B. LA SYNTHÈSE DES RÉPONSES (AU 30 JUIN 1997)
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PREMIER QUESTIONNAIRE -
SYNTHÈSE
DE LA PREMIÈRE SÉRIE DE RÉPONSES
1 - Sur les causes de la faible place des femmes dans la vie publique
D'une manière générale, les internautes imputent le faible nombre de limes exerçant des responsabilités publiques en premier lieu à des raisons culturelles, historiques et matérielles ; le refus délibéré des hommes de faire de la place aux femmes -et aux jeunes- n'est que peu invoqué sinon au titre du « machisme », comportement essentiellement d'ordre culturel qui tendrait à décrédibiliser les femmes en politique.
Parmi les raisons culturelles et historiques citées figurent en bonne place l'état du droit, jugé « sexiste », car il confine les femmes dans leur rôle de mère (ex. : art. 374 du code civil), le taux de fécondité français, traditionnellement plus élevé que chez nos partenaires, et le taux d'activité féminine.
De cela découle l'impossibilité matérielle d'ajouter une vie publique à la double vie familiale et professionnelle déjà assumée par les femmes. Ce manque de temps explique donc le faible engagement des femmes dans la vie publique au quotidien (mouvement associatif,...), qui lui-même conditionne l'engagement à tous les échelons de la vie publique.
Par ailleurs, le fait que les femmes soient confinées dans certains métiers ne les prépare pas à prendre des responsabilités dans des domaines qu'elles ignorent, ni à acquérir la confiance en leurs capacités qui leur serait nécessaire.
Une autre raison est également invoquée : les femmes refuseraient d'entrer dans un « jeu de dupes » où les vrais problèmes -ceux de la vie quotidienne notamment (énergie et pollution, transports, accouchements sous x...) ne sont pas abordés, l'activité politique se désintéressant d'une réflexion globale sur la société.
2 - Sur la place à donner aux femmes dans la vie publique
Toutes les réponses reçues s'accordent pour donner plus de place aux femmes dans la vie publique, et plus généralement dans la société (sauf peut-être dans le « domaine social », car elles n'y ont été que trop cantonnées), ce qui n'exclut pas un certain doute sur la capacité de la société à se reformer volontairement.
Pour certains il est urgent d'agir, sinon au bénéfice de la génération de femmes en activité, du moins pour ses filles.
D'une manière générale, cette volonté d'augmenter la place et le rôle des femmes dans la vie publique trouve sa justification dans un souci d'égalité, y compris au sein de la famille : tout doit être partagé, des tâches ménagères et familiales aux plus hautes responsabilités, sans exception.
La plus grande présence des femmes aux postes de responsabilité permettrait de répondre à leurs aspirations spécifiques, concernant notamment la vie quotidienne (avec par exemple la mise en place d'un système juridique et pénal plus juste), et de lutter contre les réticences des hommes. Les femmes dans la vie publique joueraient un rôle de modèle, ce qui favoriserait une démocratisation de la société et en réduiraient le caractère patriarcal.
3 Les mesures proposées
Les mesures proposées concernent avant tout la société civile.
Il y a d'abord des mesures juridiques : abrogation des derniers articles sexistes du code civil, revalorisation de la paternité, notamment en créant un congé de paternité dissocié du congé de maternité.
II y a ensuite des suggestions d'ordre général pour que soit énoncée et banalisée l'égalité des droits.
Concernant plus particulièrement les mesures visant à favoriser la prise responsabilité, il est proposé de prévoir la possibilité de verser des indemnités (un internaute cite un arrêt du Conseil d'État censurant un conseil municipal qui versait des indemnités de « baby sitting » à ses conseillères), et d'une manière plus générale, d'adopter des mesures permettant de concilier la vie professionnelle et familiale avec une vie publique. On retrouve ici, mais sans propositions véritablement concrètes, des préoccupations liées au statut des élus.
En revanche, les quotas, jugés contraires au principe d'égalité et insultants pour les femmes (considérées comme étant incapables de se défendre) sont presque unanimement rejetés, certains « correctifs » (sans précisions) étant parfois admis, mais avec réticence. Les quotas à tous les scrutins auraient aussi pour vertu de forcer les femmes à se présenter aux élections (« c'est en forgeant qu'on devient forgeron » dit une lettre du Royaume-Uni).
Enfin, il existe un courant non-interventionniste, minoritaire, fondé sur la constatation que les femmes, disposant de la majorité, pourraient imposer leur présence dès lors qu'elles le souhaiteraient.
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PREMIER QUESTIONNAIRE -
SYNTHÈSE DE LA
DEUXIÈME SÉRIE DE RÉPONSES
Les réponses postérieures à la première synthèse, d'origine semble-t-il exclusivement masculine, apparaissent beaucoup plus réservées sur l'intérêt d'une politique spécifique visant à accroître la place des femmes dans la vie publique. Si on y retrouve certains arguments développés dans la première série de réponses, l'idée dominante est une négation de l'analyse selon laquelle les femmes n'auraient pas dans la vie publique la place, et surtout le rôle, qu'elles sont en droit de revendiquer.
C'est ainsi que la marginalisation des femmes en matière de pouvoir est niée ou contestée ; il est observé qu'elles jouent un rôle important (certains disent considérable) dans de nombreux domaines, y compris politiques (assistantes de parlementaires, membres de cabinet ministériel...).
D'ailleurs, est-il argumenté, la comparaison avec le mouvement féministe britannique montre que si la France n'a pas connu d'action revendicative virulente, voire violente, c'est très certainement parce que les attentes des femmes et leurs revendications spécifiques avaient été spontanément prises en considération par la société française.
Ceci est confirmé par le fait que, la société évoluant, les jeunes femmes trouvent aujourd'hui naturellement la place qu'elles souhaitent occuper dans la vie publique, sociale et économique.
Et si elles ne sont pas très présentes en politique, c'est essentiellement parce que leurs goûts, sans doute d'origine culturelle -mais peu importe dès lors qu'il n'y a pas de discrimination- ne les y portent pas.
Cette situation est donc voulue par les femmes elles-mêmes qui pourraient très facilement en décider autrement, ce que feront peut-être les jeunes générations. Ainsi, le fait que les filles préfèrent les Lettres aux Sciences n'est pas une raison suffisante pour adopter des mesures spécifiques.
Il n'empêche que ce conservatisme de l'opinion publique pourrait être indirectement combattu, notamment en favorisant une évolution vers un plus grand partage des responsabilités au sein de la famille et des entreprises, un enseignement moins différencié à l'école et, in fine seulement, une plus grande parité dans la vie politique. Mais pour cela, il faudrait revoir le code civil et les lois qui privilégient le rôle de mère (il est proposé la suppression des « privilèges maternels »).
Il est logique que ces positions conduisent leurs auteurs à rejeter toute forme d'intervention législative ou toute mesure visant à accroître artificiellement la place et le rôle des femmes (sinon pour favoriser l'égalité civile par la suppression des « privilèges maternels » ou rappeler la nécessité de prévoir des infrastructures pour la garde des enfants en bas âge). Le questionnaire a même été jugé tendancieux en ce qu'il postule qu'il y aurait des actions à mener, car cela présuppose une inégalité de droit et même de fait récusée par les auteurs des réponses.
Les quotas sont la principale cible des internautes qui les jugent dégradants pour les femmes, discriminatoires pour les hommes, antidémocratiques et contraires aux principes de l'élection.
Quelques-uns vont même jusqu'à soupçonner certaines femmes peu soucieuses de se réaliser dans des entreprises ouvertes à la concurrence technologique et commerciale, de poser ce type de revendication pour accéder au pouvoir sans passer par la compétition inhérente à tout parcours politique, ce qui dénote néanmoins, observe un internaute, un sens certain de la politique.
- DEUXIÈME QUESTIONNAIRE -
SYNTHÈSE
DES RÉPONSES (au 2 juillet 1997)
1 - La limitation ou l'interdiction du cumul des mandats électifs vous paraissent-elles de nature à faciliter l'accès des femmes à la vie publique ?
Les réponses, dans leur ensemble, ne sont pas aussi tranchées que celles que l'on prête généralement à l'opinion publique sur le cumul des mandats.
Pour un courant minoritaire qui se déclare « très favorable », la grande majorité des réponses s'y déclare « favorable », mais sans illusion et souvent de manière nuancée ; quelques-unes soulignent d'ailleurs que certains mandats sont complémentaires, et de citer les « sénateurs-maires »... Sont également mis en avant la compétence et le charisme, indépendants du sexe de la personne certes, mais qui semblent être considérés comme une denrée rare pouvant justifier le cumul !
Tous reconnaissent néanmoins que l'interdiction du cumul de certains mandats libérerait des places dont pourraient bénéficier, mais en partie seulement, les femmes.
Les plus favorables considèrent en outre que cela éviterait la confiscation des mandats, cette confiscation favorisant l'existence d'un monde clos, incapable de se renouveler, où il est difficile d'entrer et auquel d'ailleurs les femmes ne souhaitent pas accéder, notamment parce que le cumul quasi obligatoire actuel est incompatible avec leurs disponibilités. L'interdiction du cumul leur faciliterait la décision de se présenter car elles sauraient ne pas être contraintes à tout sacrifier pour exercer plusieurs mandats. Enfin, ce courant considère que le cumul empêche d'exercer correctement chacun des mandats.
Les nuances exprimées par la majorité des réponses sont de divers ordres.
Certains pensent que le fait de libérer des places ne suffit pas, car le problème est davantage culturel et matériel que d'ordre législatif. Les femmes ne seraient pas véritablement demandeuses ni disponibles, et elles ne disposent pas de réseaux susceptibles de constituer des appuis extérieurs, ceux-ci étant d'autant plus nécessaires qu'il y a cumul de mandat. Des actions en profondeur (éducation...) seraient donc nécessaires.
D'autres expriment quelques doutes sur l'efficacité de la mesure, celle-ci pouvant être facilement tournée : il est ainsi cité le remplacement de l'élu par son conjoint, ce qui ne conduit pas au renouvellement de la classe politique attendu. Il est également observé que les postes les plus prestigieux seraient conservés par les hommes.
Quoi qu'il en soit, semblent dire les internautes, même s'il ne faut pas attendre de miracle de cette mesure, du moins faut-il la mettre en oeuvre pour ouvrir le monde fermé de la politique en commençant si besoin par les « petits mandats municipaux ».
2 - Quelles dispositions un éventuel statut de l'élu(e) devrait-il contenir pour faciliter spécifiquement aux femmes l'exercice de leur mandat, notamment en leur permettant de concilier cette fonction avec leur vie familiale ?
Sur cette question, les avis sont très partagés.
Il y a tout d'abord ceux qui contestent le libellé même de la question qui semble présupposer que les femmes ont seules à devoir assumer les responsabilités familiales. Ces internautes considèrent que le vrai problème n'est pas celui du statut de l'élu(e), qu'ils ne jugent pas nécessaire, mais celui du statut du père afin qu'il puisse assumer davantage de responsabilités au sein de 1a famille.
Un obstacle culturel est également évoqué, celui de la conception qu'ont les femmes de leur rôle de mère, peu compatible avec l'exercice d'un mandat. La solution est alors essentiellement dans l'éducation des filles.
D'autres considèrent qu'il n'y a rien de spécifique à prévoir en faveur des femmes, car il n'y a pas à les favoriser, seul comptant le processus démocratique de l'élection, que les femmes, plus nombreuses, sont à même de remporter.
En outre, des mesures spécifiques conduiraient à leur reconnaître une certaine infériorité, alors qu'il faut encourager la volonté de faire des choix, de se battre, faute de quoi les mandats qu'elles obtiendraient seraient exercés au rabais, au détriment des électeurs.
Néanmoins, la majorité, qui inclut la plupart de ceux qui contestent la question, formule des suggestions : crèches, horaires adaptés (suppression des séances en soirée ou de nuit) ou allocations de garde d'enfant (bien que celles-ci soient souvent refusées par les tribunaux, mais l'exemple cité vient de Grande-Bretagne).
II est aussi observé que faute de ces aides, seules les femmes de milieu aisé peuvent exercer un mandat (cf. la nouvelle Chambre des communes britannique).
D'une manière générale, ces mesures visent à rendre compatible exercice d'un mandat avec la vie familiale (mais d'après un internaute cela devrait aussi concerner le secteur privé : cadres, ingénieurs...) et concernent tout autant l'homme que la femme, dès lors qu'il y a un vrai partage des responsabilités au sein de la famille. L'éventuel statut de l'élu(e) ne doit pas comporter de discriminations positives.
Il est cependant proposé des mesures spécifiques aux femmes, mais elles ne concernent que les femmes enceintes et les mères d'enfants en bas âge : certaines dispositions du code du travail (non précisées) devraient ainsi être élargies à l'exercice d'un mandat. En dehors de ces périodes, les femmes et les hommes doivent être traités sur un strict pied d'égalité.
3 - Pensez-vous que les femmes, en étant plus nombreuses dans la vie publique et en y assumant davantage de responsabilités, auraient des approches des sujets et des comportements très différents de leurs collègues masculins ?
Les avis sont très nuancés si l'on excepte une réponse qui attaque violemment le monde politique dont les défauts rebutent les femmes au point qu'il n'y a pas lieu de s'interroger sur leur apport spécifique tant qu'il ne se sera pas réformé de lui-même.
Certains répondent par un oui catégorique, mais sans argumenter, ou en évoquant la synergie qu'engendrerait la diversité.
Cependant, les plus nombreux considèrent qu'il est difficile de se prononcer, tout en inclinant pour une réponse positive, mais sans préciser en quoi approche serait différente. Il est suggéré que les femmes pourraient s'intéresser à autres sujets, mais il semble admis qu'en ce qui concerne les sujets traditionnels - défense, économie par exemple- leurs solutions seraient sans doute les mêmes.
Quoi qu'il en soit leur apport ne devrait pas se cantonner au domaine social ou familial. En outre, cette différence d'approche se réduirait progressivement.
D'autres considèrent que l'arrivée des femmes dans la vie publique ne changera rien, observant que cette prétendue différence ne repose que sur des préjugés ; leur pragmatisme, leur refus de rechercher la gloire, leur absence d'agressivité seraient démentis par les faits (cf. Mme Thatcher), ce qui serait dans l'ordre des choses puisque le monde politique supposerait une certaine agressivité.
En outre, cette absence d'apport spécifique est totalement étrangère au débat, car seule l'exigence de démocratie justifie leur entrée dans la vie publique.
Quant à la preuve de cette absence d'apport spécifique, elle serait apportée par l'existence de femmes policiers, avocats, magistrats : la société n'en a pas été changée pour autant. En revanche, souligne un internaute, l'exercice de ces métiers a sûrement poussé les femmes à modifier leurs conceptions de leur rôle et à déléguer nombre de tâches au sein de la famille.