V. BUDGET DES COMMUNAUTÉS
Proposition E 586
Com (95) 690 final
(Réunion de la délégation du 28 mai 1996)
Présentation du texte par M. Jacques Oudin :
Cette proposition de règlement vise à établir des
dispositions générales supplémentaires au sens de
l'article 10 du règlement n° 2988/95 du Conseil relatif à la
protection des intérêts financiers des Communautés
européennes. Il tend à autoriser les agents de la Commission
à effectuer des contrôles auprès des autorités
publiques centrales, régionales et locales des Etats membres, ainsi
qu'auprès des opérateurs économiques, afin de constater
les fraudes au budget communautaire.
Le texte actuel de la proposition de règlement, tel qu'il résulte
du compromis établi par la Présidence, est profondément
différent de celui qui a été transmis au Parlement le 20
février 1996. Il doit prochainement être examiné par le
COREPER et semble pouvoir recueillir l'accord de la plupart des
délégations. Par rapport au texte d'origine, cette version
comporte de nombreuses dispositions qui ont été introduites pour
protéger les droits des Etats et restreindre l'intrusion des agents de
la Commission dans le fonctionnement de la justice pénale des Etats.
Ces dispositions stipulent que :
- le règlement n'affecte pas les dispositions du droit pénal
(articles 1 et 2) ;
- le règlement laisse intacte la possibilité et la
responsabilité principale pour les Etats membres d'effectuer
eux-mêmes des contrôles ;
- l'établissement des rapports par les contrôleurs de la
commission est soumis aux exigences de procédure prévues par la
loi nationale de l'Etat membre concerné.
Ces précautions n'ont pas exclu pour autant tout risque de dérive
de la pratique dans le sens de la communautarisation du droit pénal des
Etats membres. Les principales réserves qui pourraient être
formulées sur ce texte portent sur :
- la notion de " niveau de protection équivalent ", qui est
de
portée politique, mais ne constitue pas un critère objectif
pouvant être inséré dans un texte législatif ayant
des effets directs dans le droit national ;
- la demande de la Commission, pour ses contrôleurs, d'avoir accès
aux informations obtenues par les contrôleurs nationaux lors
d'enquêtes judiciaires ;
- l'assimilation des contrôleurs de la Commission -qui peuvent être
également des experts nationaux détachés auprès de
la Commission, ou des agents temporaires, voire même des personnes
extérieures appartenant " à des organismes
extérieurs "- aux contrôleurs nationaux.
J'insiste sur le fait que la Commission pourrait ainsi recourir à des
organismes privés (cabinets d'audit par exemple) pour procéder,
sous sa responsabilité, aux contrôles. Cette disposition
aboutirait à déléguer à des personnes
privées des prérogatives de puissance publique tout en
créant un risque de dispersion des informations recueillies dans le
cadre des contrôles en cas de non-respect du secret professionnel.
Par ailleurs, je vous précise que M. Pierre Joxe, Président
de la Cour des Comptes, entendu par la délégation de
l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, le 16 avril
1996, a estimé que ce texte risquerait de porter atteinte au bon
fonctionnement des contrôles nationaux et pourrait, en cas d'adoption,
entraîner des transformations significatives de notre système
juridique.
Aussi, je vous propose que notre délégation adopte des
conclusions attirant l'attention du Gouvernement sur ces aspects.
En réponse à une question de
M. Paul Masson
,
M. Jacques
Oudin
a indiqué que la Communauté pouvait édicter des
sanctions administratives pour réprimer les fraudes, mais qu'elle ne
pouvait intervenir dans le domaine pénal.
Un débat s'est alors engagé sur le niveau où devait
principalement s'exercer le contrôle.
M. Paul Loridant
a suggéré que le texte des conclusions
mentionne la nécessité de respecter le principe de
subsidiarité ; il a ajouté qu'il fallait examiner si le
contrôle est plus efficace lorsqu'il est exercé par les organes
nationaux qui connaissent le terrain ou par un organe communautaire.
M. Jacques Genton
a fait valoir qu'il fallait en l'occurrence concilier
le principe de subsidiarité et la nécessité d'assurer un
contrôle effectif et efficace dans tous les Etats membres.
M. Yves Guéna
a rappelé que M. Pierre Joxe, premier
Président de la Cour des Comptes, avait estimé que
l'amélioration du contrôle communautaire ne devait pas être
réalisée au détriment des mécanismes internes de
contrôle et qu'il serait paradoxal que la Cour des Comptes
française, indépendante vis-à-vis des institutions
nationales, puisse recevoir des instructions émanant des institutions
communautaires. Il a ajouté que l'Etat dans lequel une fraude serait
détectée devrait être invité à agir avec ses
propres moyens de contrôle.
M. Ambroise Dupont
a indiqué qu'il fallait cependant
prévoir la possibilité d'un contrôle communautaire
lorsqu'il y a carence du contrôle national.
Ces observations ayant été introduites dans le projet de
conclusions,
la délégation a alors procédé
à l'adoption des conclusions proposées par M. Jacques Oudin,
sur la proposition E 586
(voir texte ci-après).
CONCLUSIONS ADOPTEES PAR LA DELEGATION
La délégation du Sénat pour l'Union
européenne,
Considérant que la proposition E 586 s'inscrit dans le contexte du
renforcement de la lutte contre la fraude au budget communautaire et qu'elle
tend à autoriser les agents de la Commission à effectuer des
contrôles sur place en vue de constater les irrégularités
portant atteinte aux intérêts financiers des Communautés ;
Considérant que cette proposition fait suite à l'adoption, le
18 décembre dernier, du règlement n° 2988/95 relatif
à la protection des intérêts financiers de la
Communauté ;
Considérant que ce texte, qui définit la notion
d'irrégularité susceptible d'être sanctionnée et qui
prévoit les sanctions administratives applicables, dispose que
" des dispositions générales supplémentaires
relatives aux contrôles et aux vérifications sur place seront
adoptées ultérieurement selon les procédures
prévues à l'article 235 du traité C.E. et à
l'article 203 du traité CECA. " ;
Estime souhaitable l'adoption d'un texte renforçant les
contrôles et souligne que l'harmonisation des sanctions
réalisée par le règlement n° 2988/95 est
indissociable de l'harmonisation des contrôles ;
Considérant que cette proposition règle les pouvoirs et les
obligations des contrôleurs de la Commission, ainsi que les moyens dont
ils disposent pour effectuer sur place les contrôles dans le cadre d'une
enquête anti-fraude ;
Considérant que ces contrôles peuvent être exercés
auprès des autorités publiques centrales, régionales et
locales, ainsi que des opérateurs économiques ; qu'ils ne peuvent
être effectués qu'après information des autorités de
l'Etat membre concerné, dont les agents peuvent s'associer aux
opérations de contrôle.
Considérant que les contrôleurs de la Commission disposent d'un
droit à l'information très étendu, puisqu'ils ont
accès à toutes les informations relatives aux opérations
faisant l'objet du contrôle, y compris celles recueillies par les
contrôleurs nationaux et celles obtenues lors d'enquêtes
judiciaires et que ce droit paraît excessif ;
Estime que les contrôles doivent principalement rester de la
compétence des Etats membres et que les pouvoirs des contrôleurs
de la Commission doivent être encadrés ;
Considérant que la Commission pourrait recourir à des organismes
privés (cabinets d'audit par exemple) pour procéder, sous sa
responsabilité, aux contrôles ; que cette disposition aboutit
à déléguer à des personnes privées des
prérogatives de puissance publique pouvant déboucher sur des
sanctions judiciaires ; que cette possibilité pourrait créer de
plus un risque sérieux de dispersion des informations recueillies dans
le cadre des contrôles, en cas de non-respect du secret professionnel par
les organismes privés concernés ;
Demande au Gouvernement de s'opposer à la possibilité, pour la
Commission, de recourir, à des fins d'assistance technique, à des
organismes extérieurs agissant sous sa responsabilité.
Considérant que les cas d'irrégularités et de gaspillage
communiqués formellement par les Etats membres sont passés de
2.146 en 1992 à 4.758 en 1995 ; mais que dans le même temps
les services de contrôles nationaux ont été réduits
dans leurs missions, que les contrôles douaniers portuaires sont souvent
insuffisants et que les sanctions ne sont généralement pas
appliquées aux Etats fautifs ;
Demande au Gouvernement de vouloir bien proposer au Conseil des ministres de
l'Union européenne :
- d'écarter, dans le respect du principe de subsidiarité, la
perspective de mener un jour la totalité des enquêtes au niveau
européen et de ne privilégier le recours au contrôle
communautaire que dans les cas où le système national de
contrôle est inopérant ;
- de rétablir et de renforcer les services de contrôles existants
dans les Etats-membres ;
- de coordonner, sur le plan intergouvernemental et dans le cadre du
troisième pilier du traité sur l'Union européenne,
l'action de ces services de contrôle nationaux grâce à un
renforcement du secrétariat général du Conseil.
Proposition E 628
Sec (96) 492 final
(Réunion de la délégation du 29 mai 1996)
Présentation par M. Denis Badré d'une
proposition de résolution :
La proposition de révision des perspectives financières
présentée par la Commission européenne, le 29 mars 1996,
au Parlement européen et au Conseil, en application des paragraphes 11
et 12 (
1(
*
)
) de l'accord
interinstitutionnel du 29 octobre 1993 sur la discipline budgétaire
et l'amélioration de la procédure budgétaire a
été transmise au Parlement français, au titre de l'article
88-4 de la Constitution, le 9 mai 1996.
Cette proposition appelle deux types de remarques.
I. SUR LA PROCEDURE
Le Conseil Européen d'Edimbourg de décembre 1992 avait
arrêté des perspectives financières qui déterminent,
sur la période 1993-1999, les plafonds annuels de crédits pour
chaque rubrique du budget communautaire ; ces perspectives sont
également plus communément appelées " Paquet Delors
II ".
A. l'Accord interinstitutionnel sur la discipline budgétaire et
l'amélioration de la procédure budgétaire du 29 octobre
1993 n'avait pas été transmis au Parlement français au
titre de l'article 88-4 de la Constitution
Après une année de négociations difficiles entre le
Conseil des ministres de la Communauté, la Commission et le Parlement
européen, en raison notamment des exigences de ce dernier, les
perspectives financières avaient été finalement
consignées dans un acte communautaire qu'on pourrait appeler " acte
innommé ", pour reprendre une expression du Conseil d'Etat ;
cet acte est l'accord interinstitutionnel sur la discipline budgétaire
et l'amélioration de la procédure budgétaire du 29 octobre
1993.
A l'époque, cet accord n'avait pas été transmis au
Parlement au titre de l'article 88-4. Le Conseil d'Etat avait en effet
estimé que les accords interinstitutionnels, non prévus par le
traité de Rome, n'appartenaient pas à la catégorie des
actes communautaires stricto sensu de l'article 88-4 de la constitution.
Le Président Jacques Genton, dans son rapport du 13 avril 1994 sur
l'application de l'article 88-4 de la Constitution, avait souligné que
cet accord n'était pas anodin, puisque, outre la traduction des
perspectives financières arrêtées par le Conseil
européen à Edimbourg, il reconnaissait pour la première
fois, au Parlement européen, le pouvoir d'émettre un avis sur les
dépenses obligatoires (agriculture et administration), alors que
jusqu'alors les discussions entre les Etats membres et le Parlement
européen se limitaient aux dépenses non obligatoires (politiques
liées au fonctionnement du marché intérieur et
dépenses de politique extérieure) pour lesquelles les deux
institutions se partagent la décision.
Le Président Genton soulignait encore qu'on pourrait comprendre que le
Parlement français ne soit pas saisi de ces accords et
déclarations s'ils n'avaient qu'une valeur déclaratoire
dépourvue de toute portée juridique. Mais la Cour de justice
s'est plusieurs fois appuyée sur de tels accords pour rendre des
décisions dès l'instant où ces accords peuvent, " si
les obligations qui en découlent sont suffisamment précises et
inconditionnelles, être élevés au rang d'actes
destinés à appliquer le traité et rendre susceptibles
d'annulation les dispositions dérivées qui leur sont
contraires ", selon les conclusions d'un avocat général dans
une affaire où était évoquée une déclaration
commune des trois institutions communautaires.
Ces actes établissent donc des normes qui s'imposent aux institutions
communautaires.
Elles correspondent, dans l'esprit des institutions
européennes, aux lois organiques françaises.
B. Le Conseil d'Etat a estimé que la proposition de révision
des perspectives financières doit être regardée comme
étant une proposition d'acte communautaire au sens de l'article 88-4 de
la Constitution
A la différence de ce qui s'est passé en 1993, le Conseil d'Etat,
cette fois-ci, a estimé qu'il y avait lieu de saisir le Parlement
français.
Son avis est le suivant :
" En tant que proposition de décision conjointe du Conseil de
l'Union Européenne et du Parlement européen prise selon la
procédure de l'article 189 B du Traité de l'Union
européenne, la proposition de révision des perspectives
financières doit être regardée comme étant une
proposition d'acte communautaire au sens de l'article 88-4 de la Constitution.
" Dès lors que les montants pluriannuels prévus par le
programme-cadre arrêtés selon la procédure de
codécision de l'article 189 B du traité de l'Union
européenne par application des dispositions de l'article 130 I du
même Traité doivent, pour être révisés, suivre
la même procédure en application des § 11 et 12 de l'accord
interinstitutionnel du 29 octobre 1993, et être inscrits dans
l'avant-projet de budget que la Commission est chargée d'établir
en application de l'article 203 du Traité, lesdites révisions des
perspectives financières dont les montants sont définis, sont de
nature législative : elles peuvent être assimilées en droit
interne à une loi de programme dont les autorisations de programme sont,
en vertu de l'article 33 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, en principe
inscrits dans la partie " services votés " du projet de loi
de
finances ".
La Délégation ne peut que se réjouir de cette transmission
qui ouvre pour la première fois la possibilité au Sénat
d'envisager un débat public, grâce aux dispositions de l'article
73 bis du règlement, sur les perspectives financières de l'Union
européenne.
II. SUR LE FOND
Pour l'ensemble de la période (1993-1999), l'accord interinstitutionnel
a prévu que les crédits d'engagement progressent de 25,6 %
(de 69,2 à 86,9 milliards d'Ecus).
Les perspectives financières, qui ont été adaptées
en avril 1995 pour tenir compte de l'élargissement à quinze
Etats-membres, ont accru sensiblement les crédits affectés aux
dépenses de cohésion économique et sociale ; ce
renforcement se traduit par une augmentation très forte des dotations
prévisionnelles pour les actions structurelles (+ 45,4 % sur la
période). La progression des crédits pour les politiques externes
est également significative (+ 50,7 %). La ligne directrice agricole
progresse peu sur la période (+ 11,6 %). Les dépenses
administratives progressent de 24,8 %.
Pour assurer le financement de ces dépenses, le Conseil européen
d'Edimbourg a également pris une nouvelle décision sur les
ressources propres. Celle-ci prévoit que le montant total des ressources
attribuées aux Communautés est graduellement relevé,
chaque année, de 0,01 à 0,02 points de PNB de 1995 à
1999. Les plafonds de ressources propres exprimés en pourcentage du PNB
communautaire passent ainsi de 1,20 % en 1994 à 1,27 % en
1999.
La nouvelle décision a été adoptée par le Conseil
le 31 octobre 1994. Mais elle n'est pas encore entrée en vigueur, un
Etat membre - les Pays-Bas - n'ayant pas encore procédé à
sa ratification. Le processus budgétaire reste donc provisoirement
placé sous le régime de la précédente
décision sur les " ressources propres " du 24 juin 1988, qui
limite à 1,2 % du PNB le plafond de ces ressources.
A. La Commission propose de renforcer des politiques communautaires
La présente proposition vise, pour l'essentiel, à permettre le
renforcement des politiques communautaires dans les domaines des réseaux
transeuropéens de transport et de la recherche. Les autres besoins pris
en compte concernent le refinancement des fonds structurels, des actions
extérieures et des dépenses administratives.
De façon plus précise, ces mouvements de dépenses
concernent :
- la reconstitution de la réserve financière de la Commission
pour les initiatives communautaires (100 millions d'Ecus) sur laquelle avait
été financé le programme de soutien au processus de paix
en Irlande (d'un montant total de 300 millions d'Ecus) ;
- le financement d'une aide financière exceptionnelle à la
Géorgie, à l'Arménie et au Tadjikistan (170 millions
d'Ecus), ainsi que d'une aide alimentaire aux pays du Caucase et de l'Asie
centrale (65 millions d'Ecus en 1996, 70 millions d'Ecus en 1997 et 50
millions d'Ecus par an en 1998 et 1999) ;
- le financement du programme immobilier et des besoins en effectifs des
institutions après l'élargissement de l'Union à
l'Autriche, la Finlande et la Suède (relèvement du plafond de la
rubrique de 57 millions d'Ecus en 1998 et de 66 millions en 1999) ;
- le relèvement de la dotation pour les aides d'urgence
(+ 129 millions d'Ecus) ;
- le renforcement des financements pour les réseaux
transeuropéens (+ 1 milliard d'Ecus) ;
- l'affectation d'une dotation supplémentaire (+ 700 millions d'Ecus) au
4ème programme cadre de recherche et développement technologique
RDT (1997 et 1998) ;
- l'affectation d'une dotation supplémentaire (140 millions d'Ecus) pour
des actions complémentaires en faveur des P.M.E. (3ème programme
cadre 1997-2000).
B. La Commission présente sa proposition comme apparemment
équilibrée et financièrement neutre pour les Etats
La proposition de la Commission s'appuie sur l'idée que les marges de
crédits disponibles sous-plafond, dans les perspectives
financières, peuvent être récupérées au
profit de dépenses non-obligatoires sous d'autres rubriques. Cette
position, qui serait à la rigueur acceptable pour des dépenses
obligatoires, ne peut être retenue pour des dépenses
non-obligatoires ; à l'heure où s'impose la
nécessité de réduire les déficits publics,
la
seule attitude possible consiste à diminuer les contributions nationales
plutôt qu'à réorienter les crédits disponibles sous
plafond vers d'autres dépenses communautaires.
Lors de l'examen de l'article 30 du projet de loi de finances pour 1996 relatif
à l'évaluation de la participation française au budget des
Communautés européennes, j'ai déjà eu l'occasion de
souligner que la forte progression des dépenses non obligatoires
" démontre l'absence d'une volonté de maîtrise de la
dépense européenne par l'adaptation du niveau des dépenses
non obligatoires aux contraintes budgétaires des Etats ".
La Commission propose de dégager 2,7 milliards d'Ecus de
crédits d'engagement correspondant aux dépenses de son projet en
opérant, dans les perspectives financières, une reclassification
des dépenses
agricoles au profit des dépenses des fonds
structurels, des actions extérieures et des dépenses
administratives, sans relèvement du plafond des perspectives
financières, ni augmentation des crédits de paiement.
Cette reclassification des dépenses s'opérerait par :
- un transfert progressif vers la rubrique I (FEOGA-Garantie), à hauteur
de 2, 1 milliards d'Ecus, des crédits en faveur de l'agriculture
actuellement inscrits au titre des actions structurelles (FEOGA-Orientation,
actions de l'objectif 5a) et des politiques internes. Ce transfert sous la
ligne directrice agricole (LDA) serait justifié, selon la Commission,
par la sous-consommation des crédits qui la composent ;
- une réduction d'un montant équivalent des crédits
nécessaires au titre des politiques structurelles et internes et
l'affection de la marge aux besoins nouveaux ;
- des redéploiements internes supplémentaires à hauteur de
0,6 milliards d'Ecus.
La proposition n'est neutre financièrement qu'en apparence.
En effet, du fait de l'annulation des économies possibles dans la ligne
budgétaire agricole, la révision coûterait en
réalité 1,8 milliards d'Ecus aux quinze Etats membres sur la
période 1996-1999.
Pour la France, le coût
supplémentaire de cette proposition serait de l'ordre de 2,1 milliards
de francs
(environ 1,6 milliards d'Ecus de crédits de paiement
supplémentaires jusqu'en 1999).
La France et plusieurs autres Etats membres (Allemagne, Royaume-Uni, Pays-Bas,
Suède, Autriche, Espagne), qui réunissent largement la
minorité de blocage, ont manifesté leur hostilité à
cette révision des perspectives financières proposée par
la Commission à un moment où les Etats sont déjà
engagés dans des programmes d'assainissement budgétaire
drastiques. Ces Etats estiment que la rigueur budgétaire qu'ils
s'imposent actuellement devrait logiquement conduire la Commission à
adopter le même comportement en matière de budget européen.
C. Les demandes de la Commission ne sont pas justifiées
Les demandes de crédits supplémentaires formulées par la
Commission ne sont pas justifiées.
1. Le financement du complément du 4ème programme-cadre de
recherche est déjà assuré
Le financement du complément du 4ème programme-cadre de recherche
(700 millions d'Ecus) a été envisagé par le Conseil lors
de l'adoption du programme. En outre le fonctionnement actuel du programme est
sujet à caution et son évaluation est insuffisante pour
légitimer son abondement. Il regroupe déjà à lui
seul les deux tiers des crédits de la rubrique des politiques internes ;
mais il n'a été consommé qu'à 77 % en
crédits de paiement en 1995. Si des marges devaient être
dégagées, elles passeraient nécessairement par une
efficacité accrue dans l'utilisation des crédits
déjà affectés.
2. L'aide aux pays du Caucase et d'Asie centrale ne justifie pas la
révision proposée
Au sein des actions extérieures, l'aide aux pays du Caucase et d'Asie
centrale n'est pas prioritaire. Elle passe après la reconstruction de
l'ex-Yougoslavie, l'aide technique aux pays de l'Europe centrale et orientale
et aux pays tiers méditerranéens, voire après l'aide
à l'Afrique du Sud ou à l'Amérique latine. Dans ces
conditions, un relèvement du plafond de la rubrique, ayant en large
partie pour objet de faire un don à ces pays afin de leur permettre
d'honorer les échéances des prêts garantis ou
octroyés par l'Union, ne constitue pas un motif sérieux de
révision des perspectives financières.
3. La reconstitution de la réserve pour les initiatives
communautaires ne s'impose pas dans l'immédiat
La restitution de crédits à la réserve pour les
initiatives communautaires afin d'abonder le programme de soutien au processus
de paix en Irlande du Nord ne s'impose pas; en effet les initiatives
communautaires connaissent un taux d'exécution trop faible (62 % en
engagements et 45 % en paiements en 1995) pour qu'il soit nécessaire de
reconstituer leur réserve.
4. Les mouvements de crédits entre la réserve pour aide
d'urgence et le relèvement du plafond de la rubrique des actions
extérieures ne sont pas acceptables dans leur principe
L'acceptation de cette proposition conduirait à avaliser l'attitude de
la Commission qui considère la réserve d'urgence comme une
dotation de fonctionnement normale. Ainsi, en juin 1995, la Commission avait
présenté une demande de mobilisation de cette réserve sans
faire état des conditions exceptionnelles qui justifiaient cette
demande, mais au motif que sa propre programmation interne ne lui permettait
plus de faire face aux besoins ; étant donné que, par
définition, ces besoins sont infinis, il importe par conséquent
de contraindre la Commission à une meilleur gestion
prévisionnelle de sa dotation normale. La réserve d'urgence n'a
en effet vocation à être mobilisée qu'en cas d'urgence
absolue.
5. Les dépenses immobilières du Parlement européen ne
justifient pas une révision des perspectives financières
Les dépenses immobilières des institutions, en particulier celles
du Parlement européen, ne sauraient justifier une révision des
perspectives financières dans la mesure où, au cours des deux
derniers exercices, le Parlement européen a
récupéré à son profit une part importante de la
marge disponible sous la rubrique 5 (dépenses administratives).
6. La priorité en faveur des réseaux transeuropéens
peut être assurée dans le cadre budgétaire actuel
La priorité en faveur des réseaux transeuropéens, sur
laquelle la France peut rejoindre la Commission, fait déjà
l'objet d'un engagement budgétaire à hauteur de 1,8 milliards
d'Ecus de 1994 à 1999. Aller au-delà ne peut être
significatif dans la mesure où l'engagement communautaire restera
toujours marginal par rapport au coût global des grands travaux
(estimé à moins de 5 % du total). Il ne faut pas oublier non plus
que la Banque Européenne d'Investissement (BEI) a déjà
accordé 16 milliards d'Ecus pour le financement de grands projets de
transport et d'énergie qui sont destinés à renforcer et
développer les infrastructures des réseaux européens.
L'argumentaire de la Commission (effets directs induits par les investissements
et effets indirects ou structurants) n'est pas non plus convainquant, car il ne
porte pas sur les avantages du financement communautaire par rapport au
financement assuré par les Etats. En outre le taux de consommation
actuel des crédits de la rubrique (50 %) est trop faible pour justifier
le relèvement proposé.
La priorité accordée aux réseaux de transport peut
être financée, en tout état de cause, par une meilleur
définition des politiques internes qui se caractérisent
fréquemment par leur dispersion, leur absence de base légale et
un respect douteux du principe de subsidiarité.
D. Le redéploiement proposé sur la ligne agricole
présente de nombreux risques
Du point de vue de la procédure budgétaire, la révision
des perspectives budgétaires par redéploiement de la ligne
directrice agricole créerait un précédent que le Parlement
européen ne manquerait pas d'utiliser. Il pourrait notamment demander
une enveloppe supplémentaire pour l'ex-Yougoslavie, que le Conseil
aurait politiquement du mal à refuser, une fois qu'il aurait
avalisé le principe d'une telle révision.
En outre la proposition de la Commission interfère avec la question de
la qualification des dépenses puisqu'elle reviendrait à
transférer, sous la ligne directrice agricole (qui en principe ne
comporte que des dépenses obligatoires), des dépenses qui sont
considérées comme des dépenses non-obligatoires (et pour
lesquelles le Parlement européen dispose du dernier mot).
Au regard des conséquences budgétaires de l'encéphalite
bovine spongiforme (EBS), l'existence d'une marge budgétaire sous la
rubrique agricole semble souhaitable.
Le budget européen devra en effet faire face à trois types de
dépenses dans les prochains mois :
- les dépenses d'abattage volontaire et de la non-mise sur le
marché des bovins de trente mois au moins (320 millions d'Ecus par an
pendant cinq ans) ;
- les dépenses du programme sélectif et obligatoire d'abattage
des animaux " suspects " pour lesquels il est très difficile
d'établir un coût prévisionnel compte tenu du
caractère fluctuant de la position adoptée par la Grande-Bretagne
;
- les dépenses d'intervention sur le marché au cas où la
consommation de viande bovine serait durablement réduite (le coût
serait de 200 millions d'Ecus pour une baisse de consommation de 100.000
tonnes).
Devant ces incertitudes, il serait donc prudent de maintenir des marges de
disponibilités financières sous la rubrique agricole.
En définitive, la proposition de la Commission ne me semble pas pouvoir
recueillir l'approbation du Sénat. C'est pourquoi je vous propose
d'adopter une proposition de résolution à ce sujet.
Après que
MM. Jacques Genton
et
Yves Guéna
eurent
félicité M. Denis Badré pour la solidité de
son argumentation et exprimé leur accord avec les dispositions de sa
proposition de résolution,
M. Christian
de La Malène
a insisté sur l'importance de la
prochaine révision des perspectives financières qui interviendra
en 1999 et qui devra tenir compte de l'incidence budgétaire du prochain
élargissement. Il serait, selon lui, de mauvaise politique de
procéder actuellement à une révision des perspectives
financières arrêtées par le Conseil européen alors
qu'il faudra très prochainement entreprendre le réexamen de
celles-ci. Et cela d'autant plus que la crise de la viande bovine pourrait
conduire à une réaffectation de crédits sur la ligne
budgétaire agricole en cas d'utilisation des marges actuellement
disponibles.
La délégation a alors unanimement approuvé le
dépôt, par M. Denis Badré, de sa proposition de
résolution sur la proposition d'acte communautaire E 628
(voir
texte ci-après).
PROPOSITION DE RESOLUTION
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu la proposition de révision des perspectives financières
présentée par la Commission au Parlement européen et au
Conseil en application des paragraphes 11 et 12 de l'accord interinstitutionnel
du 29 octobre 1993 sur la discipline budgétaire et l'amélioration
de la procédure budgétaire,
Se réjouit de la transmission au Parlement, au titre de l'article
88-4 de la Constitution, des projets d'accords interinstitutionnels portant sur
la révision des perspectives financières et demande au
Gouvernement que toutes les propositions relatives à des accords
interinstitutionnels soient désormais transmises au Parlement
;
Considérant que la rigueur budgétaire que s'imposent actuellement
les Etats membres devrait conduire la Commission à adopter le même
comportement en matière de budget européen et que la
véritable économie conduirait à diminuer la contribution
des Etats membres plutôt qu'à réorienter les crédits
disponibles sous plafond vers d'autres dépenses communautaires ;
Considérant que la Commission propose, sans relèvement du plafond
des perspectives financières ni augmentation des crédits de
paiement, de dégager 2,7 milliards d'Ecus de crédits
d'engagement ;
Considérant que ces crédits, qui correspondent aux
dépenses entraînées par la proposition de la Commission,
seraient dégagés par une reclassification des dépenses au
sein des perspectives financières, reclassification qui aurait pour
effet d'accroître les crédits disponibles pour les fonds
structurels, les actions extérieures et les dépenses
administratives ;
Considérant que les demandes de la Commission ne sont pas
justifiées :
- le financement du complément du 4ème programme cadre de
recherche est déjà assuré ;
- une modification de l'ordre des priorités d'action dans le domaine de
la politique extérieure de l'Union n'apparaît pas actuellement
justifiée ;
- la reconstitution de la réserve pour les initiatives communautaires ne
s'impose pas dans l'immédiat ;
- les mouvements de crédits entre la réserve pour aide d'urgence
et le relèvement du plafond de la rubrique des actions
extérieures ne sont pas acceptables dans leur principe ;
- les dépenses immobilières du Parlement européen
n'impliquent pas de révision des perspectives financières ;
- la priorité en faveur des réseaux transeuropéens peut
être assurée dans le cadre budgétaire actuel ;
Considérant que le redéploiement proposé sur la ligne
agricole présente de nombreux risques, tant du point de vue de la
procédure budgétaire qu'au regard de l'utilisation
prévisible des crédits de la ligne agricole ;
Considérant notamment que le principe d'un redéploiement des
dépenses obligatoires vers les dépenses non obligatoires ne doit
pas être admis ;
Considérant que la proposition entraînerait du fait de
l'annulation des économies possibles dans la ligne budgétaire
agricole un relèvement de 2,1 milliards de francs de la
contribution française au budget communautaire ;
Demande au Gouvernement de s'opposer fermement à la proposition de
révision des perspectives financières présentée par
la Commission.
Cette proposition de résolution a été
publiée sous le n° 395 (1995-1996).
Elle a été renvoyée à la commission des Finances,
du Contrôle budgétaire et des Comptes économiques de la
Nation.
La commission des Finances, du Contrôle budgétaire et des Comptes
économiques de la Nation a adopté le 18 juin 1996 une
résolution relative à la proposition d'acte communautaire
E 628.
Cette résolution a été adoptée par le Sénat
le 26 juin 1996 et a été publiée sous le
n° 165 (1995-1996).
Proposition E 653
(Réunion de la délégation du 26 juin 1996)
Présentation du texte par M. Jacques
Genton :
Je souhaite évoquer avec vous l'avant-projet de budget rectificatif
et supplémentaire pour 1996 sur lequel le Gouvernement nous a
demandé de nous prononcer en urgence.
Je pense que vous avez pu prendre connaissance des informations que je vous ai
adressées à ce sujet aujourd'hui même.
Le courrier par lequel M. Lamassoure m'a fait parvenir ce texte
budgétaire et par lequel il demande que nous intervenions en urgence est
daté du 20 juin, mais il ne m'est parvenu par télécopie
que le 24 juin. J'étais alors à Rome pour la COSAC et je ne l'ai
donc découvert que ce matin.
Le Conseil devant statuer demain sur ce texte, il m'a semblé que le
mieux était de vous adresser aussitôt l'ensemble des informations
dont je disposais afin que vous puissiez faire connaître votre opinion au
cours de notre réunion de ce soir.
Comme vous avez pu le constater, il s'agit d'un avant-projet de budget
rectificatif et supplémentaire pour 1996, c'est-à-dire d'une
" loi de finances rectificative " pour la Communauté.
En premier lieu, ce texte prend acte des économies
dégagées dans le secteur agricole et prévoit le
financement des dépenses pour le secteur bovin résultant de
l'encéphalopathie spongiforme bovine. La Commission européenne
propose d'inscrire dans le budget 1,278 milliards d'écus
destinés à financer les mesures d'éradication de la
maladie, d'intervention sur les marchés ainsi que de compensation des
pertes de revenus subies par les producteurs.
En second lieu, ce projet contient des modifications de moindre importance de
certaines lignes budgétaires. La Commission européenne propose de
déduire de la contribution britannique les dépenses
résultant du protocole social adopté en même temps que le
traité sur l'Union européenne, dans la mesure où la
Grande-Bretagne ne participe pas aux actions entreprises dans le cadre de ce
protocole. La Commission propose également d'abonder les lignes
budgétaires consacrées aux dépenses administratives du
Conseil et du Parlement européen, notamment pour financer les travaux
immobiliers du Parlement européen.
Enfin, cet avant-projet de budget rectificatif et supplémentaire
contient d'importantes modifications en ce qui concerne les recettes.
Il prend en compte l'entrée en vigueur de la décision du
31 octobre 1994 relative aux ressources propres, en opérant un
nouveau calcul des contributions des Etats membres, sans que le plafond global
des dépenses soit modifié. Ce nouveau calcul est pratiquement
neutre pour notre pays.
En outre, l'avant-projet prend en compte l'excédent du budget de 1995,
qui a atteint 9,2 milliards d'écus ; ce montant sera
remboursé aux Etats membres. Nous ne pouvons que nous réjouir de
ce remboursement des excédents, dans le contexte actuel de lutte contre
les déficits publics. Il est souhaitable que le Parlement
européen, qui dispose de pouvoirs importants en matière
budgétaire, ne remette pas en cause ce remboursement.
Telles sont les grandes orientations de cet avant-projet de budget rectificatif
et supplémentaire, qui devrait faire l'objet d'un accord au Conseil
demain. Si vous en êtes d'accord, je vous propose que nous n'intervenions
pas sur ce texte.
La délégation a alors décidé de ne pas
intervenir sur la proposition E 653.