Rapport d'information N° 239: Groupe de travail sur la décentralisation
M. Daniel HOEFFEL, Sénateur
Commission des Lois -Rapport d'Information 239 -1996 /1997
Table des matières
- LA MOTION ADOPTÉE PAR LE GROUPE DE TRAVAIL
- LISTE DES PERSONNALITÉS AUDITIONNÉES
-
INTRODUCTION
-
I. UN CONSTAT : RÉPONSE ADAPTÉE AUX DÉFIS DE NOTRE SOCIÉTÉ, LA
DÉCENTRALISATION SE HEURTE À DES OBSTACLES PERSISTANTS
- A. LA DÉCENTRALISATION, UNE RÉPONSE ADAPTÉE AUX DÉFIS DE NOTRE SOCIÉTÉ
-
B. LA PERSISTANCE DE CERTAINS OBSTACLES À L'APPROFONDISSEMENT DE LA
DÉCENTRALISATION
-
1. La rupture du contrat avec l'État
-
a) Le " brouillage " des relations financières
- 1.- L'absence de compensation intégrale des charges transférées
- 2.- Des finances locales marquées par un effet de ciseaux entre l'évolution des ressources et celle des charges
- 3.- L'exemple d'une charge non maîtrisée : le financement de la CNRACL
- 4.- Des charges financières nouvelles résultant de l'application de la législation et de la réglementation nationale ou européenne
- 5.- Le résultat : des incidences indéniables sur la fiscalité locale.
- b) L'insuffisante redéfinition des missions et des moyens de l'État
-
a) Le " brouillage " des relations financières
- 2. L'enchevêtrement des structures
- 3. L'exemple des interventions économiques des collectivités locales : une efficacité mise en cause par une complexité excessive
- 4. Les rigidités persistantes du statut de la fonction publique territoriale
-
1. La rupture du contrat avec l'État
-
II. UNE AMBITION NÉCESSAIRE : PERMETTRE À LA DÉCENTRALISATION DE JOUER PLUS
EFFICACEMENT SON RÔLE DANS L'ADAPTATION DE LA FRANCE AUX ENJEUX DU PROCHAIN
SIÈCLE.
- A. LA CLARIFICATION DES RELATIONS AVEC L'ÉTAT APPARAÎT COMME UN PRÉALABLE INDISPENSABLE
-
B. L'ADAPTATION DES STRUCTURES TERRITORIALES AUX NOUVEAUX DÉFIS
-
1. Une simplification de la coopération intercommunale
- a) Réduire le nombre de catégories
-
b) Unifier le plus largement les règles applicables en ménageant la souplesse
nécessaire à l'évolution progressive des formes d'intercommunalité
- 1.- L'unification des règles : vers un " tronc commun "
- 2.- Concilier la règle fondamentale du volontariat avec le nécessaire développement de la coopération intercommunale
- 3.- Faciliter l'évolution progressive des compétences et des structures selon les besoins constatés par les élus eux-mêmes
- 4.- Ne pas bouleverser les règles de désignation des délégués intercommunaux
- c) Faire évoluer le régime financier et fiscal afin d'encourager une intercommunalité de projet et de réduire les concurrences abusives entre communes
- 2. La recherche de véritables complémentarités entre les collectivités locales
- 3. Les moyens d'une véritable complémentarité entre les structures territoriales
- 4. L'adaptation des moyens financiers et humains
-
1. Une simplification de la coopération intercommunale
- C. POUR UNE NOUVELLE APPROCHE DES RÉPONSES DES COLLECTIVITÉS LOCALES AUX PROBLÈMES ÉCONOMIQUES
-
I. UN CONSTAT : RÉPONSE ADAPTÉE AUX DÉFIS DE NOTRE SOCIÉTÉ, LA
DÉCENTRALISATION SE HEURTE À DES OBSTACLES PERSISTANTS
-
MOTION ADOPTÉE PAR LE GROUPE DE TRAVAIL
SUR LA DÉCENTRALISATION -
OBSERVATIONS DES GROUPES POLITIQUES
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1), par le groupe de travail (2) sur la décentralisation ,
Par M. Daniel HOEFFEL,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM.
Jacques Larché,
président
;
René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon,
François Giacobbi, Charles Jolibois, Robert Pagès,
vice-présidents
; Michel Rufin, Jacques Mahéas,
Jean-Jacques Hyest, Paul Masson,
secrétaires
; Guy Allouche,
Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, François
Blaizot, André Bohl, Christian Bonnet, Mme Nicole Borvo,
MM. Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Michel Charzat,
Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc
Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Michel Dreyfus-Schmidt, Patrice
Gélard, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier,
Guy Lèguevaques, Daniel Millaud
,
Georges Othily, Jean-Claude
Peyronnet, Claude Pradille, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre
Schosteck, Alex Türk, Maurice Ulrich.
(2) Ce groupe de travail est composé de :
MM.
Jean-Paul Delevoye,
président
; Jean-Claude
Peyronnet, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Robert Pagès,
vice-présidents
; Patrice Gélard, Germain Authié,
Guy Allouche,
secrétaires ;
Daniel Hoeffel
,
rapporteur ;
Jean-Paul Amoudry, André Bohl, Jean-Patrick
Courtois, Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Jacques Hyest, Charles Jolibois, Lucien
Lanier, Jacques Mahéas, Paul Masson, Georges Othily, Louis-Ferdinand de
Rocca Serra, Jean-Pierre Schosteck, Alex Türk.
Décentralisation . - Rapports d'information. |
LA MOTION ADOPTÉE PAR LE GROUPE DE TRAVAIL
" Le groupe de travail de la commission des Lois du
Sénat sur la décentralisation, considérant que la gestion
décentralisée a fait la preuve de son
efficacité
et
qu'elle a démontré son aptitude à mettre en oeuvre les
réponses de proximité aux nouveaux défis sociaux, constate
néanmoins la persistance de certains
obstacles
à
l'approfondissement de la décentralisation .
Ces obstacles sont liés au non respect de certains engagements de
l'Etat, aux effets négatifs de l'enchevêtrement des structures et
des compétences, à une complexité excessive qui met en
cause l'efficacité des interventions économiques des
collectivités locales et à certaines rigidités du statut
de la fonction publique territoriale.
" Considérant que la décentralisation doit jouer plus
efficacement son rôle dans l'adaptation de la France aux enjeux du
prochain siècle, le groupe de travail estime que, dans cette
perspective, la clarification des
relations avec l'Etat
constitue un
préalable. A cette fin, il se prononce :
"
1. pour un véritable pacte de stabilité des ressources
et des charges
des collectivités locales,
condition
indispensable pour éviter une dérive des finances locales,
ce qui implique des études d'impact préalables et
systématiques des mesures nouvelles pouvant avoir un effet sur les
finances locales et une adaptation au contexte économique et
budgétaire des normes de sécurité de même que des
dates butoirs prévues pour l'application de certaines
réglementations;
" 2. pour une compensation financière intégrale et
concomitante des charges transférées
, conformément aux
principes fondamentaux de la décentralisation;
" 3. pour l'approfondissement de la démarche engagée par
le Gouvernement en vue d'une réforme des administrations de l'Etat,
ce qui suppose :
- une redéfinition de leurs missions, afin notamment d'éviter les
doubles emplois avec les services des collectivités locales,
- une déconcentration effective qui permette aux collectivités
locales de disposer d'interlocuteurs uniques et dotés de
responsabilités réelles,
- une adéquation du contrôle de légalité assurant
aux collectivités locales la sécurité juridique de leurs
actes et du contrôle financier qui doit s'exercer conformément
à l'esprit dans lequel il a été conçu.
" Le groupe de travail jugeant, en outre, nécessaire que les
structures territoriales elles-mêmes s'adaptent aux nouveaux
défis, considère comme prioritaire une réforme du
régime de la
coopération intercommunale
. A cette fin, il
préconise:
"
1. une réduction significative du nombre de catégories
d'établissements publics de coopération intercommunale
qui,
tout en préservant la coexistence d'une logique de gestion et d'une
logique de projet, se traduise par la fusion des districts, des
communautés de communes et des communautés de villes et par une
évolution progressive des agglomérations nouvelles vers des
formules de droit commun;
"
2. une unification très large des règles
applicables
par la définition d'un " tronc
commun "
tout en favorisant une évolution progressive des compétences et
des structures selon les besoins constatés par les élus
eux-mêmes;
"
3. la conciliation du principe fondamental du volontariat
avec
l'application des règles de majorité qualifiée, de nature
à stimuler le développement de l'intercommunalité;
" 4.
le maintien des règles actuelles de désignation
des délégués intercommunaux
par les conseils
municipaux;
" 5. une réforme du dispositif financier qui encourage
l'intercommunalité de projet
, grâce à une correction du
coefficient d'intégration fiscale permettant de prendre en compte les
ressources effectivement affectées à l'exercice de leurs
compétences réelles par les groupements de communes;
" 6. une évolution du régime fiscal qui réduise
les concurrences abusives entre communes d'une même agglomération
par l'unification ou le rapprochement des taux de taxe professionnelle,
afin d'assurer une plus grande cohérence au sein de cette
agglomération.
" Le groupe de travail, considérant que l'adaptation des structures
locales passe également par la recherche de
véritables
complémentarités
, susceptibles de conférer à
l'action des collectivités locales sa pleine efficacité et
à éviter que leur coexistence n'aboutisse à une pression
fiscale excessive, juge nécessaire :
" 1.
de rappeler que le développement souhaitable de
l'intercommunalité de projet, loin de porter atteinte à la
substance des compétences des communes permettra de
conforter leur
autonomie
et devra
se concilier avec le rôle essentiel du
département
dans la mise en oeuvre des solidarités sociales
et territoriales;
" 2. de poursuivre la réflexion sur les moyens d'assurer une
véritable complémentarité entre les structures
locales
, à travers notamment la mise en oeuvre effective de la
notion de collectivité chef de file, le développement des
formules d'appel à compétences, de formes de contractualisation
dans un cadre clarifié et la définition de formules
expérimentales.
Il rappelle la nécessité de prendre en compte les
spécificités des collectivités locales d'outre-mer.
" Le groupe de travail considère par ailleurs que cette adaptation
devra concerner également les
moyens financiers
des
collectivités locales. A cette fin:
"
1.
il souhaite
un approfondissement de la réflexion sur
l'évolution du système de financement local
qui clarifie le
cadre de la péréquation financière, dote les
collectivités locales de bases fiscales modernes et évolutives et
prenne en compte le problème des charges de centralité;
"
2. il récuse fermement toute solution qui aboutirait à
une étatisation des impôts locaux
par l'uniformisation des
taux de la taxe professionnelle au niveau national, faisant ainsi
dépendre une ressource fiscale locale essentielle non plus du libre
choix des collectivités locales mais de décisions de l'Etat et
démotivant l'esprit d'initiative des collectivités locales.
Il ne peut y avoir de décentralisation sans un impôt
localisé et librement fixé par les collectivités locales
dans le cadre prévu par la loi.
" Considérant, en outre, que la
spécificité de la
fonction publique territoriale
devra être prise en meilleur compte
dans les années à venir, le groupe de travail propose :
"
1. une concertation approfondie avec les collectivités
locales
avant toute réforme intéressant la fonction publique
territoriale;
" 2.
la recherche
d'adaptations statutaires
pour mieux
répondre aux besoins des collectivités, compte tenu de
l'évolution et de la diversification des métiers;
" 3.
une réflexion en vue de doter les collectivités
locales
d'un personnel d'encadrement qualifié
et de
renforcer
la mobilité avec la fonction publique de l'Etat.
" Enfin, le groupe de travail de la commission des Lois du Sénat
sur la décentralisation se prononce pour une
nouvelle approche de
l'action économique locale
, qui passe par :
"
1. une meilleure coordination avec le droit communautaire,
justifiant un réexamen de la distinction entre aides directes et
aides indirectes ainsi qu'une mise en cohérence des zonages:
"
2.
la recherche d'une
plus grande
complémentarité
des différentes interventions
économiques;
"
3. le maintien des interdictions actuelles et
l'approfondissement des
règles prudentielles
qui protègent les collectivités
locales contre des risques financiers excessifs .
" Le groupe de travail souhaite que ces orientations puissent être
mises en oeuvre afin de parachever le processus de décentralisation et
ainsi permettre aux collectivités locales, instances de
proximité, d'exercer plus efficacement leurs compétences dans un
cadre clarifié et simplifié. "
Composition du groupe de travail
M. Jean-Paul Delevoye
, sénateur du Pas-de-Calais
(RPR),
Président
;
M. Daniel Hoeffel
, sénateur du Bas-Rhin) (UC),
Rapporteur
;
M. Jean-Claude Peyronnet
, sénateur de Haute-Vienne
(Soc),
Vice-Président
;
M. Jean-Marie Girault
, sénateur du Calvados
(RI),
Vice-Président
;
M. Paul Girod
, sénateur de l'Aisne (RDSE),
Vice-Président
;
M. Robert Pagès
, sénateur de Seine Maritime (CRC),
Vice-Président
;
M. Patrice Gélard
, sénateur de Seine-Maritime (RPR),
Secrétaire
;
M. Germain Authié
, sénateur de l'Ariège (Soc),
Secrétaire
;
M. Guy Allouche
, sénateur du Nord (Soc),
Secrétaire
;
M. Jean-Paul Amoudry , sénateur de Haute-Savoie (UC) ;
M. André Bohl
, sénateur de Moselle (UC) ;
M. Jean-Patrick Courtois
, sénateur de Saône et Loire (RPR) ;
M. Michel Dreyfus-Schmidt
, sénateur du Territoire-de-Belfort
(Soc) ;
M. Jean-Jacques Hyest
, sénateur de Seine-et-Marne (UC) ;
M. Charles Jolibois
, sénateur de Maine-et-Loire (RI) ;
M. Lucien Lanier
, sénateur du Val-de-Marne (RPR) ;
M. Jacques Mahéas
, sénateur de Seine-Saint-Denis (Soc) ;
M. Paul Masson
, sénateur du Loiret (RPR) ;
M. Georges Othily
, sénateur de Guyane (RDSE) ;
M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra
, sénateur de Corse du Sud (RI) ;
M. Jean-Pierre Schosteck
, sénateur des Hauts-de-Seine (RPR) ;
M. Alex Türk
, sénateur du Nord (NI).
LISTE DES PERSONNALITÉS AUDITIONNÉES
M. Dominique Perben,
Ministre de la fonction publique,
de la réforme de l'Etat et de la décentralisation ;
M. Joël Batteux
, Maire de Saint-Nazaire, secrétaire de la
Fédération des maires des villes moyennes (FMVM) ;
Mme Martine Buron
, Maire de Châteaubriant,
Présidente du groupe "Décentralisation: bilans et
perspectives", constitué auprès du Commissariat
général du Plan pour la préparation du XIème plan ;
M. Claude Domeizel
, Président du Conseil d'administration de la
Caisse nationale de retraite des agents des collectivités territoriales
(CNRACL) ;
M. René Garrec,
Député du Calvados,
Président du Conseil Régional de Basse-Normandie,
représentant l'Association des Présidents de Conseils
Régionaux (APCR) ;
M. Michel Lapeyre,
Directeur de la Fédération des
collectivités concédantes et régies ;
M. Martin Malvy
, ancien ministre, Maire de Figeac, Président de
l'Association des Petites Villes de France (APVF) ;
M. Gérard Marcou
, Professeur agrégé de droit public
à l'Université de Lille II ;
M. Jean Puech
, ancien ministre, Président du Conseil
général de l'Aveyron, Président de l'Association des
Présidents de Conseils Généraux (APCG) accompagné
de
M. Pierre-Rémy Houssin
, Député de Charente,
Président du Conseil Général de Charente, Président
de la commission "décentralisation et de
M. Charles Josselin
,
Député des Côtes d'Armor, Président du Conseil
Général des Côtes d'Armor, Vice-Président de l'APCG ;
M. Jean-Louis Sanchez , Délégué général de l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée (ODAS) ;
M. Jean-Ludovic Silicani
, Commissaire à la
réforme de l'Etat accompagné de
M. Jacques
Gérault
, chef de mission;
M. Jean-Pierre Soisson
, Président du Centre national de la
Fonction Publique Territoriale (CNFPT) ;
M. Jean-Pierre Sueur
, Vice-Président de l' Association des Maires
des Grandes Villes de France (AMGVF) ;
M. Michel Thénault,
Directeur général
des
collectivités locales au ministère de l'Intérieur,
accompagné de
Mme Michèle Kirry
, chef du bureau des
interventions économiques et de l'aménagement du territoire
à la DGCL;
M. Joël Thoraval
, Président de l'Association du corps
préfectoral ;
M. Philippe Valletoux,
Conseiller de M. Pierre RICHARD,Président
du Crédit local de France ;
M. Camille Vallin,
Président de la Fédération
nationale des sociétés d'économie mixte.
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs
Le processus de décentralisation s'inscrit nécessairement dans la
durée. Après plusieurs avancées importantes, notamment
celle qui a résulté du projet de loi relatif au
développement des responsabilités locales, présenté
sous le Gouvernement de M. Raymond Barre, par notre collègue M.
Christian Bonnet alors ministre de l'intérieur, les lois de
décentralisation ont constitué une étape décisive.
Or, quinze ans après l'adoption de ces lois, la décentralisation
apparaît à bien des égards à la croisée des
chemins.
Son bilan demeure pourtant largement positif. Elle a, en effet, permis de
diffuser les responsabilités, de libérer les énergies
territoriales, contribuant, ce faisant, de manière exemplaire, à
l'équipement et à la modernisation de la France. Elle a
également allégé l'Etat d'un certain nombre de
tâches et renforcé l'efficacité des politiques publiques.
Dans un contexte économique difficile, les élus locaux ont ainsi
su faire preuve d'une grande capacité pour mettre en oeuvre non
seulement les compétences qui leur ont été
transférées mais plus largement des responsabilités de
plus en plus diffuses en raison du développement et de la
diversification des attentes de la population.
La décentralisation a, par ailleurs, rapproché le processus de
décision du citoyen. Les collectivités locales ont prouvé
qu'elles constituent -en permettant de surmonter les égoïsmes
particuliers- des écoles d'apprentissage de la solidarité et
qu'elles peuvent former un rempart efficace contre certaines formes de
ségrégation sociale, que favorise malheureusement un contexte
économique et social dégradé.
Pour autant, cette grande réforme ne paraît pas avoir atteint sa
pleine maturité. Certains défauts de la situation actuelle sont
légitimement soulignés. Ainsi, l'opacité et la
multiplication des financements croisés ne facilitent pas
l'identification pourtant nécessaire des interventions des
différents niveaux d'administration locale. De même, la
superposition des structures et le " chevauchement " de
leurs
compétences sont mal ressentis par les citoyens et par les élus
eux-mêmes.
Enfin, la pression fiscale locale peut apparaître trop souvent excessive.
Encore faut-il souligner que l'Etat transfère aux collectivités
locales des charges évolutives en se réservant, dans le
même temps, l'exclusivité d'une fiscalité moderne et
fondée sur les réalités économiques.
Le contribuable, pour sa part, peut légitimement souhaiter être en
mesure d'identifier clairement la destination des contributions qui lui sont
demandées.
Ces difficultés existent. Elles justifient une réflexion en vue
de clarifier, de simplifier et de rationaliser notre organisation territoriale
trop complexe et inadaptée.
Une telle réflexion doit répondre aux inquiétudes
légitimes des élus locaux auxquels il est demandé de
s'engager toujours davantage -y compris dans la lutte contre le chômage,
qui demeure pourtant une compétence de l'Etat- et qui ont dans bien des
cas le sentiment de ne pas disposer des moyens adaptés pour faire face
à ces responsabilités toujours plus lourdes dont ils sont trop
souvent tenus pour personnellement responsables.
Cette réflexion sur la décentralisation et sur les
améliorations qui peuvent lui être apportées est
elle-même indissociable des défis qui se posent à notre
société à l'aube du prochain siècle et auxquels les
collectivités locales peuvent en partie apporter des réponses.
Elle est également étroitement liée à la
réflexion sur l'Etat que le Gouvernement a entendu placer au coeur de
son action. La décentralisation a bien, en effet, pour logique d'aider
l'Etat à se renforcer dans ses fonctions souveraines tout en faisant
confiance aux collectivités locales -conformément au principe de
subsidiarité- pour assurer les autres fonctions.
Dès lors, les enjeux de ces prochaines années s'éclairent.
Il s'agira, en premier lieu -comme l'a mis en évidence le grand
débat sur l'aménagement du territoire de 1994- de favoriser
l'émergence de projets locaux sur des territoires
" pertinents " afin de rétablir la cohésion
territoriale. Cet objectif justifie à la fois le renforcement de la
coopération intercommunale ainsi qu'une clarification du rôle des
différentes structures et de leurs financements. La loi d'orientation du
4 février 1995 a tracé des pistes concrètes de
réforme dans ce sens.
Il s'agira, en second lieu, de renforcer le rôle des
collectivités locales dans la mise en oeuvre des solidarités
sociales, que celles-ci concernent l'insertion ou la dépendance des
personnes âgées.
Pour toutes ces raisons, la commission des Lois -sur la proposition de son
président M. Jacques Larché- a jugé nécessaire de
constituer en son sein un groupe de travail qui a été
placé sous la présidence de M. Jean-Paul Delevoye,
président de l'Association des maires de France.
Ce groupe de travail, composé de vingt-et-un membres, a eu pour
mission de réfléchir aux aspect institutionnels de la
décentralisation. Il n'a donc envisagé les aspects financiers,
question à l'évidence essentielle mais qui justifie une
réflexion spécifique, que pour mieux éclairer les
difficultés rencontrées par les institutions locales dans la mise
en oeuvre de leurs compétences.
Le groupe de travail n'a pas non plus entendu dresser un tableau exhaustif de
la décentralisation, à l'instar des missions d'information
constituées dans les années passées par le Sénat.
Il a cherché plus modestement à établir un diagnostic de
certains aspects de la situation actuelle, mettant en évidence les
problèmes existants, et à définir des pistes qui
pourraient être approfondies pour parachever la décentralisation.
Pour des raisons évidentes, tenant au contexte économique, il a
réservé une place particulière au thème de l'action
économique locale.
Depuis sa constitution, le groupe de travail s'est réuni à seize
reprises pour une durée totale de trente heures.
Il a procédé à de nombreuses auditions parmi lesquelles
celles de M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la
réforme de l'Etat et de la décentralisation (à deux
reprises), de M. Michel Thénault, directeur général
des collectivités locales (à trois reprises) ainsi que celles des
associations d'élus et de différentes personnalités
qualifiées.
Au terme de ces différentes réunions, le présent rapport
établit un constat et définit quelques pistes pour l'avenir.
L'ensemble de ces réflexions s'inscrit parfaitement dans la
continuité des travaux précédemment conduits par le
Sénat sur le thème de la décentralisation et de
l'aménagement du territoire qui ont, à plusieurs reprises,
trouvé des traductions sur le plan législatif. Il s'agit, en
particulier, des missions d'information constituées par la Haute
Assemblée sur ces thèmes
1(
*
)
.
En outre, deux groupes de travail de la commission des Lois ont mené sur
le thème de la responsabilité pénale des élus
locaux et sur celui du mode de scrutin régional des réflexions
qui ont pu être utilement prises en compte par le groupe de travail sur
la décentralisation
2(
*
)
.
Enfin, les réflexions consignées dans le présent rapport
trouvent un écho dans les chantiers ouverts par le Gouvernement en vue
de la réforme de l'Etat -plus précisément des
administrations de l'Etat- et de la coopération intercommunale.
L'actualité de cette dernière question et son importance cruciale
pour l'organisation territoriale, ont justifié que le groupe de travail
en fasse un thème prioritaire de réflexion.
Le groupe de travail n'a néanmoins pas limité ses investigations
aux questions d'actualité immédiate. Il également entendu
développer une approche prospective de l'organisation territoriale,
à l'aube du prochain siècle, en s'interrogeant sur son adaptation
aux grands enjeux auxquels la société française sera
confrontée.
I. UN CONSTAT : RÉPONSE ADAPTÉE AUX DÉFIS DE NOTRE SOCIÉTÉ, LA DÉCENTRALISATION SE HEURTE À DES OBSTACLES PERSISTANTS
A. LA DÉCENTRALISATION, UNE RÉPONSE ADAPTÉE AUX DÉFIS DE NOTRE SOCIÉTÉ
1. La gestion décentralisée a fait la preuve de son efficacité
a) Une situation financière saine
Comme l'avait parfaitement souligné, en 1991, le
rapport de la mission sénatoriale qui, sous la présidence de M.
Charles Pasqua, avait été chargée d'étudier le
déroulement et la mise en oeuvre de la politique de
décentralisation, la décentralisation a été une
réforme bénéfique qui s'est traduite par une bonne
maîtrise des dépenses et par un développement
considérable des équipements publics.
Il n'est, en effet, pas inutile de rappeler que la décentralisation est
intervenue après un mouvement de longue durée d'augmentation des
dépenses locales, dont le rythme a été supérieur
à celui de la croissance de la richesse nationale. Ce constat avait fait
craindre à certains que, dans un contexte économique difficile
favorisant les demandes d'interventions publiques, les nouvelles
responsabilités locales n'entraînent une explosion des
dépenses.
Or, ces prédictions pessimistes ne se sont pas
concrétisées
. La gestion financière locale
a, au
contraire,
été globalement très saine
,
malgré les nouvelles missions exercées par les
collectivités locales.
Ainsi, entre 1982 et 1992, les dépenses de fonctionnement ont
progressé à un rythme inférieur à celui de
l'ensemble des dépenses et leur poids au sein du produit
intérieur brut (PIB) s'est même réduit jusqu'en 1990.
Dans le même temps, les collectivités locales ont
privilégié l'
autofinancement
pour le financement de leurs
investissements.
Le rapport du groupe de travail sur les relations financières entre
l'Etat et les collectivités locales, présidée M.
François Delafosse a ainsi pu relever, en 1994, que pour l'ensemble des
collectivités locales, l'emprunt qui représentait 38 % des
ressources d'investissement en 1987, en constituait moins de 35 % en 1993,
après une légère remontée à partir de 1991.
Entre 1987 et 1993, l'autofinancement a été stabilisé
à 36 % environ des recettes d'investissement, ce qui a traduit la
volonté des collectivités locales de dégager sur les
recettes ordinaires de fonctionnement les moyens de financement
nécessaires à la réalisation de nouveaux
équipements.
Ce constat global recouvre néanmoins des mouvements distincts. Sous
l'effet notamment de l'explosion des dépenses sociales, la part de
l'autofinancement dans les budgets d'investissement des départements
s'est réduite entre 1990 (57 %) et 1993 (38,5 %). Il en a
été de même pour les régions qui
autofinançaient néanmoins près de la moitié de
leurs investissements en 1993 (49 %). Quant aux communes, la part de
l'autofinancement s'est globalement accrue de 1987 à 1993.
Les collectivités locales ont par ailleurs engagé depuis
plusieurs années des opérations de renégociation de leur
dette qui ont porté leurs fruits.
Le recours à l'emprunt a ainsi été
maîtrisé par les collectivités locales
dont
l'endettement représente environ 8 % du PIB. L'endettement de l'Etat a
au contraire progressé très fortement et représente,
à la fin 1995, 42,4 % du PIB.
Faut-il rappeler par ailleurs qu'à la différence de l'Etat qui
s'est autorisé des déficits budgétaires
considérables, les collectivités locales sont soumises à
une règle d'équilibre qui ne peut que les obliger à une
rigueur de gestion ?
Le récent rapport établi, au nom de l'observatoire des finances
locales que préside M. Jean-Pierre Fourcade, par notre collègue
Joël Bourdin, sur l'état des finances locales confirme le souci de
maîtrise financière des collectivités locales dans un
contexte peu favorable : "
l'exercice 1995 a été
caractérisé par la bonne adaptation, par les
collectivités, de leur gestion financière aux conditions
nées de la contrainte budgétaire de l'Etat. L'augmentation des
dépenses de fonctionnement (hors frais financiers) n'a pas
excédé 5 % ; et ce au moment où les concours
n'évoluaient pratiquement pas ; le produit des quatre taxes directes ne
progressant que de moins de 4 %
". Malheureusement,
l'investissement,
en régressant d'un peu plus de 5 %, a joué le rôle de
variable d'ajustement.
Mais, selon ce rapport, les grands équilibres n'ont pas
été sérieusement perturbés : le taux
d'endettement (annuité sur recettes de fonctionnement) a
été stabilisé et s'oriente même à la baisse ;
le taux d'épargne brute (épargne brute sur recettes de
fonctionnement) ne connaît pas de dégradation significative, sauf
peut-être pour les régions (mais à un haut niveau).
L'épargne nette, qui permet de mesurer la capacité
financière et qui avait subi une érosion sensible en 1994 (due
à la dégradation de la situation des villes de plus de
10 000 habitants et des départements) s'est redressée
en 1995.
Cette maîtrise financière est d'autant plus appréciable que
-comme l'a rappelé M. Jean-Paul Delevoye- les collectivités
locales sont prises en compte dans les critères de convergence
prévus par le Traité d'Union européenne.
Le rapport de M. Joël Bourdin relève en ces termes la contribution
des collectivités locales au respect des critères du
Traité de Maastricht pour le passage à la monnaie unique :
"
leur besoin de financement ne représente que 0,2 point de
produit intérieur brut ; il diminue régulièrement depuis
1992. Leur stock de dettes, sensiblement inférieur à 8 % du
produit intérieur brut, ne présente aucune évolution
d'ordre alarmant ".
En dépit de cette gestion prudente, les collectivités locales
sont désormais confrontées à un "
effet de
ciseaux
" entre des recettes qui stagnent voire diminuent et des
dépenses de gestion qui progressent plus rapidement, en particulier les
dépenses d'action sociale et de personnel -votre rapporteur y reviendra-
dont la détermination échappe très largement au pouvoir de
décision des élus.
Ces facteurs de destabilisation des budgets locaux -dont notre collègue
André Bohl s'est fait l'écho dans son avis (n° 91,
1996-1997) sur les crédits de la décentralisation inscrits dans
le projet de loi de finances pour 1997- donnent à ces derniers des
marges réduites et légitiment pleinement le souhait de
clarification exprimé par les élus locaux quant aux conditions
d'exercice de leurs compétences.
b) Un effort soutenu en faveur des équipements publics
Tout en mettant en oeuvre une gestion parfaitement saine de
leurs finances, les collectivités locales ont entrepris, depuis la
décentralisation, un effort considérable en faveur des
équipements publics et des services offerts aux citoyens.
Leur effort d'équipement
proche des 200 milliards de francs en
1994 (178,8 milliards de francs)
représente près des
trois
quarts
de l'investissement public national.
Cet effort soutenu a eu -il faut le souligner- un effet bénéfique
sur l'emploi (les collectivités locales ont été à
l'origine du quart des emplois créés par l'économie depuis
1984) et a permis de soutenir certains secteurs, tels que celui des
bâtiments et travaux publics, dans une conjoncture économique
difficile.
M. Jean-Paul Delevoye a ainsi souligné l'effet
" contra-cyclique " qui avait été exercé par les
investissements des collectivités locales.
De même, les collectivités locales ont apporté une
contribution décisive à la réalisation
d'équipements structurants dans le cadre des contrats de plan
passés avec l'Etat.
Sur la période 1994-1998, leur effort financier s'élève
ainsi à 94 milliards de francs contre 77 milliards de francs pour
l'Etat.
Les réalisations des départements et des régions en faveur
de l'
équipement des collèges et lycées
sont une
bonne illustration de l'efficacité de la gestion locale.
Au titre des collèges, les départements se sont vu confier la
charge de la construction, de la reconstruction, de l'extension, des grosses
réparations, de l'équipement et du fonctionnement, les
dépenses pédagogiques et de personnel étant
assurées par l'Etat.
Les investissements qu'ils ont réalisés dans les collèges
ont très largement dépassé le montant des transferts
financiers de l'Etat regroupés dans la dotation départementale
d'équipement des collèges (DDEC) : 2,4 milliards de francs pour
une DDEC inférieure à un milliard de francs en 1987; 7,6
milliards de francs pour une DDEC de 1,3 milliard de franc en 1992.
En outre, certains départements interviennent au-delà de leurs
strictes compétences légales pour financer des formations
universitaires ou des IUT.
Quant aux régions, M. René Garrec, président du conseil
régional de Basse-Normandie, représentant l'Association des
présidents de conseils régionaux, a indiqué au groupe de
travail que les dépenses relatives aux lycées s'élevaient
à 3,3 milliards de francs en 1988 et 19,4 milliards de francs en
1992. Il a souligné le facteur de progression des dépenses que
constituaient le mauvais état des locaux mis à disposition et les
flux démographiques des élèves.
Sur la base des budgets primitifs de 1996, les régions consacrent
84 % de leurs investissements directs aux équipements scolaires.
Les équipements scolaires du second degré absorbent près
de 13 milliards de francs.
Au total, les départements et les régions ont su, dans un
délai très rapide, apporter des
réponses efficaces
pour remédier à l'état de vétusté dans
lequel ils ont trouvé les collèges et les lycées au moment
de la décentralisation.
En outre, M. René Garrec a rappelé que, depuis plusieurs
années, au titre du plan Universités 2000 (1991-1995) et des
contrats de plan successifs, l'Etat a appelé les régions à
participer au financement de l'enseignement supérieur pour lequel elles
n'exercent pas en principe de compétences obligatoires. Le plan
Universités 2000 a ainsi programmé sur cinq ans
32,5 milliards d'investissement dont le tiers est pris en charge par
l'Etat et les deux tiers par les collectivités territoriales,
principalement les régions.
L'enseignement supérieur absorbe près de 2 milliards de francs
dans les budgets primitifs des régions pour 1996.
Bien d'autres domaines témoignent de l'effort soutenu des
collectivités locales en faveur de l'équipement public. Votre
rapporteur se bornera à évoquer les actions menées pour la
voirie, les transports collectifs de voyageurs et la culture.
En matière de
voirie
, pour laquelle ils exercent une
compétence traditionnelle, les départements sont responsables
d'un réseau d'environ 350 000 kilomètres auquel ils
consacrent une part importante (plus du quart) de leurs dépenses
d'investissement.
Dans le domaine des
transports collectifs de voyageurs
,
sur le
fondement de la loi d'orientation des transports intérieurs du
31 décembre 1982, les régions ont
développé un partenariat avec la SNCF et apporté
d'importantes contributions au fonctionnement des services ferroviaires
régionaux.
A la suite des travaux de la commission d'enquête du Sénat sur la
SNCF
3(
*
)
puis des rapports établis
respectivement par notre collègue Hubert Haenel
4(
*
)
et par M. Gilbert Carrère
5(
*
)
, la loi d'orientation du
4 février 1995 (article 67) a ouvert la voie à une
expérimentation préalable à la définition par la
loi des modalités d'organisation et de financement des transports
collectifs d'intérêt régional. Cette loi devra prendre en
compte le développement coordonné de tous les modes de transports
et assurer la concertation entre toutes les autorités organisatrices de
transport. Toutes les collectivités exercent, en effet, des
compétences propres dans le domaine des transports, que la loi de 1982 a
organisé.
Les expérimentations ont effectivement été lancées
dans six régions (Alsace, Centre, Nord-Pas-de-Calais, Pays de la Loire,
Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Rhône-Alpes). La région Alsace a
signé avec la SNCF un premier contrat le 3 février dernier.
La loi n° 97-135 du 13 février 1997 portant création de
l'établissement public " Réseau ferré de
France " en vue du renouveau du transport ferroviaire a défini le
cadre de cette expérimentation qui devra s'achever le 31 décembre
1999.
Dans leurs budgets primitifs, les régions ont prévu de consacrer
35,1 % de leur effort d'investissement aux transports et aux
télécommunications.
Les collectivités locales ont, par ailleurs, consenti d'importants
efforts en faveur des
équipements culturels
, facteurs essentiels
au maintien de la vitalité des territoires.
Ces efforts sont divers puisqu'ils peuvent concerner aussi bien les
conservatoires de musique, les bibliothèques, les théâtres,
les archives que l'organisation de festivals ou encore le maintien et le
développement de cinémas.
Pour ces derniers, les exemples d'initiatives locales qui ont permis
d'éviter des fermetures préjudiciables à l'animation
locale sont nombreux. Ces initiatives expliquent très largement le bon
maillage du territoire, lequel est doté de 4 400 salles
réparties dans 1 700 communes.
Les municipalités se sont particulièrement investies pour
maintenir des salles de cinéma soit en assurant leur gestion directe en
régie (116 salles) soit, plus souvent, en concédant leur
gestion à des associations (594 salles) ou à d'autres
structures privées (407 salles). Les départements et les
régions apportent également de plus en plus leur soutien dans ce
domaine, soit en subventionnant des festivals ou des salles, soit en menant des
actions en faveur des jeunes.
Enfin, l'effort d'équipement des collectivités locales devrait
-si les entraves budgétaires ne les en empêchent- demeurer
élevé dans les prochaines années au regard des besoins qui
existent et qui sont mis en avant -votre rapporteur y reviendra- par diverses
réglementations, notamment dans le domaine de l'environnement ou de la
sécurité des bâtiments publics.
c) Un processus de décision proche du citoyen
La décentralisation -et ce n'est pas le moindre de ses
mérites- a permis de
rapprocher le processus de décision
publique du citoyen.
A l'heure de la mondialisation de l'économie et de la construction
européenne, souvent difficiles à appréhender, les citoyens
ont besoin, plus que jamais d'avoir des repères dans leur environnement
proche.
Nos
36 000
communes sont autant de foyers de démocratie
locale, qui permettent un maillage efficace du territoire. Cette
réalité institutionnelle -trop souvent présentée
comme un handicap- peut au contraire constituer un atout dès lors
qu'elle se combine avec la mise en oeuvre d'une intercommunalité bien
comprise.
Le réseau de
500 000 élus
locaux
représente un précieux gisement d'initiatives et d'innovations au
service de nos concitoyens. La décentralisation a
précisément permis de lever les entraves au développement
des initiatives locales.
Au contact direct des hommes et des femmes dont ils partagent les
préoccupations, les élus locaux sont les mieux placés pour
réaliser l'adéquation nécessaire des services publics aux
besoins locaux. Tel est bien le sens de l'idée de subsidiarité
qui doit animer le processus de décentralisation.
Les multiples initiatives des maires -véritables médiateurs
sociaux- pour faire face aux conséquences de la situation
économique sur le tissu social témoignent de cette
réalité, de même que les efforts entrepris par les conseils
généraux pour adapter l'offre de services à la
diversification croissante de la demande en matière d'aide sociale et au
nouveau défi que constitue la dépendance des personnes
âgées.
Face aux problèmes du quotidien, les citoyens ont besoin de s'adresser
à des interlocuteurs proches dotés d'un véritable pouvoir
de décision. Tel est le résultat que la décentralisation
permet d'atteindre.
Ce résultat est d'autant plus remarquable qu'il peut être obtenu
grâce au dévouement d'hommes et de femmes dont les fonctions ne
sont pas rémunérées.
Comme l'a souligné, à juste titre, notre collègue Pierre
Fauchon dans son rapport "
Démocratie locale et
responsabilité
", fait au nom du groupe de travail de la
commission des Lois présidé par M. Jean-Paul Delevoye sur la
responsabilité pénale des élus locaux : "
le
principe de gratuité domine (...) l'accomplissement du mandat. Ce
principe a été conçu avec une très grande rigueur
dès le XIXè siècle. Certes, sous l'effet de
l'accroissement continu des charges administratives des élus locaux, le
législateur a été appelé à prévoir
des dispositions de nature à faciliter l'exercice du mandat. La France
n'a pas pour autant opté -au contraire d'autres Etats européens
tels que l'Espagne ou, dans certaines limites, les Pays-Bas- pour un mandat
à temps plein rémunéré.
". En outre, il
faut bien constater que le régime des indemnités versées
aux élus locaux ne prend pas en considération la très
grande diversité des obligations qui leur sont imposées.
Les collectivités sont enfin des relais efficaces des initiatives des
citoyens, à travers notamment les multiples organismes extra-municipaux
mais aussi le soutien apporté aux manifestations culturelles et
sportives qui animent l'ensemble du tissu social.
Le recours d'un grand nombre de municipalités aux nouvelles technologies
de l'information pour développer la communication sur leurs territoires
témoigne d'une volonté réelle d'adapter l'organisation
institutionnelle aux enjeux de l'avenir.
2. Les nouveaux défis sociaux appellent des solutions de proximité
a) L'identification de ces défis
L'action publique devra nécessairement s'adapter aux nouveaux défis auxquels notre société sera confrontée au début du siècle prochain, dont certains ont déjà commencé à produire leurs effets.
1.- Les effets de l'évolution démographique
Ces défis résulteront, en premier lieu, de la
transformation des besoins
qui résultera inévitablement de
l'évolution des caractéristiques de la population.
Les grandes tendances de l'évolution de la population à l'aube du
prochain siècle sont désormais bien identifiées.
Les données démographiques pour les prochaines années
résultent mécaniquement des tendances observées au cours
des cinquante dernières années, caractérisées par
les générations très nombreuses nées dans la
période du " baby-boom " auxquelles ont succédé
des générations moins nombreuses nées depuis 1975.
L'évolution de la fécondité et le
déséquilibre de la pyramide des âges se sont d'ores et
déjà traduit par une augmentation sensible de la proportion des
personnes âgées de 60 ans et plus. Ce mouvement devrait se
poursuivre à l'aube du prochain siècle avec l'arrivée
à cet âge des générations nombreuses du babyboom.
Ainsi, les personnes ayant atteint ou dépassé 60 ans qui
étaient 10 millions en 1985 (soit 18,1 % de la population totale)
devraient être 12,1 millions en l'an 2000 (soit plus de 20 % de la
population) et 17 millions en 2020 (soit 25 à 35 % de la population
totale), selon les projections effectuées par l'INSEE. En outre, la
proportion des plus de 80 ans devrait s'accroître très
sensiblement. Dans le même temps, la population active, sauf reprise de
la fécondité, devrait commencer à diminuer au tournant du
prochain siècle. Ainsi, selon l'Institut national d'Etudes
démographiques (INED), le rapport de trois adultes (20-59 ans) pour une
personne âgée (60 ans et plus) observé en 1980 pourrait
s'établir à 2,5 en l'an 2000 et à 2 en 2020, cette
prévision reposant sur une hypothèse encore incertaine de
ralentissement de la progression de l'espérance de vie.
En outre, différents facteurs tendront à réduire le nombre
d'adultes actifs effectivement occupés : l'allongement et la
durée des études, l'abaissement de l'âge de cessation
d'activité, le nombre de chômeurs prévisible au regard des
tendances actuellement en cours.
Dans ces conditions, le rapport entre le nombre d'actifs effectivement
occupés et le nombre d'inactifs allocataires risque de connaître
un
déséquilibre majeur
.
Ces grandes tendances auront pour effet de modifier les besoins auxquels les
collectivités publiques doivent faire face.
Schématiquement, celles-ci devront de plus en plus -comme elles le font
déjà en particulier pour ce qui est des départements-
répondre aux besoins d'une population âgée dont une partie
se trouvera en situation de dépendance.
Parallèllement, le besoin d'éducation sera moins massif mais se
diversifiera. Il fera davantage place à la formation permanente et
justifiera de plus en plus un lien plus étroit entre cette formation et
les débouchés professionnels.
2.- La fracture sociale
Au-delà de ces conséquences de
l'évolution démographique, notre société doit
d'ores et déjà relever différents défis dont
l'accentuation de la
fracture sociale
n'est pas le moindre.
La
crise de l'emploi
est évidemment au coeur de ce mouvement.
Entre 1980 et 1992 l'emploi total est ainsi resté quasiment stable, ne
progressant que de 500 000 emplois (+ 0,17 % par an) pendant que la
population active connaissait une croissance de 185 000 personnes par an
(entre les deux recensements de 1982 et 1990). Il en est résulté
une forte progression du chômage qui est passé de 6 % en 1979
à 10,7 % en 1987 pour atteindre 12,7 % aujourd'hui. Cette
évolution s'inscrit dans un contexte de tertiarisation de
l'économie qui bouleverse la structure de l'emploi. Le secteur tertiaire
absorbe ainsi désormais les deux tiers des emplois, la France ayant
perdu 1,2 million d'emplois industriels et près de 750 000 emplois
agricoles entre 1980 et 1992.
Le chômage obéit à des facteurs multiples (évolution
démographique, mondialisation de l'économie qui renforce les
impératifs de compétitivité, progrès technologique,
augmentation du taux d'activité féminine) dont certains risquent
d'être durables.
Aussi, comme le souligne le rapport de la commission du Livre Blanc
coprésidée par M. Jacques Chaban-Delmas, ancien Premier ministre,
et par le Président René Monory
6(
*
)
: "
il semble inéluctable que le nombre d'actifs effectivement
employés, vivant pour l'essentiel du revenu de leur travail donnant lieu
au paiement d'impôts et de cotisations sociales, ira diminuant alors que
celui des inactifs de tous âges vivant pour l'essentiel de revenus de
transferts (pensions de vieillesse, allocations chômage) ira augmentant.
A système économique et social constant, on s'achemine vers une
proportion réelle de deux inactifs pour un actif cotisant
. ".
Le chômage est un des facteurs essentiels des phénomènes
d'exclusion sociale qui se sont développés dans notre pays.
Dans son avis présenté en 1995 au nom du Conseil
économique et social, sur l'évaluation des politiques publiques
de lutte contre la grande pauvreté
7(
*
)
,
Mme Geneviève de Gaulle-Anthonioz a estimé, à partir d'une
enquête du CREDOC qui a sélectionné un échantillon
de personnes concernées, que l'on peut déterminer des
précarités significatives dans cinq domaines et observer la
proportion des personnes touchées : 60% disposent mensuellement de moins
de 2 800 francs par unité de consommation ; 56 % n'ont pas de
logement stable ou sont sans abri ; 18 % exercent une activité,
43 % sont au chômage et 38 % n'ont pas de travail et ne
cherchent pas à en obtenir ; 47 % n'ont aucun diplôme
(10 % souffrent d'illétrisme) : 31 % ont un état de
santé dégradé.
La gravité de la précarité de situation en matière
de logement et d'emploi ressort par ailleurs nettement de l'enquête :
36 % des personnes ont perdu leur logement depuis un à cinq ans et
22 % depuis plus de cinq ans ; 35 % des personnes qui sont au
chômage le sont depuis un à cinq ans, 19 % le sont depuis
plus de cinq ans.
En outre, les facteurs de précarité se cumulent bien souvent :
80 % des personnes souffrent de deux précarités au moins ;
près de la moitié (48 %) de trois ou davantage. La fraction
la plus défavorisée (18 % de l'échantillon) cumule 4
ou 5 précarités.
Ces phénomènes d'exclusion constituent un défi majeur pour
les politiques publiques.
Lors de son audition par le groupe de travail,
M. Jean-Louis Sanchez,
délégué général de l'observatoire national
de l'action sociale décentralisée, a fait observer que,
même si la cohésion sociale globale n'était pas en cause,
les phénomènes d'exclusion concernaient de plus en plus de
personnes, la moitié des Français se sentant menacés par
le risque d'exclusion.
Ainsi le nombre de bénéficiaires de minima sociaux
s'élevait pour la France métropolitaine en 1994 à 3,1
millions de ménages contre 2,8 millions en 1992. Ce sont les minima
sociaux liés au chômage et à la pauvreté qui ont le
plus évolué.
M. Jean-Louis Sanchez a également relevé la situation des
personnes âgées de plus de 75 ans, dont la proportion de celles
vivant seules à domicile s'est accrue d'un tiers en trente ans et qui
sont directement touchées par les phénomènes d'isolement
social.
3.- La fracture territoriale
La
fracture territoriale
constitue un autre défi
essentiel auquel notre société doit faire face.
Le Sénat a, depuis plusieurs années, consacré des
réflexions approfondies au thème de l'aménagement du
territoire.
Après une mission d'information relative à l'avenir de l'espace
rural français, qui a achevé ses travaux en 1991, la mission
d'information chargée d'étudier les problèmes de
l'aménagement du territoire et de définir les
éléments d'une politique de reconquête de l'espace rural et
urbain, présidée par M. Jean François-Poncet et dont les
rapporteurs étaient MM. Gérard Larcher, Jean Huchon, Roland du
Luart et Louis Perrein, a parfaitement identifié les
éléments de cette fracture territoriale : une hypertrophie de la
région d'Ile-de-France, une asphyxie parallèle des banlieues et
des zones rurales fragiles.
La Convention nationale, qui s'est déroulée au Futuroscope de
Poitiers, sous la présidence de M. René Monory,
président du Sénat, a permis d'enrichir les analyses et les
propositions de la mission d'information.
Par ailleurs, le grand débat national organisé sous le
Gouvernement de M. Edouard Balladur et sur l'impulsion de M. Charles Pasqua, a
permis d'identifier les difficultés rencontrées pour assurer une
cohésion territoriale.
4.- La fracture " civique "
Enfin, apparaissant très largement comme une
conséquence des deséquilibres qui menacent la cohésion du
tissu social, le risque d'une fracture " civique " qui
mettrait en
cause certains principes fondamentaux sur lesquels reposent les valeurs
essentielles de la République ne doit pas être sous-estimé.
M. Jean-Paul Delevoye a en particulier souligné ce risque dont la
prévention appelle de la part des collectivités publiques des
mesures de nature à renforcer la citoyenneté et le lien social.
b) Une réponse adéquate : la gestion de proximité
Le groupe de travail estime que les réponses, qui seront mises en oeuvre pour relever ces défis, devront promouvoir une gestion de proximité , qui est la mieux à même d'assurer la cohésion sociale et territoriale.
1.- Pour la cohésion sociale
Il en est ainsi en premier lieu du traitement des
problèmes dont la conjonction a abouti au développement des
phénomènes d'exclusion
.
Au cours de son audition, M. Jean-Louis Sanchez a souligné la
diversification du public concerné par l'aide sociale.
Sur un total de 2 201 milliards de francs de dépenses de protection
sociale, environ 223 milliards de francs relèvent de l'action sociale.
Mais, si celle-ci ne concerne directement qu'un nombre restreint de
Français, ce nombre a néanmoins fortement augmenté ces
dernières années et la nature des demandes d'intervention s'est
elle-même profondément modifiée.
Ainsi, selon des études menées dans les départements dont
rend compte le rapport établi par M. Jean-Louis Sanchez
8(
*
)
,
un tiers
des personnes s'adressant aux
services d'action sociale appartiendraient à leur public
" traditionnel " nécessitant un accompagnement social
durable
et
deux tiers
à un " nouveau public "
hétérogène, dont une grande partie se trouve en risque
d'exclusion.
Analysant devant le groupe de travail les facteurs qui ont un effet durable sur
les dépenses départementales et qui se répercutent sur les
villes, lesquelles assument 15 % des dépenses
départementales
,
M. Jean-Louis Sanchez a relevé que le
coût du soutien à la dépendance des personnes
âgées et de l'hébergement des personnes handicapées
a augmenté de 14 % par an au cours des cinq dernières
années.
Il a par ailleurs souligné le poids croissant des dépenses
d'insertion qui ont progressé de 205 % entre 1989 et 1995 pour
s'établir à 10 milliards de francs en 1995. Il a noté
la charge due au financement du revenu minimum d'insertion et de la protection
sociale qui y est liée. En conséquence, il a fait observer que
cette situation avait pour effet de réorienter l'action sociale des
départements qui était jusque là affectée à
des actions traditionnelles.
M. Jean-Louis Sanchez, faisant valoir que l'État avait pris en compte le
principe de subsidiarité, a par ailleurs relevé qu'il intervenait
davantage dans un but de régulation ou d'animation. Il a
considéré que l'État reconnaissait ainsi la
nécessité d'une territorialisation des réponses sociales.
Ce sont bien, en effet, des réponses territorialisées qui
permettront de prendre en compte cette diversification des besoins d'aide
sociale et en particulier la demande d'insertion.
Les maires sont d'ores et déjà en première ligne pour
affronter les effets du contexte économique sur le tissu social et y
apporter des réponses immédiates.
Ultime maillon de la cohésion sociale, ils jouent ainsi un rôle de
médiateur social vers lequel les citoyens confrontés aux
difficultés de logement, d'emploi, d'éducation ou
d'intégration se tournent spontanément, comme l'ont mis en
évidence les travaux du Congrès des maires de France
organisé en 1994 sur le thème de "
l'emploi et les
collectivités locales
".
Ainsi, bien que la lutte contre le chômage ne fasse pas partie des
compétences officiellement dévolues aux collectivités
locales, un sondage réalisé à l'occasion de ce
congrès a fait ressortir que
58 %
des personnes
interrogées considéraient que le maire pouvait avoir une
influence sur la situation de l'emploi.
Les communes ont -il est vrai- consacré d'importants efforts afin
d'atténuer les effets de la situation de l'emploi sur le tissu social.
Selon le sondage réalisé pour le congrès des maires de
1994, près des deux tiers des communes (65 %) employaient des
personnes bénéficiaires des contrats emploi-solidarité
(CES) institués par la loi du 19 décembre 1989, prolongés
par la suite par les contrats d'emplois consolidés (CEC).
Les collectivités locales seront également au premier rang pour
la mise en oeuvre des emplois de ville prévus par la loi du 6 mai 1996
portant réforme du financement de l'apprentissage et qui devraient
-selon l'objectif retenu par le Gouvernement- être au nombre de
100 000 sur une période de quatre ans.
Destinés aux jeunes de 18 à moins de 26 ans qui résident
dans les grands ensembles et les quartiers d'habitat dégradé, ces
emplois durables -qui pourront également être créés
dans les associations et les entreprises délégataires de services
publics, et bénéficieront d'une aide de l'État- donneront
aux jeunes la possibilité de bénéficier d'une formation et
d'acquérir une qualification, grâce à la durée de
cinq ans du contrat.
D'ores et déjà, plusieurs départements et régions
ont apporté leur concours à la réussite de cette nouvelle
formule, en s'engageant à prendre en charge 15 % du coût des
emplois de ville, en sus de la part assumée par l'État.
Les départements jouent pour leur part un rôle essentiel dans la
mise en oeuvre des solidarités sociales, comme en témoigne
l'
explosion de leurs dépenses d'aide sociale
qui
représentent désormais
60 %
de leur budget de
fonctionnement.
Selon les indications données par M. Jean-Louis Sanchez devant le groupe
de travail, l'enveloppe des dépenses départementales d'action
sociale -qui est passé d'environ 45 milliards de francs en 1989 à
73 milliards de francs en 1995- a subi non seulement les effets de
l'évolution sociale et démographique mais également ceux
de l'accroissement du coût des services. Ainsi, les dépenses de
l'aide sociale à l'enfance ont progressé de 5 % par an au
cours des dernières années alors même que les effectifs
d'enfants placés ou suivis ont stagné. De même, la
moitié de l'accroissement annuel de 15 % des dépenses
d'hébergement des personnes handicapées s'expliquerait par
l'augmentation du coût des services.
Confrontés à une offre déséquilibrée
d'équipements et de services, les départements ont fait de
l'adaptation de l'offre de service à la demande sociale une
priorité.
Dans un rapport de 1995 consacré à l'action sociale
décentralisée, la Cour des Comptes a ainsi relevé que
"
les départements ont consenti depuis la
décentralisation un effort indéniable en vue d'améliorer
le nombre de places
en établissement, notamment pour les
personnes âgées et les personnes handicapées
".
La loi du 24 janvier 1997 -issue d'une initiative sénatoriale-
reconnaît ce rôle essentiel joué par les départements
dans la prise en charge de la situation de dépendance des personnes
âgées. Elle permet, en outre, de mettre fin opportunément
aux dérives de l'allocation compensatrice pour tierce personne et
prévoit simultanément le versement de la nouvelle prestation au
domicile et en établissement. Elle préconise également la
définition de solutions les plus adaptées à la situation
du bénéficiaire de l'aide en prévoyant un suivi de
celle-ci qui permettra de s'assurer de son adéquation aux besoins des
personnes et de la qualité du service rendu.
Enfin, les villes sont elles-mêmes directement confrontées aux
phénomènes d'exclusion.
M. Jean-Louis Sanchez a ainsi indiqué devant le groupe de travail
qu'elles connaissaient une évolution comparable à celle des
départements, la plupart d'entre elles essayant de dépasser une
approche purement gestionnaire. Il a précisé que la moitié
des dossiers du revenu minimum d'insertion était instruit par des villes
ou par des centres communaux d'action sociale. Il a relevé que dans
70 % des villes de plus de 30 000 habitants, cette mission
nécessitait la création de services sociaux qui assuraient
également un suivi social.
S'agissant de l'insertion par l'économie, M. Jean-Louis Sanchez a fait
observer que les deux tiers des villes de plus de 30 000 habitants avaient
signé des contrats de ville dont huit sur dix comprenaient un volet
consacré à l'insertion par l'économie. Il a par ailleurs
fait valoir que 95 % de ces villes participaient à des missions
locales.
Enfin, la décentralisation, comme l'a souligné M. Jean-Paul
Delevoye, peut jouer un rôle essentiel pour maintenir et approfondir la
citoyenneté, indissociable de la cohésion sociale,
prévenant par là-même les risques de fracture
" civique ".
2.- Pour la cohésion territoriale
La résorption de la
fracture territoriale
appelle, en second lieu et de la même manière, des solutions de
proximité.
Le rapport de la mission sénatoriale d'information sur
l'aménagement du territoire a clairement mis en évidence les
pièges d'une dérive toujours possible vers une recentralisation.
Elle a au contraire plaidé pour un scénario dans lequel le
rôle de l'État pour un aménagement du territoire
multipolaire se situerait à trois niveaux : la définition d'une
stratégie d'ensemble, la correction des déséquilibres
financiers entre collectivités territoriales et la mise en place des
grandes infrastructures intellectuelles et de communication.
Comme le souligne le rapport : "
Ainsi recentré dans ses
fonctions essentielles et porteur d'un projet national, l'État doit
déléguer aux collectivités décentralisées
l'essentiel des actions qu'exige sur le terrain l'aménagement du
territoire. Cette délégation doit nécessairement
s'accompagner d'un transfert des moyens financiers et humains. La
cohérence entre financements et décisions permettra de simplifier
l'ensemble des circuits administratifs et financiers
".
Ces orientations ont trouvé une première traduction dans la loi
d'orientation du 4 février 1995 à laquelle le Sénat a
apporté une contribution majeure, dont l'article premier affirme que la
politique d'aménagement et de développement du territoire est
conduite par l'État "
en association avec les
collectivités territoriales dans le respect de leur libre administration
et des principes de la décentralisation
". La même
formulation a été retenue, pour ce qui est de la politique de la
ville et du développement social urbain, par l'article premier de la loi
du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance
pour la ville.
Les initiatives prises par les collectivités locales témoignent
de leur très forte implication en faveur du développement de
leurs territoires.
Le 79ème congrès des maires de France consacré au
thème du
territoire
a mis en évidence que le
développement de celui-ci était au coeur des
préoccupations des maires, au moyen notamment de
l'intercommunalité dont l'utilité est désormais reconnue
dès lors qu'elle est librement consentie.
Le fort développement de l'intercommunalité de projet traduit
cette implication des communes en faveur du territoire.
M. Jean-Paul Delevoye a fait valoir que la réflexion essentielle doit
d'abord porter sur l'évolution des territoires avant d'envisager celle
des structures.
Quant aux départements -ainsi qu'a tenu à le souligner M. Patrice
Gélard- ils jouent un rôle essentiel et traditionnel à
l'égard des communes rurales, mettant ainsi en oeuvre des actions
concrètes en faveur du développement rural et d'une
solidarité territoriale effective.
Enfin, la région -conformément aux missions que lui a
confiées le législateur- joue un rôle d'impulsion
confirmé par la loi d'orientation du 4 février 1995 qui,
d'une part, a prévu l'établissement d'un schéma
régional d'aménagement et de développement du territoire,
chargé d'exprimer les orientations fondamentales en matière
d'environnement, de développement durable, de grandes insfrastructures
de transport, de grands équipements et de services
d'intérêt régional et, d'autre part, a créé
une conférence régionale de l'aménagement et du
développement du territoire.
*
* *
Pour autant, et peut-être justement parce que les
collectivités locales sont en première ligne pour affronter les
difficultés de notre société, la décentralisation
fait trop souvent office de " bouc émissaire " des
dysfonctionnements comme l'a mis en lumière le débat
récent sur l'augmentation de la pression fiscale locale.
En outre, il faut prendre toute la mesure, à la suite du groupe de
travail de la commission des Lois sur la responsabilité pénale,
des
inquiétudes réelles
qu'éprouvent de trop
nombreux élus, en particulier les maires, face à l'accumulation
des responsabilités qui leur sont imposées.
Il est donc nécessaire d'identifier les obstacles à
l'approfondissement de la décentralisation en menant aussi une
réflexion sur les hommes et sur les méthodes employées.
B. LA PERSISTANCE DE CERTAINS OBSTACLES À L'APPROFONDISSEMENT DE LA DÉCENTRALISATION
Ces obstacles peuvent être synthétisés autour de trois lignes de force : la rupture du contrat avec l'état, l'enchevêtrement des structures et certaines rigidités du statut de la fonction publique territoriale
1. La rupture du contrat avec l'État
La décentralisation mise en oeuvre à partir de
1981 était déjà porteuse de l'ambition d'une
réforme de l'Etat.
Elle constituait en effet une nouvelle forme d'aménagement et
d'organisation de l'Etat dans son ensemble, au sens large
" d'Etat-République ".
Il s'agit bien, en effet, par la décentralisation d'alléger
l'Etat de toute une série de fonctions afin de lui permettre de se
concentrer sur ses
missions régaliennes
.
La suppression de la tutelle de l'Etat sur les collectivités locales,
remplacée par un contrôle de légalité de nature
juridictionnelle, s'est ainsi accompagnée d'une redéfinition par
la loi des compétences respectives des différents niveaux de
collectivités locales et de l'Etat en tant qu'administration.
D'où le transfert de l'Etat aux collectivités locales de
" blocs de compétences " homogènes pour l'exercice
desquelles les collectivités se voyaient conférer une
entière maîtrise et garantir un transfert de ressources
financières équivalentes aux charges transférées.
D'autre part, la décentralisation ne pouvait être neutre pour les
administrations de l'Etat. Elle impliquait en effet une réorganisation
des services déconcentrés, qui devaient pour partie être
transférés aux collectivités locales, ainsi qu'une
redistribution des responsabilités entre ces services
" extérieurs " et les administrations centrales.
Or, on peut aujourd'hui considérer que le contrat conclu entre l'Etat et
les collectivités locales à travers les grands principes
posés au moment de la décentralisation a été
progressivement rompu, en raison d'un " brouillage "
croissant des
relations financières et d'une insuffisante redéfinition des
missions et des moyens de l'Etat.
M. Jean-Paul Delevoye a même estimé qu'une véritable
opposition d'intérêts financiers était apparue entre l'Etat
et les collectivités locales, comme l'avait mis en évidence le
débat récent sur l'évolution des droits de mutation.
a) Le " brouillage " des relations financières
1.- L'absence de compensation intégrale des charges transférées
Ce " brouillage " des relations
financières a
tout d'abord affecté les conditions dans lesquelles s'est
effectuée la compensation financière des transferts de
compétences, ainsi que l'a montré la
communication
présentée par M. Paul Girod devant le groupe de travail
sur les conclusions d'un rapport qu'il a établi au titre de
l'Observatoire des finances locales.
Les lois de décentralisation avaient posé le
principe d'une
compensation intégrale des charges transférées
,
l'article 94 de la loi du 7 janvier 1983 désormais
codifié à l'
article L. 1614-1
du code
général des collectivités territoriales précisant
que les ressources attribuées doivent être équivalentes aux
dépenses effectuées, à la date du transfert, par
l'État au titre des compétences transférées.
Cette compensation a été assurée majoritairement par des
transferts de fiscalité indirecte (à savoir, pour les
départements, les droits de mutation et la vignette et pour les
régions, la carte grise) et pour le solde, par des dotations de
l'État : dotation générale de
décentralisation, dotation régionale d'équipement
scolaire, dotation départementale d'équipement des
collèges.
M. Paul Girod a considéré que les calculs de départ
(effectués, dans la pratique, sur la base du montant des dépenses
acquittées par l'État l'année précédente au
titre des compétences transférées) avaient
été faits assez correctement. Il a toutefois relevé que
ces calculs avaient été opérés sur une base un peu
moins satisfaisante pour les régions que pour les départements.
Il a en effet estimé qu'en matière d'enseignement du second
degré, l'effort de l'État -confronté il est vrai à
une forte augmentation des besoins en raison des évolutions
démographiques- avait été inférieur à la
réalité de ces besoins au cours des années ayant
précédé la décentralisation.
Cependant son rapport a mis en évidence qu'une
rupture
s'était rapidement produite
entre l'évolution des
dépenses liées aux compétences transférées
et celle des ressources correspondantes
, au détriment d'une
compensation efficace.
En effet, ces dépenses se sont fortement alourdies, en particulier en ce
qui concerne les collèges, les transports scolaires et l'aide sociale
(notamment sous l'effet du " dénouement " des financements
croisés qui prévalaient jusque là), tandis que les
ressources transférées se sont caractérisées par un
faible dynamisme dû à la contraction du produit des impôts
transférés et aux modalités peu favorables retenues pour
l'indexation des dotations de compensation.
D'où un phénomène de décalage entre dépenses
et ressources transférées apparu dès 1987 pour les
régions et à compter de 1991 pour les départements, comme
le montrent les deux graphiques ci-dessous, extraits du rapport de M.Paul Girod
:
Ce phénomène a en outre été aggravé par
l'existence de charges mal compensées au moment du transfert de
compétences, notamment en matière d'enseignement, et par la
création ultérieure de charges nouvelles non compensées,
comme par exemple les dépenses résultant de l'institution du RMI
ou de certaines orientations générales de la politique de
l'Etat
9(
*
)
.
Au total, M. Paul Girod a estimé qu'en 1993, sur une masse globale de
100 milliards de francs de dépenses liées aux
compétences transférées, les collectivités
territoriales avaient été amenées à financer
30 milliards de francs, soit environ un tiers de la compensation, par leur
fiscalité propre.
L'insuffisante compensation des charges transférées a donc
constitué un facteur d'alourdissement de la pression fiscale locale
,
ainsi que l'a souligné M. Jean-Paul Delevoye à l'issue de la
communication de M. Paul Girod.
M. Jean-Paul Delevoye a en outre fait observer que l'Etat avait
transféré aux collectivités locales des charges
très lourdes et que les collectivités n'avaient
bénéficié d'aucune garantie quant au passif des ressources
transférées, notamment pour ce qui concernait les constructions
scolaires.
2.- Des finances locales marquées par un effet de ciseaux entre l'évolution des ressources et celle des charges
D'une manière générale, les finances des
collectivités locales sont marquées par un
effet de ciseaux
entre les évolutions spontanées affectant respectivement les
ressources et les charges
, qui a été récemment mis en
lumière par l'Association des maires de France, ainsi que
l'" état des lieux " réalisé par
M. Joël Bourdin pour l'Observatoire des finances locales.
En effet, alors que les ressources des collectivités (produit des
impôts locaux et dotations de l'État) tendent spontanément
à stagner, voire à régresser sous l'effet du
ralentissement de l'activité économique, les dépenses
s'accroissent à un rythme rapide, supérieur à 5 %
entre 1993 et 1995. L'effort d'équipement ayant subi une certaine
contraction, cette évolution est essentiellement imputable à la
progression très rapide des dépenses de fonctionnement
, en
particulier sous l'effet d'une
dérive des dépenses d'aide
sociale
-qui se sont accrues de plus de 15 % de 1993 à 1995 et
représentent désormais à elles seules près du
dixième des dépenses totales des collectivités locales-
ainsi que des dépenses de personnel
.
Ces dernières, qui ont augmenté de près de 12 % entre
1993 et 1995, subissent les conséquences des mesures de revalorisation
des rémunérations de la fonction publique décidées
par l'État et ont notamment été alourdies du fait du
relèvement, en 1995, de 3,8 points du taux de cotisation employeur
à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités
locales (CNRACL), dont le financement constitue le parfait exemple d'une charge
imposée aux collectivités sans que celles-ci puissent en
maîtriser l'évolution.
3.- L'exemple d'une charge non maîtrisée : le financement de la CNRACL
L'
audition de M. Claude Domeizel, président du
conseil d'administration de la Caisse
, a mis en évidence que les
difficultés financières actuellement rencontrées par la
CNRACL provenaient non pas du régime de retraites des agents des
collectivités locales lui-même, mais des
mécanismes de
solidarité entre les différents régimes de retraite
.
En effet, bien que le ratio démographique tende à se
dégrader (il est passé de un retraité pour 4,5 actifs dans
les années 80 à un retraité pour 3 actifs
aujourd'hui), le régime de retraites des agents des collectivités
locales demeure largement excédentaire, puisqu'il a dégagé
un excédent de 12 milliards de francs en 1994 puis de
17,8 milliards de francs en 1995.
Cependant, les mécanismes institués pour remédier aux
inégalités provenant des déséquilibres
démographiques et des disparités contributives entre les
différents régimes de retraite : compensation
généralisée entre l'ensemble des régimes de base et
surcompensation spécifique aux régimes spéciaux de
retraite, pèsent lourdement sur le budget de la CNRACL.
Celle-ci constitue le régime qui contribue le plus, en valeur relative,
à ces flux financiers. Elle a versé, au titre de la compensation
et de la surcompensation, 18,2 milliards de francs en 1994 et
19,4 milliards de francs en 1995, ce qui représente 53 % des
prestations servies. A titre de comparaison, ainsi que l'a fait observer M.
Claude Domeizel au cours de son audition, la contribution de l'État
à ces mécanismes de compensation, à peu près
équivalente en valeur absolue, ne représente que 10 % des
prestations servies pour les retraites des fonctionnaires.
Les collectivités locales sont ainsi amenées à contribuer
très largement, par le mécanisme de la
surcompensation
qui
constitue à lui seul une charge de plus de 9 milliards de francs
par an pour la CNRACL, au financement de certains régimes
spéciaux lourdement déficitaires comme celui des mineurs pour
lequel le ratio démographique, d'un actif seulement pour
11 retraités, peut apparaître nécessiter un appel
à la solidarité nationale, comme l'a déclaré M.
Claude Domeizel devant le groupe de travail.
Or, ainsi que l'a souligné M. Jean-Paul Delevoye, aucune
réponse de principe n'a été apportée à la
question de savoir qui doit financer la solidarité entre les
différents régimes de retraite : le contribuable national ou
le contribuable local.
Cette situation a entraîné une
dégradation
préoccupante de la situation financière de la CNRACL
:
les réserves financières de la Caisse, qui s'élevaient
à 14 milliards de francs en 1990, avaient totalement disparu en
1995, ce qui a rendu nécessaire une hausse des cotisations employeurs de
3,8 %.
Celle-ci n'a cependant pas été suffisante pour permettre
l'intégralité des paiements prévus et a rendu
nécessaire un étalement de l'échéancier jusqu'en
février 1996 pour l'année 1995 et jusqu'en avril 1997 pour 1996.
Pour 1997, en dépit de la décision de transfert de
4,5 milliards de francs provenant des réserves du fonds de
l'allocation temporaire d'invalidité (ATI), qui ne va apporter qu'un
répit très provisoire, le problème reste entier. En effet,
le déficit prévisionnel de la Caisse peut être
évalué, selon M. Claude Domeizel, à 4 milliards
de francs.
Seules deux solutions sont envisageables pour remédier aux perspectives
de dégradation de la situation financière de la Caisse :
- soit un accroissement des recettes impliquant a priori un relèvement
du taux de cotisation ;
- soit une diminution des dépenses passant par une limitation des flux
de compensation, puisqu'il ne peut être envisagé de diminuer le
montant des pensions versées.
Or, tout relèvement du taux de cotisation a une incidence
mécanique défavorable sur la situation des finances locales, la
progression induite de la fiscalité locale pouvant être
évaluée à 0,5 % pour un point de cotisation.
Dans ces conditions, le groupe de travail ne peut qu'approuver la disposition
introduite à l'initiative du Sénat dans la loi de financement de
la sécurité sociale pour 1997, qui tend à plafonner les
sommes acquittées au titre de la surcompensation à hauteur de
25 % du total des prestations servies par les régimes
spéciaux d'assurance-vieillesse.
4.- Des charges financières nouvelles résultant de l'application de la législation et de la réglementation nationale ou européenne
Par ailleurs, les collectivités locales se voient
imposer des charges financières nouvelles résultant de
l'application de la législation nationale ou même de la
réglementation communautaire, notamment en matière
d'environnement ou de sécurité.
Le rapport spécial établi par notre collègue M. Michel
Mercier, au nom de la commission des Finances du Sénat, sur les
crédits de la décentralisation inscrits dans le projet de loi de
finances pour 1997
10(
*
)
présente
d'intéressantes projections en matière de coûts, pour les
collectivités locales, du respect des
normes environnementales
.
· En ce qui concerne l'
assainissement
, les seuls investissements
nécessaires au respect de la directive européenne du 21 mai
1991 relative au traitement des eaux urbaines résiduaires sont
estimés à un montant total de 83,3 milliards de francs (base
1994) pour la période 1992-2005
11(
*
)
,
72 % de ce montant, soit 60 milliards de francs, devant être
engagé avant le 31 décembre 2000, compte tenu des
échéances prévues.
L'assainissement des communes rurales nécessiterait à lui seul un
investissement de 53 milliards de francs.
En outre, le montant des investissements à réaliser dans les
réseaux unitaires, réservés aux eaux pluviales, est
évalué entre 25 et 30 milliards de francs, sans prendre en
compte les coûts de la lutte contre les inondations ou la pollution.
Ces données ont été confirmées par le rapport
particulier établi par la Cour des Comptes sur la gestion des services
publics d'eau et d'assainissement. Au total -souligne ce rapport-, de 1997
à 2005, les investissements annuels à envisager seraient de
l'ordre de 14 milliards de francs
· En matière de
traitement des déchets
ménagers
, l'application des plans départementaux de gestion
des déchets prévus par la loi du 13 juillet 1992 sur les
déchets devrait se traduire par des investissements de l'ordre de
61 milliards de francs pour la période 1992-2002, non compris les
investissements correspondants à l'ouverture des centres de stockage et
les coûts de remise en état des décharges. Compte tenu des
investissements déjà réalisés, estimés
à plus de 9 milliards de francs, il resterait environ
60 milliards de francs d'investissements à réaliser d'ici
2002 (hors ouverture de centres de stockage).
Même si leur légitimité ne peut être
contestée, les
normes de sécurité
, de plus en plus
sévères, sont également une source de dépenses
supplémentaires pour les collectivités locales.
En particulier, la mise aux normes des établissements scolaires pourrait
représenter une charge financière élevée dans les
années à venir puisque, selon le rapport annuel établi par
l'Observatoire national de la sécurité des établissements
scolaires, présidé par M. Jean-Marie Schléret, une
école sur dix présenterait actuellement des risques pour la
sécurité des élèves en cas d'incendie.
L'élimination de l'amiante présente dans les bâtiments
publics devrait également être à l'origine de
dépenses importantes pour les collectivités, même si dans
ce cas particulier, l'État a mis en place un dispositif de subventions.
Au total, selon une étude du Crédit local de France, les
collectivités territoriales, pour satisfaire à diverses
contraintes dans les domaines de l'environnement et de la
sécurité, devraient investir près de 1 000 milliards de
francs sur la période 1996-2000, soit environ 200 milliards de francs
par an, alors que la moyenne de ces dernières années
s'établit plutôt autour de 150 ou 160 milliards de francs.
Ces charges nouvelles qui représentent des masses financières
croissantes suscitent aujourd'hui une inquiétude grandissante de la part
des élus locaux
. Leurs associations s'en sont d'ailleurs fait
l'écho au cours des auditions du groupe de travail : par exemple, M.
René Garrec, représentant de l'Association des présidents
de conseils régionaux (APCR), tout comme M. Martin Malvy,
président de l'Association des petites villes de France (APVF), ont fait
part de leurs préoccupations à ce sujet.
M. Michel Lapeyre, directeur de la Fédération nationale des
collectivités concédantes et régies, a également
fait part au groupe de travail des inquiétudes suscitées, parmi
les élus locaux comme parmi les entreprises délégataires,
par l'excès de réglementation dans le domaine de l'eau et de
l'assainissement.
Il a relevé qu'en raison des modifications intervenues dans cette
réglementation, les contrats de délégation de services
publics étaient actuellement marqués par une
insécurité juridique qui avait conduit la
Fédération à envisager un nouveau modèle de cahier
des charges type.
Soulignant les conséquences budgétaires, financières et
juridiques des nouvelles normes en matière d'environnement, il a
estimé que le consommateur ne pourrait plus supporter de nouveaux
accroissements du prix de l'eau.
5.- Le résultat : des incidences indéniables sur la fiscalité locale.
En dépit de ces multiples charges nouvelles et de la
stagnation des dotations de l'Etat
,
la gestion financière des
collectivités locales est restée saine
, ainsi que l'a
souligné M. Philippe Valletoux, représentant du
Crédit local de France, devant le groupe de travail.
Ainsi,
à la différence de l'État, dont l'endettement
n'a cessé de s'accroître, les collectivités locales sont
parvenues à maîtriser leur endettement global,
stabilisé autour de 8 % du PIB et leurs frais financiers sont en
baisse (- 3 % en 1996).
Certes, pour faire face aux charges nouvelles non compensées par l'Etat
qui leur ont été imposées,
elles ont été
contraintes,
sans pour autant accroître leur endettement,
d'augmenter les impôts locaux
, dont le produit a progressé
de plus de 5 % par an en francs constants depuis 1990 (sauf en 1995).
En 1996, la croissance des bases d'imposition des collectivités
territoriales a été très faible pour l'ensemble des quatre
taxes (+ 3,2 % pour les bases d'imposition communales de la taxe
professionnelle, soit + 1,1 % en francs constants), ce qui a rendu
nécessaire des augmentations de taux. Au total, la progression de la
fiscalité locale a atteint + 7 % en francs courants
(+ 5 % en francs constants) l'année dernière.
Cette croissance reste cependant inférieure à celle connue entre
1990 et 1994 et elle devrait, selon les prévisions, ralentir en 1997. La
note de conjoncture, publiée par le Crédit local de France au
mois de février dernier, évalue en effet à 4,5 %
seulement la progression de la fiscalité locale en 1997, grâce
à une progression très limitée des taux d'imposition
(environ + 1,5 %).
Au demeurant,
pour indiscutable qu'elle soit
, l'augmentation de la
fiscalité locale doit être nuancée
.
D'une part, comme l'a déjà souligné votre rapporteur, elle
a permis de maintenir un effort d'équipement qui bien qu'ayant subi une
contraction représente encore les
trois quarts
de
l'investissement public. Il contribue de ce fait largement au maintien d'un
niveau d'activité correct dans certains secteurs lels que le
bâtiment et les travaux publics.
D'autre part, comme l'a fait observer M. Philippe Valletoux au cours de son
audition, si les prélèvements obligatoires des
collectivités locales ont crû d'un point par rapport au PIB
depuis 1987, atteignant 6,6 %, en revanche, les prélèvements
obligatoires additionnés des collectivités locales et des
administrations centrales sont globalement stables en part du PIB depuis le
début des années 80. De même, le montant total de la
fiscalité locale et des dotations de l'État aux
collectivités locales a été stabilisé.
b) L'insuffisante redéfinition des missions et des moyens de l'État
Le " brouillage " des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales qui vient d'être évoqué s'est également accompagné d'une insuffisante redéfinition des missions et des moyens de l'État à la suite de la décentralisation.
1.- Des missions à redéfinir
L'État n'a pas adapté ses missions à la
nouvelle donne issue de la décentralisation, maintenant de nombreux
services extérieurs dont certaines missions font parfois double emploi
avec celles des services des collectivités territoriales.
Les lois de décentralisation avaient posé le
principe
suivant lequel tout transfert de compétences de l'Etat au profit des
départements et des régions devait s'accompagner
du transfert
des services
correspondants (cf. article 7 de la loi
n° 83-8 du 7 janvier 1983) et prévu en conséquence
la réorganisation des services extérieurs de l'Etat
chargés à titre principal de la mise en oeuvre de
compétences attribuées au département ou à la
région. La mise à disposition de la collectivité
concernée, en tant que de besoin, des autres services de l'Etat
nécessaires à l'exercice des compétences
transférées avait en outre été prévue
(cf. article 10 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983).
Or, dans la pratique, ces principes ont reçu une
application
inégale
, assez satisfaisante dans certains cas mais moins dans
d'autres, ainsi que le montre
l'exemple des directions
départementales de l'équipement (DDE).
Dans ce cas, le processus de transfert et de mise à disposition
engagé par un décret du 31 juillet 1985, puis relancé
par un décret du 13 février 1987, s'est traduit par des
résultats limités, 5 % des emplois seulement ayant
été transférés aux départements.
De même, le partage financier défini par la loi du 11 octobre
1985 relative à la prise en charge par l'Etat, les départements
et les régions des dépenses de personnel, de fonctionnement et
d'équipement des services placés sous leur autorité -qui
devait mettre fin au régime de maintien des prestations
réciproques entre l'Etat et le département prévu par
l'article 30 de la loi du 2 mars 1982- n'a pas été
appliqué, notamment en raison de l'imbrication étroite des
actions réalisées par les services de l'équipement pour le
compte de l'Etat et des collectivités territoriales.
En définitive, la loi du 2 décembre 1992 relative à
la mise à disposition des départements des services
déconcentrés du ministère de l'équipement et
à la prise en charge des dépenses de ces services a mis un terme
au régime transitoire de l'article 30 de la loi du 2 mars
1982, en pérennisant un régime de mise à disposition du
département -sur une base conventionnelle ou forfaitaire- des services
de l'équipement nécessaires à l'exercice de ses
compétences. Ces services restent des services de l'Etat, mais le
président du conseil général exerce sur eux des pouvoirs
d'instruction et de contrôle. En outre, dans le cadre conventionnel, le
département peut demander leur réorganisation fonctionnelle ou la
création de structures nouvelles.
Cependant, l'APCG ne se satisfait pas de la situation actuelle et souhaite la
poursuite de la partition des DDE, ainsi que l'a rappelé
M. Pierre-Rémy Houssin devant le groupe de travail.
Les auditions du groupe de travail ont par ailleurs fait ressortir le besoin
d'une clarification des missions respectives des services de l'État et
de ceux des départements dans le
secteur sanitaire et social
et
en particulier ont souligné les difficultés suscitées par
la coresponsabilité de la gestion du RMI.
M. Pierre-Rémy Houssin, s'exprimant au nom de l'APCG, a ainsi
estimé que l'action de prévention sanitaire devrait relever de la
compétence de l'Etat et que le dispositif du RMI devrait être revu.
Interrogé sur ces questions par M. Jean-Jacques Hyest au cours de sa
dernière audition, M. Dominique Perben, ministre de la fonction
publique, de la réforme de l'État et de la
décentralisation, a admis que des économies pourraient être
faites en supprimant la double commande existant actuellement sur certains
services et a souhaité qu'une réflexion soit menée sur les
compétences dans ce domaine, considérant que les problèmes
sanitaires relevaient du niveau national.
L'insuffisante redéfinition des missions de l'Etat trouve, par ailleurs
une traduction dans la politique de contractualisation que celui-ci a
développée avec les collectivités locales. Pour positive
qu'elle soit à certains égards, cette politique a en
réalité conduit l'Etat, ainsi que l'a fait observer
M. Philippe Valletoux, représentant du Crédit local de
France, au cours de son audition, à faire cofinancer par les
collectivités certaines de ses compétences. C'est en particulier
le cas en ce qui concerne les routes nationales, à travers les contrats
de plan Etat-régions, ou encore, en matière d'enseignement
supérieur avec le plan " Universités 2000 ".
2.- Une déconcentration toujours attendue
La déconcentration de l'action de l'État, qui
constitue pourtant un objectif ancien, n'a eu pour l'instant qu'une traduction
concrète très limitée
et l'organisation de ses
administrations reste très centralisée.
Ainsi votre rapporteur constatait-il déjà en 1991, dans le
rapport établi au nom de la mission commune d'information chargée
d'étudier le déroulement et la mise en oeuvre de la politique de
décentralisation
12(
*
)
, que le bilan des
mesures de déconcentration intervenues depuis 1982 était
"
très mitigé
", regrettant que les rares
mesures adoptées aient "
davantage consisté en de simples
ajustements techniques de répartition de compétences entre le
centre et la périphérie plutôt qu'en une réelle
extension de l'autonomie de décision et du champ de compétences
des services extérieurs de l'Etat
".
Or, la situation ne semble pas avoir fondamentalement évolué
depuis lors, dans l'attente d'une mise en oeuvre concrète des projets de
réforme de l'Etat.
De plus,
l'autorité du préfet sur les différents
services extérieurs de l'Etat est très inégalement
affirmée.
Interrogé sur ce point, M. Joël Thoraval, président de
l'Association du corps préfectoral, a notamment fait observer au groupe
de travail que les services de l'emploi échappaient traditionnellement
à l'autorité du préfet.
C'est également le cas, par exemple, des services de l'éducation
nationale, des services financiers ou encore des architectes des
bâtiments de France.
Par ailleurs,
l'action des services extérieurs de l'État n'est
pas toujours parfaitement coordonnée
, comme l'a souligné M.
Joël Batteux devant le groupe de travail, en sa qualité de
représentant de la Fédération des maires des villes
moyennes (FMVM).
Aux termes du constat établi par le Commissariat à la
réforme de l'Etat dans son rapport d'activité 95-96,
" l'administration territoriale de l'Etat est devenue, par la
multiplicité des services déconcentrés et la
complexité des procédures, peu lisible aux yeux de nos
concitoyens ".
La multiplicité de ces services suscite également une certaine
incompréhension des élus locaux, qui préféreraient
avoir affaire à un interlocuteur unique.
Le rapport établi par M. Pierre-Rémy Houssin,
député de la Charente, chargé par le Gouvernement d'une
mission sur "
La simplification de l'Etat dans ses relations avec
le
public et les collectivités locales "
souligne l'importance de
cette question en relevant que "
Rien ne tient plus à coeur aux
présidents de conseils généraux et régionaux que
l'unité de commandement de l'Etat. Ils souhaitent, autant que faire se
peut, n'avoir pour les affaires de l'Etat qu'un seul interlocuteur et cet
interlocuteur ne saurait être que le préfet ".
3.- Les insuffisances des conditions de mise en oeuvre du contrôle de légalité et du contrôle financier
Les élus s'interrogent aujourd'hui devant la
multiplication des contentieux
postérieurs à leurs
décisions et devant l'intensification des contrôles
effectués par les chambres régionales des comptes, parfois
perçus comme " tatillons " ; ils se voient souvent opposer
des
réglementations dont ils ne connaissaient même pas l'existence.
Certains dressent même le constat d'un glissement du
contrôle
des chambres régionales des comptes
vers un contrôle
d'opportunité.
Au cours des réunions du groupe de travail, M. Patrice
Gélard a regretté, outre certains jugements de pure
opportunité, la publicité parfois donnée aux conclusions
des chambres avant même que les élus en soient informés.
M. Jean-Patrick Courtois a fait observer que, sans mettre en cause le
rôle des chambres régionales des comptes, il n'était pas
acceptable que ces juridictions puissent porter des appréciations sur
les choix effectués par les assemblées délibérantes.
C'est pour ces raisons que MM. Patrice Gélard et Jean-Patrick Courtois
viennent de déposer, avec un certain nombre de nos collègues, une
proposition de loi
13(
*
)
tendant à
modifier le code des juridictions financières afin de préciser
les compétences des chambres régionales des comptes.
M. Paul Girod a pour sa part rappelé que les modifications relatives aux
chambres régionales des comptes, introduites dans la loi du 5 janvier
1988 d'amélioration de la décentralisation, avaient
déjà eu pour finalité d'éviter une dérive
vers le contrôle d'opportunité.
D'une manière générale, M. Jean-Paul Delevoye a
déploré que le développement des contentieux constitue un
frein à l'initiative des collectivités et suscite chez les
élus une sorte de "
crainte a priori
".
La très faible proportion des actes des collectivités locales
transmis aux préfets qui sont déférés aux tribunaux
administratifs dans le cadre du contrôle de légalité (de
0,29 à 0,34 pour mille entre 1983 et 1992) peut certes s'expliquer par
le rôle de conseil joué officieusement en amont par les membres du
corps préfectoral auprès des collectivités.
Cependant, les élus locaux ne peuvent avoir qu'une réaction
d'incompréhension lorsque leur
responsabilité
pénale
est mise en cause à propos d'actes soumis
antérieurement au contrôle de légalité qui n'avaient
alors suscité aucune observation.
Après avoir souligné les faiblesses actuelles du contrôle
de légalité, le rappport établi par M. Pierre Fauchon
au nom du groupe de travail de la commission des Lois du Sénat sur la
responsabilité pénale des élus locaux, sous la
présidence de M. Jean-Paul Delevoye
14(
*
)
estimait à cet égard que "
les
autorités locales à défaut d'être prémunies
contre le recours d'un tiers ou contre une action pénale pourraient
être fondées à considérer le contrôle de
légalité comme un indicateur fiable de la valeur juridique de
leurs actes
".
Interrogeant récemment le Garde des Sceaux sur ce sujet par la voie
d'une question écrite datée du 23 mai 1996, le
président Jacques Larché faisait ainsi observer que "
la
discordance de points de vue entre le préfet et le procureur de la
République sur un même acte fait naître chez les élus
locaux un
sentiment d'insécurité juridique
particulièrement préjudiciable au bon fonctionnement des
collectivités territoriales
".
On aboutit, en outre, à une sorte de confusion dans la définition
et la mise en oeuvre du champ des contrôles juridictionnels
exercés respectivement par le juge administratif et par le juge
répressif voire par les juridictions financières, lesquelles
peuvent subrepticement étendre leur contrôle dans un domaine qui
relève normalement des juridictions administratives à travers le
contrôle de légalité.
2. L'enchevêtrement des structures
a) Le " maquis" de la coopération intercommunale
1.- La multiplication des structures
L'organisation actuelle de la coopération
intercommunale est caractérisée par une
multiplication
de
structures au fil du temps sans que la création de nouvelles formes
institutionnelles n'ait bien souvent correspondu à l'identification
précise de besoins nouveaux.
Huit
catégories de groupements de communes peuvent ainsi
être identifiées :
- le
syndicat de communes
, créé par la loi du 22 mars
1890, qui peut avoir une vocation soit unique, soit -depuis l'ordonnance du
5 janvier 1959- multiple et auquel on peut ajouter le syndicat mixte;
- le
district
, institué à l'origine pour le milieu urbain
par l'ordonnance du 5 janvier 1959, puis étendu aux zones rurales
par la loi du 31 décembre 1970 ;
- la
communauté urbaine
, instituée par la loi du
31 décembre 1966 qui a créé d'office quatre
structures de ce type (Bordeaux, Lille, Lyon et Strasbourg) ;
- les
syndicats d'agglomérations nouvelles
, qui résultent
de la loi du 13 juillet 1983, ont été créés
pour répondre aux besoins des villes nouvelles instituées dans
les années soixante dix ;
- les
communautés de communes
et les
communautés de
villes
qui ont été créées par la loi
d'orientation du 6 février 1992.
Au total, si le bilan chiffré de l'intercommunalité met en
évidence son dynamisme, force est de constater que celui-ci s'est
traduit par une multiplication des structures de coopération que la
diversité des missions exercées ne paraît pas justifier.
On comptait ainsi en 1995 :
14.490
SIVU,
1.298
SIVOM,
322
districts, 9 communautés
urbaines (11 désormais avec la création en 1996 de structures de
ce type à Nancy et Alençon),
9
syndicats
d'agglomérations nouvelles,
4
communautés de villes
et
894
communautés de communes (au 1er janvier 1996), soit un
ensemble d'environ
18.000
structures de coopération pour
36.000
communes existantes.
La loi d'orientation du 6 février 1992, en instituant les
communautés de communes et de villes, n'a fait qu'ajouter à la
complexité. Le Sénat avait pour sa part jugé
préférable de modifier le régime des districts et des
communautés urbaines plutôt que d'ajouter de nouvelles structures
à celles existantes.
La procédure du schéma départemental de la
coopération intercommunale prévue par cette loi ne semble pas non
plus avoir favorisé une véritable rationalisation.
Selon une étude réalisée par Mairies-Conseil, service de
la Caisse des dépôts et consignations, en collaboration avec la
direction générale des collectivités locales, seulement 38
schémas départementaux de coopération intercommunale
avaient été établis au 31 mai 1995.
Sur 38 schémas, 29 comportent des propositions de
périmètres dont une majorité concerne la création
soit d'une communauté de communes soit d'un district. Mais si l'on
compare les périmètres des groupements effectivement
créés en 1994 (96 au total dans les 38 départements) avec
ceux contenus dans les schémas, il ressort qu'un tiers seulement de ces
groupements (31) ont été créés en conformité
avec les périmètres retenus par les schémas. Dix
groupements ont été créés avec des
périmètres non identiques. Et surtout, 55 groupements, soit plus
de la moitié, n'étaient pas visés par les schémas
et ont été créés selon la procédure de droit
commun.
Une telle procédure peut néanmoins être utile pour
favoriser une plus grande cohérence de la coopération
intercommunale en fonction des objectifs définis par les élus
eux-mêmes. On peut donc se demander s'il ne serait pas opportun de
rechercher les moyens de la relancer. En outre, la commission
départementale de la coopération intercommunale doit exercer,
conformément à
l'article L. 5211-16
du code
général des collectivités territoriales, une mission
générale qui peut contribuer efficacement à renforcer
l'intercommunalité.
2.- La complexité croissante du régime juridique
Cette superposition des structures s'est en outre
accompagnée inévitablement d'une
complexité
croissante
des règles juridiques.
En effet, chaque nouvelle catégorie de groupements s'est vue
dotée d'un régime juridique spécifique, ce qui s'est
notamment traduit par des lacunes ou des contradictions difficilement
justifiables entre les règles applicables aux différentes
catégories.
Par bonheur pour les élus locaux, le renvoi pur et simple aux
dispositions relatives à la commune pour des aspects essentiels de la
vie des groupements -notamment le fonctionnement de l'organe
délibérant ou le statut du président et des membres de
celui-ci- a permis de limiter les effets les plus inacceptables de ce
" maquis juridique ".
En outre, l'entrée en vigueur en 1996 du code général des
collectivités territoriales -dont la cinquième partie
consacrée entièrement à la coopération locale
contient un livre premier relatif à la coopération
intercommunale- a permis une
remise en ordre
des textes applicables
à celle-ci et la clarification des principes communs aux
différentes catégories de groupements.
Pour autant, ainsi que l'a relevé M. Jean-Marie Girault,
l'élaboration de ce code n'en met que davantage en lumière la
complexité extrême des règles applicables.
Elle invite ainsi le législateur, après une première
étape -certes indispensable- de codification à droit constant,
à passer à une seconde étape visant à une
réelle simplification du régime juridique de
l'intercommunalité.
Telle fut bien le sens de la démarche suivie par la loi d'orientation du
4 février 1995 qui -conformément au souhait exprimé
par le Sénat sur le rapport de notre collègue Jean-Marie Girault-
a défini les pistes de réflexion en vue d'une réduction du
nombre de catégories et d'une simplification du régime juridique
de l'intercommunalité.
Enfin, sur le plan
financier
, la forte progression de la DGF des
groupements -parallèle au développement de
l'intercommunalité à fiscalité propre- peut susciter des
inquiétudes quant à l'équilibre global de la DGF. Dans ces
conditions, les critères de répartition de la DGF doivent
permettre d'encourager une véritable intercommunalité de projet.
Tel fut déjà le sens de la réforme opérée
par la loi du 31 décembre 1993. Cette démarche doit être
poursuivie et approfondie.
M. Jean-Paul Delevoye, rappelant que la DGF intercommunale avait
été conçue pour favoriser le développement d'une
intercommunalité de projet, a fait observer qu'en pratique une trop
grande partie de son montant était utilisée pour diminuer les
dépenses de fonctionnement des communes.
Après avoir souligné les inconvénients de poursuivre
plusieurs objectifs au moyen d'un même outil financier, M. Jean-Paul
Delevoye a considéré que la situation actuelle constituait une
menace réelle pour la DGF des communes et qu'il serait nécessaire
de mieux adapter les outils financiers aux objectifs politiques.
M. Jean-Jacques Hyest a également relevé les " effets
d'aubaine " qui affectaient la DGF des groupements de communes.
M. Charles Jolibois, faisant valoir que l'intercommunalité avait
profondément modifié le cadre institutionnel dans de nombreux
départements et rappelant le principe fondamental du consentement
à l'impôt, a pour sa part fait observer que les petites communes
pouvaient avoir le sentiment de ne plus avoir aucun contrôle sur la
fiscalité locale.
Après avoir considéré que le développement de
l'intercommunalité était souhaitable s'il s'agissait d'une
véritable intercommunalité de projet, M. Charles Jolibois a
néanmoins souligné le problème résultant de la
coexistence de sources multiples de fiscalité locale n'ayant pas de lien
entre elles.
b) La confusion des compétences
1.- Le schéma initial
Le transfert des compétences de l'Etat aux
collectivités locales met en évidence que la
décentralisation a bien été une réflexion sur
l'Etat lui-même.
Les lois des 7 janvier et 22 juillet 1983
relatives à la
répartition des compétences entre l'Etat, les communes, les
départements et les régions
ont ainsi procédé
d'une vision globale qui a contrasté avec la méthode sectorielle,
mise en oeuvre avant la décentralisation. Cette méthode
s'était d'ailleurs généralement traduite par une
dépossession des collectivités locales de leurs
compétences.
La nouvelle approche globale retenue par le législateur a correspondu -
sur ce plan- à ce qui avait été préconisé
par le rapport de M. Olivier Guichard "
Vivre
ensemble
"
et repris dans le projet de loi relatif au développement des
responsabilités locales, présenté sous le Gouvernement de
M. Raymond Barre par notre collègue M. Christian Bonnet alors
ministre de l'intérieur, et adopté par le Sénat le
10 avril 1980.
Elle s'est par ailleurs inscrite -il n'est pas inutile de le rappeler pour
éclairer le débat actuel sur les compétences- dans un
cadre défini par la loi
.
En effet, bien que l'article 34 de la Constitution ait
réservé au législateur la détermination des
principes fondamentaux "
de la libre administration des
collectivités locales, de leurs compétences et de leurs
ressources
", la répartition des compétences avant la
décentralisation avait très largement reposé sur la
confirmation du principe de la compétence générale de la
commune et du département sur les affaires intéressant leur
territoire et de la tutelle exercée par le préfet. Or, cette
pratique s'était révélée peu protectrice des
collectivités locales exposées au risque d'une multiplication des
transferts de charges. La répartition des compétences par le
législateur lui-même a ainsi répondu à une demande
de clarification légitimement présentée par les
élus locaux.
Elle a en outre satisfait aux exigences constitutionnelles résultant de
la mise en oeuvre du principe de libre administration.
Rangée dès 1979 par le Conseil constitutionnel au rang des
principes de valeur constitutionnelle, la libre administration impose au
législateur de garantir aux collectivités territoriales des
"
attributions effectives
" (Décisions
n° 85-196 DC du 8 août 1985 et n° 87-241 DC du
19 janvier 1988) et de prévenir toute atteinte substantielle
à celles-ci.
Le Conseil constitutionnel a également précisé que le
législateur ne peut "
méconnaître la
compétence propre des collectivités territoriales
" en
mettant à leur charge des obligations financières qui ne seraient
pas "
définies avec précision quant à leur objet
et à leur portée
" (Décision n° 90-274
DC du 29 mai 1990).
En outre, si une péréquation peut être mise en oeuvre par
prélèvement sur les ressources des collectivités, ce
prélèvement
" ne saurait avoir pour conséquence
d'entraver la libre administration des collectivités territoriales
concernées et doit être
défini avec
précision quant à son objet et à sa
portée
" (Décision n° 91-291 DC du 6 mai
1991).
Enfin, le législateur ne peut pas rester en-deçà de sa
compétence en renvoyant à une convention conclue entre les
collectivités territoriales le soin de définir les conditions
d'exercice des compétences (Décision n° 94-358 DC du
26 janvier 1995).
Les lois des 7 janvier et 22 juillet 1983 ont procédé
à une répartition des compétences en cherchant à
mettre en oeuvre le principe de subsidiarité, déjà retenu
par le projet de loi sur le développement des responsabilités
locales adopté par le Sénat en 1980. Il s'agissait bien, en
effet, pour l'Etat -comme l'avait relevé le rapport Guichard en 1976- de
déléguer aux collectivités locales tous les pouvoirs
qu'elles étaient en mesure d'exercer. Le principe de subsidiarité
devait donc permettre de définir le bon niveau d'exercice des
compétences, le niveau supérieur ne devant intervenir que dans
les cas où les niveaux inférieurs ne seraient pas en mesure de le
faire.
A cette fin, la théorie des blocs de compétences devait permettre
-tout en respectant la clause de compétence générale par
ailleurs réaffirmée- d'identifier les
vocations
principales et naturelles de chaque niveau auquel les compétences
correspondantes étaient transférées.
Tel qu'elle est mise en oeuvre par l'article 7 de la loi du 7 janvier
1983 -désormais codifié à l'article L. 1111-4 du
code général des collectivités territoriales- cette
théorie revient à ce que "
la répartition des
compétences entre les collectivités territoriales et l'Etat
s'effectue, dans la mesure du possible, en distinguant celles qui sont mises
à la charge de l'Etat et celles qui sont dévolues aux communes,
aux départements ou aux régions de telle sorte que chaque domaine
de compétences ainsi que les ressources correspondantes soient
affectés en totalité soit à l'Etat, soit aux communes,
soit aux départements, soit aux régions.
"
Encore faut-il garder à l'esprit que la loi du 7 janvier 1983 n'a pas
été un texte de répartition des compétences qui
aurait eu pour objet de redéfinir les compétences de chacun des
niveaux de collectivités locales.
Comme l'avait relevé notre collègue Paul Girod, rapporteur du
projet de loi au nom de la commission des Lois du Sénat, dans son
rapport écrit (n° 16, 1982-1983): "
En fait, par ce texte,
le Gouvernement entend réaliser un transfert de compétences
exercées par l'Etat au profit des collectivités territoriales. Il
s'agit d'accroître les domaines d'intervention des administrations
locales en réduisant ceux de l'Etat et non pas de procéder
à une redistribution entre régions, départements et
communes
".
En outre, cette répartition des compétences ne saurait
entraîner une tutelle d'une collectivité sur l'autre.
L'article L. 1111-
3 du code général des
collectivités territoriales dispose expressément que "
la
répartition de compétences entre les communes, les
départements et les régions ne peut autoriser l'une de ces
collectivités à établir ou exercer une tutelle, sous
quelque forme que ce soit, sur une autre d'entre elles ".
L'article L. 1111-4
précité prend aussi soin de
préciser que "
les décisions prises par les
collectivités locales d'accorder ou de refuser une aide
financière à une autre collectivité locale ne peuvent
avoir pour effet l'établissement ou l'exercice d'une tutelle, sous
quelque forme que ce soit, sur celle-ci
".
Schématiquement, les vocations dominantes de chaque niveau devaient
être les suivantes :
- la maîtrise du sol et la responsabilité des équipements
de proximité pour la
commune
;
- les missions de solidarité et de péréquation pour le
département
;
- la réflexion et l'impulsion en matière de planification et
d'aménagement du territoire, plus généralement le
développement économique, pour la
région
.
L'Etat, pour sa part, conservait les grandes fonctions de souveraineté
et la responsabilité des grands équilibres économiques.
2.- Une pratique faite d'une imbrication croissante des compétences
La répartition opérée a répondu
à ces principes. Pourtant, force est de constater que la notion de blocs
de compétences -à la lumière de l'évolution des
compétences transférées- s'est traduite dans la pratique
par une
imbrication
croissante
s'éloignant des principes
initiaux.
On peut ainsi se demander si la situation actuelle n'appelerait pas le
même constat que celui qu'établissait en ces termes notre ancien
collègue Michel Giraud au nom de notre commission des Lois, dans son
rapport (n° 33, 1981-1982) sur la loi du 2 mars 1982 :
"
La vérité oblige à dire que, dans la situation
actuelle, l'ensemble des compétences apparaissent étroitement
imbriquées. Elles se chevauchent les unes les autres. L'une des
caractéristiques de l'administration française est la
prolifération de ce qu'il est convenu d'appeler " les financements
croisés ". Cette confusion même des compétences et des
financements empêche une évaluation claire des coûts et
favorise en fait, par la prolifération des réglementations
qu'elle entraîne, une mainmise de l'Etat à travers ses services
techniques
".
Force est en effet de constater qu'il n'existe pratiquement pas de
compétence dont un seul niveau aurait la maîtrise complète.
Même pour les grandes fonctions exercées par l'Etat, il faut
observer que si celui-ci assure désormais la totalité du
financement du système de la justice, la procédure
d'étatisation des polices municipales au-delà d'un certain seuil
de population n'a en revanche pas eu lieu et la spécificité du
corps de police municipale est désormais reconnue.
L'Etat a lui-même incité les collectivités locales
à financer des compétences ne relevant pourtant que de lui
seul.
Lors de son audition, M. René Garrec, président du conseil
régional de Basse-Normandie, représentant l'Association des
présidents de conseils régionaux, a rappelé que, depuis
plusieurs années, au titre du plan Universités 2000 et des
contrats de plan successifs, l'Etat avait appelé les régions
à participer au financement des investissements de l'enseignement
supérieur.
M. René Garrec a souligné que les régions
s'étaient trouvées dans la pire des situations puisque ces
procédures ne comportaient aucune compensation financière, ni
péréquation nationale. Il a fait observer que l'Etat avait
très souvent mis aux enchères les investissements afin de
mobiliser les financements des collectivités locales et que les biens
construits avaient été transférés au patrimoine de
l'Etat.
Il a enfin considéré que la procédure de cofinancement
n'avait eu que peu d'incidence sur le rôle des régions dans le
choix des filières ou la planification à moyen et à long
terme pour l'enseignement supérieur.
De même, M. René Garrec a rappelé que les
régions participaient de façon massive au financement de routes
nationales par le biais des fonds de concours sans bénéficier en
contrepartie de pouvoirs de décision.
Les contrats de plan se sont en effet traduits par une forte participation des
régions à l'équipement routier national.
Le législateur a lui-même encouragé des formes de cogestion
s'éloignant des principes initiaux, comme l'illustrent les dispositifs
récents de lutte contre la pauvreté et l'exclusion.
Ainsi, la loi du 1er décembre 1988 -modifié par la loi du
29 juillet 1992- sur le revenu minimum d'insertion (RMI) associe
obligatoirement l'Etat et le département dans la mise en oeuvre des
mesures d'insertion.
M. Jean-Jacques Hyest, a pu ainsi se demander s'il ne serait pas opportun
de confier le versement de la prestation du RMI aux départements.
La loi du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au
logement a, pour sa part, prévu des plans départementaux d'action
pour le logement élaborés et mis en oeuvre par l'Etat et le
département, les autres collectivités et personnes morales
concernées y étant associées. Le département est,
en outre, obligé de contribuer, au moins à la hauteur de la
contribution de l'Etat, au fonds de solidarité pour le logement qui est
institué par le fonds départemental.
On s'éloigne ainsi du schéma qu'envisageait le rapport
" Vivre ensemble ", établi en 1976 par M. Olivier Guichard.
Celui-ci définissait trois grandes catégories de
compétences: les compétences exercées par l'Etat à
titre principal; celles exercées par une institution locale à
titre principal; celles, enfin, exercées par une institution locale
à titre exécutif. Pour ces dernières qui correspondaient
aux compétences proprement partagées, le rapport soulignait que
le rôle essentiel devait être joué par les institutions
locales: "
La ligne de partage peut varier selon les caractères
particuliers de la compétence. L'essentiel est que cette ligne soit
tracée avec précision et tracée par la loi.
" En règle ordinaire, cependant, on peut dire qu'à l'Etat
reviendra normalement la définition du service à assurer, des
objectifs et des méthodes de l'action administrative, et qu'à la
collectivité reviendra la responsabilité de réaliser les
équipements, de gérer les services, de leur affecter des moyens,
et de contrôler les personnes.
" Il résultera de ce partage que la collectivité disposera
d'une certaine marge d'appréciation et que, sinon la nature, du moins le
niveau du service, dépendra de cette appréciation portée
par les élus et jugée par les électeurs.
" On peut donc dire que, même pour ces compétences
partagées et guidées par l'Etat, le rôle dominant sera
celui des institutions locales
".
Enfin certaines collectivités ont pu être tentées
d'élargir leur champ d'action, ce qui a pu contribuer à une
certaine confusion.
M. Paul Girod s'est ainsi inquiété des relations entre la
région et des groupements intercommunaux dans le domaine de
l'aménagement et du développement du territoire, sans que les
départements, pourtant interlocuteurs naturels des communes, soient
associés.
Au total, cette situation explique en grande partie
l'
image
brouillée de la décentralisation
, notamment pour les
contribuables et les entreprises qu'a soulignée M. Jean-Paul Delevoye.
M. Jean-Paul Delevoye a également fait valoir que la
décentralisation ne devait pas se traduire par une augmentation des
frais de fonctionnement des structures publiques.
M. Lucien Lanier
s'est, pour sa part, inquiété des
conséquences d'une structure administrative faite de superposition et
d'absence de coordination entre les différents niveaux dans le contexte
du marché unique européen. Il s'est en particulier
interrogé sur les frais de fonctionnement élevés qui
résultaient de cette situation. Tout en réaffirmant son
attachement au processus de décentralisation, il a estimé qu'il
fallait veiller à ce que des tendances centrifuges n'empêchent la
réalisation de grands projets.
M. Jacques Mahéas s'est interrogé sur le rôle d'une
collectivité locale finançant des choix faits à un autre
niveau.
M. Germain Authié, prenant l'exemple du traitement des ordures
ménagères, a jugé nécessaire de confier cette
compétence à une structure adéquate afin d'éviter
des coûts financiers excessifs. Faisant observer que la compétence
départementale n'étant pas reconnue, le contrôle de
légalité pouvait s'opposer à l'exercice de cette
compétence et retarder, ce faisant, de trois à quatre ans la
réalisation d'opérations pourtant urgentes. Il a, en
conséquence, considéré que cette compétence devrait
être expressément confiée aux départements.
Pour autant, ce constat doit-il conduire au pessimisme ? Ne peut-on
considérer au contraire qu'après une première phase
où les collectivités locales ont pu être tentées
d'intervenir assez largement voire au-delà de leurs domaines
" naturels " pour répondre à des besoins objectifs,
elles seront davantages incitées -dans un contexte de contraction des
ressources- à " cibler " leurs interventions, ce qui
facilitera la clarification souhaitée ? Ce processus n'est-il pas
d'ailleurs d'ores et déjà engagé ?
Il appartient au législateur, en prévoyant les adaptations
nécessaires du cadre juridique en vigueur et à l'Etat, par la
prise en charge de ses propres responsabilités, de favoriser ce
mouvement.
M. Pierre-Rémy Houssin, président du conseil
général de Charente, représentant de l'Assemblée
des présidents de conseils généraux, a ainsi pu estimer
devant le groupe de travail que chaque échelon de collectivité
avait bien identifié ses vocations principales et qu'il n'apparaissait
pas opportun d'envisager une redéfinition globale des compétences.
S'agissant des
financements croisés
, ils sont désormais
perçus de manière moins négative, étant souvent le
seul moyen de réaliser des grands projets.
Lors de son audition, M. Joël Batteux, maire de Saint-Nazaire,
représentant la Fédération des maires de villes moyennes a
ainsi jugé positifs ces financements croisés, qui permettent,
selon lui, de renforcer la solidarité entre les partenaires autour d'un
même projet.
M. René Garrec, représentant l'Association des
présidents de conseils régionaux, a également
souligné que les financements croisés étaient
nécessaires, notamment parce qu'ils étaient souvent requis comme
préalable à la contribution financière de l'Union
européenne.
M. Lucien Lanier, souhaitant promouvoir les facteurs d'unité de la
Nation, a jugé nécessaire de ne pas les mettre en cause. Il a
notamment fait valoir que la réalisation des grands projets impliquait
une cohésion des responsabilités, objectif que pouvaient
satisfaire les financements croisés qui constituaient un facteur
d'équilibre.
Dans ces conditions, c'est moins le principe d'intervenants multiples sur un
même projet qui semble devoir être discuté que les
conditions dans lesquelles le " partenariat " entre ces
intervenants
est mis en oeuvre.
3. L'exemple des interventions économiques des collectivités locales : une efficacité mise en cause par une complexité excessive
a) Un cadre juridique incertain
Le cadre juridique de l'action économique des collectivités locales est à la fois complexe et marqué par de nombreuses incertitudes, tant en ce qui concerne l'application du droit national que celle du droit communautaire. Aussi suscite-t-il des difficultés d'interprétation qui expliquent largement les fréquentes irrégularités constatées par les chambres régionales des comptes et mises en évidence par le récent rapport particulier de la Cour des comptes sur " les interventions des collectivités territoriales en faveur des entreprises ".
1.- Les incertitudes du droit national
Le régime juridique national d'intervention des
collectivités territoriales a été défini par les
lois de décentralisation des 7 janvier et 2 mars 1982,
désormais codifiées dans le code général des
collectivités territoriales.
Le cadre légal fixé par ces lois a ainsi succédé
à une construction prétorienne et circonstancielle de la
jurisprudence qui avait déjà reconnu de multiples exceptions au
principe traditionnel de la liberté du commerce et de l'industrie.
Il se caractérise par sa
complexité,
les interventions
économiques des collectivités locales pouvant revêtir de
multiples formes
énumérées par M. Michel
Thénault, directeur général des collectivités
locales, au cours de son audition :
- aides directes, pour lesquelles les régions se voient
reconnaître un rôle privilégié puisque l'octroi par
les départements et les communes de ces aides est subordonné
à la mise en place préalable des régimes d'aides
correspondants par la région ;
- aides indirectes qui peuvent, pour leur part, être accordées par
toutes les collectivités territoriales ;
- coopération entre l'Etat et les collectivités locales dans les
conditions prévues par l'
article L. 1511-5
du code
général des collectivités territoriales (actions de
politique agricole et industrielle entreprises par les collectivités
locales dans le cadre de conventions conclues avec l'Etat);
- aides aux entreprises en difficulté destinées à la
protection des intérêts économiques et sociaux de la
population ou aides destinées au maintien des services
nécessaires à la satisfaction des besoins de la population
lorsque l'initiative privée est défaillante ou absente ;
- aides spécifiques aux exploitants de cinémas et aux clubs
sportifs ;
- garanties d'emprunt ;
- prise de participation dans les sociétés d'économie
mixte locales ou dans des sociétés de garantie.
Ces diverses formes d'intervention sont plus ou moins précisément
encadrées.
Les
aides directes
sont limitativement énumérées
par la loi : primes régionales à la création d'entreprises
(PCRE), primes régionales à l'emploi (PRE), bonifications
d'intérêts ou de prêts et avances à des conditions
plus favorables que celles du taux moyen des obligations (
article L.
1511-2
du code général des collectivités
territoriales).
Attribuées par la région dans des conditions fixées par
décret en Conseil d'Etat, elles peuvent être
complétées par les autres collectivités lorsque
l'intervention de la région n'atteint pas le plafond fixé par ce
décret.
Quant aux
aides indirectes
, elles sont en principe librement
créées et accordées par les différentes
collectivités territoriales (
article L. 1511-3
du code
général des collectivités territoriales).
Toutefois, les rabais susceptibles d'être consentis sur la vente ou la
location de bâtiments sont réglementés ; ils ne peuvent
notamment excéder 25 % de la valeur vénale du bâtiment
ou des loyers aux conditions du marché.
En outre, la prise de participation directe au capital d'une
société est formellement interdite, à quelques rares
exceptions près (participation à des sociétés de
garantie ou à des sociétés d'économie mixte).
S'agissant des
garanties d'emprunts
, des ratios prudentiels ont
été définis afin de limiter les risques encourus par les
collectivités locales. La loi du 12 avril 1996 portant diverses
dispositions d'ordre économique et financier a à cet égard
apporté certaines précisions sur les règles applicables
aux garanties accordées aux emprunts souscrits par des personnes
physiques ou morales de droit privé, dans le sens d'une protection des
intérêts des collectivités. Elle a ainsi confirmé
les solutions qui avaient été définies par la loi du 5
janvier 1988 d'amélioration de la décentralisation.
Ces règles sont principalement au nombre de trois :
- règle de division du risque : le montant des annuités garanties
ou cautionnées au profit d'un même débiteur est
plafonné (ce plafond étant actuellement fixé à
10 % du montant total des annuités garanties ou cautionnées
par le décret n° 88-366 du 18 avril 1988) ;
- règle du partage des risques : les collectivités territoriales
ne peuvent garantir la totalité de l'emprunt en cause, laissant ainsi au
secteur bancaire une part des risques dont sa rémunération
constitue la contrepartie (la quotité d'un emprunt susceptible
d'être garantie est fixée à 50 % par le décret
précité ; elle peut être portée à 80 %
pour certaines opérations d'aménagement réalisées
par des personnes privées et n'est pas applicable aux garanties
d'emprunt accordées pour des opérations menées par des
organismes d'intérêt général au sens des articles
200 et 238 bis du code général des impôts) ;
- règle du plafonnement des garanties d'emprunt : cette règle,
qui a été précisée par la loi du 12 avril 1996,
limite à un pourcentage des recettes réelles de la section de
fonctionnement du budget (actuellement fixé à 50 % par le
décret précité), le montant total des annuités
déjà garanties ou cautionnées à échoir au
cours de l'exercice, d'emprunts contractés par toute personne de droit
privé ou de droit public, majoré du montant de la première
annuité entière du nouveau concours garanti et du montant des
annuités de la dette de la collectivité.
Ces différentes règles ne sont pas applicables aux garanties
d'emprunt ou aux cautionnements accordés pour des opérations
relatives au logement social (opérations de construction, d'acquisition
ou d'amélioration de logements bénéficiant d'une
subvention de l'Etat ou réalisés avec le bénéfice
des prêts aidés par l'Etat).
Par ailleurs, la loi du 12 avril 1996 précitée a autorisé
les collectivités à prendre en charge, dans des conditions
fixées par décret en Conseil d'Etat, les commissions dues par les
bénéficiaires de garanties d'emprunt accordées par les
établissements de crédit. Cependant, cette aide,
considérée comme une aide indirecte, ne peut pas être
cumulée, pour un même emprunt, avec la garantie ou le
cautionnement accordé par une collectivité.
Enfin, les
exonérations de fiscalité locale
ont pris une
importance croissante au cours des dernières années, certaines
lois récentes, comme la loi d'orientation pour l'aménagement et
le développement du territoire et la loi relative à la mise en
oeuvre du pacte de relance pour la ville, en ayant fait un instrument
privilégié de mise en oeuvre des politiques publiques.
Cependant, l'application de ces diverses dispositions législatives et
réglementaires a mis en évidence de
nombreuses incertitudes
juridiques
relevées par le rapport précité de la Cour
des comptes, dont on se bornera ici à citer quelques exemples.
- Tout d'abord, la
distinction entre aide directe et aide indirecte
apparaît
ambiguë et peu opérationnelle
.
En effet, les aides directes, certes énumérées par la loi,
n'ont néanmoins pas été définies
précisément, pas plus que les aides indirectes qui peuvent
être accordées sous des formes très diverses.
- La portée de l'
article L. 1511-5
du code général
des collectivités territoriales est par ailleurs incertaine et les
conventions passées entre l'Etat et les collectivités
territoriales sur le fondement de cet article, souvent purement
circonstancielles, interviennent même parfois a posteriori d'une action
économique, ainsi que l'a souligné M. Michel Thénault.
- Enfin, les
libéralités en matière de terrains
constituent un bon exemple d'intervention économique dont le
régime juridique est controversé ainsi que l'a fait observer M.
Jean-Paul Amoudry devant le groupe de travail. Elles ont longtemps
été considérées comme des aides indirectes libres,
mais cette interprétation a été récemment remise en
cause par un jugement du tribunal administratif de Besançon du
6 avril 1995 qui, se fondant sur une décision du Conseil
constitutionnel des 25 et 26 juin 1986, a considéré que des biens
du domaine public ne pouvaient pas être cédés à des
personnes privées à un prix inférieur à leur valeur
et, en conséquence, a annulé la délibération d'un
conseil municipal décidant la cession à une entreprise d'une
parcelle du domaine communal pour un franc symbolique.
D'une manière générale,
une équivoque est
née de la rédaction des lois de décentralisation de
1982
, qui ont permis à toutes les collectivités territoriales
d'intervenir en matière d'action économique et en fait de jouer
le même rôle en accordant les mêmes aides, même si la
région devait en principe occuper une place prépondérante
en ce qui concerne les aides directes et alors que l'Etat demeurait seul
compétent en matière d'emploi.
2.- Les incertitudes résultant de l'application du droit communautaire
A la complexité du cadre juridique national s'ajoutent
en outre les difficultés suscitées par l'application du droit
communautaire, car les aides des collectivités territoriales sont
soumises au respect des
obligations communautaires.
Les interventions économiques des collectivités locales doivent
en effet être compatibles avec les règles du marché commun,
au sens de l'article 92 du Traité de Rome qui proscrit, sauf
dérogations limitativement énumérées,
" les
aides accordées par l'Etat ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque
forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en
favorisant certaines entreprises ou certaines productions ",
" dans la mesure où elles affectent les échanges entre
Etats membres ".
Le plus souvent, cette compatibilité est examinée par la
Commission européenne sur le fondement de la stipulation qui autorise
" les aides destinées à faciliter le développement
de certaines activités ou de certaines régions économiques
quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une
mesure contraire à l'intérêt commun "
(art.92-3 c)
du Traité).
Les Etats membres sont en outre tenus par le Traité (art. 93-3) de
notifier
tout projet d'aide particulière ou de régime
d'aide afin de permettre à la Commission de procéder à son
examen préalable, à l'exception des aides jugées d'un
montant trop modeste pour affecter les échanges entre les Etats membres,
ou aides "
de minimis
".
La Cour de Justice européenne considère ainsi que cette
règle doit être interprétée "
en ce sens
qu'elle impose aux Etats membres une obligation dont la méconnaissance
affecte la validité des actes comportant la mise en exécution de
mesures d'aides, et que l'intervention ultérieure d'une décision
finale de la Commission déclarant ces mesures compatibles avec le
marché commun, n'a pas pour conséquence de régulariser a
posteriori les actes invalides
. " (arrêt
Fédération nationale du commerce extérieur des produits
alimentaires et syndicat national des négociants et transformateurs de
saumon contre République française, 21 novembre 1991).
La Commission européenne encadre pour sa part très
précisément les conditions dans lesquelles les aides peuvent
être accordées.
A titre d'exemple, elle n'a récemment approuvé les aides
envisagées dans le cadre du Pacte de relance pour la ville que
" compte tenu notamment de leur durée limitée, de leur
intensité, de leur limitation aux petites entreprises et à des
quartiers strictement délimités sur une base
objective "
et en prenant acte de l'engagement des
autorités françaises de respecter les conditions
" de
minimis "
au sens des règles communautaires en la
matière.
Elle a en outre demandé au Gouvernement français d'établir
" un rapport annuel d'application des mesures d'aides en faveur des
zones franches urbaines "
indiquant
" la liste des
zones
franches urbaines finalement retenues et pour les zones
frontalières, la liste des entreprises existantes ayant
bénéficié d'une aide ainsi que leur secteur
d'activité
"
15(
*
)
.
Or, l'application du droit communautaire soulève des
difficultés
relevées par le rapport de la Cour des comptes
qui sont principalement de trois ordres :
-
l'aide indirecte, en principe libre au regard du droit national, n'a
pas
de
fondement au regard du droit communautaire
qui ne
connaît pas la distinction entre aide directe et aide indirecte et
interprète la notion d'aide dans un sens très large ;
- les dispositions communautaires applicables en la matière
résultant
d'actes de la Commission européenne
interprétatifs du Traité
(" communications ",
" encadrements ")
dont la valeur juridique demeure
incertaine ;
- enfin, les collectivités territoriales ne sont ni suffisamment ni
précisément informées des
obligations de
notification
qui sont susceptibles de s'imposer au regard du droit
communautaire.
b) Une complémentarité insuffisante des interventions publiques
1.- Le bilan des interventions économiques des collectivités locales
Si l'évaluation précise des interventions
économiques n'est pas un exercice aisé, comme l'a relevé
le récent rapport de la Cour des comptes, néanmoins
leur place
dans l'ensemble des dépenses locales reste
modeste
.
Les données recensées par la direction de la comptabilité
publique mettent en évidence un total de 13,3 milliards de francs
de dépenses en 1992 et 15 milliards de francs en 1993.
Sur ce total, les régions -bien que s'étant vu reconnaître
une " priorité " par le législateur en matière
d'aides directes- ne distribuent qu'environ 30 % du total, 25 %
étant distribué par les départements et 45 % par les
communes.
Par secteur économique, ces aides profitent essentiellement au secteur
de l'industrie, du commerce et de l'artisanat qui en reçoit près
de la moitié, soit 6,1 milliards de francs en 1993.
Sur une moyenne période, les interventions économiques locales
ont sensiblement progressé, avec une hausse annuelle moyenne de plus de
11,2 %. L'année 1992, qui s'était caractérisée
par un léger repli du volume des interventions dans un contexte de
baisse de nombreux investissements des entreprises, aura donc été
une année de transition.
Mais, elles ne représentent qu'une faible part -de 1 à 5 %- des
dépenses des collectivités locales.
La Cour des comptes, dans le rapport précité, relève
cependant que ces pourcentages tirés des comptes des
collectivités, d'une part, sous-estiment l'impact financier des aides
aux terrains ou à l'immobilier d'entreprise qui prennent la forme de
moins-value de recettes, d'autre part, n'intègrent pas le coût
financier des zones d'activités avant rétrocession aux
entreprises et, enfin, ne mesurent pas l'aide fiscale que représente
l'exonération de taxe professionnelle.
Selon le rapport de la Cour des comptes -qui s'appuie sur une étude
réalisée par la direction générale des
collectivités locales- les bases de taxes exonérées ont
atteint, en 1995, 5,8 milliards de francs pour les communes et
1,7 milliard de francs pour leurs groupements. Les produits
exonérés sont évalués à 680 millions de
francs pour les communes et à près de 115 millions de francs pour
leurs groupements, soit un total de moins de 800 millions de francs.
Force est de constater que les collectivités locales font l'objet de
sollicitations permanentes et sont souvent en première ligne pour
essayer d'apporter des réponses à des difficultés
économiques qui affectent les équilibres fondamentaux de leur
territoire.
Ces interventions économiques ne sont pas sans risque pour les
collectivités locales.
Ainsi, l'encours des garanties d'emprunt au 31 décembre 1992
-toutes collectivités confondues- s'élevaient à
272,5 milliards de francs
16(
*
)
dont
256,3 milliards de francs consacrés au seul secteur du logement.
L'encours des garanties d'emprunt accordées par chaque
collectivité représentait 143,7 milliards de francs pour les
départements, 172,6 milliards de francs pour les communes et
1,085 milliard de francs pour les régions
17(
*
)
.
La partie du rapport annuel de la Cour des comptes de1995 relative aux communes
confrontées à des graves difficultés financières, a
mis en évidence certains effets dangereux de ces interventions dans un
contexte économique dégradé.
2.- Le foisonnement des aides publiques
Dans ce contexte économique, les aides publiques se
sont diversifiées et, s'agissant des collectivités locales, ont
pris des formes s'éloignant des catégories juridiques
définies en 1982.
Ainsi, les
aides directes
, notamment les primes régionales
à la création d'entreprises (PRCE) et les primes
régionales à l'emploi (PRE) sont relativement
délaissées.
Le rapport de la Cour des comptes sur les interventions des
collectivités territoriales en faveur des entreprises fait état
d'une enquête réalisée en 1994 par la direction
générale des collectivités locales qui met en
évidence que les 3/5ème des régions seulement accordent
des PRE et/ou des PRCE et que moins des 2/5ème accordent des prêts
et avances dans des conditions définies par les textes. En outre,
lorsqu'elles sont utilisées, ces aides directes sont souvent
complétées par d'autres aides elles-mêmes non
prévues par les textes, seules quatre régions utilisant
uniquement les instruments prévus par la loi.
Le montant total des PRE et PRCE versées, qui s'élevait à
407 millions de francs en 1987, n'était plus que de
130 millions de francs en 1993.
En principe, l'abstention des régions pour chaque catégorie
d'aide directe interdit aux autres collectivités de verser l'aide
directe en cause. Or, selon la Cour des comptes, sur les 33 départements
appartenant à des régions qui n'interviennent pas, 17 attribuent
des aides nécessairement irrégulières.
Inversement, 18 départements seulement sur les 66 qui en avaient la
possibilité ont choisi d'abonder les aides directes régionales.
Selon la Cour des comptes, il semble que les collectivités aient
plutôt choisi d'accorder des prêts et avances à taux
très bonifiés ou nuls, qui ont pour avantage d'accroître
les capitaux permanents des entreprises.
M. René Garrec, représentant de l'Association des
présidents des conseils régionaux, a néanmoins
considéré devant le groupe de travail que les régions
étaient empêchées de mettre en place des dispositifs
d'avances remboursables à taux nul alors même que cela
répondait à un réel besoin des entreprises et que l'Etat
ne se privait pas d'y avoir recours.
En outre, comme l'ont fait valoir MM. Paul Girod et Lucien Lanier, les
collectivités locales ont également dû faire le tri parmi
les demandes d'aides publiques afin de sélectionner celles qui
correspondaient à de véritables créations
d'activités.
S'agissant des
aides indirectes
, les collectivités locales ont
freiné leurs interventions sous la forme de garanties d'emprunts et de
cautionnements apportés à des entreprises privées. Le
rapport de la Cour des comptes relève cependant que cette tendance n'a
pas été compensée par un recours accru aux fonds de
garantie dont la loi du 5 janvier 1988 d'amélioration de la
décentralisation a entendu faire un instrument de mutualisation des
risques pris par les collectivités en matière de garantie
d'emprunt.
Il relève également qu'en 1994 seulement cinq régions et
cinq départements avaient utilisé la faculté que leur a
ouvert la loi du 5 janvier 1988 de participer au capital de
sociétés anonymes ayant pour objet exclusif de garantir des
concours financiers octroyés à des personnes privées,
aucune commune n'ayant utilisé cette possibilité.
Les sociétés de capital-risque qui permettent de soutenir en
fonds propres les PME-PMI dans leur phase de " démarrage "
ou
de développement ont, en revanche, connu plus de succès,
même si les participations restent souvent modestes.
Par ailleurs, les collectivités ont fortement développé
soit directement soit à travers des associations ou des
sociétés d'économie mixte, des actions d'animation en vue
de la promotion économique de leur territoire.
L'essentiel des aides indirectes porte néanmoins sur les aides à
l'immobilier d'entreprises et aux terrains, notamment par l'aménagement
de zones d'activités économiques ou la réalisation
d'ensembles immobiliers (" pépinières " ou
ateliers-relais) destinés à accueillir des entreprises.
L'enquête de la direction générale des collectivités
locales -citée par le rapport de la Cour des comptes- indique que
20 régions et 78 départements pratiquent cette forme
d'aide indirecte.
Votre rapporteur relèvera également le rôle joué par
les
sociétés d'économie mixte
dont les
collectivités locales détiennent la majorité du capital.
Suivant les précisions apportées par M. Camille Vallin,
président de la Fédération nationale des
sociétés d'économie mixte, ces sociétés font
l'objet d'une capitalisation à hauteur de 7,4 milliards de francs,
disposent de 50.000 salariés, gèrent 500.000 logements,
en ont construit 400.000 et réalisent 18 milliards de francs
d'investissement dans le secteur de l'aménagement.
Le foisonnement des interventions économiques témoigne du
dynamisme des collectivités locales et de leur contribution importante
à la recherche de solutions adaptées aux difficultés que
rencontrent les territoires pour préserver et développer leur
tissu économique.
Pour autant, ce foisonnement n'est pas nécessairement un gage
d'efficacité et d'adéquation des réponses apportées
à des besoins qui eux-mêmes se diversifient.
Il faut cependant souligner que si les collectivités locales se sont
éloignées du cadre juridique prévu par les lois de
décentralisation, c'est précisément parce qu'elles ont
recherché des réponses les plus adaptées au contexte
économique.
Il reste que, comme l'a souligné devant le groupe de travail
M. Michel Thénault, Directeur général des
collectivités locales, l'
absence d'évaluation globale ne
permet pas d'apprécier précisément l'efficacité des
interventions économiques des collectivités locales.
En outre, une plus grande complémentarité devrait être
recherchée ainsi que l'ont proposé tant M. René
Garrec, représentant de l'Association des présidents de conseils
régionaux, que MM. Jean Puech, Charles Josselin et
Pierre-Rémy Houssin au nom de l'APCG.
Plus récemment, le législateur a entendu privilégier pour
certaines zones du territoire des formules d'
exonérations
fiscales
dont il est encore trop tôt pour tirer un premier bilan.
Néanmoins, la
multiplication des zonages
de toute sorte, qu'ils
soient définis au niveau local, national ou européen, contribue
à l'évidence à la complexité aussi bien pour les
entreprises que pour les collectivités publiques, sans doute au
détriment de l'efficacité.
La multiplication des zonages aboutit, en effet, à un
" brouillage " des interventions en matière
d'aménagement du territoire. Pendant très longtemps, les zones
délimitant les primes à l'aménagement du territoire ont
été privilégiées. Or, le nombre des zones s'est
sensiblement accru en raison de l'application à la fois des fonds
structurels européens et des différentes zones prévues par
la loi d'orientation du 4 février 1995 et par la loi du
14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance
pour la ville.
M. Michel Thénault, Directeur général des
collectivités locales, a ainsi fait valoir devant le groupe de travail
que les collectivités locales se trouvaient face à un paradoxe
consistant à ce que des zones soient définies pour le
bénéfice d'avantages fiscaux sans que des conséquences en
soient tirées sur les interventions économiques.
Enfin, le statut et la situation des sociétés d'économie
mixte méritent assurément une attention particulière.
M. Camille Vallin a estimé que les SEM devaient faire face, dans le
secteur de l'aménagement, au désengagement de l'Etat de la
politique d'aménagement des territoires urbains et ruraux. Il a
relevé que les SEM subissaient, dans le secteur de l'immobilier, une
dégradation constante de leur compte d'exploitation et qu'elles
étaient confrontées dans le secteur des services à la
très grande complexité de la réglementation.
Il a indiqué que les SEM souhaitaient une clarification du droit de
l'économie mixte.
4. Les rigidités persistantes du statut de la fonction publique territoriale
Enfin, le statut de la fonction publique territoriale se caractérise par des rigidités persistantes qui ne permettent pas toujours une adaptation satisfaisante des moyens en personnels à l'évolution des missions des collectivités locales, en dépit des assouplissements apportés par la loi du 27 décembre 1994.
a) Les difficultés liées au fonctionnement des institutions
Ces rigidités se traduisent tout d'abord au niveau des institutions.
1.- Les dysfonctionnements de la gestion du CNFPT
Le rapport de la Cour des comptes de 1995 a mis en
évidence de graves dysfonctionnements dans la gestion du Centre national
de la fonction publique territoriale (CNFPT
), établissement public
à caractère administratif doté de la personnalité
morale et de l'autonomie financière qui a pour mission principale la
formation des personnels des collectivités territoriales.
En ce qui concerne le
siège central
de cet établissement,
le contrôle auquel la Cour a procédé pour la période
1987 à 1992 a ainsi fait apparaître une progression excessive des
effectifs (de 8 % par an en moyenne), une gestion des ressources humaines
défectueuse, un absentéisme particulièrement fort, des
remboursements abusifs de frais de déplacement, la faiblesse des
applications informatiques, l'absence de comptabilité analytique et des
coûts élevés de location immobilière.
Une situation comparable a été constatée dans les
délégations régionales
et les
écoles
dépendant du CNFPT. La Cour a notamment déploré
l'insuffisance voire l'inexistence de la coordination de leurs activités
par le siège.
Cette gestion défectueuse s'est traduite au niveau des résultats
financiers, les dépenses s'accroissant plus rapidement que les recettes.
Or, les contributions des collectivités étant limitées par
la loi à 1 % de leur masse salariale, l'accroissement des charges de
fonctionnement s'est effectué au détriment des missions
d'enseignement et de formation professionnelle qui constituent pourtant
statutairement l'activité principale du CNFPT.
Ainsi les dépenses directes de formation ne représentaient plus
en 1993 que le quart des dépenses totales de l'établissement, et
moins de 40 % du budget des écoles.
Le rapport de la Cour a également dénoncé les conditions
d'exercice de ces missions, déplorant en particulier, outre des
irrégularités dans les rémunérations des
chargés de cours, l'absence d'harmonisation des programmations et des
modes d'évaluation des formations dispensées dans les
différentes délégations ou écoles ainsi que
l'absence de toute politique de partenariat avec les écoles de formation
des fonctionnaires de l'Etat comme l'Ecole nationale d'administration (ENA) ou
les Instituts régionaux d'administration (IRA).
Enfin, le rapport de la Cour a constaté l'approximation des statistiques
relatives à la formation, un agent ayant suivi plusieurs stages
étant comptabilisé comme représentant plusieurs
stagiaires, ainsi que l'impossibilité de calculer de façon fiable
le coût moyen des journées de formation. Ce constat doit donc
conduire à nuancer les informations présentées dans les
rapports d'activité du centre, suivant lesquels environ 250 000
stagiaires, soit plus de 20 % de la population totale des agents territoriaux,
seraient formés chaque année.
Lors de son audition par le groupe de travail, le nouveau président du
CNFPT, M. Jean-Pierre Soisson, a d'ailleurs reconnu le bien-fondé des
observations formulées par la Cour.
2.- Un recentrage en cours
Une tentative de clarification de la situation de
l'établissement est cependant en cours.
Elle passe par un assainissement de la gestion prenant en compte les
observations de la Cour, mais aussi par la mise en application de la
réforme résultant de la loi du 27 décembre 1994, qui a
prévu :
- le recentrage des missions du CNFPT sur la formation et les seules
tâches de gestion justifiant d'un niveau d'intervention national ;
- la déconcentration, au profit des centres de gestion (ou des
collectivités non affiliées), d'un certain nombre de
compétences de gestion ou d'organisation des concours ;
- la décentralisation de l'exercice de certaines missions, ainsi que de
la gestion, au niveau des délégations régionales.
La déconcentration de la gestion du CNFPT devait notamment se traduire
par une réforme de l'organisation comptable, avec la création
d'agents comptables spéciaux secondaires placés auprès de
chaque délégué régional.
Toutefois, le CNFPT ne semble pas prêt pour cette dernière
réforme, ni pour la délocalisation géographique
recommandée en 1995 par le ministère chargé des
collectivités locales et fondée sur une étude
réalisée par M. le préfet Kaeplin.
Devant le groupe de travail, M. Jean-Pierre Soisson, tout comme M. Jean-Jacques
Hyest, ont exprimé leur préférence pour le maintien d'une
gestion centralisée afin d'assurer un bon fonctionnement des
délégations régionales, de façon à
permettre, par exemple, de renforcer la coordination de la politique
immobilière.
Aussi a-t-il été décidé, par une disposition
introduite au sein de la loi du 16 décembre 1996
18(
*
)
, de reporter la mise en oeuvre de la réforme
de l'organisation comptable du CNFPT au 1er janvier 1999.
b) La lourdeur des procédures de recrutement et de formation
En dépit des assouplissements apportés par la
loi du 27 décembre 1994, qui permet désormais le
recrutement direct, sans concours, des agents d'exécution dont le grade
de début de carrière est doté de l'échelle de
rémunération la moins élevée de la fonction
publique, les procédures de recrutement et de formation des
fonctionnaires territoriaux restent lourdes et n'apparaissent pas toujours
parfaitement adaptées aux besoins des collectivités.
Le statut de la fonction publique territoriale est parfois perçu comme
un " carcan " insuffisant et limitatif, selon les termes
employés par M. Joël Batteux, secrétaire de la
Fédération des maires des villes moyennes (FMVM), devant le
groupe de travail.
En effet, les
contraintes statutaires
restent importantes : longueur des
procédures de recrutement et de l'organisation des concours,
difficultés parfois rencontrées pour trouver sur les listes
d'aptitude des candidats correspondant au profil recherché,
rigidités des obligations de formation initiale et continue.
Les élus se plaignent également fréquemment de
l'inadaptation des statuts particuliers des cadres d'emplois
existants
pour répondre à certains besoins spécifiques des
collectivités, soit parce que les missions à remplir ont un
caractère ponctuel et temporaire rendant inopportun le recrutement d'un
fonctionnaire à titre permanent, soit parce qu'elles correspondent
à de nouveaux métiers non pris en compte par les filières
actuelles, et nécessitant une formation très
spécialisée.
Dans ce dernier cas, en l'absence de cadre d'emplois correspondant aux
fonctions à exercer, les collectivités sont souvent
amenées à recruter des agents contractuels, au risque de se voir
opposer un contrôle de légalité strict.
c) Les difficultés de gestion des carrières
Des difficultés persistent également pour la
gestion des carrières.
En effet,
l'application rigide des seuils et des quotas
institués
par la voie réglementaire restreint la possibilité pour les
collectivités territoriales de proposer à leurs agents
l'accès à des grades permettant de reconnaître leurs
mérites et les responsabilités effectivement exercées.
Ainsi, l'accès à certains grades étant subordonné
à une condition démographique, les collectivités petites
ou moyennes se trouvent pénalisées pour le recrutement du
personnel qualifié dont elles peuvent avoir besoin pour exercer des
fonctions très diversifiées impliquant de fortes
responsabilités. En outre, elles risquent de voir partir leurs
fonctionnaires les plus expérimentés vers des
collectivités plus importantes, faute de pouvoir les promouvoir sur
place.
Cette situation est également pénalisante pour les fonctionnaires
eux-mêmes car elle interdit aux agents de collectivités petites ou
moyennes d'avoir une progression de carrière satisfaisante en restant
dans la même collectivité.
Aussi M. Martin Malvy, président de l'Association des petites villes de
France, a-t-il souligné, au cours de son audition devant le groupe de
travail, les difficultés rencontrées par les cadres territoriaux
des petites villes dans leur progression de carrière.
En outre, le caractère mécanique et brutal de l'application des
seuils démographiques ne permet pas de tenir compte de la situation
particulière des collectivités se situant en deçà
d'un seuil mais connaissant une période d'expansion rapide qui
nécessite le recours à un personnel adapté.
Les
" incidents de carrière "
qui requièrent la
prise en charge des fonctionnaires dont l'emploi a été
supprimé sont également source de problèmes car le
reclassement des intéressés est souvent difficile à mettre
en oeuvre.
La loi du 27 décembre 1994 a néanmoins cherché à
responsabiliser les collectivités à l'origine d'un incident de
carrière, en leur imposant de maintenir en surnombre pendant un an
l'agent dont l'emploi a été supprimé et en alourdissant
leur contribution financière à la prise en charge
ultérieure, par le CNFPT ou le centre de gestion, de cet agent si
celui-ci n'a pu être reclassé pendant cette période d'un
an. Mais l'on ne dispose pas encore d'un recul suffisant pour savoir si
l'application de cette loi suffira à régler toutes les
difficultés dans ce domaine.
d) Les limites du principe de la parité avec la fonction publique de l'État
Enfin, la mise en oeuvre du principe de parité avec la
fonction publique de l'État trouve ses limites.
En effet, ce principe conduit à une transposition systématique
à la fonction publique territoriale de toutes les modifications
statutaires intéressant la fonction publique de l'État, mais
cette transposition n'est pas toujours précédée d'une
concertation approfondie avec les associations d'élus
représentant les collectivités employeurs et n'intègre le
plus souvent pas suffisamment les adaptations rendues nécessaires par la
spécificité de la fonction publique territoriale.
De même, les collectivités subissent dans leurs budgets l'impact
financier des revalorisations de rémunérations
décidées unilatéralement par l'État (accords
Durafour, par exemple) et ne peuvent donc maîtriser leur masse salariale
alors même que celle-ci représente une part importante de leurs
dépenses de fonctionnement.
De plus, l'encadrement légal des régimes indemnitaires
" dans la limite de ceux dont bénéficient les
différents services de l'État "
(article 87 de la loi
statutaire du 26 janvier 1984), renforcé par une jurisprudence
restrictive du Conseil d'État, peut susciter des difficultés
notamment lorsqu'il n'existe pas de corps comparable dans la fonction publique
de l'État, ou encore pour certains emplois d'encadrement.
Ces difficultés ont d'ailleurs récemment conduit à
l'adoption, à l'initiative du Sénat, d'une disposition
prévoyant une dérogation à ce principe d'encadrement pour
permettre le maintien des avantages acquis avant 1984 en matière
indemnitaire, dans le cadre de la loi du 16 décembre 1996 relative
à l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures
d'ordre statutaire
19(
*
)
.
Une récente proposition de loi sénatoriale déposée
par M. Charles Pasqua et plusieurs de nos collègues
20(
*
)
, suggère pour sa part d'aller plus loin en
permettant aux assemblées délibérantes des
collectivités territoriales de fixer librement les régimes
indemnitaires, sous réserve que
" le régime de
rémunération, indemnités comprises, ne puisse constituer
une entrave à la mobilité entre la fonction publique d'Etat et la
fonction publique territoriale ".
II. UNE AMBITION NÉCESSAIRE : PERMETTRE À LA DÉCENTRALISATION DE JOUER PLUS EFFICACEMENT SON RÔLE DANS L'ADAPTATION DE LA FRANCE AUX ENJEUX DU PROCHAIN SIÈCLE.
A cette fin, trois conditions majeures paraissent devoir
être réunies :
- un préalable régulièrement souligné au cours des
auditions : la clarification des relations avec l'État ;
- mais aussi une adaptation des structures territoriales elles-mêmes aux
nouveaux défis de la société ;
- enfin, la recherche d'une meilleure adéquation des réponses aux
problèmes économiques.
A. LA CLARIFICATION DES RELATIONS AVEC L'ÉTAT APPARAÎT COMME UN PRÉALABLE INDISPENSABLE
Elle nécessite autant la définition d'un
véritable partenariat entre l'État et les collectivités
locales qu'une réforme ambitieuse des administrations de l'État.
M. Jean-Paul Delevoye a particulièrement insisté sur l'importance
du développement d'un tel partenariat entre les collectivités
locales et un Etat à l'autorité réaffirmée.
Evoquant l'évolution de certains Etats voisins qui comporte à ses
yeux le risque à terme d'une dislocation des Etats-nations, il a
estimé que l'Europe devrait se développer à partir d'une
synergie de nations organisées autour d'un Etat affirmant son
autorité dans le cadre d'un partenariat avec les collectivités
locales et que le modèle français de décentralisation
pourrait répondre à un tel objectif en assurant un maillage
efficace du territoire et en constituant un facteur de stabilité
démocratique.
1. Les conditions d'un véritable partenariat
La définition d'un partenariat entre l'État et les collectivités locales passe tout d'abord par un pacte de stabilité des ressources et des charges.
a) Pour un pacte de stabilité des ressources et des charges des collectivités locales
La loi de finances pour 1996 a défini un
pacte
triennal de stabilité financière
qui verra sa deuxième
année d'application en 1997.
Ainsi, son article 32 a prévu l'indexation sur le taux
prévisionnel d'évolution des prix, en 1996, 1997 et 1998, de la
masse constituée par les dotations suivantes : la dotation globale de
fonctionnement (DGF), la dotation spéciale pour le logement des
instituteurs (DSI), les dotations de l'État au fonds national de
péréquation de la taxe professionnelle (FNPTP) et au fonds
national de péréquation (FNP), la dotation élu local, la
dotation globale d'équipement (DGE), la dotation générale
de décentralisation (DGD), la dotation de décentralisation pour
la formation professionnelle, la dotation générale de
décentralisation pour la Corse, la dotation départementale
d'équipement des collèges (DDEC), la dotation régionale
d'équipement scolaire (DRES) et la dotation de compensation de la taxe
professionnelle hors réduction pour embauche et investissement (DCTP
hors REI).
Ce
" pacte de stabilité financière "
a permis de
mettre fin aux modifications brutales des règles d'évolution des
concours de l'État opérées les années
précédentes et d'assurer aux collectivités locales une
indispensable stabilité d'évolution de leurs recettes.
M. Robert Pagès a cependant jugé insufisant le pacte de
stabilité des ressources tel qu'il a été établi sur
les bases actuelles.
Si son caractère protecteur pour les collectivités locales
représente indéniablement un apport positif, le pacte de
stabilité financière constitue néanmoins une approche
purement comptable dont le champ d'application se limite aux concours de
l'État aux collectivités, alors que celles-ci se voient imposer
des transferts de charges non compensés ainsi que des obligations
nouvelles résultant de l'application de la législation nationale
et des normes diverses, comme l'a montré le constat établi dans
la première partie du présent rapport. M. Jean-Paul Delevoye a
ainsi pu souligner que le pacte de stabilité financière ne
garantissait la stabilité des dépenses que pour l'Etat et non
pour les collectivités locales.
Aussi les insuffisances de ce pacte sont-elles apparues clairement au fil des
auditions du groupe de travail, M. Pierre-Rémy Houssin regrettant
notamment, au nom de l'APCG, qu'il n'ait pas été mené
à son terme alors que M. Philippe Valletoux, représentant du
Crédit local de France, le qualifiait de "
charte
octroyée
".
Il convient donc désormais d'étendre la portée du pacte
de stabilité aux charges des collectivités locales, ainsi que l'a
proposé M. Jean-Paul Delevoye
à l'occasion du
congrès annuel de l'Association des maires de France. La
négociation avec l'État des conditions d'une stabilisation des
charges apparaît en effet comme une
condition indispensable à
une maîtrise de la fiscalité locale
, car face à la
stagnation des dotations de l'État et à la multiplication des
charges, les collectivités sont aujourd'hui contraintes
d'accroître la pression fiscale locale.
Une telle stabilisation des charges requiert la
réalisation
d'études d'impact
préalables à toute décision
de l'État susceptible d'avoir des incidences financières pour les
collectivités locales. M. Charles Josselin, au nom de l'APCG, tout comme
M. Martin Malvy, au nom de l'APVF, ont ainsi exprimé le souhait, devant
le groupe de travail, d'une systématisation de ces études
d'impact afin d'évaluer précisément le coût de toute
mesure nouvelle pour les collectivités locales.
Sans doute -comme la commission des Lois en a exprimé le souhait lors de
l'examen du projet de loi de finances pour 1997 (cf. avis précité
de M. André Bohl sur les crédits de la décentralisation)-
la mise en oeuvre de cette stabilisation des charges impliquera-t-elle aussi
une adaptation des normes de sécurité, toujours plus nombreuses,
ainsi qu'un ajustement des dates butoirs initialement prévues pour
l'application de certaines réglementations motivées par le souci
de la protection de l'environnement, par exemple en matière de
traitement des déchets, en fonction des contraintes liées au
contexte économique et budgétaire.
b) Pour une véritable compensation financière des charges transférées
Le rapport établi par M. Paul Girod au titre de
l'Observatoire des finances locales a mis en évidence les imperfections
de la compensation financière des transferts de compétences
décidés au moment de la décentralisation. Il a
également recensé une multiplication de nouvelles charges que
l'État a créées ou transférées au
détriment des collectivités locales sans prévoir la
compensation ou la ressource correspondante, comme, à titre d'exemple,
les actions d'insertion du RMI, l'accroissement des coûts des transports
scolaires lié notamment à l'aménagement des rythmes et
à l'allongement de la durée moyenne des études, le
financement des routes nationales dans le cadre des contrats de plan
Etat-régions, la réalisation du plan Universités 2000...
Il faut donc aujourd'hui mettre fin à cette situation en revenant
à une
stricte application du principe de la compensation
intégrale des charges transférées
et en n'envisageant
aucun nouveau transfert de charges sans transfert des ressources
correspondantes
, ainsi que l'ont souhaité les associations
d'élus auditionnées par le groupe de travail. En particulier,
M. René Garrec a rappelé le souhait unanime des
présidents de conseils régionaux tendant à ce que tout
transfert nouveau de compétence soit subordonné à un
transfert de ressources nouvelles et évolutives, de façon
à éviter le renouvellement des contentieux survenus à
propos des lycées.
Constatant un écart grandissant entre l'évolution des charges et
celle de leur compensation, M. Robert Pagès a, pour sa part, jugé
que la compensation des transferts de compétence devait être
évolutive.
*
* *
Ce n'est en effet qu'à la double condition de la mise au point d'un véritable pacte de stabilité des ressources et des charges et du retour à une compensation intégrale des charges transférées que pourront être apaisées les inquiétudes grandissantes des élus face à la dérive financière résultant de l'application de législations nouvelles et de politiques publiques décidées au niveau national.
2. La nécessaire réforme des administrations de l'Etat
La clarification des relations avec l'Etat passe aussi par la
nécessaire réforme des administrations de l'Etat.
En effet, la mise en oeuvre d'une déconcentration effective constitue un
préalable indispensable à l'approfondissement de la
décentralisation.
a) La redéfinition des missions
Tout d'abord, la prise en charge de certaines
compétences à un niveau décentralisé doit conduire
l'Etat à réorienter ses missions autour d'une fonction
d'impulsion, de coordination et de péréquation.
Une clarification des missions respectives de l'Etat et des
collectivités locales s'impose en effet ; elle devrait en particulier
chercher à mettre fin aux doubles emplois existant actuellement entre
les services extérieurs de l'Etat et les services des
collectivités, qui peuvent générer une confusion
regrettable.
M. Jean-Ludovic Silicani, commissaire à la réforme de l'Etat, a
ainsi indiqué, au cours de son audition, que dans le cadre des
réflexions préparatoires à la réforme de l'Etat,
avaient été identifiés certains secteurs dans lesquels une
clarification des compétences
pourrait être
envisagée, à savoir les transports, le secteur sanitaire et
social, la formation et les interventions économiques.
En particulier, les auditions du groupe de travail ont fait apparaître la
nécessité d'une clarification du partage des compétences
entre l'Etat et les départements en matière d'action sanitaire et
sociale ; la politique sanitaire ne devrait-elle pas relever exclusivement du
niveau national, ainsi que l'a suggéré M. Dominique Perben,
ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation ?
Peut-être faudrait-il également poursuivre la clarification de la
situation des DDE, ainsi que le souhaite l'APCG ?
Dans le cadre de missions clarifiées, une meilleure coordination de
l'action des services déconcentrés de l'Etat et de ceux des
collectivités locales devrait enfin être recherchée.
b) Pour une déconcentration effective
Qualifiée par M. Jacques Gérault, chef de
mission au commissariat à la réforme de l'Etat, de
"
corollaire naturel de la décentralisation
", la
déconcentration apparaît également comme une condition
indispensable à un dialogue efficace entre l'Etat et les
collectivités locales.
Une déconcentration effective de l'action de l'Etat, accompagnée
d'une simplification des procédures, doit donc être
réalisée, à travers la mise en oeuvre des objectifs
affichés par le Gouvernement dans le cadre de son projet de
réforme de l'Etat.
M. Jean-Ludovic Silicani, commissaire
à la réforme de
l'Etat, a en effet rappelé devant le groupe de travail que la
" lutte contre la centralisation au sein de l'Etat
"
constituait l'un des cinq "
chantiers
" de la réforme
de l'Etat.
Cette démarche est en cours de concrétisation, à travers
un certain nombre de mesures qui ont été annoncées au
groupe de travail par M. Dominique Perben, ministre de la fonction
publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, au
cours de son audition du 18 décembre 1996.
- Tout d'abord, le décret n° 97-34 du 15 janvier 1997
relatif à la
déconcentration des décisions
administratives individuelles
confère aux services
déconcentrés une exclusivité de la compétence pour
prendre des décisions individuelles à partir du 1er janvier 1998,
sous réserve de certaines exceptions fixées par décret en
Conseil d'Etat.
La compétence du préfet du département sera
désormais la règle de droit commun pour ces décisions
à l'exception de celles qui concernent les agents publics.
Toutefois, certaines décisions resteront prises au niveau national,
notamment celles qui excèdent le champ des compétences des
autorités territoriales, nécessitant, du fait de leur enjeu, une
appréciation nationale ou requérant une compétence
technique particulière.
D'autre part, de nombreuses décisions continueront de relever d'autres
autorités de l'Etat : le préfet de zone, le préfet de
région, les chefs des services déconcentrés de l'Etat, les
magistrats de l'ordre administratif ou judiciaire et les maires.
- Une
déconcentration de la gestion des crédits de l'Etat
est également en cours de mise en place, à partir d'une
expérimentation portant sur certains crédits en matière
d'emploi. Une enveloppe globale d'un milliard de francs de crédits
déconcentrés a d'ores et déjà été
mise à la disposition des préfets. En outre, six régions
test ( Lorraine, Nord-Pas-de-Calais, Auvergne, Limousin, Bretagne,
Poitou-Charentes ) devraient bénéficier d'une
déconcentration totale des crédits d'aide à l'emploi.
Cette expérimentation pourrait donner lieu à l'identification de
chapitres de crédits déconcentrés dans le cadre de la
préparation de la loi de finances pour 1998.
- Enfin, en ce qui concerne les personnels, une
déconcentration de la
gestion des corps
est envisagée et plusieurs projets de
décrets tendent à la création de commissions
administratives paritaires et de comités techniques partiaires locaux.
Cette approche doit s'accompagner d'une
adaptation de l'organisation des
administrations centrales comme des services déconcentrés
à leurs nouvelles missions.
Les effectifs des administrations centrales devront ainsi être
réduits au profit des services extérieurs, un objectif de
réduction de 10 % en trois ans des effectifs des administrations
centrales proprement dites ayant été fixé.
Les services déconcentrés seront pour leur part
réorganisés à partir d'une expérimentation mise en
place en 1997 dans quelques départements ; en vue d'une simplification
souhaitable, elle pourrait se traduire par leur regroupement autour de quelques
pôles : un pôle " santé, population et
solidarité ", un pôle " équipement ", un
pôle " agriculture et forêt " et un pôle
" police économique ".
La déconcentration suppose en outre un
renforcement des pouvoirs de
décision et de coordination du préfet
qui doit être
l'interlocuteur naturel des élus locaux et disposer d'une
autorité accrue sur les services déconcentrés.
En effet, -comme l'ont notamment mis en évidence les réflexions
du groupe de travail de la commission des Lois sur la responsabilité
pénale des élus locaux- ceux-ci souhaitent, dans la mesure du
possible, avoir un interlocuteur unique et ce rôle est tout naturellement
celui du préfet. Or, "
l'unité de commandement au sein
des services de l'Etat
" qu'appelle de ses voeux le rapport
établi par M. Pierre-Rémy Houssin sur la simplification de l'Etat
dans ses relations avec les collectivités locales, implique un
renforcement de l'autorité du préfet sur l'ensemble des services
extérieurs de l'administration de l'Etat.
Selon M. Joël Thoraval, président de l'Association du corps
préfectoral et des hauts fonctionnaires du ministère de
l'Intérieur, l'objectif de déconcentration devrait finalement
conduire à déconnecter les départements
ministériels de leurs représentations territoriales en supprimant
les filiations verticales.
M. Jacques Gérault, chef de mission au commissariat à la
réforme de l'Etat, a pour sa part suggéré que les
administrations centrales se limitent à des directives d'objectifs en
laissant une certaine marge de manoeuvre aux préfets.
3. Pour une adéquation du contrôle de légalité et du contrôle financier
Enfin, les conditions du contrôle de
légalité et du contrôle financier doivent être
améliorées.
Pour remédier à la situation actuelle qui suscite
légitimement une certaine incompréhension de la part des
élus locaux, il convient de
renforcer les moyens du contrôle de
légalité, souvent jugés insuffisants
.
Mme Martine Buron, maire de Chateaubriant, présidente du groupe
" Décentralisation : bilans et perspectives ",
constitué auprès du Commissariat général du Plan
pour la préparation du XIe plan, a par exemple déploré
l'hétérogénéité du contrôle de
légalité soulignée par un récent rapport du Conseil
d'Etat
et regretté l'absence de moyens suffisants pour que ce
contrôle soit exercé correctement.
Dans son rapport public de 1993, le Conseil d'Etat avait en effet
déploré l'insuffisance numérique des personnels
affectés au contrôle de légalité, l'insuffisante
qualification de ceux-ci, la persistance de difficultés dans la
collaboration entre services propres des préfectures et services
extérieurs et le manque d'information sur les textes et la jurisprudence
applicables.
Le Conseil d'Etat avait ainsi préconisé que les services des
préfectures responsables du contrôle de légalité
puissent bénéficier d'un renfort suffisant, y compris en
collaborateurs de catégorie A et que la formation juridique des
fonctionnaires chargés de ce contrôle soit améliorée.
Il avait également suggéré que les services chargés
du contrôle de légalité soient plus fortement
structurés soit sous la forme d'une direction juridique de la
préfecture ayant pour mission le contrôle de
légalité, le contrôle budgétaire, le contentieux et
le conseil, soit sous la forme d'un pôle de compétences à
vocation générale avec des correspondants dans les services
déconcentrés, soit encore sous la forme de " pôles de
compétences " à vocation spécialisée notamment
en matière de marchés publics.
Enfin, il avait souhaité que les services extérieurs puissent
être mieux associés au contrôle de légalité.
Le rapport précité établi par M. Pierre-Rémy
Houssin a également souligné la nécessité de rendre
plus homogène et plus effectif le contrôle de
légalité, constatant que "
le contrôle de
légalité tel qu'il est exerçé aujourd'hui par les
préfectures pêche à la fois par son
irrégularité géographique et chronologique ... et par son
caractère superficiel
" et estimant que "
selon le
caractère des personnels en charge, il oscille entre le rigorisme le
plus excessif et le laxisme le plus blamâble
".
Les services du contrôle de légalité doivent
également être adaptés pour mieux répondre aux
besoins des collectivités
. En effet, les élus ressentent de
plus en plus souvent le besoin de disposer d'une
structure de conseil
adaptée pour les aider à prendre leurs décisions dans le
respect de la légalité.
Cette fonction de conseil pourrait par exemple être assurée par la
mise en place à titre expérimental d'un consultant juridique dans
chaque préfecture, ainsi que l'a suggéré M. Jean-Ludovic
Silicani, commissaire à la réforme de l'Etat.
Après avoir souligné la nécessité de renforcer les
moyens du contrôle de légalité sous l'autorité des
préfets et sous-préfets, M. Joël Thoraval, président
de l'Association du corps préfectoral, a pour sa part proposé que
soient mises en place des missions du contrôle de légalité
qui pourraient disposer des services de conseillers de chambres
régionales des comptes, de tribunaux administratifs, de fonctionnaires
des trésoreries générales et des directions
départementales de l'équipement. Selon lui, ces missions
pourraient être créées au niveau du département
lorsque la population de celui-ci dépasse un million d'habitants, ou
sinon au niveau de la région.
Les moyens du contrôle de légalité doivent cependant
demeurer sous l'autorité des préfets.
A cet égard, le groupe de travail rejette l'idée qui a pu
être émise de créer un " ministère public de la
décentralisation " qui serait confié à un commissaire
spécialisé issu du corps des magistrats des tribunaux
administratifs et qui serait chargé d'exercer le contrôle de
légalité en dehors des préfectures.
Le groupe de travail estime en effet que les collectivités locales font
confiance aux préfets pour exercer le contrôle de
légalité et que cette création serait susceptible de
dénaturer l'esprit de la décentralisation.
En outre, le groupe de travail considére que le
contrôle
financier
doit
s'exercer conformément à l'esprit dans
lequel il a été conçu
. La mission des chambres
régionales des comptes est de juger les comptes des collectivités
locales et de concourir au contrôle budgétaire. Les observations
qu'elles peuvent, par ailleurs, présenter sur la gestion des
collectivités locales ont été conçues pour
permettre à ces juridictions de formuler des suggestions. Elles ne
sauraient dériver vers un véritable contrôle
d'opportunité sans mettre en cause l'esprit même des lois de
décentralisation.
B. L'ADAPTATION DES STRUCTURES TERRITORIALES AUX NOUVEAUX DÉFIS
Le groupe de travail juge par ailleurs nécessaire que
les collectivités locales elles-mêmes s'adaptent aux nouveaux
défis sociaux. A cette fin, il considère comme prioritaire une
réforme du régime de la coopération intercommunale.
Cette adaptation passe également par la recherche de véritables
complémentarités entre les collectivités, afin de
conférer à leur action sa pleine efficacité et
d'éviter que leur coexistence n'aboutisse à une pression fiscale
excessive. Elle implique, enfin, une adéquation des moyens financiers
des collectivités locales et une plus grande attention aux
spécificités de la fonction publique territoriale.
Le groupe de travail rappelle, par ailleurs, la nécessité de
prendre en compte les spécificités des collectivités
d'outre-mer, lesquelles justifieraient une réflexion particulière
débordant le cadre du présent rapport.
M. Georges Othily a ainsi souligné les problèmes affectant la
décentralisation outre-mer et a notamment jugé nécessaire
de réformer les procédures d'attribution de la DGF aux
collectivités locales d'outre-mer.
M. Jean-Paul Delevoye a relevé qu 'en raison de la structure
même des communes, l'approche de l'intercommunalité était
nécessairement très différente dans les
départements d'outre-mer et en métropole. Il a jugé qu'il
serait paradoxal que des départements ayant une forte démographie
soient pénalisés financièrement.
1. Une simplification de la coopération intercommunale
L'adaptation des structures territoriales passe, en premier
lieu, par une simplification de la coopération intercommunale.
Faut-il souligner que cette coopération apparaît de plus en plus
comme indispensable pour permettre à nos communes d'affronter la
situation nouvelle créée à la fois par la diversification
des besoins sociaux et par la sophistication des normes qu'elles soient
nationales ou européennes ?
Le Sénat a manifesté, à de nombreuses reprises, son souci
de favoriser le développement de la coopération intercommunale
qui peut en définitive permettre de mieux assurer l'autonomie locale.
Lors de l'examen de la loi d'orientation du 4 février 1995
pour l'aménagement et le développement du territoire, il a ainsi
mis au premier plan -sur la proposition de son rapporteur M. Jean-Marie
Girault- plusieurs thèmes de réflexion devant guider la
préparation du rapport du Gouvernement au Parlement prévu par
l'article 78 de cette loi : la réduction du nombre de
catégories d'établissements publics de coopération
intercommunale ; la simplification du régime juridique de celle-ci ; une
évolution progressive des structures selon les besoins constatés
pour les élus eux-mêmes.
Le groupe de travail, après avoir entendu M. Dominique Perben, ministre
de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation puis M. Michel Thénault, directeur
général des collectivités locales, a fait de la
coopération intercommunale le thème prioritaire de ses
réflexions.
Il a ainsi dégagé, au cours de plusieurs échanges de vues
pendant l'été puis au début de la présente session,
trois lignes de force pour une réforme du régime de
l'intercommunalité, qu'il a pu faire valoir dans le cadre de la
concertation souhaitée par le Gouvernement :
- une
réduction significative
du nombre de catégories
d'établissements publics de coopération intercommunale ;
- l'
unification
des règles applicables à partir d'un
" tronc commun " ;
- une
évolution
du régime
financier
et
fiscal
qui favorise une véritable intercommunalité de projet en
sanctionnant la coopération purement circonstancielle et qui
réduise les concurrences abusives entre les communes en matière
de taxe professionnelle.
a) Réduire le nombre de catégories
1.- Faire coexister deux logiques de coopération intercommunale
La coopération intercommunale répond à
deux logiques qui peuvent être clairement identifiées : une
logique traditionnelle de gestion de services publics (logique
associative
qui reste très souple) ; une logique plus
récente de
projet
, orientée vers l'aménagement de
l'espace, le développement économique et la répartition
des ressources et des charges entre les communes (logique
fédérative
qui est plus structurée).
Ces deux logiques ne sont pas
cloisonnées.
Les structures
récentes obéissant à une logique de projet -telles que les
communautés de communes- ont, en effet, également
été dotées de compétences classiques de gestion de
services publics à côté de celles intéressant
l'aménagement de l'espace et le développement économique.
Ce qui a pu contribuer à la
confusion
et à la
complexité
du dispositif.
Néanmoins, il paraît difficilement envisageable de fondre purement
et simplement ces deux logiques dans un même ensemble. La gestion de
certains services publics peut, en effet, justifier le regroupement de communes
correspondant à un
périmètre plus large
que celui
considéré comme pertinent pour la mise en oeuvre d'une politique
intercommunale d'aménagement de l'espace. Le traitement des ordures
ménagères, cité par M. Dominique Perben lors de son
audition, illustre cette situation où une structure
"
verticale
" pouvant associer non seulement des
communes mais
aussi d'autres structures intercommunales demeurera nécessaire pour
assurer un service public.
Comme l'a souligné M. Jean-Paul Delevoye, il est donc nécessaire
de faire une distinction entre une coopération intercommunale
conçue pour la gestion de services et une coopération
conçue pour la mise en oeuvre de projets de développement. Pour
la gestion de services, le périmètre de la coopération,
imposé par des impératifs techniques, s'étend souvent
à l'échelle du département. Cette forme de
coopération est financée par l'usager du service pour des
dépenses qui, pour l'essentiel, sont des dépenses de
fonctionnement.
La coopération intercommunale de projet, en revanche, se
développe sur un territoire correspondant à une volonté
politique et permet d'assurer une cohésion de l'espace, notamment pour
ce qui est des relations entre les lieux de travail et de domicile. Cette forme
de coopération est financée par le contribuable et correspond
davantage à des dépenses d'investissement.
La
réduction
du nombre de catégories
d'établissements publics de coopération intercommunale de
même que la
simplification
du régime juridique de ces
établissements publics doivent donc être poursuivis à
partir de ces deux logiques.
Pour autant, la coexistence nécessaire de ces deux logiques ne justifie
pas le foisonnement actuel des structures qui conduisait à juxtaposer en
1995
16 788
syndicats à vocation unique ou multiple,
318
districts,
894
communautés de communes (au 1er janvier 1996),
10
communautés urbaines
21(
*
)
,
9
agglomérations nouvelles et
4
communautés de
villes, auxquels on peut ajouter la formule du syndicat mixte
22(
*
)
.
2.- Fusionner les districts et les communautés de communes
La réduction du nombre des catégories
d'établissements publics de coopération intercommunale doit
permettre de répondre à l'aspiration des citoyens comme à
celle des élus locaux à une plus grande
clarté
de
l'organisation administrative locale.
La fusion des districts et des communautés de communes apparaît
comme la solution la plus facilement accessible pour mettre en oeuvre cet
objectif.
Elle est d'ores et déjà opérée sur le plan
financier pour le calcul de la dotation globale de fonctionnement, depuis la
loi du 31 décembre 1993, à la suite d'une initiative du
Sénat et de son rapporteur M. Paul Girod.
Sur le plan institutionnel, le rapprochement entre ces deux catégories
est en partie réalisée : le fonctionnement de l'organe
délibérant des établissements publics de
coopération intercommunale est aligné sur celui des conseils
municipaux ; les dispositions relatives aux maires et adjoints sont
également applicables aux présidents des structures
intercommunales ; les règles relatives à la suppléance ont
été harmonisées -sur l'initiative du Sénat- lors de
l'adoption du code général des collectivités territoriales
; la même harmonisation a été réalisée pour
ce qui est de la responsabilité des établissements intercommunaux
à l'égard des délégués.
Des différences subsistent néanmoins tant pour les conditions de
création, de dissolution, de modification du statut initial que pour
l'admission et le retrait d'une commune, le nombre et la répartition des
sièges ou encore la définition des compétences qui reste
très limitée dans le cas des districts.
En outre, le mécanisme dit de "
représentation
substitution
" qui permet à une structure plus
intégrée de siéger dans une instance d'une autre structure
intercommunale aux lieu et place des communes adhérentes -prévue
pour les communautés de communes- n'a pas à ce jour
été étendue aux districts. Le Sénat a
souhaité lever cette lacune, en adoptant le 28 janvier dernier, sur
le rapport de M. Jean-Paul Delevoye, la proposition de loi de notre
collègue Alain Joyandet.
Enfin, sur le plan financier, deux différences significatives
méritent d'être relevées : d'une part, alors que toutes les
communautés de communes peuvent opter pour le régime de la taxe
professionnelle unique applicable aux communautés de villes, cette
option n'est ouverte qu'aux seuls districts créés avant le
8 février 1992. D'autre part, les districts ne
bénéficient pas -à la différence des
communautés de communes- d'attributions au titre du fonds de
compensation pour la TVA (FCTVA) l'année même de
réalisation de leurs investissements.
Si ces différences ne doivent pas être sous-estimées, elles
paraissent néanmoins pouvoir être levées sans
difficultés majeures, sous réserve, le cas échéant,
de prévoir des dispositifs transitoires, notamment sur le plan financier.
Elle confirmerait
a posteriori
le bien-fondé de la position du
Sénat qui, jugeant préférable de modifier le régime
des districts plutôt que de créer une nouvelle catégorie de
groupements, s'était opposé à l'institution des
communautés de communes lors de l'examen de la loi d'orientation du
6 février 1992.
3.- Réduire le nombre de catégories dans les agglomérations: pour une fusion des communautés de villes avec les districts et les communautés de communes
Mais le groupe de travail a jugé possible d'approfondir
la démarche en vue d'une réduction du nombre de catégories
d'établissements publics de coopération intercommunale afin
d'aboutir à une véritable
simplification
des structures
locales souhaitée par les citoyens et par les élus locaux.
Le pré-rapport du Gouvernement, se fondant sur les expériences
passées (extension de la formule du district en milieu rural, en 1970,
et de la formule des communautés de communes aux agglomérations
en 1993) considèrait, à juste titre, comme non pertinent un
modèle de coopération qui serait fondé sur une
dichotomie
entre l'
urbain
et le
rural.
Il ne tirait pas
cependant toutes les conséquences de ce constat sur la
coopération dans les
grandes agglomérations
et sur
l'évolution éventuelle des catégories existantes
spécifiquement conçues pour le milieu urbain et qui ont connu un
succès limité.
Le maintien de la catégorie des
communautés de villes
ne
paraît pas, en effet, se justifier. Cette forme de coopération,
mise en place par la loi du 6 février 1992, a connu un
développement très limité puisque seulement
quatre
communautés de villes (
Aubagne
,
La Rochelle
,
Cambrai
,
Flers
) ont été créées.
Dès lors que la taxe professionnelle d'agglomération serait
progressivement généralisée, le maintien de ce type de
structure -dont la taxe professionnelle d'agglomération constitue la
spécificité- ne paraît pas s'imposer.
La fusion des communautés de villes et des communautés urbaines
pourrait néanmoins se heurter à un
double obstacle
souligné par M. Michel Thénault, Directeur général
des collectivités locales, lors de son audition : d'une part, un
obstacle technique résultant des compétences des
communautés urbaines beaucoup plus étendues que celles des
communautés de villes; d'autre part, un obstacle financier tenant
à la différence de coût des communautés urbaines et
des communautés de villes en termes de DGF (466,95 francs par
habitant hors garantie pour les premières, 120,76 francs par habitant
hors garantie pour les secondes, en 1997).
Le groupe de travail a donc privilégié une autre piste de
réflexion consistant à rapprocher les communautés de
villes des communautés de communes. Une telle solution serait en
cohérence avec le postulat du pré-rapport du Gouvernement
écartant la
dichotomie
entre l
'urbain
et le
rural.
Elle confirmerait, en outre une tendance déjà amorcée :
depuis la loi du 29 janvier 1993, des communautés de communes
peuvent être créées dans les agglomérations (de
grandes agglomérations comme Marseille ou Grenoble ont utilisé
cette faculté) ; les communautés de communes peuvent d'ores et
déjà opter pour la taxe professionnelle d'agglomération et
s'aligner ainsi sur le régime fiscal des communautés de villes.
Cette solution retenue devrait être mise en oeuvre
progressivement
, d'une part, afin de la concilier avec les exigences
financières, d'autre part, afin de ne pas mettre en cause le bon
fonctionnement des structures existantes.
La suppression progressive des communautés de villes confirmerait,
là encore, le bien fondé du choix du Sénat qui, jugeant
préférable de modifier le régime des communautés
urbaines, s'était opposé à la création de cette
nouvelle catégorie lors de l'examen de la loi du 6 février
1992.
En outre, comme l'a indiqué devant le groupe de travail
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la
réforme de l'Etat et de la décentralisation, il paraît
difficile de maintenir un dispositif dérogatoire pour les
agglomérations nouvelles.
Le régime de ces
agglomérations pourrait donc évoluer vers une formule du droit
commun.
Une
proposition de loi
déposée au Sénat
(
n° 115
de
M. Nicolas About
) et à
l'Assemblée nationale (
n° 2602
de
M. Paul-Louis
Tenaillon
) a néanmoins tendu à privilégier, pour ces
agglomérations, une intercommunalité
choisie
, notamment en
assurant mieux les prérogatives des communes adhérentes, en
diversifiant les formes de coopération pouvant être mises en
oeuvre après révision du périmètre d'urbanisation
et en facilitant la suppression des structures après l'achèvement
des opérations d'aménagement ou de construction.
L'évolution du régime des agglomérations nouvelles devrait
donc répondre à la
volonté réelle
des
élus d'assurer ensemble un certain nombre de compétences. Un
nouveau dispositif devrait également prendre en compte le poids de la
dette des syndicats d'agglomération nouvelle (1,9 milliard de
francs).
b) Unifier le plus largement les règles applicables en ménageant la souplesse nécessaire à l'évolution progressive des formes d'intercommunalité
1.- L'unification des règles : vers un " tronc commun "
L'extrême complexité du régime actuel de
la coopération intercommunale résulte d'une superposition de
régimes dont les différences n'obéissent pas toujours
à des considérations objectives.
Une
unification
des règles applicables pourrait être
obtenue par le rapprochement de certaines catégories, notamment les
districts et les communautés de communes.
Néanmoins, souhaitant approfondir et, en définitive, rendre plus
ambitieuse la démarche proposée par le pré-rapport du
Gouvernement, le groupe de travail a considéré que l'unification
juridique pourrait être
systématisée
par la
définition d'un corpus de règles qui formeraient le
"
tronc commun
" du régime applicable à tous les
établissements publics de coopération intercommunale. Ce tronc
commun serait complété par des règles spécifiques
à chaque catégorie et par différentes options que les
élus pourraient, le cas échéant, utiliser.
M. Charles Jolibois a souligné tout l'intérêt d'une telle
architecture pour remédier à l'extrême complexité du
régime actuel de la coopération intercommunale.
Cette solution approfondirait la démarche déjà
engagée lors de l'élaboration du
code général
des collectivités territoriales
qui a contribué - sur
le rapport au Sénat de notre collègue Michel Rufin- à une
remise en ordre des textes désormais regroupés dans la
cinquième partie de ce code.
C'est ainsi que le
titre premier
(
Etablissements publics de
coopération intercommunale
) du
livre II
(
La
coopération intercommunale
) de
la cinquième partie
(
La coopération locale
) comprend un
chapitre premier
qui
traite des
dispositions communes
aux différentes
catégories : organisation et fonctionnement
(
section 1
), commission départementale de la
coopération intercommunale (
section 2
), information et
participation des habitants (
section 3
), dispositions
financières (
section 4
).
Elle devrait néanmoins prendre en compte la spécificité du
régime des communautés urbaines qui rend plus difficilement
envisageable une fusion des règles. Sous cette réserve, la fusion
pourrait être totale dans le cadre de deux régimes fiscaux
distincts : un régime de fiscalité additionnelle et un
régime de taxe professionnelle unique.
Dans ces conditions, le nouveau régime de la coopération
intercommunale pourrait être distingué entre une logique syndicale
et une logique de projet elle-même organisée dans le cadre de deux
régimes fiscaux.
2.- Concilier la règle fondamentale du volontariat avec le nécessaire développement de la coopération intercommunale
Le volontariat doit rester la
règle fondamentale
de la coopération intercommunale. Elle est d'ailleurs la condition
même pour que celle-ci puisse continuer à se développer.
M. Paul Girod a ainsi relevé que des formules contraignantes
imposées par l'administration ne sont pas le meilleur moyen d'encourager
la coopération intercommunale.
Le Sénat a démontré son attachement à cette
règle à l'occasion de l'adoption de différents textes
législatifs, notamment la loi d'orientation du
6 février 1992 relative à l'administration territoriale
de la République, la loi du 31 décembre 1993 portant
réforme de la dotation globale de fonctionnement et la loi d'orientation
du 4 février 1995 pour l'aménagement et le
développement du territoire.
L'article L. 5210-1
du code général des
collectivités territoriales, qui est issu de la loi du 6 février
1992, précise explicitement que "
le progrès de la
coopération intercommunale se fonde sur la libre volonté des
communes d'élaborer des projets communs de développement au sein
de périmètres de solidarité
".
Néanmoins, l'application de ce principe doit se concilier avec celle de
la majorité qualifiée -introduite en 1959 pour les districts,
toujours confirmée par la suite, notamment pour la création en
1992 des communautés de communes et de villes- afin d'éviter
qu'une réelle volonté de coopération ne soit
entravée par une ou plusieurs communes, en particulier celles les mieux
dotées en taxe professionnelle.
Affirmant son atttachement au principe du volontariat, M. Robert Pagès,
s'est pour sa part inquiété des conditions d'application des
règles de majorité qualifiée.
3.- Faciliter l'évolution progressive des compétences et des structures selon les besoins constatés par les élus eux-mêmes
L'idée d'une évolution progressive des
compétences selon les besoins constatés par les responsables des
établissements publics de coopération intercommunale a
été expressément mise en avant par la loi d'orientation du
4 février 1995 (
article 78
), sur la proposition du
Sénat et de son rapporteur M. Jean-Marie Girault. Elle doit, en
premier lieu, se concrétiser
à l'intérieur
d'une
même structure avant, le cas échéant, de justifier un
changement
de structure.
· A l'intérieur d'une même structure, une
évolution progressive des compétences serait facilitée par
une
définition des compétences obligatoires
qui ne soit
pas
rigide
. De ce point de vue, s'il peut apparaître logique de
privilégier le régime juridique de la structure la plus
récente, l'alignement des compétences des districts sur celles
des communautés de communes pourrait néanmoins supprimer un
élément de souplesse qui caractérise la formule du
district.
En outre, cette progressivité pourrait être recherchée dans
les procédures de
modification des conditions initiales
de
fonctionnement. La proposition de distinguer les procédures selon
l'importance des modifications envisagées paraît aller dans ce
sens.
· En second lieu, l'évolution progressive de la
coopération intercommunale peut justifier un changement de structure
voulu par les élus eux-mêmes et qu'il convient, en
conséquence, de
faciliter
.
La généralisation de la disposition prévue (
article L.
5215-21
du code général des collectivités
territoriales) pour la transformation d'un district en communauté
urbaine (substitution de plein droit si le périmètre est
élargi à de nouvelles communes sous réserve d'une
augmentation maximale de 10 % de la population DGF) pourrait
répondre à cet objectif en assurant la
continuité
budgétaire et fiscale
entre les établissements.
Néanmoins, cette évolution des structures ne doit pas aboutir
à une
superposition
, réalité mal ressentie par les
élus et par les citoyens. Le pré-rapport du Gouvernement
explorait différentes pistes (création de plein droit d'un
syndicat mixte, procédure de retrait de plein droit) mais soulignait
l'absence de solution aisée pour régler ce problème.
M. André Bohl a notamment relevé l'extrême
complexité des délégations de compétences des
communes à des établissements publics de coopération
intercommunale. Il a donc jugé nécessaire de faciliter le retrait
des communes des structures existantes lors de la mise en place de nouvelles
structures.
L'évolution des formes de coopération intercommunale doit
nécessairement reposer sur
l'initiative des élus
qui ne
doivent pas se sentir, notamment en milieu rural,
"
enfermés
" dans une forme de coopération.
A cet égard, la définition claire par le législateur des
procédures de retrait
des établissements publics de
coopération intercommunale (actuellement prévues pour les
syndicats et les communautés de communes) permettrait de lever certaines
réticences en assurant le libre choix des communes.
Les procédures de retrait devraient néanmoins être
plus
encadrées
pour les groupements très intégrés au
plan des compétences et au plan fiscal. Une procédure de retrait
facilitée devrait, semble-t-il, avoir pour corollaire une certaine
pénalisation financière de la commune qui se retire, de
manière à préserver les intérêts des communes
qui ont choisi de poursuivre leur coopération.
Enfin, la question des compétences pose -comme l'a notamment
souligné M. Lucien Lanier- des problèmes qui dépassent le
cadre de la coopération intercommunale et qui devront être
examinés.
4.- Ne pas bouleverser les règles de désignation des délégués intercommunaux
L'élection au suffrage universel direct des
délégués intercommunaux pourrait résulter de
l'adaptation aux établissements publics de coopération
intercommunale des dispositions de la loi du 31 décembre 1982
relative à l'organisation administrative de Paris, Marseille et Lyon,
désormais codifiées dans le code général des
collectivités territoriales
Le législateur a souhaité que le rapport prévu par
l'article 78
de la loi du 4 février 1995 examine cette
éventualité pour les groupements à fiscalité
propre. Jugeant préférable de faire examiner le contenu et la
portée d'une telle réforme, compte tenu de ses
conséquences possibles sur l'organisation territoriale, le Sénat,
avait, en effet, amendé le projet de loi qui, pour sa part, renvoyait
à une loi ultérieure le soin d'opérer cette adaptation.
L'élection directe des délégués intercommunaux
modifierait profondément la
nature
des établissements
publics de coopération intercommunale et leurs relations avec les
communes, structures de base de la démocratie locale. Les
établissement publics de coopération intercommunale à
fiscalité propre seraient alors dotés de toutes les
caractéristiques d'une collectivité territoriale.
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la
réforme de l'Etat et de la décentralisation, a également
relevé, à juste titre,
lors de son audition, qu'un tel
mode de désignation susciterait des
réticences
et aurait
pour effet de
freiner
le développement de la coopération
intercommunale.
L'élection au second degré peut, en outre -comme l'a
souligné M. Jean-Paul Delevoye- permettre aux établissements
de coopération de prendre plus facilement des décisions
nécessaires mais pas toujours populaires, par exemple pour le traitement
des ordures ménagères. Elle permet de favoriser une dynamique de
territoire fondée sur des projets. Le fait que les
délégués intercommunaux ne soient plus l'émanation
des conseils municipaux pourrait susciter des difficultés
insurmontables, en particulier des
oppositions
entre les communes et les
établissements publics de coopération intercommunale.
Cependant, le groupe de travail a considéré que les
délégués intercommunaux devraient être
désignés au sein des conseils municipaux et que le
développement de certaines pratiques de démocratie locale
dans ces établissements publics, notamment pour assurer la parfaite
information des conseillers municipaux des différentes communes, devrait
être affirmé.
M. Jean-Claude Peyronnet a ainsi souligné que les communes avaient
souvent le sentiment d'être impliquées par des décisions
des établissements publics de coopération intercommunale alors
même qu'elles n'avaient pas été consultées au
préalable.
M. Jean-Jacques Hyest, prenant l'exemple du traitement des ordures
ménagères a fait un constat comparable de même que MM.
Jean-Paul Delevoye et Jean-Marie Girault.
M. Guy Allouche
s'est demandé s'il était normal que des
élus qui ont été cooptés puissent lever
l'impôt. Il a, en outre, craint que la coopération intercommunale
ne produise des effets inverses à l'objet même de la
décentralisation qui doit être de rapprocher les citoyens du
processus de décision.
M. Jacques Mahéas a noté que des solutions étaient tout
à fait envisageables et déjà mises en oeuvre dans certains
cas pour accroître par exemple l'affichage des décisions des
établissements publics de coopération intercommunale.
M. Robert Pagès a, pour sa part, soulevé le problème de la
conciliation des structures intercommunales avec la participation des habitants
à la démocratie locale.
Le groupe de travail suggère que des procédures soient
envisagées afin d'assurer une meilleure information, d'une part, de
l'organe délibérant de l'établissement public, d'autre
part, des conseils municipaux et de la population. Cette information devrait
porter tant sur la
préparation
des décisions que sur leur
contenu,
une fois qu'elles ont été adoptées.
Néanmoins, conformément à la position adoptée par
le Sénat lors de l'examen de la loi du 6 février 1992, ce
souci de transparence ne devrait pas aboutir à une
codification
excessive des procédures
. Suivant les précisions
apportées par M. Dominique Perben, des mécanismes assurant
une plus grande transparence des établissements publics de
coopération intercommunale peuvent être directement prévus
par le règlement intérieur, lequel est négocié
entre les élus eux-mêmes.
c) Faire évoluer le régime financier et fiscal afin d'encourager une intercommunalité de projet et de réduire les concurrences abusives entre communes
1.- Encourager une véritable intercommunalité de projet
Cet objectif essentiel a été l'un des motifs de
la réforme de la dotation globale de fonctionnement opérée
par la loi du 31 décembre 1993.
Le coefficient d'intégration fiscale apparaît comme un indicateur
globalement
pertinent
, ce qui confirme le
bien fondé
de la
réforme. Néanmoins, le degré d'intégration fiscale,
tel qu'il est mesuré par ce coefficient, ne correspond pas toujours
à l'exercice de compétences ni à des transferts de charges
effectifs entre les communes et les groupements.
Afin de
corriger
le coefficient d'intégration fiscale, en
soustrayant certaines dépenses du produit fiscal du groupement, le
pré-rapport du Gouvernement relevait
deux critères
:
l'absence manifeste de lien avec les compétences du groupement, la
facilité d'identification comptable des dépenses en cause.
L'application de ces deux critères le conduisait à écarter
les
contingents d'aide sociale et d'incendie
.
Lors de son audition par le groupe de travail, M. Dominique Perben, ministre de
la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation, avait néanmoins considéré que le
cas des services d'incendie et de secours devrait faire l'objet d'un examen
particulier dans la mesure où certains établissements publics de
coopération intercommunale exerçaient cette compétence
avant la départementalisation.
En outre, l'Etat lui-même a encouragé la création de
communautés de communes et de districts en se fondant sur l'argument des
effets positifs de cette création en termes de DGF et qu'une diminution
de celle-ci obligerait les groupements concernés à
accroître leur fiscalité. M. Michel Thénault, directeur
général des collectivités locales,
avait convenu
lors de son audition que la correction du coefficient d'intégration
fiscale exigerait, en conséquence, un mécanisme de
" lissage " pour les structures existantes.
Enfin, et surtout, le groupe de travail avait souhaité que soit
vérifié si l'application des critères susmentionnés
ne devrait pas conduire à écarter d'
autres transferts.
Il ne peut, en conséquence, que se féliciter de constater que
cette observation a été prise en compte par le Gouvernement qui a
réalisé à cet effet des simulations qui ont conduit
à modifier la méthode initialement envisagée.
Lors d'une nouvelle audition, M. Dominique Perben, ministre de la fonction
publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation
,
a en effet exposé que les contingents d'aide sociale ne
représentaient que 0,8 % de la masse globale et que la question de
l'exclusion des contingents d'incendie ne se poserait plus après la mise
en application de la loi relative aux services d'incendie et de secours.
Il a, en conséquence, avancé l'idée que les transferts
financiers ne soient déduits du calcul du coefficient
d'intégration fiscale d'un groupement que pour la fraction
supérieure au niveau de 35 % des recettes intercommunales, qui
correspondait au niveau moyen constaté et considéré comme
acceptable. Une telle solution lui était apparue plus équitable
pour inciter les établissements publics de coopération
intercommunale à exercer réellement leurs compétences en
commun.
Mais M. Paul Girod a relevé que, lorsque le groupement confie l'une de
ses compétences, par exemple le traitement des ordures
ménagères, à une autre structure intercommunale, la
contribution qu'il verse à cette structure serait
considérée comme un transfert ne pouvant être pris en
compte dans le coefficient d'intégration fiscale. Il a donc craint que
l'établissement d'une " franchise " de 35% n'encourage en
pratique la délégation de compétences à des
entreprises privées.
De même, M. Jean-Patrick Courtois a craint une conception extensive de la
notion de dépense de transfert qui pourrait, par exemple, inclure les
dépenses relatives aux constructions scolaires.
M. Jean-Jacques Hyest, tout en soulignant les " effets
d'aubaine "
qui affectent la DGF des groupements de communes, a néanmoins
jugé nécessaire de rechercher une correction
équilibrée du coefficient d'intégration fiscale.
Le groupe de travail a donc considéré qu'il serait pas
préférable de raisonner à partir des sommes effectivement
consacrées par les structures intercommunales à l'exercice de
leurs compétences. Il souhaite que la réflexion sur ce point soit
approfondie.
Enfin, l'idée d'encourager l'évolution des formes
d'intercommunalité à travers la DGF doit désormais
être accueillie avec
prudence
. Elle pourrait, en effet, soulever
un
problème d'équilibre
entre les différentes
composantes de la dotation d'aménagement, la part versée aux
structures intercommunales diminuant d'autant celles revenant respectivement
à la dotation de solidarité rurale et à la dotation de
solidarité urbaine. D'ores et déjà, la DGF des groupements
représente
plus de la moitié
de la dotation
d'aménagement (soit 4,6 milliards de francs en 1996)
23(
*
)
.
Des mesures d'incitation ne peuvent donc avoir un caractère
pérenne. Elles ne peuvent se concevoir que dans une
phase transitoire
où l'intercommunalité n'a pas encore atteint une pleine
maturité.
Néanmoins, il existe désormais
1 445
établissements
publics de coopération intercommunale à fiscalité propre,
donc éligibles à la DGF, qui regroupent
16 200
communes,
soit une population totale de
31,1
millions d'habitants. A
échéance de cinq ans, 80 % de la population pourraient
être couverts par de telles structures
24(
*
)
. Il
pourrait alors être envisagé de
créer trois dotations l'une attribuée aux communes, l'autre aux
départements et la dernière aux établissements publics de
coopération intercommunale.
Enfin, M. Jean-Paul Delevoye a souligné que
si
l'intercommunalité permet de créer des services
supplémentaires, elle ne peut échapper à la
réflexion sur les moyens de susciter des richesses locales
supérieures aux dépenses, ce qui implique notamment une
rationalisation des dépenses d'investissement et de fonctionnement.
2.- Réduire les concurrences abusives entre communes par l'unification ou le rapprochement des taux de la taxe professionnelle
L'idée, évoquée par un récent
rapport de la Direction de la Prévision, de
spécialiser
les taxes par niveau de collectivité pourrait exposer à de
grands risques financiers
des collectivités qui ne disposeraient
que d'une seule ressource fiscale. Elle doit donc être
écartée.
En revanche, l'unification ou le rapprochement des taux de la taxe
professionnelle permettrait de
réduire les concurrences abusives
entre communes pour attirer des entreprises sur leur territoire. Un dispositif
en ce sens devrait nécessairement être
étalé
dans le temps, être concilié avec l'impératif d'une
stabilité
des ressources locales et correspondre à une
volonté effective des élus de
partager
l'exercice de
compétences.
A cet égard, si la
taxe professionnelle d'agglomération
apparaît comme un instrument efficace de
solidarité locale
en permettant le partage d'une ressource essentielle, son rôle comme
outil d'intégration
destiné à financer des
compétences autour d'un projet commun mérite d'être
examiné.
M. Michel Thénault, directeur général des
collectivités locales,
a ainsi fait observer devant le groupe de
travail que certaines structures intercommunales dotées d'une taxe
professionnelle d'agglomération reversant 90 % du produit de cette
taxe aux communes, le développement de l'intercommunalité
à partir de la taxe professionnelle d'agglomération pourrait dans
certains cas correspondre davantage à une intercommunalité
fondée sur la solidarité financière, ce qui n'était
pas l'objectif poursuivi.
Le pré-rapport du Gouvernement relevait par ailleurs le problème
des groupements dont la fiscalité additionnelle (taxes sur les
ménages) est trop importante pour qu'ils puissent retrouver leur
équilibre financier par la seule taxe professionnelle.
Le maintien d'une fiscalité additionnelle pendant une période
transitoire pourrait permettre de lever cette difficulté.
Néanmoins, le développement de l'intercommunalité devant
se concilier avec l'objectif de
contenir la pression fiscale
, la
coexistence d'une fiscalité additionnelle et d'une taxe professionnelle
d'agglomération devrait nécessairement être limitée
dans le temps.
Rappelons, en effet, que sur un produit global de fiscalité locale d'un
montant de 280 milliards de francs, 22 milliards de francs reviennent
aux établissements publics de coopération intercommunale qui
disposent d'un budget global de 70 milliards de francs.
En outre, le groupe de travail estime que la taxe professionnelle
d'agglomération ne devrait être mise en place que si son produit
est
sûr
et repose sur des bases fiscales
évolutives.
Dans le cas contraire, il serait préférable de maintenir une
fiscalité additionnelle.
Si la taxe professionnelle doit, pour l'essentiel, être
concentrée
au niveau du groupement de communes, une part de son
produit doit également revenir aux communes adhérentes qui
restent confrontées à des charges en dépit des transferts
de compétences à l'établissement public de
coopération. Les reversements du groupement par le biais de
l'attribution de compensation et de la dotation de solidarité doivent
permettre de réaliser un équilibre satisfaisant.
La généralisation de la taxe professionnelle unique devrait
également s'accompagner de la
remise en cause de la règle de
liaison entre les taux.
Enfin, la fixation d'un
seuil
permettrait de réserver, dans un
premier temps, cette mesure aux grandes agglomérations. Le
seuil
(
30 000 habitants
) proposé par le pré-rapport du
Gouvernement pour la généralisation de la taxe professionnelle
unique devra être examiné: choix d'un seuil unique, examen d'un
seuil alternatif de
20 000 habitants
qui est applicable pour la
création des communautés urbaines et des communautés de
villes (elles mêmes dotées obligatoirement d'une taxe
professionnelle unique).
M. Jean-Marie Girault
a estimé que la taxe professionnelle
d'agglomération serait nécessaire pour rationaliser les choix des
structures de coopération intercommunale et pour faire participer
l'ensemble de l'agglomération aux coûts de centralité.
M. Paul Girod
a jugé nécessaire de faciliter la
mobilisation des ressources économiques et de rationaliser la
répartition de la taxe professionnelle en prenant en compte la situation
des communes qui disposent de la ressource fiscale mais qui ne subissent pas
les charges relatives aux habitants de l'agglomération. Il a, en outre,
suggéré la définition d'un seuil afin de réserver
dans un premier temps le régime de la taxe professionnelle unique aux
grandes agglomérations.
M. Robert Pagès
a fait observer que le développement de la
coopération intercommunale suscitait des dépenses nouvelles que
le contribuable local ne pourrait indéfiniment financer. Il a donc
plaidé pour la recherche de nouveaux financements à partir de la
DGF ou d'autres ressources. Il a par ailleurs fait valoir que certaines
collectivités qui étaient effectivement dotées d'un fort
produit de taxe professionnele assumaient parallèlement des charges
très lourdes.
M. Lucien Lanier
s'est déclaré favorable à une
péréquation des richesses entre les communes et souhaité
que la réflexion soit approfondie sur les moyens de réduire les
concurrences abusives.
M. Jean-Pierre Schosteck
a fait observer que certaines communes qui ne
disposaient pas de la taxe professionnelle n'avaient pas pris les mesures
nécessaires afin d'aménager des zones d'activité pour
l'implantation d'entreprises. Il a, en outre, jugé nécessaire de
remettre en cause la règle de liaison entre les taux qui constitue une
contrainte trop lourde pour les collectivités locales.
M. Guy Allouche
a fait valoir qu'une péréquation de la
taxe professionnelle était indispensable pour permettre à
certaines communes de faire face à leurs charges de centralité.
M. Alex Türk
a relevé que dans le cas de grandes villes qui
se jouxtaient, la question de la centralité se posait dans des termes
très différents et que le droit en vigueur n'apportait pas de
solution satisfaisante.
M. Jean-Paul Delevoye a estimé que la coopération intercommunale,
s'inscrivant dans une logique d'évolution des territoires, pouvait
permettre de corriger l'" effet de ciseaux " subi par les
communes en
raison d'une contraction des dotations de l'Etat parallèle à une
forte augmentation des dépenses des personnels et d'action sociale.
Il a considéré que le partage de la taxe professionnelle devait
être envisagé dans le cadre d'une réflexion plus globale
sur la péréquation des richesses et sur les relations entre
l'Etat et les collectivités locales.
2. La recherche de véritables complémentarités entre les collectivités locales
a) Eviter les " faux débats "
Conscient de la nécessité de rechercher des complémentarités entre les collectivités locales, le groupe de travail a jugé nécessaire d'écarter au préalable les " faux débats " qui, se fondant sur un supposé modèle européen d'organisation territoriale, aurait pour objet de réduire la singularité française.
1.- Le nombre de communes
Ainsi en est-il tout d'abord du
nombre de communes
,
trop souvent perçu comme un handicap. Or, si l'existence de
36 000
communes constitue une véritable
originalité de notre organisation institutionnelle, elle n'est pas
nécessairement une faiblesse au regard des expériences
menées dans les autres Etats européens.
Lors de son audition par le groupe de travail, M. Gérard Marcou,
professeur agrégé de droit public à l'Université de
Lille I,
a souligné que les Etats de l'Union européenne
qui avaient mis en oeuvre une réforme territoriale cherchaient
désormais à rapprocher l'administration des citoyens soit par des
formules de démocratie directe (Allemagne), soit par la participation
des citoyens à la gestion des services (Suède et Danemark) ou
encore par la création de comités de quartiers (les nouvelles
paroisses en Angleterre).
Dès lors qu'elle se concilie avec le développement d'une
intercommunalité de projet orientée vers le développement
des territoires, la diversité communale caractérisée par
l'existence de
36 000
communes permet d'assurer cette relation
nécessaire de proximité et d'assurer un bon maillage du
territoire. Elle permet de prendre en compte l'
espace
dans
l'organisation institutionnelle.
2.- Le nombre de niveaux d'administration locale
Le
nombre de niveaux
d'administration locale que
compte
la France n'est pas, pour sa part, un signe distinctif de son organisation
territoriale par rapport à celle de ses voisins européens.
M. Gérard Marcou
a ainsi indiqué qu'en
général, les Etats de l'Union européenne comptaient
trois
niveaux d'administration locale.
Relevant que la région était souvent présentée
comme correspondant à une nouvelle " norme " à
l'échelle européenne, M. Gérard Marcou a fait valoir qu'il
n'existait pas de conception unique de la région mais plus simplement
une tendance à la régionalisation, les évolutions
fonctionnelles éventuelles du niveau intermédiaire ne devant pas
nécessairement s'opérer dans un cadre géographique ou
institutionnel prédéterminé.
M. Gérard Marcou a également fait observer que si le
modèle français de décentralisation régionale dans
un Etat unitaire était actuellement un peu isolé, les
réformes envisagées au Portugal, dans la République
Tchèque, en Slovaquie ou encore en Pologne se rapprochaient de ce
modèle. Il a, par ailleurs, indiqué que dans les Etats où
la régionalisation avait eu une finalité politique, l'autonomie
communale n'avait pas pas nécessairement été
favorisée.
3.- La " clause générale " de compétences
La "
clause générale
" de
compétences -réaffirmée par les lois de
décentralisation- n'apparaît pas plus comme une véritable
originalité de la France en Europe.
M. Gérard Marcou a ainsi souligné que tous les Etats
européens, à l'exception du Royaume-Uni, avaient adopté
une " clause générale " de compétences qui
reconnaissait aux collectivités locales une liberté
d'intervention sur leur territoire. Il a précisé que cette
liberté avait été consacrée par la Charte de
l'autonomie communale adoptée par le Conseil de l'Europe en 1985.
4.- La répartition des compétences
Enfin, les difficultés nées de la
répartition des compétences
entre les différents
niveaux d'administration locale sont communes aux différents Etats
européens.
M. Gérard Marcou
a souligné qu'aucun de ces Etats n'avait
procédé à une répartition méthodique des
compétences et relevé que les problèmes de
" chevauchement " rencontrés en France s'observaient de la
même manière dans les autres Etats, justifiant en
conséquence la mise en oeuvre de procédures destinées
à organiser les relations entre les différents échelons.
Le groupe de travail relève le
pragmatisme
qui caractérise
l'organisation territoriale des Etats européens ainsi que l'absence de
région européenne type sur laquelle devrait nécessairement
s'aligner les régions françaises.
Ce
pragmatisme
paraît devoir guider les réflexions sur les
moyens d'assurer une plus grande complémentarité entre les
différents niveaux d'administration locale. Les financements
croisés, souvent dénoncés, sont notamment souvent la seule
réponse aux problèmes concrets de gestion publique.
Le groupe de travail considère -ainsi que l'a fait valoir M. Pierre
Rémy Houssin au nom de l'Assemblée des présidents de
conseils généraux (APCG)- que l'idée de
blocs de
compétences
ne paraît devoir être remise en cause
même si des ajustements sont toujours possibles et, dans certains cas,
souhaitables.
Comme l'a suggéré M. Pierre Rémy Houssin, ces ajustements
pourraient résulter d'une expertise technique réalisée par
groupes de compétences.
Le problème essentiel auquel sont confrontées les
collectivités locales, en particulier les communes, est moins d'ailleurs
le problème du transfert de compétences au sens juridique du
terme que celui de la diffusion de plus en plus lourde des
responsabilités sans interrogation préalable sur les moyens de
les exercer et sur le coût qu'elles peuvent engendrer. L'idée de
blocs de responsabilité
, ainsi que l'a suggéré M.
Pierre-Rémy Houssin au nom de l'APCG, paraît ainsi mieux rendre
compte de la réalité vécue par les élus locaux.
Elle répond d'ailleurs à la notion de
vocation naturelle
que les blocs de compétences ont cherché à encourager.
M. René Garrec, au nom de l'Association des présidents de
conseils régionaux, a également privilégié une
approche pragmatique en présentant au groupe de travail des propositions
concernant les compétences régionales par grand domaine
d'intervention.
Lors de son audition, M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de
la réforme de l'Etat et de la décentralisation, a de même
considéré que plutôt qu'un grand débat qui
conduirait à des blocages, il serait plus opportun de mettre de l'ordre
dans l'exercice des compétences à partir d'une approche
thématique.
Ainsi que le groupe de travail l'a relevé dès l'origine de ses
réflexions, le ministre a jugé que le domaine de l'action
économique devait constituer une priorité dans la recherche d'une
clarification.
Jugeant nécessaire d'éviter ces " faux débats ",
le groupe de travail ne s'en est pas moins interrogé sur les
perspectives de notre organisation territoriale à l'aube du prochain
siècle.
b) Les conséquences du développement de l'intercommunalité de projet
L'intercommunalité à fiscalité propre
représente désormais
1445
établissements publics de
coopération regroupant une population totale de
31,1
millions
d'habitants.
Ce mouvement qui est appelé à se poursuivre peut avoir des
conséquences sur les communes qui doivent demeurer les cellules de base
de notre démocratie.
Ce constat conduit le groupe de travail à souligner que la
coopération intercommunale doit constituer un moyen de préserver
l'identité communale en développant les solidarités
nécessaires entre communes et non pas viser des redécoupages
administratifs dont l'expérience a mis en évidence les
échecs successifs.
De même, comme votre rapporteur l'a déjà relevé, si
l'utilisation de la DGF pour encourager l'intercommunalité de projet
demeure nécessaire, l'arrivée de celle-ci à
maturité justifiera une réflexion destinée à
distinguer clairement la dotation versée aux communes de celle
versée aux groupements.
Le développement de l'intercommunalité de projet peut aussi avoir
des effets à terme sur la répartition des rôles entre les
structures
intercommunales
et les
départements.
M. Guy Allouche
,
après avoir relevé que la question du
rôle du département se posait en raison du développement de
l'intercommunalité, s'est interrogé sur l'avenir de cette
collectivité territoriale.
Lors de son audition par le groupe de travail, Mme Martine Buron, maire de
Châteaubriant, président du groupe
" Décentralisation : bilans et perspectives ",
constitué auprès du commissariat général du Plan
par la préparation du XIè plan, a rappelé que les
solidarités entre les zones urbaines et les zones rurales avaient
été assurées depuis deux cents ans par le
département. Elle a néanmoins fait observer que, dans les
départements où existaient des clivages importants entre ces
zones, les conflits étaient souvent vifs au sein du conseil
général qui se comportait surtout en contrepoids de
l'agglomération.
Soulignant que le développement de l'intercommunalité impliquait
une réflexion sur les modalités selon lesquelles cette
solidarité devrait être mise en oeuvre, Mme Martine Buron
a
cependant fait valoir que les structures intercommunales n'étaient pas
encore suffisamment affirmées pour se substituer aux
départements.
Si des ajustements sont toujours envisageables, le groupe de travail
considère néanmoins que le département, comme il l'a
toujours être jusqu'à présent, demeure le bon niveau pour
assurer les nécessaires solidarités sociales et
territoriales.
Le groupe de travail a par ailleurs examiné la suggestion qui lui a
été présentée par M. Jean-Pierre Sueur,
vice-président de l'Association des maires de grandes villes de France
(AMGVF) tendant à l'élection au suffrage universel de conseils
d'agglomération (soit dans le cadre d'un niveau supplémentaire
d'élections, soit dans le cadre d'un système s'inspirant de la
loi dite " PLM ") afin de donner une plus grande
légitimité aux entités intercommunales en milieu urbain.
M. Jean-Pierre Sueur a en effet estimé que l'objectif du XXIè
siècle serait d'organiser de manière plus structurée les
grandes agglomérations. Il a ainsi constaté qu'il existait en
France seulement trois villes de plus d'un million d'habitants, chiffre qui lui
est apparu faible au regard de la situation des autres pays européens.
Constatant l'indifférence des électeurs vis-à-vis des
élections cantonales en milieu urbain, il s'est demandé si des
représentants des zones urbaines au conseil général ne
pourraient pas être désignés par une élection au
niveau de l'agglomération et si, à titre expérimental,
l'agglomération ne pouvait pas exercer certaines compétences du
conseil général.
Pour des raisons déjà évoquées par votre
rapporteur, le groupe de travail a écarté l'idée d'une
élection au suffrage universel direct des délégués
intercommunaux. De même, l'institutionnalisation de
l'agglomération pourrait avoir pour effet de mettre en cause les
nécessaires solidarités entre les zones urbaines et les zones
rurales, qu'il appartient au département de promouvoir.
M. Jean-Paul Delevoye a ainsi relevé que
le véritable
débat portait sur la capacité des structures à s'adapter
aux évolutions en cours.
M. Jean-Claude Peyronnet,
critiquant la suggestion d'ériger
l'agglomération en collectivité territoriale, a
considéré qu'une telle solution aurait pour effet de rompre les
solidarités territoriales. Il a constaté la
nécessité de l'existence d'un niveau départemental afin de
préserver une certaine cohérence dans l'aménagement du
territoire, sous réserve cependant que les départements prennent
en compte la réalité urbaine.
M. Jean-Pierre Schosteck
a fait valoir que l'institutionnalisation des
agglomérations aurait pour effet d'éloigner le citoyen du
processus de décision.
M. Patrice Gélard a mis en cause la tentation de supprimer les niveaux
intermédiaires et d'ériger les villes en
" principautés" ce qui constituerait à ses yeux un retour
à la situation qui prévalait au Moyen-Age.
Enfin, si la notion de
pays
ne se confond pas avec
l'intercommunalité, le groupe de travail s'est néanmoins
interrogé sur les effets éventuels de l'émergence des pays
-encouragée par la loi d'orientation du 4 février 1995-
sur l'organisation territoriale.
Les auditions auxquelles il a procédé ont mis en évidence
l'intérêt que ce concept pouvait présenter pour la
conception et la mise en oeuvre de projets locaux de développement.
Néanmoins, le pays constitue un espace de réflexion pour la
définition de projets de développement et a ainsi une nature
très différente de celle d'un établissement public de
coopération intercommunale.
Comme l'a fait fort justement observer M. Paul Masson, si la notion de pays est
conçue à partir de projets et d'objectifs qui ont pour
finalité de mobiliser des moyens supplémentaires, elle peut
être parfaitement complémentaire avec le rôle des
départements et des régions.
Mme Martine Buron a approuvé cette idée selon laquelle les pays
devaient être conçus pour la réalisation de projets. Elle a
considéré que les pays devraient pouvoir passer librement des
conventions avec des structures intercommunales.
Conformément à la volonté clairement exprimée par
le législateur, la finalité des pays ne doit pas être de
créer un nouveau niveau institutionnel qui ne ferait qu'ajouter à
la complexité actuelle mais de favoriser une synergie des initiatives
locales dans un espace géographique cohérent.
Passée la phase de lancement des pays, les commissions
départementales de la coopération intercommunale - auxquelles la
loi d'orientation du 4 février 1995 ont confié la mission de
constater l'existence des pays et de formuler des propositions pour leur
délimitation- pourront jouer un rôle utile afin de favoriser une
cohérence des différents pays.
c) Le département face au poids des dépenses de gestion
Le département est pour sa part confrontée au
poids croissant des dépenses de gestion.
L'évolution rapide des dépenses d'aide sociale, qui
représentent désormais 60 % du budget de fonctionnement des
départements, peut nuire à leur capacité d'investissement
et à la mise en oeuvre de leurs autres compétences pour organiser
et valoriser leur territoire.
Répondant à une interrogation de votre rapporteur, M. Jean Puech,
président de l'Assemblée des présidents de conseils
généraux (APCG) a partagé la préoccupation selon
laquelle le poids croissant de l'aide sociale frappait davantage les
départements que les autres collectivités, au détriment
des dépenses d'investissement et au risque de modifier le centre de
gravité de leurs compétences. Il a constaté qu'il
existait, en effet, un risque de déséquilibre accentué par
une situation économique difficile.
M. Jean-Louis Sanchez, délégué général de
l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée, a
confirmé le constat d'un contexte financier dégradé de
l'action sociale, pour laquelle les départements ont affecté
73 milliards de francs en 1995.
Tout en estimant que le poids de l'action sociale restait limité dans
l'ensemble des dépenses de protection sociale (223 milliards de
francs sur un total de 2 200,2 milliards de francs), il a relevé
que chaque année, l'action sociale exigeait des financements
supplémentaires importants qu'il a évalués à
hauteur de 3 % au-dessus du coût de la vie.
M. Jean-Louis Sanchez a en outre souligné le poids croissant des
dépenses liées à l'insertion et l'augmentation du
coût du service.
En raison de ce constat inquiétant, le groupe de travail juge
nécessaire une meilleure définition des réponses sociales
qui a, comme l'a suggéré M. Jean-Louis Sanchez
,
pourrait
reposer sur trois principes.
En premier lieu, la prévention devrait devenir une priorité
concrète en mobilisant toutes les politiques publiques au service de la
cohésion sociale. Cette priorité répondrait à une
demande de plus en plus forte pour une évolution d'une action sociale
très spécialisée vers une action sociale plus
" sociétale ".
En deuxième lieu, la restructuration de l'offre de services -que
concrétise déjà la prise en oeuvre des auxiliaires de vie
pour ce qui concerne la prise en charge de la dépendance- ne pourrait
avoir pour objet de mieux répondre aux attentes des
bénéficiaires de l'action sociale dont les demandes se sont
beaucoup diversifiées.
Enfin, la prise en compte de l'environnement des personnes en difficulté
et sa mobilisation au profit de ces dernières devraient être
encouragées.
Le législateur s'est d'ores et déjà engagé dans
cette voie en adoptant la proposition de loi d'origine sénatoriale (loi
n° 97-60 du 24 janvier 1997) instituant une prestation spécifique
dépendance qui prévoit un suivi de la personne dépendante
et tient compte de son environnement.
Les départements ont, pour leur part, également commencé
à engager une nouvelle approche de l'action sociale. La majorité
d'entre eux essaient ainsi d'organiser leurs services sociaux dans une
dynamique de mission à partir de trois grands pôles
consacrés, d'une part, à l'enfance, d'autre part, au handicap et
aux personnes âgées et, enfin, à l'insertion.
Les départements recherchent une globalisation de l'action sociale, par
la mise en place d'équipes pluri-disciplinaires, par une approche plus
socio-économique et par un affranchissement de l'action sociale des
missions de gestion.
Le groupe de travail souhaite que cette évolution soit approfondie
afin de réinsérer l'action sociale dans une dynamique des
politiques publiques et ainsi d'éviter les pièges d'une logique
purement gestionnaire.
Encore faudra-t-il que les efforts des élus départementaux ne
soient pas découragés par un contexte budgétaire par trop
dégradé et par des sanctions juridictionnelles fondées
plus sur des préoccupations immédiatement gestionnaires que de
résultats.
Les départements seront également probablement appelés
à favoriser les complémentarités entre leur propre action
et celle des villes qui assument 15 % des dépenses
départementales.
Une forme d'harmonisation pourrait consister -comme l'a suggéré
M. Jean-Louis Sanchez- dans l'établissement d'un " diagnostic
partagé " qui pourrait constituer un premier pas dans le sens du
développement d'un partenariat.
La loi du 24 janvier 1997 instituant une prestation spécifique
dépendance suit cette orientation.
Il sera enfin de plus en plus difficilement acceptable pour les
départements d'appliquer des décisions qui, pour l'essentiel,
sont étroitement prédéterminées par des
critères fixés par l'Etat.
Si les départements sont prêts à jouer tout leur rôle
dans la prise en compte des défis de notre société, ils
peuvent légitimement demander que leur pleine responsabilité soit
reconnue dans la définition de réponses adaptées pour ce
qui est des compétences qui leur ont été confiées
par le législateur.
L'avenir de l'action sociale départementale passe donc par une plus
grande affirmation du pouvoir de décision des départements. Une
plus grande clarification des rôles de chacun des intervenants serait
probablement au préalable utile.
Devant le groupe de travail, M. Pierre-Rémy Houssin, au nom de
l'Association des présidents de conseils généraux s'est
ainsi déclaré favorable à une clarification des
compétences concernant les personnes âgées, les
handicapés et la protection de l'enfance, à partir de la
définition d'un " chef de file ". Il a également
indiqué qu'une distinction devrait être effectuée entre
l'action sanitaire et la prévention relevant de la compétence de
l'Etat, et que le dispositif du RMI devrait être revu.
d) La région : quelles missions spécifiques ?
Pour ce qui est de la région, collectivité
territoriale plus jeune, il s'agit de s'interroger sur sa mission
spécifique dans l'organisation territoriale.
Comme l'avaient déjà mis en évidence les réflexions
du groupe de travail de la commission des Lois sur le mode de scrutin
régional -présidé par M. Lucien Lanier et dont le
rapporteur était M. Paul Girod- la vocation de la région est de
s'orienter vers un rôle d'
impulsion
et de
coordination
en matière d'aménagement du territoire et de
développement économique.
Cette vocation régionale ressort bien des textes généraux
applicables aux régions.
La loi du 5 juillet 1972 qui, leur reconnaissant la
personnalité morale les a érigées en établissements
publics leur a ainsi confié des compétences étroitement
spécialisées dans le domaine économique et social.
Si les lois de décentralisation ont fait des régions des
collectivités territoriales et leur ont étendu la " clause
générale " de compétences -désormais
codifiée à l'
article L. 4111-1
du code
général des collectivités territoriales- elles ont
néanmoins confirmé la vocation particulière des
régions.
Ainsi, l'
article L. 4211-1
du code général des
collectivités territoriales -qui codifie l'article 4-1 de la loi du
5 juillet 1972- précise-t-il que "
la région a
pour mission, dans le respect des attributions des départements et des
communes et, le cas échéant, en collaboration avec ces
collectivités et avec l'Etat, de contribuer au développement
économique, social et culturel de la région (...)
".
Plusieurs textes particuliers qui ont suivi la loi du 2 mars 1982
affirment cette mission spécifique, notamment la loi du
29 juillet 1982 portant réforme de la planification ou encore
la loi du 30 décembre 1982 d'orientation des transports
intérieurs.
La structure des budgets régionaux et leur poids dans l'ensemble des
budgets locaux justifie, par ailleurs, que les actions régionales soient
bien ciblées en fonction de la mission spécifique des
régions telles qu'elle a été définie par le
législateur.
En 1993, les régions n'assumaient ainsi que 9 % des dépenses
des collectivités locales (contre 30% pour les départements et
61 % pour les communes). En outre, sur un budget total de
62,9 milliards de francs, les dépenses réelles de
fonctionnement s'élevaient à 22 milliards de francs contre
40,5 milliards de francs pour les dépenses réelles
d'investissement.
Comme l'a relevé M. René Garrec au nom de l'Association des
présidents de conseils régionaux, la région a pour
vocation de réaliser des investissements et non pas de prendre en charge
des dépenses de gestion au risque de perdre sa vocation
spécifique dans l'organisation territoriale.
La mission sénatoriale sur l'aménagement du territoire,
présidée par M. Jean François-Poncet, avait entendu
privilégier ce rôle d'impulsion des régions pour
l'aménagement du territoire et la réalisation des
équipements structurants.
A la suite de ces travaux, la loi d'orientation du
4 février 1995 a réaffirmé cette mission en
prévoyant l'élaboration d'un schéma régional
d'aménagement et de développement du territoire et la
création, dans chaque région, d'une conférence
régionale, lieu de concertation entre les différents partenaires.
Cette mission doit néanmoins s'exercer en concertation avec les autres
collectivités locales comme le spécifient expressément
l'
article L. 4111-1
du code général des
collectivités territoriales et l'article 34 de la loi du
7 janvier 1983 -dans sa rédaction issue de la loi
d'orientation du 4 février 1995- pour ce qui est de
l'élaboration d'un schéma régional d'aménagement et
de développement du territoire.
M. Jean-Paul Delevoye a ainsi fait observer que lorsque la notion de pays
était mise en oeuvre à partir de contrats régionaux de
développement, il existait un risque réel de contradiction entre
les initiatives départementales et régionales.
M. Paul Girod s'est pour sa part inquiété des relations entre les
régions et les établissements publics intercommunaux sans que les
départements y soient associés.
En réponse, M. René Garrec, après avoir
écarté toute idée de tutelle de la région, a fait
observer qu'il n'était pas souhaitable qu'une collectivité
cherche à agir sans prendre en compte les initiatives des autres niveaux
de collectivités.
L'affirmation de la vocation spécifique des régions peut passer
par certaines précisions dans la définition de leurs
compétences.
Le législateur a ainsi entendu leur confier dans la période
récente de nouvelles compétences en matière touristique
par l'élaboration d'un schéma régional (loi du
23 décembre 1992), en matière de formation
professionnelle (loi du 20 décembre 1993) ou encore en
matière de traitement des déchets industriels pour lequel la
région peut demander le transfert de la compétence correspondante
(loi du 2 février 1995). En outre, la régionalisation
des réseaux ferroviaires d'intérêt local constitue l'un des
enjeux de la réforme de la SNCF.
Néanmoins, les conséquences de nouveaux transferts sur
l'équilibre des budgets régionaux ne doivent pas être
sous-estimées.
M. René Garrec a ainsi indiqué au groupe de travail que les
formations préqualifiantes des jeunes devraient entraîner un
coût supplémentaire pour les régions de plus de
3 milliards de francs.
S'agissant des transports collectifs d'intérêt régional, il
a estimé le côut supplémentaire d'une
décentralisation de ces transports à 5 milliards de francs.
Précisant que
six
régions menaient des
expérimentations -conformément à l'article 67 de la
loi d'orientation du 4 février 1995- M. René
Garrec a craint que les coûts pour ces régions soient
élevés. Il a néanmoins estimé que le bilan de ces
expérimentations était plutôt positif.
M. René Garrec
a par ailleurs évoqué plusieurs
domaines dans lesquels les compétences régionales pourraient
être précisées ou complétées, notamment la
culture, l'environnement, la formation professionnelle, les universités,
l'action économique ou encore la voirie.
Il a néanmoins subordonné de nouveaux transferts à
certaines conditions tenant notamment à un état des lieux
préalable et à une compensation financière
intégrale.
3. Les moyens d'une véritable complémentarité entre les structures territoriales
Le partenariat -qu'il soit conventionnel ou institutionnel-
est profondément ancré dans la réalité locale. Il
résulte nécessairement de l'imbrication croissante des
territoires. Les financements croisés concrétisent cette
situation.
Au niveau européen, il fonde les interventions de fonds structurels et
s'établit entre la commission, l'Etat membre concerné et les
autorités ou organismes désignés par l'Etat au niveau
national, régional, local ou autre. Il concerne à la fois la
préparation, le financement, le suivi et l'évaluation des actions
menées.
Mieux organiser le partenariat entre les collectivités constitue l'un
des grands enjeux des prochaines années. La loi d'orientation du
4 février 1995 a défini à cet égard
certaines pistes de réflexion.
a) La notion de collectivité " chef de file " : quel avenir ?
La notion de
collectivité " chef de
file "
a été expressément retenue par la loi
d'orientation du 4 février 1995 comme un moyen d'aboutir
à une clarification de l'exercice des compétences.
Ainsi, selon l'article 65 de la loi d'orientation du
4 février 1995, une loi ultérieure portant
révision des lois de répartition des compétences devait
notamment définir "
les conditions dans lesquelles une
collectivité pourra assumer le rôle de chef de file pour
l'exercice d'une compétence ou d'un groupe de compétences
relevant de plusieurs collectivités territoriales
".
Le groupe de travail du XIè plan sur la décentralisation puis la
mission sénatoriale d'information sur l'aménagement du territoire
-prenant acte de l'intervention souvent nécessaire de plusieurs
collectivités pour la mise en oeuvre d'un même projet- avaient
auparavant considéré que, sans mettre en cause les principes de
la décentralisation, notamment l'absence de tutelle d'une
collectivité sur l'autre, la désignation de l'une d'entre elles
comme chef de file contribuerait à la clarification souhaitée.
L'engagement des différentes collectivités concernées
devait néanmoins se faire sur la base du volontariat et dans un cadre
conventionnel. Le rôle de la collectivité chef de file
était un rôle d'animation et de coordination mais en aucun cas de
contrainte.
On notera que, dans son principe, l'idée d'une collectivité chef
de file peut répondre au constat que si dans certains domaines
-l'éducation, par exemple- l'homogénéité des
compétences peut être assurée sans trop de
difficultés, en revanche, dans d'autres domaines -tels que
l'aménagement du territoire ou le développement
économique- le même résultat est plus difficile à
atteindre. Toutes les collectivités, en effet, peuvent prétendre
mettre en oeuvre des actions qui intéressent le développement de
leur territoire.
Si le retour à une application plus stricte des blocs de
compétences paraît devoir constituer l'objectif à atteindre
dans un contexte économique plus facile, dans une période
intermédiaire la notion de collectivité chef de file peut
constituer une réponse d' " attente ", notamment pour
les interlocuteurs des collectivités locales.
Plusieurs personnalités entendues par le groupe de travail ont
exprimé leur intérêt pour cette notion.
M. René Garrec a fait valoir que pour la mise en oeuvre de grands
projets, l'idée d'une collectivité chef de file paraissait
intéressante.
M. Pierre-Rémy Houssin a proposé la clarification des
compétences en matière d'action sociale à partir de la
définition d'un " chef de file ".
M. Martin Malvy a également considéré que la notion de
collectivité chef de file pourrait contribuer à la clarification
souhaitée.
Néanmoins, force est de reconnaître que si cette notion -mise au
premier plan par la loi d'orientation du 4 février 1995- a
été généralement perçue par les personnes
auditionnées comme susceptibles d'apporter une réponse efficace,
peu de suggestions ont été faites sur les moyens concrets de la
mettre en oeuvre.
M. René Garrec a relevé que cette collectivité pourrait,
dans certains cas, être une commune concernée par l'implantation
d'un équipement. Il a souligné que la mise en oeuvre de cette
notion devrait se faire dans un cadre conventionnel.
M. Martin Malvy a proposé la désignation pour chaque projet d'une
collectivité pilote qui assumerait au moins la moitié du
financement afin d'éviter la dilution des responsabilités.
M. Jean-Louis Sanchez a, pour sa part, considéré qu'en
matière d'action sociale, il était possible de dépasser la
notion de collectivité chef de file, en privilégiant celle de
" diagnostic partagé ".
Mais Mme Martine Buron a fait observer que la désignation d'une
collectivité chef de file et la définition des règles de
financement adéquates pourraient soulever des problèmes
difficiles à résoudre. Elle a, en outre, noté le risque
qui pourrait résulter de cette procédure, l'Etat étant
appelé à définir les règles applicables.
Le groupe de travail relève, qu'en toute hypothèse, si le
législateur devait approfondir cette idée, il devrait
-conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel
(décision n° 94-358 DC du 26 janvier 1995)-
établir clairement dans la loi les conditions concrètes de sa
mise en oeuvre, notamment sur le plan financier.
Deux voies semblent théoriquement envisageables au plan
législatif.
La première consisterait à ce que la
loi désigne par
groupes de compétences, une collectivité
qui assumerait le
rôle de chef de file.
La mission sénatoriale d'information sur l'aménagement du
territoire -tout en écartant un système rigide de
répartition des compétences qui lui était apparu
inapplicable- avait ainsi proposé que la région se voit
reconnaître le rôle de chef de file de la programmation et de la
coordination interdépartementale, notamment dans le cadre d'un
schéma régional d'aménagement. La région devrait,
par ailleurs, coordonner les différentes initiatives locales dans le
domaine de l'action économique.
Quant au département, il serait, en partenariat avec les communes
rurales, le chef de file du développement rural.
La seconde voie ouverte au législateur consisterait à ce que la
loi, tout en définissant un cadre précis pour l'exercice de cette
fonction de chef de file,
ne fixe pas une solution uniforme
et laisse
aux collectivités en fonction des réalités locales la
faculté de choisir l'une d'entre elles pour exercer cette mission, la
collectivité chef de file pouvant dans ces conditions ne pas être
la même sur toutes les parties du territoire pour une même
compétence.
Il ressort des travaux préparatoires de la loi d'orientation du
4 février 1995 que telle a bien été la voie
privilégiée par le législateur, ce qui résulte de
la formulation retenue pour l'article 65 de la loi d'orientation qui renvoie
à une loi ultérieure le soin non pas de désigner une
collectivité chef de file mais de préciser "
les
conditions dans lesquelles une collectivité pourra assurer le rôle
de chef de file
".
Plusieurs critères
sont envisageables pour déterminer le
choix de la collectivité chef de file. Il pourrait s'agir, en
particulier, de la collectivité finançant majoritairement
l'équipement -comme l'a suggéré M. Martin Malvy. Dans
certains cas néanmoins, il pourrait être préférable
de retenir la collectivité dans laquelle l'équipement serait
localisé, ainsi que l'a fait valoir M. René Garrec. En outre, la
prise en compte des charges de fonctionnement de l'équipement une fois
celui-ci réalisé peut être un critère dont M. Paul
Girod a souligné l'intérêt. La collectivité qui les
assumerait pourrait, en effet, souhaiter jouer un rôle particulier au
moment de la réalisation de l'investissement.
M. Jean-Paul Delevoye s'est pour sa part demandé si cette notion ne
pourrait pas être mise en oeuvre à partir du principe " qui
paie, décide ".
Sur le plan des
techniques juridiques
, plusieurs solutions peuvent
être envisagées, ainsi que l'avait relevé notre
collègue André Bohl dans son avis sur les crédits de la
décentralisation inscrits dans le projet de loi de finances pour 1996.
D'une part, la
convention de mandat
pourrait offirr une plus grande
souplesse pour la réalisation de différents travaux
d'infrastructures (voirie, équipements portuaires, équipements
médico-sociaux, culturels ou de loisirs ...).
Déjà prévue par la loi du 12 juillet 1985 relative
à la maîtrise d'ouvrage public, cette technique juridique permet
au maître d'ouvrage de confier à un tiers la réalisaton
matérielle d'un certain nombre de tâches tout en conservant la
responsabilité juridique des actes.
D'autre part, la procédure budgétaire et comptable du
fonds de
concours
permettrait de régler les rapports financiers. Rappelons
que cette procédure, applicable aux dépenses d'investissement,
permet à un contributeur de participer financièrement à
une opération, généralement pluriannuelle,
réalisée par le maître d'ouvrage.
Sur le
plan financier
, le législateur devrait tirer les
conséquences de la désignation d'une collectivité chef de
file. Il conviendrait à cet égard d'examiner les effets de cette
notion sur les compensations financières des transferts de
compétences. Il serait aussi nécessaire d'examiner ses
répercussions sur les attributions perçues au titre du fonds de
compensation pour la TVA (FCTVA). Si une collectivité exerce une mission
de chef de file pour l'exercice d'une compétence, cette mission
n'entraînera pas un transfert de propriété pour les
ouvrages réalisés. Or, la collectivité chef de file ne
pourrait -sur la base du droit en vigueur- bénéficier d'une
attribution du FCTVA, dès lors que l'équipement serait
réalisé pour le compte d'un tiers.
On relèvera que, pour les investissements intéressant la voirie,
l'
article L. 1615-2
du Code général des
collectivités territoriales -dans sa rédaction issue de la loi de
finances pour 1997- fait bénéficier les établissements
publics de coopération intercommunale, au lieu et place des communes
membres propriétaires, des attributions du FCTVA.
Quelles que soient les formules envisagées, cette mission ne pourrait
pas se traduire par l'exercice d'une contrainte d'une collectivité sur
l'autre.
Comme l'indiquait M. Jean-Marie Girault, rapporteur du texte, devant le
Sénat (J.O., débats du 4 novembre 1994) :
"
La collectivité chef de file exercerait une mission de
coordination dans la programmation et l'exécution de ces
compétences. En aucun cas, la qualité de chef de file ne
conférerait à la collectivité concernée un
quelconque pouvoir de contrainte à l'égard des autres
collectivités.
" En effet, cela serait incompatible avec le principe d'absence de
tutelle
d'une collectivité sur une autre.
" Chaque collectivité restera entièrement libre d'exercer
ces compétences, dans le cas d'un partenariat avec d'autres
collectivités et autour d'une communauté d'objectifs, ou sous une
autre forme qui lui paraîtrait plus appropriée. Le partenariat se
développerait autour des engagements que chaque collectivité
aurait librement pris.
" La fonction de chef de file est donc une fonction d'animation et de
coordination dans un cadre volontaire tendant à faciliter une plus
grande cohérence de l'action des collectivités
territoriales
".
b) L'appel à compétences
L'"
appel à
compétences "
peut être également un moyen de
rechercher des complémentarités entre collectivités
territoriales.
Cette formule a déjà été expressément
consacrée par le législateur en matière sociale et en
matière d'enseignement.
Ainsi, les communes peuvent -par convention passée avec le
département- exercer directement des compétences qui ont
été attribuées à celui-ci en matière
d'
aide sociale
par la loi du 22 juillet 1983. Les services
départementaux correspondants sont alors mis à la disposition de
la commune(article 33 de la loi du 22 juillet 1983).
De même, en matière
scolaire
, une commune ou un groupement
de communes, propriétaire, peut demander la responsabilité d'une
opération de grosses réparations, d'extension, de reconstruction
ou d'équipement d'un collège ou d'un lycée. Une convention
passée avec le département ou la région détermine
les conditions, notamment financières, dans lesquelles cette
opération est réalisée (article 14 VII bis).
Pour les constructions
universitaires
, la loi du
4 juillet 1990 a prévu que l'Etat pouvait conclure, avec une
ou plusieurs collectivités locales regroupées, une convention
confiant à la collectivité ou au groupement la maîtrise
d'ouvrage d'opérations de construction ou d'extension de bâtiments
universitaires.
Par ailleurs, lorsqu'un même ensemble immobilier comporte à la
fois un collège et un lycée, une convention précisant la
répartition des charges doit être passée entre le
département et la région pour déterminer celle des deux
collectivités qui assume les grosses réparations,
l'équipement et le fonctionnement de l'ensemble (article 14, VII de la
loi du 22 juillet 1983).
Dans le domaine des
transports scolaires
, le conseil
général peut confier par convention tout ou partie de
l'organisation de ces transports à des communes ou groupements de
communes, des syndicats mixtes, des associations de parents
d'élèves ou des associations familiales (article 30).
La loi d'orientation du 4 février 1995 a entendu encourager le
développement de nouvelles formes d'appels à compétences.
Son article 65 précise ainsi qu'une loi ultérieure portant
révision des lois de répartition des compétences devra
notamment déterminer "
les conditions dans lesquelles, dans le
respect des orientations inscrites au schéma national
d'aménagement et de développement du territoire, une
collectivité territoriale pourra, à sa demande, se voir confier
une compétence susceptible d'être exercée pour le compte
d'une autre collectivité territoriale
".
Si cette formule paraît, en effet, de nature à favoriser le
partenariat et les complémentarités entre collectivités
territoriales, il resterait néanmoins à définir de
nouveaux domaines dans lesquels il serait possible de développer cette
forme de délégation des compétences entre
collectivités.
Les travaux préparatoires de la loi d'orientation font ressortir que
l'hypothèse envisagée a bien été celle de
l'exercice d'une compétence par une collectivité pour le compte
d'une collectivité de dimension plus importante, et non l'inverse. Une
telle orientation paraît conforme au principe de subsidiarité.
c) La contractualisation : source de clarification ou de confusions supplémentaires ?
La contractualisation est souvent mise en avant comme moyen
d'assurer une plus grande complémentarité entre les initiatives
des différentes collectivités territoriales.
Elle constitue assurément un bon moyen de favoriser l'émergence
d'un véritable partenariat, chaque collectivité
définissant librement l'objet de ses interventions et les financements
correspondants, le cadre conventionnel assurant la
complémentarité nécessaire.
Néanmoins, M. Gérard Marcou a rappelé, devant le groupe de
travail, à la lumière de l'expérience européenne,
que la contractualisation pouvait aussi être source de confusions
supplémentaires.
Mme Martine Buron, après avoir rappelé que le groupe de travail
du XIè plan avait suggéré la généralisation
des procédures contractuelles, a néanmoins fait valoir que des
dispositifs contractuels trop nombreux pouvaient être difficiles à
gérer et à expliquer aux citoyens.
Le groupe de travail relève, par ailleurs, que le contrat a aussi
été un moyen par lequel l'Etat a fait financer ses propres
compétences par les collectivités locales sans pour autant leur
reconnaître le moindre pouvoir de décision.
Dès lors, comme l'a suggéré le représentant du
crédit local de France, ne faudrait-il pas opérer une distinction
entre, d'une part, des compétences de l'Etat qui seraient
recentrées et que celui-ci financerait seul et, d'autre part, les
compétences des collectivités locales pour lesquelles celles-ci
pourraient avoir recours au contrat ?
Le groupe de travail constate en toute hypothèse que la
redéfinition des missions de l'Etat qu'il appelle de ses voeux et une
mise en oeuvre plus affirmée du principe de subsidiarité
-inhérent à l'idée de décentralisation- devrait
favoriser une clarification des procédures contractuelles.
d) L'expérimentation
Plusieurs personnes auditionnées par le groupe de
travail ont fait valoir l'intérêt de
formules
expérimentales.
Force est de constater que, dans un passé récent, de telles
formules ont paru préparer utilement d'éventuelles
réformes législatives.
En matière de dépendance des personnes âgées, sur
l'initiative du Sénat, la loi du 25 juillet 1994 a ainsi prévu
une expérimentation dans plusieurs départements volontaires.
Les résultats de ces expérimentations ont assurément
apporté des informations très utiles avant la
concrétisation d'une prestation spécifique dépendance dans
la loi du 24 janvier 1997.
De même, la loi d'orientation du 4 février 1995 a
prévu une phase d'expérimentation sur les modalités
d'organisation et de financement des transports collectifs
d'intérêt régional et les conditions dans lesquelles ces
tâches seront attribuées aux régions.
Ces formules peuvent, il est vrai, se heurter à certains obstacles
d'ordre constitutionnel. Néanmoins, de telles formules semblent pouvoir
être envisagées dans de nouveaux domaines dès lors que
ceux-ci soient bien délimités et que les conditions soient
clairement précisées par le législateur auquel il revient
-conformément à l'article 34 de la Constitution- de
déterminer les principes fondamentaux de la
libre administration des
collectivités locales, de leurs compétences et de leurs
ressources.
Ainsi, pour l'expérimentation en matière de transports collectifs
d'intérêt régional, le législateur a pris soin de
préciser, d'une part, qu'il s'agissait d'assurer la mise en oeuvre de la
politique nationale d'aménagement et de développement du
territoire et, d'autre part, que devrait être assuré le respect de
l'égalité des charges imposées aux citoyens ainsi que
l'égalité des aides apportées par l'Etat aux
régions.
La loi d'orientation du 4 février 1995 (article 81), en autorisant une
région adhérente de plusieurs ententes interrégionales,
à définir par convention avec chacune d'elles les
compétences qu'elles peuvent exercer sur tout ou partie de son
territoire, a d'ores et déjà admis que l'exercice des
compétences puisse avoir une " géométrie
variable ". Les formules d'appel à compétences,
décrites ci-dessus, aboutissent à un même résultat.
Il s'agit, par ces formules, de ne pas appliquer systématiquement des
solutions uniformes à des réalités locales par
définition hétérogènes.
4. L'adaptation des moyens financiers et humains
a) Approfondir la réflexion sur l'évolution du système de financement local
Si le groupe de travail a fait porter ses réflexions
sur les aspects institutionnels de la décentralisation, la question des
finances locales n'a pas pour autant pu rester en-dehors de ses
préoccupations, tant elle paraît étroitement liée
à celle des institutions. Le groupe de travail exprime ainsi le souhait
que la réflexion sur l'évolution du système de financement
local soit approfondie.
En premier lieu, le grand débat sur l'aménagement du territoire a
ouvert des pistes de réflexions -notamment à la suite des travaux
de la mission sénatoriale d'information- qui ont été
formalisées par la suite dans la loi d'orientation du
4 février 1995.
Plusieurs études, demandées au Gouvernement en vertu de la loi
d'orientation, devraient ainsi apporter des éléments
d'informations concrets en vue d'une réforme du système de
financement local.
On rappelera que ces études doivent en particulier porter sur la
péréquation financière
pour laquelle le
législateur a notamment prévu une mesure de la situation actuelle
et des écarts à corriger, la détermination d'un indice
synthétique permettant de mesurer les ressources et les charges des
collectivités territoriales et de leurs groupements, une étude
sur les éventuelles corrélations entre le potentiel fiscal et
l'effort fiscal, des propositions en vue d'une réduction effective des
écarts constatés.
D'ores et déjà, la réforme de la DGF, opérée
par la loi du 31 décembre 1993 et par la loi du 26 mars 1996,
a produit des résultats positifs dans le sens d'une
péréquation plus importante.
Outre le renforcement de l'intercommunalité de projet -expression d'une
véritable solidarité entre communes- déjà
souligné par votre rapporteur, cette réforme a sensiblement accru
l'effort en faveur des communes rurales et urbaines en difficulté.
La dotation de solidarité rurale a bénéficié de
1,564 milliard de francs
en 1996 dont
469,5 millions de
francs
au profit de la fraction bourgs-centre qui a été
répartie entre à
4.070
communes représentant
une population de 10,4 millions d'habitants et
1,034 milliard de
francs
pour la fraction " péréquation " qui a
été attribuée à
33.638 communes
, soit
une population de
31
millions d'habitants. Les
4.015
communes éligibles à ces deux fractions ont
ainsi perçu une attribution moyennne de
81,13
francs par
habitant.
Quant à la dotation de solidarité urbaine, elle a
bénéficié en 1996 -première année
d'application des nouveaux critères fixés par la loi du
26 mars 1996- à
637
communes de plus de
10.000 habitants représentant
21,659 millions
d'habitants, la dotation par habitant connaissant une croissance significative
de
61,01
francs à 90,75 francs. Le nouvel indice
synthétique de ressources et de charges a, en outre, produit un effet
discriminant puisque la dotation la plus élevée a atteint
366,01
francs par habitant contre
14,77
francs pour la plus
faible.
99
communes de moins de 10.000 habitants représentant
700.000
habitants ont également pu -à la suite de la
réforme- bénéficier d'une attribution au titre de la
dotation de solidarité urbaine.
Le fonds national de péréquation -créé par la loi
d'orientation du 4 février 1995- produit également des
effets qui doivent être relevés. En 1996,
15.389
communes
ont été éligibles aux deux parts de ce fonds, soit une
dotation moyenne de
110
francs par habitant.
Il demeure que la superposition des différents fonds ayant vocation
à mettre en oeuvre une péréquation financière
aboutit à une très grande complexité des procédures
et, au total, complique singulièrement les possibilités
d'évaluer précisément leur efficacité. Telle est
l'une des raisons pour lesquelles le Sénat avait souhaité, lors
de l'examen de la loi d'orientation du 4 février 1995, un bilan des
différents mécanismes ainsi que la formulation de propositions de
simplification et d'unification tant des objectifs assignés aux
différentes formes de péréquation que de leurs
modalités d'application (article 68 de la loi d'orientation du
4 février 1995).
Par ailleurs, le législateur a souhaité la mise à
l'étude d'une réforme du système de financement local, en
particulier de la taxe professionnelle, qui soit compatible avec l'objectif de
péréquation affirmé parallèlement.
Devant le groupe de travail, M. Dominique Perben, ministre de la fonction
publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, a
souligné que la réforme plus urgente dans ce domaine concernait
la taxe professionnelle d'agglomération et considéré qu'il
convenait d'éviter qu'une modification du dispositif en vigueur ne
conduise à remettre en cause la localisation de l'assiette fiscale.
Le Conseil des impôts, dans son quinzième rapport au
Président de la République, fait valoir la solution qui
consisterait à transformer la taxe professionnelle en un impôt
national redistribué aux collectivités locales sous forme de
dotation.
Cette solution, selon le rapport précité, s'appuierait sur le
constat des expériences étrangères et permettrait de
répondre à l'ensemble des questions posées par la taxe
professionnelle: un taux national remplacerait la multiplicité des taux
existants; l'assiette pourrait être modernisée par la prise en
compte des valeurs nettes comptables; l'impôt serait
considérablement simplifié; le coût de la taxe
professionnelle pour le budget de l'Etat pourrait être
maîtrisé; la péréquation pourrait être plus
ambitieuse. La mise en oeuvre d'une telle impliquerait néanmoins une
période de transition longue.
Le groupe de travail entend, pour sa part, récuser fermement toute
solution qui aboutirait à une étatisation des impôts locaux
par l'uniformisation des taux de taxe professionnelle au niveau national,
faisant ainsi dépendre une ressource fiscale locale essentielle non plus
du libre choix des collectivités locales mais de décisions de
l'Etat et démotivant l'esprit d'initiative des collectivités
locales.
Il ne peut y avoir de décentralisation sans un impôt
localisé et librement fixé par les collectivités locales
dans le cadre prévu par la loi.
En outre, la réflexion sur la fiscalité locale et la
péréquation financière passe par le préalable d'une
révision des valeurs cadastrales, désormais en profond
décalage avec la réalité. En fonction des contraintes
techniques qui ne doivent pas être sous-estimées, le projet de
révision -approuvé par le comité de finances locales qui
a, en outre, présenté des suggestions permettant d'en
améliorer le contenu- doit pouvoir trouver une traduction
législative.
Sans avoir pu approfondir sa réflexion sur ce point, le groupe de
travail relève par ailleurs que la fiscalité locale devra
être adaptée aux évolutions socio-économiques.
Suivant les observations du représentant du Crédit local de
France, les taxes locales ont vieilli et ne sont plus nécessairement
adaptées au nouveau contexte économique auquel les
collectivités locales sont confrontées.
De manière schématique, on peut rappeler que les taxes
foncières avaient correspondu à une économie
essentiellement rurale, la taxe professionnelle à une économie
à dominante industrielle et que la fiscalité ne s'est pas
adaptée à une économie à dominante de services.
Comme l'a fait valoir
M. Jean-Paul Delevoye, doit également
être posée la question de la distorsion entre la localisation de
la ressource et celle des charges. Plusieurs intervenants devant le groupe de
travail, notamment M. Jean-Pierre Sueur au nom des grandes villes et
M. Martin Malvy pour les petites villes, ont souligné le poids
croissant des
charges de centralité.
Enfin, comme le met en évidence le débat difficile autour du
financement de la CNRACL et ainsi que l'a souligné M. Jean-Paul
Delevoye, le grand enjeu de l'avenir sera de mieux définir qui, du
contribuable local ou du contribuable national, doit assumer certaines charges
de solidarité.
b) Mieux prendre en compte la spécificité de la fonction publique territoriale
A la différence de la fonction publique de l'Etat, la
fonction publique territoriale se caractérise par
la
multiplicité et la diversité des employeurs,
dont les besoins
en personnel sont très variés.
Cette spécificité nécessite que soit
préservée une certaine
souplesse
dans la gestion des
personnels des collectivités locales, sans pour autant remettre en cause
le cadre du statut général de la fonction publique.
S'agissant des moyens humains, l'enjeu des prochaines années sera donc
de parvenir à mieux prendre en compte la spécificité de la
fonction publique territoriale.
1.- Le souhait d'une concertation approfondie avant toute réforme
La prise en compte de cette spécificité implique
tout d'abord une concertation préalable approfondie avec les
associations d'élus représentant les employeurs de la fonction
publique territoriale, avant toute transposition d'une réforme
concernant la fonction publique de l'Etat.
Une telle concertation apparaît en effet indispensable pour
prévoir les adaptations nécessaires à l'application aux
personnels des collectivités territoriales de mesures
décidées au niveau de la fonction publique de l'Etat.
Elle a notamment été vivement souhaitée par MM. Charles
Josselin et Pierre-Rémy Houssin, représentants de l'APCG, au
cours de leur audition par le groupe de travail.
2.- Des adaptations statutaires à envisager pour mieux répondre aux besoins des collectivités
Sans qu'il soit question de remettre en cause le principe
d'un
statut général de la fonction publique territoriale, la prise en
compte de la spécificité de cette fonction publique conduit aussi
à envisager une adaptation des règles statutaires pour
répondre plus efficacement aux besoins des collectivités.
L'application des règles statutaires en vigueur peut actuellement
soulever de réelles difficultés pour l'exercice de certains
métiers nouveaux ou très spécifiques, ainsi que l'a
notamment souligné M. Jean-Jacques Hyest.
A titre d'exemple, les collectivités éprouvent
fréquemment des difficultés pour recruter des informaticiens
qualifiés dans le cadre du statut actuel de la fonction publique
territoriale.
L'apparition de nouveaux métiers devrait donc être mieux prise en
compte par les statuts particuliers des cadres d'emplois.
En outre, des statuts particuliers ne pouvant être mis en place pour
certains métiers très spécifiques, ne faudrait-il pas
envisager dans ce cas un assouplissement des possibilités de recours aux
agents contractuels ?
Ainsi que l'a souligné M. Jean-Paul Delevoye devant le groupe de
travail, le statut de la fonction publique territoriale,
caractérisé par sa pérennité, s'avère
inadapté à l'exercice de certaines missions ponctuelles
qui,
par nature, sont limitées dans le temps (réalisation d'un projet
d'équipement par exemple) ; dans cette éventualité, le
recours à des agents contractuels ayant la qualification requise, pour
une durée déterminée, apparaît de même plus
opportun que le recrutement d'un fonctionnaire titulaire ne présentant
pas forcément un profil adapté.
La possibilité d'un recrutement direct, sans concours, de certains
agents d'exécution, introduite à l'initiative du Sénat
dans la loi du 27 décembre 1994, a par ailleurs contribué
à un assouplissement positif apportant une réponse à la
lourdeur des procédures de recrutement. Peut-être serait-il
opportun de réfléchir à une extension des
éventualités dans lesquelles ce recrutement direct d'agents
titulaires peut être envisagé ?
D'autre part, ne faudrait-il pas envisager, ainsi que l'a suggéré
M. Jean-Paul Delevoye, de prévoir une différenciation des
règles applicables suivant la taille des collectivités, les
besoins en personnels d'une petite commune et d'une grande ville étant
fort différents ? En effet, les petites communes souhaitent disposer de
fonctionnaires polyvalents, alors que la gestion des grandes villes
nécessite le recours à des techniciens hautement
spécialisés.
Les établissements publics de coopération intercommunale doivent
également disposer de compétences adaptées à la
spécificité de leurs besoins.
Exposant devant le groupe de travail le point de vue de l'Association des
districts et communautés de communes de France, M. Dominique Braye
a notamment estimé que les règles de la fonction publique
territoriale ne permettaient pas de satisfaire cet objectif et que les
groupements de communes devraient être autorisés à recruter
plus largement des agents contractuels.
M. Jean-Paul Delevoye a à cet égard proposé que des
adaptations statutaires soient recherchées pour
prendre en
considération le développement de la coopération
intercommunale.
Enfin, des assouplissements doivent être mis en oeuvre afin de
remédier aux effets pervers de l'application rigide des seuils et des
quotas et de garantir une progression de carrière satisfaisante aux
agents souhaitant rester dans la même collectivité.
Les difficultés suscitées par les règles d'encadrement
actuelles des régimes indemnitaires justifient-elles qu'il soit
également envisagé de leur apporter certains assouplissements,
comme le demande la proposition de loi précitée
présentée par M. Charles Pasqua et plusieurs de nos
collègues ?
Pour sa part, M. Robert Pagès s'est déclaré
réservé vis à vis des souhaits exprimés en faveur
d'assouplissements du statut de la fonction publique territoriale, craignant
que ces assouplissements se traduisent par des entorses systématiques du
cadre statutaire général.
3.- Le besoin d'un personnel d'encadrement qualifié et le nécessaire renforcement de la mobilité avec la fonction publique de l'Etat.
Ainsi que l'ont notamment souligné MM. Lucien Lanier et
Jean-Jacques Hyest devant le groupe de travail, les collectivités
territoriales ont aujourd'hui besoin d'un personnel d'encadrement
qualifié susceptible d'informer efficacement les élus sur la
réglementation en vigueur.
A cette fin, la
mise en place d'une formation des administrateurs
territoriaux au moins en partie commune avec celle des administrateurs de
l'Etat
apparaît opportune. Elle pourra être
réalisée à la faveur du transfert à Strasbourg de
l'Institut des études supérieures de la fonction publique
territoriale, qui a été décidé, le 9 janvier 1997,
par le conseil d'administration du CNFPT, ainsi que l'a indiqué au cours
de son audition M. Jean-Pierre Soisson, président de ce conseil
d'administration. Selon lui, la proximité de ce nouvel
établissement avec l'ENA pourrait permettre de développer la
mobilité entre fonction publique territoriale et fonction publique de
l'Etat.
Le
renforcement de cette mobilité vis à vis de la fonction
publique de l'Etat
, qui reste encore très limitée
aujourd'hui, est en tout cas apparu nécessaire au groupe de travail.
M. Lucien Lanier a notamment souhaité la mise en place de passerelles
permanentes entre la fonction publique de l'Etat et la fonction publique
territoriale.
Peut-être faudra-t-il un jour envisager l'instauration d'une
mobilité obligatoire des cadres supérieurs de la fonction
publique territoriale dans la fonction publique de l'Etat et vice versa ?
C. POUR UNE NOUVELLE APPROCHE DES RÉPONSES DES COLLECTIVITÉS LOCALES AUX PROBLÈMES ÉCONOMIQUES
Le groupe de travail entend tout d'abord affirmer que les
collectivités locales peuvent jouer un rôle tout à fait
efficace dans l'action engagée en faveur de l'emploi et du
développement économique.
Comme l'ont souligné les travaux de la mission sénatoriale
d'information sur l'aménagement du territoire, dans une Europe sans
frontières dans laquelle la France occupe une situation centrale, le
développement du territoire doit être multipolaire et s'appliquer
à faire ressortir toutes les virtualités qu'offre aux
différentes parties du territoire national son ouverture sur l'Europe.
Contrairement à certaines analyses peut-être trop hâtives,
les processus économiques n'échappent pas complètement
à tout ancrage territorial.
Les collectivités territoriales ont à l'évidence un
rôle essentiel à jouer pour maintenir ou rétablir un
certain niveau d'équité sociale et territoriale, dont la mise en
cause aurait des effets graves tant sur les équilibres sociaux que sur
la compétitivité elle-même. Les collectivités
peuvent également promouvoir de véritables projets collectifs de
développement économique et créer un cadre cohérent
pour le déploiement des activités économiques.
En matière d'emploi, indépendamment des grands mouvements
économiques, les initiatives locales apportent bien souvent des
solutions. A travers des démarches partenariales, les élus locaux
-grâce à leur bonne connaissance du tissu économique-
peuvent jouer un rôle essentiel pour identifier les besoins.
Il reste que le cadre juridique actuel de l'action économique
mérite d'être revu afin de l'adapter au nouveau contexte auquel
les élus locaux sont directement confrontés.
1. Adapter le cadre juridique au contexte économique et européen
a) Pour une meilleure coordination avec le droit communautaire
1.- Réexaminer la distinction entre aides directes et aides indirectes
En premier lieu, la pertinence de la distinction entre aides
directes et aides indirectes, opérée par les lois de 1982,
paraît pouvoir être mise en doute au regard des besoins des
entreprises.
Cette distinction ne correspond plus à la réalité de la
pratique des collectivités locales. Elle n'est pas non plus en rapport
avec les critères européens pour lesquels la notion d'aide
indirecte n'a aucun fondement. Or, la recherche d'une meilleure coordination
entre le droit national et le droit communautaire paraît souhaitable.
Elle est en particulier le préalable pour faire bénéficier
nos territoires dans les meilleures conditions des fonds structurels
européens, ce qui n'est pas le cas dans la situation actuelle.
Dès lors, le groupe de travail considère que les aides
économiques des collectivités locales devraient être
redéfinies en fonction, d'une part, des plafonds communautaires et,
d'autre part, d'éléments plus objectifs tels que les coûts
du programme subventionné ou encore la taille de l'entreprise
concernée.
2.- Mettre en cohérence les zonages
La recherche d'une plus grande
coordination avec le droit
communautaire
-dans l'intérêt même de nos territoires-
justifierait également une réflexion sur les zonages trop souvent
superposés les uns aux autres sans que des conséquences
concrètes en soient tirées sur la cohérence globale de
l'action économique.
Une telle perspective est néanmoins indissociable d'une clarification de
la valeur juridique des actes de la Commission européenne en
matière d'aides économiques et d'une meilleure information sur
les obligations communautaires.
M. Jean-Paul Delevoye a, en outre, soulevé la question importante de la
gestion des fonds structurels européens qui appellerait probablement une
réflexion spécifique.
b) Pour une plus grande complémentarité des différentes interventions économiques
Parallèlement, la recherche d'une plus grande
complémentarité
entre les interventions des
différentes collectivités devrait être recherchée.
Souhaitant un renforcement du rôle des régions en matière
économique, M. René Garrec, au nom de l'Association des
présidents de conseils régionaux, a proposé que les
régions se voient reconnaître une compétence de droit
commun pour le développement des petites et moyennes entreprises. Il a
exposé que cette compétence devrait concerner l'aide aux fonds
propres pour la création ou le développement d'entreprises,
l'aide à la modernisation et à la diversification, l'aide aux
implantations nouvelles et aux restructurations, la promotion des
activités internationales ainsi que le soutien aux actions collectives
et aux mises en réseaux. Il a considéré qu'il conviendrait
de décentraliser les crédits actuellement gérés par
l'Etat ainsi que les personnels correspondants.
Enfin, M. René Garrec a fait valoir que les compétences
régionales et départementales en matière d'action
économique pourraient être mises en cohérence dans le cadre
de conventions qui préciseraient le rôle et les actions de chacune
de ces collectivités.
M. Charles Josselin, au nom de l'Assemblée des présidents de
conseils généraux, a suggéré que la région
puisse se concentrer sur les interventions directes auprès des
entreprises, laissant aux départements les aides aux bâtiments ou
aux infrastructures, par exemple.
De même, M. Pierre-Rémy Houssin a considéré
qu'il serait opportun de faire une distinction entre les interventions directes
qui relèveraient de la compétence de la région et les
autres interventions concernant, par exemple, les investissements immobiliers
qui relèveraient de la compétence du département.
Dans un domaine qui intéresse directement le développement des
territoires, il ne paraît pas envisageable de réserver à
telle ou telle collectivité une compétence exclusive. En outre,
l'Etat responsable du "
développement économique et
social et de la défense de l'emploi
" (article L. 2251-1 et
L. 3231-1 du code général des collectivités
territoriales) ainsi que de la détermination de la politique
d'aménagement et de développement du territoire (article premier
de la loi d'orientation du 4 février 1995) conserve un rôle
majeur. Dès lors, c'est bien le partenariat qu'il s'agit d'organiser.
Pour les raisons évoquées ci-dessus par votre rapporteur, la
distinction entre aides directes -qui seraient réservées à
la région- et aides indirectes -qui relèveraient du
département- semble rendre compte insuffisamment des nouvelles
réalités de l'action économique locale.
En revanche, une nouvelle répartition des tâches entre
collectivités pourrait être envisagée à partir d'une
approche globale d'un projet économique qui permettrait d'identifier les
différentes phases de réalisation du projet et les besoins de
financement correspondants. Dans ce cadre, une
distinction entre des aides
destinées à l'accueil des entreprises et celles destinées
à leur développement pourrait s'avérer pertinente
.
La
voie conventionnelle
pourrait alors constituer un cadre adapté
pour permettre aux collectivités concernées, à partir de
cette approche globale, d'identifier leurs missions respectives et les
financements correspondants.
Le cadre conventionnel devrait, en outre, prévoir un dispositif
permettant un
suivi effectif
des aides -dont la cour des comptes a
souligné l'insuffisance actuelle- seul à même de susciter
une évaluation et de permettre les réajustements qui
apparaîtraient nécessaires.
Cette nouvelle approche que le groupe de travail souhaite voir approfondie
pourrait également porter sur d'autres domaines pour lesquels
l'intervention des collectivités peut être efficace, notamment les
sociétés de capital-risque.
Enfin, le projet de loi en cours de préparation sur les
sociétés d'économie mixte devra apporter les
clarifications nécessaires concernant le fonctionnement de ces
sociétés.
2. Garantir les collectivités locales contre les risques encourus
Quelle que soit l'efficacité que peuvent avoir les
interventions des collectivités locales pour favoriser le
développement économique et apporter des réponses au
problèmes de l'emploi, le groupe de travail -conformément
à une position constante du Sénat- juge indispensable de
préserver les collectivités locales contre des
risques
excessifs
auxquels l'action économique exposerait leurs budgets.
M. Paul Girod a ainsi souligné que les limites à
l'interventionnisme des collectivités locales, prévues par les
lois de 1982 à la demande du Sénat, étaient
nécessaires pour permettre aux collectivités locales de
résister aux sollicitations qui se multipliaient dans un contexte social
difficile.
MM. Jean-Jacques Hyest et Charles Jolibois, soulignant également les
risques que prenaient certaines collectivités locales dans le domaine
des interventions économiques, ont jugé nécessaire le
maintien de certaines interdictions.
Le souci de protéger les collectivités locales contre des
engagements financiers excessifs résulte clairement des
différents dispositifs retenus jusqu'à présent par le
législateur.
La
loi du 2 mars 1982
avait ainsi déjà limité
les possibilités des collectivités locales de garantir des
emprunts, puisque -selon ses articles 6 et 48 (l'article 4-1 de la loi du
5 juillet 1972 pour les régions)- le montant total des
annuités des emprunts garantis majorés des annuités de la
dette communale, ne devait pas excéder un pourcentage fixé par
décret (en application des décrets du 5 juillet 1983,
70 % pour les communes, 60 % pour les départements et
40 % pour les régions).
La
loi du 5 janvier 1988
d'amélioration de la
décentralisation a renforcé ce dispositif notamment pour
éviter que les appels en garantie, lorsqu'ils se produisent, ne fassent
supporter l'intégralité de la charge à la
collectivité. Tel a été l'objet des deux règles
dites de
division du risque
et de
partage du risque.
En outre, en vue d'une gestion prudente, le législateur de 1988 a
encouragé la constitution d'une provision spécifique dans les
budgets locaux pour couvrir les garanties et cautions accordées, qui
doivent partiellement venir en déduction des annuités garanties
ou cautionnées.
La
loi n° 94-504 du 22 juin 1994
portant dispositions
budgétaires et comptables relatives aux collectivités locales a
par la suite obligé les communes de
3.500 habitants et plus
qui ne recourent pas à la participation au capital d'un
établissement de crédit spécialisé à obtenir
un cautionnement ou, à défaut, à constituer une provision
pour les garanties d'emprunts ou les cautionnements qu'elles octroient aux
organismes de droit privé autres que ceux ayant un intérêt
général ou intervenant pour des opérations de logement
social (
article L. 2252-3
du code général des
collectivités territoriales). Cette disposition entrera en vigueur
à compter de l'exercice 1997 pour les garanties d'emprunts
accordées à compter du 1er janvier 1996.
Dans le même esprit, la
loi n° 96-314 du 12 avril
1996
a confirmé les règles définies en 1988 pour les
ratios prudentiels applicables en matière de garanties d'emprunts, qui
avaient été remises en cause par une jurisprudence récente
du Conseil d'Etat (20 octobre 1995, Commune de Montbrison).
Confirmant ces solutions législatives, une nouvelle approche de l'action
économique locale devrait veiller à préserver les
ratios prudentiels
existants et à maintenir certaines exclusions
telles que l'aide aux entreprises en difficultés par les communes.
En outre, de nouveaux critères pourraient être envisagés
afin de prémunir les collectivités locales. Par exemple, la
participation d'une collectivité au financement d'un programme pourrait
être plafonnée en fonction de la charge qui en résulterait
pour son budget.
*
* *
MOTION ADOPTÉE PAR LE GROUPE DE TRAVAIL
SUR LA
DÉCENTRALISATION
~~~
" Le groupe de travail de la commission des Lois du
Sénat sur la décentralisation, considérant que la gestion
décentralisée a fait la preuve de son
efficacité
et
qu'elle a démontré son aptitude à mettre en oeuvre les
réponses de proximité aux nouveaux défis sociaux, constate
néanmoins la persistance de certains
obstacles
à
l'approfondissement de la décentralisation .
Ces obstacles sont liés au non respect de certains engagements de
l'Etat, aux effets négatifs de l'enchevêtrement des structures et
des compétences, à une complexité excessive qui met en
cause l'efficacité des interventions économiques des
collectivités locales et à certaines rigidités du statut
de la fonction publique territoriale.
" Considérant que la décentralisation doit jouer plus
efficacement son rôle dans l'adaptation de la France aux enjeux du
prochain siècle, le groupe de travail estime que, dans cette
perspective, la clarification des
relations avec l'Etat
constitue un
préalable. A cette fin, il se prononce :
"
1. pour un véritable pacte de stabilité des ressources
et des charges
des collectivités locales,
condition
indispensable pour éviter une dérive des finances locales,
ce qui implique des études d'impact préalables et
systématiques des mesures nouvelles pouvant avoir un effet sur les
finances locales et une adaptation au contexte économique et
budgétaire des normes de sécurité de même que des
dates butoirs prévues pour l'application de certaines
réglementations;
" 2. pour une compensation financière intégrale et
concomitante des charges transférées
, conformément aux
principes fondamentaux de la décentralisation;
" 3. pour l'approfondissement de la démarche engagée par
le Gouvernement en vue d'une réforme des administrations de l'Etat,
ce qui suppose :
- une redéfinition de leurs missions, afin notamment d'éviter les
doubles emplois avec les services des collectivités locales,
- une déconcentration effective qui permette aux collectivités
locales de disposer d'interlocuteurs uniques et dotés de
responsabilités réelles,
- une adéquation du contrôle de légalité assurant
aux collectivités locales la sécurité juridique de leurs
actes et du contrôle financier qui doit s'exercer conformément
à l'esprit dans lequel il a été conçu.
" Le groupe de travail jugeant, en outre, nécessaire que les
structures territoriales elles-mêmes s'adaptent aux nouveaux
défis, considère comme prioritaire une réforme du
régime de la
coopération intercommunale
. A cette fin, il
préconise:
"
1. une réduction significative du nombre de catégories
d'établissements publics de coopération intercommunale
qui,
tout en préservant la coexistence d'une logique de gestion et d'une
logique de projet, se traduise par la fusion des districts, des
communautés de communes et des communautés de villes et par une
évolution progressive des agglomérations nouvelles vers des
formules de droit commun;
"
2. une unification très large des règles
applicables
par la définition d'un " tronc
commun "
tout en favorisant une évolution progressive des compétences et
des structures selon les besoins constatés par les élus
eux-mêmes;
"
3. la conciliation du principe fondamental du volontariat
avec
l'application des règles de majorité qualifiée, de nature
à stimuler le développement de l'intercommunalité;
" 4.
le maintien des règles actuelles de désignation
des délégués intercommunaux
par les conseils
municipaux;
" 5. une réforme du dispositif financier qui encourage
l'intercommunalité de projet
, grâce à une correction du
coefficient d'intégration fiscale permettant de prendre en compte les
ressources effectivement affectées à l'exercice de leurs
compétences réelles par les groupements de communes;
" 6. une évolution du régime fiscal qui réduise
les concurrences abusives entre communes d'une même agglomération
par l'unification ou le rapprochement des taux de taxe professionnelle,
afin d'assurer une plus grande cohérence au sein de cette
agglomération.
" Le groupe de travail, considérant que l'adaptation des structures
locales passe également par la recherche de
véritables
complémentarités
, susceptibles de conférer à
l'action des collectivités locales sa pleine efficacité et
à éviter que leur coexistence n'aboutisse à une pression
fiscale excessive, juge nécessaire :
" 1.
de rappeler que le développement souhaitable de
l'intercommunalité de projet, loin de porter atteinte à la
substance des compétences des communes permettra de
conforter leur
autonomie
et devra
se concilier avec le rôle essentiel du
département
dans la mise en oeuvre des solidarités sociales
et territoriales;
" 2. de poursuivre la réflexion sur les moyens d'assurer une
véritable complémentarité entre les structures
locales
, à travers notamment la mise en oeuvre effective de la
notion de collectivité chef de file, le développement des
formules d'appel à compétences, de formes de contractualisation
dans un cadre clarifié et la définition de formules
expérimentales.
Il rappelle la nécessité de prendre en compte les
spécificités des collectivités locales d'outre-mer.
" Le groupe de travail considère par ailleurs que cette adaptation
devra concerner également les
moyens financiers
des
collectivités locales. A cette fin:
"
1.
il souhaite
un approfondissement de la réflexion sur
l'évolution du système de financement local
qui clarifie le
cadre de la péréquation financière, dote les
collectivités locales de bases fiscales modernes et évolutives et
prenne en compte le problème des charges de centralité;
"
2. il récuse fermement toute solution qui aboutirait à
une étatisation des impôts locaux
par l'uniformisation des
taux de la taxe professionnelle au niveau national, faisant ainsi
dépendre une ressource fiscale locale essentielle non plus du libre
choix des collectivités locales mais de décisions de l'Etat et
démotivant l'esprit d'initiative des collectivités locales.
Il ne peut y avoir de décentralisation sans un impôt
localisé et librement fixé par les collectivités locales
dans le cadre prévu par la loi.
" Considérant, en outre, que la
spécificité de la
fonction publique territoriale
devra être prise en meilleur compte
dans les années à venir, le groupe de travail propose :
"
1. une concertation approfondie avec les collectivités
locales
avant toute réforme intéressant la fonction publique
territoriale;
" 2.
la recherche
d'adaptations statutaires
pour mieux
répondre aux besoins des collectivités, compte tenu de
l'évolution et de la diversification des métiers;
" 3.
une réflexion en vue de doter les collectivités
locales
d'un personnel d'encadrement qualifié
et de
renforcer
la mobilité avec la fonction publique de l'Etat.
" Enfin, le groupe de travail de la commission des Lois du Sénat
sur la décentralisation se prononce pour une
nouvelle approche de
l'action économique locale
, qui passe par :
"
1. une meilleure coordination avec le droit communautaire,
justifiant un réexamen de la distinction entre aides directes et
aides indirectes ainsi qu'une mise en cohérence des zonages:
"
2.
la recherche d'une
plus grande
complémentarité
des différentes interventions
économiques;
"
3. le maintien des interdictions actuelles et
l'approfondissement des
règles prudentielles
qui protègent les collectivités
locales contre des risques financiers excessifs .
" Le groupe de travail souhaite que ces orientations puissent être
mises en oeuvre afin de parachever le processus de décentralisation et
ainsi permettre aux collectivités locales, instances de
proximité, d'exercer plus efficacement leurs compétences dans un
cadre clarifié et simplifié. "
OBSERVATIONS DES GROUPES POLITIQUES
* *
*
M. ROBERT PAGES
AU NOM DU GROUPE COMMUNISTE REPUBLICAIN ET CITOYEN
Une enquête récente indique qu'une très
large majorité de Français perçoivent positivement la
décentralisation engagée en 1982. Il est évident que cet
attachement traduit une volonté de participation, de contrôle, de
proximité de la part de nos concitoyens par rapport aux décisions
prises.
Cette même enquête fait part de l'inquiétude des
Français pour l'avenir. Puisqu'ils estiment, à 68% des
sondés, que dans 20 ans ce sera l'Europe qui décidera de leur vie
quotidienne.
Il est vrai que l'Europe qui se construit influence directement l'organisation
territoriale de notre pays. C'est la volonté affichée de
réduire les niveaux de décisions, de réduire le nombre de
communes.
Pour cela, dans le cadre de Maastricht, se met en oeuvre un type de croissance
de plus en plus polarisée autour de quelques métropoles
régionales, qui se conjugue avec l'assèchement des
arrière-pays.
Le groupe communiste républicain et citoyen tient au contraire à
renforcer les échelons au plus près des citoyens. Deux conditions
essentielles doivent être remplies :
1 - La commune ne devrait pas être contrainte à de quelconques
regroupements, la libre administration des communes étant, à nos
yeux, la base intangible de l'organisation administrative de notre territoire.
La règle de la majorité qualifiée ne devrait donc pas
s'appliquer, il ne peut s'agir que de volontariat.
2 - La deuxième condition du renouveau de la décentralisation
passe par l'amélioration des relations financières entre l'Etat
et les collectivités locales.
Deux rapports récents de l'Observatoire des Finances Locales ont
montré le décalage grandissant entre les charges et les
ressources transférées, un décalage que le Pacte dit de
stabilité ne peut combler. Comme l'a dit le Président de
l'Association des Maires de France, le " pacte de stabilité (...)
est en fait déséquilibré, car il ne garantit la
stabilisation des dépenses que pour l'Etat, et non pour les
collectivités territoriales. "
En fait, avec la réduction depuis quatre années
consécutives de la Dotation forfaitaire de la DGF, avec la baisse du
FCTVA, avec la surcompensation CNRACL... il ne s'agit pas d'un pacte de
stabilité, mais d'un pacte de déstabilisation des finances des
collectivités territoriales.
Le débat sur la taxe professionnelle relève de la même
problématique. Instituer une taxe professionnelle de zone ou
d'agglomération est un premier pas vers le transfert du produit de la
taxe professionnelle de la commune vers le groupement de commune. Une telle
décision aurait donc pour conséquence de retirer aux communes une
grande part de leur capacité d'investissement et de fonctionnement. Cela
joue contre la décentralisation.
Donner un nouveau souffle à la décentralisation passe au
contraire par l'attribution de nouvelles ressources de collectivités
territoriales, par exemple en intégrant tout ou partie des actifs
financiers dans les bases de la taxe professionnelle.
En conséquence, les Sénateurs du groupe communiste
républicain et citoyen réaffirment leur attachement :
- au principe de libre administration des collectivités territoriales,
- au principe du volontariat pour l'intercommunalité,
- au principe de la compensation intégrale de tout transfert de charges,
- au principe d'une augmentation des dotations d'Etat correspondant aux besoins
des populations.
M. JEAN-CLAUDE PEYRONNET
SÉNATEUR DE LA HAUTE-VIENNE
MEMBRE DU GROUPE DE TRAVAIL
La décentralisation, engagée en 1982 a
été en effet l'un des grands acquis et l'une des réformes
les plus profondes de ces quinze dernières années. Elle a permis
de libérer les énergies et les initiatives locales et de
rapprocher les décisions des citoyens. Elle a ouvert un véritable
droit à l'initiative, à l'imagination et au développement.
Les grandes réformes ont souvent besoin, après quelques
années de mise en pratique, d'ouverture et d'approfondissement. La
décentralisation n'y échappe pas. Il convient donc de poursuivre
et amplifier cette "révolution" par :
1. une clarification et une meilleure identification des compétences
Un constat s'impose : l'imbrication des structures et des compétences
nuit tant à une gestion rationnelle et efficace qu'à une
meilleure implication des citoyens. La question est moins celle du nombre et du
niveau de collectivités que celle de leur collaboration. Il n'y a trop
de niveaux de collectivités que si chacune d'elles exercent les
compétences déjà dévolues à d'autres. Il est
aujourd'hui nécessaire de réaliser une clarification et une
meilleure identification des compétences.
Pour cela, il convient en premier lieu de procéder, à un
réexamen des compétences de chacun sur la base de solides
évaluations, à une meilleure identification des règles
régissant les relations entre personnes publiques afin que la
collectivité qui exerce réellement la compétence dispose
parallèlement de tous les attributs (pouvoirs juridiques, ressources
financières, moyens techniques et humains), à l'affirmation du
principe de délégation de compétences, et, à
l'application au niveau local du principe de subsidiarité.
En deuxième lieu, il convient de poursuivre les réformes dans
quatre directions :
- l'affirmation de la commune comme pierre angulaire de la
décentralisation.
- un nouvel essor de I'intercommunalité, par une simplification des
différents statuts et un renforcement des incitations pour que la
majeure partie du territoire soit couverte par une intercommunalité de
projet et/ou de gestion. Enfin, l'encouragement à
l'intercommunalité passe également par une réforme du
Coefficient d'Intégration Fiscale.
- le renforcement des régions, notamment par la mise en place de
nouveaux mécanismes de péréquation comme les fonds de
solidarité régionaux, par la négociation et la gestion
directe des fonds structurels européens, en étant attentif
à ce que l'organisation administrative de la France évite
cependant la tentation de l'Europe fédérale des régions,
qui signifierait la fin de l'Etat et de la Nation française.
- le recentrage du département en faisant de ce dernier le partenaire
des communes et des structures intercommunales pour l'action sociale et les
services de proximité.
2. Un nouvel essor de la démocratie locale
Quel que soient les critiques plus ou moins orchestrées, la
décentralisation a été génératrice de
progrès pour la démocratie locale. Les élus doivent
être conscients que beaucoup reste à faire et qu'on ne peut plus
se contenter de rendre compte tous les 5 ou 6 ans de son mandat. Le contact
avec les citoyens doit être permanent, par des structures adaptées.
3. une profonde rénovation des finances locales pour assurer une plus
grande clarté, plus de justice, une réelle solidarité et
contribuer à un développement solidaire des territoires
En premier lieu, il est indispensable de clarifier et stabiliser les relations
financières entre l'Etat et les collectivités locales.
Cela implique l'amélioration de la connaissance, la présentation
et la classification des données financières et des flux
financiers entre l'Etat et les collectivités locales.
Ce souci de transparence doit s'accompagner d'une volonté de
stabilité. Une bonne gestion exige en effet que celles-ci puissent
s'engager durablement, notamment dans le cadre de programmes d'investissements
pluriannuels. Elles doivent donc être assurées de leurs
ressources. En conséquence, les concours de l'Etat ne doivent plus
être soumis aux aléas de la politique budgétaire, et les
règles d'indexation et d'attribution des dotations doivent être
pérennisées sous une forme simple et durable. Cela concerne
notamment la Dotation Globale de Fonctionnement et le FCTVA. Par ailleurs, il
convient de définir les modalités d'un véritable
partenariat, d'identifier clairement les autorités responsables des
décisions fiscales et des choix d'investissements.
Enfin, il convient de faire respecter un principe clair : s'il y a transfert de
compétences, il doit y avoir transfert des ressources correspondantes.
C'est une condition de l'existence de relations saines entre l'Etat et les
collectivités locales.
En second lieu, la réforme de la fiscalité locale est un enjeu
majeur si l'on veut poursuivre la décentralisation
Les impôts locaux sont à la fois injustes et archaïques. En
effet, une profonde inégalité subsiste entre les ressources
fiscales des collectivités locales, les prélèvements ne
sont pas répartis équitablement entre les contribuables, que ce
soient les ménages ou les entreprises, les assiettes sont
inadaptées et, dans le cas de la taxe professionnelle, pénalisent
l'emploi et l'investissement.
Les lignes directrices de cette indispensable réforme, découlent
de ce constat. Les impôts locaux doivent être plus justes, plus
simples, plus clairs. Il faut moderniser les assiettes des impôts afin
d'améliorer la justice fiscale et l'efficacité pour l'emploi, ce
qui passe en tout premier lieu par l'application de la révision des
valeurs locatives. En outre, il faudra accroître les mécanismes de
péréquation afin de rééquilibrer les ressources des
différentes collectivités et les charges des contribuables. Dans
ce cadre, la réforme de la taxe professionnelle apparaît comme
prioritaire puisqu'elle est de loin la principale responsable des écarts
de ressources entre collectivités locales. Cependant, il serait
effectivement dommageable de transférer l'impôt local en
impôt national et, la liberté de vote de l'impôt en une
dotation.
Toutefois, dans ce domaine comme dans d'autres, entre les déclarations
et les actes, la majorité n'est pas exempte de contradictions. Depuis
1993, la politique suivie a consisté à réduire les
concours de l'Etat aux collectivités, ce qui a accru l'effet de ciseaux
subi entre des recettes malmenées et des dépenses qui augmentent,
ce qui oblige les élus locaux à de fortes hausses de la
fiscalité locale directe et à réduire de plus en plus
leurs dépenses d'équipement.
Si nos collectivités locales doivent participer à l'effort de
maîtrise des déficits publics, la rigueur qui leur est
imposée depuis 1993 n'est pas justifiée. En effet, les
collectivités locales ne sont aucunement responsables de la
dégradation des finances publiques puisque leur besoin de financement et
leur endettement sont largement maîtrisés, ce qui n'est pas le cas
de l'Etat.
Par ailleurs, priver nos collectivités locales des moyens financiers
nécessaires, élever jusqu'à l'insupportable les
impôts locaux, apparaissent comme un non sens économique, une
erreur grave, une remise en cause de la décentralisation. Nos
collectivités locales contribuent à la création de la
richesse nationale, assurent des missions essentielles d'équilibre
social et sont au coeur de la lutte pour l'emploi, du développement
équilibré du territoire, de la protection de l'environnement.
La politique suivie par les gouvernements successifs depuis 1993, si elle
devait se poursuivre, risquerait en réalité de remettre en cause
les acquis de la décentralisation.
1
Les deux premières missions
d'information sur la décentralisation, présidées par M.
Daniel HOEFFEL, dont le rapporteur était M. Christian PONCELET, ont
abouti à la publication des rapports n° 490 du 12 juillet 1983 et
n° 177 du 19 décembre 1984. La troisième mission
d'information sur le même thème, dont le président
était M. Charles PASQUA et le rapporteur M. Daniel HOEFFEL, a conduit
à la publication du rapport n° 248 du 27 mars 1991. La mission
d'information sur l'avenir de l'espace rural français,
présidée par M. Jean FRANÇOIS-PONCET et dont les
rapporteurs étaient MM. Hubert HAENEL, Jean HUCHON et Roland du LUART, a
établi le rapport n° 249 du 27 mars 1991. La mission d'information
sur l'aménagement du territoire, présidée par M. Jean
François-PONCET et dont les rapporteurs étaient MM. Gérard
LARCHER, Jean HUCHON, Roland du LUART et Louis PERREIN a publié le
rapport n° 343 du 13 avril 1994.
2
" Démocratie locale et responsabilité ",
rapport (n° 328 du 7 juin 1995) établi par M. Pierre FAUCHON, au
nom du Groupe de travail présidé par M. Jean-Paul DELEVOYE;
" Elections régionales: pour le maintien de la proportionnelle dans
le cadre départemental en 1998 ", rapport (n° 382 du 28 mai
1996) établi par M. Paul GIROD, au nom du Groupe de travail
présidé par M. Lucien LANIER.
3
La commision d'enquête, présidée par M.Hubert
HAENEL et dont le rapporteur était M. Claude BELOT a établi le
rapport n° 335, 1992-1993, du 3 juin 1993.
4
" Régions, SNCF : vers un renouveau du service
public ", mars 1994.
5
Recommandations pour l'action: transports, destination 2002. Le
débat national. Rapport au ministre de l'Equipement, 21 juillet 1992.
6
Poursuivre la décentralisation: Réflexions sur le
bilan et les perspectives de la décentralisation, éditions
Pouvoirs locaux, 3è trimestre 1994.
7
Année 1995, n° 3.
8
Action sociale, la décentralisation face à la crise,
Odas éditeur, 1996.
9
on reviendra sur ce point au 4 de la présente section
10
n° 86 (1996-1997) tome III, annexe n° 29, p.
25 à 27.
11
non compris " les travaux correspondants aux extensions
de
réseaux en zones déjà urbanisées, les traitements
poussés hors zones sensibles, le traitement des eaux de temps de pluie
et les traitements non liés directement à l'amélioration
de la filière " eau " des stations (traitement des boues,
désodorisation)... "
12
n°248 (1990-1991)
13
n° 229 (1996-1997).
14
n° 328 (1994-1995) p. 43.
15
Cf la décision de la Commission européenne
reproduite dans le rapport, fait par M. Gérard LARCHER au nom de la
Commission spéciale qui, sous la présidence de M. Jean-Pierre
Fourcade, a été chargée d'examiner le projet de loi
relatif à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville (n°
1, 1996-1997, Tome II).
16
Ce chiffre atteignait 287 045 milliards de francs au 31
décembre 1993.
17
Au 31 décembre 1993, l'encours s'élevait
respectivement à 149 069 milliards de francs pour les
départements, à 137 017 milliards de francs pour les communes et
à 959 millions de francs pour les régions.
18
cf. art. 59 de la loi n°96-1093 du 16 décembre 1996
19
cf. art. 70 de la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996
20
n°191 (1996-1997)
21
Onze désormais avec la communauté urbaine
d'Alençon créée à la fin de l'année 1996.
22
217 nouveaux groupements à fiscalité propre ont
été créés en 1996, concernant 3,1 millions
d'habitants.
23
Pour 1997, le montant de la DGF des groupements réparti
par le comité des finances locales s'élève à 4,835
milliards de francs hors garantie, dont le montant prévisionnel
représente 183 millions de francs.
24
Chiffres qui ont servi de base à la répartition de
la DGF pour 1997.