B. LES PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS DE LA MISSION
Le programme soutenu des auditions, des audiences et des rencontres, a permis à la délégation d'appréhender dans toutes ses dimensions la politique suédoise d'égalité des chances.
PROGRAMME des ENTRETIENS et des RENCONTRES
16 h. 45 Départ de la délégation 21 h. 40 Arrivée à Stockholm Accueil par M. l'Ambassadeur et M. le Premier Secrétaire
9 h. / 10 h. Entretien avec Mme Lena SVENAEUS, Médiateur parlementaire pour les questions d'égalité entre les femmes et les hommes 10 h. 30 /11 h. 30 Présentation générale par M. l'Ambassadeur des institutions et de la vie politique suédoise, ainsi que de la situation des femmes en Suède 12 h. Déjeuner de travail avec les Attachés de presse de l'Ambassade de France 13 H. / 14H. Entretien avec Mme Inger SEGELSTRÔM, membre du Parlement, Président des femmes sociales-démocrates 14 h. 30 / 15 h. 30 Entretien avec M. LARS RÄDH, Adjoint au maire de Stockholm, chargé de l'Emploi et de l'Éducation (dont les questions d'égalité entre les femmes et les hommes) 20 h. Dîner de bienvenue offert par M. l'Ambassadeur, en présence de nombreuses personnalités du monde politique et économique suédois
9 h. 30 / 10 h. 30 Entretien avec Mme Ingalill LANDQVIST-WESTH, Vice-Président de la L.O. (syndicat des ouvriers), responsable des questions d'égalité entre les femmes et les hommes 11 h. / 11 h. 30 Audience avec Mme Birgitta DAHL, Président du Parlement suédois 11 h. 30 / 13 h Déjeuner de travail avec les membres de la commission parlementaire du Travail et de l'Emploi, chargée des uestions d'égalité entre les femmes et les hommes 13 h. 30 / 14 h. 30 Entretien avec Mme Ulrika MESSING, Ministre délégué à l'Emploi, chargée des questions d'égalité entre les femmes et les hommes 15 h. / 16 h. Entretien avec M. Per UNCKEL, ancien ministre de l'Éducation, membre du Parlement (conservateur), membre de la commission parlementaire du Travail, et Mme Christel ANDERBERG, membre du Parlement (conservateur), spécialiste au sein de son parti des questions d'égalité entre les femmes et les hommes
9 h. / 10 h. Entretien avec Mme Agneta STARK, universitaire, économiste. spécialiste des questions d'égalité entre les femmes et les hommes, consultante auprès du ministère de l'Emploi 10 h. 30 / 11 h. 30 Entretien avec Mme Inger EFRAIMSSON, dirigeante du SKTF (Svenska Kommunaltjânstemannafôrbundet), syndicat des fonctionnaires municipaux) 12 h. Visite du Lycée français de Stockholm et déjeuner avec le proviseur, des enseignants et des responsables des parents d'élèves 14 h. Retour sur Paris |
Il lui a, dans le même temps, révélé, un incontestable décalage entre le droit ou les chiffres et la pratique.
Sur bien des points, en effet, la délégation a pu constater que les Suédoises continuent de s'interroger et, tout comme les femmes d'autres pays, d'aspirer à une meilleure égalité de statut.
À ce constat d'ordre structurel, s'ajoute une donnée conjoncturelle : la crise économique grave que la Suède traverse depuis le début des années 1990 a remis en cause le « modèle suédois », y compris dans ses éléments spécialement orientés vers la promotion de la femme dans la société :
1. La politique suédoise en matière d'égalité des chances est une des plus actives au monde.
• La politique suédoise
d'égalité des sexes s'ancre dans une tradition sociologique
très ancienne, qui veut que les hommes et les femmes soient
placés et traités à égalité.
Comme l'a rappelé M. l'Ambassadeur lors de l'entretien de présentation accordé à la délégation le 23 avril 1997, la règle dans les bals suédois était « Une fois sur deux, les dames invitent ». En 1987, le rapport d'une commission d'enquête officielle sur l'égalité des femmes et des hommes en Suède était d'ailleurs intitulé « Une fois sur deux, les dames » ...
Au demeurant, cette tradition d'égalité entre les sexes n'est peut-être que la manifestation d'une hiérarchie sociale globalement moins différenciée que dans d'autres pays.
En Suède, par exemple, l'échelle des salaires est plus resserrée que dans beaucoup d'États de l'Union européenne. Cette relative uniformité est perceptible dans bien d'autres domaines, ne serait-ce que dans la tenue vestimentaire ou dans le mobilier domestique des Suédois.
Sans méconnaître les écarts qui peuvent subsister dans la société suédoise, on doit à tout le moins constater qu'ils y sont moins perceptibles et moins valorisés en tant que tels. Sur ce plan, la doctrine luthérienne et son refus du « paraître » semblent avoir profondément marqué les mentalités et les comportements.
Ce particularisme a trouvé une expression nouvelle dans le « modèle suédois », qui s'inscrit lui-même dans un contexte général assez spécifique.
À bien des égards, la Suède se distingue en effet des autres États européens et même, plus singulièrement, de ses voisins immédiats. Lorsqu'un Suédois se rend au Danemark, par exemple, il n'est pas rare de l'entendre dire « Je vais en Europe » ...
En dépit de sa tradition jadis guerrière, la Suède est devenue pays neutre depuis le début du XIXe siècle, ce qui l'a tenue éloignée des deux derniers conflits mondiaux et lui a permis de mobiliser ses capacités productives sur d'autres préoccupations.
Excentrée, insulaire, la Suède a manifesté durant longtemps une certaine tendance au repli sur ses valeurs propres, pénétrées de luthéranisme et souvent considérées par les Suédois eux-mêmes comme formant un modèle à exporter plutôt que comme une situation susceptible d'emprunter aux exemples étrangers.
La Suède, en revanche, est marquée par un fort « americano-tropisme » lié à une très importante émigration suédoise vers les Etats-Unis au XIXe siècle (environ 1 million d'émigrés, soit le tiers de la population de l'époque). Les Américains d'origine suédoise établis aux Etats-Unis -souvent plusieurs générations- conservent des liens étroits avec leurs familles demeurées en Suède.
La Suède cultive enfin un goût et un art tout particulier du consensus, qui constitue le processus décisionnel normal dans la plupart des secteurs de la vie sociale.
Les Suédois discutent ainsi longuement en vue de négocier des solutions susceptibles d'être admises par tous mais lorsqu'elles sont approuvées, ces solutions ne sont plus remises en cause.
Cette culture du dialogue et du consensus a profondément marqué les relations sociales et la pratique de la négociation collective entre les organisations syndicales et patronales.
La forte expansion économique de la Suède dans les années 1970/1980, la neutralité économique qui la plaçait en position très concurrentielle et l'ampleur du dialogue social ont contribué au développement de ce qui fut désigné le « modèle suédois », facilité par un revenu intérieur brut par habitant parmi les plus élevés au monde.
• Le modèle suédois traverse cependant
une grave crise depuis le début des années 1990.
Le revenu intérieur par habitant s'est trouvé ramené au 1 le rang mondial, et beaucoup des acquis antérieurs sont actuellement menacés, voire déjà remis en cause.
L'entrée récente de la Suède dans l'Union européenne a d'ailleurs, dans une certaine mesure, été accueillie avec un certain désappointement de l'opinion publique suédoise, beaucoup considérant qu'elle représente un pis-aller, voire un constat d'échec faute d'avoir pu préserver le statut antérieur.
Cette détérioration économique a des conséquences perceptibles sur la situation des femmes, avec une tendance à la précarisation de l'emploi féminin, naguère conçu comme le pivot essentiel de la politique d'égalité des chances.
2. Une politique sociale active en faveur de d'égalité des sexes dans le travail.
• En Suède, la politique sociale a
été axée sur l'égale aptitude pour chaque individu
-femme ou homme- à assurer son indépendance économique par
l'exercice d'une activité rémunérée.
D'où la mise en place d'un ensemble de mesures destinées à permettre à tous -femmes et hommes- de concilier leur vie professionnelle et leurs responsabilités de parents, de façon que chacun puisse participer, selon ses capacités, à la vie de la communauté dans tous ses aspects.
• Dans cette perspective, la Suède a
très tôt pris en compte comme une dimension essentielle de sa
politique sociale l'égalité des chances entre les femmes et les
hommes, conçue à la fois comme un élément de
promotion individuelle et comme une des conditions d'un fonctionnement des
entreprises plus harmonieux, donc plus productif.
Dans la négociation sociale, l'aspect « égalité des chances » semble même avoir pris le pas sur d'autres revendications, l'abaissement de l'âge de la retraite (toujours fixé à 65 ans, par exemple) ou la durée du travail. De même, la revendication salariale inclut comme élément fondamental la nécessité d'assurer l'égalité des traitements entre les femmes et les hommes à travail égal.
À l'heure actuelle, l'acte fondamental qui concrétise cette préoccupation est la loi n° 433 de 1991 sur l'égalité professionnelle entre hommes et femmes, reproduite en annexe dans le présent recueil. Mais ce texte a lui-même succédé à plusieurs autres normes législatives ou contractuelles qui tendaient déjà à placer la femme à égalité avec l'homme tant dans l'accès à l'emploi que dans les rapports entre salariés et employeurs.
UNE INSTITUTION SUÉDOISE ORIGINALE : L'OMBUDSMAN (MÉDIATEUR) À L'ÉGALITÉ DES CHANCES La délégation a été reçue par Mme Lena Svaenus, médiateur parlementaire pour les questions d'égalité entre les femmes et les hommes, ou « Ombudsman à l'égalité des chances » (en suédois, le « JämO »).
Il est chargé de promouvoir l'égalité des chances entre hommes et femmes dans le travail, tant par la négociation et l'incitation que par le recours à des moyens légaux de pression, notamment la saisine de la Cour du travail. Les services du médiateur à l'égalité des chances comportent actuellement des bureaux indépendants à Stockholm et un secrétariat de dix-sept personnes. L'ombudsman souhaiterait les accroître pour pouvoir répondre plus vite aux nombreuses demandes dont il est saisi. Le recours aux services de l'ombudsman est gratuit.
Il contrôle l'Académie de l'Économie, institut spécialement chargé de dispenser aux femmes une formation spécifique destinée à leur permettre de faire face à des responsabilités de haut niveau dans les entreprises les plus importantes.
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Cette préoccupation s'explique en large part par le taux traditionnellement très élevé de l'activité professionnelle des femmes, un des plus élevés au monde. Il avoisine actuellement 80 % des femmes dans la classe d'âge 20-64 ans, le fait pour une femme de ne pas travailler étant d'ailleurs assez mal vu en Suède, y compris pour les femmes ayant un ou plusieurs enfants.
La législation sociale, à cet égard, est conçue pour permettre aux femmes de travailler au même titre que les hommes, plutôt que pour leur ménager un statut particulier ou protecteur dans le monde du travail. Ainsi, comme l'a fait remarquer l'Ombudsman chargé des questions d'égalité lors de son audience, le 2 mai 1997, « en Suède, il n'y a pas d'interdiction du travail de nuit des femmes, et nous n'en souhaitons pas » .
Dès 1960, la Confédération générale du travail de Suède a conclu avec la Confédération patronale suédoise un accord abolissant les barèmes salariaux différentiels pour les femmes.
En 1971, l'imposition globale des ménages a été abrogée, car elle était considérée comme défavorable à l'emploi féminin. De fait, beaucoup de suédoises mariées postulant à un emploi faiblement rémunéré hésitaient auparavant à s'engager dans la vie professionnelle, par crainte que leur revenu propre soit absorbé en large part par l'impôt pesant sur les revenus cumulés des deux conjoints.
En 1974, la Suède a institué une « assurance parentale » permettant aux deux parents de se partager le congé accordé à la naissance d'un enfant, et de percevoir durant douze mois une indemnité compensatrice du manque à gagner du fait de ce congé. Le salaire de référence pendant le congé parental est équivalent au montant de l'indemnité visée en cas d'arrêt de travail pour maladie, ce qui est appréciable dans un pays où l'échelle des salaires est plus restreinte que dans beaucoup d'autres États.
En 1979, une loi a permis à tous les parents d'opter pour une journée de travail de six heures (au lieu de huit heures, durée légale du travail), la perte correspondante de rémunération étant néanmoins laissée à la charge du salarié.
En 1980, la Suède s'est dotée d'une institution nouvelle, l'Ombudsman à l'égalité des chances (voir l'encadré). Il convient néanmoins d'observer que cette institution, qui pourrait être considérée comme très innovante dans d'autres États, correspond en fait à une pratique commune en Suède, où il existe des Ombudsman spécialisés dans d'autres secteurs.
• La loi de 1991 sur l'égalité
professionnelle entre hommes et femmes, entrée en vigueur au 1er janvier
1992 et amendée en 1994, s'inscrit ainsi dans le prolongement de mesures
beaucoup plus anciennes.
Cette loi comporte deux catégories de mesures :
- des mesures dites proactives, imposées aux employeurs en vue de promouvoir l'égalité des travailleurs, hommes ou femmes (l'établissement d'un plan d'égalité, par exemple) ;
- des mesures prohibant les traitements discriminatoires fondés sur le sexe.
Les employeurs sont tenus de mettre en oeuvre le principe du « travail d'égale valeur » qui garantit, à travail égal, une identité de traitement et de salaire des travailleurs des deux sexes. De même, les employeurs doivent prendre des mesures actives pour promouvoir l'égalité des femmes et des hommes sur le lieu de travail.
Chaque année, les employeurs ayant dix salariés ou plus doivent dresser un relevé des différences salariales entre les deux sexes et préciser les mesures qu'ils envisagent de prendre pour les faire disparaître. Ce relevé est intégré au plan annuel de promotion de l'égalité établi par l'entreprise et soumis, sur demande, à l'Ombudsman à l'égalité des chances. Ce plan d'égalité revêt un caractère obligatoire, à peine d'une amende fort élevée (200 000 couronnes suédoises, soit environ 150 000 francs).
Concernant la lutte contre les discriminations, la loi comporte un volet répressif (l'employeur qui enfreint cette interdiction peut être condamné à devant dommages-intérêts) et différentes dispositions prohibant des comportements comme le harcèlement sexuel, etc..
Tout salarié qui se prétend victime de discrimination sexiste peut obtenir l'aide de son syndicat, lequel peut saisir l'Ombudsman ou porter l'affaire devant la Cour du travail (Arbetsdomstolen).
S'il n'est pas syndiqué (situation rare en Suède), ou s'il estime que l'aide syndicale n'est pas efficace, le salarié peut aussi s'adresser directement à l'Ombudsman, dont les services sont gratuits. Le système est consolidé par le fait que l'Ombudsman s'est vu reconnaître le droit de porter les affaires dont il est saisi devant la justice, le taux des saisines oscillant aux alentours de 50 %.
Outre ces mesures, et sous la pression de l'Ombudsman, le patronat suédois est en permanence rappelé à respecter de lui-même l'égalité des sexes dans le travail, le recours aux moyens légaux étant conçu comme une solution de repli traduisant l'échec des mécanismes spontanés de régulation des rapports sociaux.
Paradoxalement, toutes ces mesures ont pu susciter des réticences de la part des syndicats, l'Ombudsman intervenant dans un domaine où leur rôle traditionnel de médiation est désormais concurrencé. D'autre part, ces mesures législatives sur l'égalité représentent autant d'irruption de la puissance publique dans des rapports sociaux naguère exclusivement régis par la négociation collective.
• Pour rendre effectives toutes ces incitations, la
Suède a dû se doter d'un arsenal de mesures d'accompagnement,
notamment d'équipements collectifs d'accueil des enfants non
scolarisés.
Depuis le 1er janvier 1994, tous les parents demandant la prise en charge d'enfants ont légalement droit à une place dans un centre de garde de jour préscolaire pour les enfants âgés de 1 à 6 ans, et dans un centre de loisirs pour ceux âgés de 7 à 12 ans. Ces garderies peuvent être gérées par des particuliers ou par des structures de coopération interparentale, mais le plus souvent, elles relèvent des collectivités publiques, en très large majorité les collectivités locales.
3. Les organes de promotion de l'égalité à l'échelon gouvernemental
Indépendamment de la mission confiée à l'Ombudsman, la Suède accorde une attention toute particulière, à l'échelon des institutions gouvernementales, au respect de l'égalité des chances et à la promotion sociale de la femme.
En application du principe dit de « mainstreaming », il est ainsi prescrit à tous les départements ministériels de porter une attention toute particulière, dans leur domaine de compétence, à tous les aspects de l'égalité entre les sexes dans leurs domaines de compétence. Le pilotage et la responsabilité générale de cette politique incombent à un membre du Gouvernement spécialement désigné à cet effet (actuellement, Mme Ulrika Messing, ministre délégué à l'Emploi, qui a accordé une audience à la délégation de la mission commune d'information).
Une division pour l'égalité des sexes (Jämställdhetsenheten) relevant des services du Premier Ministre -sorte de comité interministériel- est chargée de préparer les décisions gouvernementales concernant l'égalité des sexes.
Placé auprès du ministère chargé de superviser la mise en oeuvre de la politique d'égalité, un Conseil pour l'égalité des sexes (Jàmstàlldhetsradet) assure la représentation des intérêts publics et privés collectifs. Y sont représentées trente-deux organisations (syndicats, organisations patronales, partis politiques, mouvements féminins, etc.). Ce conseil se réunit quatre fois par an pour échanger des informations et débattre de questions d'actualité concernant l'égalité entre les hommes et les femmes.
Une commission pour l'égalité des sexes (Jämställdhetsnämnden) a enfin été instituée par la loi sur l'égalité des chances. Sur requête de l'Ombudsman, elle est habilitée à prescrire aux employeurs de prendre des mesures spécifiques en vue de promouvoir l'égalité des sexes sur les lieux de travail.
4. Une participation quantitative très élevée des Suédoises à la vie politique
a) Du point de vue quantitatif, la Suède avoisine la parité dans la plupart des fonctions politiques
•
Ainsi qu'il a été dit, la
vie politique suédoise est marquée par une participation
féminine particulièrement élevée, voisine de la
parité : 44 % de femmes au Parlement, et 50 % de femmes au
Gouvernement.
Du point de vue qualitatif, les femmes occupent des fonctions aussi importantes que celles qui sont confiées aux hommes : ministères régaliens (la Justice, par exemple), présidence de commissions parlementaires, etc.. Le Président du Parlement est actuellement une femme, Mme Birgitta Dahl, qui a elle-même succédé à une autre femme.
S'agissant du Parlement, cette progression des femmes a été particulièrement perceptible depuis les élections de 1994, mais elle s'est amorcée depuis 1971, le nombre de femmes députés ayant triplé dans l'intervalle. Le Président de l'assemblée législative, Mme Birgitta Dahl, faisait du reste observer à la délégation que lors de sa première élection comme député en 1968, les femmes n'étaient encore que 11 %, soit un pourcentage approximativement égal au pourcentage moyen constaté dans la plupart des Parlements dans le monde.
• La prise de responsabilité des femmes au
sein des partis politique est du même ordre. Au Parlement, le Parti
social démocrate est représenté à 48 % par des
femmes (30 % durant la précédente législature), les autres
partis étant représentés dans une fourchette comprise
entre 28 % (Parti Modéré) et environ 40 % (Verts de Suède
44 % ; Parti de la Gauche : 45 % ; Centre : 37 % ;
Libéraux : 35 % ; Démocrates-chrétiens : 33
%).
En règle générale, les femmes ne constituent pas à proprement parler une structure spécifique au sein des partis. Elles se groupent par affinités politiques en fédérations féminines proches des différents partis, qu'elles soutiennent tout en formant un organe distinct. La plupart des membres de ces fédérations prolongent leur engagement par une adhésion individuelle au parti de rattachement. Ce système permet de faire valoir le point de vue spécifiquement féminin au sein des partis, sans établir en leur sein un clivage sexué.
• Dans les collectivités locales, les femmes
ont acquis une place significative, tant dans les zones urbaines que dans les
zones à faible ou très faible densité
démographique.
D'environ 34 % dans la précédente législature (les élections locales suédoises ont lieu en même temps que les élections parlementaires), la proportion des femmes y dépasse actuellement 40 %, voire 50 % ou plus dans certaines communes (Bollnäs, 48 %; Göteberg -la deuxième plus grande ville de Suède- 50 % ; etc.).
Les femmes sont encore mieux représentées dans les conseils généraux (48 % en moyenne), peut-être parce que ces conseils, qui gèrent la plupart des services médico-sanitaires, attirent par prédilection les candidatures féminines.
b) Les facteurs d'une participation très active des femmes à la vie politique suédoise
• Cette évolution, quoique favorisée
par l'état d'esprit général de la société
suédoise, ne s'est pas produite spontanément et a fait l'objet de
luttes assez âpres, dont Mme Agneta Stark, universitaire, a
retracé les grandes étapes lors de son audition par la
délégation de la mission commune.
Car si le principe d'égalité est posé par la Constitution suédoise, il n'existe en revanche aucune législation spécifique assurant aux femmes de pouvoir accéder aux fonctions politiques, tant locales que nationales. Contrairement à une opinion assez répandue, la Suède n'a donc pas institué en cette matière de « quotas » comparables à ceux de la législation belge, ni même de mécanisme garantissant aux femmes une représentation minimum.
Là encore, il semble que la Suède ait manifesté quelque prévention à l'encontre d'un éventuel recours à la loi, préférant s'en remettre à la négociation sociale et au consensus.
À ce propos, lors de l'audience accordée à la délégation, Mme Ulrika Messing, ministre en charge des questions d'égalité entre les femmes et les hommes, a apporté des éclaircissements parfaitement explicites :
« Les progrès ont parfois eu lieu vite, parfois lentement. Parfois, on aurait préféré légiférer plutôt que de laisser se poursuivre le débat dans l'opinion publique, mais on a finalement préféré laisser l'idée progresser dans l'opinion...
« À défaut, on aurait légiféré mais cette seule menace a dispensé d'avoir à le faire...
« Si les quotas ont fait l'objet de longues discussions, nous n'avons jamais réellement voulu en introduire...
« Si ont veut aller vite vers la parité, on peut utiliser les quotas mais il y a un risque : les femmes entrées en politique grâce aux quotas le traîneront toute leur vie, on dira qu'elles sont là, non pour leur compétence, mais pour remplir le quota. C'est une décision politique à prendre, mais on en connaît les conséquences ».
En définitive, la part que prennent les suédoises à la vie politique ne doit donc rien à des quotas institués par le législateur, mais à une action volontariste des partis politiques eux-mêmes, conduite à la fois sous la pression des femmes et sur la base de facteurs socio-politiques favorables.
• De surcroît, les Suédoises sont moins
confrontées à certains obstacles
qui, dans d'autres pays,
peuvent freiner l'accession des femmes à la vie politique.
Plusieurs personnalités ont ainsi souligné qu'il n'existe pas en Suède de tradition de cumul des mandats, d'où une plus grande fluidité du personnel politique, dont les femmes ont su tirer parti. En droit, la législation n'interdit pas les cumuls, mais dans les faits, ils sont mal perçus par les électeurs et ont tendance à se raréfier.
De même, on note depuis quelques années un rajeunissement du personnel politique, la reconduction des sortants ayant un caractère moins systématique que dans d'autres États. Il en résulte un renouvellement plus rapide du personnel politique suédois, ce qui accroît mécaniquement les occasions offertes aux femmes de s'insérer dans la vie politique.
• Pour autant, cette évolution ne s'est pas
produite sans luttes, beaucoup de Suédoises estimant que le cours
naturel des choses était trop lent et ne permettait pas d'atteindre
assez rapidement la « masse critique » au-delà de
laquelle le phénomène peut s'auto-entretenir.
Le Président du Riksdag, Mme Birgitta Dahl, a émis à ce propos des observations très révélatrices :
« Les lois n'auraient pas été efficaces sans un travail en amont pour qu'elles puissent s'appliquer.
« On a veillé à disposer de beaucoup de femmes dans beaucoup de postes, plutôt que de quelques femmes brillantes dans quelques postes prestigieux.
« Dans beaucoup de pays, on compte quelques femmes brillantes, mais peu nombreuses, qui parviennent à se hisser. Mais comme elles sont trop peu nombreuses, elles finissent par se plier au système, elles travaillent comme des hommes.
« En dessous d'un pourcentage minimum de femmes, les images et les valeurs masculines prédominent ».
Pour parvenir à cette masse critique, les organisations féminines suédoises ont exercé dès les années 1970 une pression constante qui a trouvé son point culminant à l'approche des élections de 1994.
Pour surmonter les réticences des partis politiques, elles ont en particulier menacé de présenter des listes de femmes contre les partis traditionnels, menace très dissuasive dans un pays pratiquant le scrutin proportionnel et où les écarts de voix contre la coalition majoritaire et l'opposition sont en général très serrés.
En d'autre termes, des listes de femmes, avec leur potentiel d'environ 5 % des suffrages, auraient été de nature à priver les partis traditionnels d'un nombre suffisant de suffrages pour qu'ils puissent espérer emporter la victoire.
Cette action, dont Mme Agneta Stark a retracé les grandes étapes et certains épisodes anecdotiques lors de son audition du 25 avril 1997, a amené le Parti social-démocrate, actuellement au pouvoir, à présenter aux élections générales de 1994 des listes prioritaires constituées selon le principe « un homme / une femme ». Face à cette décision, les autres partis ont été contraints, peu ou prou, d'adopter une stratégie comparable.
On peut ainsi constater que les partis politiques suédois, soucieux de ne pas s'aliéner une partie de l'électorat féminin, ont d'eux-mêmes opté pour un mécanisme de quotas internes, sans que le législateur ait dû les y contraindre par des mesures légales obligatoires.
Une fois amorcée, cette dynamique a produit des effets dans d'autres secteurs en relation avec la vie politique proprement dite.
Là encore, Mme Ulrika Messing a dressé un bilan instructif :
« La menace de constitution d'un parti de femmes en 1994 a accéléré l'évolution des choses...
« Cela a en outre permis de fixer des buts à atteindre dans les nominations publiques aux postes de responsabilité : 40 % en 1995... »
La délégation a néanmoins pu constater que cette analyse n'est pas partagée par le Parti conservateur qui, selon Mme Christel Anderberg, entendue par la délégation le 24 avril 1997, dénonce le caractère quelque peu artificiel de cette stratégie électorale :
« Dans la vie politique, on constate une émancipation forcée, plusieurs partis s'imposent des quotas -une femme sur deux candidats- avec un taux de représentation féminine élevé, certes, mais les femmes des quotas sont en fait les plus jeunes, les moins expérimentées, celles qui ne peuvent exercer une véritable influence.
« Pour les conservateurs, une place au Parlement n `est pas un but en soi, le Parti conservateur prend donc ses distances envers les quotas -même volontaires- et toutes les formes de discrimination positive.
« Il ne nous parait pas acceptable de discriminer, fût-ce à raison du sexe, et nous pensons que c `est inopérant car pour réussir, il faut avant tout que les femmes se fassent connaître et respecter... » .
Mme Christel Anderberg a ajouté :
« Pour nous, le quota doit être qualitatif » .
5. On constate cependant un net décalage entre des statistiques très favorables et une réalité beaucoup plus contrastée.
Avec 50 % de femmes au Gouvernement, plus de 40 % de femmes au Parlement, entre 40 et 50 % de femmes dans les conseils élus des collectivités territoriales, la Suède représente -au moins du point de vue quantitatif- un modèle remarquable de participation des femmes à la vie publique.
Ces indicateurs statistiques traduisent-ils pleinement la réalité sociologique suédoise ? Doivent-ils être considérés en eux-mêmes comme les marques d'une avancée indubitable sur la voie de l'égalité entre les sexes ?
Les éléments d'information recueillis par la délégation de la mission commune incitent fortement à nuancer la réponse à ces questions.
Lors de son audition, Mme Christel Anderberg n'a pas hésité à poser le problème en termes abrupts :
« La parité suédoise est pour le Gouvernement un produit d'exportation, nécessaire pour cacher à l'extérieur ses échecs dans bien d'autres domaines » .
De fait, tous les interlocuteurs de la délégation ont admis, voire souligné, que la situation concrète des suédoises était loin d'être aussi favorable que pouvaient le laisser supposer certaines statistiques trop globales et, comme telles, sans doute réductrices de la réalité.
Il semble d'ailleurs que les Suédoises elles-mêmes, tout en étant conscientes de la spécificité de leur situation, ne manquent pas de la comparer à celle des femmes des autres États de l'Union européenne et de la trouver, parfois, plus favorable que la leur, en particulier dans les rapports à l'économie.
L'Ombudsman à l'égalité des chances a bien situé cette problématique. Interrogée sur la position des femmes face à l'adhésion de la Suède à l'Union européenne, elle a déclaré :
« Certaines ont craint qu'on les compare aux Espagnoles ou aux Portugaises et qu'on leur dise que les Suédoises étaient déjà très avantagées.
« D'autres, au contraire, ont observé que ça allait mieux ailleurs, en France, par exemple, pour ce qui tient à l'accès aux emplois de responsabilité dans les entreprises. Ça les a fait réfléchir ».
a) La persistance de schémas familiaux peu favorables à l'émancipation des femmes.
La délégation a recueilli un témoignage unanime : en dépit d'une législation sociale très égalitaire, l'essentiel des charges familiales et parentales continue de peser en Suède presque exclusivement sur les femmes.
Lors de ses déplacements dans Stockholm, la délégation a observé qu'on remarquait finalement peu de pères accompagnant des enfants en bas âge, nonobstant la législation sur les congés parentaux.
Son constat a été corroboré par les indications statistiques fournies à la délégation.
C'est ainsi que la législation a été récemment modifiée pour contraindre
les pères à prendre personnellement une fraction du congé parental, à peine de forclusion et de perte du droit à l'indemnité correspondante. La raison en est que lorsque la répartition du congé entre le père et la mère était entièrement laissée à l'appréciation du couple, très peu d'hommes demandaient à en bénéficier, préférant ne pas interrompre leur activité professionnelle. La période minimale de congé parental désormais imposée aux pères demeure néanmoins limitée à un mois. Le père peut par ailleurs en bénéficier jusqu'à ce que l'enfant atteigne douze ans, ce qui, en pratique, revient dans beaucoup de cas à laisser la mère s'occuper seule des très jeunes enfants.
L'Ombudsman à l'égalité des chances a confirmé cette situation :
« la femme suédoise reste la principale maîtresse de maison, d'autant qu'il y a en Suède une très forte réticence, et même une résistance, au recours à des employés de maison. »
Les Suédoises désireuses de s'investir dans des activités politiques doivent ainsi faire face à une double charge et même à une triple charge, puisqu'elles sont aussi parallèlement engagées à plus de 80 % dans la vie professionnelle active.
Comme l'a noté Mme Inger Segelström, député, Président des femmes socio-démocrates :
« lorsque les femmes entrent en politiques, les enfants y entrent aussi...
« Il faut résoudre ces problèmes pratiques, sinon les femmes vont quitter la politique car elles n'ont pas d'employés de maison » .
Mme Christel Anderberg a déclaré dans le même sens :
« En Suède, comme quasiment partout, la femme assume l'essentiel des responsabilités familiales, si bien que les Suédoises travaillent énormément. Il en résulte une détérioration de la santé des femmes et un taux de divorce extrêmement élevé. »
b) La persistance de discriminations de fait sur le marché de l'emploi ou dans la promotion professionnelle.
En dépit de la loi sur l'égalité des chances, la structure de l'emploi est marquée en Suède par des différences objectives de situation entre les femmes et les hommes, tant en ce qui concerne la typologie des emplois féminins que le statut des femmes dans le travail ou les chances d'y accéder à des postes de responsabilité.
• On note en premier lieu que si les femmes
représentent globalement 50 % de la population active suédoise,
et alors même qu'elles sont légalement autorisées à
exercer tous les types d'emplois (y compris dans les forces armées), les
suédoises sont majoritairement employées dans le secteur public
(60 % de la population active féminine), notamment dans les
collectivités locales. Elles y occupent souvent des emplois à
faible qualification.
Ces postes sont en moyenne moins considérés et moins bien rémunérés que ceux du secteur privé.
D'autre part, au sein même du secteur public -comme du secteur privé d'ailleurs- les femmes occupent en moyenne des postes moins qualifiés ou de moindre responsabilité que ceux confiés aux hommes. Majoritaires dans le personnel enseignant du primaire, par exemple, elles deviennent très minoritaires dans l'enseignement supérieur (93 % des professeurs d'université sont des hommes).
• D'autre part, les femmes sont souvent
cantonnées dans des emplois à temps partiel, notamment dans le
secteur public, ainsi que l'ont fait remarquer plusieurs intervenants, en
particulier Mme Inger Efsaimsson, dirigeante du Syndicat des fonctionnaires
municipaux (SKFT) lors de son audition du 25 avril 1997.
Elle a ainsi fait remarquer que 45 % des salariées des collectivités locales étaient employées à temps partiel, alors que beaucoup d'entre elles préféreraient travailler à plein temps.
• Les Suédoises actives semblent
également rencontrer beaucoup plus de difficultés que leurs
collègues masculins dans la promotion à des emplois de
responsabilité, tant dans le secteur public que dans le secteur
privé.
Ainsi, dans les entreprises privées, seulement 10 % des postes d'encadrement sont confiés à des femmes, et moins de 0,5 % des postes de direction les plus élevés.
Dans l'administration, les pourcentages sont meilleurs, sans marquer pour autant une véritable égalité : environ 30 % de femmes chefs de bureau ou de servi. Ce taux doit même être considéré comme faible, rapporté à la population des agents publics, très majoritairement composée de femmes.
• S'agissant des salaires, la
délégation a recueilli des informations
précises et
concordantes qui, il faut bien l'admettre, cadrent mal avec le
principe
légal d'égalité de rémunération
à travail égal.
Ainsi, d'après Mme Inger Efraimsson, les femmes, à travail égal, ne gagneraient que 87 % du salaire des hommes (statistique 1991, l'écart s'étant réduit depuis 1973, où il était de 73 %). Pour éviter toute erreur d'interprétation ou de compréhension, la délégation a invité à plusieurs reprises son interlocutrice à bien confirmer cette indication.
Mme Ingalill Landqvist-Westh, vice-présidente du Syndicat des Ouvriers (SO), a cité des écarts comparables lors de son audition du 24 avril 1997. Selon elle, les femmes gagneraient dans l'industrie, à travail égal, seulement 90 % du salaire masculin, ajoutant « plus les salaires dans un secteur sont faibles, moins il y a d'hommes » .
La veille, sans préciser de pourcentage, M. Lârs Râdh, adjoint au maire de Stockholm, chargé des questions d'égalité entre les femmes et les hommes avait indiqué à la délégation :
« Il subsiste encore des écarts de salaires très importants entre les femmes et les hommes, non seulement en raison des différences des professions majoritairement choisies par les femmes, mais aussi à profession et à niveau hiérarchique identiques ».
En termes moins quantitatifs que qualitatifs, il a par ailleurs observé :
« Si on a créé tant de structures d'accueil des jeunes enfants, ce qui permet aux femmes de travailler, c'est peut-être moins par souci de leur promotion sociale que parce que les employeurs avaient un urgent besoin de main d'oeuvre ».
De son côté, l'Ombudsman à l'égalité des chances a souligné que les cas dont elle était le plus fréquemment saisie tenaient précisément à des inégalités de salaires, au détriment des femmes.
Quoi qu'il en soit, une des revendications principales des syndicats est actuellement le respect du principe « à travail égal, salaire égal », ce qui permet de penser qu'il est encore loin d'être pleinement appliqué par les employeurs.
• Plusieurs interlocuteurs de la
délégation ont également souligné qu'avec la crise
économique que traverse actuellement la Suède, le statut des
femmes au travail marquait une tendance à la précarisation.|
Le recours par les employeurs au temps partiel imposé est devenu un instrument banal de régulation du personnel. Or, ce temps partiel imposé s'adresse plus souvent aux femmes qu'aux hommes.
La crise également contraint les pouvoirs publics à prendre un certain nombre de mesures remettant en cause la politique d'emploi dans le secteur public, ainsi que des éléments de protection sociale. Majoritaires dans le secteur public, les femmes sont les premières touchées par ces mesures d'assainissement.
• La délégation n'a pas manqué
de s'intéresser à la place des femmes dans le monde syndical
suédois.
Les organisations syndicales exercent en effet une influence considérable dans la vie politique et sociale suédoise, où les rapports collectifs sont régis pour l'essentiel par des règles conventionnelles négociées entre les syndicats et les organisations patronales.
Le taux global de syndicalisation atteint en Suède 80 %. Celui des femmes est légèrement supérieur (85 % de syndiquées) et en constante Progression (55 % seulement en 1968).
Selon Mme Ingalill Landqvist-West, vice-présidente de la L.O., cette forte syndicalisation féminine explique « que les exigences de la L.O. font de plus en plus la part aux revendications féminines, tandis que ces revendications sont mieux soutenues et plus nombreuses » .
Pour autant, elle a ajouté :
« Mais les femmes sont peu ou pas représentées dans les conseils d'administration où on prend les vraies décisions et dans les bureaux confédéraux, où elles ne sont que 27 %. Sur les vingt secrétaires généraux de nos fédérations, qui représentent à elles toutes 2,2 millions de travailleurs, on ne compte que deux femmes.
Au niveau local, il y a à peu près parité, mais plus on monte dans les instances du syndicat, moins il y a de femmes.
« C'est pourquoi nous avons décidé d'atteindre d'ici l'an 2000 la parité dans toutes les instances fédérales et confédérales de la L. O. »
En ce qui concerne le SKIF, Mme Inger Efraimsson a dressé un constat assez similaire :
Les femmes sont plus syndicalisées en moyenne que les hommes et elles ont, en général, une attitude plus positive envers les syndicats.
« Au SKTF, on s'efforce que les délégués soient du même sexe que les adhérents. Nous avons 75 % d'adhérentes, et au sein du bureau fédéral, neuf femmes sur douze membres » .
Il y a quelques femmes aux postes de responsabilité des grandes organisations syndicales, il y a quinze ans, il n'y avait aucune femme dans les bureaux des fédérations, aujourd'hui, il y en a environ 10 %.
« Mais ça n'est pas encore la parité ! »
c) Les Suédoises dans la vie politique : des statistiques à considérer avec une certaine prudence
Ainsi qu'il a été dit, la Suède peut se prévaloir de statistiques qui, globalement, attestent d'une participation particulièrement active des femmes à la vie Politique, qu'il s'agisse du Parlement, du Gouvernement ou des assemblées locales.
Ces statistiques ont encore augmenté à la suite des élections de 1994, mais elles étaient auparavant déjà beaucoup plus élevées que dans la plupart des autres Etats développés.
La délégation a néanmoins dû constater -non sans une certaine perplexité au départ- que ses interlocuteurs, hommes ou femmes, portaient sur la vie politique suédoise un regard finalement assez critique quant à la situation réelle des femmes, considérant que cette situation est beaucoup moins favorable que pourraient le laisser croire les statistiques.
En premier lieu, d'après les renseignements qu'a pu recueillir la délégation, il semble qu'il n'y ait pas en Suède de véritable statut de l'élu(e) et que les moyens mis à la disposition des parlementaires pour l'exercice de leur mandat soient très restreints.
Certes, les appareils des partis politiques fournissent à leurs parlementaires un appui important. D'autre part, le scrutin à la représentation proportionnelle simplifie et allège les contraintes inhérentes aux campagnes électorales.
De même, les élus chargés de famille, y compris les parlementaires, bénéficient des facilités accordées à tous les parents pour faire garder leurs enfants. Le Parlement lui-même s'est équipé d'une crèche accueillant les jeunes enfants des députés de province séjournant à Stockholm.
Pour autant, la plupart des élues doivent combiner leur vie politique et leur vie professionnelle sans pour autant être déchargées de leurs charges familiales auxquelles, en pratique, les hommes contribuent peu.
Les propos de Mme Ulrika Messing, ministre délégué à l'Emploi, chargé des questions d'égalité entre les femmes et les hommes, ont à cet égard été assez révélateurs :
Les nouvelles élues s'épuisent, car elles continuent de supporter l'essentiel des tâches familiales.
J'ai été parlementaire pendant cinq ans avant d'être ministre, et J'ai personnellement lutté pour améliorer le statut de l'élu car c'était très difficile pour moi au début, j'ai des enfants. Depuis, ce statut s'améliore progressivement.
« Les jeunes pères devraient s'impliquer dans la vie familiale autant que les jeunes mères s'impliquent dans la vie politique.
Les avantages du mandat sont très limités et la plupart des élus doivent travailler, ils font de la politique pendant leurs loisirs.
« La retraite est médiocre : pour un parlementaire, il faut douze ans de mandat et avoir au moins 50 ans, et si l'ancien député retravaille après son mandat, son salaire est déduit de sa retraite.
En fait, il y a des garderies, mais c'est à peu près tout.
« Il n'y a que très peu de collaborateurs : un assistant pour sept députés, aucun collaborateur pour les élus locaux, si bien que les élus travaillent d'arrache-pied et c'est particulièrement difficile, surtout pour les femmes qui ont des enfants . »
Sur ce plan, les fonctionnaires suédois -comme dans de nombreux autres États- paraissent jouir d'un statut plus favorable que les salariés du secteur privé, car ils bénéficient de droit d'un congé sans traitement s'ils veulent exercer un mandat électif local ou national.
Ce droit est également reconnu aux agents du secteur privé, mais en pratique, il leur est très difficile de l'exercer car il suscite de vives réticences des employeurs. Mme Inger Segelstrom, député, Président des femmes socio-démocrates, elle-même issue de la fonction publique, y a vu la principale cause de la surreprésentation au Parlement d'élus originaires de la fonction publique.
Dans l'ensemble, ces facteurs ne sont guère propices à l'exercice de fonctions électives, notamment pour les femmes.
Mme Ulrika Messing a souligné le nombre croissant des élus qui démissionnent peu de temps après leur élection, au point que le Gouvernement a accordé une subvention à la Fédération des communes de Suède pour identifier plus précisément les causes de ce phénomène et assurer un suivi des jeunes élus. Cette tendance est observé chez les hommes comme chez les femmes, avec néanmoins plus d'acuité chez celles-ci.
• Le mode de fonctionnement et l'attitude des partis
politiques eux-mêmes ne paraissent pas toujours avantager les femmes.
Ainsi Mme Agneta Stark a fait observer que beaucoup de femmes issues des milieux associatifs avaient l'habitude, avant d'occuper un mandat électif, de traiter les dossiers de manière « transversale », c'est-à-dire en concertation avec fous les partis. Après leur élection, cette méthode devient très mal perçue par leur parti, ce qui a pu déstabiliser certaines d'entre elles.
• On peut également percevoir un sentiment de
malaise plus radical dont certaines auditions ont permis de prendre la
mesure.
En l'occurrence, les femmes nouvellement élues, au-delà des difficultés qu'elles rencontrent pour concilier leur vie politique, leur vie professionnelle et leur vie familiale, semblent éprouver des doutes sur leur influence réelle dans » décision politique.
Il est vrai que Mme Birgitta Dahl, Président du Parlement suédois, n'a pas accrédité ce point de vue, réfutant l'idée que les hommes refuseraient de laisser les femmes exercer la part qui leur revient. Elle y a vu un « mythe populaire ». D'où l'importance qu'elle semble attacher au thème de la « masse critique » en deçà de laquelle les valeurs masculines ne pourraient plus prédominer.
Il n'en reste pas moins qu'évoquant les mesures favorisant la marche vers la parité, Mme Ingalil Landqvist-West a déclaré :
« En public, les hommes paraissent réagir favorablement à toutes ces mesures, mais lorsqu'il n'y.a pas de femmes, on peut craindre qu'ils réagissent différemment ».
M. Lars Rädh, Adjoint au maire de Stockholm, a quant à lui, fait part d'une réflexion lapidaire mais symptomatique :
« Beaucoup de responsables insinuent que s'il y a de plus en plus de femmes en politique, c'est que la politique perd de son importance.
« Les hommes fuiraient la politique pour aller là où est le vrai pouvoir dans l'économie. »