrepartie d' " un krach mou " nous avons subi " une crise très longue ".

Non seulement cet aveuglement collectif dans le secteur des crédits à l'immobilier, n'a pas permis aux banques de restaurer leurs marges sur leurs activités traditionnelles, mais par un effet de retour dévastateur, les a conduites, sur ces mêmes activités, à se lancer dans une guerre des prix, débouchant dans certains cas sur des ventes à perte.

Les erreurs publiques

Au-delà des effets conjugués d'une concurrence exacerbée et d'une crise conjoncturelle, les établissements publics ont sans aucun doute souffert d'un déficit de gestion. A cela plusieurs raisons que l'on rappelera brièvement, tant ce sujet a été balisé.

La première tient sans doute à l'arbitraire des nominations . Pour Jacques Attali, " nommer est l'ivresse du seul vrai pouvoir " 63( * ) . Les entreprises publiques françaises (et leurs salariés), particulièrement dans le secteur bancaire, ont fait les frais de cette ivresse. Même si l'on peut accepter, dans l'intérêt général, une certaine " porosité " 64( * ) entre l'administration et le secteur privé, pratiquée à haute dose l'endogamie (administrative mais aussi politique) des élites semble avoir joué une part non négligeable dans la faillite du secteur public.

On peut relever ensuite les dysfonctionnement des conseils d'administration des entreprises publiques. Les représentants de l'Etat y veillent le plus souvent à ne rien dire, qui pourrait leur être reproché par la suite. L'Etat actionnaire se montre indifférent. Ni stratége, ni gérant, il ne dispose même pas d'une comptabilité consolidée susceptible de lui donner une vue d'ensemble de son patrimoine.

Enfin, on rappelera l'inexistence des sanctions . Comme le relevait le quotidien " Le Figaro " : " La République est bonne fille avec ses élites, rarement sanctionnées, jamais laissées sur la touche. L'ancien président de la banque Worms, qui a perdu 14,9 milliards de francs, n'a-t-il pas été chargé de réaliser l'audit de France Télévision ? " 65( * )

Les erreurs stratégiques
Les erreurs privées : le dogme de la banque universelle

La Banque Universelle peut être une réponse adaptée à la désintermédiation pour les grands réseaux disposant d'une taille critique et d'un réseau international développé. Mais s'agissant des établissements de taille petite et moyenne, elle s'est assurément révélée moins profitable qu'une stratégie de spécialisation sur les créneaux pour lesquels les avantages comparatifs sont les plus forts. L'analyse par " groupes homogènes d'établissements ", effectuée dans la première partie de ce rapport confirme que ce sont ces établissements qui ont le plus souffert de la crise.

Même pour les grands réseaux, le schéma de banque universelle suppose une organisation sans faille, impliquant notamment une maîtrise du risque global, qui était loin d'être de règle dans toutes les banques universelles.

Sans préjudice de ce qui sera dit plus loin sur les distorsions de concurrence, le groupe de travail retire de ses auditions et plus généralement de l'ensemble des contacts qu'il a pu avoir avec le milieu bancaire que la gestion des réseaux mutualistes, qui allie, on pourrait dire par construction, la proximité et le pragmatisme dans la prise de décision à une moindre implication sur la région parisienne, explique, au moins en partie, les résultats contrastés entre ces réseaux et les banques AFB. Au demeurant, le Crédit Agricole, qui, comme les banques commerciales, ne bénéficie pas du monopole de distribution du Livret A, est de loin la banque française qui se porte le mieux. Cette opinion rejoint celle de certains analystes pour qui la progression supérieure du produit net bancaire des réseaux mutualistes à celui des banques AFB ne serait pas dû aux rentes de monopole " mais à une activité de banque de proximité, aussi bien pour les particuliers que pour les entreprises qui s'avère plus rentable que la banque généraliste, contrairement à une opinion auparavant établie " 66( * ) .

L'erreur stratégique a donc été de croire que la banque universelle était à la portée de tous.

Certains théoriciens se sont du reste récemment interrogés sur la spécialisation. Parmi eux, Olivier Pastré, auteur d'un célèbre rapport sur la modernisation des banques françaises, remis en 1985 à M. Daniel Lebègue, alors directeur du Trésor, pense désormais que : " compte tenu de l'incertitude qui caractérise l'environnement bancaire actuel, la spécialisation est un moyen (si ce n'est le moyen) de créer une différenciation et, au-delà, de créer de la valeur ajoutée bancaire. Rendons justice aux spécialistes. Ce sont eux qui créent la valeur ajoutée. Le mouvement de déréglementation qu'a connu le système bancaire français a eu, dans ce domaine, des effets pervers. (...) Le cas des SDR est particulièrement représentatif. Structures spécialisées dans le financement des PME, elles constituaient, dans bien des cas, des pôles de compétence, viables à terme, mais incapables de réagir immédiatement à une concurrence à laquelle elles n'avaient pas été préparées. " 67( * )

Les erreurs publiques : les banalisations ratées

Sans aucun doute l'Etat porte une responsabilité majeure dans la crise du système bancaire français. Comme le relève le rapport du Commissariat au plan : " la transition d'un paysage bancaire rigidement cloisonné et administré, fortement institutionnalisé, à un marché bancaire concurrentiel n'a pas été gérée. Les nationalisations n'ont pas été utilisées pour restructurer les établissements les plus fragiles pour recomposer le secteur bancaire, avant de passer à la politique de privatisation ou à l'occasion de ces opérations de privatisation, ce qui était vraisemblablement l'avantage réel procuré par la nouvelle vague de nationalisation " 68( * )

Ce défaut de vision stratégique et d'implication de l'État actionnaire et tuteur a eu des conséquences graves dans le secteur des institutions financières spécialisées .

Au lieu de recentrer des établissements de place sur leur mission de service public mieux définie, l'Etat a fait entrer ses institutions spécialisées dans une concurrence qu'elles n'ont pas été capables d'affronter (SDR, CEPME, CFF).

En d'autres termes, l'Etat n'a pas su arbitrer le conflit d'intérêt entre, d'un côté, sa volonté de conserver aux IFS des objectifs de service public et, de l'autre, son obsession de la banalisation des réseaux.

La concurrence destructrice

Poussés par une pression concurrentielle très forte, échaudés dans leurs tentatives de diversification dans l'immobilier, les établissements de crédit, obsédés par leurs parts de marché, se sont peu à peu engagés dans une " guerre tarifaire ", dont le seul résultat a été un écrasement supplémentaire des marges.

Un tel constat a été fait, dès juillet 1995, par le rapport Delmas-Marsalet, remis au Conseil national du crédit (voir encadré ci-dessous).

" La déréglementation des années 80 a généré une concurrence accrue qui n'a pas été suffisamment régulée par la contrainte de rentabilité.

" La première conséquence est, bien sûr, un laminage excessif des marges d'intermédiation, dont on sait qu'elles sont aujourd'hui très inférieures en France à ce qu'elles sont dans la plupart des systèmes bancaires étrangers. Inutile de préciser que ces marges sont devenues insuffisantes pour couvrir les risques les plus élevés portés par les établissements de crédit, en particulier le risque PME.

" Une étude récente présentée par l'ancien président de la Sofaris 69( * ) montre que sur la période 1986-1990, le risque supplémentaire que comporte le crédit à moyen terme aux PME, du fait de leur plus grande vulnérabilité mesurée au nombre de défaillances par rapport aux grandes entreprises, eût justifié un supplément de marge de 1,5 %. Les enquêtes de la Banque de France sur le coût du crédit montrent que les banques ont été loin d'obtenir cette couverture du risque sur les crédits à moyen et long terme aux PME, au cours de la période 1986-1993.

" Plus récemment, depuis la fin 1993 et surtout le second semestre 1994, cette concurrence insuffisamment régulée par l'exigence de rentabilité s'est traduite par l'apparition, puis l'extension de pratiques de distribution de crédits à moyen-long terme, aussi bien pour l'équipement des entreprises que pour l'habitat des ménages, à des taux assez largement inférieurs à ceux des placements sans risque constatés, pour des durées équivalentes, sur les marché financiers . C'est ainsi qu'au mois de décembre 1994, époque à laquelle l'OAT à 10 ans était émise à plus de 8 % et les BTAN à 5 ans à 7,87 %, on a pu relever des taux de 6,80 % pour des prêts d'équipement à taux fixe de 10 ans, 6,70 % pour des prêts à 7 ans et 6,50 % pour des prêts à 5 ans à des PME. Ces pratiques, caractéristiques de tarification aberrantes du crédit, n'assurent plus la couverture d'aucune sorte de risque. Elles s'expliquent, certes, par la faiblesse persistante de la demande de crédit sur la période considérée. Mais leur extension n'en serait pas moins totalement suicidaire pour le système bancaire ".

Cette analyse a été en partie reprise par le gouverneur de la Banque de France, président de la Commission bancaire, qui relevait lors de la présentation du rapport 1995 que : " un net accroissement de comportements imprudents a pu être constaté ces dernières années avec le développement d'attitudes individuelles motivées par une logique de conquête ou de défense de parts de marché, au détriment du souci indispensable de rentabilité des opérations. Tel est le cas de certains crédits aux particuliers, notamment dans le domaine du logement , et d'une large fraction des concours aux collectivités locales où le niveau des marges pratiquées est rarement de nature à permettre une couverture minimale du risque dans un domaine où celui-ci n'est pas absent. Il est clair que ce climat explique en partie que la profitabilité du secteur bancaire reste insuffisante ." 70( * )

Au vu de cette évolution préoccupante, la Commission bancaire a fait réaliser au printemps 1995 une large enquête, notamment par l'intermédiaire des succursales de la Banque de France, sur les conditions dans lesquelles étaient déterminés les taux débiteurs pour les catégories de prêts à la clientèle les plus usuelles.

Cette enquête a mis en lumière que : " dans un contexte d'atonie de la demande de crédit, un indéniable affaiblissement des disciplines internes : certains établissements s'affranchissent dans certains cas des préoccupations élémentaires en matière de prise de garantie, les dérogations aux barèmes internes à chaque établissement ont tendance à se multiplier, alors même ceux-ci ne prennent déjà plus suffisamment en compte la couverture du risque de crédit et la rémunération des fonds propres. Celles-ci sont souvent justifiées par le développement d'une approche globale de la clientèle, de préférence à une approche par produit, alors même que les instruments de gestion et de contrôle, adaptés à une telle démarche, ne sont pas toujours disponibles."

C'est au regard de ce constat représentatif d'une situation très préoccupante que la Commission bancaire a adressé une mise en garde solennelle à la profession par une lettre du 18 juillet 1995, plus connue sous le nom de " circulaire Trichet " en demandant une information à l'attention des conseils d'administration et des commissaires aux comptes sur les conditions d'octroi des concours à la clientèle. La Commission bancaire a mis en place, par l'instruction n° 95-03, un dispositif de recensement de cette information.

Cette action qui va dans le sens d'une reconstitution des marges bancaires (aucun crédit ne devrait être consenti à moins de 60 points au-dessus du taux des emprunts d'Etat), a malheureusement coïncidé avec le ralentissement de la diminution des taux longs. De plus, selon certains analystes financiers (Goldman Sachs notamment) il faudrait en fait porter ce ratio à 200 points de base pour que l'activité de prêt à la clientèle redevienne profitable.

Dans une telle situation, la rentabilité des banques diminue et les parts de marché n'évoluent pas assez pour compenser, chez les banques les plus performantes, la baisse de rentabilité unitaire, les banques les moins compétitives conservant malgré tout une partie de leur clientèle. Il en résulte un affaiblissement général du système bancaire.

La concurrence au lieu d'être régulatrice devient destructrice. L'agressivité commerciale s'accroît dans un contexte de surcapacité et la vente à perte ne fait que traduire le désarroi des acteurs. En l'absence d'ajustements ou de reprise de la demande de crédit, toute tentative de juguler cette pratique semble malheureusement vouée à l'échec.

*

C'est donc dans une situation de faiblesse généralisée, aggravée par des comportements collectivement suicidaires, que le système bancaire a du faire face à des facteurs aggravants et, notamment, le retournement conjoncturel des années 1991-1995, qui ont transformé une situation difficile en situation de crise.

LES FACTEURS AGGRAVANTS

Force est de reconnaître que deux facteurs conjoncturels ont aggravé la situation du secteur bancaire au tournant des années 1990-1993 : le retournement conjoncturel et la hiérarchie des taux d'intérêt. En outre, la surimposition des banques, qui pouvait être supportée sans trop de difficultés en période de croissance, a contribué à tirer les résultats dans le rouge.

Le retournement conjoncturel

Le système bancaire français a dû faire face à deux événements majeurs qui ont profondément affecté sa rentabilité : la crise immobilière, à partir de 1991 et la récession de 1993 qui a particulièrement frappé les PME. A elle seule, la crise de l'immobilier aurait occasionné aux banques des pertes totales estimées à un montant compris entre 210 et 280 milliards de francs, sur un total d'encours de crédits à fin 1995 de 350 milliards de francs.

De façon plus générale, l'évolution de la richesse nationale entre 1989 et 1995 a été marquée par le ralentissement de 1991 et la récession de 1993.

Ce ralentissement de la croissance a sans doute lourdement pesé sur le résultat brut d'exploitation du système bancaire dont on rappelle qu'il a diminué de 34 % en 1990 et de 76 % en 1992.

Parallèlement, on constate que le nombre des défaillances d'entreprises a connu deux pics conjoncturels à la fin de l'année 1990 et, surtout, au début de 1993.

Comme le relève le rapport du commissariat général au plan, la dégradation conjoncturelle s'est donc non seulement répercutée sur la demande de crédit, le PNB et le résultat des banques, mais elle a fortement réagi sur le niveau des encours de crédits compromis et les taux de provisionnement nécessaires du fait de la multiplication des défaillances d'entreprises.

Cette situation n'est guère surprenante, puisque le système bancaire joue traditionnellement le rôle d'amortisseur des crises.

De façon plus structurelle et sans doute plus inquiétante, les conditions économiques prévalant depuis cinq ans incitent de moins en moins à l'endettement des entreprises. En effet, les taux d'intérêt réels élevés découragent l'endettement et incitent soit à la constitution de fonds propres plus importants, soit aux placements financiers, soit encore au désendettement. De plus, la conjoncture déprimée modère la progression des concours aux sociétés, qui a été quasi nulle en 1992 et a reculé de 10,6 % en 1993. Enfin, le taux d'autofinancement des entreprises a atteint ces dernières années des niveaux très élevés qui limitent le recours aux financements bancaires.

Dès lors, l'activité de crédit ne constitue plus par elle-même un levier suffisant pour constituer ou conserver une clientèle d'entreprises.

Dans ces conditions, il ne sert a à rien de stigmatiser la frilosité des banques : les années passées se caractérisent moins par une restriction de l'offre bancaire que par une contraction de la demande de crédit. En admettant même que les banques aient fait preuve de frilosité, ce qui somme toute n'est guère surprenant en période de crise, faut-il vraiment les en blâmer en oubliant qu'elles sont également comptables des dépôts des épargnants ? Faut-il également oublier que les conditions d'exercice du métier bancaire conduisent à sous-tarifer les crédits aux PME.

La structure des taux d'intérêt

Il est généralement admis que la rentabilité à moyen terme des banques est déterminée moins par le niveau des taux d'intérêt que par la " pente " ou hiérarchie des taux d'intérêt, c'est à dire par l'écart entre les taux à long terme et les taux à court terme. Normalement les banques se financent à court terme et prêtent à long terme. Les taux à long terme étant, généralement, plus élevés que les taux à court terme, elles effectuent ainsi des profits destinés à rémunérer ce qu'il est convenu d'appeler le coût de transformation.

Or, la hiérarchie des taux a pendant longtemps été inversée interdisant un tel type de refinancement. En effet, comme on peut le constater sur le tableau ci-après, entre 1989 et 1994, les taux courts ont presque toujours été au-dessus des taux longs.

Depuis le milieu de l'année 1995, la structure des taux est très pentue en France (il y a plus de 250 points de base au premier trimestre 96 entre le 3 mois et le 10 ans). Mais, selon certains économistes et, notamment Patrick Artus 71( * ) , cette situation n'est pas exploitée par les banques. En effet, en raison de la structure du bilan des banques, et, notamment, de l'importance des dépôts à vue, " une pentification par une politique monétaire stimulante réduit les profits bancaires, en France, ou au mieux est neutre, si la rémunération de l'épargne contractuelle suit les taux courts ".

Par ailleurs, le rapport du Commissariat général au plan met en évidence le fait que, dans un système de change flottant marqué par des crises monétaires à répétition, les banques françaises sont sans doute devenues de plus en plus réticentes à prendre des risques de transformation et ont pratiqué l'adossement des maturités.

Cette caractéristique pourrait expliquer que les banques américaines aient pu profiter pleinement du retour à une hiérarchie normale des taux d'intérêt et du creusement de l'écart entre les taux longs (les plus élevés) et les taux courts (les banques prêtent à long terme et se refinancent à court terme), alors que les banques européennes et en particulier françaises, ayant plus ou moins renoncé à la transformation, n'ont pu profiter de cette situation.

Pour autant, comme le fait remarquer Jean-Paul Betbèze 72( * ) , la " leçon américaine " n'est pas entièrement transposable en France avec une Banque de France qui a un objectif de change et compte tenu du risque de tensions spéculatives sur les taux d'intérêt à l'approche de des échéances de la monnaie unique.

La fiscalité excessive

Non seulement la fiscalité qui pèse sur les banques est supérieure à celle des autres secteurs économiques, mais l'évolution récente tend à faire des établissements de crédit des auxiliaires bénévoles du fisc.

Les impôts spécifiques aux banques

Comme toutes les autres entreprises, les banques acquittent l'impôt sur les sociétés et les impôts locaux. Mais elles supportent en plus la taxe sur les salaires (à laquelle il faut ajouter les problèmes résultant du non assujettissement à la TVA) et la contribution des institutions financières 73( * ) .

La taxe sur les salaires et le problème connexe de assujettissement à la TVA

Sans équivalent dans les pays européens, la taxe sur les salaires a été imposée aux banques, ainsi qu'aux assurances et à certaines associations, afin de tenir lieu de TVA. Elle se justifie, d'une part, en raison des difficultés d'appréhender fiscalement la valeur ajoutée produite par ces entreprises, d'autre part et surtout, s'agissant des banques, des risques d'augmentation des taux d'intérêt liés à assujettissement à la TVA des opérations de crédit bancaire.

Cette taxe représentait, en 1994, environ 5 milliards de francs pour les seules banques AFB et près de 9 milliards de francs pour l'ensemble du secteur bancaire.

Par rapport à la TVA, la taxe sur les salaires comporte deux inconvénients majeurs. D'une part, elle ne donne pas lieu à déduction, ce qui signifie que les banques doivent l'inclure dans leurs prix de revient, sans que les entreprises clientes puissent la récupérer. D'autre part, elle n'est pas proportionnelle mais progressive 74( * ) . Elle frappe donc davantage les entreprises qui utilisent une main d'oeuvre abondante ou bien rémunérée. On observera en outre que les tranches du barème, fixées en 1979 n'ont fait l'objet d'une actualisation que depuis 1989 et qu'en conséquence le poids de l'impôt s'est accru plus vite que la masse salariale.

Elle handicape donc le secteur bancaire à trois points de vue :

- elle a un effet négatif sur l'emploi et incite les banques françaises à se délocaliser ;

- elle place nos banques en situation défavorable par rapport à leurs concurrents étrangers
; cet handicap a du reste été reconnu par le Conseil des impôts dans son quatorzième rapport sur la " fiscalité et la vie des entreprises " (octobre 1994) ;

- elle prive les banques de la récupération de la TVA qui leur est facturée. Selon l'AFB, ce phénomène de rémanence était estimé en 1994 à 4,5 milliards de francs. Comme le fait observer le Commissariat général au plan, ce phénomène a des effets d'autant plus importants en termes de compétitivité internationale que le taux moyen de TVA est plus élevé en France qu'à l'étranger. En outre, il a été aggravé par l'article 17 de la loi de finances rectificative pour 1993 qui prohibe la récupération de la TVA pour les immobilisations et les frais généraux susceptibles d'être affectés à l'encaissement des dividendes.

Toutefois, comme le souligne le rapport du Commissariat général au plan, pour considérer que ces charges non récupérables sont, en partie au moins, répercutées auprès de la clientèle des banques, freinant de ce fait la capacité des banques à répercuter la baisse des taux d'intérêt.

La "contribution des institutions financières" (taxe sur les frais généraux)

Instaurée en 1982, à titre exceptionnel, cette contribution est devenue permanente en 1984 75( * ) . Elle ne frappe que les banques et les compagnies d'assurance. Son assiette est constituée des frais généraux qui comprennent en particulier, les charges de personnel, les frais de gestion et les dotations aux amortissements. Son taux est de 1 %. Elle n'est pas admise en déduction du bénéfice imposable. En 1995, le produit de cette taxe était de 2,6 milliards dont, selon l'AFB, environ la moitié serait payée par les banques.

Cette taxe emporte les mêmes conséquences et les mêmes critiques que la taxe sur les salaires.

- elle nuit à l'emploi, puisque, pour l'essentiel, les frais généraux sont constitués de frais de personnel. Cette caractéristique est même aggravée puisque son assiette, définie de façon extensive, inclut les charges sociales et la taxe sur les salaires. En d'autres termes, plus les entreprises paient d'impôt, plus le poids de la taxe sur les salaires est important. Il serait plus simple d'admettre que son taux réel est supérieur à son taux apparent.

- elle handicape les banques françaises dans la compétition internationale.

Par comparaison avec les principaux pays européens, la fiscalité applicable aux établissements bancaires français peut apparaître pénalisante.

Réponses des conseillers financiers des ambassades de France à Rome, Londres et Bonn

1. La fiscalité des banques en Grande-Bretagne

La fiscalité des banques en Grande-Bretagne est de droit commun. Les banques règlent l'impôt sur les sociétés qui est de 33 %.

En revanche, les rentrées fiscales au titre de la TVA sont marginales car les activités financières en sont exonérées. Les activités non-financières (comme la location de coffres) y sont assujetties mais représentent un prorata de déduction de 5 à 10 %.

Les taxes sur les frais généraux n'existent plus et le Royaume Uni n'a pas de taxe sur les salaires.

2. La fiscalité des banques en Allemagne

Les banques sont soumises en Allemagne à l'ensemble des impôts dont sont redevables les autres entreprises. Les opérations de crédit des banques ne sont cependant pas soumises à la TVA (de même par exemple, que les crédits consentis aux détaillants par les fournisseurs), alors que les commissions restent assujetties à cet impôt. Les seules banques dispensées de la taxe professionnelle ( Gewerkbesteuer ) sont des institutions publiques qui n'ont pas de vocation commerciale proprement dite ( Bundesbank, Kreditanstalt für Wiederaufbau, Ausgleichsbank ).

3. La fiscalité des banques en Italie

S'agissant du régime de la TVA, les banques comme toutes les entreprises y sont assujetties et ne font pas l'objet de dispositions particulières. Toutefois, en raison même des modalités d'application de la taxe, la plupart des activités bancaires en sont exonérées : octroi de crédits, opérations en devises, transactions sur titres... Sont également exemptées de la taxe les commissions applicables à ces opérations. Au total, près de 99 % des activités bancaires n'entrent pas dans le champ d'application de la TVA et les banques peuvent être considérées comme des consommateurs finaux. Un régime durement contesté.

Les banques sont redevables d'une taxe spéciale (en substitution des droits d'enregistrement ou d'autres droits) qui frappe les opérations à moyen et long terme (taux de 0,25 % du montant du crédit), d'un impôt, l'ICIAP, comparable à notre taxe professionnelle (dû également par les entreprises), de droits d'enregistrement forfaitaires sur les relevés des comptes bancaires (environ 100 et 200 francs par an pour les personnes physiques et les entreprises) et de droits de timbre applicable aux transactions sur titres.

Le rôle de percepteur des banques

Comme le met en évidence le rapport du Commissariat général au plan, les banques sont devenues progressivement des percepteurs pour le compte de l'Etat puisqu'elles sont chargées de liquider, précompter, puis de verser au Trésor le prélèvement forfaitaire libératoire sur certaines catégories de revenus. La versatilité de la fiscalité de l'épargne rend cette tache, assurée à titre gratuit, particulièrement complexe et délicate.

Réponses des conseillers financiers des ambassades de France à Rome, Londres et Bonn

Les obligations de service public auxquelles sont soumises les banques font-elles ou non l'objet d'une compensation financière (prélèvement des impôts mensualisés, déclarations fiscales, déclarations des mouvements de capitaux...) ?

1. Grande-Bretagne


"En ce qui concerne les impôts, la retenue est faite à la source. Vous avez différentes dispositions comme les prélèvements automatiques ( standing orders ) dont les coûts sont tout à fait variables d'une banque à l'autre. Il n'y a pas de règle générale."

2. Allemagne

"Il n'existe pas en Allemagne, en faveur des banques, de telles compensations financières, mais : les "obligations de service public" auxquelles sont assujetties les banques allemandes sont moins importantes qu'en France (l'impôt sur les salaires est prélevé à la source, par exemple), et la tarification des services bancaires est la règle, même pour les opérations simples (tenue d'un compte courant)."

3. Italie

"Les banques italiennes sont soumises à un série d'obligations de service public.

"a) elles sont responsables du recouvrement de l'impôt frappant les produits des dépôts. A ce titre, elles ne perçoivent aucune commission. Au contraire, elles doivent avancer, en tranches au cours de l'année, les sommes dues au titre de ces impôts, lesquelles sont normalement imputées sur les intérêts qu'elles versent à leurs clients à la fin de l'année.

"b) le régime de "l'autotaxation" (les contribuables calculent eux-mêmes le montant de l'impôt sur le revenu) leur permet d'encaisser pour le compte de l'Etat l'impôt sur les revenus. Elles perçoivent à ce titre une commission forfaitaire par versement effectué à ce titre.

"c) Tous les mouvements de capitaux à destination de l'étranger d'un montant supérieur à 20 millions de lires (67.600 francs) font l'objet d'une déclaration annuelle au fisc. Aucune commission n'est perçue au titre de cette prestation."

*

Les réformes introduites dans le système bancaire ont permis d'améliorer le financement de l'Etat en particulier et de l'économie en général, mais au prix d'un affaiblissement généralisé du secteur lui-même, imputable essentiellement à l'impossibilité ou au refus de procéder aux ajustements inscrits dans ces mêmes réformes.

Poussées par une concurrence sans cesse croissante, les banques, et l'Etat qui était leur actionnaire, ont commis des erreurs de gestion, tactiques voire stratégiques. Toutes ont rêvé au schéma de la banque universelle, comme les alchimistes de la pierre philosophale. Peu étaient en mesure de l'appliquer avec succès.

Des facteurs aggravants soit conjoncturels (crise des PME, crise de l'immobilier, structure des taux d'intérêt), soit structurels (fiscalité) ont aggravé la récession.

Globalement, les distorsions de concurrence n'ont guère influé sur cette situation. Pour autant, elles sont réelles et ont conduit à une redistribution sectorielle des parts de marché qui rend la crise insupportable à ceux des acteurs qui n'en bénéficient pas.

*

LES DISTORSIONS DE CONCURRENCE SONT RÉELLES ET RENDENT LA CRISE INSUPPORTABLE À CEUX QUI N'EN BÉNÉFICIENT PAS

Les distorsions de concurrence peuvent être regroupées en trois catégories : celles liées au monopole de la distribution de certains produits spécifiques, celles tenant à la nature juridique des intervenants et celles qui résultent de dispositions réglementaires ou législatives spécifiques.

Sur l'ensemble des ces questions à fort contenu passionnel, l'analyse juridique effectuée par le Conseil de la concurrence apporte un éclairage indispensable parce qu'impartial 76( * ) .

LES DISTORSIONS LIÉES AU MONOPOLE DE LA DISTRIBUTION DE CERTAINS PRODUITS SPÉCIFIQUES

Ces distorsions sont au nombre de deux : livret A et livret bleu, d'une part, monopole de la distribution des dépôts des notaires en milieu rural, d'autre part.

Le livret A et le livret bleu

Bref rappel des arguments en présence

Comme on le sait, la distribution de ces livrets est réservée à certains réseaux (Caisse nationale d'épargne, au travers des guichets de La Poste et Caisses d'épargne et de prévoyance (dites "écureuil") pour le livret A ; Crédit mutuel pour le livret bleu).

En contrepartie de ce monopole, les réseaux de distribution sont soumis à des règles d'emploi des fonds.

Pour le livret A , la totalité des fonds collectés est centralisée à la Caisse des dépôts et consignations qui en assure la gestion. Depuis 1990, ces fonds servent uniquement à financer le logement social, principalement sous forme de " prêts locatifs aidés " (PLA).

Toutefois, les réseaux distributeurs perçoivent une commission annuelle qui est de 1,5 % de l'encours collecté pour le réseau de La Poste et de 1,2 % pour les Caisses d'épargne. Concernant ces dernières, les produits ainsi perçus représentent 15 % environ de leur PNB globalisé. Le Centre national des caisses d'épargne et de prévoyance (CENCEP) (voir audition annexée) estime que le niveau de commissionnement est à peine suffisant pour couvrir les frais de gestion liés à ce produit.

Cependant, un rapport de l'inspection générale des finances de 1994 sur la caisse d'épargne de Bourgogne aurait évalué le coût de gestion du livret A à 0,96 % de l'encours des dépôts collectés sur ce support en 1994, ce qui laisserait à l'établissement une marge finale de 0,24 % sur l'encours (711 milliards de francs fin 1995), soit environ 1,7 milliard de francs.

Pour le livret bleu , les fonds collectés sont, ou bien utilisés pour l'octroi de prêts directs au logement social, ou bien affectés en compte à la Caisse des dépôts et consignations. Avant 1991, ce produit semble avoir été générateur de marges brutes (avant imputation des frais de gestion) substantielles pour le Crédit mutuel estimées par la Commission bancaire à environ 3 ou 4 % des encours. Depuis cette date, la marge se serait considérablement réduite, atteignant 1,3 %, pour représenter un montant de 1,5 milliards de francs en 1995, soit 8,3 % du produit net bancaire du réseau du Crédit mutuel.

Commercialement il ne fait pas de doute que ces produits constituent des " produits d'appel ", permettant la distribution de produits plus sophistiqués (SICAV notamment) sur lesquels les marges sont plus importantes. Selon le président du CENCEP (voir audition annexée), le produit net bancaire généré par le Livret A serait de l'ordre de 5 milliards de francs.

On observera par ailleurs que ces produits enregistrent une forte décollecte depuis quelques années et qu'en contrepartie de l'avantage du monopole sur ces produits, les réseaux distributeurs n'ont eu qu'un accès tardif à certains produits ou à certains segments. Ainsi, les caisses d'épargne n'ont elles pu diffuser des comptes chèques qu'à partir de 1978 et distribuer des crédits aux PME qu'à compter de 1987. Aujourd'hui encore, elles ne peuvent consentir de prêts aux entreprises faisant appel public à l'épargne.

Réponses des conseillers financiers des ambassades de France à Rome, Londres et Bonn

Il existe une vive controverse en France sur la nécessité ou non de banaliser la distribution du livret A. Par comparaison, quelle est la place de l'épargne administrée (taux, liquidité, sécurité) et existe-t-il des réseaux spécialisés de distribution des produits financiers correspondants ?

1. Grande-Bretagne


"Globalement l'épargne britannique se répartit entre trois types de comptes : les TESSA ( Tax exempt special savings ), les comptes de dépôt dans les banques ( saving accounts ) et les comptes de dépôt dans les sociétés de crédit hypothécaire ( building societies ). Il n'y a pas de réseau spécialisé.

"En fait, les comptes de dépôt, tels qu'on les trouve dans les banques et les sociétés de crédit hypothécaire, sont assez peu différents les uns des autres. Les comptes sont rémunérés dans les deux cas avec des taux et des conditions variables selon les banques. Ces comptes ne font pas l'objet de réglementation générale.

"En revanche, pour les TESSA qui sont des comptes d'épargne exempts d'impôts, il y a des règles générales de base et des conditions d'ouverture d'un compte (âge minimum requis 18 ans, ne pas posséder d'autre compte TESSA ou avoir un compte qui arrive à maturité), ainsi que des conditions de durée (5 ans ) et de montant initial avec des plafonds limites d'investissement.

"Les conditions de transfert des montants épargnés d'un compte TESSA à un autre compte varient aussi selon les banques ou les sociétés de crédit hypothécaire (délai de préavis de 0 à 3 mois et/ou une pénalité financière pouvant aller jusqu'à 50 livres).

"De même, les taux d'intérêts servis sont variables selon les banques et les montants déposés et peuvent être modifiés à tout moment."

2. Allemagne

"Il n'existe pas en Allemagne de forme d'épargne administrée telle qu'elle existe en France, ni non plus de réseaux bancaires spécialisés dans la distribution de tel ou tel produit.

"L'émission "d'obligations hypothécaires" ( Pfandbrief ) est certes réservée aux banques hypothécaires, mais pour des raisons essentiellement prudentielles, et le statut de banque hypothécaire est indépendant de la nature, publique ou privée, de l'actionnaire."

3. Italie

"Il n'existe pas en Italie de circuits d'épargne privilégiés ; seule la rémunération de l'épargne postale est fixée par arrêté du ministre du trésor."

L'analyse juridique du Conseil de la concurrence

Si, pour le Conseil de la concurrence, le monopole de distribution des livrets A et bleu ne peut être qualifié d'abus de position dominante, en revanche, il constitue une restriction de concurrence injustifiée par des considérations d'intérêt général.

Le monopole ne constitue pas un abus de position dominante

Pour le Conseil, même si aucun autre produit d'épargne n'offre autant d'avantages que le livret A, certains produits lui sont substituables (CODEVI, livrets jeunes, LEP... ). Si bien qu'il ne constitue pas un marché financier spécifique, mais un segment d'un marché plus vaste qui est celui des livrets d'épargne administrée.

Sur ce marché, les caisses d'épargne, avec 38 % de parts de marchés, ne détiennent pas une position dominante. D'une part, parce le deuxième opérateur - La Poste - détient aussi une part importante (24 %). D'autre part, parce les autres établissements qui ne distribuent pas le livret A sont en progression, alors que la collecte du livret A a tendance à diminuer.

A supposer même que les caisses d'épargne détiennent une position dominante sur le marché des livrets d'épargne administrée, des pratiques abusives sont difficilement envisageables, puisque les conditions d'ouverture, de rémunération et de plafonnement des livrets sont fixés par les pouvoirs publics.

En revanche, le Conseil n'exclut pas que les résultats éventuels dégagés par la gestion du livret A soient utilisés pour subventionner les ventes de produits sur d'autres marchés. Mais s'il est vrai que le livret A constitue un produit d'appel plaçant les établissements qui le distribuent en situation privilégiée, d'autres produits ou services qui sont distribués librement peuvent aussi comporter de tels effets.

Il suit de ce qui précède que le monopole des caisses d'épargne ne constitue pas un abus de position dominante.

Le monopole constitue une restriction de concurrence injustifiée

Partant du postulat que ce monopole constitue une restriction de concurrence, le Conseil s'interroge sur le point de savoir si celle-ci est justifiée ou non.

Il rappelle que le droit communautaire n'interdit pas l'octroi par un État membre de droits exclusifs à des entreprises, publiques ou non, chargées de la gestion de services d'intérêt économique général, alors même que l'attribution de tels droits entraîne des restrictions à la concurrence. Mais pour que l'octroi de tels droits soit compatible avec le droit communautaire, encore faut-il que soient réunis deux éléments. Il faut en effet :

D'une part, une mission d'intérêt général assignée par un acte de puissance publique ;

D'autre part, que la restriction de concurrence soit indispensable à l'accomplissement de la mission.

Or, la distribution des livrets A et bleus est susceptible de répondre à deux missions d'intérêt général : le développement de l'épargne populaire, le financement du logement social.

Le développement de l'épargne populaire.

C'est historiquement la première mission assignée à la distribution de livrets de caisse d'épargne. Elle consiste à favoriser la diffusion des comportements d'épargne dans les couches modestes de la population.

Cette mission reste d'actualité dans la mesure où ces livrets demeurent l'instrument d'épargne le plus utilisé par les ménages les plus modestes, ce non seulement parce que les revenus qu'ils produisent sont défiscalisés, mais aussi parce qu'ils constituent souvent le seul moyen d'obtenir une domiciliation bancaire.

Pour autant cette mission n'est reconnue par aucun texte, et le Conseil en déduit que, " dans ces conditions, le rôle social attribué au livret A ne saurait en principe justifier le maintien de restrictions de concurrence ."

Poursuivant sa réflexion, le Conseil envisage le cas où l'Etat confirmerait, expressément, cette mission par un acte de puissance publique . Dans ce cas, la question serait de savoir si la mission ainsi confirmée pourrait être réalisée dans des conditions financièrement équilibrées en l'absence de droits exclusifs.

Dans cette perspective, le risque est que les banques commerciales récupèrent la clientèle la plus rentable, laissant à La Poste et aux caisses d'épargne la clientèle disposant de livrets de faibles montants dont le coût de gestion deviendrait vite insupportable en l'absence de péréquation actuelle entre " petits " et " gros " livrets.

Le Conseil n'exclut pas une telle évolution. Mais, d'une part, elle résulterait selon lui davantage des spécificités du réseau des caisses d'épargne et de La Poste (implantation très dense sur l'ensemble du territoire et notamment dans les zones rurales et les banlieues difficiles) que d'une politique commerciale sélective menée par les banques. D'autre part et surtout, cette mission pourrait être assurée à condition que l'Etat reconnaisse l'existence de contraintes particulières et en assure la compensation financière . Le Conseil semble même esquisser une piste, inspirée de la réalité actuelle : faire varier le taux de commissionnement en fonction des réseaux.

On peut en déduire que cette mission d'intérêt général ne justifierait pas les restrictions de concurrence actuelles.

Le financement du logement social

Le Conseil constate tout d'abord que cette mission est remplie essentiellement non par les caisses d'épargne et La Poste, mais par la CDC et qu'il ne lui appartient pas " dans le cadre du présent avis de s'interroger sur la justification, au regard des règles de concurrence, d'un tel système de financement du logement social, consistant à accorder pour cette mission des droits exclusifs à un seul établissement ".

Toutefois, il considère que, même si " aucun des établissements auxquels est réservée la distribution du livret A ou bleu n'a été chargé par un acte de la puissance publique d'une mission de financement du logement social", ces établissements " participent à l'accomplissement de cette mission dès lors qu'ils ont l'obligation de centraliser les fonds des livrets A et bleu à la CDC ."

S'agissant du caractère "indispensable" de la restriction de concurrence le Conseil conclut qu' " aucun élément ne permet de considérer que l'ouverture à la concurrence de ce produit serait de nature à entraîner à court et moyen terme une baisse du montant des encours" et que a priori, "le financement du logement social selon les modalités actuelles ne serait pas affecté par une éventuelle banalisation du livret A", à la condition bien évidemment que tous les établissements distributeurs soient soumis à l'obligation de centralisation des fonds collectés.

Le Conseil considère par ailleurs qu'il " n'apparaît pas que le financement du logement social ne peut pas être effectué par le recours à d'autres moyens."

On déduit de ce qui précède que cette mission d'intérêt général ne justifie pas les restrictions de concurrence actuelles et que le monopole en question constitue une restriction de concurrence injustifiée.

La collecte des dépôts des notaires en milieu rural

Bref rappel de la situation

Depuis 1972, le Crédit agricole bénéficie du monopole des dépôts des notaires, à moins de trois mois, installés en milieu rural 77( * ) . L'encours des sommes ainsi collectées est estimé entre 15 et 18 milliards de francs à la fin 1994. Ces dépôts sont rémunérés au taux de 1 %.

En contrepartie de ce monopole, le Crédit agricole a mis en place, à partir de 1990 et dans le cadre d'une convention passée avec l'Etat, un fonds d'allégement de la charge financière des agriculteurs (FAC). Les interventions de ce fonds sont consacrées à des abandons de créances ou des rééchelonnements de dettes accordés à des agriculteurs en difficulté. La dotation annuelle du FAC s'est élevée à 500 millions de francs jusqu'en 1994. Une nouvelle enveloppe a été négociée en juin dernier. Le ministère de l'économie et des finances a, en effet, donné son accord pour le renouvellement du FAC à concurrence de 1 milliard de francs pour la période 1997-1999. Mais 200 millions ont été débloqués, par anticipation, en 1996 en faveur de certains secteurs agricoles sinistrés, comme celui de la filière bovine. Une fraction de l'enveloppe globale sera consacrée au soutien à l'installation des jeunes agriculteurs.

Depuis sa création en 1990, le FAC a permis de réaménager 2,9 milliards de dette agricole de près 400.000 agriculteurs, tous clients du Crédit agricole.

Selon l'AFB, en une vingtaine d'années, la gestion des encours de dépôts des fonds des notaires en milieu rural aurait rapporté quelque 15 milliards de francs au Crédit agricole.

Ce calcul ne peut être qu'approximatif dans la mesure ou ni les taux de placement ni les charges liées à la gestion de ces dépôts ne sont connus. S'agissant d'un calcul sur une longue période, il faut en outre rappeler qu'avant 1991, le Crédit agricole bénéficiait de cet avantage - parmi d'autres - en contrepartie de restrictions commerciales dont il conviendrait d'évaluer aussi le coût pour connaître le gain net dégagé.

L'analyse juridique du Conseil de la concurrence

Le Conseil a tout d'abord rappelé que cette réglementation (décrets de 1945 et 1967 et arrêtés des 25 août 1972 et 7 juin 1973) ont fait l'objet d'une demande d'abrogation de la part de l'AFB et que la réponse implicite négative a fait l'objet d'un recours - non encore jugé - devant le Conseil d'Etat.

Le Conseil s'est ensuite interrogé sur la question de savoir si le maintien d'un tel monopole est compatible avec le droit communautaire, ce qui suppose que les restrictions de concurrence qu'il implique soient indispensables à la réalisation des objectifs d'intérêt général invoqués.

En l'occurrence l'objectif d'intérêt général consiste, d'une part, à s'assurer que ces fonds sont entourés d'une sécurité particulière, d'autre part qu'ils peuvent faire l'objet de contrôles vigilants, et en outre qu'ils sont distribués par des réseaux offrant une grande proximité avec les offices notariaux 78( * ) .

Or, le Conseil considère que " sous réserve de certains aménagements de nature à assurer la garantie de ces dépôts, d'autres établissements (...) pourraient accomplir la même mission " et ce pour trois raisons :

l'efficacité des contrôles ne serait pas atténuée en raison des formalités auxquelles ces dépôts sont soumis et des mécanismes de caution mutuelle qui pourraient être mis en place ;

le mécanisme AFB de garantie des dépôts assure la sécurité du système, puisqu'il prévoit, de façon spécifique, que les dépôts des notaires pour le compte de leurs clients sont remboursés intégralement ;

d'autres réseaux peuvent satisfaire l'exigence de proximité.

Il s'ensuit que " dès lors que serait mise en place une réglementation visant à assurer à ces fonds particuliers, en cas de défaillance d'un établissement de crédit, une garantie obligatoire et illimitée , l'attribution de droits exclusifs à la CDC, à La Poste et au Crédit agricole ne serait plus justifiée au regard de l'article 90 du traité de Rome. "

LES DISTORSIONS LIÉES À LA NATURE JURIDIQUE DES INTERVENANTS

Si l'on met de côté les formes mutualistes et coopératives, dont l'existence a été unanimement jugée bénéfique par le groupe de travail, et qui participent, par leur diversité, à l'enrichissement statutaire de notre système bancaire, deux établissements posent un problème en termes de distorsions de concurrence : le réseau des Caisses d'épargne et de prévoyance et celui des services financiers de La Poste.

Les Caisses d'épargne et de prévoyance

Bref rappel des arguments en présence

Aux termes de la loi de 1990, les Caisses d'épargne sont des "é tablissements de crédit à but non lucratif ".

Cette catégorie juridique sui generis traduit en réalité assez bien la nature des Caisses d'épargne et plus encore leur caractéristique principale qui est l'absence de propriétaire.

Compte tenu de cette nature juridique, les Caisses d'épargne bénéficient de deux avantages concurrentiels non négligeables :

- l'impératif de rémunération du capital est totalement absent ;

- il est impossible à une banque commerciale de racheter tout ou partie des parts sociales d'une Caisse d'épargne (comme du reste une société mutualiste ou coopérative), alors que l'inverse n'est pas vrai 79( * ) .

L'analyse juridique du Conseil de la concurrence

Dans un considérant de principe le Conseil de la Concurrence est de l'avis que si " le bon fonctionnement de la concurrence sur un marché n'implique pas nécessairement que tous les opérateurs se trouvent dans des conditions d'exploitation identiques , il suppose toutefois qu'aucun opérateur ne bénéficie pour son développement de facilités que les autres ne pourraient obtenir et d'une ampleur telle qu'elles lui permettent de fausser le jeu de la concurrence, sauf à ce qu'elles soient justifiées par des considérations d'intérêt général ".

Dans le cas particulier des caisses d'épargne , le Conseil considère que le fait qu'elles n'ont ni actionnaires, ni sociétaires et que les résultats non distribuables peuvent être en totalité intégrés aux fonds propres confère à ces établissements un avantage concurrentiel dont aucun autre établissement ne dispose. Cet avantage leur permet notamment de s'accommoder plus facilement que les autres établissements de pertes conjoncturelles.

Le Conseil ne dit pas si cet avantage est susceptible de fonder une action pour abus de position dominante ou restriction de concurrence injustifiée.

Mais il considère néanmoins que : " cette situation paraît difficilement compatible avec la transformation des caisses en établissements de crédit de plein exercice, en concurrence avec les banques sur les marchés des particuliers et des petites et moyennes entreprises."

Les services financiers de La Poste

Bref rappel des arguments en présence

Selon les banques commerciales l'activité de La Poste constituerait une entrave au libre exercice de la concurrence, dans la mesure où l'exploitant public utiliserait des moyens destinés au service public à des fins qui lui sont étrangères . De ce fait, les moyens budgétaires affectés au service public subventionneraient, de manière déloyale, une activité concurrentielle et contribueraient à l'affaiblissement du secteur marchand.

Les moyens en question sont d'abord des moyens en hommes et en matériel. De ce point de vue, il est exact qu'il n'y a pas, contrairement à ce qui a été fait dans d'autres pays européens (Allemagne, Hollande, Royaume-Uni), de séparation juridique dans l'allocation des moyens de La Poste entre les activités de service public de courrier et les activités bancaires. Or ces dernières bénéficient non seulement du concours des effectifs affectés aux centres de services financiers régionaux et des conseillers financiers, mais aussi d'une partie des 70.000 agents du réseau affectés à des postes polyvalents, sur les 17.000 implantations locales de La Poste (à comparer aux 5.600 guichets du réseau du Crédit agricole qui est le réseau le plus vaste, ou aux 10.500 guichets que possèdent, ensemble, toutes les banques AFB).

On relèvera à cet égard que, selon M. André Darrigrand, Président de La Poste (voir audition annexée), l'activité guichet d'environ 8.000 petits bureaux de campagne était tributaire à 70 % du livret A.

L'utilisation de la "force de vente" des préposés, qui s'assimile dans certains cas, à du porte-à-porte quotidien auprès de la clientèle, peut conduire cette dernière à faire un amalgame entre les missions de service public et les services financiers de La Poste.

Mais il pourrait aussi s'agir de moyens financiers, par le biais de transferts occultes entre le prix du service public (le " prix du timbre ") et les activités marchandes .

La Poste considère au contraire que ce sont les activités financières qui subventionnent les activités de service public et non l'inverse. Selon son président, les services financiers apporteraient 25 % des recettes de La Poste et assurent 58 % du chiffre d'affaires des bureaux de poste. 20 % seulement du chiffre d'affaires de l'activité courrier est générée par les bureaux de poste, alors que 87 % du chiffre d'affaires des services financiers passe par les bureaux.

Ce serait donc l'activité financière qui permettrait à La Poste de maintenir sa présence dans les communes rurales de moins de 2.000 habitants et dans les zones urbaines difficiles, contribuant ainsi à l'aménagement du territoire.

On remarquera que les services financiers de La Poste, étant exclus du champ d'application de la loi bancaire, ne sont pas soumis aux mêmes obligations réglementaires ni aux mêmes contrôles que les établissements de crédit avec qui ils sont en concurrence. Ils n'ont, en outre, pas d'exigence en termes de fonds propres. Toutefois, selon le président de La Poste, cette non application des ratios prudentiels se traduirait, contrairement aux idées reçues, par une perte nette d'environ un milliard de francs.

L'activité de collecte des dépôts est importante (sa part de marché était de 10 % environ à la fin de 1994, avec un encours collecté de 833 milliards de francs).

L'activité de distribution de crédit est jusqu'à présent limitée. La Poste ne peut en effet octroyer que des prêts épargne-logement, complémentaires et conventionnés et consentir des découverts à titre temporaire. Sa part sur le marché des crédits immobiliers demeure inférieure à 1 %.

Toutefois, La Poste affiche pour l'avenir des objectifs ambitieux et certaines de ses campagnes publicitaires sont de nature à générer des confusions dans l'esprit du public. A cet égard, on relèvera qu'un récent jugement du tribunal de grande instance de Nanterre en date du 27 mars 1996 a condamné La Poste pour une campagne publicitaire suggérant qu'elle pouvait octroyer des prêts immobiliers classiques.

L'analyse juridique du Conseil de la concurrence

L'appréciation de la situation actuelle est rendue difficile du fait du partage du réseau actuel entre des activités de service public exercées en monopole et des activités concurrentielles. Or, pour que cette situation n'entraîne pas de distorsion de concurrence, il est nécessaire, selon le Conseil, que les activités en concurrence ne puissent pas bénéficier des conditions propres à l'exercice de la mission de service public confiée à La Poste .

Or pour établir la preuve que tel n'est pas le cas il faudrait que soient connues les comptabilités analytiques de l'opérateur public et de ses concurrents et que la comptabilité du premier soit éventuellement retraitée de manière à ce que les moyens mobilisés pour l'activité concurrencée soient identifiés précisément et comptabilisés à leur coût réel.

Toutefois le Conseil a considéré que : " quelles que soient les améliorations qui pourraient être apportées au système de comptabilité analytique de La Poste, cela ne suffirait pas dans tous les cas à permettre la mise en oeuvre d'un contrôle effectif du respect des règles de la concurrence et qu'une séparation plus claire des activités sous monopole et des activités ouvertes à la concurrence, de nature comptable, financière, organisationnelle, voire juridique par voie de filialisation, serait propre à permettre un meilleur exercice de ce contrôle ".

Ce raisonnement, transposé à l'ensemble des réseaux publics exerçant concomitamment des activités de service public et concurrentielles, imposerait donc la filialisation, comme préalable au respect des règles de la concurrence.

LES DISTORSIONS LIÉES À DES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES SPÉCIFIQUES

On peut relever deux domaines principaux dans lesquels l'application sélective de mesures législatives ou réglementaires se traduit par des distorsions de concurrence entre établissements exerçant les mêmes activités.

La fiscalité

Rappel des spécificités bancaires

Non seulement la fiscalité bancaire handicape les banques françaises par rapport à leurs compétiteurs internationaux, mais encore, frappant de façon sélective les établissements, elle introduit des distorsions de concurrence au sein même du secteur.

Ainsi, convient-il d'observer que La Poste bénéficie d'un régime privilégié d'assujettissement à la taxe professionnelle et à la taxe foncière puisqu'elle bénéficie d'un abattement de 85 % du montant de l'impôt normalement dû.

La Caisse des dépôts et consignations et les caisses de crédit municipal 80( * ) ne sont pas assujetties à l'impôt sur les sociétés .

La Banque de France, le Trésor public et La Poste sont exonérés de la contribution sur les institutions financières 81( * ) .

La Poste a bénéficié jusqu'en 1994 du plafonnement à 4,25 % du taux de la taxe sur les salaires.

La Poste, la Banque de France, les Caisses d'épargne, les caisses de crédit municipal, les Banques populaires, le Crédit mutuel, les Caisses régionales de Crédit agricole et la Caisse des dépôts et consignations étaient jusqu'en 1995, exonérés de la contribution sociale de solidarité sur les sociétés de capitaux (0,13 % du chiffre d'affaires) instituée par la loi du 3 janvier 1970.

En outre, la fiscalité de certains produits d'épargne conduit à pénaliser les réseaux bancaires. Au-delà du cas du livret A et du livret bleu, on observera que les revenus tirés des comptes à terme, des bons de caisse et des livrets bancaires ont été soumis pendant longtemps à une fiscalité très importante (39,4 % en tenant compte des prélèvements sociaux) qui explique, au moins en partie, le faible développement de ces comptes en France, par comparaison avec l'étranger. La loi de finances pour 1994 a ramené cette imposition à un niveau plus raisonnable (19,4 % prélèvements sociaux compris) et surtout a fait bénéficier ces revenus des mêmes abattements que les intérêts des obligations et des actions (8.000/16.000 F), à l'exception des livrets bancaires. Toutefois, la loi de finances pour 1995 en supprimant cet abattement pour les obligations et produits assimilés (dont les comptes à terme et les bons de caisse) a reposé le problème de la concurrence fiscale de ces produits par rapport aux livrets défiscalisés.

L'analyse juridique du Conseil de la concurrence

Le Conseil a considéré que, désormais, seul le régime fiscal appliqué à La Poste faisait l'objet d'aménagements particuliers et méritait une analyse en termes de distorsions de concurrence.

Ainsi, La Poste n'acquitte pas la contribution annuelle des institutions financières et bénéficie d'allégements de fiscalité locale (abattement de 85 % sur les bases d'imposition de la taxe foncière et de la TP) destinés à compenser les contraintes de desserte du territoire national. Ces aménagements représentaient en 1994 1,19 milliard de francs.

Le Conseil a rappelé que, dans une décision du 8 février 1995, la Commission de Bruxelles avait considéré que le régime fiscal ainsi institué n'était pas constitutif d'une aide de l'Etat aux activités financières concurrentielles de La Poste dans la mesure où l'avantage procuré par l'abattement fiscal n'était pas supérieur aux charges entraînées par les contraintes de desserte et d'aménagement du territoire chiffrées par elle à un montant compris entre 1,32 Milliards de F et 1,82 Milliards de F selon que l'on y inclut ou non les banlieues difficiles.

Le Conseil s'abstient donc de formuler un avis sur ce point rappelant simplement que cette décision a fait l'objet d'un recours devant le tribunal de première instance des Communautés européennes et que, en application de l'article 21 de la loi du 2 juillet 1990, le Gouvernement devra déposer avant le 31 décembre 1996 un rapport au Parlement sur les charges supportées par l'exploitant en matière d'aménagement du territoire.

Il semble toutefois intéressant de noter que les contraintes d'aménagement du territoire imposées à La Poste sont en quelque sorte " payées " deux fois : une première fois par la fiscalité, une deuxième fois par l'autorisation d'effectuer des activités financières concurrentielles.

Le droit du travail

Bref rappel

Force est de constater que le décret du 31 mars 1937 qui impose, comme on l'a vu, des contraintes en ce qui concerne l'heure d'ouverture des guichets et limite à cinq le nombre de jours ouverts par semaine, ne s'applique ni aux banques coopératives et mutualistes, ni aux Caisses d'épargne, ni à La Poste, ni même aux institutions financières spécialisées (Crédit Local de France, Comptoir des entrepreneurs, CEPME...).

Or, on ne peut nier que, commercialement, ces contraintes soient pénalisantes dans une période où l'extension des plages d'ouverture des commerces, et des guichets bancaires en particulier, sont souhaitées par le consommateur.

L'analyse juridique du Conseil de la concurrence

Le Conseil a réaffirmé la position exprimée dans son avis du 25 juin 1996 relatif à La Poste selon lequel les établissements qui ne sont pas soumis à la réglementation du décret du 31 mars 1937 et qui peuvent notamment ouvrir leurs guichets le samedi, bénéficient d'un avantage concurrentiel , ce qui est le cas de La Poste, du Crédit agricole et des caisses d'épargne, mais qui n'est pas constitutif en lui-même d'une pratique prohibée par le droit de la concurrence.

Le Conseil considère néanmoins que :" depuis que les activités des services financiers de La Poste, des caisses d'épargne et du Crédit agricole ont évolué dans la voie de la banalisation et que ces réseaux exercent tout ou partie de leurs activités sur les mêmes marchés que les banques, une harmonisation des réglementations concernant le temps de travail serait de nature à améliorer les conditions d'exercice de la concurrence entre les différents établissements. "

Cette harmonisation pourrait être obtenue soit par l'abrogation du décret de 1937 soit par l'application de ses dispositions permettant des négociations contractuelles, à l'instar de celle qui s'est conclue au Crédit Lyonnais.

*

Les distorsions de concurrence n'expliquent donc pas l'affaiblissement du secteur bancaire, pris dans son ensemble.

Pour autant, elles sont réelles et l'on peut comprendre qu'elles soient de plus en plus contestées par les établissements qui n'en bénéficient pas à mesure que la compétition nationale, et internationale, s'avive.

Mais la portée de cette contestation dépasse de très loin l'aspect sectoriel.


En nous plaçant, comme nous devons le faire, du seul point de vue de l'intérêt général, force est de constater que les distorsions de concurrence entraînent une allocation des resssources au détriment du secteur le plus exposé à la concurrence internationale et modifient, lentement mais sûrement, la physionomie de notre secteur bancaire.

Il importe de prendre conscience de cette évolution et de ses conséquences quant à la capacité de notre système bancaire à se projeter à l'extérieur et à accompagner le développement de nos entreprises, en France comme à l'étranger.

* *

*

CHAPITRE III

METTRE NOTRE SYSTÈME BANCAIRE EN SITUATION D'AFFRONTER LA CONCURRENCE INTERNATIONALE

Plus encore que le marché unique, la monnaie unique contraindra rapidement notre pays à adopter une législation et une réglementation permettant à notre secteur bancaire d'affronter dans de bonnes conditions la concurrence européenne et mondiale. Face aux règles internationales, certaines spécificités françaises, qui handicapent nos banques sans générer d'avantage véritable pour la clientèle, devront être réexaminées.

Il est urgent de le faire, dans la sérénité, pour ne pas avoir à se précipiter, comme ce fut le cas, pour partie, à la veille de l'ouverture du marché unique des capitaux le 1 er janvier 1990 82( * ) .

Le groupe de travail a défini trois axes de réforme : mettre fin aux rigidités normatives touchant l'ensemble du secteur ; harmoniser les conditions d'exercice du métier bancaire ; modifier en profondeur la politique bancaire de l'Etat.

METTRE FIN AUX BLOCAGES LÉGISLATIFS ET RÉGLEMENTAIRES

AUTORISER LA RÉMUNÉRATION DES DÉPÔTS À VUE ET LA TARIFICATION DE L'ENSEMBLE DES SERVICES BANCAIRES

L'interdiction de rémunérer les dépôts à vue, et corrélativement celle de tarifer les mises à disposition de chéquiers sont deux anomalies à corriger rapidement.

Cette situation est d'autant plus étonnante qu'elle est résiduelle, puisque la quasi-totalité des services bancaires peut être tarifée. Aussi, malgré son aspect symbolique assez fort, il ne faut pas surestimer l'impact d'une telle mesure sur les consommateurs, qui profiteraient in fine d'une gestion plus saine des moyens de paiement et des dépôts à vue. La concurrence permettra en effet aux clients de continuer à bénéficier d'un service exceptionnellement peu coûteux, par rapport aux pays étrangers.

Autoriser la tarification des chèquiers

L'interdiction de tarifer la délivrance des chéquiers, qui résulte du décret-loi de 1935, accorde à ce moyen de paiement plus coûteux que les autres (la monnaie fiduciaire ou les cartes de crédit notamment) une prime d'utilisation injustifiée 83( * ) . Pour l'usager, l'utilisation du chèque n'est en effet pas plus commode que celle de la carte bancaire ou du virement télématique. La possibilité de pouvoir tarifer le chèque à son juste prix réduira son utilisation au profit d'autres moyens de paiement, et en réduisant les charges des banques leur permettra de continuer à offrir à leur clientèle des services globalement peu onéreux.

Au demeurant, rien n'indique que les établissements profiteront très vite et pleinement de cette possibilité. Il leur est ainsi permis de facturer des frais de tenue de compte courant, ce qui peut pallier l'interdiction de tarification du chèque. Ainsi, la banque Barclays facture un prix fixe de 350 francs par trimestre aux titulaires de compte dont l'encours est en moyenne inférieur à 15.000 francs, et la Poste prélève une commission symbolique de 9 francs par an, y compris sur les comptes les plus modestes. Mais la plupart des établissements renoncent à cette possibilité pour des raisons de concurrence.

L'objet de cette proposition est donc de conduire les banques à moduler leur gamme de tarifs de façon conforme à la réalité des coûts , et non du fait d'une réglementation qui contraint artificiellement à la gratuité de services coûteux alors que des services pesant moins sur les comptes d'exploitation sont tarifés à un niveau élevé 84( * ) .

Autoriser la rémunération des dépôts à vue

Corrélativement, l'interdiction de rémunérer les dépôts à vue devra être supprimée.

Il est souvent objecté, par les organisations de consommateurs notamment, que la rémunération des dépôts ne compensera pas la tarification du chèque pour les titulaires de petits comptes. Mais la réalité est aujourd'hui inverse pour les titulaires de gros comptes qui peuvent faire rémunérer leurs liquidités en attente d'emploi sans pour autant voir leurs chèques être facturés. En effet, le règlement 92-09 du 15 octobre 1992 du comité de la réglementation bancaire autorise les banques à signer avec leurs clients des conventions aux termes desquelles un prélèvement permanent peut être opéré sur leur compte à vue au profit d'un placement rémunéré (compte à terme, livret d'épargne, OPCVM monétaires...). Ceci autorise les diverses formules de prélèvement ou d'écrémage existant sur le marché 85( * ) . En réalité, ce système permet la rémunération des disponibilités des comptes à vue, créditeurs en permanence d'une somme relativement élevée (plus de 15.000 francs en général), ce dont les titulaires de petits comptes ne peuvent bénéficier.

Il n'est donc pas établi que la tarification des chèques en contrepartie de la rémunération des dépôts à vue soit plus défavorable aux petits qu'aux gros comptes. Elle sera surtout défavorable aux gros émetteurs de chèques, que ne sont pas en général les titulaires de petits comptes. Ceux-ci bénéficieront en revanche d'une rémunération de leurs disponibilités à laquelle ils ne peuvent avoir accès aujourd'hui.

Une fois ces deux interdictions levées, il appartiendra aux établissements teneurs de comptes de dépôts de définir la tarification adaptée. Il est improbable que celle-ci soit d'emblée massive comme chez nos partenaires, puisque les services tarifés aujourd'hui librement ne le sont que faiblement.

Prévoir des mesures d'accompagnement en faveur des consommateurs

Trois mesures de tempérament peuvent être prévues en faveur des consommateurs.

La première consisterait à interdire explicitement l'utilisation des dates de valeur à des fins de rémunération des mouvements de fonds. Dès lors que tous ces mouvement peuvent être tarifés, cette utilisation n'aura plus lieu d'être.

La deuxième aurait pour but de préserver les clients modestes. Pour éviter de léser les petits comptes, il est possible d'imaginer que la tarification des chèques n'intervienne qu'au-delà d'un certain nombre de chèques émis . La concurrence, plus que la réglementation, devrait y pourvoir.

La troisième mesure serait inspirée du même souci de justice sociale. Il s'agirait de faire en sorte que les différents frais de tenue de compte et d'émissions de chèques puissent s'imputer fiscalement sur la rémunération du compte courant , de la même façon que les droits de garde sur valeurs mobilières viennent en déduction des revenus générés par celles-ci. Compte tenu de la progressivité de l'impôt sur le revenu, les titulaires de gros comptes fortement rémunérés seraient relativement moins bien traités que les titulaires de petits comptes.

En tout état de cause, le statu quo actuel ne paraît pas tenable à l'horizon 2002, lorsque l'ensemble des moyens de paiement aura été converti en euros. D'ores et déjà, la libre prestation de services permet à des banques européennes n'ayant pas leur siège en France d'intervenir sur notre sol et de faire de la publicité sur ce point. Mais ce sera encore plus facile pour les banques de nos partenaires participant à la monnaie unique, qui pourront sans entrave offrir des services comparables à ceux des banques françaises, et il ne sera pas possible de leur interdire la rémunération des dépôts et la tarification des chèques.

Clarifier le coût des missions de service public attachées à la tenue des comptes

Les établissements teneurs de compte assument des missions d'intérêt général attachées à cette fonction : ils remplissent des déclarations fiscales à l'intention de leurs clients et des services fiscaux, ils pratiquent eux-mêmes certains prélèvements, ils peuvent être obligés d'ouvrir un compte en raison du droit au compte reconnu par la loi, ils doivent informer les services financiers des mouvements de fonds suspects...

Il conviendrait de s'interroger sur le coût de ces obligations administratives afin de faire la transparence sur la manière dont il est répercuté. Cela permettrait, à tout le moins, aux autorités publiques d'affiner les obligations pesant sur les établissement en fonction de ce coût.

ABROGER LE DÉCRET DU 31 MARS 1937

Pris en application de la loi du 21 juin 1936 instituant la semaine de quarante heures, le décret du 31 mars 1937 86( * ) fixe des normes contraignantes d'aménagement du temps de travail dans les établissements de crédit.

Un décret défavorable à l'emploi et qu'il est exclu d'étendre aux établissements non assujettis

Le décret de 1937 est trop rigide par lui-même, et présente en outre le défaut de ne pas s'appliquer de façon homogène à tous les établissements exerçant le métier de banque, soit explicitement pour les Caisses d'épargne (son article 2 prévoit pour elles des modalités particulières de répartition du temps de travail), soit implicitement pour le Crédit agricole et la Poste (le premier relève des articles 922 et suivants du code rural, la seconde, dont le personnel demeure fonctionnaire à plus de 80 %, du code des postes et télécommunications).

Une des pistes envisageables aurait été l'extension du décret de 1937 aux entreprises qui en sont aujourd'hui exclues , bien qu'elles pratiquent le même métier que les autres banques. Le groupe de travail a écarté cette hypothèse pour deux raisons  : d'une part, les personnels de la Poste, du Crédit agricole ou des Caisses d'épargne ne réclament pas leur assujettissement au décret de 1937, et, d'autre part, ce dernier se révèle nuisible à une bonne rentabilité des réseaux.

Si le décret de 1937 représentait pour les salariés une protection indispensable, il est probable que ceux des réseaux qui ne lui sont pas soumis en réclameraient l'application. Or il semble que les salariés de ces réseaux restent attachés à leur propre organisation du travail.

Celle-ci est en effet plus adaptée que celle des banques soumises au décret de 1937 qui ne permet pas un fonctionnement des guichets bancaires conforme aux besoins du marché. Il nuit à leur rentabilité et fait donc peser un risque sur l'emploi dans ces guichets.

L'inconvénient d'horaires étriqués est que les réseaux d'agences ne peuvent pas servir les clients suffisamment longtemps pour être rentables . En conséquence, les banques placées dans cette situation s'efforcent de réduire le nombre de leurs guichets.

Une autre organisation du travail permettrait, à temps de travail inchangé pour chaque salarié, une ouverture des guichets six jours sur sept sur des plages quotidiennes plus grandes. L'exemple des Caisses d'épargne ou du Crédit agricole, où la négociation collective préside à cette organisation, montre que cette solution est possible sans léser les salariés.

Un décret qu'il vaut mieux abroger que modifier

Les représentants des organisations syndicales auditionnées par le groupe de travail ont en général marqué leur attachement au décret de 1937, tout en se déclarant favorables à une renégociation de son contenu. Ils souhaitent que l'aménagement du temps de travail soit compensé par une réduction de sa durée et par des engagements en matière d'emplois.

Le groupe de travail préfère, quant à lui, une abrogation pure et simple du décret et son remplacement par une contractualisation négociée entre tous les partenaires .

Certes, le décret de 1937 prévoit des possibilités de déroger à certaines de ses dispositions, notamment l'interdiction du travail par relais ou roulement et le choix du samedi ou du lundi comme second jour de repos. Ces dérogations doivent résulter d'accords entre les partenaires sociaux.

Contrairement à ce qu'on pourrait croire, de nombreux accords de ce type ont été signés récemment : à la BRED, au CIC (ouverture six jours sur sept), à la Compagnie bancaire (et à la Banque directe, sa filiale) et au Crédit Lyonnais.

Ces accords montrent qu'il est possible de déroger aux dispositions les plus pénalisantes du décret de 1937, mais la procédure reste lourde et inadaptée :


·
pour la dérogation au repos du samedi ou du lundi, un arrêté du préfet est nécessaire ;


·
pour la dérogation à l'interdiction du travail par roulement ou par relais, un arrêté ministériel est requis.

L'intervention de l'autorité administrative sous forme de contrôle préalable n'a plus aucune justification. Dans ces conditions, il est aussi simple d'abroger complètement le décret. Il sera alors remplacé par une ou plusieurs conventions, l'administration du travail contrôlant leur contenu et leur application dans les conditions de droit commun.

Cette abrogation aura en outre l'avantage de contraindre les partenaires sociaux, au sein de l'AFECEI, à aboutir sur les différents sujets régis par le décret de 1937 87( * ) .

RÉDUIRE LES COÛTS DE LA LÉGISLATION CONSUMÉRISTE

La forte protection des débiteurs, qui est propre à la France, majore le risque de crédit des banques et, en cette période de forte concurrence, réduit leur marge d'intermédiation. Elle tend à se retourner contre ses objectifs : les postulants à l'emprunt présentant par ailleurs d'autres risques peuvent se voir écartés de l'accès au crédit, faute pour les établissements de pouvoir maîtriser les coûts engendrés par les lois de protection des consommateurs.

Notre législation consumériste devra évoluer sous la pression de la concurrence européenne: du fait de l'existence d'un marché bancaire unique et de l'avènement prochain de l'Euro. Pour l'essentiel, la négociation au sein des instances communautaires y pourvoira. A cet égard, il ne faut pas fermer la porte à la possibilité, pour nos négociateurs, d'obtenir de nos partenaires des avancées dans le sens de notre droit actuel. Cependant, le groupe de travail a jugé qu'un problème urgent devait être traité plus rapidement en raison de son coût élevé pour le système bancaire: celui des remboursements d'emprunt par anticipation.

Une convergence des législations consuméristes se produira du fait de l'intégration européenne

Dans son rapport de mai 1995 sur l'application de la deuxième directive bancaire créant le marché unique des services bancaires, la Commission de l'Union européenne relève que la protection des consommateurs de services bancaires est plus forte en France que dans le reste de l'Union 88( * ) . Cette protection est considérée par la France comme relevant de l'intérêt général, ce qui lui permet, en application de l'article 15 de la directive, de faire obstacle à la vente de services par les banques européennes qui ne se conformeraient pas à cette protection.

Cependant, la Commission rappelle dans son projet de communication du 4 novembre 1995 que la Cour de justice 89( * ) de Luxembourg considère que cet obstacle doit être :

- d'intérêt général,

- non discriminatoire,

- objectivement nécessaire,

- proportionné à l'objectif poursuivi.

En effet, il faut reconnaître que l'obligation faite à des banquiers anglais de se conformer à notre législation consumériste, alors que celle-ci est restreinte dans leur État d'origine, revient à les empêcher de distribuer des contrats sur notre territoire.

Lors de l'entrée en vigueur de l'Euro, il deviendra très difficile à la France d'exciper de l'intérêt général pour maintenir des règles qui n'y répondent pas de façon irréfutable . Il sera aisé pour les établissements des Etats participant à la monnaie unique de venir concurrencer nos banques sur des critères autres que la protection des consommateurs, notamment par des coûts de crédit moins élevés.

Dans ces conditions, la législation et la réglementation françaises devront évoluer naturellement. Mais il est possible aussi que la législation de nos partenaires évolue . Beaucoup d'éléments de notre appareil normatif peuvent paraître protéger excessivement les consommateurs (la législation sur le surendettement, le droit des offres de crédit notamment). Mais on peut les juger efficaces quant à leurs objectifs (les consommateurs sont bien protégés) et d'un coût non prohibitif pour les établissements. Aussi faut-il permettre au gouvernement français de défendre nos positions actuelles. Par la suite, l'ensemble devra converger de manière à ce que la concurrence ne se fasse pas par des différences normatives.

Aussi le groupe de travail n'a-t-il pas jugé nécessaire de proposer à ce stade une réforme d'ensemble de notre législation consumériste . Il vaut mieux laisser se développer la confrontation européenne, qui provoquera les ajustements nécessaires en France, mais aussi dans le reste de l'Union.

Le problème plus urgent des remboursements anticipés

Malgré ce raisonnement de principe, le groupe de travail s'est interrogé sur le problème des remboursements anticipés .

Les règles relatives au remboursement anticipé, créent une asymétrie moins justifiée que le reste du droit de la consommation entre les banques et leurs clients. Il ne s'agit pas de remettre en cause le principe du droit au remboursement anticipé, qui est reconnu par une directive européenne 90( * ) . Il s'agit en revanche de s'interroger sur les modalités retenues par la France qui sont particulièrement pénalisantes pour les établissements de crédit.

Deux solutions peuvent être préconisées pour résoudre cette difficulté :


·
permettre aux banques de provisionner, dès l'octroi du crédit, les risques tenant au remboursement anticipé et éventuellement aux autres protections des débiteurs ;


·
modifier le mode de calcul de l'indemnité de remboursement anticipé. Des débats ont eu lieu au sein du comité consultatif du Conseil national du crédit à ce sujet en 1995, qui ont abouti à un constat sans solution, faute d'accord entre les représentants des établissements et ceux des consommateurs 91( * ) . Les pouvoirs publics pourraient trancher ce débat en proposant une indemnité calculée actuariellement de façon à faire partager plus équitablement la charge du remboursement anticipé entre les établissements et les clients. Il ne s'agirait pas nécessairement d'une indemnité actuariellement neutre, mais son calcul consisterait à permettre un partage équitable de la baisse des taux entre la banque et le client, ce qui supprimerait la " loterie " liée aux variations d'amplitude des baisses de taux. Cette solution ne vaudrait que pour les remboursements de pure opportunité. Les remboursements contraints par une cause exogène (vente du bien, chômage, divorce, maladie, etc...) pourraient au contraire bénéficier de la suppression de toute indemnité . Cette solution présenterait en outre l'avantage de favoriser la diffusion des prêts à taux variable : il n'est en effet pas sain que les banques comme les emprunteurs se mettent systématiquement en position de risque de taux.

MODERNISER LA FISCALITÉ BANCAIRE

Deux contributions particulières pèsent lourdement sur la rentabilité de notre secteur bancaire : la taxe sur les salaires et la contribution sur les institutions financières.

Ces contributions ont trois défauts : elles pèsent sur l'emploi et non sur la richesse produite, elles pénalisent les banques par rapport aux autres secteurs de l'économie, et elles les affaiblissent par rapport aux marchés financiers ou aux établissements étrangers qui n'acquittent pas ce type d'impôt.

Réformer la taxe sur les salaires

Les propositions de votre groupe de travail pourraient permettre une augmentation de la part des commissions, assujetties à la TVA, dans le produit net bancaire. En réduisant les rémanences de TVA, cette augmentation est de nature à atténuer le problème de la taxe sur les salaires. Mais cela ne suffit pas.

Le seul argument militant encore aujourd'hui en faveur de la taxe sur les salaires est son produit élevé pour le budget de l'Etat (46 milliards de francs). C'est pourquoi sa suppression -qui ne concernerait pas seulement les banques- doit se faire sous réserve du respect de la contrainte de l'équilibre des finances publiques.

A cet égard, au moins deux solutions peuvent peuvent être envisagées :

- prévoir une suppression progressive et programmée sur cinq ou dix ans ;

- remplacer la taxe sur les salaires par une fiscalité substitutive, qui ne pénalise pas l'emploi.

Ces solutions devraient faire l'objet d'un examen approfondi, notamment en ce qui concerne leurs conséquences sur le coût du crédit. Il convient en tout état de cause d'agir pour réduire les effets nocifs de cette taxe sur l'emploi.

Supprimer la contribution des institutions financières

Outre les inconvénients précédemment cités au sujet de la taxe sur les salaires, la contribution des institutions financières présente celui de ne pas être applicable à la Poste.

Cette taxe doit être supprimée . Lorsqu'elle avait été créée en 1982, elle devait être exceptionnelle. La caractéristique principale des prélèvements exceptionnels en France est d'être pérennisés, ce qui nuit à la crédibilité des décisions fiscales.

Afin d'éviter de nuire à l'équilibre des finances publiques (cette taxe rapporte 2,6 milliards de francs à l'Etat) cette suppression peut se réaliser en trois étapes :

- autoriser sa déduction du bénéfice imposable,

- supprimer la partie de l'assiette constituée par les salaires,

- enfin la supprimer totalement.

*

HARMONISER LES CONDITIONS D'EXERCICE DU METIER BANCAIRE

Le groupe de travail considère qu'une allocation optimale des ressources dans le système bancaire et de crédit en France nécessite une homogénéisation des conditions d'exercice du métier. Cette position, fondée sur un raisonnement recherchant l'optimum économique, est corroborée en droit par l'avis du Conseil de la Concurrence annexé au présent rapport. Elle n'implique pas l'abolition des différentes sensibilités et cultures d'entreprise existant au sein du monde financier.

Cette harmonisation doit se faire en prenant les précautions nécessaires pour ouvrir enfin l'ère des banalisations réussies .

GENERALISER LA DISTRIBUTION DES LIVRETS DÉFISCALISÉS

La quasi totalité des livrets d'épargne réglementée est aujourd'hui distribuée universellement.

L'oligopole maintenu pour deux d'entre eux n'a plus aujourd'hui de véritable justification. Sa suppression doit s'accompagner de précautions et d'une réflexion sur le rôle de ses actuels détenteurs.

Le livret A et le livret bleu sont aujourd'hui des produits quasiment jumeaux: mêmes conditions d'ouverture, même plafond, même taux d'intérêt, même fonctionnement pour l'épargnant, même (absence de) fiscalité. Seule l'affectation des ressources diffère encore, mais très provisoirement: en mars 1991, la décision a été prise d'affecter intégralement le livret bleu au financement du logement social 92( * ) , par tranches cumulées de 10 % par an jusqu'en l'an 2.000. Le livret bleu est actuellement à mi-parcours de ce processus.

Sous cette réserve de calendrier, la problématique des deux livrets est la même. Distorsion de concurrence véritable, l'oligopole de distribution de ces deux livrets peut être supprimé en levant les obstacles qui justifient encore son maintien.

Le groupe de travail a ainsi retenu une méthode comportant quatre principes :

· la banalisation doit être directe et complète ;

· elle doit se faire à échéance fixée, de façon à permettre aux acteurs de s'y préparer ;

· elle doit se réaliser en tenant compte des objectifs sociaux des livrets défiscalisés ;

· elle doit s'accompagner d'une affectation solide au financement du logement social.

Une généralisation de la distribution directe et complète

Une des voies alternatives à la banalisation des derniers livrets faisant l'objet d'un monopole réside dans la création de produits qui leur sont partiellement substituables, et distribués par l'ensemble des réseaux bancaires . Cette technique est apparemment la plus commode à mettre en oeuvre, et elle a été utilisée avec un certain succès quant aux produits ainsi créés (le Codevi, le livret d'épargne populaire, le livret jeune) 93( * ) , qui connaissent aujourd'hui des encours importants.

Cependant, les expériences passées montrent que ce type de mesure, s'il a l'avantage stratégique du compromis, présente des imperfections qui lui font manquer l'objectif recherché .

Ainsi, la création du Codevi n'a pas répondu à la requête des établissements qui ne distribuent pas le livret A. Son plafond est inférieur, le nombre de livrets par famille plus réduit. Les augmentations successives du plafond n'ont pas permis à ses distributeurs de concurrencer le livret A. Ils n'auraient pu s'approcher de cet objectif que si sa distribution avait été limitée aux établissements exclus du livret A et du livret bleu, ce qui n'a pas été le cas.

De plus, contrairement au livret A, il n'a pas montré une grande capacité à remplir sa mission d'intérêt général, à savoir le financement des PME 94( * ) . Son taux de centralisation auprès de la Caisse des dépôts et consignations n'a cessé de baisser pour les banques commerciales, le Crédit agricole et le Crédit mutuel. A tel point qu'aujourd'hui son exemple est brandi comme un repoussoir à une distribution universelle du livret A, par crainte que ce dernier ne soit conduit à suivre les mêmes errements.

La création en 1982, puis l'extension du livret d'épargne populaire, et la création du livret jeune en 1996 ont révélé des défauts différents, mais tout aussi significatifs.

L'apparition de ces livrets a d'abord constitué un frein à la baisse des taux d'intérêt à court terme, une fraction importante (178,4 milliards de francs au 31 août 1996) de l'épargne à vue étant désormais placée à un taux sensiblement supérieur à celui du livret A. Il n'est d'ailleurs pas possible de financer des activités d'intérêt général tel que le logement social par une ressource aussi onéreuse compte tenu du coût de la collecte 95( * ) . Surtout, le fait que ces livrets soient banalisés n'affecte que marginalement les conditions de la concurrence : l'essentiel des transferts s'opère entre le livret A et le livret bleu d'une part, et le livret jeune et le LEP d'autre part au sein des réseaux distributeurs des premiers, et non entre les différents réseaux 96( * ) . Taux d'intérêt plus élevés, financement du logement social remis en cause et conditions de concurrence à peine modifiées : tel est le maigre bilan de ces livrets 97( * ) .

Pour les mêmes raisons, le groupe de travail a repoussé des solutions dérivées de celles-ci, telles que l'augmentation du plafond du Codevi . En effet, ou bien le Codevi reste différent du livret A, et il ne remplira pas les missions que celui-ci serait amené à abandonner; ou bien il en devient le clone, et il s'agirait d'une banalisation hypocrite, refusant de dire son nom, et à laquelle les réseaux distributeurs du livret A pourraient ne pas pouvoir faire face.

Le groupe de travail privilégie donc une voie plus directe : la distribution universelle des livrets défiscalisés. Toutefois, rien ne s'oppose à ce que les noms de ces livrets diffèrent en fonction des réseaux distributeurs. On peut concevoir que " livret A " et " livret bleu " restent des appellations réservées. En effet, ces appellations sont commerciales, le droit ne connaissant d'une part que le "premier livret des caisses d'épargne", d'autre part, que les "comptes spéciaux sur livret" du Crédit mutuel. L'important est la possibilité pour tous de distribuer un produit identique, seule de nature à supprimer l'anomalie concurrentielle. Mais avec des précautions.

Définir une échéance

La première précaution à prendre pour éviter l'échec de la banalisation est de définir une échéance .

Le groupe de travail a retenu un délai de cinq ans, qui présente deux avantages :

- d'une part, il laisse à la Poste, aux Caisses d'épargne et au Crédit mutuel le temps de réaliser les adaptations stratégiques nécessaires 98( * ) . Celles-ci seront facilitées par le maintien probable de la tendance au déclin de la place des deux livrets administrés dans l'épargne des ménages;

- d'autre part, il coïncide à peu près avec l'échéance de l'affectation totale du livret bleu au logement social.

Prévoir un commissionnement différencié

Un des effets induits par la banalisation des livrets A et bleu pourrait être le recentrage des clientèles " naturelles" des différents réseaux. Ainsi, la Poste, les Caisses d'épargne et à un moindre degré le Crédit mutuel pourraient être amenés à concentrer la clientèle la plus modeste, la plus sociale ; alors que les autres réseaux "récupéreraient" une clientèle plus aisée. En effet, la clientèle aisée est souvent multibancarisée et ne détient à la Caisse d'épargne ou à la Poste que le livret A, dans un but d'optimisation fiscale.

Rien n'interdit à l'Etat , par le truchement de la Caisse des dépôts et consignations, de verser une commission différente à chaque établissement . Cette différenciation pourrait se faire selon deux critères :

- celui du réseau collecteur. La commission des anciens titulaires du monopole pourrait être relevée (de 1,5 % à 2 % pour la Poste ; de 1,3 à 1,8 % pour le Crédit mutuel ; de 1,2 à 1,7 % pour les caisses d'épargne). Les autres réseaux percevraient 1 % 99( * ) ;

- celui du niveau moyen de l'encours des livrets. Un barème dégressif pourrait être établi selon le niveau de l'encours moyen des livrets.

Confier au législateur la compétence d'affecter les ressources

L'exemple du Codevi, comme à certains égards du livret bleu ou du livret jeune, montre qu'il n'est pas sain de laisser ouverte la négociation entre la tutelle et la profession sur l'affectation d'une ressource administrée, garantie par l'Etat et partiellement financée sur dépense fiscale . Le pouvoir réglementaire n'a pas été apte à maintenir au Codevi un but d'intérêt général, il a eu des difficultés à en mettre en place un pour le livret bleu alors que la loi le prévoit 100( * ) , et il a renoncé pour le moment à le faire s'agissant du livret jeune.

Un des obstacles importants qui se dressent face à la banalisation du livret A est le risque de voir ce dernier distrait à terme de sa mission de financement du logement social, aujourd'hui parfaitement remplie par les circuits de la Poste, de l'Ecureuil, du Crédit mutuel et de la Caisse des dépôts et consignations. Il ne s'agit pas de prendre de risque sur ce produit qui permet de transformer des dépôts à vue en prêts à 32 ans et à 4,8 % aux bailleurs sociaux.

Aussi le groupe de travail préconise-t-il que l'affectation au logement social soit inscrite dans la loi et placée sous le contrôle du législateur. Une centralisation des fonds à 100 % à la Caisse des dépôts et consignations pourrait en conséquence s'imposer.

REDÉFINIR LE RÔLE DES CAISSES D'ÉPARGNE ET DE LA POSTE

Le livret bleu ne représente plus, depuis déjà quelque temps, un axe stratégique pour le Crédit mutuel, qui ne devrait guère souffrir de la banalisation d'un produit sur lequel il reste en position dominée par rapport à la Poste et aux Caisses d'épargne.

Tel n'est pas en revanche le cas de ces deux derniers établissements. La banalisation du livret A est donc indissociable d'une réflexion sur leur avenir.

Permettre aux Caisses d'épargne d'affronter la concurrence dans les meilleures conditions

Dès lors que les livrets défiscalisés peuvent faire l'objet d'une distribution universelle, il est nécessaire de mettre les Caisses d'épargne en situation d'affronter efficacement la concurrence. Cela passe par deux réformes : les autoriser à distribuer les derniers produits bancaires qui leur sont fermés ; leur donner des propriétaires.

Autoriser les Caisses d'épargne à distribuer l'ensemble des produits bancaires

Les Caisses d'épargne sont aujourd'hui quasiment en mesure d'affronter avec succès et à armes égales la concurrence sur l'ensemble des services financiers. Elles ont acquis une compétence dans tous les domaines. Il ne reste plus qu'à leur donner la possibilité de proposer des crédits aux grandes entreprises (celles faisant appel public à l'épargne), seul service qu'elles n'ont pas encore obtenu le droit de rendre. Ce serait une juste contrepartie à la banalisation du livret A.

Donner des propriétaires aux Caisses d'épargne

Dans l'avis annexé au présent rapport, le Conseil de la concurrence considère comme une anomalie que les Caisses d'épargne n'aient ni actionnaires ni sociétaires 101( * ) , dès lors qu'elles exercent quasiment toutes les activités d'une banque commerciale. Il apparaît aussi dans leur propre intérêt d'avoir des propriétaires. La pression exercée par ceux-ci conduirait, tout naturellement, les caisses à chercher davantage de performance, comme c'est le cas dans toute entreprise.

Il convient en effet de s'interroger sur le statut " d'établissement de crédit à but non lucratif " qui est celui des Caisses d'épargne . Cette notion n'a en effet guère de sens 102( * ) . Seuls les établissements cherchant à réaliser des bénéfices -ce qui est bien le cas des Caisses d'épargne- oeuvrent dans l'intérêt de l'économie française. Ceux qui font des pertes lui coûtent beaucoup. A cet égard, il n'y a aucune incompatibilité entre une vocation " sociale " et la réussite financière. Ainsi, les sociétés anonymes de crédit immobilier, spécialisées dans le crédit à l'habitat des personnes modestes, ont réalisé 800 millions de francs de bénéfices en 1994. A l'inverse, Le Crédit foncier (qui s'est précisément égaré hors de ce métier) ou le Crédit Lyonnais sont des contre-exemples.

En revanche, il paraît bien exister une contradiction entre ce statut et le fait pour les Caisses d'épargne de se porter acquéreur de banques concurrentielles, comme certaines d'entre elles l'ont fait pour la Société marseillaise de crédit et la banque Laydernier, ou comme le Centre national des Caisses d'épargne (CENCEP) l'a envisagé pour le Crédit industriel et commercial (CIC).

Le CENCEP a réfléchi à cette problématique, dont la solution ne peut d'ailleurs se trouver que dans la loi, le statut des caisses d'épargne étant de nature législative 103( * ) .

Le CENCEP doit se prononcer sur une proposition de réforme des statuts. La culture d'entreprise des Caisses d'épargne les pousse naturellement vers le statut coopératif , celui du Crédit agricole, du Crédit mutuel ou des Banques populaires, qui relèvent de la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération.

Une solution pourrait consister dans la création d'une société anonyme coopérative, à capital variable, permettant l'entrée et la sortie des associés ou sociétaires. Ces associés pourraient être divisés entre associés-coopérateurs (les clients auxquels pourraient s'adjoindre les salariés) et associés investisseurs (d'autres personnes intéressées). Le capital de la Caisse coopérative serait ouvert, de manière à permettre l'entrée d'investisseurs extérieurs. Ainsi, les Caisses d'épargne auraient enfin de véritables propriétaires, et leur capital serait ouvert à des partenaires extérieurs.

Dans ces conditions, le CENCEP, organe de tête du réseau, pourrait devenir une société anonyme, possédée comme aujourd'hui par les Caisses d'épargne coopératives (pour 65 %) et par la Caisse des dépôts et consignations (pour 35 %).

Le groupe de travail est favorable à ce système à la condition qu'il recueille l'assentiment des Caisses d'épargne . A cet égard, l'objectif de donner des propriétaires aux caisses et celui d'ouvrir leur capital aux investisseurs extérieurs sont remplis. Dès lors, les pouvoirs publics n'ont aucune raison de ne pas faire toute leur place aux choix des Caisses d'épargne et du CENCEP 104( * ) .

Une solution de cette nature permettrait de verser à l'Etat et aux collectivités locales, le moment venu, le produit du placement dans le public des parts sociales, au fur et à mesure qu'il se réaliserait en fonction d'un calendrier progressif. Personne n'imaginant de donner ou d'offrir les parts sociales aux souscripteurs, ni de doubler, à cette occasion les capitaux propres des Caisses d'épargne qui n'en ont nul besoin.

Cette formule aurait enfin le mérite de trancher la question de la propriété des Caisses d'épargne.

Lors des débats portant sur la réforme du statut des Caisses d'épargne (loi du 10 juillet 1991), le ministre de l'économie et des finances déclarait que : " les Caisses d'épargne appartiennent à la nation ". Il se fondait sur l'aide que l'Etat leur a constamment apportée dans la constitution de leurs fonds propres (garantie apportée aux livrets d'épargne, avantages fiscaux, missions de service public rémunérées...).Il se fondait également sur le principe selon lequel tout bien de mainmorte doit revenir à la collectivité. Il est peut-être temps aujourd'hui d' en tirer les conséquences en considérant que l'Etat et les collectivités locales sont les propriétaires initiaux des Caisses d'épargne.

Cette proposition présente un double intérêt :

- d'un côté, elle restitue à l'Etat les sommes accumulées grâce à lui, et qu'il a, selon les principes de notre droit, vocation à récupérer, comme tout bien sans maître. Les collectivités locales, qui ont toujours participé à la gestion des Caisses d'épargne devraient également en bénéficier ;

- d'un autre côté, cela permettrait aux Caisses d'épargne de mettre en place le statut qu'elles souhaitent, au profit notamment de leurs salariés qui pourraient de jure participer à leur capital, sans pour autant procéder à leur profit à une injection de liquidités supplémentaire et massive dont l'opportunité n'est aucunement démontrée.

Redéfinir le rôle des services financiers de la Poste

On peut aujourd'hui regretter que les services financiers de la Poste n'aient pas conservé la même discrétion que ceux du réseau du Trésor Public 105( * ) . A l'exception du livret A et de l'épargne-logement, le Trésor peut offrir les mêmes services bancaires que la Poste. Les trésoriers-payeurs généraux ont néanmoins instruction de leur ministère de tutelle de conserver à cette activité un caractère résiduel, afin de ne pas faire concurrence au système bancaire. L'actuel ministre de l'économie et des finances a ainsi récemment ordonné aux agents du Trésor de ne plus démarcher la clientèle.

Mais, si environ 1.200 agents du Trésor se consacrent aux services financiers et que cette activité est en voie d'extinction à la Banque de France, 60.000 à 70.000 106( * ) agents s'y consacrent à la Poste qui en a fait un axe majeur de développement.

Cantonner sans restreindre les activités des services financiers, et favoriser le développement de la polyvalence

On ne peut condamner la Poste pour son activité offensive en matière de services financiers . Cette attitude est conforme à la réforme de son statut opérée par la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public des postes et télécommunications, à son cahier des charges et au contrat de plan correspondants. 107( * )

Toute la difficulté vient de l'ambivalence des intérêts de l'Etat, tuteur de l'ensemble du secteur bancaire et actionnaire de La Poste .


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D'une part , l'Etat actionnaire souhaite, ne serait-ce que d'un point de vue budgétaire, que la Poste se développe et soit rentable , notamment pour assurer ses missions de service public. C'est le sens de la loi du 2 juillet 1990.

Schématiquement, ces missions de service public sont de trois ordres: le monopole de distribution des courriers de faible poids (le reste étant concurrentiel), une contribution à l'aménagement du territoire et le service bancaire ouvert à tous. La contribution à l'aménagement du territoire est prévue par la loi (article 6). La mission "sociale" d'accès au système financier pour les ménages les plus modestes est réelle bien qu'elle ne soit pas inscrite dans la loi.

L'exercice de ces deux dernières missions nécessite un réseau très dense, réalisant un maillage complet du territoire. La Poste dispose d'un tel réseau, avec 14.000 bureaux et 3.000 agences. L'établissement de crédit le mieux implanté, le Crédit agricole, est loin derrière avec 5.600 succursales.

Pour financer ce réseau et ces missions, la loi prévoit que la Poste exerce trois activités marchandes, dans le respect de la concurrence : la distribution du courrier et d'objets divers, et des activités de dépôt et de gestion de moyens de paiement (alinéas 3 et 4 de l'article 2). Le contrat de plan et le cahier des charges signés en application de ce texte prévoient que la Poste doit globalement équilibrer ses charges par ses recettes 108( * ) .

Or la conséquence logique de cet ensemble d'exigences est le développement des services financiers. En effet, le courrier ne passe plus pour l'essentiel par les bureaux de Poste, dont la majorité du chiffre d'affaires (58 %) vient désormais des services financiers 109( * ) . Devant la commission de la production et des échanges de l'Assemblée nationale, le ministre des postes et télécommunications, M. François Fillon, a récemment rappelé que 75 % de l'activité des points de contact postaux en milieu rural provenait des services financiers 110( * ) . La rentabilisation du réseau, et donc le maintien de sa densité, nécessitent le développement de leur chiffre d'affaires. Et paradoxalement, cela exige que la Poste soit présente et performante dans les zones urbaines et prospères, car c'est à cette condition qu'elle peut effectuer une péréquation avec les banlieues sensibles ou les zones rurales. On peut rappeler à cet égard que si le droit de la concurrence interdit une péréquation entre l'activité courrier et l'activité services financiers, il autorise une péréquation géographique au sein d'une même activité 111( * ) .

Si le courrier a permis la constitution du réseau de la Poste (sa création, son amortissement), ce sont les services financiers qui le rendent aujourd'hui viable aux conditions posées par la loi de 1990, des textes subséquents (contrat de plan et cahier des charges), et au moindre coût pour l'Etat.

C'est pourquoi le ministère de l'économie et des finances, qui a le pouvoir d'agréer les nouveaux produits financiers de la Poste, ne refuse pas cet agrément.


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D'autre part, l'Etat tuteur se préoccupe du développement d'une concurrence excessive dans le domaine des services bancaires 112( * ) . Dans cette logique, il pourrait souhaiter que ne se développent pas trop les services financiers de la Poste, selon une solution qu'on pourrait qualifier d'" endiguement ". Cet endiguement consisterait non seulement à ne pas étendre les compétences de la Poste, mais aussi à les restreindre. Dans cette optique, les services financiers s'éteignent progressivement, à l'instar de ceux de la Banque de France depuis la loi du 4 août 1993, ou bien se confinent dans une activité d'appoint, comme pour le Trésor public. On peut imaginer par exemple de les limiter aux activités traditionnelles de la Poste : livret A, CCP, dépôt des notaires, épargne administrée; l'assurance-vie et les placements de marché (OPCVM notamment) étant supprimés.

Cette solution entraînerait alternativement deux conséquences :

- soit une réduction de la taille du réseau de la Poste , dans l'optique du maintien d'une certaine rentabilité. En effet, la diminution progressive de l'activité des services financiers les plus rentables dans les grands centres urbains nécessitera la fermeture des guichets peu rentables dans les zones difficiles, et une sélection accrue de la clientèle ;

- soit un coût grandissant pour les finances publiques (Etat et collectivités locales), dans une optique d'affranchissement des contraintes de rentabilité. En effet, la Poste cessant de développer ses services financiers ne pourra plus autofinancer son réseau. Elle ne le pourrait pas davantage dans une tentative de relance de la polyvalence postale. Cette solution, consistant à réactiver le décret du 16 octobre 1979 113( * ) destiné à faire réaliser par les succursales postales la plupart des prestations de service public, permettrait sans doute de remplacer dans les guichets les activités de services financiers amenées à disparaître. Mais le remplacement d'un service marchand par un service non marchand entraînerait nécessairement un transfert de charges de la clientèle vers le contribuable. C'est déjà le cas dans le cadre de conventions bilatérales Poste-communes pour le maintien de l'activité des agences en milieu rural. La commune supporte alors une partie des coûts de fonctionnement. La polyvalence peut donc compléter les services financiers mais non s'y substituer 114( * ) .

La conséquence de cette ambivalence est donc claire : l'Etat ne peut à la fois vouloir que la Poste maintienne sa présence sur le territoire, notamment auprès des clients modestes, grâce à des activités concurrentielles et vouloir qu'elle ne fasse pas concurrence -par à un réseau immense- au reste du système bancaire.

Le groupe de travail a donc cherché une solution qui tienne compte de cette contradiction, étant entendu que la banalisation du livret A en est une première étape. Cette solution doit chercher à limiter le coût de la Poste pour la collectivité tout en évitant une concurrence anormale aux autres établissements de crédit.

Le caractère éventuellement déloyal de la concurrence des services financiers de la Poste à l'égard du système bancaire pourrait résulter de deux causes connexes :

- la première serait un transfert financier occulte entre l'activité courrier et les services financiers (financement des pertes des services financiers par le "prix du timbre");

- la seconde résulterait de la mise en commun des moyens du courrier et de ceux des services financiers permettant le maintien en vie d'un réseau extrêmement important avec lequel aucune banque ne peut lutter.

Etablir une comptabilité analytique indiscutable et éventuellement filialiser les services financiers

S'agissant de la première cause, le Conseil de la concurrence a estimé, dans son avis du 25 juin 1996 ainsi que dans celui du 17 septembre 1996 annexé au présent rapport, qu'elle ne pouvait être établie en l'absence d'une comptabilité analytique suffisamment précise, imputant notamment de manière appropriée la charge d'aménagement du territoire à l'activité courrier et à l'activité services financiers.

Afin de faire la transparence sur les liens financiers existant entre les deux pôles, il est nécessaire que la Poste affine la comptabilité analytique qu'elle a déjà mise en place et qu'elle la fasse certifier par un cabinet d'audit indépendant. Au-delà, le Conseil de la concurrence considère qu'une filialisation des services financiers serait le meilleur moyen de parvenir à cette clarification. Mais il l'estime difficile à réaliser, car entraînant probablement la fin de la double activité (financière et postale) des agents 115( * ) .

Le groupe de travail partage largement cet avis, à l'exception toutefois de la réserve émise. Il est en effet possible de filialiser les services financiers. Il suffit de les structurer en services centraux et régionaux. Le réseau continuerait d'appartenir à la branche courrier, et percevrait une redevance d'utilisation de la part des services financiers . Cette solution a été mise en place en Allemagne et au Royaume-Uni (où plusieurs établissements financiers utilisent le réseau postal). En Allemagne, ce nouveau système rencontre des difficultés de mise en place, ce qui est naturel s'agissant d'un changement d'une telle ampleur. Mais il pourrait être transposé en France, avec la création d'une banque postale utilisant le réseau de la Poste et la rémunérant à cet effet.

D'autres pays ont filialisé les services financiers de leur entreprise postale : les Pays-Bas, le Danemark, l'Espagne et la Finlande, avec des modalités diverses quant aux relations Poste-services financiers.

Au demeurant, si cette solution n'a pas été retenue en France en 1990, il faut se souvenir que l'enjeu de l'époque était une séparation des branches poste et télécommunications ( création de France Telecom), réforme dont l'ampleur se suffisait à elle-même dans l'immédiat.

S'agissant de la seconde cause, on peut remarquer qu'elle n'est pas constitutive d'infraction aux règles de la concurrence. Mais il est indéniable qu'elle entraîne des difficultés pour l'ensemble du système bancaire.

Sur ce point, le groupe de travail considère que deux solutions sont envisageables.

Mettre fin aux derniers privilèges fiscaux de la Poste

La première consisterait à continuer dans la voie de la suppression de la fiscalité dérogatoire dont la Poste bénéficie.

Le groupe de travail ne préconise pas de la soumettre à la taxe sur les institutions financières, dans la mesure où il préconise la suppression de celle-ci. Mais dans l'hypothèse où elle serait maintenue, la Poste pourrait y être assujettie au prorata de son activité financière.

En revanche, il paraîtrait justifié de mettre progressivement fin à l'abattement de 85 % des bases de taxe foncière et de taxe professionnelle , en particulier dans les zones urbaines prospères où il n'est guère justifié. En effet, bien que la commission de l'Union européenne n'ait pas jugé que cet avantage constitue une distorsion de concurrence dans la mesure où il tend à compenser une contrainte d'aménagement du territoire, il est difficile de justifier le maintien de cet avantage fiscal dès lors que le développement des services financiers a également pour but de permettre à la Poste de faire face à cette contrainte. Par conséquent, l'abattement pourrait être supprimé "en sifflet" sur dix ans, à l'exception des zones de revitalisation rurale et des zones urbaines sensibles. Une péréquation pourrait être opérée entre les zones à fort rendement de taxe professionnelle et les autres.

Cette progression vers une fiscalité de droit commun est cohérente avec ce que le groupe de travail propose par ailleurs, et va dans le sens généralement observé dans le système financier 116( * ) .

Faire de la Poste un établissement de place

La seconde, qui serait facilitée par la filialisation des services financiers consisterait à favoriser l'octroi de crédits pour compte de tiers par les bureaux de Poste. Il ne s'agirait pas d'autoriser la Poste à proposer les prêts auxquels elle n'a pas accès actuellement (elle n'a accès à aucun, à l'exception des prêts principaux et complémentaires à l'épargne-logement). Il s'agirait au contraire de la conduire à proposer, au profit des autres établissements de crédit et contre une commission commerciale, les prêts que ces établissements financeraient et géreraient (à l'instar de l'accord signé entre la Poste et le Crédit foncier pour l'avance à taux nul).

Bien entendu, la Poste agirait en tant qu'établissement de place, ne donnerait pas de préférence à tel ou tel établissement, la redevance commerciale étant fixée par les pouvoirs publics (comme pour le livret A ou les CCP).

De cette manière, les établissements de crédit qui estiment souffrir de la concurrence du réseau postal pourront la neutraliser dans l'intérêt général .

Cette solution aurait pu être étendue aux prestations de service déjà réalisées par les services financiers de la Poste. Mais le groupe de travail n'a pas jugé cette extension réaliste, dans la mesure où les bureaux auraient naturellement tendance à favoriser la vente des produits "maison", et ce même si ce partenariat existe déjà ponctuellement 117( * ) . Ce dossier pourrait néanmoins être rouvert à échéance, lorsque la filialisation aura produit ses effets.

En revanche, le groupe de travail considère qu'il ne faut pas étendre les activités de la Poste à de nouveaux services pour son propre compte.

A la suite de la filialisation, une éventuelle subvention occulte entre le courrier et les services financiers sera rendue plus difficile. La banalisation du livret A et la suppression progressive des avantages fiscaux dérogatoires supprimeront les distorsions de concurrence. En revanche, la vente de crédits pour compte de tiers et le maintien d'une activité soutenue pour les services financiers permettront de maintenir le réseau, en limitant au maximum le coût pour l'Etat.

CENTRALISER LA COLLECTE DES DÉPÔTS DES NOTAIRES

Le service du dépôt des notaires est actuellement un oligopole constitué des réseaux de la Poste et du Trésor Public, qui en centralisent les fonds à la Caisse des dépôts et consignations, et du réseau du Crédit agricole.

Le groupe de travail considère que cette situation n'est certes plus aujourd'hui justifiée, mais que des obstacles d'ordre technique s'opposent encore à l'ouverture à tous les réseaux des dépôts des fonds que les notaires détiennent pour le compte de tiers, et qui s'élèvent à 50 milliards de francs environ.

En effet, pour être assuré dans l'intérêt du public, ce service doit réunir trois conditions :

- disposer d'un réseau suffisant pour que chaque étude ait une agence à proximité;

- permettre des contrôles parfaitement fiables;

- garantir la totalité des dépôts sans aucun risque.

La première condition serait aisément remplie par la généralisation du service à tous les établissements. Cependant, le gain serait marginal par rapport au réseau actuel, comportant au total 27.000 bureaux (Poste : 17.000, Crédit agricole : 5.600, Trésor : 4.400).

La deuxième condition serait moins bien remplie en cas de multiplication des dépositaires potentiels. En 1990, le Conseil supérieur du notariat s'était ainsi opposé à la banalisation du dépôt des notaires, car il craignait de rencontrer des difficultés à contrôler l'encaisse d'études multibancarisées. Cet obstacle ne peut être négligé tant que le notariat estimera impossible de disposer des moyens suffisants de contrôle en cas de multibancarisation. En outre, il pourrait être malsain que les notaires fassent l'objet de sollicitations commerciales de la part d'établissements en concurrence pour obtenir le dépôt des fonds dont ces officiers publics ont la charge.

La troisième condition n'est actuellement parfaitement remplie que par la garantie de l'Etat et ne le sera sans doute jamais complètement autrement. En effet, la directive européenne sur la garantie des dépôts a été transposée en France en 1994. Les textes d'application sont parus, mais il reste à mettre en place de façon concrète des systèmes dont la fiabilité devra pouvoir être vérifiée. Les systèmes de garantie du Crédit Agricole ou de l'AFB ne sont pas à mettre en doute, mais l'Etat demeure pour le moment et pour longtemps encore sans doute le seul garant irréfutable.

C'est pourquoi le groupe de travail préconise que le dépôt des notaires soit exclusivement confié au réseau de l'Etat (Poste et Trésor public), tant que les conditions d'une banalisation sans risque n'auront pas été réunies.

L'enjeu pour le Crédit agricole paraît de faible importance, dans la mesure notamment où cet établissement bénéficiera fortement des autres mesures préconisées par le groupe de travail (la banalisation du livret A surtout). En revanche, établissement privé totalement banalisé, le Crédit agricole ne pourrait justifier de conserver cet avantage dont ne bénéficient pas les autres établissements du secteur concurrentiel.

L'existence des fonds d'allégement de la charge financière des agriculteurs (FAC), à laquelle le groupe de travail est très attaché, ne serait pas remise en cause. L'instruction des dossiers pourrait être gérée par le Crédit agricole et par les autres banques distribuant des prêts bonifiés à l'agriculture, le service de caisse étant assuré par la Caisse des dépôts et consignations. Néanmoins il serait souhaitable d'attendre la fin de l'actuelle session du FAC (en 1999) pour effectuer cette réforme.

POURSUIVRE LA BANALISATION DES CRÉDITS RÉGLEMENTÉS

Depuis le milieu des années quatre-vingt, la France s'est engagée dans un processus de banalisation des actifs bancaires.

Les prêts à l'artisanat, les prêts à l'agriculture ont été banalisés. Plus récemment, le ministère de l'économie et des finances et celui du logement ont décidé de faire distribuer les prêts à taux zéro par l'ensemble du système bancaire alors que les PAP qu'ils ont remplacés n'étaient distribués que par le Crédit foncier, le Comptoir des entrepreneurs, et les SACI.

Il ne reste plus aujourd'hui dans les circuits spécialisés que quelques prêts spécifiques au logement : les prêts locatifs aidés (PLA) et les prêts locatifs intermédiaires (PLI). Ces deux prêts relèvent du monopole de la Caisse des dépôts et du Crédit foncier.

L'excellente réforme du PLI en vigueur depuis le 1er mars 1996 118( * ) , et qui est destinée à populariser ce prêt actuellement réservé aux bailleurs sociaux aurait probablement davantage de succès si elle faisait l'objet d'une plus grande publicité. Celle-ci serait assurée par la diffusion du produit par l'ensemble des réseaux bancaires.

Cependant, le groupe de travail reste conscient que les difficultés de nombreux établissements dans la période récente (SDR, CEPME, Comptoir des entrepreneurs, Crédit foncier) viennent d'une maîtrise insuffisante des conséquences des banalisations des formes de crédit qu'ils distribuaient à titre exclusif.

Aussi, le groupe de travail préconise-t-il que les banalisations qui restent à accomplir se fassent dans la transparence, avec des échéances déterminées, et en garantissant aux établissements qui perdront leur monopole des périodes transitoires d'adaptation.

Dans un premier temps, il serait ainsi envisageable de ne banaliser que la diffusion des produits, le montage et la gestion restant confiés aux établissements spécialisés.

CHANGER LA POLITIQUE BANCAIRE DE L'ETAT

Pour renforcer la compétitivité de notre système bancaire, il ne suffit pas de lever les entraves à son bon fonctionnement, il est également nécessaire de mettre fin à certaines " protections " dont l'Etat l'entoure. Le sentiment d'immortalité qu'elles provoquent est de nature à induire des comportements risqués qui aboutissent au résultat inverse de l'objectif des filets de sécurité 119( * ) .

A cet égard, deux voies complémentaires méritent d'être explorées :

cesser de confondre la protection des déposants et la prévention des risques systémiques avec la garantie de survie pour tous les établissements ;

privatiser le secteur concurrentiel public et supprimer l'intervention étatique en ne conservant à l'Etat que des missions de service public identifiées après débat de place et clairement situées hors de la concurrence.

LA PROTECTION DES DÉPOSANTS ET LA PRÉVENTION DES RISQUES SYSTÉMIQUES NE DOIVENT PAS GARANTIR LA SURVIE DE TOUS LES ÉTABLISSEMENTS

Il est évidemment de la plus haute importance de garantir la sécurité des déposants et de prévenir les risques systémiques, désormais largement transfrontaliers. Mais ces préoccupations légitimes ne doivent pas déboucher sur une "assurance-survie" des établissements qui empêche tout ajustement du système et peut conduire, dans certains cas, à des comportements peu responsables de la part des dirigeants bancaires .

Dans la pratique courante des États, la volonté de garantir les dépôts et le souci de prévenir le risque systémique se sont traduits en effet par des interventions permettant aux établissements provisoirement défaillants de continuer leur exploitation.

Pourtant, il n'y a aucune nécessité à ce que les dispositifs destinés à garantir le bon fonctionnement du système et la confiance du public se traduisent par le maintien en vie de tous les établissements défaillants.

Pour mettre fin à cet effet devenu pervers du système de prévention des crises bancaires, il convient, d'une part, de mettre fin à la recapitalisation systématique d'établissements non viables et, d'autre part, de s'assurer que l'appel à la solidarité des concurrents se traduise effectivement par le retrait du marché de l'établissement défaillant.

Mettre fin à la recapitalisation systématique d'établissements non viables

Ce problème concerne tous les actionnaires bancaires en général et l'Etat actionnaire en particulier.

Le cas général des actionnaires bancaires

Le premier alinéa de l'article 52 de la loi bancaire, qui conduit au renflouement systématique des banques en difficulté par leurs actionnaires de référence, doit cesser d'être considéré comme l'instrument de premier rang du système de protection français.

D'abord, parce qu'il ne semble plus possible de " réaffirmer la responsabilité des actionnaires bancaires" . C'est le caractère irréaliste d'une application systématique du premier alinéa de l'article 52.
Sauf à rétablir des barrières à l'entrée, incompatibles avec nos engagements internationaux et notamment européens, et à remodeler d'autorité le capital des banques françaises en organisant une cartellisation forcée de la place, dont il est difficile de percevoir comment elle pourrait être réalisée compte tenu des privatisations passées et à venir, il faut prendre acte de la réalité et reconnaître que les actionnaires bancaires peuvent être des actionnaires comme les autres : " petits actionnaires ", actionnaires industriels, voire actionnaires étrangers. Dans " la banque du XXI ème siècle " 120( * ) , ce n'est plus l'actionnaire qui sera spécifique, c'est la banque elle même, qui continuera de l'être.

A cet égard, la pratique des lettres de parrainage, exigée par le Comité des établissements de crédit depuis 1988, et dont la valeur juridique est incertaine 121( * ) , ne semble plus constituer une fondation suffisamment solide sur laquelle établir la crédibilité de place. Sa systématisation constitue un frein à la vocation d'entreprendre des structures les plus petites, sans pour autant garantir, de façon infaillible, la solidité des établissements les plus grands.

Ensuite, parce que la recapitalisation, érigée en système, aboutit à maintenir sous perfusion des établissements non rentables pour le plus grand dommage du secteur dans son ensemble. C'est l'effet pervers du premier alinéa de l'article 52.

Enfin, parce que son application dans le cas de sinistres majeurs, comme celui du Crédit Lyonnais, affectant des banques privées semble inenvisageable. Si le besoin s'en faisait réellement sentir, est-on vraiment sûr que Alcatel-Alsthom soit en mesure d'assumer une recapitalisation de la Société Générale, ou l'UAP (qui est également dans le noyau dur de Suez), une recapitalisation de la BNP ?

Le statu quo actuel n'étant pas souhaitable, faut-il envisager, comme le recommande l'excellent rapport de M. Philippe Auberger 122( * ) la mise en place d'un authentique fonds de garantie interbancaire financé par des cotisations ex ante ?

Assurément, cette proposition améliorerait considérablement la solidité de notre mécanisme de prévention et permettrait de dédramatiser la gestion des crises bancaires.

On peut certes comprendre la réticence générale à laquelle se heurte cette proposition dans le climat actuel de concurrence exacerbée et de sous rentabilité chronique des banques commerciales françaises. Il n'en reste pas moins qu'il serait regrettable d'abandonner complètement cette idée, susceptible d'être mise en oeuvre de façon programmée et progressive afin d'en étaler le coût dans le temps. Un authentique fonds de garantie inter-réseaux éviterait peut-être aux autorités bancaires de recourir systématiquement aux actionnaires de référence, de peur d'avoir à tester la solidité des mécanismes actuels.

Mais, quoiqu'il en soit, cette solution ne résoudrait pas complètement le problème des effets pervers de l'article 52 premier alinéa . Cumuler un fonds de garantie inter-réseaux avec l'appel, en premier ressort, aux actionnaires de référence, risquerait même d'accroître dangereusement les comportements irresponsables (" l'aléa de moralité" ), sans être sur de limiter les recapitalisations systématiques.

C'est pourquoi, il serait souhaitable, en tout état de cause, de changer la doctrine d'application de ce texte afin de lui redonner le sens qui était originellement le sien, celui d'une simple prérogative non contraignante.

Dans cette nouvelle doctrine, sans doute plus conforme à l'intention du législateur, l'appel aux actionnaires ne devrait être utilisé que lorsque le Gouverneur de la Banque de France a la ferme conviction que l'établissement est viable et qu'il ne s'agit que d'un accident passager. Cette conviction devrait être partagée par les actionnaires de l'établissement en cause car rien ne serait pire que de transformer une invitation, traduction dans notre système de droit écrit d'un usage, mécanisme souple et pragmatique, en un mécanisme obligatoire.

Dans le cas où l'une des deux parties (autorités bancaires ou actionnaires) ne jugerait pas l'établissement viable, il conviendrait, sans " menace " ni pression, d'éviter la recapitalisation et de laisser les mécanismes de garantie des dépôts entrer en action. Dans l'hypothèse, apparemment jugée improbable, où les mécanismes actuels se révéleraient insuffisants, alors faudrait-il se souvenir, qu'en France aussi, la Banque centrale est le prêteur de dernier ressort.

Tout en appliquant cette pratique nouvelle pour les établissements qu'elles sont chargées de surveiller, les autorités bancaires françaises devraient plaider, au sein des instances internationales idoines (Comité de Bâle, Commission européenne), pour que l'absence de recapitalisation systématique devienne une règle commune.

En effet, bien que la législation française soit la seule à consacrer l'appel aux actionnaires bancaires, cette pratique existe dans de nombreux autres pays. Son caractère coutumier rend difficile la réponse à la question centrale de savoir si son recours y est systématique ou non, c'est à dire s'il concerne également des établissements non rentables. On peut néanmoins supposer que dans au moins un pays, l'Italie, existe une pratique analogue à la notre et que dans deux autres pays, cette pratique n'est pas systématique : les Etats-Unis et la Grande-Bretagne (voir plus loin l'encadré relatif aux réponses de certaines de nos ambassades).

Le cas particulier de l'Etat actionnaire

L'Etat, premier concerné par les recapitalisations, devrait reconsidérer sa doctrine vis à vis des banques dont il est actionnaire. S'il est inconcevable qu'il n'honore pas sa signature, en revanche l'apport de deniers publics ne devrait pas être utilisé pour " remettre les choses en l'état ". Même si certaines banques sont trop grandes pour faire faillite, aucune ne doit être jugée trop grande pour payer ses erreurs.

Pour prendre un exemple concret, chaque franc versé au profit du Crédit Lyonnais ne fait qu'allonger la durée de la crise traversée par le secteur bancaire. C'est non seulement une désincitation à une gestion " saine et prudente ", termes consacrés aussi bien par les directives européennes que par notre propre loi bancaire, mais c'est un biais macro-économique susceptible de déséquilibrer l'ensemble du secteur.

Cette nouvelle attitude doit conduire à mettre fin aux recapitalisations récurrentes d'établissements non rentables. Si une recapitalisation ponctuelle peut être justifiée dans un souci patrimonial lorsque l'établissement est viable 123( * ) , la répétition de ce type d'intervention montre qu'au contraire l'établissement ne peut survivre que sous perfusion. Son maintien contribue alors à un excès de concurrence sur le marché. Il vaut mieux cesser les recapitalisations, céder les actifs qui peuvent l'être et le fonds de commerce, en tentant de limiter la perte de l'Etat à une seule opération.

Réponses des conseillers financiers des ambassades de France à Rome, Londres et Bonn

Existe-t-il dans ces pays une tradition analogue à celle de la tradition française qui veut qu'une banque publique (Crédit Lyonnais) ou presque privée (Comptoir des entrepreneurs) ne fasse jamais faillite et soit l'objet quasi-systématiquement d'une aide de l'Etat ?

1. Grande-Bretagne


"La Grande-Bretagne n'a pas de banque publique. Lors de la chute de la banque Barings, la décision a été prise de vendre la plus vieille banque anglaise à une banque néerlandaise (ING)."

2. Allemagne

"Il est vraisemblable qu'en Allemagne, tout comme en France, une collectivité publique actionnaire majoritaire d'une entreprise ne laisserait pas celle-ci dans une situation de cessation de paiements.

S'agissant du secteur bancaire allemand, cette hypothèse reste néanmoins largement théorique. Le secteur public bancaire est en effet détenu par l'Etat fédéral et les Länder, mais, d'une part, les banques majoritairement détenues par l'Etat fédéral sont des organismes de distribution des aides budgétaires aux entreprises (Kreditanstalt für Wierderaufbau, Ausgleichsbank ) et non des établissements exerçant des activités classiques de banque, d'autre part, les banques détenues par les Länder (les Ländersbanken ), conjointement avec les caisses d'épargne, ont pour principale fonction la gestion de la trésorerie de ces dernières, et sont réputées pour la prudence de leurs opérations. "

3. Italie

"Les banques qu'elles soient publiques (le Banco di Napoli, de nombreuses caisses d'épargne) ou privées (Banco Ambrosiano, les banques Sindona) n'ont jamais fait et ne font pas faillite. Telle est la stratégie du service de la surveillance bancaire (Banque centrale). Ce sont les détenteurs de leur capital qui perdent leur mise, en cas de difficultés. Dans la plupart des cas, l'autorité de surveillance organise l'opération de sauvetage : la banque en difficulté est reprise par un autre établissement de crédit ou elle reçoit un financement ("prêt subordonné") de la part de plusieurs groupes bancaires sollicités par la Banque d'Italie ou encore elle est liquidée (banques de petite taille). Dans ce dernier cas, un fonds professionnel de garantie interbancaire assure les dépôts de la clientèle.

"S'agissant du sauvetage du Banco di Napoli, l'Etat a dû intervenir, cette année pour 6 milliards de francs, souscrivant à une forte augmentation de son capital. Il existe des mécanismes de financement ad hoc dont peuvent bénéficier les repreneurs de banques en difficultés (crédits accordés par la Banque d'Italie à un très bas taux d'intérêt).

"En fait l'Etat n'est intervenu, jusqu'ici, que dans un seul cas : celui du Banco di Napoli (250 milliards de francs de dépôts). Dans tous les autres sinistres, ce sont les banques elles-mêmes qui sont venues en aide à celles en difficulté."

Retirer du marché les établissements bénéficiant des mécanismes de solidarité

Toute différente est la problématique des secours apportés aux établissements par leurs concurrents, soit à la suite d'un appel du Gouverneur de la Banque de France, soit à la suite de la mise en jeu d'un système de garantie de dépôts.

Pour que les établissements cessent de voir dans ces mécanismes une garantie de survie, il suffit peut-être d'afficher clairement que des sanctions seront automatiquement prononcées dès lors que ces mécanismes auront été mis en jeu en leur faveur.

Ces dispositifs ne doivent plus être considérés comme des sauvetages, mais comme des tentatives pour circonscrire des sinistres. Circonscrire un sinistre ne veut pas dire l'effacer.

Pour les établissements qui font l'objet de la mise en jeu du second alinéa de l'article 52 (appel à la place), comme de l'article 52-1 (mise en jeu de la garantie des dépôts), il conviendrait de prévoir automatiquement une interdiction d'exercer les activités ayant conduit à la situation qui a justifié la mise en jeu du mécanisme, voire un retrait d'agrément . De la sorte, les établissements défaillants ne pourront plus penser pouvoir bénéficier d'un sauvetage, et continuer après été avoir été aidés par leurs concurrents, à leur faire concurrence.

Le problème pourrait se poser dans des termes différents s'agissant des systèmes de garantie des dépôts propres aux établissements organisés en caisses affiliées à un organe central. Deux cas peuvent alors se présenter. Soit, le réseau souhaite voir la caisse défaillante continuer son activité ; les autres caisses n'étant pas ses concurrentes mais ses alliées, lui assurent alors les moyens de continuer son activité. Soit le système de garantie des dépôts de l'organe central entre en action, il est alors envisageable que les mêmes sanctions soient prononcées.

L'ETAT DOIT SE RETIRER DU SECTEUR CONCURRENTIEL ET NE CONSERVER QUE DES MISSIONS DE SERVICE PUBLIC DÉFINIES DANS LA TRANSPARENCE

Privatiser ce qui peut l'être

Le groupe de travail reprend à son compte une proposition déjà émise par notre commission dans le rapport de nos collègues Jean Arthuis, Claude Belot et Philippe Marini :

" Il apparaît avec évidence que l'Etat n'a pas vocation à détenir des entreprises du secteur concurrentiel pour lesquelles le sort le plus normal doit être la privatisation. " 124( * )

Cela signifie que l'Etat doit se retirer complètement de toutes les entreprises dont les métiers sont également pratiqués par des établissements privés selon des règles de concurrence.


Il ne doit donc pas seulement privatiser les banques nationalisées telles que la Société Marseillaise de Crédit, le CIC, la Banque Hervet, la banque Laydernier, le Crédit Lyonnais... Il doit aussi s'interroger sur la conservation d'éléments de son patrimoine qui, tout en faisant partie d'un groupe à vocation de service public, exercent des métiers concurrentiels.

Cela implique enfin que l'Etat abandonne tout pouvoir de nomination, et même d'influence sur les nominations, dans les établissements de crédit privés, tels que le Crédit foncier. La privatisation n'a en effet pas de sens si l'osmose entre la haute administration financière et le secteur bancaire est perpétuée 125( * ) . Il est nécessaire de laisser se développer peu à peu une tradition entrepreneuriale dans ce secteur .

Étatiser ce qui doit l'être

Inversement, un retrait aussi complet que possible du secteur concurrentiel doit s'accompagner d'une identification précise et transparente des missions de service public que l'Etat continuerait à exercer, par la voie de subventions, de garanties, ou d'établissements publics de place . Cette identification doit se faire de façon transparente après débat de place auquel tous les acteurs prendraient part, de façon à définir les tâches que le secteur concurrentiel n'est pas prêt à assumer.

Le groupe de travail ne se prononce pas sur le contenu de ces missions, qui peut être évolutif et devra être renégocié fréquemment. Traditionnellement, l'Etat intervient sur plusieurs créneaux : le financement du logement social (le PLA, le PLI, le prêt à taux zéro, le 1 % logement) ; les engagements à long terme sur les PME (par les SDR, le CEPME, la SOFARIS); l'épargne populaire (l'exonération des intérêts du livret A), ou l'épargne-logement (l'exonération et la prime sur les intérêts des comptes et plans)... Il demande également au système bancaire de garantir des droits : droit au compte, procédures de surendettement, etc...

Le débat de place est indispensable pour éviter l'apparition de l'Etat sur des secteurs en situation de concurrence . Ainsi, la nouvelle banque des PME devra prendre la précaution de ne pas empiéter sur les relations entre banques et PME ressortissant au secteur concurrentiel (crédits à court et moyen terme notamment), et veiller à n'intervenir qu'en partenariat avec les autres établissements, comme la SOFARIS aujourd'hui 126( * ) .

Rien n'est plus détestable que l'ambiguïté dans ces différents domaines. L'intervention de la puissance publique dans les secteurs gérés convenablement par l'économie de marché fausse l'allocation des ressources.

Dans les différents domaines d'intérêt général ainsi définis, l'action de l'Etat devra être prévisible de façon à constituer un socle solide sur lequel l'ensemble du secteur pourra s'appuyer . Ainsi il conviendra, entre autres, que l'Etat gère enfin de façon appropriée le niveau des taux de l'épargne administrée, afin de ne pas introduire de perturbation aussi bien dans le volume des ressources affectées à des missions d'intérêt général que dans l'allocation de l'épargne entre les différents produits.

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CONCLUSION

La situation des banques françaises, malgré sa grande diversité, est préoccupante . Leur insuffisante rentabilité, non seulement porte atteinte à leur rang international, mais surtout les expose à un rachat, à tout moment, par des banques étrangères mieux capitalisées et plus profitables.

Cette situation résulte, notamment, d'une surbancarisation qui découle de l'augmentation du nombre des acteurs alors que la demande de crédit stagne voire diminue. De ce point de vue, une analyse plus fine que celle effectuée dans le présent rapport, aurait peut être permis de montrer que les établissements moyens à vocation générale sont les plus concernés par ces surcapacités.

L'État ne peut rester indifférent, car de la santé des banques , pourvoyeuses de crédit et gardiennes des systèmes de paiement, dépend, en partie, la santé de l'économie .

Pour autant, l'État doit cesser de considérer les banques comme des entreprises à part, ou comme un instrument de politique économique chargé de trop nombreuses missions d'intérêt général . C'est en dégageant des bénéfices que les banques sont utiles à l'économie. Ces bénéfices attestent qu'elles ont effectué, de façon économiquement efficace, le financement des investissements. Ils leur permettent de jouer pleinement leur rôle d'amortisseur conjoncturel.

Affirmer que les banques sont des entreprises comme les autres signifie qu'elles doivent être gérées comme les entreprises à part entière qu'elles sont . De ce point de vue, il faut bien reconnaître que la banque française traditionnelle a eu, pendant longtemps, peu de ressemblance avec une entreprise concurrentielle. Elle était une sorte " d'annexe de l'administration ". Or, cette " gangue bureaucratique " est en train de voler en éclats. Les ajustements sont douloureux, mais nécessaires.

Mais dire que les banques sont des entreprises comme les autres signifie également qu'elles doivent naître et mourir comme les autres. Il est temps d'en finir avec le dogme de " l'immortalité bancaire " qui empêche les ajustements et provoque l'anémie de l'ensemble du secteur.

Les banques françaises conservent quelques beaux atouts pour affronter leurs concurrents étrangers et, notamment, une maîtrise des systèmes de paiement électroniques remarquable, une interbancarité unique au monde, des réseaux puissants et organisés, une présence à l'international encore cohérente et offensive. Il serait dommage de ne pas les utiliser pleinement.

Pour ce faire, ce n'est pas d'aides publiques qu'elles ont besoin, mais d'un signal fort. C'est tout l'objet de ce rapport.

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LISTE DES PROPOSITIONS DU GROUPE DE TRAVAIL

I. METTRE FIN AUX RIGIDITÉS GÉNÉRALES

A. AUTORISER LA RÉMUNÉRATION DES DÉPÔTS À VUE ET LA TARIFICATION DE L'ENSEMBLE DES SERVICES BANCAIRES

Tarification des chèques et rémunération des dépôts

Proposition n o 1 Autoriser la tarification des chéquiers.

Proposition n o 2 Autoriser la rémunération des dépôts à vue.

Mesures d'accompagnement en faveur des consommateurs

Proposition n o 3 Interdire l'utilisation des dates de valeur à des fins de rémunération des mouvements de fonds.

Proposition n o 4 N'autoriser la tarification des chèques qu'au-delà d'un certain nombre de chèques émis.

Proposition n o 5 Permettre l'imputation fiscale des différents frais de tenue de compte courant sur la rémunération attachée aux dépôts à vue.

Établir la transparence sur les coûts des missions de services publics

Proposition n o 6 Mesurer les coûts des missions de service public liées à la tenue des comptes bancaires.

B. ABROGER LE DÉCRET DU 31 MARS 1937

Proposition n o 7
Abroger le décret du 31 mars 1937 et le remplacer par un régime conventionnel négocié au niveau de l'AFECEI.

C. RÉDUIRE LES COÛTS DE LA LÉGISLATION CONSUMÉRISTE

Traiter le cas particulier des remboursements anticipés

Proposition n o 8 Permettre le provisionnement immédiat du risque de remboursement anticipé.

Proposition n o 9 Modifier le calcul de l'indemnité de remboursement anticipé selon un partage plus équitable entre la banque et le client, et en supprimant toute indemnité pour les remboursements contraints.

D. MODERNISER LA FISCALITÉ BANCAIRE

Proposition n o 10
Réformer la taxe sur les salaires de façon à en supprimer les effets nuisibles sur l'emploi.

Proposition n o 11 Supprimer la contribution des institutions financières.

II. HARMONISER LES CONDITIONS D'EXERCICE DU MÉTIER BANCAIRE

A. GÉNÉRALISER LA DISTRIBUTION DES LIVRETS DÉFISCALISÉS

Autoriser une diffusion universelle

Proposition n o 12 Autoriser la diffusion universelle de l'ensemble des livrets défiscalisés de façon franche et directe, en réservant les appellations livret "A" et livret "bleu" au profit de leurs distributeurs actuels.

Prendre des précautions

Proposition n o 13 Définir une échéance de cinq ans pour cette banalisation.

Proposition n o 14 Envisager un commissionnement différencié selon les réseaux et l'encours des livrets.

Proposition n o 15 Donner compétence au législateur pour l'affectation des ressources collectées, au financement du logement social.

B. REDÉFINIR LE RÔLE DES CAISSES D'ÉPARGNE ET DE LA POSTE

Favoriser la modernisation des Caisses d'épargne Ecureuil

Proposition n o 16 Donner aux Caisses d'épargne la possibilité d'exercer l'ensemble des métiers bancaires.

Proposition n o 17 Conférer aux Caisses d'épargne un statut coopératif qui leur donne de véritables propriétaires.

Proposition n o 18 Verser à l'Etat et aux collectivités locales le produit du placement dans le public des parts sociales.

Clarifier la situation de La Poste

Proposition n o 19 Cantonner les services financiers de la Poste à leurs activités actuelles sans toutefois les restreindre, pour des raisons d'aménagement du territoire.

Proposition n o 20 Identifier précisément les comptes respectifs des services du courrier et des services financiers par une comptabilité analytique, voire par une filialisation.

Proposition n o 21 Conduire progressivement la Poste vers une fiscalité de droit commun.

Proposition n o 22 Envisager de faire de la Poste un établissement de place pour les activités qu'elle ne réalise pas pour compte propre, tel que l'octroi de crédit.

C. CENTRALISER LA COLLECTE DES DÉPÔTS DES NOTAIRES

Proposition n o 23
Confier le dépôt des notaires au réseau du Trésor (Trésor public, Poste, Caisse des dépôts et consignations).

D. POURSUIVRE LA BANALISATION DES CRÉDITS RÉGLEMENTES

Proposition n o 24
Envisager la distribution universelle des derniers crédits réglementés en ménageant les transitions nécessaires (par exemple en distinguant la commercialisation de la gestion).

III. CHANGER LA POLITIQUE BANCAIRE DE L'ETAT

La politique de l'Etat tuteur

Proposition n o 25 Cesser les " recapitalisations-perfusions " récurrentes des établissements non viables par un changement de la doctrine d'application de l'article 52, alinéa premier, de la loi bancaire et par une modification du comportement de l'Etat actionnaire consistant à envisager la liquidation ou la vente des banques publiques en difficulté.

Proposition n o 26 Retirer du marché les établissements qui ont bénéficié des mécanismes de solidarité et de garantie des dépôts (article 52 alinéa 2 et article 52-1 de la loi bancaire).

La politique de l'Etat-banquier

Proposition n o 27 Privatiser tout le secteur bancaire public concurrentiel.

Proposition n o 28 Supprimer toute influence de l'Etat sur la direction et la gestion des établissements de crédit concurrentiel.

Proposition n o 29 Identifier, après débat de place, les missions de service public du crédit que l'Etat doit conserver.

Proposition n o 30 Gérer de façon adéquate la fixation des taux d'intérêt administrés.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 30 octobre, sous la présidence de M. Christian Poncelet, la commission des finances a examiné le rapport de M. Alain Lambert, rapporteur général, sur les propositions du groupe de travail sur la situation et les perspectives du système bancaire français.

Après avoir remercié ses collègues membres du groupe de travail pour leur participation active aux travaux de cette instance, M. Alain Lambert, rapporteur général , a rappelé que le groupe de travail avait tenu vingt-cinq auditions depuis sa création en janvier 1996, ce qui représentait environ une soixantaine d'heures de travail. Il a également précisé que le groupe de travail avait jugé utile de recueillir l'avis du Conseil de la concurrence et du Commissariat général au plan dont les contributions ont apporté un éclairage utile sur la situation du secteur bancaire.

M. Alain Lambert, rapporteur général, a également rappelé la tenue, au printemps dernier, du colloque organisé par M. Philippe Marini sur la situation du secteur bancaire, qui a permis de dégager d'utiles enseignements.

Il a ensuite présenté les principales conclusions du groupe de travail.

M. Alain Lambert, rapporteur général, a tout d'abord fait part à la commission des observations qu'appelait la situation du secteur bancaire.

A cet égard, il a indiqué que le système bancaire venait de traverser une crise d'une ampleur sans précédent qui, contrairement aux apparences, n'était pas achevée. L'ampleur de cette crise peut être appréciée, a-t-il dit, aussi bien au travers des indicateurs d'activité (bilans des établissements de crédit), que des indicateurs de résultat (produit net bancaire, résultat net, coefficient de rentabilité). En 1994, a-t-il souligné, et pour la première fois depuis que les statistiques bancaires existent, le produit net bancaire a diminué de 7,7 %. Cette même année, a-t-il ajouté, le résultat net de l'ensemble des banques accusait une perte de 11 milliards de francs. Il a reconnu que la situation s'était améliorée depuis 1995, les principaux établissements renouant avec les profits et que l'on pourrait en déduire, d'une part, que le pire était désormais passé et, d'autre part, que la crise était conjoncturelle. Il a ajouté que, malheureusement, il n'en était rien.

Il a indiqué qu'en effet, si l'on comparait les banques françaises à leurs concurrents internationaux, la situation demeurait au contraire très préoccupante. Selon lui, les établissements de crédit français, en situation de sous-rentabilité chronique, éprouvent des difficultés à rivaliser avec leurs concurrents étrangers. Reprenant les exemples fournis par le Commissariat général au plan, il a indiqué qu'avec 3,8 milliards de dollars de profit net, la Hong Kong and Shanghai Bank of China pouvait acheter avec moins de trois ans de profit la Société générale, avec moins de deux ans de profit, Paribas ou la BNP et, avec moins d'un an de profit, le Crédit Lyonnais. Il a encore indiqué que la banque britannique Barclays, qui a réalisé presque 2 milliards de dollars de profit en 1995, soit l'équivalent de la totalité des bénéfices des banques françaises cette même année, se trouvait dans une " situation stratégique potentielle équivalente ". Si l'évolution se poursuit dans ce sens, a-t-il souligné, on peut nourrir de vives inquiétudes quant à la capacité des établissements français à faire face au choc concurrentiel qui résultera de la mise en place de la monnaie unique.

M. Alain Lambert, rapporteur général, a ensuite fait observer que notre pays n'était pas le seul à avoir connu une telle situation. Mais, il a ajouté que la France était le seul pays dans lequel la crise bancaire ne s'était traduite ni par une réduction du nombre des acteurs, ni par des licenciements significatifs, ni même par une réduction des moyens mis en oeuvre par les établissements de crédit.

A cet égard, il a fait observer que le nombre des banques commerciales était passé entre 1984 et 1994, de 349 à 412, ce qui représentait une augmentation de près de 20 % en dix ans, que les effectifs étaient restés quasiment stables sur la période, n'enregistrant qu'une faible baisse de 3 %, et que le nombre des guichets était resté quasiment inchangé, avec une diminution de seulement 1%.

M. Alain Lambert, rapporteur général, a indiqué que, par contraste, les ajustements avaient été d'une grande ampleur et d'une grande rapidité dans les autres pays ayant connu une crise bancaire. Il a fait observer que dans ces pays la crise s'était traduite par des ajustements importants, tant en termes de nombre d'établissements bancaires qu'en termes d'effectifs, que des banques avaient été fermées ou vendues et que l'Etat avait bien souvent dû mettre " la main à la poche ". Dans tous les cas, a-t-il dit, la crise a été surmontée rapidement et les banques étrangères ont renoué avec les bénéfices depuis déjà quelques années.

Enfin, il a encore constaté qu'en France, tous les établissements de crédit n'ont pas traversé la crise de la même manière et a observé que celle-ci s'était accompagnée d'une importante redistribution des actifs et des parts de marché entre les différents réseaux. Selon lui, les banques commerciales ont en effet perdu du terrain, alors que les banques mutualistes ou coopératives ont continué d'accumuler parts de marché et bénéfices.

A l'issue de ce constat, M. Alain Lambert, rapporteur général, a posé deux questions :

- pourquoi certains établissements bancaires ont-ils mieux traversé la crise que d'autres ?

- pourquoi les systèmes bancaires qui ont également connu une crise, dans la période récente, se sont-ils rétablis plus rapidement que le système français ?

En réponse à ces deux questions, il a indiqué que l'analyse effectuée par le groupe de travail montrait que la crise du système bancaire français était essentiellement d'origine structurelle et que les distorsions de concurrence, même si elles n'avaient joué qu'un rôle macro-économique mineur, avaient conduit à une redistribution sectorielle importante des parts de marché qui expliquait, au moins en partie, la situation contrastée de notre système bancaire.

Puis, M. Alain Lambert, rapporteur général, a exposé les principales étapes du déroulement de la crise.

Il a expliqué que, dans une première étape, les réformes des années 80 avaient libéré des pressions concurrentielles d'une force et d'une ampleur sans précédent.

A cet égard il a rappelé brièvement les réformes et notamment, la banalisation, la désintermédiation et l'internationalisation qui ont rythmé la déréglementation du secteur bancaire.

Il a ensuite indiqué comment la concurrence s'était manifestée sur trois fronts : interne entre les établissements de crédit français, externe entre les établissements français et les établissements étrangers, notamment européens, et structurel, avec un recours sans cesse croissant au financement par les marchés financiers.

Selon lui, cette augmentation de la pression concurrentielle sur trois fronts, voire quatre, si l'on prend en compte l'importance du crédit interentreprises, aurait dû provoquer l'enchaînement suivant : l'augmentation de la concurrence aurait dû entraîner une baisse des prix qui aurait dû s'accompagner d'une diminution des marges. Il aurait dû s'ensuivre une réduction d'effectifs et la faillite des concurrents les plus faibles. Le secteur se serait progressivement restructuré par voie d'offres publiques d'achat ou de vente, de fusions ou de reprises. Un nouveau cycle d'expansion avec des créations d'emplois aurait pu enfin s'amorcer.

La crise du système bancaire, a-t-il indiqué, était donc à redouter dès la mise en place des réformes ; il s'agissait d'un phénomène naturel et prévisible tel que l'avaient connu, par exemple, le secteur des télécommunications ou celui des transports aériens aux Etats-Unis.

Pour M. Alain Lambert, rapporteur général , les ajustements induits, en termes de réduction d'effectifs ou de disparition des acteurs les plus faibles auraient pu intervenir de façon relativement indolore grâce à la forte croissance de la fin des années 1980. Mais, a-t-il fait observer, il n'en a rien été et le processus décrit a été enrayé au stade de la diminution des marges, en raison de blocages d'ordre législatifs ou réglementaires.

Il a indiqué que le premier de ces blocages résidait dans le mécanisme français de prévention des risques bancaires, unique en son genre, qui repose presque exclusivement sur l'article 52 de la loi bancaire et notamment son premier alinéa qui prévoit l'appel en comblement de passif des actionnaires de référence. Ce mécanisme, a-t-il dit, allié aux interventions financières, aussi répétées que massives, de l'Etat pour soutenir les banques en difficulté, s'est traduit par une certaine forme d'immortalité bancaire. L'entrée dans le système, a-t-il rajouté, était libre, alors que la sortie était administrée au compte goutte ; il ne pouvait en résulter que des surcapacités.

Il a indiqué que le second blocage résidait, notamment, dans la réglementation de la durée du travail, issue du décret du 31 mars 1937, et dans celle relative à la tarification des services. Ces réglementations ont introduit, selon lui, toutes sortes de rigidités qui ont empêché les banques, à défaut de pouvoir licencier, de s'ajuster, au moins, en faisant varier la durée du travail ou le prix des services.

M. Alain Lambert, rapporteur général, a ensuite décrit la troisième étape : poussées par la concurrence et dans l'impossibilité de procéder aux ajustements nécessaires, les banques, a-t-il dit, ont commis des erreurs de gestion et se sont lancées dans une concurrence destructrice, qui s'est manifestée, notamment, par des ventes à perte.

Il a fait observer que les erreurs de gestion aussi bien stratégiques -comme la banque industrie à la française à laquelle toutes les banques ont rêvé- que tactiques -comme l'aveuglement collectif sur l'immobilier- ont affecté, selon lui, aussi bien les banques publiques que les banques privées.

Enfin, M. Alain Lambert, rapporteur général, a fait observer que, dans la dernière étape de ce processus, des facteurs aggravants étaient intervenus qui ont révélé l'ampleur de la crise.

Il a fait remarquer qu'en premier lieu, le retournement conjoncturel de 1993, en augmentant le nombre de défaillances des PME, avait durement affecté les banques intervenant dans ce secteur.

Il a ensuite indiqué que la politique monétaire n'avait pas particulièrement contribué au redressement des banques : avec une courbe des taux inversée, puis insuffisamment pentue, il a été difficile à celles-ci de faire de la " transformation ", à l'instar de leurs consoeurs américaines.

Enfin, il a fait remarquer que la fiscalité spécifique du secteur bancaire, supportable en période d'expansion, s'était révélée particulièrement pénalisante en période de crise et ne contribuait pas au développement de l'emploi dans ce secteur.

Abordant le sujet des distorsions de concurrence, qui constituent la seconde partie de l'analyse du groupe de travail, M. Alain Lambert, rapporteur général, a tenu à indiquer d'emblée que, selon toute vraisemblance, ces distorsions n'expliquaient pas, à elles seules, la mauvaise santé du secteur. En revanche, il a observé qu'elles étaient réelles et avaient contribué à une redistribution sectorielle qui, dans une situation difficile, les rendait insupportables à ceux qui n'en bénéficiaient pas.

Selon lui, ces distorsions peuvent être rangées en trois catégories : tout d'abord, celles liées au monopole de la distribution de certains produits d'épargne ou de dépôts : distribution des livrets d'épargne défiscalisés, mais aussi collecte des dépôts des notaires en milieu rural ; ensuite, celles liées à la nature juridique des intervenants, ce qui renvoyait au problème du statut des Caisses d'épargne et à celui de La Poste, et, enfin, celles résultant de l'application discriminatoire de dispositions législatives ou réglementaires. Il a rangé dans cette dernière catégorie la fiscalité -application à certaines institutions et pas à d'autres de telle ou telle taxe- et la législation du travail, qui se traduit par un assujettissement des banques commerciales au décret de 1937, alors que les autres établissements de crédit n'y sont pas soumis.

Il a indiqué que, sur toutes ces questions, qui, a-t-il reconnu, revêtent un fort contenu passionnel, le groupe de travail avait jugé bon de recueillir l'avis de la l'institution, a priori la mieux à même de dire le droit : le Conseil de la concurrence. Rapportant les conclusions de cette institution, il a fait savoir à la commission que, pour le Conseil de la concurrence, la majeure partie de ces distorsions constituaient des " restrictions injustifiées de concurrence " et seraient donc susceptibles de constituer des infractions au droit communautaire ou national.

M. Alain Lambert, rapporteur général, a ensuite présenté les principaux axes de réforme préconisés par le groupe de travail.

Il a indiqué qu'il convenait, tout d'abord, de mettre fin aux rigidités et blocages de tous ordres. Dans cette perspective, il conviendrait, en premier lieu, d'autoriser la tarification des chèques et la rémunération des dépôts, tout en prenant des mesures d'accompagnement en faveur des consommateurs, notamment les titulaires de petits comptes. Il serait souhaitable également de clarifier le coût des missions de service public liées à la tenue des comptes bancaires. En second lieu, il a indiqué que le groupe de travail recommandait d'abroger le décret du 31 mars 1937 et de le remplacer par un régime conventionnel dont la négociation devrait se faire, selon lui, au niveau de l'Association française des établissements de crédits.

Toujours pour mettre fin aux blocages, M. Alain Lambert, rapporteur général, a déclaré qu'il convenait de réduire les coûts de la législation consumériste et, notamment, de se pencher sur le cas particulier des remboursements anticipés dont il serait souhaitable de modifier le calcul de l'indemnité de remboursement, tout en prévoyant des mesures plus favorables qu'aujourd'hui pour les emprunteurs contraints à de tels remboursements.

Enfin, M. Alain Lambert, rapporteur général, a indiqué qu'aux yeux du groupe de travail, il convenait de moderniser la fiscalité bancaire et, notamment de réformer la taxe sur les salaires de façon à en supprimer les effets nuisibles sur l'emploi et d'abroger la contribution des institutions financières.

M. Alain Lambert, rapporteur général, a ensuite indiqué que le deuxième axe de réforme préconisé par le groupe de travail consistait à harmoniser les conditions d'exercice du métier bancaire.

A cet égard, il a déclaré qu'il serait souhaitable de généraliser de façon directe et complète la distribution des livrets défiscalisés, en réservant toutefois les appellations " livret A " et " livret bleu " à leurs distributeurs actuels.

Cependant, M. Alain Lambert, rapporteur général, a indiqué qu'il était indispensable de prendre des précautions consistant, notamment, à définir une échéance de cinq ans avant de réaliser la banalisation, à envisager un commissionnement différencié selon les réseaux et l'encours des livrets et enfin, à placer l'affectation des ressources au logement social sous la protection du législateur.

Ces mesures supposent, a indiqué M. Alain Lambert, rapporteur général, de redéfinir, au préalable, le rôle et le statut des Caisses d'épargne et de La Poste.

A cette fin, il serait nécessaire, selon lui, d'autoriser les Caisses d'épargne à offrir l'ensemble des services bancaires, et de régler le problème de la propriété des Caisses d'épargne en favorisant l'émergence d'un statut coopératif. A ce sujet, M. Alain Lambert, rapporteur général, a proposé de prévoir des modalités de passage au statut coopératif qui intéressent l'Etat et les collectivités locales. Il a rappelé la phrase du ministre des finances en fonction à l'époque de la loi de 1990 selon laquelle " les Caisses d'épargne appartiennent à la Nation ". Il est temps, a-t-il conclu, d'en tirer les conséquences.

S'agissant de La Poste, M. Alain Lambert, rapporteur général, a indiqué qu'il convenait de cantonner les services financiers de cet établissement à leurs activités actuelles sans toutefois les restreindre pour des raisons tenant à l'aménagement du territoire. Il faudrait également, a-t-il dit, identifier précisément les comptes respectifs des services du courrier et des services financiers par une comptabilité analytique, voire par une filialisation comme dans de nombreux Etats de l'Union européenne. Par ailleurs, il a fait part du souhait du groupe de travail de conduire progressivement la Poste vers une fiscalité de droit commun. Enfin, M. Alain Lambert, rapporteur général, a indiqué qu'il serait souhaitable de faire de La Poste un établissement de place pour les activités qu'elle ne réalise pas pour compte propre, telles que l'octroi de crédit.

Toujours afin d'harmoniser les conditions d'exercice du métier bancaire, M. Alain Lambert, rapporteur général, a indiqué que le groupe de travail avait considéré comme opportun de soustraire le dépôt des notaires à la concurrence et d'en confier la collecte au réseau du Trésor (Trésor public, Poste, caisse des dépôts et consignations), faute de pouvoir réunir des conditions de sécurité satisfaisantes en cas de multiplication des dépositaires.

Enfin, M. Alain Lambert, rapporteur général, a déclaré qu'il fallait également envisager de poursuivre la banalisation des crédits réglementés. Il s'agirait en particulier d'envisager la distribution universelle des derniers crédits réglementés, tout en ménageant les transitions nécessaires, en distinguant, par exemple, la commercialisation de la gestion.

M. Alain Lambert, rapporteur général, a ensuite indiqué que le troisième et dernier axe de réforme retenu par le groupe de travail consistait à changer la politique bancaire de l'Etat. S'agissant du système de prévention des crises bancaires, il a indiqué que le groupe de travail souhaitait voir cesser les recapitalisations-perfusions récurrentes des établissements non viables. A cet égard, il a indiqué qu'il serait souhaitable de changer la doctrine d'utilisation de l'article 52, premier alinéa, de la loi bancaire et de ne plus utiliser l'appel aux actionnaires de référence de façon systématique et privilégiée. L'Etat devrait également reconsidérer sa doctrine de recapitalisation systématique des banques publiques et opter plus souvent pour la fermeture ou la vente.

Dans le même ordre d'idées, M. Alain Lambert, rapporteur général, a indiqué que le groupe de travail avait estimé utile de proposer une modification de la loi bancaire afin de sanctionner, par un retrait partiel d'agrément, les établissements qui ont bénéficié de mécanismes de solidarité et de garantie des dépôts (article 52 alinéa 2 et article 52-1 de la loi bancaire).

S'agissant de la politique de l'Etat-banquier, M. Alain Lambert, rapporteur général, a recommandé d'achever la privatisation du secteur bancaire public concurrentiel. Il a également indiqué qu'il serait souhaitable de supprimer toute influence de l'Etat sur la direction et la gestion des établissements de crédit concurrentiel. Par ailleurs, il a fait observer qu'il conviendrait d'identifier, après consultation de la place, les missions de service public du crédit que l'Etat doit conserver. Enfin, il a indiqué que le groupe de travail avait manifesté son souhait de voir gérer, de façon dépolitisée, les instruments aux mains de l'Etat, tels que les taux d'intérêt administrés.

Un débat nourri s'est alors engagé auquel ont participé MM. Joël Bourdin, Jacques Chaumont, Marc Massion, Paul Loridant, Yann Gaillard, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Henri Torre, Claude Belot, Philippe Adnot, Emmanuel Hamel, Philippe Marini et Christian Poncelet, président.

M. Joël Bourdin
s'est déclaré surpris que le rapport du groupe de travail se focalise à ce point sur les Caisses d'épargne et La Poste.

Il a par ailleurs regretté que la part de responsabilité du Trésor et de l'administration en général dans la crise bancaire ne soit pas suffisamment mise en avant.

S'agissant des propositions du groupe de travail, il s'est déclaré fermement opposé à la banalisation du livret A. Il a considéré qu'une telle banalisation n'était pas possible. Il s'est, en outre, déclaré profondément déçu qu'un rapport sur les banques ne porte, en définitive, que sur La Poste et les Caisses d'épargne.

M. Jacques Chaumont s'est déclaré, pour l'essentiel, favorable aux conclusions du rapport du groupe de travail. Toutefois, il a fait valoir que la crise du secteur bancaire était avant tout la crise de la " nomenklatura " formée par la haute administration des finances. Pour lui, les inspecteurs des finances ont fini par former une " clique " qui " s'auto-protège ". Afin de mettre fin à cette situation, il a estimé qu'il était nécessaire d'instituer un " cordon sanitaire " entre la haute administration et la haute finance par une réglementation plus sévère du " pantouflage ". Il a également fait remarquer que les banques qui ont le mieux réussi sont celles qui n'ont pas pour seule logique le profit et qui sont contrôlées par leurs "adhérents" comme les banques mutualistes.

Enfin, M. Jacques Chaumont a indiqué qu'il convenait de conserver présent à l'esprit le souci de l'aménagement du territoire. A cet égard, a-t-il dit, ou bien la Poste devient une banque, ou bien l'Etat doit lui donner des moyens budgétaires. Mais, a-t-il ajouté, la situation actuelle n'est pas satisfaisante.

M. Marc Massion a interrogé le rapporteur général sur le contenu qu'il entendait donner à la filialisation de La Poste. Il a exprimé la crainte d'un démantèlement du service public à la française.

M. Paul Loridant a salué la qualité des travaux menés par le groupe de travail. Il s'est déclaré en faveur de l'abrogation du décret de 1937, mais à condition que cela ne se fasse pas par " ukase ", et en prenant en compte le dialogue social. Il s'est, en revanche, déclaré totalement opposé à la modification de la loi Scrivener et au démantèlement de la législation consumériste, notamment en ce qui concerne la réglementation du remboursement anticipé des crédits. A cet égard, il a déclaré que la gestion actif-passif permettait déjà aux banques qui savent le faire de se garantir, de façon satisfaisante, contre les demandes de renégociation des prêts. S'agissant de la banalisation du livret A, il a indiqué que cette évolution se traduirait par une diminution du rôle social des Caisses d'épargne et de La Poste. Enfin, il a déclaré que le " métier de collecte des dépôts " qu'exerçait La Poste était radicalement différent de celui de distributeur du crédit et qu'il fallait s'attendre à de nouvelles catastrophes si on autorisait l'exploitant public à exercer ce métier.

M. Yann Gaillard a apporté son soutien aux travaux du groupe de travail. Il a indiqué que la question posée était fondamentale : existera-t-il demain un système bancaire français capable de se projeter à l'extérieur ? Il a souhaité qu'on ne se réfugie pas dans un " culte de l'exception française ". Toutefois, il a partagé l'agacement de ses collègues quant à la responsabilité dans la crise bancaire de la direction du Trésor, de l'inspection des finances et des dirigeants bancaires en général. Il a en outre indiqué que l'aspect " contrôle des banques " avait fait l'objet des travaux de la commission des finances de l'Assemblée nationale et que le groupe de travail avait souhaité respecter cette division parlementaire du travail. A cet égard, il a indiqué que le mécanisme de prévention des risques bancaires n'avait été envisagé qu'en raison de ses effets structurants sur l'économie du secteur.

S'agissant de l'aménagement du territoire, M. Yann Gaillard a déclaré qu'il était nécessaire de trouver un équilibre entre cet objectif et la nécessité d'assurer une concurrence saine et loyale. S'adressant à M. Joël Bourdin, il a fait observer qu'il était nécessaire de régler une fois pour toutes la question des distorsions de concurrence mises en avant, en partie à tort, en partie à raison, par l'Association française des banques (AFB), il est vrai d'une manière " agaçante, contre productive et parfois pleurnicharde ".

Mme Maryse Bergé-Lavigne a déclaré que si ce rapport pouvait apparaître comme une " machine de guerre " contre La Poste, le secteur mutualiste ou les Caisses d'épargne, elle n'en voterait pas les conclusions.

M. Henri Torre a déclaré que l'équilibre financier de La Poste posait un problème, mais que, dans une situation de surbancarisation, il n'était pas sain de lui permettre de s'équilibrer en exerçant des activités marchandes.

M. Claude Belot a déclaré avoir été agacé par la " complainte " des banquiers de l'AFB. Sa conviction est que le problème du secteur bancaire n'est ni général, ni structurel, et que sans la faillite du Crédit lyonnais, il n'aurait pas été nécessaire de créer un groupe de travail. Il a encore indiqué que le problème n'était pas de maintenir ou de supprimer un privilège à La Poste ou aux Caisses d'épargne et que les banques commerciales n'échapperaient pas, de toutes façons, à la concurrence étrangère. Il a indiqué que le seul vrai problème était celui de l'aménagement du territoire et que la banque était un service public. Enfin, il a fait remarquer que la suppression du privilège des Caisses d'épargne, viderait la France d'une présence bancaire indispensable au regard de l'impératif de l'aménagement du territoire, sans pour autant résoudre les problèmes des banques commerciales.

M. Philippe Marini a souhaité rendre hommage au travail réalisé par le président du groupe de travail, M. Alain Lambert, sur un chemin semé d'embûches. Il a encore fait remarquer qu'à cet égard, il n'était assurément pas facile de dégager une doctrine autonome de la commission des finances dans un domaine où les groupes de pression étaient très présents et où toute prise de position risquait d'être mal interprétée.

Il a ensuite fait observer que poursuivre devant la justice les dirigeants de certaines banques, aussi utile que fût cette action, ne résoudrait pas le problème de la compétitivité de nos banques au moment de la mise en place de l'Euro. A compter du 1 er janvier 1999, a-t-il déclaré, la question sera de savoir comment le système bancaire français affrontera la compétition internationale ? Comment les banques françaises feront-elles face aux tentatives de prise de contrôle, qui ne seront pas forcément amicales, de la part des autres banques européennes ?

A partir du moment, a-t-il ajouté, où l'on a accepté la monnaie unique, le problème pour l'Etat est de mettre ses entreprises en " ordre de bataille ". Or, a-t-il encore indiqué, c'est bien la responsabilité de l'Etat que d'affirmer des objectifs, de définir une stratégie et de faire prévaloir l'intérêt général.

De ce point de vue, il s'est estimé au regret de constater que, jusqu'à présent, l'Etat avait eu une attitude de " Ponce Pilate " à l'égard du secteur bancaire. Il ne s'est pas déclaré fâché que le rapport soit plus critique vis-à-vis de l'attitude de la haute administration bien que ce durcissement ne change rien à l'analyse.

S'agissant des Caisses d'épargne et de La Poste, il a souhaité que la commission des finances fasse preuve d'une attitude valorisante et constructive, car c'est une grande force pour la France que de disposer d'un secteur mutualiste en bonne santé. De ce point de vue, il a souhaité rendre un hommage appuyé aux gestionnaires des banques mutualistes, aux " gens prudents " des Caisses d'épargne, à " l'imagination " des gestionnaires du Crédit agricole et à la " pugnacité " de La Poste. Sur ce dernier sujet, il s'est déclaré choqué que l'absence d'une comptabilité analytique appropriée empêche de prendre la mesure des activités financières de l'établissement public.

Il a encore indiqué que, selon lui, ne parler que des distorsions de concurrence relevait d'une optique malthusienne et que, de ce point de vue, l'Association française des banques pouvait avoir une attitude aussi malthusienne que les autres réseaux.

Il a encore indiqué que la force du Sénat était de pouvoir inscrire sa réflexion dans le long terme, sans être complaisant vis-à-vis de personne.

M. Maurice Blin a rappelé que la tonalité qui prévalait, il y a douze ans, était radicalement différente. Il y avait à l'époque, a-t-il expliqué, un vrai optimisme qui contrastait avec le pessimisme ambiant. Il a indiqué que les hommes politiques qui avaient voté la loi bancaire étaient loin d'imaginer les folies spéculatives des banques. Il a estimé que le procès à instruire devait être celui de l'Etat actionnaire et gestionnaire. Il a souligné que nous étions aujourd'hui face à un secteur en détresse et a constaté que certains dirigeants bancaires avaient prouvé leur incapacité, voire dans certains cas leur " indignité ", à assumer leurs fonctions, mais que d'autres, au contraire, avaient " très bien travaillé ".

M. Emmanuel Hamel a indiqué qu'il fallait éviter d'apparaître adhérer aux thèses des banques AFB, qui essaient de se disculper sur les autres réseaux des erreurs qu'elles ont elles-mêmes commises.

M. Philippe Adnot s'est déclaré convaincu qu'on ne pouvait pas réduire les problèmes actuels du système bancaire à l'existence de La Poste et qu'il ne pourrait pas affronter un rapport préconisant la banalisation du livret A.

M. René Ballayer a souhaité rendre hommage à la qualité des travaux du groupe présidé par le rapporteur général.

En réponse aux intervenants, M. Alain Lambert, rapporteur général, s'est déclaré surpris qu'on puisse penser que le groupe de travail ait pu relayer les préoccupations de tel ou tel groupe de pression. Il a encore indiqué que si le Sénat et sa commission des finances avaient bridé leurs réflexions dans la crainte d'apparaître comme les porte-parole de l'AFB, l'analyse de la situation et des perspectives du secteur bancaire aurait été " réductrice ", incomplète et, en définitive, inutile.

Il a indiqué que l'administration portait des responsabilités incontestables dans la crise du secteur bancaire mais que pour autant, consacrer 120 pages sur le sujet ne résoudrait en rien les problèmes actuels. Il a souhaité que l'on se tourne plutôt vers l'avenir.

S'agissant de l'immobilier, M. Alain Lambert, rapporteur général, a reconnu que des fautes réelles avaient été commises par les banques et qu'un certain " panurgisme " existait dans le domaine.

En réponse à M. Marc Massion , il a indiqué que la filialisation de La Poste, proposée par le groupe de travail, n'avait qu'un but comptable.

En réponse à M. Paul Loridant , il a rappelé le coût des remboursements anticipés et de la renégociation des crédits : 20 milliards de francs entre 1986 et 1988, 8 milliards de francs en 1994 et 12 milliards de francs pour l'Etat au titre des prêts d'accession à la propriété (PAP).

S'agissant de la capacité de La Poste à distribuer du crédit, il a convenu qu'il fallait être prudent, et que le groupe de travail ne proposait pas d'élargir les possibilités actuellement reconnues à cet établissement.

En réponse à Mme Maryse Bergé-Lavigne , il a indiqué que le rapport ne pourrait en aucun cas être assimilé à une " machine de guerre " contre La Poste et les Caisses d'épargne.

En réponse à M. Emmanuel Hamel , il a indiqué que la sagesse permanente du Sénat saurait prévaloir et que les propositions du groupe de travail étaient équilibrées, les sénateurs sachant mieux que quiconque l'importance qu'il convenait d'attacher à l'aménagement du territoire. Mais il a rappelé que les propositions du groupe de travail se voulaient tournées vers l'avenir.

La commission a alors adopté les conclusions du groupe de travail et décidé de les faire publier sous la forme d'un rapport d'information.

CONTRIBUTIONS

DE CERTAINS MEMBRES DE LA COMMISSION

Philippe ADNOT

Sénateur de l'Aube

Membre de la Commission des finances

Président du Conseil général

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Paris, le 30 octobre 1996



Monsieur le Président,

Je vous confirme, par la présente, le soutien que j'apporte au rapport de M. Alain LAMBERT, rapporteur général, sur les propositions du groupe de travail sur la situation et les perspectives du système bancaire en France.

Si je ne peux que saluer l'important travail de synthèse et de concertation effectué, je tiens à souligner que j'ai voté en faveur de ce texte sous réserve que figure, dans ses annexes, mon intervention contre la banalisation du Livret A.

Je considère, en effet, que cette dernière n'est pas nécessaire à l'équilibre financier des banques (la meilleure preuve en est qu'en 1990 leur situation excédentaire se situait autour de 18 milliards, soit 8 milliards de plus que leurs homologues allemandes), équilibre qu'elles peuvent aisément retrouver en apurant leurs comptes liés à l'immobilier et en réduisant leurs frais de gestion.

Par contre, il est clair que si l'on prive la Poste de son principal produit, qui crée un différentiel déterminant en sa faveur, elle n'aura plus les moyens d'assurer convenablement sa mission en territoire défavorisé ainsi que son rôle social, ce qui serait dramatique en termes d'aménagement du territoire.

Je souhaite donc que soit bien portée en annexe du rapport ma prise de position, et, vous en remerciant par avance,

Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de mes sentiments les plus distingués et dévoués.

Philippe ADNOT

Monsieur Christian PONCELET

Sénateur des Vosges

Président de la commission des finances

PALAIS DU LUXEMBOURG

Joël BOURDIN
Sénateur de l'Eure
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Paris, le 31 octobre 1996



Le rapport, dont je n'ai malheureusement eu qu'une présentation orale, en séance de commission, pour autant qu'il soit bien charpenté et ait été l'objet d'un intense travail auquel je rends hommage, recueille néanmoins un vote défavorable de ma part qui tient à la doctrine qu'il sous-entend, à la méthode qui l'oriente, et à la spécificité de ses conclusions.

La doctrine qui l'inspire est celle d'un libéralisme originel tel qu'ont pu l'imaginer les penseurs anglo-saxons du siècle passé. La volonté d'établir une concurrence pure et parfaite transpire.

Alors que personnellement je ne suis pas un adversaire du libéralisme, j'observe :

1. Que le système bancaire français ne s'est, historiquement, jamais épanoui dans un cadre concurrentiel parfait et qu'il a même été très performant, dans les années 60 et 70, alors même qu'il bénéficiait d'une garantie publique avérée ;

2. Que l'évolution d'un système économique vers plus de concurrence fait toujours le lit des entreprises les plus puissantes ;

3. Que le système bancaire français fragilisé, en raison des propres erreurs de gestion de ses dirigeants, ne résisterait pas à un degré supplémentaire de libéralisme, en laissant le champ libre aux grandes banques étrangères.

En clair, profiter d'une période d'affaiblissement de nos banques afin de les soumettre à une plus vive concurrence ne me paraît pas opportun.

Quant à la méthode d'analyse choisie, elle consiste à privilégier une approche comptable sur une recherche des causes de l'évolution récente et peu encourageante de notre système bancaire.

La crise des établissements bancaires et financiers n'était pas inscrite dans un destin inéluctable. Il n'y a pas eu de fatalité dans cette affaire.

Le système n'était pas mauvais en soi : il a été dévoyé par des hommes, des équipes d'hommes.

Or, d'une certaine manière, j'ai l'impression que la philosophie du rapport tient en ces quelques mots : des équipes d'hommes, n'ont pas su gérer le système bancaire, il est donc urgent de changer le système.

Je ne suis pas d'accord avec cette orientation, même si des retouches doivent être apportées au mode de fonctionnement de nos banques. Tant qu'on n'aura pas compris et admis que c'est le mode de désignation des dirigeants de nombreuses banques, les processus décisionnels utilisés, et le système de contrôle mis en oeuvre qui sont en cause dans ce domaine, on n'aura pas cheminé réellement vers l'étape opérationnelle qui nous permettra d'améliorer le dispositif.

Une étude plus approfondie des causes aurait sans doute permis d'infléchir l'éventail des propositions sur cet aspect certes délicat mais incontournable du mode de désignation des élites bancaires.

On comprendra dès lors que j'exprime ma surprise en constatant que dans les orientations proposées on privilégie des mesures contraignantes pour les banques mutualistes, les Caisses d'épargne et la Poste.

Voilà des établissements bancaires originaux, qui ont une vocation sociale ; qui participent activement à l'aménagement du territoire en maintenant des agences dans nos campagnes et dans des quartiers difficiles, en dépit parfois de leur rentabilité ; qui de tout temps ont comblé les lacunes du système bancaire classique ; qui ne se sont pas laissés entraîner par la folie spéculative à laquelle ont succombé de grandes banques ; qui ont continué, vaille que vaille, leur expansion quand d'autres sombraient dans le déficit. Ô surprise, la grande réforme institutionnelle proposée pour corriger les dérives du système bancaire classique concerne ces modestes établissements.

Manifestement nous bénéficions là d'une version financière moderne de la célèbre fable de La Fontaine "Les animaux malades de la Peste".

C'est au titre des distorsions de concurrence qu'est proposée la banalisation des livrets A et Bleu. Or, à cet égard, j'ai plusieurs observations à faire :

1. Quelle est l'incidence des distorsions de concurrence dues au Livret A et Bleu sur les difficultés ou la disparition de quelques banques (Crédit Lyonnais, SMC, BTP, Hervet etc. ?). Est-on sûr que la thérapie proposée est adaptée au mal bancaire français ? Comme le disait Bernard Esambert, Président de la banque Arjil, le 3 septembre à l'AGEFI "à les écouter (les banques françaises) les difficultés sont dues, dans une large mesure, à un phénomène de distorsion de concurrence. Il faudrait qu'elles balayent un peu devant leurs portes".

2. Le livret A et le livret Bleu occupent une place de plus en plus modeste dans les encours d'épargne des ménages, qui désormais sont placés sur des produits distribués par l'ensemble des banques (CODEVI, LEP, Livret Jeunes, Épargne Logement, Assurance vie...). Si le livret A pour les Caisses d'épargne et la Poste et le livret Bleu pour le Crédit Mutuel sont essentiels à leur image, leur banalisation n'entraînerait qu'une infime influence sur la rentabilité des banques commerciales.

3. La distribution des livrets A et Bleu par le canal des bureaux de Poste, des agences de Caisse d'Épargne et du Crédit Mutuel relève de la politique d'aménagement du territoire, laquelle demeure une priorité du Gouvernement.

Qu'il y ait nécessité de modifier les statuts des Caisses d'Épargne, certainement. Mais franchement ce n'est pas un enjeu approprié à la crise que subit notre système bancaire. On ne traite pas un phénomène en réglant un épiphénomène. J'ai, en fait, la désagréable impression d'un dispositif peu adapté à la réalité, l'étendue, la gravité et la spécificité du mal bancaire français.

Notre système bancaire est comme un cancéreux affligé d'un rhume des foins. On peut toujours lui recommander de se moucher, cela lui donnera sans doute passagèrement satisfaction, on ne l'aura pas guéri pour autant.

Joël BOURDIN
Sénateur de l'Eure

Jacques CHAUMONT
Sénateur de la Sarthe
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Paris, le 31 octobre 1996



En 1990, le bénéfice net global cumulé des cinq principaux groupes bancaires français était de 18,5 milliards de francs. Ce résultat était obtenu dans des conditions de concurrence avec les banques mutualistes et coopératives, la Poste et la Caisse d'Épargne, identiques aux conditions actuelles.

Cela suffit à réduire à néant les analyses de l'AFB sur les causes de l'actuelle crise bancaire.

Cette crise n'a touché que les banques AFB. Aussi, est-il étonnant que ces banques offrent comme explication à leurs déboires non leur goût immodéré pour la spéculation immobilière mais les supposés privilèges des autres organismes bancaires. Ces privilèges, si privilège il y a, existaient en 1990.

L'AFB s'honorait en reconnaissant les prodigieuses erreurs de gestion commises par quelques-uns des membres les plus prestigieux de cette Association.

En fait, cette crise bancaire n'est qu'un des aspects visibles de la crise de la nomenklatura française. Le problème posé est de protéger la société française et le contribuable contre cette nomenklatura.

Ceci appelle quelques solutions simples :

1. Les dirigeants des banques doivent à l'avenir être des banquiers de profession, ayant une longue expérience de la banque et non des nomenklaturistes venus d'ailleurs. Ceci implique :

a) La stricte application des règles sur le pantouflage et, en particulier, l'interdiction à un fonctionnaire d'entrer dans une entreprise qu'il a pour mission de contrôler avant une période de cinq ans après l'achèvement de cette mission.

b) En raison des relations " incestueuses " 127( * ) entre pantouflant, pantouflé, pantouflard, pré-pantouflard et post-pantouflard, le contrôle des banques ne peut plus être exercé par ceux qui en ont actuellement la charge. Cette mission pourrait être confiée aux Magistrats de la Cour des Comptes, juridiction qui est un des trésors de nos institutions.

2. Le secteur coopératif et mutualiste n'a pas connu de crise. Il serait judicieux de favoriser plus encore son développement.

Ses millions de sociétaires répartis dans des milliers de caisses locales exercent un contrôle permanent sur les dirigeants de caisses locales, régionales et nationale. Le principe de solidarité interne est, du reste, une forte incitation au contrôle.

Ces structures proches de la base sous-tendent, par ailleurs, une conception de l'Homme et de la Société qu'il convient de préserver.

3. Les Caisses d'épargne ont augmenté leurs bénéfices et leurs effectifs. Il convient donc de maintenir ce réseau et le privilège du livret A, mais en imposant aux Caisses d'épargne l'obligation de maintenir un réseau dense de guichets de proximité.

Si les Caisses d'épargne réduisaient leur réseau, il est clair que la banalisation du livret A devrait devenir la règle.

4. La Poste

L'engagement solennel pris par le Président de la République de conserver le caractère spécifique de la Poste, agent de l'aménagement du territoire, implique la poursuite des activités financières de la Poste dans leur cadre actuel.

Conclusion : La crise bancaire ne peut être réglée en affaiblissant les banques qui n'ont pas commis d'erreurs de gestion.

Celles des banques AFB qui ont été mal gérées auraient dû payer leurs erreurs. Tel n'est pas le cas.

Mais il convient que de tels errements ne se reproduisent plus. La solution la plus juste, la plus équitable et la plus salutaire est de confier désormais la gestion des banques à des banquiers.

Jacques CHAUMONT
Sénateur de la Sarthe

Philippe MARINI
Sénateur de l'Oise
Maire de Compiègne
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Paris, le 31 octobre 1996



Je souscris totalement aux orientations et conclusions de ce rapport, où l'on s'est efforcé de développer une approche équilibrée et réaliste du devenir de notre système bancaire et financier. Au sein de celui-ci, les groupes d'assurance mutualiste ou coopérative ont pris une place croissante, en raison tout à la fois de l'efficacité de leurs implantations, du dynamisme de leur gestion, mais aussi des pertes de fonds propres constatées par les banques commerciales.

L'un des problèmes les plus cruciaux, aujourd'hui, est de savoir tirer parti, au bénéfice de l'ensemble du secteur financier, des résultats ainsi acquis. L'évolution du Crédit Agricole montre que cette voie est possible et fructueuse. La question est de savoir si ce modèle peut être suivi, à bref délai, par l'institution des Caisses d'épargne.

A l'occasion des réflexions récentes sur le devenir du groupe CIC, j'ai eu l'opportunité de développer quelques idées sur la nécessaire réforme des Caisses d'épargne. Je crois utile de les joindre, à titre de document de travail, assurément très imparfait, au rapport excellemment conçu et présenté par M. Alain Lambert.

RÉFORME DES CAISSES D'ÉPARGNE
ET RESTRUCTURATION
DE L'APPAREIL BANCAIRE FRANÇAIS

I - LA NÉCESSITÉ D'UNE RÉFORME

Grâce à la loi de 1983, qui a ouvert leurs instances vers l'extérieur, grâce à l'extension, grâce à la restructuration très profonde du réseau conduite en 1991, les caisses d'épargne ont considérablement amélioré leur productivité, sont devenues un acteur significatif en matière de distribution de produits d'épargne autres que le livret A, auprès d'une très large clientèle populaire, ont fait preuve d'un réel dynamisme commercial, et constituent aujourd'hui un groupe aux assises solides, doté de près de 60 milliards de francs de fonds propres. Cette situation suscite des jalousies, de la part de ceux qui estiment que la situation présente résulte essentiellement des distorsions de concurrence créées par l'Etat, ainsi que des caractères propres du réseau des caisses d'épargne, dont les fonds propres sont en auto-contrôle, et ne subissent aucune contrainte de rémunération. Mais le vrai enjeu n'est pas à mes yeux celui-là. Il est de savoir quelles doivent être les orientations stratégiques et les ambitions de ce groupe financier, dont l'image est excellente auprès de la population, et qui a les moyens d'une réelle croissance externe.

Aujourd'hui les caisses d'épargne ont des forces, que je viens de rappeler, mais aussi des faiblesses ;

- il est vrai que leur situation juridique nécessite une clarification, car elles n'appartiennent ni au monde capitaliste, ni au monde mutualiste ;

- le réseau ne dispose pas de l'instance stratégique qui lui est indispensable, car son centre national demeure essentiellement un organe de tutelle administrative et de surveillance, tandis que la caisse centrale, dont il a depuis peu la majorité, vit encore en symbiose très étroite avec la caisse des dépôts ;

- l'assainissement du paysage bancaire français impose à l'évidence un décloisonnement des circuits d'épargne, et donc une banalisation du livret A, perspective à la fois nécessaire et troublante pour les caisses d'épargne, si elle remet en cause les ressorts de leur profitabilité.

Pour résoudre ces problèmes, une loi est indispensable, en ce qui concerne le mode d'appropriation des fonds propres, mais elle doit être accompagnée de la définition claire d'un cadre stratégique valant engagement contractuel de l'Etat, lequel a le devoir, à maints titres, d'intervenir : en tant que régulateur du système financier, mais aussi en tant que responsable de la politique économique, et encore en tant que propriétaire de la caisse des dépôts ou actionnaire de plusieurs entreprises demeurées jusqu'ici publiques.

II - L'OPPORTUNITÉ DE CETTE RÉFORME

Celle-ci, à mon avis, est double :

- d'un côté, la compétitivité du système bancaire français est une question majeure et les mauvais résultats, comme la mauvaise image des banques, portent préjudice à l'emploi, à l'investissement des entreprises et plus généralement à la prise de risques économiques dans notre pays ; il est impératif de changer les comportements et de redynamiser tout ce secteur ;

- d'autre part, l'Etat doit résoudre, à bref délai, la question de la privatisation du groupe CIC, les offres des repreneurs éventuels étant attendues pour le tout début de juillet ; or, il existe aujourd'hui un risque tout à fait réel pour le GAN, et donc pour l'Etat, de ne pas obtenir le prix escompté, tout en devant accepter, selon les formules étudiées, soit une prise de contrôle du groupe CIC par une institution financière étrangère, soit une forte perte de substance des banques régionales qui constituent ce groupe.

En effet, le prix de vente du CIC, s'il n'atteint pas la valeur comptable de celui-ci dans les comptes consolidés du GAN, provoquera une perte de quelques milliards de francs, au préjudice de ce dernier, et sera un handicap supplémentaire pour la privatisation du GAN.

Paradoxalement, en raison de la détention partielle du contrôle du CIC par la société GAN-vie, et au niveau des comptes sociaux de celle-ci, un profit significatif sera enregistré par les assurés, et viendra par conséquent accroître la perte pour l'Etat...

Si l'opération de cession du CIC se fait au profit d'une banque commerciale existante, la Société Générale ou la BNP par exemple, les réseaux étant le plus souvent en concurrence directe, une réduction importante des effectifs et des moyens s'ensuivra, et l'on assistera donc à une conséquence étonnante : la quasi disparition d'un groupe bancaire dont la rentabilité est redevenue correcte (du fait de l'Etat), alors que le même Etat réalise dans le même temps des efforts très onéreux pour maintenir artificiellement en survie des institutions financières qui demeurent fortement déficitaires en exploitation, telles que le Crédit Lyonnais, le CEPME ou la Société Marseillaise de Crédit...

Bien sûr, et avant d'envisager une acquisition par la caisse centrale des caisses d'épargne du contrôle du réseau CIC, il faut savoir répondre à deux questions essentielles :

1. Existe-t-il une réelle complémentarité de fonds de commerce entre le CIC et les caisses d'épargne ?

2. Les caisses d'épargne sont-elles capables, et dans quelles conditions, de gérer une telle mutation ?

Sur le premier point, l'analyse montre :

- qu'il est opportun, dans l'intérêt de l'économie, de "brancher" un réseau régional de banques dont la part de marché est significative en matière de crédit aux entreprises, sur l'un des réseaux français les plus puissants de collecte de ressources auprès des particuliers ;

- que, d'un côté comme de l'autre, l'identité régionale est forte ;

- que des partages de marchés peuvent intervenir à certaines rectifications de frontières près, entre les banques régionales du réseau CIC et les caisses d'épargne correspondantes ;

- que leurs forces conjuguées s'avèreront extrêmement efficaces en matière de distribution de produits d'épargne, et en particulier d'assurance-vie et de gestion de capitaux à long terme.

En ce qui concerne le second aspect, il est clair que trois préalables devront être levés :

- la redéfinition de la nature juridique des caisses les conduisant progressivement à rémunérer leurs fonds propres à des conditions normales ;

- leur adaptation économique, là encore progressive, et sur quelques années, à la perspective de banalisation du livret A ;

- la création d'un organe stratégique central qui soit aux caisses d'épargne ce qu'est aujourd'hui aux caisses régionales de crédit agricole la CNCA.

III - LE CONTENU DE LA RÉFORME SOUHAITABLE

Je pars du principe qu'une telle réforme doit valoriser et mobiliser les caisses d'épargne. Je constate également que celles-ci ont une image très spécifique et très positive dans la population et qu'il importe avant tout de la préserver et de la mettre en valeur. Je formule deux axes de propositions :

- En premier lieu, une fraction, représentant par exemple un montant global de l'ordre de 15 milliards de francs, des fonds propres des différentes caisses d'épargne, serait répartie sous forme de parts sociales, entre les mains des déposants ; en assemblée générale, et selon le principe mutualiste, chaque déposant ne disposerait, quel que soit le montant de ses avoirs, que d'une seule voix ; ces parts sociales seraient dans un premier temps échangeables entre les sociétaires au sein de l'ensemble du réseau, ce qui ferait apparaître progressivement une certaine valeur de marché des caisses ; la rémunération de ces capitaux serait formée de deux éléments, une part fixe en pourcentage de la valeur nominale et un intérêt variable selon le résultat ; à moyen terme, la rémunération variable progresserait par rapport à la rémunération fixe.

- En second lieu, les instances centrales du réseau seraient renouvelées, dès la promulgation de la loi, et la caisse centrale prendrait immédiatement ou progressivement, selon le choix du Gouvernement et les contraintes en la matière, son indépendance stratégique et technique, par rapport à la caisse des dépôts et consignations ; en cas de prise de contrôle du réseau du CIC, la caisse centrale deviendrait la maison mère de deux ensembles, les caisses d'épargne d'un côté, et les banques régionales du CIC de l'autre, chacune de ces entités conservant sa personnalité propre ; enfin on veillerait à composer les instances de la caisse centrale de manière à ce que les deux réseaux puissent bien être représentés, et surtout de façon à susciter une bonne compréhension mutuelle et un enrichissement de l'un par l'autre.

Tels sont les aspects à traiter par la loi et, simultanément à celle-ci et de manière indissociable, un "contrat" serait passé avec l'Etat, et réglerait les aspects suivants :

- l'objectif de banalisation du livret A, à terme de cinq ans par exemple, serait affirmé ;

- en contrepartie, les caisses d'épargne réaliseraient l'acquisition du CIC auprès du GAN, à la valeur comptable du CIC dans les comptes consolidés du GAN ;

- pendant la période de transition qui nous sépare de la banalisation complète du livret A, la rémunération des fonds propres des caisses d'épargne progresserait de manière à atteindre un taux de marché ; cette évolution pourrait se faire à la fois par l'accroissement de la part variable visée ci-dessus, et par la distribution aux déposants de fonds propres supplémentaires par rapport aux 15 milliards de francs évoqués à titre d'exemple plus haut.

Ainsi, on verrait émerger un groupe financier qui, au terme de la période transitoire, serait totalement immergé dans la compétition internationale, et qui deviendrait un pôle essentiel du système financier français.

IV - LES EFFETS À ATTENDRE DE LA RÉFORME

Il est aisé de les prévoir :

- les déposants des caisses d'épargne, c'est-à-dire 30 millions de titulaires de livrets, seraient associés au développement du nouveau groupe, ce qui serait peut-être de nature à changer l'image aujourd'hui ingrate et défavorable du système bancaire dans la population, et ce qui créerait de racines régionales profondes, tant pour les caisses d'épargne que pour les banques du réseau CIC ;

- le GAN pourrait être privatisé à bref délai, à condition bien entendu que soit arbitrée la question de la distribution d'assurance vie par les deux réseaux (il serait à mon avis préférable de mettre en place pour l'ensemble caisses d'épargne et CIC un accord de distribution de produits du GAN, la caisse nationale de prévoyance gardant de son côté des liens identiques avec le réseau de la Poste) ;

- la question lancinante des distorsions de concurrence dans le système bancaire français serait enfin réglée par l'affirmation d'une volonté claire de l'Etat, et les querelles franco-françaises en ce domaine prendraient fin ; enfin et surtout, l'émergence du groupe caisses d'épargne-CIC aurait un effet structurant sur l'ensemble du système financier français et entraînerait des réactions en chaîne dans le sens de l'assainissement et de la rationalisation de ce dernier.

En quelque sorte, il est proposé ici de mettre en oeuvre une réforme qui aurait sur le secteur financier des conséquences assez analogues à celles qui vont être engendrées par la restructuration des industries de défense en ce qui concerne de larges pans de notre économie productive.

Philippe MARINI
Vice Président de la
Commission des Finances
du Sénat

Groupe Socialiste
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Paris, le 4 novembre 1996

OBSERVATIONS PRESENTÉES PAR MME MARYSE BERGÉ-LAVIGNE, MM. JEAN-PIERRE MASSERET ET ALAIN RICHARD POUR LE GROUPE SOCIALISTE

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Les membres socialistes du groupe de travail entendent préciser leur désaccord sur l'analyse des causes de la crise bancaire et sur les propositions qui sont présentées dans le rapport du groupe de travail.

Si beaucoup de banques françaises AFB sont, aujourd'hui, dans une situation difficile, ce n'est pas par des mesures visant à fragiliser les réseaux mutualistes, coopératifs et les caisses d'épargne que les réponses utiles seront trouvées.

Les difficultés des banques AFB ont pour partie une explication dans l'atonie de l'économie française étouffée par les choix politiques des gouvernements de droite. A ces considérations de politique générale s'ajoutent des erreurs de choix stratégique opérées, notamment, dans l'immobilier.

La distorsion de concurrence entre banques AFB et réseaux mutualistes, coopératifs et les caisses d'épargne ne saurait expliquer les difficultés de l'industrie bancaire française, dès lors que ces distorsions jouent dans les deux sens.

Si la restructuration du système bancaire est nécessaire, et personne ne le conteste, la réussite de cette réforme ne peut se faire au détriment de certains de ses acteurs qui doivent conserver leurs spécificités. Le système bancaire français doit rester multiforme. C'est dans ce cadre que les réformes susceptibles d'améliorer sa compétitivité doivent être réfléchies, engagées et réussies.

A cet égard, les choix de sortie de crise proposés par le rapport sont critiquables :

- En premier lieu, le rapport pousse à une déréglementation du travail impliquant une régression de grande ampleur de la situation des salariés et une perte de protection pour les consommateurs.

Revenir sur des éléments-clés du droit du travail serait grave pour la situation des salariés. Si l'on estime que le décret de 1937 relatif aux horaires de travail est pénalisant pour les entreprises, il est nécessaire de mener une négociation préalable à sa révision. La méthode proposée, c'est à dire l'abrogation de ce décret, rendra impossible la réalisation d'un accord équilibré, satisfaisant pour tous.

Par ailleurs, il est anormal de contester le droit du consommateur à rembourser son prêt par anticipation, sans indemnité. Ce droit, qui est la contrepartie du taux fixe et de la différence évidente d'expertise entre les co-contractants, n'est guère susceptible d'abus.

- Le rapport recommande, en outre, une banalisation injustifiée de certains produits spécifiques, en particulier le livret A.

Les fonds collectés sur ce livret sont essentiels puisqu'ils permettent le financement du logement social. La baisse de taux, décidée par le gouvernement, a entraîné sur ce produit, en 1996, une décollecte de 80 milliards de francs, dangereuse pour le logement social. L'extension du livret A aux banques AFB risquerait d'accroître cette tendance. En effet, dans le but d'améliorer leur rentabilité, elles inciteraient leurs nouveaux clients à transférer leurs fonds du livret A vers d'autres produits sur lesquels leur marge est plus élevée. Donc, même avec une affectation obligée au logement social, le livret A banalisé ne serait sans doute plus en mesure d'assurer l'équilibre de ce secteur.

En outre, si le rapport se prononce, à juste titre, pour le maintien des activités financières de la Poste, la banalisation du livret A entraînerait assurément une baisse de son volume d'activité et remettrait en question son réseau, dans les zones rurales et les quartiers en difficulté, d'où les banques commerciales sont absentes. La banalisation aurait également des incidences néfastes pour la politique d'aménagement du territoire et viendrait contredire les engagements du gouvernement en la matière.

- Enfin, si la préconisation d'un compte distinct pour les activités financières de la Poste peut être retenue, l'idée de la filialisation ne peut s'analyser que comme une étape vers la privatisation et le démantèlement des réseaux. Le rapport se prononce en effet, en principe, en faveur de la privatisation intégrale du réseau bancaire. Les membres socialistes du groupe de travail, soucieux d'améliorer l'efficacité de l'Etat actionnaire, ne tirent pas des privatisations passées, la conclusion que l'actionnariat privé garantit des résultats supérieurs et restent fortement attachés à la notion de service public et d'intérêt général.

Conforter la situation de certains acteurs du monde bancaire, en en pénalisant d'autres, faire porter le poids des restructurations sur les salariés et les clients, notamment les plus modestes, ne constitue pas une approche constructive et saine pour aborder les problèmes posés. Ce n'est pas dans cette optique que se situent les socialistes.

Maryse Bergé-Lavigne
Sénateur de la Haute-Garonne

Jean-Pierre Masseret
Sénateur de la Moselle

Alain Richard
Sénateur du Val d'Oise

COMMISSION DES FINANCES

Paul LORIDANT
Sénateur de l'Essonne
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Paris, le 4 novembre 1996



Le secteur bancaire français est incontestablement dans une situation difficile et le présent rapport de la commission des finances du Sénat a le mérite d'en faire l'analyse. Toutefois, je ne saurais en partager toutes les conclusions et préconisations.

Je partage l'idée qu'il faudrait aujourd'hui revoir le décret de 1937 sur l'amplitude horaire du travail des salariés des banques AFB. Toutefois, j'insiste sur le fait que dans ce domaine, la négociation s'impose entre les partenaires sociaux. La voie a été ouverte dans ce domaine par différents établissements bancaires. Je considère que les évolutions en ce domaine dépendent pour l'essentiel de la qualité du dialogue social.

La banalisation de la distribution du livret A et du livret bleu préconisée dans le rapport me laisse perplexe. Le livret jeunes, récemment mis au point par les pouvoirs publics, a montré que les banques AFB n'ont su tirer profit de façon significative de sa banalisation dans la distribution de ce produit d'épargne. Les emplois adossés au livret A sont essentiellement tournés vers le financement du logement social dont les besoins sont plus que jamais nécessaires. Il me paraît impensable de revenir sur cet usage privilégié des fonds collectés par ce livret. Au demeurant, les dérives constatées dans un précédent rapport de la commission des finances du Sénat (rapport Arthuis, Marini, Loridant) sur l'usage des fonds CODEVI renforcent mes réticences à la banalisation préconisée. Je considère que le maintien des modes de distribution du livret A devrait avoir pour contrepartie une obligation de présence des Caisses d'épargne et de la Poste dans les zones rurales ou urbaines peu prisées par le secteur bancaire. Les exemples abondent de retraits de guichets dans des villes de banlieue jugées "difficiles" ou dans des "pays" atteints par une certaine désertification. A mes yeux, cette présence relève d'une mission de service public dont la France n'a pas à rougir.

Cette position me conduit à préconiser la consolidation des services financiers de la Poste dont le rôle essentiel est de collecter de l'épargne, métier qu'elle sait bien exercer. En revanche, je suis plus circonspect sur l'opportunité de distribution de crédits par les mêmes services, sauf à créer une banque postale soumise aux mêmes obligations légales et réglementaires que le reste du système bancaire. C'est en effet une activité à hauts risques qui requiert un strict contrôle des pouvoirs publics et une technicité certaine.

Enfin, je ne partage absolument pas l'orientation du présent rapport sénatorial concernant la remise en cause de la "loi Scrivener" permettant aux particuliers de rembourser de façon anticipée les prêts souscrits. Curieusement, les banques, si soucieuses de bénéficier de conditions banalisées de concurrence, supportent mal d'être ainsi soumises à cette règle, à l'initiative des souscripteurs d'emprunts. Il me paraît contraire à l'évolution consumériste de notre société que de limiter le droit à remboursement anticipé moyennant paiement d'une indemnité légale au plus à 3 % du capital restant dû. En ce domaine, ne faut-il pas considérer que la France est en avance par rapport aux autres pays de l'Union économique et monétaire ? Est-ce vraiment insupportable de donner, de fait, la possibilité aux consommateurs de renégocier les conditions de leurs prêts ? J'y vois plutôt un élément d'équilibre dans les rapports entre les banques et leurs clients. De plus, il faut tenir compte de l'émergence depuis une dizaine d'années, dans le bilan des banques, de ce qu'on appelle la gestion "actif-passif" qui permet aux établissements de travailler en permanence la structure de leurs ressources, de faire des arbitrages en fonction de la structure de leurs emplois. A titre d'exemple, à quoi aurait-il alors servi d'introduire la technique de la "titrisation" dans le système bancaire français ?

En conclusion, je tiens à souligner l'excellent esprit d'équipe qui a animé ce groupe de travail sénatorial... même si, à l'évidence, il reste des points de désaccord.

Paul Loridant,

Sénateur de l'Essonne



1 Rapport d'information de l'Assemblée nationale n° 2940.

2 Rapport de la Commission bancaire pour l'année 1994, p. 115 et suivantes.

3 Analyses comparatives établies par la Commission bancaire, 1994 vol 2 p. 17

4 Les séries statistiques calculées avant 1993 n'intégraient pas dans le poste provisions, les "intérêts sur créances douteuses" qui étaient comptabilisés dans les produits accessoires. Si l'on effectue un retraitement des données 93 et 94 on obtient respectivement les chiffres de 112,7 et 101,2 milliards.

5 Ce dernier chiffre serait encore plus important si on tenait compte du changement de méthodologie comptable intervenu en 1993.

6 Les données qui suivent ont été extraites des études et analyses de la Commission bancaire, lesquelles portent sur les résultats sur base consolidée des cinq principaux groupes bancaires de huit pays. Elles ont été complétées par des statistiques établies par l'agence de notation Standard & Poor's.

7 Voir le Quotidien
"Les Échos", vendredi 11 octobre 1996 p. 19

8 "Why French banks need a shake-out" ; Euromoney Mardi 1 er octobre 1996.

9 Le Building Society Act de 1986, modifié en 1988, a étendu la gamme des services financiers que pouvaient offrir ces sociétés. L'une des principales Building Societies, Abbey National, est devenue en 1987 une clearing bank et la 4eme banque britannique.

10 Selon le classement établi par le magazine américain Business Week

11 Voir Hervé de Carmoy, la Banque du XXI ème siècle, chapitre 2.

12 L'Allemagne n'a pas eu à "décloisonner" puisque son modèle de "banque universelle", qui existe quasiment depuis l'origine du système, ignorait les cloisonnements. En revanche, ce pays accuse un certain retard en matière de "désintermédiation".

13 Il est assez révélateur que lors de sa déclaration de politique générale à l'Assemblée nationale, le 8 juillet 1981, M. Pierre Mauroy présentait la nationalisation des banques comme le moyen de parachever la grande réforme du système, initiée à la Libération.

14 Bons du Trésor négociables, billets de trésorerie, certificats de dépôt, bons des institutions financières spécialisées, bons des sociétés financières.

15 Voir "présentation du rapport annuel de la commission bancaire" document en annexe à l'audition de M. Jean-Claude Trichet, gouverneur de la Banque de France.

16 Article premier de la loi bancaire : "Les établissements de crédit sont des personnes morales qui effectuent à titre de profession habituelle des opérations de banque. Les opérations de banque comprennent la réception de fonds du public, les opérations de crédit, ainsi que la mise à la disposition de la clientèle ou la gestion de moyens de paiement".

17 Article 15 de la loi bancaire : "Avant d'exercer leur activité, les établissements de crédit doivent obtenir l'agrément délivré par le Comité des établissements de crédit".

18 Article 18 point 1 de la loi bancaire : "Les banques peuvent effectuer toutes les opérations de banque". De même, "les banques mutualistes ou coopératives, les caisses d'épargne et de prévoyance et les caisses de crédit municipal peuvent effectuer toutes les opérations de banque dans le respect des limitations qui résultent des textes législatifs et réglementaires qui les régissent". Seules les sociétés financières "ne peuvent effectuer que des opérations de banque résultant soit de la décision d'agrément qui les concerne, soit des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont propres".

19 L'article 5 de la loi bancaire range les activités financières comme la gestion, le placement, le conseil, l'ingénierie financière parmi les "opérations connexes" à l'activité de banque.

20 La libéralisation des investissements français à l'étranger s'est faite progressivement par voie de circulaire entre 1987 et 1988 (circulaire du 21 mai 1987 relative aux investissements directs français à l'étranger et étrangers en France); la libération des mouvements de change a été effectuée par les décrets n° 89-938 du 29 décembre 1989 et n° 91-270 du 13 mars 1991.

21 On pourrait même dire quatre si on prend en considération l'importance que revêt en France le crédit interentreprises. En 1992, son encours total atteignait 2.288 milliards de francs, soit deux fois plus que le total des prêts à court terme consentis aux entreprises par les établissements de crédit (1.105 milliards de francs).

22 La concurrence dans le secteur bancaire porte avant tout sur les prix, c'est à dire sur les taux d'intérêt pour les opérations de crédit, sur les commissions pour les opérations de marché.

23 Voir rapport en annexe p. 86.

24 M. Jean-Yves Haberer dans la défense de sa gestion du Crédit Lyonnais a toujours expliqué qu'il ne s'agissait pas pour lui "d'ajouter de la crise à la crise" et que sa gestion avait permis de sauver plusieurs milliers d'emplois.

25 Voir sur ce point l'ouvrage d'Elie Cohen : "la tentation hexagonale. La souveraineté à l'épreuve de la mondialisation" et l'article qui lui est consacré par Airy Routier dans le Nouvel Observateur du 19 septembre 1996 : "Pourquoi le modèle français s'épuise...".

26 Voir l'étude réalisée par la Correspondance économique du 10 avril 1995 sur la base d'une note interne de la Commission bancaire : "éléments internationaux de comparaison des origines et des traitements des crises bancaires majeures". Voir également The Economist en date du 25 mars 1995, article traduit et rapporté dans le rapport moral sur l'argent dans le monde 1996 : "Pardon, Monsieur le Gouverneur, pourriez vous nous dépanner d'un milliard ?".

27 La crise des caisses d'épargne américaines pourrait également illustrer ce problème. En 1982, ces institutions auraient pu être sauvées pour un coût total de 20 milliards de dollars. Les autorités de tutelle, encouragés par les hommes politiques qui militèrent pour la sauvegarde de l'épargne publique, les aidèrent à rester à flot, les transformant en ce que Ed Kane, économiste au Boston College, appelle des "banques zombies". Ces institutions "mort-vivantes" faussèrent le reste du marché en offrant des taux d'intérêt plus hauts sur les dépôts et plus bas sur les crédits que ceux offerts par le marché. Par un effet de contagion, les autres institutions devinrent également des zombies. Quand le renflouement de l'entier secteur fut rendu nécessaire, le coût total s'éleva à 132 milliards de dollars. Il faudrait rajouter à cela les 12 milliards de dollars que les banques commerciales américaines devront apporter au financement du fonds de garantie des caisses d'épargne. En contrepartie, le statut des caisses d'épargne américaines sera aligné sur celui des banques. Par ailleurs, le sauvetage de la Continental Illinois, une banque commerciale américaine ayant subi en 1984, les conséquences désastreuses d'un mouvement de retrait des dépôt, a fait également l'objet de critiques de la part des économistes américains.

28 Les banques étant créancières les unes des autres, quand une banque de premier ordre disparaît, elle est susceptible d'entraîner une cascade de défaillances se répercutant à l'ensemble du système. Même en supposant que cela ne se produise pas, cette disparition est susceptible d'avoir des effets dévastateurs sur l'économie réelle : les autres banques s'efforçant de faire face aux pertes, hésitent à consentir de nouveaux crédits, ce qui se traduit par une contraction de l'offre de crédit ou
credit crunch. C'est précisément ce qui est arrivé dans les années 30. Entre 1930 et 1933, 9.000 banques américaines ont fait faillite. En Europe, la faillite de la Creditanstalt , la plus grande banque autrichienne, a entraîné des faillites en chaîne. Cela s'est traduit par une contraction de l'offre de crédits qui a conduit à la " grande dépression ".

29 C'est depuis Adam Smith que le risque systémique inhérent au système bancaire a été mis en évidence. Dans son ouvrage "Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations", il établit une analogie entre le besoin qu'éprouvent les pouvoirs publics de violer l'espace naturel de liberté des banques en réglementant leurs activités, et la nécessité d'inciter les voisins à édifier des barrières mitoyennes pour éviter qu'un éventuel incendie ne gagne l'ensemble de la communauté d'habitants.

30 "The domino effect - A survey of international banking" - The Economist - 17 avril 1996, 44 pages.

31 Article cité p. 21

32 Rapport d'information n° 2940 précité d'une mission d'information présidée par M. Philippe Auberger.

33 Voir néanmoins auditions en annexe et, notamment, celle de M. Viénot ; lire également l'article du Nouvel Economiste du 26 juillet 1996 ; entretien avec M. François Schlumberger : "Certaines banques ne devraient plus exister".

34 Le Comité de Bâle se compose des autorités monétaires des pays suivants : Allemagne, Belgique, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Luxembourg, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède, Suisse.

35 De nombreuses règles prudentielle ont été mises en oeuvre pour prévenir les risques systémiques. On relèvera : le ratio européen de solvabilité (1989), le contrôle de la division des risques (ou directive "grands risques" - 1992), la surveillance des opérations de marché (directive "adéquation des fonds propres" - 1993), le renforcement de la surveillance prudentielle (directive "post-BCCI" - 1995). D'autres sujets (voir sur ce point le rapport 1995 de la Commission bancaire) sont en discussion : la prévention des risques liés aux produits dérivés, le risque congloméral (risque inhérent aux groupes financiers regroupant banques-assurances - entreprises d'investissement).

36 Voir le rapport pour 1995 de la Commission bancaire.

37 Propos rapportés par le quotidien "La Tribune", dans son édition du 1er octobre 1996 p. 20.

38 On rappelle que : l'alinéa premier de cet article prévoit que le gouverneur de la Banque de France peut "
inviter " les actionnaires ou sociétaires d'un établissement de crédit à fournir à celui-ci le soutien qui lui est nécessaire. C'est l'appel en comblement de passif aux actionnaires de référence. L'alinéa second prévoit quant à lui, que le Gouverneur peut également " organiser le concours " de l'ensemble des établissements de crédit " en vue de prendre les mesures nécessaires à la protection des intérêts des déposants et des tiers, au bon fonctionnement du système bancaire ainsi qu'à la préservation du renom de la place ". C'est l'appel à la solidarité de place.

39 Selon Olivier Pastré ("Le système bancaire français". Revue d'économie financière n° 27 hiver 97 p. 243) : "la France a résolument joué la carte de la "sécurité de place" organisée par les Pouvoirs publics plutôt que celle de la codification de règles de garantie, individuelle (et/ou collective), codification qui débouche nécessairement sur la mise en avant du rôle de "prêteur en dernier ressort". Cette stratégie correspond, me semble-t-il au "génie financier français ". Dans un pays dont la structure financière est de nature oligopolistique, la gestion des crises au cas par cas paraît la solution la plus réaliste et la moins coûteuse. La présence d'investisseurs institutionnels, trop peu nombreux pour que la concurrence ne se double pas de la coopération, donne à ce schéma toute sa cohérence ; une fois de plus la France se montre moins administrative en matière financière que les Etats-Unis".

40 Avis n° 42 annexé au procès-verbal de la séance du 27 octobre 1983 p. 37.

41 Rapport d'information précité p. 36 et 37.

42 Revue de Standard & Poor's : BankRatings Services mai 1996, Robert Scott Bugie et Elisabeth Grandin

43 Le premier alinéa de cet article dispose que : "tout établissement de crédit agréé en France adhère à un système de garantie destiné à indemniser les déposants en cas d'indisponibilité de leurs dépôts ou autres fonds remboursables. Toutefois, les établissements affiliés à l'un des organes centraux mentionnés à l'article 20 sont réputés satisfaire à l'obligation de garantie dans les conditions prévues au troisième alinéa du présent article." Son dernier alinéa dispose que : "le comité de la réglementation bancaire arrête, par des décisions soumises à l'homologation du ministre chargé de l'économie et publiées au Journal officiel de la République française, la liste des systèmes de garantie répondant aux conditions qui résultent du présent article et des systèmes reconnus équivalents".

44 Voir, notamment, Blanche Sousi-Roubi : "La directive sur la garantie des dépôts et son application en France : à la recherche d'une cohérence avec l'article 52 de la loi bancaire" ; Actes du colloque sur "l'épargne française à l'heure de l'Europe" Cinquièmes rencontres parlementaires organisées par M. Philippe Auberger, p. 34 et suivantes.

45 Voir sur ce point Blanche Sousi-Roubi, article précité.

46 Voir rapport précité de M. Philippe Auberger - Le contrôle des banques et la protection des déposants - pages 32 à 39 et 47 à 58.

47 Voir article de Carole Pitras dans la "Banque des particuliers" septembre 1996 : "Les systèmes de garantie des dépôts toujours en attente d'une homologation".

48 Olivier Pastré, rapport sur la modernisation des banques françaises p. 215

49 Olivier Pastré, article précité p. 264.

50 Entretien accordé à la revue Euromoney, mardi 1 er octobre 1996.

51 Article 2, 2ème alinéa : "L'organisation du travail par relais ou par roulement est interdite."

52 Cet accord comporte deux volets principaux. Le premier prévoit l'ouverture de certaines agences (au maximum 25 % des points de vente) dans la plage 8 h - 19 h, avec deux équipes en relais pour assurer une présence de 6 h 30 à 22 heures. Les contreparties offertes aux salariés concernés reprennent, pour l'essentiel, les dispositions de la "charte sociale" de l'AFB. Ainsi, l'exercice d'une activité avant 8 heures et après 18 heures entraîne une réduction du temps de travail de 50 % à salaire inchangé. Plus innovant, le second volet de l'accord porte sur le travail par roulement, notamment pour garantir l'ouverture d'une agence six jours sur sept (avec deux jours de repos consécutifs, dont le dimanche). Dans ce cadre, la direction propose le passage de la durée du travail hebdomadaire à 37 heures sur quatre jours, sans réduction de salaire. Ces mesures devraient se traduire, selon la direction de la banque, par la création de 150 emplois à temps plein supplémentaires dans le réseau.

53 "Article 2.- La rémunération des comptes à vue est interdite."

54 Voir, notamment, sur ce point les actes du Séminaire organisé par le centre interprofessionnel de recherches en droit bancaire à Lyon, le 31 mars 1994 : "les dates de valeur ont-elles un avenir ?"

55 Cette étude a été reprise dans la revue "Problèmes économiques" n° 2.478 du 26 juin 1996, p. 26 et suivantes.

56 Centre d'information sur l'épargne et le crédit (groupe Paribas).

57 Deux jugements récents de la High Court britannique viennent de confirmer que la jurisprudence britannique n'admet que très restrictivement la qualification d'un établissement financier. D'après Lord Justice Millett : "Aussi longtemps qu'il ne réalise rien d'anormal, ne cherche pas à imposer à son client un comportement particulier en échange du crédit octroyé et lui laisse en définitive sa liberté commerciale, le banquier ne peut se voir qualifier de dirigeant de fait. Une banque ne peut voir sa responsabilité civile engagée, sauf dans le cas extrême où la décision de poursuite ou de cessation d'activé relève de son seul bon vouloir". Antoine Adeline, "Responsabilité civile du banquier dispensateur du crédit ; le droit anglais", in Revue Banque, septembre 1996.

58 Cour de cassation 10 janvier 1995 : Sarl Invitance c/ Sté Crédit du Nord

59 20 milliards de francs entre 1986 et 1988 et 8 milliards de francs en 1994 selon la Compagnie bancaire et le professeur Mouillart. Les remboursements anticipés ont également coûté très cher à l'Etat, s'agissant des prêts d'accession à la propriété (PAP) octroyés au début des années 80 et renégociés en 1985 et 1986.

60 Cf. examen en commission et les contributions en annexe

61 Les Ambiguïtés de lEtat actionnaire. Jean Arthuis, Claude Belot, Philippe Marini. Rapport d'information n° 591. 1993-1994.

62 Voir article d'Eric Leser Quotidien "Le Monde" du 19 octobre 1995.

63 Verbatim 1.

64 Olivier Pastré, op. cité p. 245. Parlant du contrôle des risques ce professeur déclare : "La route est encore longue qui sépare l'ensemble des autorités de contrôle d'une connaissance fine des nouveaux métiers bancaires. Dans ce domaine, la solution passe d'abord et avant tout par la formation et aussi peut-être par une certaine "porosité" entre le métier de banquier et celui de fonctionnaire. Gageons que ce défi est à la portée des Pouvoirs publics, si ceux-ci le veulent vraiment".

65 Nazanine Ravaï, article paru dans l'édition du 15 mai 1996, "Banques publiques : un terrible fiasco".

66 Patrick Artus, revue "étude" de la Caisse des dépôts et consignations, n° 96-07 du 19 avril 1996 : "comment expliquer les difficultés des banques françaises".

67 Olivier Pastré "le système bancaire français : bilan et perspectives" ; Revue d'économie financière n ° 27, hiver 1993 p. 251. On observera que, sur le cas des SDR, cette analyse est tout à fait convergente avec l'analyse effectuée par la Commission des finances du Sénat (rapport d'information n° 44 "Les paradoxes du développement régional : le cas des SDR" MM. Jean Arthuis, Philippe Marini et Paul Loridant, octobre 1994.

68 Rapport reproduit en annexe, p. 63

69 Risque et financements bancaires des PME. Bertrand Larrera de Morel.

70 Voir "présentation du rapport annuel de la commission bancaire" document en annexe à l'audition de M. Jean-Claude Trichet, gouverneur de la Banque de France.

71 Patrick Artus : "expliquer les difficultés des banques françaises" Revue "étude" de la Caisse des dépôts et consignations n° 96-07 du 19 avril 1996.

72 Jean-Paul Betbèze, "Banques : la leçon américaine" article publiè dans "La tribune de La Tribune" avril 1996.

73 On rappelle que jusqu'en 1988, les banques étaient également assujetties à la taxe sur les encours, instituée en 1979, en remplacement de la taxe sur les activités bancaires et financières.

74 4,25 % jusqu'à 40.010 F, 8,50 % de 40.010 F à 79.970 F, et 13,60 % pour la partie de la rémunération supérieure à ce seuil.

75 Cette taxe a été instaurée par l'article 4 de la loi de finances rectificative du 28 juin 1982, puis pérennisée par l'article 21 de la loi de finances pour 1985 (n° 84-1208 du 29 décembre 1984).

76 On rappelle que l'avis du Conseil de la concurrence, établi à la demande de la Commission des finances du Sénat, est intégralement reproduit en annexe.

77 L'arrêté du 25 août 1972 a précisé qu'étaient seuls habilités à recevoir les fonds confiés aux notaires par leurs clients depuis moins de trois mois : la Caisse des dépôts et consignations, le service des chèques postaux et les caisses régionales de crédit agricole "pour ce qui concerne les fonds détenus par les notaires nommés à des résidences situées dans les communes de moins de 30.000 habitants, à l'exception des communes dont la population est comprise entre 5.001 et 30.000 habitants et qui font partie d'agglomérations de plus de 50.000 habitants ou dans les zones de rénovation rurale et d'économie de montagne, à l'exclusion des agglomérations de plus de 50.000 habitants. Un nouvel arrêté du 7 juin 1973 a étendu aux caisses du Crédit agricole, l'habilitation initialement accordée aux caisses régionales de cet établissement.

78 Le Conseil rappelle à cet égard les objectifs affichés par M. René Pleven, alors garde des sceaux : "l'arrêté du 25 août 1972 s'inscrit dans la ligne des mesures prises par la Chancellerie pour renforcer le contrôle et la gestion des études notariales (...). Il est évident que la concentration des fonds notariaux dans un nombre limité d'organismes financiers facilitera beaucoup le fonctionnement des inspections de comptabilité."

79 La récente décision du Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement du 24 octobre dernier, vient de lever toute ambiguïté sur ce point puisque, contrairement, aux objections formulées par l'AFB, il a reconnu la capacité juridique des caisses d'épargne d'acquérir une banque commerciale, en l'occurence, la banque Laydernier.

80 Les Caisses d'épargne ne l'étaient pas non plus jusqu'en 1992, et le Crédit agricole, jusqu'en 1982. La Poste a en également été exonérée jusqu'en 1991.

81 Les Caisses d'épargne et les caisses de crédit municipal en ont été exonérées jusqu'en 1992.

82 Par crainte d'une délocalisation de l'épargne liquide, la France avait adopté en 1989 une législation exonérant d'impôt les OPCVM de capitalisation investis en titres de taux (loi de finances pour 1990). En période de taux d'intérêt élevés notre système bancaire a ensuite traîné comme un boulet cette prime donnée à une épargne liquide et sûre.

83 Le Conseil national du crédit a observé que, de 1980 à 1994, les banques avaient réussi à diviser par deux le coût de traitement des chèques en termes réels, mais que le chèque restait un moyen de paiement plus coûteux que les autres. Depuis 1987, l'utilisation du chèque diminue, mais encore très faiblement (-0,15 % en 1994, année de "forte" diminution). Elle représente encore 50 % des paiements.

84 Une des méthodes que les banques avaient utilisée afin de compenser le coût des tenues de compte était l'utilisation des dates de valeur à des fins de rémunération lors des mouvements de liquidités en espèces et par chèque. Un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 6 avril 1993 a prohibé cette pratique pour les espèces.

85 Ces formules consistent en des prélèvements sur les comptes-courants, à date fixe, ou au-delà d'une certaine somme, au profit de placements rémunérés.

86 "Application de la loi du 21 juin 1936 sur la semaine de quarante heures dans les banques et tous les établissements de finance, de crédit et de change, ainsi qu'aux entreprises d'assurances de toute nature et aux sociétés d'épargne."

87 Les négociations au sein de la commission nationale paritaire AFB/syndicats progressent lentement. La réunion du vendredi 20 septembre s'est traduite par un échec. Celle du jeudi 10 octobre s'est achevée sur un constat mitigé, un désaccord persistant sur la durée du travail.

88 Voir à ce sujet l'intéressante analyse du Centre d'information sur l'épargne et le crédit - Bulletin n° 193 - juillet 1996.

89 N° C 291/15, citant l'arrêt "Säger" du 25 juillet 1991. Ce projet de communication interprétative de la deuxième directive fait actuellement l'objet d'une consultation dans toute l'Union et a donné lieu à une grande audition à Bruxelles le 18 septembre dernier.

90 Directive n° 86-102 du 22 décembre 1986 relative au rapprochement des dispositions législatives réglementaires et administratives des Etats membres en matière de crédit à la consommation.

91 Rapport du président du comité consultatif - 29 février 1996.

92 Cette décision fut prise à une époque où le livret A montrait des difficultés pour assurer cette mission. Voir le rapport "Financement du Logement", dit "rapport Lebègue" de juillet 1991.

93 On peut rappeler que la création du livret bleu en 1958 répondait à un souci similaire vis-à-vis du Crédit mutuel

94 ."Les Codevi : Une nécessaire remise en ordre" - Paul Loridant, Philippe Marini-Sénat n°298, 1994-1995.

95 Le taux du prêt locatif intermédiaire (PLI), financé sur LEP, n'a diminué que de 0,5 point (de 6,5 à 6,0 %) alors que le taux du LEP baissait de 0,75 point (5,50 à 4,75 %). Tout en étant "tiré", le taux du PLI reste trop élevé.

96 De décembre à mars 1996, dans les caisses d'épargne (Poste + Ecureuil), l'encours du livret A a régressé de 22,4 milliards de francs; celui du livret d'épargne populaire a progressé de 24,7 milliards de francs (contre 12,5 dans les autres banques, Crédit agricole compris). A la fin de juillet 1996, la Poste et l'Ecureuil détenaient 57 % des parts de marché du livret jeune. (Source : Banque de France).

97 L'utilité pour les épargnants est négligeable. Un titulaire de livret jeune au plafond de 10.000 francs ne gagne après un an d'épargne que 100 francs de plus qu'un titulaire de livret A!

98 C'est ce délai qui a été retenu dans la loi de finances pour 1996 pour l'assujettissement des SACI à l'impôt sur les sociétés et à la taxe professionnelle.

99 Ces chiffres sont donnés à titre d'exemple et mériteraient un calcul plus approfondi.

100 Article 9 - III. de la loi de finances rectificative pour 1975 (n° 75-1242 du 27 décembre 1975) : "III. - La moitié des sommes figurant sur les comptes spéciaux mentionnés au I. ci-dessus doit être affectée à des emplois d'intérêt général."

101 Conseil de la concurrence page 20.

102 Elle ne semble pas non plus avoir de portée juridique, selon le professeur G.Knaub, cité par A.Moster, président de la caisse d'épargne d'Alsace. "la restructuration du système bancaire. L'enjeu pour les Caisses d'épargne" p.31

103 Interview de M. René Barberye au journal "Le Monde" du 9 octobre - "La Tribune" du même jour fait état d'un rapport du CENCEP sur le sujet - "Les Echos" en dévoile les détails dans son numéro du 21 octobre.

104 Des évolutions de ce type ont eu lieu au Royaume-Uni, au Danemark, en Italie. En Italie, la loi d'Amato de 1990 a séparé les Caisses d'épargne en fondations d'un côté et en entité bancaire ordinaire de l'autre (voir CENCEP, études prospectives n° 29 - mai 1993).

105 Dans son intervention en séance publique au Sénat, sur le projet de loi réformant le statut de La Poste en 1990, M. Jean Arthuis avait mis en garde contre le développement des services financiers (JO Débats n° 335 (CR) du mercredi 6 juin 1990 - page 1275). La commission des finances, par la voie de son rapporteur, Henri Torre était elle-même très réservée - page 1260.

106 60.000 selon la Poste. La commission bancaire observe que 70.000 agents exercent à la fois des fonctions postales et de services financiers.

107 Le rapport d'information n° 2555 du 22 janvier 1991 (A.N. 1991-1992) du député Jean-Pierre FOURRE, au nom de la commission de la production et des échanges, réfute un à un tous les arguments défavorables au développement des services financiers, et notamment ceux du rapport du secrétaire général du Conseil national du crédit Yves Ullmo qui était réticent à ce développement.

108 Le contrat de plan prévoit que les services financiers de la Poste, qui ont vocation à évoluer dans une logique concurrentielle, doivent consolider leur part de marché globale, développer leurs produits d'exploitation, équilibrer leur gestion.

109 Les bureaux réalisent 30 milliards de francs de chiffre d'affaires (sur un total de 80 milliards de francs pour l'ensemble de la Poste).

110 Bulletin des commissions de l'Assemblée nationale n° 25 page 2679.

111 Voir avis n° 96-A-10 du Conseil de la concurrence du 25 juin 1996. BOCCRF du 3 septembre 1996 - page 450.

112 Le gouverneur de la Banque de France, dans une lettre à l'AFEC en date du 18 juillet 1995, puis le directeur du Trésor, devant l'ASF le 20 juin 1996 ont attiré l'attention des établissements sur les risques de la vente à perte.

113 Décret n° 79-889 du 16 octobre 1979 relatif à l'organisation administrative en milieu rural et à la création de services postaux polyvalents.

114 Voir réponse de M. Franck Borotra au député Gérard Jeffray. Assemblée nationale, 1ère séance du mardi 8 octobre 1996.

115 Avis précité, page 455.

116 Ainsi, la loi de finances pour 1996 a prévu de soumettre progressivement les SACI à l'impôt sur les sociétés et à la taxe professionnelle. Les SICOMI et SII ont été progressivement soumises à l'IS à partir de 1991. La Poste elle-même a été soumise à l'IS et à la taxe sur les salaires par la loi de 1991.

117 Avec le CCF, Indosuez, le Crédit national, le Crédit foncier, la Société générale, chacun sur un produit de placement.

118 V. rapport n° 270 - Sénat - Annexe au Procès-verbal de la séance du 13 mars 1996 - Alain Lambert - pp. 236 et 237

119 Voir à ce sujet le dossier précité : "The domino effect - A survey of international banking" - The Economist - 17 avril 1996.

120 Formule empruntée à l'ouvrage de M. Hervé de Carmoy, "La banque du XXI ème siècle" dans lequel l'auteur défend l'idée de la "banque-dividende", c'est à dire l'idée d'un nouveau modèle bancaire aux antipodes des institutions bureaucratiques gérées comme des administrations.

121 Voir Rapport de M. Philippe Auberger précité, p. 45.

122 Voir Rapport de M. Philippe Auberger précité, p. 47.

123 Les contraintes de ratio de solvabilité peuvent conduire un établissement ayant une marge d'intermédiation convenable à cesser ses activités faute de fonds propres. Une recapitalisation peut alors se justifier.

124 Rapport d'information précité : "Les ambiguités de l'Etat actionnaire" -- page : 31.

125 On pourrait objecter que l'Etat, pour la gestion de sa dette et de son patrimoine a besoin de relations étroites avec le système financier. Mais rien n'interdit de mener ces relations sur une base contractuelle pour les prestations de service dont l'Etat a besoin. Cela n'affaiblira pas non plus la tutelle qui s'exerce par la voie de la loi, du règlement et du contrôle. Ce dernier sera mieux exercé en l'absence de tout conflit d'intérêt.

126 Le groupe de travail rappelle que votre commission avait justifié l'existence des sociétés de développement régional précisément par une mission - le financement en fonds propres et à long terme des PME - que le système bancaire traditionnel n'était pas prêt à remplir, et comme établissement de place- "Les paradoxes du développement régional" - Sénat n° 44 (94-95) - Jean Arthuis, Paul Loridant, Philippe Marini.

127 Georges Soros dans le Figaro du 29 octobre 1996

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