2. L'enchevêtrement des structures
a) Le " maquis" de la coopération intercommunale
1.- La multiplication des structures
L'organisation actuelle de la coopération
intercommunale est caractérisée par une
multiplication
de
structures au fil du temps sans que la création de nouvelles formes
institutionnelles n'ait bien souvent correspondu à l'identification
précise de besoins nouveaux.
Huit
catégories de groupements de communes peuvent ainsi
être identifiées :
- le
syndicat de communes
, créé par la loi du 22 mars
1890, qui peut avoir une vocation soit unique, soit -depuis l'ordonnance du
5 janvier 1959- multiple et auquel on peut ajouter le syndicat mixte;
- le
district
, institué à l'origine pour le milieu urbain
par l'ordonnance du 5 janvier 1959, puis étendu aux zones rurales
par la loi du 31 décembre 1970 ;
- la
communauté urbaine
, instituée par la loi du
31 décembre 1966 qui a créé d'office quatre
structures de ce type (Bordeaux, Lille, Lyon et Strasbourg) ;
- les
syndicats d'agglomérations nouvelles
, qui résultent
de la loi du 13 juillet 1983, ont été créés
pour répondre aux besoins des villes nouvelles instituées dans
les années soixante dix ;
- les
communautés de communes
et les
communautés de
villes
qui ont été créées par la loi
d'orientation du 6 février 1992.
Au total, si le bilan chiffré de l'intercommunalité met en
évidence son dynamisme, force est de constater que celui-ci s'est
traduit par une multiplication des structures de coopération que la
diversité des missions exercées ne paraît pas justifier.
On comptait ainsi en 1995 :
14.490
SIVU,
1.298
SIVOM,
322
districts, 9 communautés
urbaines (11 désormais avec la création en 1996 de structures de
ce type à Nancy et Alençon),
9
syndicats
d'agglomérations nouvelles,
4
communautés de villes
et
894
communautés de communes (au 1er janvier 1996), soit un
ensemble d'environ
18.000
structures de coopération pour
36.000
communes existantes.
La loi d'orientation du 6 février 1992, en instituant les
communautés de communes et de villes, n'a fait qu'ajouter à la
complexité. Le Sénat avait pour sa part jugé
préférable de modifier le régime des districts et des
communautés urbaines plutôt que d'ajouter de nouvelles structures
à celles existantes.
La procédure du schéma départemental de la
coopération intercommunale prévue par cette loi ne semble pas non
plus avoir favorisé une véritable rationalisation.
Selon une étude réalisée par Mairies-Conseil, service de
la Caisse des dépôts et consignations, en collaboration avec la
direction générale des collectivités locales, seulement 38
schémas départementaux de coopération intercommunale
avaient été établis au 31 mai 1995.
Sur 38 schémas, 29 comportent des propositions de
périmètres dont une majorité concerne la création
soit d'une communauté de communes soit d'un district. Mais si l'on
compare les périmètres des groupements effectivement
créés en 1994 (96 au total dans les 38 départements) avec
ceux contenus dans les schémas, il ressort qu'un tiers seulement de ces
groupements (31) ont été créés en conformité
avec les périmètres retenus par les schémas. Dix
groupements ont été créés avec des
périmètres non identiques. Et surtout, 55 groupements, soit plus
de la moitié, n'étaient pas visés par les schémas
et ont été créés selon la procédure de droit
commun.
Une telle procédure peut néanmoins être utile pour
favoriser une plus grande cohérence de la coopération
intercommunale en fonction des objectifs définis par les élus
eux-mêmes. On peut donc se demander s'il ne serait pas opportun de
rechercher les moyens de la relancer. En outre, la commission
départementale de la coopération intercommunale doit exercer,
conformément à
l'article L. 5211-16
du code
général des collectivités territoriales, une mission
générale qui peut contribuer efficacement à renforcer
l'intercommunalité.
2.- La complexité croissante du régime juridique
Cette superposition des structures s'est en outre
accompagnée inévitablement d'une
complexité
croissante
des règles juridiques.
En effet, chaque nouvelle catégorie de groupements s'est vue
dotée d'un régime juridique spécifique, ce qui s'est
notamment traduit par des lacunes ou des contradictions difficilement
justifiables entre les règles applicables aux différentes
catégories.
Par bonheur pour les élus locaux, le renvoi pur et simple aux
dispositions relatives à la commune pour des aspects essentiels de la
vie des groupements -notamment le fonctionnement de l'organe
délibérant ou le statut du président et des membres de
celui-ci- a permis de limiter les effets les plus inacceptables de ce
" maquis juridique ".
En outre, l'entrée en vigueur en 1996 du code général des
collectivités territoriales -dont la cinquième partie
consacrée entièrement à la coopération locale
contient un livre premier relatif à la coopération
intercommunale- a permis une
remise en ordre
des textes applicables
à celle-ci et la clarification des principes communs aux
différentes catégories de groupements.
Pour autant, ainsi que l'a relevé M. Jean-Marie Girault,
l'élaboration de ce code n'en met que davantage en lumière la
complexité extrême des règles applicables.
Elle invite ainsi le législateur, après une première
étape -certes indispensable- de codification à droit constant,
à passer à une seconde étape visant à une
réelle simplification du régime juridique de
l'intercommunalité.
Telle fut bien le sens de la démarche suivie par la loi d'orientation du
4 février 1995 qui -conformément au souhait exprimé
par le Sénat sur le rapport de notre collègue Jean-Marie Girault-
a défini les pistes de réflexion en vue d'une réduction du
nombre de catégories et d'une simplification du régime juridique
de l'intercommunalité.
Enfin, sur le plan
financier
, la forte progression de la DGF des
groupements -parallèle au développement de
l'intercommunalité à fiscalité propre- peut susciter des
inquiétudes quant à l'équilibre global de la DGF. Dans ces
conditions, les critères de répartition de la DGF doivent
permettre d'encourager une véritable intercommunalité de projet.
Tel fut déjà le sens de la réforme opérée
par la loi du 31 décembre 1993. Cette démarche doit être
poursuivie et approfondie.
M. Jean-Paul Delevoye, rappelant que la DGF intercommunale avait
été conçue pour favoriser le développement d'une
intercommunalité de projet, a fait observer qu'en pratique une trop
grande partie de son montant était utilisée pour diminuer les
dépenses de fonctionnement des communes.
Après avoir souligné les inconvénients de poursuivre
plusieurs objectifs au moyen d'un même outil financier, M. Jean-Paul
Delevoye a considéré que la situation actuelle constituait une
menace réelle pour la DGF des communes et qu'il serait nécessaire
de mieux adapter les outils financiers aux objectifs politiques.
M. Jean-Jacques Hyest a également relevé les " effets
d'aubaine " qui affectaient la DGF des groupements de communes.
M. Charles Jolibois, faisant valoir que l'intercommunalité avait
profondément modifié le cadre institutionnel dans de nombreux
départements et rappelant le principe fondamental du consentement
à l'impôt, a pour sa part fait observer que les petites communes
pouvaient avoir le sentiment de ne plus avoir aucun contrôle sur la
fiscalité locale.
Après avoir considéré que le développement de
l'intercommunalité était souhaitable s'il s'agissait d'une
véritable intercommunalité de projet, M. Charles Jolibois a
néanmoins souligné le problème résultant de la
coexistence de sources multiples de fiscalité locale n'ayant pas de lien
entre elles.