II. COMPTE RENDU DES ENTRETIENS DE LA DÉLÉGATION AVEC DES PERSONNALITÉS CANADIENNES.
A. LES ASPECTS INSTITUTIONNELS
1. Le point de vue fédéral
a) Entretien avec l'Honorable Stéphane Dion, Président du Conseil privé de la Reine et ministre des affaires intergouvernementales
M. Stéphane Dion, 41 ans, universitaire québécois, nommé ministre des affaires intergouvernementales en janvier 1996.
M. Stéphane Dion a observé que la majorité des Québécois revendiquaient deux identités complémentaires, québécoise et canadienne. Il a souligné que les changements constitutionnels, indispensables à ses yeux, ne pouvaient pas passer par l'octroi d'un statut particulier au Québec en raison de l'opposition des autres provinces. Il convenait donc, d'après lui, d'entreprendre un effort d' « accommodement » aussi important que celui accompli par l'Espagne dans les rapports entre le pouvoir central et les régions.
M. Stéphane Dion a relevé qu'à la suite de l'échec de l'accord du Lac Meech, une majorité de Québécois s'étaient senti rejetée par le reste du Canada. Le ralliement de M. Lucien Bouchard à la cause souverainiste reflète l'évolution des esprits au Québec. Le ministre des affaires intergouvernementales a relevé que M. Bouchard avait su tirer parti du ressentiment provoqué par l'échec des réformes constitutionnelles au moment de la campagne référendaire et obtenir de la sorte l'adhésion de près de 49,4 % des Québécois. Il importait de faire valoir, d'après M. Stéphane Dion, au regard du sentiment de fierté sur lequel M. Lucien Bouchard avait assis son argumentation en faveur de la souveraineté, le sentiment de solidarité qui doit unir les Québécois à la Fédération canadienne.
Le ministre a observé qu'il fallait miser avant tout sur un changement de l'opinion publique et que c'était l'émergence d'un mouvement populaire favorable à la Fédération qu'il convenait désormais de susciter.
Enfin, M. Stéphane Dion a indiqué qu'il allait rapidement faire un certain nombre de propositions institutionnelles portant notamment sur les conditions dans lesquelles un droit de veto constitutionnel pourrait être accordé au Québec.
b) Entretien avec l'Honorable sénateur Gildas Molgat, président du Sénat
M. Gildas Molgat - Né le 25 janvier 1927 à Ste Rose-du-Lac (Manitoba), homme d'affaires de 1948 à 1969, élu pour la première fois à la législature du Manitoba en 1953, nommé au Sénat le 7 octobre 1970 par M. Pierre-Eliott Trudeau, président du Sénat depuis 1974.
M. Gildas Morgat a d'abord évoqué le séjour qu'il venait d'effectuer au Proche-Orient. Il s'est dit notamment étonné par le nombre de jeunes Libanais capables de parler le français sans aucune difficulté.
Interrogé par Mme Bidard-Reydet sur les questions institutionnelles, le président du Sénat a relevé que la nécessité de réunir l'unanimité des provinces pour obtenir un changement constitutionnel rendait difficile toute évolution dans ce domaine. Aussi, faut-il chercher des solutions nouvelles.
Après avoir indiqué qu'il représentait pour sa part les francophones des provinces de l'ouest (au nombre de 50.000 au Manitoba), M. Gildas Molgat a souligné que la francophonie ne se réduisait pas au Québec. D'après lui, l'avenir du français passe par le maintien de l'unité canadienne et la garantie qu'apporte le bilinguisme à l'échelle fédérale.
M. Gildas Molgat a appelé l'attention à cet égard sur l'influence dominante des Etats-Unis en notant que 80 % des Canadiens habitaient à moins d'une heure de route de la frontière, et relevé que les provinces canadiennes s'attachaient à préserver le français comme une racine de l'identité canadienne. Il a conclu son propos en indiquant que les chances de maintenir l'usage du français dans le Canada anglophone seraient définitivement compromises si le Québec accédait à la souveraineté.
c) Entretien avec l'Honorable sénateur Gérald Beaudoin
M. Gérald Beaudoin, né à Montréal le 15 avril 1929, membre du Québec et du barreau canadien depuis 1954, professeur titulaire à la faculté de droit, université d'Ottawa de 1969 à 1989, nommé au Sénat canadien le 26 septembre 1988, coprésident du comité spécial mixte de la chambre des communes et du Sénat sur le renouvellement du Canada (1991-1992), président du comité sénatorial permanent pour les affaires juridiques et constitutionnelles (1993-1996).
Le sénateur Beaudoin a d'abord indiqué que le Canada avait été la première colonie de l'Empire britannique à adopter en 1864 le système fédéral qui fonctionnait toujours.
Il a rappelé qu'à la suite du référendum du 30 octobre dernier au Québec, dont le résultat avait été très serré, le Parlement fédéral avait adopté une résolution sur « la société distincte » tandis que le gouvernement avait déposé un projet de loi reconnaissant un droit de veto à cinq entités régionales. Il a ajouté qu'une conférence constitutionnelle devait se tenir en avril 1997.
Le débat constitutionnel, comme l'a souligné le sénateur Beaudoin, n'est pas nouveau. Un premier référendum organisé en 1980 avait rejeté, par 60 % des suffrages, l'indépendance du Québec. L'accession du Québec à la souveraineté avec une offre de partenariat proposée dans le cadre du second référendum, avait été également rejetée, mais avec une majorité beaucoup plus étroite.
Le sénateur Beaudoin a fait part de sa conviction que la formule fédérale pouvait être adaptée, quitte à adopter quelques amendements constitutionnels. A son avis, la réforme devait porter sur deux points : la reconnaissance du caractère « distinct » de la société québécoise et la formule d'amendements de la Constitution.
Le concept de société distincte fait aujourd'hui l'objet de discussions et les fédéralistes recherchent une formule nouvelle reconnaissant « la spécificité du Québec » dont les aspects fondamentaux sont la langue, la culture et le droit civil.
Après avoir rappelé que le Québec avait désigné trois juges sur les neuf qui siègent à la Cour Suprême du Canada, le sénateur Beaudoin a indiqué que les provinces de l'Ouest souhaitaient une représentation égale au Sénat pour l'ensemble des provinces.
Le sénateur Beaudoin a rappelé que le Premier ministre du Québec ne croyait plus au fédéralisme et souhaitait une indépendance dans le cadre éventuel d'une confédération réunissant les provinces anglophones d'une part et le Québec d'autre part.
La thèse des fédéralistes, selon le sénateur Beaudoin, consiste à avancer des propositions qui puissent convaincre en priorité le peuple québécois, qui les fera ensuite accepter au gouvernement du Québec.
A la suite de cet exposé, un débat s'est engagé entre la délégation française et les parlementaires canadiens présents.
Le sénateur Grafstein (libéral) a souligné que la fédération fonctionnait mal en raison du déséquilibre entre fédération et provinces (la première contrôlant 65 % des impôts et les secondes 35 % seulement). Il a souligné qu'il importait de rétablir un meilleur équilibre dans la perception de la fiscalité.
Le sénateur Prud'homme (indépendant) a précisé que les francophones se reconnaissaient Canadiens français au Canada, mais revendiquaient à l'extérieur leur identité canadienne.
Il a indiqué par ailleurs que la revendication d'une « société distincte » était un débat perdu par avance et que le thème d'une « société différente » était beaucoup mieux compris par l'ouest du Canada.
Il a souligné qu'il était important de retourner à l'esprit qui avait présidé à la naissance du Canada mais que cette aspiration n'était guère comprise dans les provinces de l'ouest où les nouveaux immigrants saisissaient mal la portée du débat institutionnel. Enfin il a souhaité que la France soit sensible aux efforts entrepris par l'ensemble du Canada en faveur de la francophonie.
Le sénateur Beaudoin a souligné que la formule fédérale offrait suffisamment de possibilités pour donner satisfaction aux aspirations de plusieurs nations. Il a rappelé que si la fédération prenait mieux en compte la reconnaissance et la spécificité revendiquées par les Québécois, ces derniers répudieraient la tentation de l'Etat-nation. Il a souligné que depuis 1925 le Québec avait considérablement influencé les institutions fédérales et que les Premiers ministres avaient été régulièrement des francophones.
Le sénateur Stewart (libéral) a relevé que les attentes du Québec paraissaient difficiles à préciser. L'aspiration québécoise à un meilleur contrôle sur la politique monétaire et fiscale était en fait partagée par les autres provinces. Quant au statut de « société distincte » réclamée par le Québec, il laissait place à de nombreuses incertitudes et il n'était pas possible, selon le sénateur Stewart, de laisser aux seuls juges constitutionnels la responsabilité d'en interpréter le contenu.
Le sénateur Beaudoin a précisé que la notion de société distincte devait recouvrir des garanties constitutionnelles portant sur les traits essentiels de la spécificité francophone (langue, culture et code civil).
Le sénateur Stollery (libéral) a indiqué qu'il existait un risque que la notion de « société distincte » soit systématiquement revendiquée par le Québec à l'occasion des différents problèmes qui peuvent l'opposer à la fédération.
Le sénateur Prud'homme a souligné les incertitudes de l'opinion publique québécoise, car si 20 à 25 % des Québécois souhaitent l'indépendance , et qu'une même proportion soutient le statu quo, une bonne moitié aspire en fait à un accord.
Le sénateur Grafstein a, pour sa part, souligné que le modèle fédéral était le meilleur instrument du rayonnement de la culture française.
2. Le point de vue québécois
a) M. Jacques Brassard, ministre des transports, ministre des affaires intergouvernementales canadiennes
M. Jacques Brassard, né à Lisle-Maligne (Alma) le 12 juin 1940, diplômé en pédagogie, élu député (Parti québécois) de la circonscription de Lac-Saint-Jean (1976-1981, 1989-1994), ministre du Loisir, de la chasse et de la pêche (1984-1985), ministre de l'environnement et de la faune (1994-1995), vice-président du conseil du Trésor (1995-1996), nommé ministre des transports et ministre délégué aux affaires intergouvernementales canadiennes le 29 janvier 1996.
M. Brassard a d'abord indiqué que dans le débat institutionnel, la seule notion pouvant satisfaire les aspirations québécoises demeurait la reconnaissance du « peuple québécois » mais que l'opposition des fédéralistes interdisait que ce principe puisse être inclus dans le Constitution canadienne.
Il a précisé que le concept de « société distincte » ne s'appuyait sur aucun élément de droit international mais qu'il avait été utilisé par M. Bourassa 29 ( * ) pour désigner la communauté québécoise, malgré l'hostilité du Canada anglais.
M. Brassard a relevé que le parti libéral canadien avait semblé, à la fin de la campagne référendaire, s'approprier ce concept.
Toutefois, a indiqué M. Brassard, le Premier ministre s'est contenté de faire adopter par le parlement fédéral, après le référendum, une simple motion allant dans ce sens.
L'aile québécoise du parti libéral prenant conscience que cette notion de « société distincte » restait toujours difficile à accepter par la partie anglophone du Canada, s'est ralliée au concept plus modeste de « foyer principal ».
Toutefois ce recul a suscité des critiques de tous les horizons. Ainsi, le mardi 16 avril, le jour même où cette rencontre avait lieu, l'Assemblée nationale du Québec avait adopté à l'unanimité une motion rejetant le concept de foyer principal et que, de la sorte, « le canard avait été tiré avant son envol ».
A la question de savoir si le gouvernement comptait faire une contre proposition, M. Brassard a précisé que le gouvernement québécois n'avait pas mandat, à l'issue du référendum, pour procéder au renouvellement du fédéralisme et qu'il n'avait donc pas l'intention de faire de nouvelles propositions de nature constitutionnelle.
Il a rappelé par ailleurs que le projet de souveraineté était loin d'être enterré et qu'il avait reçu l'approbation de plus de 60 % des francophones.
En conséquence a observé M. Brassard, il est légitime de s'employer à promouvoir le projet de souveraineté et de le réaliser à la suite de nouvelles élections, à une échéance de deux ans à deux ans et demi.
Quant à la participation du Québec à la conférence constitutionnelle (avril 1997), M. Brassard précise qu'elle sera conditionnée à l'examen détaillé de l'ordre du jour prévu et qu'il n'excluait, pour l'instant, aucune hypothèse (participation pleine et entière du Québec à la conférence, absence totale, participation sur certains points seulement).
Interrogé sur le projet de TGV, M. Brassard a indiqué qu'une étude de préfaisabilité avait été conduite en 1995 pour la liaison Québec-Windsor. Elle avait conclu que le projet n'était rentable que si les gouvernements fédéraux et québécois investissaient à hauteur de 75 % dans les infrastructures à mettre en place (près de 10 milliards de dollars canadiens). Dans ces conditions, M. Brassard a précisé que le privé devait prendre le relais.
Il a précisé cependant que le groupe Bombardier et son partenaire européen préparaient une proposition qui pouvait modifier la situation qui prévalait au moment où l'étude avait été commandée.
Cette proposition pourrait porter sur un train pendulaire, moins rapide mais aussi moins coûteux.
M. Brassard a indiqué que le projet devrait comprendre la liaison Montréal-Toronto, mais il a relevé cependant que pour le gouvernement québécois, cette liaison devait partir de Québec. Le gouvernement de l'Ontario ne paraissait pas, pour l'heure, intéressé par ce projet. La position du gouvernement fédéral était également assez réservée.
Il a conclu qu'à court terme la possibilité pour l'Etat de se lancer dans un investissement lourd dans un contexte d'économies budgétaires, apparaissait peu probable.
b) Entretien avec M. Robert Normand, sous-ministre des relations internationales
M. Robert Normand, né à Montréal le 24 septembre 1936, conseiller juridique à l'Assemblée nationale puis greffier en loi de la législature de 1962 à 1971, sous-ministre de la justice du Québec (1971-1977), sous-ministre des affaires intergouvernementales (1977-1982), sous-ministre des finances (1982-1987), nommé sous-ministre des relations internationales et sous-ministre responsable de l'immigration et des communautés culturelles depuis le 28 septembre 1994.
M. Normand a rappelé qu'il existait au Canada un peuple québécois qui possédait sa propre identité et représentait 25 % de la population. D'après lui, le gouvernement fédéral est dominé par les anglophones, et le Québec refuse de se soumettre à cette influence. Il a relevé notamment que le taux d'assimilation des francophones dans les autres provinces était très important.
Aussi, pour que les Québécois puissent demeurer eux-mêmes, ils doivent devenir maîtres de leur destinée politique et économique. La souveraineté du Québec implique toutefois une interdépendance avec le Canada.
M. Normand a rappelé que l'équilibre institutionnel instauré au moment du pacte fondateur entre les deux nations anglophone et francophone s'était rompu après la dernière guerre mondiale. Il a observé en effet que la centralisation s'était beaucoup renforcée et que le Québec se devait d'y résister.
D'après M. Normand, les partisans de la souveraineté ont encore augmenté après le référendum, car les engagements du gouvernement fédéral en octobre dernier n'ont pas été tenus. En effet, revenant sur les conclusions du congrès du parti libéral fédéral (section Québec), il a déploré que la notion de « société distincte » ait été abandonnée, en raison de l'opposition des provinces anglophones, au profit de l'expression « foyer principal ».
Pour M. Normand, l'indépendance du Québec permettra de redéfinir un partenariat avec le Canada sur de nouvelles bases. Cependant, si ces négociations ne devaient pas aboutir, le Québec, fort d'une population de sept millions d'habitants, assumerait seul son destin.
M. Normand a conclu que la priorité pour le Québec aujourd'hui, compte tenu des difficultés économiques de la province, était de supprimer le déficit public dans les quatre années à venir.
Enfin, il a souligné que l'incapacité à s'entendre au sein du Canada hypothéquait le devenir collectif de la fédération et que, dans ces conditions, un nouveau référendum devrait intervenir d'ici deux ou trois ans.
c) Entretien avec M. David Payne, adjoint parlementaire du Premier ministre, responsable des relations avec la communauté anglophone
M. David Payne, né le 12 janvier 1944, enseignant, élu député (Parti québécois) de Vachon à l'assemblée nationale (1981-1985), réélu en 1994, président de la commission de la culture à l'assemblée nationale.
M. David Payne a retracé rapidement, devant la délégation, son itinéraire politique, en rappelant que, d'origine britannique , il avait été amené à rencontrer en 1975 M. René Levesque et à entrer ainsi au parti québécois.
Il a relevé que le mouvement nationaliste ne pouvait s'identifier à la seule majorité francophone. Son engagement personnel -a-t-il indiqué- reposait sur la conviction que les facteurs de rassemblement entre francophones et anglophones l'emportaient de beaucoup sur les éléments de division.
Il a relevé que deux mandats lui avaient été confiés dans le cadre de son poste ministériel : la responsabilité de développer les investissements étrangers d'une part, les relations avec la communauté anglophone d'autre part.
D'après lui, le milieu anglophone est désormais convaincu que le Québec deviendra souverain mais que l'inquiétude soulevée par cette perspective devait être prise en compte par le parti québécois.
En conséquence il importait de donner à la minorité anglophone des garanties dans le cadre d'une négociation préalable à l'accession du Québec à la souveraineté, au moment, précisément, où le rapport de forces reste ouvert et se prête donc à la négociation.
M. Payne a reconnu qu'une participation des anglophones à cette négociation pourrait avoir valeur de caution à la démarche souverainiste.
Revenant sur la rencontre organisée entre M. Bouchard et le milieu anglophone le 11 mars dernier, M. Payne a relevé que cette « politique de la main tendue » s'était soldée par un succès. Il a rappelé la nécessité pour le gouvernement de rassembler et de refléter l'ensemble de la société québécoise.
M. Payne a dénoncé par ailleurs le mouvement partitionniste qui milite pour un morcellement du Québec sans prendre en considération le risque symétrique que soulève la présence des communautés francophones dans les autres provinces du Canada.
M. Payne a rappelé que la souveraineté était un moyen de dépasser la querelle récurrente sur le statut du Québec au sein du Canada.
Il a jugé totalement insignifiant le concept de « foyer principal » avancé par le parti libéral du canada lors de ses récentes assises.
Revenant, à la suite d'une question de M. André Boyer, sur le problème lié à la réforme du système social, M. Payne a indiqué que cette réforme était inspirée par le souci de faire plus avec moins de moyens. Il a observé à cet égard l'attention portée au traitement médical à domicile. Il a noté cependant que la fermeture d'hôpitaux anglophones, pour des raisons purement financières, pouvait être interprétée autrement et posait donc un problème délicat.
A une question de Mme Danielle Bidard-Reydet sur la téléchirurgie, M. Payne a rappelé que cette pratique était principalement développée pour le diagnostic et permettait d'offrir une assistance utile aux médecins qui se trouvaient dans des points très éloignés du territoire québécois.
d) Réunion de travail organisée par le sous-ministre associé aux affaires autochtones, M. André Magny
Les hauts-fonctionnaires du ministère pour les affaires autochtones ont d'abord indiqué à votre délégation que onze nations autochtones étaient représentées au Québec, soit 63 000 personnes (1% de la population québecoise) réparties entre 56 000 Amérindiens (dont 75% vivent dans les réserves), et 7 000 Inuits. Les premières nations se caractérisent par une population jeune ( 60% des autochtones ont moins de 30 ans). Leur taux de natalité apparaît deux fois plus important que celui du Québec. Huit de ces onze nations ont conservé leur langue, que les missionnaires se sont chargés de fixer par écrit.
Les indicateurs sociaux relatifs à ces communautés demeurent préoccupants. Le taux de mortalité infantile reste plus élevé qu'au Québec (en partie du fait de l'éloignement des centres de soin). Toutefois, il faut observer d'importants progrès, ainsi le taux de mortalité des Inuits, l'un des plus élevés au monde il y a 35 ans, se compare aujourd'hui à celui des Québécois.
Les responsabilités du Québec à l'égard de ces populations se sont développées au cours de ces dernières années. En effet, si le gouvernement fédéral conserve une responsabilité constitutionnelle à l'égard des Indiens, ces derniers ont eu tendance, récemment, à sortir de leurs réserves pour s'installer sur les territoires de compétence provinciale.
Cinq lignes directrices président à l'action du gouvernement québecois à l'égard des peuples autochtones :
- reconnaissance de onze nations ("nations" prises au sens américain, sans effet de droit international) ;
- octroi de droits spécifiques (en matière de chasse, pêche, culture ...) ;
- harmonisation des droits entre les Québéois, d'une part, et les communautés amérindiennes et inuites, d'autre part ;
- établissement d'un partenariat au niveau économique.
Le principal enjeu des relations entre le Québec et les autochtones reste les revendications territoriales de ces derniers sur le territoire québecois. Plusieurs négociations ont été entreprises pour régler ces questions, notamment en 1975, à l'occasion de la convention de la Baie James. En 1994, le gouvernement québécois a fait, à l'intention des premières nations, une proposition globale couvrant la question territoriale (550 000 km²), les indemnités financières (340 millions de dollars canadiens), l'éducation, l'autonomie gouvernementale (responsabilité et gestion de ce qui se passe sur le territoire). Le processus de négociation est en cours aujourd'hui.
A une question de M. André Dulait sur la répartition des sommes allouées par le gouvernement québecois aux autochtones, il a été précisé que, aux termes de l'accord de la Baie James, les indemnités destinées au Cris ont été détenues sous la forme d'un fonds collectif. 90% des ressources destinés aux Inuits ont été gérés sous cette forme, le solde étant réparti entre les membres de la communauté.
A Mme Danielle Bidard-Reydet qui s'interrogeait sur le type de développement économique possible pour ces populations, les interlocuteurs de votre délégation ont précisé que chaque type de communauté pouvait développer un modèle différencié. Parmi les activités possibles, il convenait de mentionner le tourisme d'été ou la pêche au saumon.
B. LES ASPECTS ÉCONOMIQUES
1. Au Canada
a) Entretien avec M. Bernard Bonin, premier gouverneur de la banque du Canada
M. Bernard Bonin - Né en 1936 à Joliette (Québec), de 1974 à 1981 sous-ministre adjoint au Québec, d'abord au ministère de l'Immigration puis aux Affaires intergouvernementales, nommé premier sous-gouverneur en mai 1994 pour un mandat de 7 ans.
Après avoir noté que l'inflation s'était établie en moyenne annuelle à 7 % entre 1970 et 1990, M. Bernard Bonin a indiqué que les autorités canadiennes s'étaient engagées à partir de février 1991 à contenir progressivement la hausse des prix dans une fourchette comprise entre 1 et 3 % à l'horizon 1995. En 1994, cette cible a été reconduite jusqu'à la fin de 1998. M. Bernard Bonin a relevé que le taux d'inflation proche de 2 % en 1995 s'inscrivait dans la fourchette qui avait été fixée.
M. Bernard Bonin a précisé que si les objectifs étaient arrêtés conjointement par le gouvernement et par la Banque centrale, il appartenait à cette dernière de définir les instruments les plus adaptés pour les atteindre.
Le premier sous-gouverneur de la Banque du Canada a noté que la Banque centrale avait recours à un instrument original pour définir les conditions propices à la réalisation de l'objectif de l'inflation : l'indice des conditions monétaires. Celui-ci reprend les variations des taux d'intérêt à court terme et celles du taux de change pondérées en fonction des échanges commerciaux. La détermination des taux directeurs de la Banque centrale s'appuie sur l'information que livre l'évolution de cet indice.
M. Bernard Bonin a relevé que l'objectif en terme d'inflation s'était imposé dans la mesure où le Canada, qui connaissait depuis 1970 un régime de taux de change flottant, ne pouvait s'assigner un objectif en terme de taux de change. Il a souligné à cet égard que l'économie canadienne se caractérisait par sa grande ouverture puisque les trois quarts de l'activité sont liés aux échanges extérieurs.
M. Bernard Bonin a évoqué ensuite la conjoncture canadienne en relevant que la croissance de l'année 1995 s'était révélée décevante (2,2 % contre une moyenne annuelle de 2,5 % dans les années 1980). D'après lui toutefois, l'année 1996 s'annonçait sous de meilleurs auspices et un rebondissement dans la deuxième moitié de l'année permettrait de porter la croissance à 3 %. Il a souligné que ce nouvel élan reposerait essentiellement sur le commerce extérieur et en particulier le courant d'échanges toujours très actif avec les Etats-Unis. En revanche, la relance de la demande intérieure demeure problématique. En effet, la confiance reste fragile compte tenu des sombres perspectives liées à l'annonce des contractions d'effectifs dans les entreprises. Si l'investissement des entreprises est resté rigoureux même dans les années de récessions, la dépense publique ne constitue plus un ressort de la croissance dans un contexte marqué par l'assainissement des finances publiques.
M. Bernard Bonin a noté à cet égard que le gouvernement fédéral avait respecté ses objectifs de réduction du déficit qui ne devrait pas dépasser 2 % du PIB en 1997. Il a noté toutefois que ces efforts s'inscrivaient dans un processus long et qu'après les annonces non suivies d'effet du gouvernement conservateur, le gouvernement libéral devait se doter d'une crédibilité nouvelle. Il a relevé que l'écart de taux de 135 points de base entre les obligations à 30 ans du gouvernement fédéral et celles de même échéance du gouvernement américain traduisait la prime de risque que demandaient les investisseurs étrangers au Canada.
Le premier sous-gouverneur de la Banque du Canada a relevé que les provinces se trouvaient également dans une situation difficile mais qu'elles avaient su prendre rapidement les initiatives nécessaires à l'exception de l'Ontario et du Québec (qui à eux-seuls représentent 60 % de l'économie canadienne). Toutefois l'Ontario a annoncé qu'il procéderait à des coupes claires dans son budget et le Québec est prêt à accomplir un effort comparable.
A M. André Dulait qui l'interrogeait sur la gestion du stock immobilier, M. Bernard Bonin a indiqué que les banques canadiennes avaient, de ce point de vue, connu moins de défauts de paiement que lors de la précédente récession de 1981-1982. Il a souligné que la crise de 1990-1991 avait été liée à la spéculation sur le marché immobilier, notamment sur le marché des immeubles commerciaux à Toronto. Instruite par les leçons de la crise du début des années 1980, les banques canadiennes ont su finalement éviter une déflagration comparable à celle qu'a connu le Japon.
M. Bernard Bonin a également précisé que le marché de libre-échanges conclu dans le cadre de l'ALENA n'impliquait pas d'union monétaire non seulement parce qu'il n'existait aucune volonté politique dans ce sens mais aussi parce que les économies avaient tendance à réagir en sens contraire face à des chocs externes ; ainsi une hausse des prix mondiaux des matières premières bénéficient au Canada mais non aux Etats-Unis. Cette asymétrie rend difficile la mise en place d'une union monétaire.
b) Entretien avec M. Scott Clark, sous-ministre adjoint au ministère des finances
M. Scott Clark, né à Ottawa, professeur d'économie à l'Université Western Ontario (1969 à 1975), sous-ministre adjoint de la Direction des programmes économiques et des finances de l'Etat (1985-1986), sous-ministre adjoint de la Direction de la politique fiscale et de l'analyse économique (1986-1989), administrateur du Canada au Fonds monétaire international (1989-1992), sous-ministre adjoint principal du ministère des finances et délégué du Canada auprès du gouvernement (1992-1994).
M. Scott Clark a relevé que malgré les critiques qui avaient été adressées au gouvernement, celui-ci avait créé depuis trois ans 600 000 emplois. Il a souligné qu'en 1993, la tâche la plus urgente était de réduire le déficit des finances publiques et la dette qui représentait 70 % du PNB (contre 25 % en 1973). Il fallait dès lors obtenir une baisse des taux d'intérêt et s'employer à cette fin à réduire l'inflation. L'objectif de hausse des prix a ainsi été fixé à une fourchette comprise entre 1 et 3 -% jusqu'en 1998, date à compter de laquelle pourront être définis de nouveaux objectifs.
M. Scott Clark a cependant relevé que les taux d'intérêt étaient restés relativement élevés du fait, d'une part, de la prime de risque liée à l'endettement canadien et, d'autre part, des incertitudes constitutionnelles.
M. Scott Clark a par ailleurs relevé que le gouvernement avait obtenu, au cours des trois derniers exercices budgétaires, une réduction graduelle du déficit budgétaire (de 6 à 3 % du PNB). Le déficit budgétaire ne devrait pas dépasser 2 % du PNB en 1997 et 1998. Ce résultat a été obtenu par la contraction des dépenses et non par l'augmentation des impôts. Il a relevé ainsi que la Canada avait été le seul pays du G7 à parvenir d'une année sur l'autre à une réduction nette des dépenses publiques. Il a noté que le montant des transferts financiers dévolus aux provinces avait été globalisé et qu'il importait désormais à ces dernières d'en déterminer l'affectation. Il a évoqué également le régime de pension dont la situation imposait aujourd'hui la mise en oeuvre de mesures difficiles.
M. Scott Clark a observé que le rythme de la croissance économique dépassait le rythme de progression de l'endettement et qu'en conséquence la charge de la dette allait commencer à se réduire. Il a souligné qu'il était indispensable de poursuivre cette politique et noté que les réorientations éventuelles des priorités gouvernementales se feraient désormais à dépenses constantes.
M. Scott Clark a relevé que l'effort budgétaire avait été planifié et progressif afin de préparer les interlocuteurs du gouvernement fédéral, au premier rang desquels les provinces, à l'effort nécessaire. Ainsi, les transferts ont commencé à être réduits le 1er avril de cette année, alors que l'annonce en avait été faite deux ans auparavant. Il incombait aux provinces de définir les postes qui devront supporter l'effort budgétaire.
M. Scott Clark a indiqué que le gouvernement s'était attaché à montrer qu'il était en mesure de faire des choix et tracer des priorités dans un contexte d'austérité budgétaire. C'est ainsi que si le budget dans son ensemble a été réduit, certains montants ont pu être réaffectés, vers la formation professionnelle notamment.
Interrogé par M. André Dulait sur le projet de la liaison TGV Québec-Windsor, M. Scott Clark a relevé que ce projet exigerait des financements lourds qui n'étaient guère envisageables tant que la Fédération, l'Ontario et le Québec, n'avaient pas achevé leur effort budgétaire.
A une question de Mme Bidard-Reydet sur l'évolution du pouvoir d'achat, M. Scott Clark a reconnu que la croissance économique n'avait pas été à la hauteur des espérances en 1995 en raison notamment de la hausse des taux d'intérêt aux Etats-Unis. Il a observé que la croissance reposait principalement sur les exportations canadiennes. La consommation des ménages reste, quant à elle, atone. En effet, les salaires n'ont pas augmenté dans le cadre des conventions collectives. Aussi le pouvoir d'achat a-t-il eu tendance à baisser légèrement dans la mesure où, même si l'inflation reste limitée, les impôts ont plutôt augmenté entre 1980 et 1990.
M. Scott Clark a précisé à M. Boyer que l'endettement constituait la plus grave menace pour le Canada. Il a noté cependant que les préoccupations portaient également sur l'avenir des jeunes, confrontés à la difficulté de trouver un emploi à la sortie de l'enseignement.
M. Scott Clark a enfin précisé à l'intention de M. Marcel Debarge que l'effort entrepris par le Canada exercerait une influence sur les pays en développement. Il a noté que le Canada avait réduit son aide en raison des difficultés budgétaires et qu'il fallait désormais privilégier le rôle des institutions multilatérales.
c) Entretien avec M. Ronald Bilodeau, sous-ministre et secrétaire associé du Cabinet et de M. Patrice Muller, économiste du conseil privé
Les interlocuteurs de votre délégation ont d'abord présenté les trois types de dépenses qui incombaient au gouvernement fédéral : transfert aux personnes (assurance chômage et personnes âgées) pour un montant de 35,7 milliards de dollars canadiens, transfert aux autres paliers de gouvernement (municipalités, territoires du nord, provinces surtout) pour 23,7 milliards de dollars canadiens, autres dépenses -principalement la masse salariale- pour 50 milliards de dollars canadiens.
Pendant dix ans l'austérité budgétaire avait été préconisée sans qu'elle se concrétise réellement. Depuis trois ans cette politique de rigueur est mise en oeuvre. Peu sensible dans le premier budget, elle s'est accentuée lors des deux exercices budgétaires suivants. Afin de mieux la faire accepter par la population, une assez large concertation a été organisée : tables rondes organisées par le ministère avec la participation de personnalités diverses, audiences publiques organisées par les comités des deux Chambres.
La réduction des dépenses publiques a reposé sur un examen de la totalité des programmes de dépenses pour chaque ministère. Les ministres ont dû préparer un plan de réduction présenté ensuite devant un comité interministériel. Cette procédure collégiale s'est écartée des usages où le ministre des finances impose unilatéralement ses décisions.
A la suite de ce travail de réflexion, d'importants changements ont été décidés : suppression de la subvention aux transports des céréales, à la production de lait (activité bien représentée au Québec). La gestion des aéroports a été confiée aux communes, les lignes de chemins de fer ont été privatisées. L'importance de cette réforme s'explique par le poids de l'endettement que doivent supporter les finances publiques puisque le remboursement des intérêts représente 47,8 milliards de dollars canadiens sur des dépenses qui s'élèvent à 109 milliards de dollars canadiens.
En 1993-1994 le déficit budgétaire représentait 5,3 % du PIB. L'objectif en 1996-1997 est de ramener ce déficit à 3 % du PIB, puis en 1997-1998 à 2 % du PIB. Les analystes financiers prévoient qu'en 1998-1999 le besoin de financement public aura baissé, mais que la dette restera malgré tout élevée.
Un cercle vertueux pourrait s'enclencher et déjà les taux d'intérêt commencent à baisser. Un certain consensus politique a permis de réaliser l'effort de réduction budgétaire.
Le Parti libéral souhaite aller plus loin et les partis provinciaux poursuivent en fait les mêmes objectifs.
Le débat porte davantage en conséquence sur les moyens.
Le rôle de la presse dans le processus de réforme est nuancé. Les publications liées au milieu d'affaires « poussent à la roue », tandis que la presse centriste appelle à mieux redistribuer le fardeau fiscal.
S'agissant des privatisations, la vente en plusieurs tranches des chemins de fer a été conditionnée par un apurement du passif de l'entreprise. La recette obtenue n'a pas été comptabilisée a priori dans le budget de l'Etat.
L'autre grande privatisation a porté sur le contrôle de l'espace aérien.
Ce secteur employait près de 15 000 fonctionnaires qui doivent désormais passer sous statut privé.
La propriété n'apparaît plus comme la condition indispensable pour assurer des objectifs de sécurité publique. La réglementation apparaît comme une formule plus souple.
S'agissant du débat sur la santé, le régime d'assurance maladie diffère pour chaque Etat, mais les principes (universalié, égalité) sont posés et garantis par l'Etat fédéral et leur respect conditionne les transferts financiers d'Ottawa aux provinces. Aussi le risque d'hétérogénéité dans la qualité des services de soins entre les provinces, est réduit.
L'opinion se laisse d'autant plus facilement convaincre qu'il existe, s'agissant de la réforme des régimes sociaux, une véritable solidarité intergénérationnelle.
Quant à l'assurance chômage, un large débat public a présidé à la mise en oeuvre de dispositions qui, parce qu'elles étaient moins sévères que celles annoncées, ont été mieux acceptées. A cet égard l'importance de la préparation psychologique de l'opinion aux mesures prises a été soulignée.
L'assurance chômage prend désormais la forme d'une assurance emploi qui favorise le retour au marché de l'emploi. Les conditions d'obtention de cette prestation ont été sévèrement encadrées.
Le type d'emploi qui s'est développé est principalement constitué par des emplois à temps plein dans le secteur des services et de la production de biens. Toutefois, deux types de problèmes subsistent : le chômage des jeunes et celui des personnes âgées de plus de 50 ans.
Le gouvernement s'est employé à encourager les entreprises à donner une première chance aux jeunes diplômés en leur offrant un emploi solide pour développer leurs aptitudes.
Il a été également précisé que 45 000 emplois publics seraient supprimés, que la garantie de l'emploi avait été suspendue. L'essentiel des départs se ferait cependant à l'occasion d'un retrait anticipé pour lequel le gouvernement avait mis en oeuvre des conditions intéressantes.
S'agissant du temps de travail, la semaine de 40 h est de règle. Le partage du travail n'est souhaité ni par les syndicats, ni par les gouvernements.
Quant aux salaires de la fonction publique, ils avaient été gelés depuis cinq ans et ce gel sera levé l'été prochain.
La protestation orchestrée par les syndicats a eu des effets limités dans la mesure où leur soutien dans la population s'est affaibli.
2. Au Québec : entretien avec des hommes d'affaires français au poste d'expansion économique à montréal (MM. André Chaffringeon -BNP- Alain Clot -Société Générale- Alain Lellouche -Générale de santé- Gilles Mercier -Montupet- Bertrand Namy -Progexco- François Jonathan -président des conseillers du commerce extérieur)
Les interlocuteurs de votre délégation ont d'abord évoqué les échanges franco-québécois dont le montant s'élève à 2,7 milliards de francs en 1995 contre 2 milliards de francs en 1994. La moitié des exportations françaises au Canada sont destinées au Québec. La France, qui enregistre un excédent commercial avec la Belle Province, est son deuxième partenaire commercial très loin derrière les Etats-Unis. Le flux des exportations, dont le montant reste modeste, ne doit pas cacher l'importance des investissements français au Québec (qui représentent 80% des investissements français réalisés au Canada) qui ont atteint un niveau record en 1995. Ces investisssements sont le fait, principalement, de petites et moyennes entreprises bien adaptées à la structure du marché québécois.
Au Québec, les quatre ou cinq groupes phares dissimulent en fait un nombre important de PME qui participent très activement à l'activité industrielle et au commerce extérieur. Bombardier et Québécor ont été à l'origine de petites structures. Il faut également noter que les liens entre les Universités et les PME sont très denses : 25% des emplois créés le sont à la faveur de ces relations. Les jeunes diplômés ne rechignent pas, quant à eux, à travailler pour des PME, bien que le niveau des salaires soit plutôt faible (30 000 dollars canadiens pour un titulaire d'un diplôme bac + 4).
Au titre des relations franco-québecoises, il faut également noter l'essor du tourisme français du fait, notamment, de la faiblesse persistante du dollar canadien.
La coopération dans les technologies de l'information a connu des développements importants au cours des dernières années, plusieurs accords ont déjà été signés. Une rencontre, organisée sous l'égide de l'ACTIM 30 ( * ) , réunira l'ensemble des industriels intéressés par les multimédias en juin prochain, à Montréal.
Les relations économiques avec le Québec présentent cependant quelques limites. La réglementation financière québécoise ne permet pas aux banques étrangères, et françaises notamment, d'offrir l'ensemble des services qu'elles sont en mesure d'apporter. Par ailleurs la vente des vins français est en perte de vitesse, en raison de prix élevés et de l'absence de structure commerciale suffisante des groupes français.
Le contexte économique général reste morose. La métropole de Montréal tend à s'appauvrir. L'endettement est le problème majeur auquel est confronté le gouvernement québécois (près de 50% de cet endettement est détenu par des étrangers). Si la campagne référendaire avait été précédée par un mouvement de désinvestissement, on assiste depuis le début de l'année à des entrées nettes de capitaux. La consommation des ménages apparaît très faible et l'épargne, dans un contexte économique caractérisé par la remise en cause des systèmes de retraite et la précarité de l'emploi, ne laisse aucune marge de manoeuvre. La situation de l'emploi apparaît préoccupante si l'on ajoute au taux de chômage (12% de la population active), les personnes bénéficiaires de prestations (le "bien-être social"), au nombre de 400 000. L'absence d'écart important entre le salaire minimum et la prestation chômage paraît dissuader les chômeurs de rechercher un emploi. Par ailleurs, le travail au noir s'est beaucoup développé en raison d'une pression fiscale excessive.
Dans ce contexte économique difficile, la croissance économique repose principalement sur le dynamisme de la conjoncture américaine.
L'effort de réduction budgétaire s'est d'abord traduit par une baisse des dépenses affectées au budget de la santé. Dans la mesure où le personnel des hôpitaux, qui représentent près de 80% des dépenses de santé, bénéficient de la garantie de l'emploi, les coupes porteront principalement sur le niveau et la qualité des prestations. Depuis 1976, on observe un mouvement de départ des médecins québecois vers l'Ontario et surtout les Etats-Unis.
C. LA DIPLOMATIE CANADIENNE
1. Le point de vue de la fédération
a) Entretien avec l'Honorable Lloyd Axworthy, ministre des affaires étrangères
M. Lloyd Axworthy, professeur de Sciences politiques, député à l'Assemblée législative du Manitoba (1973-1979), élu (parti libéral) au Parlement fédéral en mai 1979, réélu en 1988 dans la circonscription de Winnipeg South Center, a occupé divers postes ministériels (emploi et immigration de 1980 à 1983 notamment), nommé ministre des Affaires étrangères le 25 janvier 1996.
M. Lloyd Axworthy, après avoir mentionné sa récente rencontre avec M. Hervé de Charette, s'est félicité de la qualité des relations franco-canadiennes, et notamment de la convergence des vues sur le processus de désarmement nucléaire.
Evoquant la position du Canada à l'égard de l'Alliance atlantique, le ministre des affaires étrangères a précisé que son pays préconisait que soient envisagées des formules souples pour permettre l'élargissement de l'Alliance aux pays d'Europe centrale et orientale. Il a conclu des entretiens qu'il avait eus avec le ministre des affaires étrangères russe, M. Primakov, que la Russie réfléchissait sur un processus qui permettrait de concilier l'élargissement et la sécurité du territoire russe. Il a par ailleurs relevé que les réformes destinées à adapter la structure de l'OTAN à ses nouvelles missions devaient tenir compte des leçons de l'expérience yougoslave.
M. Lloyd Axworthy a noté que les liens transatlantiques lui paraissaient consensuels, en particulier dans les domaines des télécommunications et des technologies de pointe. Il a dressé à cet égard un bilan très positif de la récente visite du ministre français chargé du commerce extérieur, M. Galland.
Le ministre des affaires étrangères s'est également réjoui du partenariat entre la France et le Canada en Haïti.
M. Lloyd Axworthy enfin, a évoqué la coopération nouée dans le domaine de la francophonie, dont il a souligné le dynamisme, en particulier dans le secteur des autoroutes de l'information.
Abordant ensuite, à la demande de M. André Dulait, le débat institutionnel, le ministre des affaires étrangères a indiqué qu'en tant que député d'une province de l'Ouest du Canada, il lui paraissait nécessaire de procéder à des changements fondamentaux dans l'organisation institutionnelle, et notamment à un réaménagement des compétences entre la Fédération et les provinces. Il a indiqué pour sa part qu'il sentait un mouvement positif dans ce sens, et a relevé par ailleurs que les questions auxquelles se trouvait confronté le Canada se posaient également, à des degrés divers, dans d'autres pays.
A la demande de M. André Boyer, qui l'interrogeait sur son récent séjour dans l'ancienne Yougoslavie, M. Lloyd Axworthy a fait part de ses doutes sur les possibilités de maintenir la paix dans cette région. En tout état de cause, a noté le ministre des affaires étrangères, la reconstruction économique et sociale se révélera difficile sans une présence internationale après la fin du mandat assigné par les accords de paix. Cette présence, d'après M. Lloyd Axworthy, ne passe pas nécessairement par le maintien de l'IFOR (force de mise en oeuvre des accords de paix en Bosnie), mais pourrait revêtir d'autres formes comme la constitution de "groupes multilatéraux" dont il n'a toutefois pas précisé la composition. Il a indiqué que le Canada, pour sa part, rendrait sa décision relative au maintien de son contingent au sein de l'IFOR avant septembre prochain. Enfin, il a rappelé l'importance qu'il attachait aux procédures engagées devant le tribunal pénal international, en indiquant d'ailleurs que le futur procureur de cette juridiction serait canadien (Mme Louise Arbour).
Abordant ensuite la situation au Proche-Orient, M. Lloyd Axworthy a partagé la préoccupation manifestée au sommet de Charm El Cheikh de lutter contre le terrorisme, mais il a souligné qu'il était indispensable d'accorder le plus grand soin au problème des réfugiés palestiniens.
Répondant à Mme Bidard-Reydet sur une question relative aux relations transatlantiques, le ministre des affaires étrangères a indiqué que, devant les difficultés parfois rencontrées dans les relations entre les Européens et les Américains, il était important de maintenir des liens plus directs et ouverts. Le ministre a ajouté que s'il comprenait le souci manifesté par les Européens de renforcer l'intégration au sein de l'Union, il convenait aussi de porter une attention accrue aux organismes multilatéraux. A cet égard, le ministre des affaires étrangères a relevé qu'une entente informelle existait entre la France et le Canada sur le rôle qui devait être dévolu à l'ONU. M. Lloyd Axworthy a également attiré l'attention des membres de la délégation sur les préoccupations que lui inspirait la tendance des Etats-Unis à prendre des mesures au caractère extra-territorial (pour Cuba et l'Iran). Il a souhaité que d'autres pays puissent se joindre au Canada pour infléchir les positions américaines.
b) Entretien avec l'Honorable Pierre de Bané, sénateur, président du Comité mixte spécial sur la politique de défense du Canada et l'Honorable Robert Bertrand, député, membre du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants
M. Pierre de Bané, nommé professeur à la Faculté de droit de l'Université Laval de Québec en 1964, élu député à la Chambre des Communes à cinq reprises, pour la région de la Gaspésie dans l'est du Québec, nommé au Sénat par le Premier ministre P-E Trudeau en juin 1984.
M. Robert Bertrand, député de la circonscription de Pontiac-Gatineau-Labelle depuis le 25 octobre 1993.
M. Pierre de Bané a d'abord souhaité présenter les travaux du comité mixte spécial sur la politique de défense, qu'il préside.
Il a précisé que les consultations auxquelles s'était livré le comité mixte, notamment au cours de ses déplacements à travers le Canada, avaient révélé un clivage entre les militaires et les réservistes d'une part, qui se sentent concernés par les problèmes de défense, et une large partie de la population, d'autre part, indifférente ou tentée par le pacifisme..
La réflexion du Comité a également tenu compte des Livres blancs établis dans d'autres pays, notamment la France, l'Australie et certains pays nordiques.
M. Pierre de Bané a évoqué ensuite les conclusions auxquelles était arrivé le comité. Il a indiqué que les Canadiens n'avaient jamais été aussi présents dans le monde depuis que l'équilibre bipolaire avait été remis en cause. Il a ajouté que le concept de sécurité devait prendre en compte, désormais, de nouveaux facteurs d'instabilité, et insisté en particulier sur l'importance des flux de personnes à travers le monde. Il a également souligné le paradoxe d'une opinion canadienne très largement attachée à la participation des forces canadiennes aux opérations de maintien de la paix sous l'égide de l'ONU, mais réticente à souscrire à tout effort budgétaire supplémentaire en faveur de la défense.
Le comité a préconisé la réduction de la force aérienne et le renforcement des forces terrestres destinées à se déployer dans le cadre des missions des Nations Unies. Le comité a également recommandé l'achat d'équipements blindés dont l'insuffisance s'était révélée au début des opérations conduites par le Canada dans l'ancienne Yougoslavie.
M. Pierre de Bané a conclu sur les dangers présentés par la multiplication des points chauds, par la capacité ouverte à un nombre croissant de personnes de fabriquer des instruments de terreur, et enfin par la montée des intégrismes religieux et des facteurs ethniques.
Ces menaces se précisent alors même que la principale puissance, les Etats-Unis, sont tentés par le repli mais n'ont pas renoncé à conduire une offensive économique dans toutes les directions.
A la suite des propos de M. Pierre de Bané, M. Robert Bertrand a précisé que la force terrestre devait, dans le cadre des recommandations du comité, être augmentée de 3 500 nouveaux soldats afin de mieux répondre aux besoins suscités par le développement des opérations de maintien de la paix.
M. André Dulait s'est interrogé sur les conditions d'acheminement de ces forces terrestres et sur l'utilisation des réservistes dans le cadre des interventions de l'armée canadienne.
M. Pierre de Bané a précisé que la question du transport des troupes n'avait jamais été abordée lors des travaux du comité et que le gouvernement pouvait compter dans ce domaine sur l'utilisation d'avions civils, ou contracter des accords avec certaines entreprises privées. Il a rappelé par ailleurs que les spécialistes s'étaient interrogés sur le rapport coût/bénéfice des forces de réserve. En effet les 30 000 réservistes qui s'engagent à servir 60 jours par an représentent un coût de 250 millions de dollars. Il a rappelé par ailleurs qu'aucune loi au Canada ne permettait de garantir son emploi à un réserviste qui s'offrait comme volontaire pour participer à des opérations à l'étranger. L'opportunité de consacrer des ressources importantes aux forces de réserve, dont la mobilité n'était pas assurée, ne s'imposait pas nécessairement. Toutefois, le débat sur la conscription, a conclu M. Pierre de Bané, ne présentait aucune actualité au Canada.
M. Robert Bertrand a toutefois souligné la qualité des réservistes, attestée par le témoigne d'officiers servant en Bosnie. Il a par ailleurs rappelé que le statut de réserviste demeurait un handicap pour obtenir un emploi.
M. André Boyer s'est interrogé sur l'engagement du Canada au sein de l'OTAN et notamment sur un retrait éventuel du contingent canadien de l'IFOR au moment du départ du contingent américain.
S'agissant du retrait du contingent canadien de l'IFOR, M. Robert Bertrand s'est inquiété de la capacité du gouvernement en place à assurer par ses propres forces la stabilité politique de la région.
M. Marcel Debarge, après avoir insisté sur la force et l'enracinement historiques de la relation franco-canadienne, a souhaité connaître le sentiment de parlementaires canadiens sur la constitution, au sein de l'Alliance, d'un pilier européen de défense.
D'après M. Pierre de Bané, le Canada peut éprouver un sentiment d'exclusion devant le renforcement d'une défense européenne. Il a précisé par ailleurs à l'intention de Mme Danielle Bidard-Reydet, que le rapport du comité n'avait pas indiqué dans le détail les nouveaux points chauds du globe, mais attiré l'attention sur les pays qui disposaient des moyens de destruction massive.
Les deux parlementaires canadiens ont également indiqué à M. André Boyer que le Canada était favorable à la création d'une force spécialisée des Nations Unies dans le maintien de la paix, mais que les Etats-Unis apparaissaient très opposés à ce concept. Ils ont également insisté sur l'importance de l'engagement canadien en Haïti où les Casques Bleus canadiens assuraient la relève des les Américains.
M. André Dulait s'est interrogé sur le moral de l'armée canadienne après les vives contractions budgétaires qui l'avaient affectée.
M. Pierre de Bané lui a répondu que cette question avait été abordée dans le rapport du comité mixte qui avait insisté sur le danger de « faire trop avec trop peu ».
La réduction de 60 % du budget de la défense depuis la parution du Livre blanc en 1987, a ramené l'effort financier que consacre le Canada à sa défense, à 1,7 % de son PIB. Il a rappelé que l'opposition de l'opinion avait conduit à interrompre les négociations du Gouvernement canadien avec la France, pour l'acquisition de sous-marins nucléaires.
Il a enfin conclu que la défense avait supporté désormais plus que sa part dans l'effort budgétaire.
c) Entretien avec l'Honorable John Stewart, président du comité des affaires étrangères du Sénat
M. John Stewart, né le 19 novembre 1924, Professeur, élu pour la première fois à la Chambre des Communes en 1962 pour la circonscription d'Antigonish-Guysborough, nommé au Sénat le 13 janvier 1984 par M. P-E Trudeau.
M. John Stewart a d'abord évoqué les conditions dans lesquelles avait été promulgué l'accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Il a précisé que les libéraux arrivés au pouvoir en 1993 avaient souhaité renégocier certaines des clauses de cet accord. En effet, l'échec des conservateurs aux élections apparaissait lié en partie à la position trop favorable de ce parti à l'égard des Etats-Unis. Il a relevé notamment que l'ancien Premier ministre conservateur, n'avait pu être réélu en raison des appréhensions suscitées par la concurrence américaine, en particulier dans le secteur de pâte à papier, principale activité de la circonscription de M. Brian Mulroney.
M. John Stewart est revenu sur la position du Canada à l'égard de l'OTAN. Il a indiqué que le Canada devait rester un membre à part entière de cette organisation et qu'il était indispensable de maintenir une structure efficace pour garantir la sécurité du monde occidental. Il s'est par ailleurs montré favorable au renforcement du rôle de l'Europe occidentale au sein de l'Alliance Atlantique.
Un débat s'est ensuite engagé entre les membres de la délégation française et les sénateurs du comité des affaires étrangères.
A une question de Mme Bidard-Reydet sur les risques de délocalisation liés à la mise en place de l'ALENA, le sénateur Beaudoin a indiqué que le libre-échange s'était imposé depuis la fin du siècle dernier au Canada et que l'économie du continent nord-américain était désormais intégrée. Il a précisé cependant que l'élargissement de l'accord de libre-échange au Mexique introduisait une donnée nouvelle, mais qu'il fallait tirer le meilleur parti de cette ouverture.
Le sénateur Stollery (libéral) a, pour sa part, manifesté de très fortes réticences à l'égard de l'ALENA. Il a indiqué que malgré l'hostilité d'une majorité de Canadiens, les conservateurs avaient tout de même pu conduire les négociations à leur terme.
D'après lui, l'élargissement de l'accord de libre-échange au Mexique répond à une préoccupation américaine dictée par des motivations purement intérieures ; le Canada menacé par un accord séparé entre les Etats-Unis et le Mexique avait dû consentir à la volonté américaine.
Revenant sur la fermeture et la décision de délocaliser une unité de production de camions installée dans la région de Montréal, le sénateur Grafstein a souligné qu'il s'agissait d'abord d'un problème lié aux incertitudes politiques plutôt qu'à des raisons économiques. Il a indiqué que, de façon générale, l'Ontario profitait des problèmes que rencontrait le Québec.
A une question de M. André Boyer sur un nouvel élargissement de l'ALENA à d'autres pays d'Amérique latine , le sénateur Stewart a indiqué que des négociations étaient en cours avec le Chili, sur une base bilatérale, afin d'offrir un cadre favorable aux investisseurs canadiens intéressés par ce pays.
Le sénateur Grafstein (libéral) a relevé que le Brésil pouvait également accueillir les investissements canadiens.
Cependant le sénateur Stollery a indiqué que les investissements des pays industrialisés en Amérique latine se heurtaient à des problèmes de sécurité et des difficultés économiques rencontrés par certains pays.
Mme Danielle Bidard-Reydet et M. André Boyer ont insisté sur les problèmes liés au trafic de drogue en Amérique latine. M. Stollery a partagé leur préoccupation.
Le sénateur Grafstein s'est montré très préoccupé par l'exclusion du marché du travail de jeunes pourtant très formés. Il a approuvé à cet égard l'idée du Sommet social de Lille qui s'était interrogé sur les conditions pour créer de nouveaux emplois. Ce problème, a-t-il indiqué, se pose à l'ensemble des pays occidentaux. L'impuissance du monde occidental à apporter une réponse satisfaisante au chômage fragiliserait, d'après M. Grafstein, l'action entreprise en faveur de l'aide au développement.
M. André Boyer a demandé quelle place le Proche-Orient tenait dans la diplomatie canadienne.
Après que M. Stollery eut reconnu que le comité des affaires étrangères n'avait pas eu souvent l'occasion de se pencher sur cette région, le sénateur Prud'homme (indépendant) a indiqué que les questions liées au Proche-Orient constituaient un sujet tabou au Canada. Il a regretté cette attitude dans la mesure où le Canada était apprécié partout au Proche-Orient. Il a indiqué que les représentants officiels du Canada privilégiaient toujours une position favorable à Israël alors même qu'une vision équilibrée dans la région impliquait non seulement la reconnaissance de l'Etat d'Israël, mais également la reconnaissance des droits du peuple palestinien.
Avant de conclure l'entretien, les sénateurs canadiens ont interrogé leurs collègues français sur les questions européennes en particulier sur les relations entre l'Union européenne et les pays d'Europe centrale et orientale et aussi la mise en place de l'Union monétaire.
2. Le point de vue du Québec : Entretien avec des hauts fonctionnaires du ministère des relations internationales
Les interlocuteurs de votre délégation ont d'abord évoqué les raisons qui ont conduit le Québec à agir sur la scène internationale. Il a été d'abord reconnu au Québec les compétences externes correspondant à ses compétences internes. La place du Québec dans le monde n'est pas négligeable du point de vue économique, puisque son PIB le classe au 17e rang des pays de l'OCDE (devant le Danemark et la Norvège). L'économie québecoise se caractérise par son ouverture, les échanges commerciaux hors Canada représentant 25% du PIB.
Les relations internationales du Québec ne se sont développées que récemment. Le Canada lui-même n'a pleinement eu la responsabilité de sa politique étrangère qu'au lendemain de la deuxième guerre mondiale. Une longue évolution, de 1964 à 1984, a permis au Québec d'assumer de nouvelles responsabilités sur la scène internationale. La Fédération, garante de l'unité nationale, a opposé de fortes résistances à ce processus, où le Québec a pu compter sur l'appui décisif de la France.
Aujourd'hui, l'action internationale est conçue comme un instrument majeur du développement social, politique, culturel et économique du Québec. Elle est confrontée à trois enjeux majeurs : la conciliation entre l'impératif d'ouverture économique, d'une part, et le cadre réglementaire nécessaire pour les échanges culturels, d'autre part ; le recentrage de l'Etat sur ses tâches principales ; la réponse au besoin irréductible des identités.
Le Québec est placé au coeur de ces trois défis. Il a milité pour l'accord de libre-échange nord-américain, dont il souhaite l'extension à d'autres pays d'Amérique latine. Il souhaite en outre conforter l'identité multiculturelle en privilégiant deux axes : les rapports avec les Etats-Unis (en renforçant le pôle stratégique constitué dans le domaine de la recherche-développement avec le nord-est des Etats-Unis), les rapports avec l'Europe (où la priorité est accordée à la France pour conduire une action commune en faveur de la défense de la francophonie).
La promotion de la francophonie demeure la priorité du gouvernement québecois. Elle s'inscrit dans un projet mobilisateur destiné à favoriser une lecture pluraliste de l'information dans le cadre des réseaux de communication mondiaux. La coopération avec la France pourrait, à cet égard, trouver un prolongement dans une association avec les hispanophones, qu'il est important d'avoir à ses côtés dans le domaine des technologies de l'information.
Les interlocuteurs de votre délégation ont évoqué ensuite les problèmes liés à l'immigration, en indiquant que devant le déficit démographique du Québec, il n'y avait pas d'autre choix que de continuer à recruter des immigrants de qualité. Si le potentiel d'intégration du Québec paraît supérieur aux Etats-Unis, l'immigration, en se concentrant dans la métropole de Montréal, peut créer quelques déséquilibres. En outre, les autorités provinciales ne maîtrisent pas le regroupement familial qui relève de la Fédération. Enfin, les immigrants peuvent considérer leur arrivée au Québec comme la première étape d'une installation en Amérique du Nord, qui les conduira ensuite à se rendre dans d'autres villes canadiennes comme Vancouver ou Toronto.
* 29 M. Robert Bourassa, premier ministre libéral du Québec (1970-1976, 1985-1995).
* 30 Agence pour la coopération technique, industrielle et économique.