2. La recherche de véritables complémentarités entre les collectivités locales
a) Eviter les " faux débats "
Conscient de la nécessité de rechercher des complémentarités entre les collectivités locales, le groupe de travail a jugé nécessaire d'écarter au préalable les " faux débats " qui, se fondant sur un supposé modèle européen d'organisation territoriale, aurait pour objet de réduire la singularité française.
1.- Le nombre de communes
Ainsi en est-il tout d'abord du
nombre de communes
,
trop souvent perçu comme un handicap. Or, si l'existence de
36 000
communes constitue une véritable
originalité de notre organisation institutionnelle, elle n'est pas
nécessairement une faiblesse au regard des expériences
menées dans les autres Etats européens.
Lors de son audition par le groupe de travail, M. Gérard Marcou,
professeur agrégé de droit public à l'Université de
Lille I,
a souligné que les Etats de l'Union européenne
qui avaient mis en oeuvre une réforme territoriale cherchaient
désormais à rapprocher l'administration des citoyens soit par des
formules de démocratie directe (Allemagne), soit par la participation
des citoyens à la gestion des services (Suède et Danemark) ou
encore par la création de comités de quartiers (les nouvelles
paroisses en Angleterre).
Dès lors qu'elle se concilie avec le développement d'une
intercommunalité de projet orientée vers le développement
des territoires, la diversité communale caractérisée par
l'existence de
36 000
communes permet d'assurer cette relation
nécessaire de proximité et d'assurer un bon maillage du
territoire. Elle permet de prendre en compte l'
espace
dans
l'organisation institutionnelle.
2.- Le nombre de niveaux d'administration locale
Le
nombre de niveaux
d'administration locale que
compte
la France n'est pas, pour sa part, un signe distinctif de son organisation
territoriale par rapport à celle de ses voisins européens.
M. Gérard Marcou
a ainsi indiqué qu'en
général, les Etats de l'Union européenne comptaient
trois
niveaux d'administration locale.
Relevant que la région était souvent présentée
comme correspondant à une nouvelle " norme " à
l'échelle européenne, M. Gérard Marcou a fait valoir qu'il
n'existait pas de conception unique de la région mais plus simplement
une tendance à la régionalisation, les évolutions
fonctionnelles éventuelles du niveau intermédiaire ne devant pas
nécessairement s'opérer dans un cadre géographique ou
institutionnel prédéterminé.
M. Gérard Marcou a également fait observer que si le
modèle français de décentralisation régionale dans
un Etat unitaire était actuellement un peu isolé, les
réformes envisagées au Portugal, dans la République
Tchèque, en Slovaquie ou encore en Pologne se rapprochaient de ce
modèle. Il a, par ailleurs, indiqué que dans les Etats où
la régionalisation avait eu une finalité politique, l'autonomie
communale n'avait pas pas nécessairement été
favorisée.
3.- La " clause générale " de compétences
La "
clause générale
" de
compétences -réaffirmée par les lois de
décentralisation- n'apparaît pas plus comme une véritable
originalité de la France en Europe.
M. Gérard Marcou a ainsi souligné que tous les Etats
européens, à l'exception du Royaume-Uni, avaient adopté
une " clause générale " de compétences qui
reconnaissait aux collectivités locales une liberté
d'intervention sur leur territoire. Il a précisé que cette
liberté avait été consacrée par la Charte de
l'autonomie communale adoptée par le Conseil de l'Europe en 1985.
4.- La répartition des compétences
Enfin, les difficultés nées de la
répartition des compétences
entre les différents
niveaux d'administration locale sont communes aux différents Etats
européens.
M. Gérard Marcou
a souligné qu'aucun de ces Etats n'avait
procédé à une répartition méthodique des
compétences et relevé que les problèmes de
" chevauchement " rencontrés en France s'observaient de la
même manière dans les autres Etats, justifiant en
conséquence la mise en oeuvre de procédures destinées
à organiser les relations entre les différents échelons.
Le groupe de travail relève le
pragmatisme
qui caractérise
l'organisation territoriale des Etats européens ainsi que l'absence de
région européenne type sur laquelle devrait nécessairement
s'aligner les régions françaises.
Ce
pragmatisme
paraît devoir guider les réflexions sur les
moyens d'assurer une plus grande complémentarité entre les
différents niveaux d'administration locale. Les financements
croisés, souvent dénoncés, sont notamment souvent la seule
réponse aux problèmes concrets de gestion publique.
Le groupe de travail considère -ainsi que l'a fait valoir M. Pierre
Rémy Houssin au nom de l'Assemblée des présidents de
conseils généraux (APCG)- que l'idée de
blocs de
compétences
ne paraît devoir être remise en cause
même si des ajustements sont toujours possibles et, dans certains cas,
souhaitables.
Comme l'a suggéré M. Pierre Rémy Houssin, ces ajustements
pourraient résulter d'une expertise technique réalisée par
groupes de compétences.
Le problème essentiel auquel sont confrontées les
collectivités locales, en particulier les communes, est moins d'ailleurs
le problème du transfert de compétences au sens juridique du
terme que celui de la diffusion de plus en plus lourde des
responsabilités sans interrogation préalable sur les moyens de
les exercer et sur le coût qu'elles peuvent engendrer. L'idée de
blocs de responsabilité
, ainsi que l'a suggéré M.
Pierre-Rémy Houssin au nom de l'APCG, paraît ainsi mieux rendre
compte de la réalité vécue par les élus locaux.
Elle répond d'ailleurs à la notion de
vocation naturelle
que les blocs de compétences ont cherché à encourager.
M. René Garrec, au nom de l'Association des présidents de
conseils régionaux, a également privilégié une
approche pragmatique en présentant au groupe de travail des propositions
concernant les compétences régionales par grand domaine
d'intervention.
Lors de son audition, M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de
la réforme de l'Etat et de la décentralisation, a de même
considéré que plutôt qu'un grand débat qui
conduirait à des blocages, il serait plus opportun de mettre de l'ordre
dans l'exercice des compétences à partir d'une approche
thématique.
Ainsi que le groupe de travail l'a relevé dès l'origine de ses
réflexions, le ministre a jugé que le domaine de l'action
économique devait constituer une priorité dans la recherche d'une
clarification.
Jugeant nécessaire d'éviter ces " faux débats ",
le groupe de travail ne s'en est pas moins interrogé sur les
perspectives de notre organisation territoriale à l'aube du prochain
siècle.