2. Pays et Territoires d'outre-mer
Proposition E 594
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(Réunion de la Délégation du 13 mars 1996)
Présentation par M. Daniel Millaud d'une proposition de résolution :
La proposition d'acte communautaire E 594 concerne la révision à mi-parcours de la décision du Conseil de 1991 relative à l'association des Pays et Territoires d'outre-mer à la Communauté européenne.
Comme vous le savez, les pays et Territoires d'outre-mer n'appartiennent pas à la Communauté. Ils sont associés à la Communauté dans le cadre de la quatrième partie du traité de Rome. Les dispositions du traité sont complétées par des décisions d'association ; la dernière a été signée en 1991 pour 10 ans.
Le texte qui nous est soumis vise à modifier cette décision d'association pour prendre en compte l'expérience acquise depuis cinq ans et procéder à la répartition des crédits attribués aux PTOM pour les cinq ans à venir, dans le cadre du VIIIème FED.
Quelles sont les principales propositions que formule la Commission européenne ?
• La commission propose tout d'abord de renforcer
ce qu'on appelle la procédure de partenariat, qui permet d'associer les
autorités des territoires aux décisions qui concernent ces
territoires. Comme vous pouvez le constater dans le texte que vous avez
reçu, je trouve pour ma part que ce renforcement est très timide
et que, trop souvent, les autorités des territoires sont
écoutées poliment sans que leurs remarques ou propositions soient
prises en compte d'une quelconque manière.
• La Commission européenne souhaite
également modifier le régime commercial appliqué aux
produits provenant des PTOM. En effet, le régime très
libéral mis en place en 1991 a conduit à de graves abus de la
part de certains territoires néerlandais, ce qui a provoqué des
perturbations sur le marché communautaire. Pour plus de
précisions sur ce sujet, je vous renvoie au texte de ma proposition de
résolution.
• Par ailleurs, la commission propose que les
ressortissants des PTOM soient rendus éligibles à certains
programmes communautaires. En effet, les ressortissants des PTOM
possèdent la citoyenneté des États membres avec lesquels
ils entretiennent des liens particuliers (à certaines exceptions pour
une partie des territoires britanniques) et sont donc citoyens de l'Union
européenne.
La commission propose que les ressortissants des PTOM aient accès à des programmes d'éducation et de formation, des programmes en faveur des entreprises, des programmes de recherche, etc. Cette évolution est positive, mais je crois que ces possibilités doivent être accompagnées d'une politique d'information auprès des autorités des territoires. Il est en outre important que les démarches administratives à accomplir ne soient pas trop lourdes, compte tenu de l'éloignement et du caractère souvent insulaire de ces territoires. Si ces conditions ne sont pas remplies, on constatera dans quelques années que ces nouvelles possibilités n'auront jamais été utilisées.
•
Enfin, la commission formule une proposition
pour la répartition des crédits du VIIIème FED. Le Conseil
européen a attribué 165 millions d'Ecus aux PTOM dans le cadre de
ce VIIIème FED. La Commission européenne propose que les PTOM
français reçoivent 47,9 % des sommes consacrées aux
programmes indicatifs, les PTOM néerlandais devant recevoir 33,8 %
de ces sommes et les PTOM britanniques 18,3 %.
Telles sont les orientations de la proposition qui vous est soumise-Certaines des modifications proposées peuvent être importantes, mais dépendent largement de l'application qui en sera faite.
*
Il faut noter que ce texte n'apporte aucune modification au régime du libre établissement des ressortissants communautaires dans les PTOM. J'ai eu l'occasion d'expliquer devant vous le problème qui se pose pour les territoires français dans ce domaine.
Très brièvement, quelles sont les données du problème ?
•
Le traité de Rome et la décision
d'association accordent à tous les ressortissants communautaires le
droit de s'installer dans un PTOM pour y exercer une profession
libérale ;
•
Les autorités des territoires, pour
protéger le marché de l'emploi peuvent exercer un contrôle
sur cet établissement des ressortissants communautaires, mais à
la condition de ne faire aucune discrimination entre les ressortissants
communautaires. Par exemple, si la Polynésie souhaite contrôler
l'entrée sur son territoire, elle doit le faire aussi bien pour les
Français que pour les Espagnols et les Allemands.
•
Or, la Constitution française interdit
aux Territoires d'outre-mer « opérer un contrôle sur
l'établissement des français de métropole.
En conséquence, les autorités des territoires ne peuvent exercer aucun contrôle, alors même que selon le statut de la Polynésie française, ce territoire est compétent pour autoriser ou non l'établissement des étrangers. On est donc face à une grave question de principe. L'État a élargi l'autonomie des territoires par les statuts successifs qui ont été adoptés, mais les territoires ne peuvent exercer pleinement cette autonomie, certaines compétences appartenant maintenant aux institutions communautaires.
Notre délégation, en juillet dernier, s'est prononcée pour une modification du traité de Rome afin que ce problème soit résolu. Il suffirait de permettre aux territoires d'exercer un contrôle sur les ressortissants communautaires autres que ceux de l'État avec lequel les territoires ont des liens privilégiés.
Monsieur le ministre de l'outre-mer nous avait dit qu'il était nécessaire de modifier ou la Constitution ou le traité de Rome. Il y a quelques semaines, lors de la discussion du nouveau statut de la Polynésie française, le Gouvernement, comme le Sénat, ont exclu toute révision de la Constitution sur ce sujet. En revanche, le ministre comme mes collègues de la commission des lois se sont déclarés partisans d'une révision du traité (je vous renvoie au texte de ma proposition de résolution où figurent les déclarations de M. de Peretti et de M. Larché).
Je suis cependant très inquiet. La Conférence intergouvernementale s'ouvre dans deux semaines et il n'existe aucune proposition française dans ce domaine. Je ne sais même pas si le Gouvernement a demandé l'inscription à l'ordre du jour de ce sujet.
Voilà pourquoi je souhaite que notre délégation se manifeste par une proposition de résolution, afin que le Sénat réaffirme son souhait de voir le traité modifié à ce propos. La quatrième partie du traité de Rome n'a jamais été modifiée, alors qu'elle concernait à l'origine toutes les colonies françaises d'Afrique. Les pays et territoires d'Outre-mer n'appartiennent pas à la Communauté : ils lui sont associés. Est-il normal qu'on leur applique sans nuance le droit communautaire alors qu`ils présentent des caractéristiques géographiques, économiques, humaines, statutaires très particulières ? Je ne le crois pas.
Voilà pourquoi, mes Cher Collègues, je vous demande de soutenir la proposition de résolution que j'envisage de déposer.
*
La délégation a alors approuvé le dépôt par M. Daniel Millaud de sa proposition de résolution (voir texte ci-après).
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Vu la proposition d'acte communautaire E 594 ;
Considérant que la proposition E 594 concerne la révision à mi-parcours de la décision du 25 juillet 1991 relative à l'Association des Pays et territoires d'Outre-mer à la Communauté européenne ;
Considérant que la Commission européenne propose notamment un renforcement de la procédure de partenariat qui permet aux autorités des PTOM d'être associées aux décisions concernant ces territoires ; que la modification proposée reste cependant très timide ;
Considérant que la proposition de révision prévoit d'accorder aux ressortissants des PTOM le bénéfice de 22 programmes communautaires ; que, compte tenu de l'éloignement de ces territoires, ces possibilités ne pourront être utilisées que si une information complète et régulière est assurée dans les PTOM par les autorités communautaires :
Considérant que le régime actuel du libre établissement des ressortissants communautaires dans les PTOM ne prend pas en compte les spécificités géographiques, humaines, économiques et statutaires de territoires qui n'appartiennent pas à la Communauté européenne, mais lui sont associés ;
Considérant que seule une modification du Traité de Rome peut permettre la reconnaissance des particularités des PTOM ; que la partie du Traité consacrée aux PTOM n'a jamais été modifiée depuis 1957 ;
Considérant enfin que la Conférence intergouvernementale qui s'ouvrira dans quelques jours est peut-être pour les PTOM la dernière occasion avant longtemps de voir les conditions de leur association à la Communauté européenne modifiées ;
Invite le Gouvernement :
- à veiller à ce que la procédure de partenariat établie par la décision d'association de 1991 conduise à une véritable prise en compte des souhaits et propositions émis par les autorités des PTOM :
- à agir au sein du Conseil pour que l'extension de certains programmes communautaires aux ressortissants des PTOM soit accompagnée d'une politique d'information sur ces programmes et que les démarches administratives à accomplir soient les plus légères possibles ;
Demande surtout au Gouvernement de tout mettre en oeuvre pour que la Conférence intergouvernementale réexamine le régime d'association à la Communauté européenne des PTOM. et notamment les dispositions relatives au libre établissement des ressortissants communautaires, afin que les spécificités de ces territoires soient pleinement reconnues.
Cette proposition de résolution a été publiée sous le n° 274 (1995-1996).
Elle a été renvoyée à la commission
des Lois
Rappel : La délégation a adopté le 19 juillet 1995 un rapport de M. Daniel Millaud : « Pour une réforme des dispositions du traité de Rome sur l'association des Pays et Territoires d'Outre-mer » Ce rapport a été publié sous le n° 385 (1994-1995) |