INTRODUCTION
La période qui s'est ouverte en mars 1993 a été riche en modifications de la fiscalité du logement. Pour la plupart, à l'initiative du Gouvernement. Pour leur plus grande partie, à la satisfaction de votre commission, puisqu'elles se sont globalement orientées vers un traitement plus favorable des accédants à la propriété, propriétaires occupants et propriétaires bailleurs.
Mais ce foisonnement même, souvent désordonné, a démontré le caractère indispensable d'une évaluation préalable des mesures, de façon à se forger sur elles un jugement objectif.
Cette évaluation consiste, avant toute prise de décision, à se poser quatre questions :
1. Combien coûte (ou rapporte, le cas échéant), la mesure aux finances publiques, à comportement inchangé des contribuables ?
2. Quel sera son impact probable sur les comportements ?
3. En conséquence, quelles seront ses retombées sur l'économie du logement et l'économie en général ?
4. Finalement, une fois réalisés les effets de la mesure, quel retour peut-on en attendre pour les finances publiques ?
La complexité et l'instabilité nuisent à l'efficacité de dispositions rendues illisibles, dont on ne sait souvent pas initialement si elles auront une grande utilité. Or, la loi fiscale ne doit pas être un terrain d'expérimentation, mais un socle solide, particulièrement dans le domaine du logement, qui exige toujours des contribuables un effort financier considérable.
Dans le débat, les parlementaires ont bien souvent un rôle de proposition tronqué. Ils ne peuvent démontrer la pertinence de leurs amendements, et l'argument du coût budgétaire leur est opposé comme rédhibitoire. Cela étant, ils voient fréquemment revenir dans des projets de loi, les mesures que le Gouvernement leur avait refusé quelques temps auparavant sous ce motif.
Le sentiment de cette nécessité de l'évaluation, que votre commission a perçu dès la fin de 1993, est désormais largement partagé.
C'est le cas dans le domaine du logement. En décembre 1993, le Conseil économique et social s'est penché sur la question 3 ( * ) . Plus récemment, le Conseil national de l'habitat a effectué un travail d'évaluation d'ordre général sur les aides au logement, et plus particulier sur la fiscalité du parc locatif privé 4 ( * ) .
C'est aussi le cas, plus généralement, de l'ensemble des domaines concernés par les finances publiques. La création, actuellement en cours, d'un office d'évaluation des politiques publiques, participe de cet esprit. Le Président de la République a placé cette exigence au coeur de la décision en ces termes :
"se poser la question de l'efficacité chaque fois que l'on engage l'argent du contribuable" 5 ( * ) .
Votre commission des Finances tente d'apporter sa pierre à cet édifice. En s'appuyant sur les travaux de l'Observatoire foncier et immobilier du Crédit foncier de France 6 ( * ) , elle vous propose une évaluation portant sur la fiscalité du logement locatif privé, qui comporte trois aspects.
Le premier aspect porte sur la comparaison entre le parc locatif public et le parc privé du point de vue des charges publiques. Cette recherche a conduit à l'élaboration d'un modèle développé sur le logiciel Excel 5, dénommé OFICRIL. Ce modèle permet de comparer la rentabilité, après impôt, d'opérations identiques en fonction de leur régime fiscal et de leur type de financement. Il permet également d'évaluer le coût, pour les finances publiques, de chaque opération, sans prétendre toutefois évaluer un coût global.
Le second aspect est relatif au coût pour l'État de cinq dispositifs : la déduction forfaitaire, l'imposition des plus-values, le régime Quilès-
Méhaignerie, l'imputation du déficit foncier sur le revenu global, l'exonération totale ou partielle des droits de succession.
Enfin, le dernier aspect de l'étude porte sur l'impact des mesures fiscales sur les comportements des agents économiques. Malheureusement, l'étude révèle la grande faiblesse des connaissances actuelles dans ce domaine. Il s'agit d'un chantier d'avenir, que votre commission invite à ouvrir. Une meilleure connaissance des effets de la fiscalité sur les comportements est en effet la clé de la connaissance de l'efficacité des dispositifs d'incitation fiscale.
* 3 Évaluation de l'efficacité économique et sociale des aides publiques au logement. Séances des 14 et 15 décembre 1993 - Marcel Lair.
* 4 CSH - Commission n° 1 - L'efficacité économique et sociale des aides au logement -Septembre 1995 - Président : Joseph Niol, rapporteur : Michel Mouillart et CNH - Commission n° 2 - L'investissement locatif privé - septembre 1995 - Présidents : Yves Boussard et Jacques Darron.
* 5 "Le chantier est immense, il est ouvert à tous" - Jacques Chirac "Le Monde" du mardi 7 mai 1996 page 15.
* 6 Le Crédit foncier est probablement l'organisme qui connaît le plus intimement les marchés du logement en France. Comme on le verra dans la suite du rapport, la possession de sources statistiques abondantes est indispensable à l'évaluation.