Rapport d'information n° 370 (1995-1996) de M. Jacques GENTON , fait au nom de la délégation pour l'Union européenne, déposé le 21 mai 1996
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INTRODUCTION
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A. AUDITION DE M. JACQUES DELORS
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B. REUNION COMMUNE AVEC UNE DÉLÉGATION
PARLEMENTAIRE GRECQUE
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C. COMMUNICATION DE M. PAUL MASSON SUR L'APPLICATION
DES ACCORDS DE SCHENGEN ET L'AVENIR DE CES ACCORDS DANS LE CADRE DE
CONFÉRENCE INTERGOUVERNEMENTALE
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D. AUDITION DE M. JACQUES SANTER, PRÉSIDENT
DE LA COMMISSION EUROPEENNE
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E. AUDITION DE M. MICHEL BARNIER
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A. AUDITION DE M. JACQUES DELORS
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SOMMAIRE DÉTAILLÉ DES PROPOSITIONS
D'ACTES COMMUNAUTAIRES EXAMINÉES
N° 370
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 19951996
Annexe au procès-verbal de la séance du 21 mai 1996
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la délégation du Sénat pour l'Union européenne (1) ,
sur
les activités de la délégation ; suivi de la Conférence
intergouvernementale, examen des propositions d'acte
communautaire (mars-avril 1996).
Par M. Jacques GENTON,
Sénateur
(1) Cette délégation est composée de MM Jacques Genton, président ; James Bordas, Claude Estier, Pierre Fauchon, Philippe François, vice-présidents ; Nicolas About, Michel Caldaguès, Jacques Habert, Emmanuel Hamel, François Lesein, Paul Loridant, Charles Metzinger, secrétaires ; Robert Badinter, Denis Badré, Gérard Delfau, Mme Michelle Demessine, MM Charles Descours, Ambroise Dupont, Jean François-Poncet, Yves Guéna, Christian de La Malène, Pierre Lagourgue, Lucien Lanier, Paul Masson, Daniel Millaud, Georges Othily, Jacques Oudin, Guy Penne, Mme Daniele Pourtaud, MM Jacques Rocca Serra, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, André Rouvière. René Trégouët, Marcel Vidal, Xavier de Villepin
Union européenne
INTRODUCTION
En mars et avril 1996, la délégation du Sénat pour l'Union européenne a poursuivi ses travaux concernant la Conférence intergouvernementale chargée de réviser le traité de Maastricht, qui a officiellement débuté le 29 mars à l'issue du Conseil européen de Turin.
Elle a par ailleurs continué son examen systématique des propositions d'acte communautaire soumises au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution.
Afin de permettre une meilleure connaissance de ces travaux, ce rapport retrace ces diverses activités qui rentrent dans la mission assignée à la délégation de « suivre les travaux conduits par les institutions de l'Union européenne ».
I. LA PRÉPARATION DE LA CONFÉRENCE INTERGOUVERNEMENTALE |
La délégation a mené depuis 1994 une réflexion continue sur la préparation de la Conférence intergouvemementale, au sujet de laquelle elle s'est exprimée à trois reprises, en 1994 et 1995, par l'adoption de rapports. En mars et avril 1996, la délégation a poursuivi cette démarche par plusieurs auditions.
A. AUDITION DE M. JACQUES DELORS
Le mercredi 6 mars 1996, la délégation, réunie conjointement avec la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées, a entendu M. Jacques Delors, ancien Président de la Commission européenne.
M. Jacques Delors souhaite d'abord évoquer les grandes échéances qui se présentent pour l'Union européenne d'ici l'an 2000. Il rappelle en premier lieu que les résultats de la Conférence intergouvernementale (CIG) peuvent être affectés par le contexte politique de certains États membres et, notamment, les élections en Grande-Bretagne.
M. Jacques Delors souligne que, sauf à compromettre ses chances de succès, la CIG ne doit pas ouvrir prématurément le débat sur la constitution financière de l'Union européenne, les conditions de financement des politiques communes étant réglées jusqu'en 1999.
Comme l'indique l'ancien président de la Commission européenne, l'élargissement constitue pour l'Union une autre échéance majeure. A cet égard, il souligne que la promesse d'ouvrir des négociations en priorité avec Chypre et Malte dans les six mois qui suivront la clôture de la CIG a pu décevoir les pays candidats d'Europe centrale et orientale. S'agissant de ces derniers, il rappelle que la question d'examiner au cas par cas ou globalement leur candidature n'a pas été tranchée.
Enfin, le passage à l'Union économique et monétaire représente une autre échéance essentielle avant la fin du siècle. Il rappelle à cet égard que, dans un cycle de croissance économique, les pays les plus vertueux connaissent aujourd'hui, paradoxalement, un ralentissement conjoncturel. Cette situation s'explique, aux yeux de M. Jacques Delors, d'une part par l'absence de mise en oeuvre effective du Livre blanc sur la compétitivité, la croissance et l'emploi proposé par la Commission et, d'autre part, par le défaut de coopération dans les politiques macro-économiques conduites par les différents États membres.
Selon l'ancien président de la Commission européenne, la mise en oeuvre d'un gouvernement économique européen face à la Banque centrale indépendante, la réduction des marges de fluctuations monétaires et une politique de soutien de l'emploi constituent les trois conditions indispensables pour assurer la pérennité de l'Union économique et monétaire.
L'ancien président de la Commission européenne dresse alors un bilan du Traité de Maastricht dont il souligne les cinq principales faiblesses. Il regrette d'abord l'impuissance de la politique étrangère commune liée au processus de décision à l'unanimité et, également, à la dichotomie entre la politique conduite sur un mode intergouvernemental et la politique économique extérieure communautaire.
Par ailleurs, M. Jacques Delors rappelle les retards de mise en oeuvre d'une défense commune, faute d'une évaluation convergente des risques auxquels l'Europe se trouve dans son ensemble confrontée et de l'insuffisance de capacités logistiques, de renseignement et de transport communes, placées actuellement sous le contrôle de l'Alliance atlantique.
M. Jacques Delors relève également la complexité du « triangle institutionnel » que composent le Conseil, la Commission et le Parlement européen, et appelle à une plus grande transparence et une plus grande simplicité dans les procédures. Il évoque ensuite les problèmes liés à la responsabilité démocratique des institutions européennes, en soulignant qu'une bonne application de la subsidiarité ne peut résulter que d'une analyse politique des objectifs poursuivis par la construction européenne. La conciliation de deux légitimités, celles qu'incarnent les parlements nationaux, d'une part, et le Parlement européen, d'autre part, reste, pour M. Jacques Delors, la question décisive.
Ln outre, l'ancien président de la Commission européenne rappelle les inconvénients que présente, d'après lui, une conception du traité fondée sur trois piliers, et marque sa préférence pour un « tronc commun » permettant une plus grande cohérence et donc une plus grande efficacité de l'Union européenne.
M. Jacques Delors insiste sur les défis que poserait à l'Union européenne son prochain élargissement. Défi du nombre, en premier lieu, qui imposerait un changement des méthodes de travail au sein de l'Union. Défi de la différenciation qui doit permettre à l'Union européenne de ne pas s'aligner sur les plus réticents de ses membres. Défi du financement ensuite, puisque d'après certaines estimations, l'élargissement pourrait supposer d'accroître de 40 à 50 milliards d'Ecus le budget communautaire. Défi institutionnel également, dans la mesure où les modalités de préparation et de prise de décision devront sans doute être revues. Défi politique enfin, le plus important dans la mesure où il invite à mieux définir les finalités de la construction européenne.
Concluant son propos. M. Jacques Delors évoque cinq scénarios Possibles de sortie de la Conférence intergouvernementale. Le premier, qu'il juge désastreux, serait un élargissement sans aucun approfondissement de la construction européenne. Le second, sous la forme d'une Europe à la carte, constitue, selon l'ancien président de la Commission européenne, qui le déplore, la pente naturelle de l'évolution communautaire. En troisième lieu. une Europe élargie mais avec un socle commun réduit, témoignerait de l'importance accrue accordée à la compétitivité, au détriment de la solidarité et de la coopération. Le maintien d'un socle commun, avec la possibilité pour une avant-garde d'aller plus loin, constituerait un quatrième scénario. Toutefois. M. Jacques Delors souligne sa préférence pour une cinquième hypothèse, celle où une grande Europe continuerait à favoriser le développement des échanges entre ses membres ainsi que les indispensables solidarités, mais où une Communauté plus réduite, grâce à un réel partage de certains éléments de la souveraineté, regagnerait en marges de manoeuvre et en influence dans le monde.
M. Jacques Delors répond ensuite aux questions des commissaires.
Après avoir évoqué avec M. Emmanuel Hamel la politique qu'il a conduite lorsqu'il était ministre de l'économie et des finances. M. Jacques Delors aborde, en réponse à M. Yves Guéna la perspective d'une défense commune européenne telle qu'elle est prévue dans le traité de Maastricht.
Pour l'ancien président de la Commission européenne, la France devrait s'interroger sur sa capacité à assurer, seule, sa sécurité intérieure et extérieure. Si elle n'estime pas disposer, à elle seule, d'une telle capacité, il lui faut agir au sein de l'Alliance atlantique, dans laquelle les États-Unis Pèsent d'un poids toujours plus fort, afin d'y développer, en son sein, avec ses Partenaires, un pilier européen de défense. Cela permettrait d'éviter certaines humiliations rencontrées récemment par l'Union européenne dans son action diplomatique.
En réponse à M. Michel Caldaguès, M. Jacques Delors souligne la nécessité de plaider à la fois pour la monnaie unique et pour l'emploi. Cette stratégie impose une forte relation de confiance entre la France et l'Allemagne.
Évoquant avec M. Jacques Oudin le défi de la différenciation entre pays européens, singulièrement dans le cadre du futur élargissement. M. Jacques Delors souhaite que cette notion figure dans le traité modifié afin que les pays qui ne souhaitent pas certaines avancées n'empêchent pas les autres de les réaliser. Il se déclare toutefois hostile à la notion de « cercles différenciés de solidarité », estimant nécessaire l'existence d'un noyau dur.
En réponse à une question de M. Denis Badré concernant les problèmes budgétaires de l'Union européenne, M. Jacques Delors estime que l'Union économique et monétaire nécessite un accroissement du budget européen pour être à même d'assurer un développement économique et social durable. À défaut, l'UEM pécherait par excès de monétarisme.
Revenant avec M. Jean François-Poncet et le président Jacques Genton sur le scénario d'une petite et d'une grande Europe, M. Jacques Delors précise les conditions d'une telle stratégie ; d'abord la possibilité pour tout pays d'intégrer la « petite Europe » et ensuite la nécessité de hiérarchiser, entre chacune de ces deux configurations, des compétences respectives, en confiant par exemple à la « grande Europe » les principes du grand marché, et à la « petite Europe » la possibilité de politiques économiques et monétaires étroitement concertées.
Avec M. Xavier de Villepin, président de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées, M. Jacques Delors reconnaît qu'en matière de PESC, le Traité de Maastricht a péché par souci « d'effet d'annonce ». Il eût mieux valu se borner à évoquer la possibilité d'actions communes lorsque des intérêts communs étaient en jeu. Par ailleurs, aux yeux de l'ancien président de la commission, on est allé trop vite en matière d'affaires intérieures et de sécurité. Par ailleurs, il juge souhaitable que le futur traité énumère les compétences qui demeurent exclusivement nationales.
M. Jacques Delors reconnaît que la situation des communautés autonomes d'Espagne à l'égard de l'Union européenne n'est pas comparable aux relations établies par les États fédéraux européens, où une hiérarchie est admise entre les niveaux communautaire, national et régional. Après avoir évoqué la spécificité de la position britannique dans l'Union européenne, il souligne la nécessité, pour la France, d'entretenir un dialogue de confiance qui n'exclut pas la fermeté, sur certains sujets, avec nos partenaires allemands. Il estime que la RFA a un réel besoin de ce dialogue avec la France et que notre pays, ayant tenu une place essentielle dans les avancées européennes, doit retrouver cette capacité d'initiative.
Concluant son propos, M. Jacques Delors déclare ne pas se résigner au déclin de l'Europe, perceptible depuis la fin du premier conflit mondial. Il avance des raisons d'espérer; l'influence des valeurs européennes, et l'exemplarité du modèle européen de société, fondé sur la combinaison des mécanismes du marché, des interventions de la puissance politique et de la concertation sociale, assurant, à la fois, l'efficacité économique et la cohésion sociale.
B. REUNION COMMUNE AVEC UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE GRECQUE
Le mercredi 13 mars 1996, la délégation a rencontré une délégation de la commission des Affaires européennes de la Chambre des Députés hellénique.
La délégation de la Chambre des députés hellénique est composée de MM. Pafsanias Zakolikos, président de la commission des Affaires européennes de cette Assemblée. Stavros Soumakis, Michalis Galenianos, Stefanos Stefanopoulos et Antonis Skyllakos, membres de la commission des Affaires européennes. M. Marc Massion, président du groupe d'amitié France-Grèce du Sénat, s'est joint à cette réunion, à l'invitation de M. Jacques Genton.
M. Pafsanias Zakolikos exprime ses remerciements à la délégation du Sénat pour avoir répondu rapidement à cette demande de rencontre des deux délégations. Puis il introduit son propos en rappelant les deux thèmes que sa délégation entend discuter avec les parlementaires des pays visités, la Finlande, la Suède et l'Allemagne puis, après la France, la Belgique et le Luxembourg; d'une part, la promotion du rôle des parlements nationaux en vue de la réforme des traités débattue par la conférence intergouvernementale qui doit s'ouvrir à Turin le 29 mars 1996 : d'autre part, les menaces de crise aux frontières extérieures de l'Union européenne qu'a révélées l'affaire de l'îlot d'Imia.
Développant les vues de sa délégation sur le rôle des parlements nationaux, M. Pafsanias Zakolikos rappelle que cette question, qui est débattue dans le cadre de la Conférence des Organes Spécialisés dans les affaires Communautaires (COSAC) depuis quatre ou cinq réunions, a été quelque peu escamotée lors de la session sous présidence espagnole à Madrid en 1995. Aussi la délégation grecque a-t-elle pris l'initiative de ces rencontres avec des délégations des États membres en vue de rouvrir le débat pour formuler une contribution à la conférence intergouvemementale, s'inquiétant des incertitudes quant à la convocation de la COSAC sous présidence italienne du fait de la dissolution du Parlement et de la tenue d'élections en avril prochain.
M. Pafsanias Zakolikos, tenant compte de ces difficultés, indique qu'il a formulé en Suède et en Allemagne une proposition tendant à provoquer la réunion des présidents des organes spécialisés dans les affaires communautaires des assemblées des différents États membres, un représentant du parlement européen se joignant, le cas échéant, à cette réunion, comme d'ailleurs le règlement en prévoit la possibilité. Cette formation restreinte pourra élaborer une déclaration à l'adresse de la Conférence intergouvernementale.
Si la France, la Belgique et le Luxembourg accueillent favorablement cette suggestion, à la suite de la Finlande, de la Suède et de l'Allemagne, une lettre pourra être adressée à la présidence italienne de la COSAC pour organiser une session d'une journée des présidents des organes spécialisés dans les affaires communautaires.
M. Jacques Genton indique qu'il doit soumettre cette proposition à la délégation du Sénat, soulignant cependant les difficultés liées à la dissolution du parlement italien. Il indique encore que, selon ses informations, la session de la COSAC à Rome ne devrait pas intervenir avant la fin du mois de juin, mais que, en revanche, celle qui doit se tenir sous présidence irlandaise pourrait être convoquée dès le mois d'octobre prochain.
M. Pafsanias Zakolikos insiste sur l'abrègement du débat à la COSAC de Madrid, ses observations étant confirmées par MM. Jacques Genton et Claude Estier ; il fait en outre valoir la conformité de vues entre la délégation grecque et la délégation française.
M. Jacques Genton s'interroge sur l'impact de la présence ou non de représentants du parlement européen à de telles réunions, conjecturant qu'il y avait là une question déterminante pour certaines délégations comme par exemple la délégation espagnole. Il suggère encore qu'une demande expresse soit adressée à la présidence italienne pour que l'ordre du jour de la prochaine COSAC comprenne un débat sur le rôle des parlements nationaux afin que ce point ne puisse pas être éludé à nouveau.
M. Claude Estier ayant demandé à la délégation grecque si elle peut préciser ses propositions pour renforcer concrètement le rôle des parlements nationaux, M. Pafsanias Zakolikos indique les deux orientations qui pourront être prises en considération. La première porte sur la création d'un Sénat européen, selon la proposition française, composé de membres des parlements nationaux. Il est à prévoir que le président Philippe Séguin renouvellera cette proposition lors de la Conférence interparlementaire qui doit se tenir au Palais Bourbon les 28 et 29 mars 1996, même si cette initiative de M. Jean Seitlinger, vice-président de la délégation française au Conseil de l'Europe, est tout à fait distincte de la COSAC.
M. Pafsanias Zakolikos exprime la crainte que la multiplication d exercices parallèles n'entraîne une certaine confusion et ne débouche que sur des discussions indéfinies et sans résultats concrets. Aussi développe-t-il une seconde orientation, ne soulevant pas les mêmes préventions de la part des délégations hostiles à une institutionnalisation de la COSAC. Partant du constat que les organes spécialisés dans les affaires communautaires, soumis à de fréquents renouvellements, sont l'expression légitime des citoyens des États membres, il suggère que les présidents de ces organisations spécialisées se réunissent, sans périodicité fixe, mais chaque fois que la formulation d'un avis serait nécessaire, à l'adresse par exemple du Conseil des ministres de l'Union européenne. Il souligne que cette formation sera à la fois moins nombreuse que la COSAC et qu'elle bénéficiera d'une plus large base démocratique que la « Troïka » (constituée par les délégués de l'État exerçant la présidence de l'Union, et ceux de l'État précédent et de l'État suivant dans l' ordre des présidences), insistant également sur la nécessité d'instaurer un dialogue non seulement avec un membre du gouvernement de l'État hôte de la COSAC, mais également avec le Conseil des ministres européen dans son ensemble.
M. Jacques Genton ayant souhaité que soit précisée la position de la délégation grecque sur l'association ou non de membres du parlement européen à cette formation restreinte. M. Pafsanias Zakolikos lui répond qu'il n'estime pas cette participation souhaitable.
M. Jacques Genton conclut cette première partie de la réunion en indiquant qu'il consultera la délégation du Sénat sur ces propositions, insistant sur l'inscription à l'ordre du jour de la COSAC de Rome d'un débat sur le rôle des parlements nationaux.
Le président de la délégation grecque aborde ensuite le deuxième thème annoncé, à savoir la crise greco-turque née d'une tentative d'appropriation de l'ilôt d'Imia par la partie turque alors que ces territoires relèvent de la souveraineté de l'État hellène depuis les traités de 1932.
Il indique que son pays s'est alors trouvé devant l'alternative suivante ; soit entrer en guerre avec la Turquie ; soit rechercher l'appui de ses partenaires de l'Union européenne pour faire pression sur la Turquie. Il rappelle que la Grèce a invité la Turquie à s'en remettre à l'avis des institutions internationales ; la partie turque, quant à elle, s'est contentée d'inviter la Grèce à provoquer elle-même l'intervention de ces institutions.
C'est dans ce cadre que la Grèce a demandé l'assistance et la solidarité de l'Union européenne. Or la réponse de celle-ci, sous présidence italienne, a tardé à se manifester, intervenant après la prise de position de l'Administration américaine.
M. Pafsanias Zakolikos a alors remis un mémoire préparé au parlement hellénique et reproduisant, notamment, des cartes maritimes américaines, russes et surtout turques indiquant elles-mêmes l'îlot d'Imia comme un territoire grec. Il rappelle encore que le financement par l'Union européenne, depuis 1984, d'actions de protection de la faune et de la flore sauvages sur cet îlot et les territoires grecs voisins en attestait le caractère indiscutablement hellénique.
En conclusion, il s'interroge sur la portée d'une politique européenne et de sécurité commune de l'Union européenne quand celle-ci ne parvient même pas à formuler une position un peu ferme sur des principes touchant à la souveraineté des États membres.
Enfin, M. Pafsanias Zakolikos remercie la délégation du Sénat et, en particulier, son président pour l'accueil reçu et la promptitude de l'intérêt manifesté en réponse aux demandes de la délégation grecque.
M. Jacques Genton renouvelle son intention de soumettre à la délégation du Sénat les suggestions touchant à une réunion des présidents des organes spécialisés dans les affaires communautaires et formule des voeux pour une solution pacifique et rapide du conflit greco-turc conformément aux principes qui gouvernent l'Union européenne.
C. COMMUNICATION DE M. PAUL MASSON SUR L'APPLICATION DES ACCORDS DE SCHENGEN ET L'AVENIR DE CES ACCORDS DANS LE CADRE DE CONFÉRENCE INTERGOUVERNEMENTALE
Le mercredi 13 mars, la délégation a entendu M. Paul Masson, a l'issue de sa mission auprès du Premier ministre, sur les conditions d'application de la convention de Schengen.
M. Paul Masson rappelle d'abord que le traité de Schengen est entre en vigueur en juin 1995 alors que, à cette date, la délégation du Sénat pour l'Union européenne avait adopté un rapport d'information proposant de suspendre cette mise en application. Bien que l'Assemblée nationale ait adopté une position opposée, le Gouvernement français avait rejoint le point de vue du Sénat et, après avoir vainement demandé à nos partenaires que l'on reporte l'entrée en vigueur, avait invoqué la clause de sauvegarde de l'article 2, paragraphe 2.
M. Paul Masson précise que cette position, qui a été arrêtée un mois avant le premier attentat terroriste en France, est justifiée par la progression des quantités de stupéfiants saisies en France et provenant des Pays-Bas. Cette même position a été réaffirmée par le gouvernement français en décembre 1995 et a justifié une nouvelle suspension de la partie du dispositif du traité portant sur les contrôles de personnes aux frontières terrestres, aériennes et maritimes.
M. Paul Masson indique que la mission qui lui a été confiée par le Premier ministre comportait un double objet; d'une part l'examen des mesures nécessaires au plan national pour pallier les lacunes constatées durant la phase initiale d'application de l'accord de Schengen; d'autre part la sensibilisation des partenaires de la France aux points de vue du gouvernement de manière à mieux faire comprendre notre position et nos souhaits.
M. Paul Masson présente alors les grandes lignes du constat qu'il avait pu dresser au terme de sa mission :
- le dispositif d'application du système Schengen fonctionne mal en France ;
- en dépit de l'objectif de libre circulation des personnes, les frontières intérieures ne peuvent rester sans surveillance ;
- ainsi que le montre notamment les déplacements qu'il a effectués sur les frontières est-allemandes, il se confirme que le contrôle des frontières extérieures pose un problème d'ampleur croissante ;
- enfin la question de la drogue reste incontournable dans la mesure où les Pays-Bas ont accepté de s'engager explicitement, dans le cadre de la convention, à réprimer les importations et les exportations de produits stupéfiants, y compris le cannabis.
M. Paul Masson insiste alors sur les ajustements qu'il estime nécessaire d'apporter au traité en raison de la nouvelle conception qu'il suggère en matière de surveillance des frontières intérieures, de la nécessaire réforme du fonctionnement du Comité exécutif des ministres et de l'indispensable contrôle parlementaire qui doit s'exercer dans ces domaines.
De son point de vue, ces ajustements pourront être examinés à l'occasion de la prochaine conférence intergouvernementale qui s'ouvrira à Turin le 29 mars prochain, Schengen représente en effet un enjeu considérable dans cette négociation : c'est en effet un acquis qui est très convoité. La Commission européenne s'est prononcée, dans son avis officiel, en faveur d'une intégration de l'Accord de Schengen dans le cadre du traité sur l'Union européenne et pour la communautarisation intégrale de ces questions, à l'exception de la coopération en matière pénale et policière. Le groupe de réflexion préparatoire à la conférence a eu une position plus incertaine.
La question est de savoir s'il est possible de remédier à la confusion actuelle qui aboutit à un éclatement de la politique de sécurité intérieure de l'Europe entre des responsabilités diverses : le comité exécutif de Schengen, la Commission européenne pour les visas, les États dans leurs zones propres de souveraineté, les arrangements particuliers entre États, le Royaume-Uni.
M. Paul Masson rappelle alors que le traité permet déjà, par le jeu des articles K 1 et 100 C, une communautarisation de six des neuf matières couvertes par les dispositions du titre VI et que rien n'empêchait la commission de poursuivre sa réflexion dans le domaine normatif de la sécurité intérieure dans le cadre des dispositions actuelles du traité sur l'Union européenne. Aller plus loin dans la voie d'une communautarisation des matières du titre VI du traité sur l'Union européenne aurait comme inconvénient d'augmenter la confusion, qui est déjà grande, par l'immixtion, dans cette matière, du droit communautaire en raison de l'intervention de la Cour de justice des communautés européennes, parallèlement à celles de la commission et du parlement européen. Le conflit serait alors permanent entre les organes communautaires et les États. Enfin, M. Paul Masson estime que, en tout état de cause, le dispositif opérationnel, notamment dans le domaine de la drogue et de l'immigration, doit rester du domaine de la coopération entre États.
M. Paul Masson énumère enfin les avantages qui, à ses yeux, résultent du maintien du dispositif Schengen :
- clarification des compétences entre la commission et les États ;
- possibilité de faire appel à un organisme institutionnel d'impulsion en matière de sécurité intérieure en Europe : le comité exécutif Schengen ;
- existence d'une base juridique pour la lutte contre les trafics de drogues ;
- respect de la subsidiarité ;
- maintien de la règle de l'unanimité dans un « club » de sept États qui disposent de règles particulières pour l'admission de nouveaux membres dans le cadre d'un élargissement à vingt États ou plus dans l'Union européenne ;
- souplesse des protocoles particuliers qui peuvent être mis en place sur des bases bilatérales ou multilatérales régionales :
- sécurité constitutionnelle du dispositif qui a été validé par le Conseil constitutionnel en juillet 1991 ;
- non exonération des Pays-Bas de leurs engagements internationaux en matière de lutte contre les trafics de drogues, contrairement à la situation qui résulterait d'une communautarisation de cette matière.
M. Christian de la Malène se déclare en plein accord avec M. Paul Masson sur les inconvénients que comporterait tout compromis sur la communautarisation partielle de la sécurité intérieure ainsi que sur la séparation entre le normatif et l'opérationnel. Si les Pays-Bas ont d'ores et déjà accompli des progrès dans leur approche du phénomène du trafic de drogue, en revanche on peut encore s'interroger sur le laxisme qui imprègne l'opinion néerlandaise.
Mme Michèle Demessine constate que la position de fermeté prise par le gouvernement français depuis plus de six mois a incontestablement obligé les néerlandais à évoluer sur la question de la drogue, car la France est probablement, en Europe, le seul pays qui résiste encore. Mais les résultats ne sont pas pour autant acquis car les enjeux économiques des trafics sont considérables et les Pays-Bas abritent les principales mafias européennes de la drogue. La population néerlandaise commence à prendre conscience de ce danger; les manifestations à Rotterdam d'octobre 1994 et de l'automne 1995 le confirment. Mais le danger subsiste notamment au regard du progrès du marché de l'ecstasy chez les jeunes. Les populations de la région Nord-Pas de Calais et des banlieues parisiennes sont particulièrement visées par ces trafics. La responsabilité des autorités néerlandaises est engagée car le refus de l'installation d'un scanner de containers dans le port de Rotterdam n'est pas seulement justifié par des considérations financières, mais aussi par des préoccupations commerciales liées à la rapidité du traitement du fret dans ce port.
D. AUDITION DE M. JACQUES SANTER, PRÉSIDENT DE LA COMMISSION EUROPEENNE
Le jeudi 21 mars 1996, la délégation a entendu, conjointement avec la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées, M. Jacques SANTER, Président de la Commission européenne.
A la veille de l'ouverture de la conférence intergouvernementale, l'Union européenne se trouve, d'après M. Jacques Santer, au pied du mur ; elle a trois grandes obligations de résultat; l'Union européenne doit se rapprocher des citoyens, au service d'un modèle européen de société; elle doit se doter d'une identité extérieure claire; elle doit enfin réorganiser ses institutions en vue de son élargissement.
L'Union européenne devra ainsi accentuer sa dimension sociale en réintégrant notamment le protocole social dans le Traité, actuellement objet d'un « opting out » du fait de la position britannique. Le modèle européen de société comporte de multiples facettes. Il devra ainsi également promouvoir la notion de service universel et de service public d'intérêt général, enjeu cher à la France.
Il s'agira également d'insérer dans le Traité un chapitre « emploi », préparant une stratégie commune en faveur de l'emploi. Pour donner une assise institutionnelle solide à cette démarche pour l'emploi, le président Jacques Santer évoque le Pacte européen de confiance pour l'emploi qui justifie son déplacement à Paris le jour même.
Le président de la Commission européenne rappelle qu'une Europe plus proche des citoyens doit être aussi un espace de liberté et de sécurité. Dans ce domaine du troisième pilier, il considère que les actuelles méthodes intergouvernementales ne permettent pas une coopération renforcée efficace. Il convient donc, à ses veux, de s'inspirer des méthodes communautaires, faute de quoi aucune coopération renforcée n'est envisageable sur les questions de drogue, de grande criminalité ou de droit d'asile.
L'Europe devra apparaître également plus transparente et plus lisible. La simplification des procédures s'impose selon le président Jacques Santer qui fait observer que 23 procédures différentes existent au Parlement européen.
Surtout, le président de la Commission européenne souligne l'urgence d'une identité extérieure claire et forte. Après avoir relevé que rien, en ce domaine, ne serait possible sans une forte volonté politique, M. Jacques Santer suggère la création d'une cellule d'analyse commune, placée auprès du secrétaire général du Conseil. Il estime par ailleurs que le vote à la majorité qualifiée devrait devenir la règle. Il propose enfin que la possibilité d'agir soit donnée à un nombre limité d'États désireux d'aller de l'avant, grâce à une forme d' « abstention constructive » des autres pays.
Pour le président Jacques Santer, la responsabilité de l'exécution des décisions dans ce domaine doit revenir au tandem commission-Conseil, solution qu'il estime préférable à la nomination d'une personnalité chargée d'incarner la politique extérieure et de sécurité commune (PESC). Enfin, une identité européenne de sécurité et de défense devra permettre une capacité européenne de décision en participant à des opérations de maintien de la paix, en prévoyant la participation des ministres de la défense au Conseil, en établissant un calendrier pour l'intégration de l'Union de l'Europe Occidentale (UEO) à l'Union européenne, dans la perspective d'un pilier européen au sein de l'Alliance atlantique.
Il faudra également, indique le président de la Commission européenne, préparer les institutions au futur élargissement. Ainsi faudra-t-il limiter à 700 l'effectif du Parlement européen. Par ailleurs, il se déclare sensible à une formule pragmatique destinée à accroître la participation des Parlements nationaux. Autant la commission ne demande pas de nouvelles compétences, autant les modalités de désignation des commissaires et de leur Président devraient être revues. S'agissant du Conseil, il importe, pour M. Jacques Santer que, hors certains domaines essentiels, le vote majoritaire devienne la règle, sauf à en paralyser le fonctionnement. Il conviendra également d'aménager les règles de pondération en fonction de la population des États.
Le président Jacques Santer se déclare enfin favorable à ce qu'il appelle une « flexibilité organisée », permettant à certains États décidés à aller plus loin de le faire. Il ne s'agirait pas d'une « Europe à la carte », et le cercle de ces États-moteurs devrait être ouvert. Mais il s'agit bien d'une dynamique différenciée dans le cadre d'un même objectif commun. Cela a toujours existé dans la construction européenne. L'Union économique et monétaire en est un exemple, au contraire de « l'opting out » du protocole social que le président Jacques Santer juge très négatif.
Concluant son propos, le président Jacques Santer souligne la difficulté des échéances monétaires, budgétaires et d'élargissement qui attendent l'Union pour les prochaines années.
M Jacques Santer répond ensuite aux questions des sénateurs.
M. Jacques Genton souhaite d'abord rappeler l'opinion de la majorité de la délégation sénatoriale sur la modification des institutions dans la perspective de la Conférence intergouvernementale (CIG). Il indique que la Commission européenne remplit des fonctions de proposition et de médiation irremplaçables, mais que son efficacité passe notamment par un renforcement de sa présidence. Il rappelle ensuite que le Conseil doit demeurer l'instance suprême de décision, le vote à la majorité qualifiée selon une double pondération (nombre des États, importance de la population) devant se généraliser. M. Jacques Genton souligne d'autre part son attachement à l'institution d'un haut responsable pour la politique étrangère et de sécurité commune agissant en liaison avec le président de la commission. Il souligne que la méthode communautaire n'est pas adaptée pour les second et troisième piliers du Traité de Maastricht. S'agissant du Parlement européen, il estime nécessaire d'en rationaliser les travaux dans le cadre d'une loi fondamentale et d'en améliorer le mode d'élection. Il ajoute que les Parlements nationaux doivent pouvoir s'exprimer sur les questions européennes au sein de chacun des États mais également coopérer entre eux ainsi qu'avec les institutions européennes. Il souligne à cet égard l'importance du respect du principe de subsidiarité. Enfin, M. Jacques Genton souhaite que la CIG évite les compromis médiocres et que la possibilité pour certains États d'aller plus loin dans la construction européenne soit préservée.
M. Claude Estier, après avoir noté que les propos de M. Jacques Santer rejoignent pour l'essentiel les positions défendues par son groupe, insiste sur la nécessité de renforcer la dimension sociale de la construction européenne afin de rapprocher l'Union des citoyens. Il s'interroge sur la nature des compromis auxquels parviendraient les États membres pour aboutir à des progrès concrets dans ce domaine, compte tenu des positions très tranchées qui les séparent.
M. Christian de La Malène s'inquiète des perspectives de l'élargissement de l'Union européenne dans le cas où la Conférence intergouvernementale se solderait par un succès médiocre. Il note à cet égard que, par le passé, la dynamique de l'élargissement l'avait toujours emporté sur la dynamique de l'approfondissement.
M. Michel Rocard interroge d'abord M. Jacques Santer sur les nouveaux objectifs que doit s'assigner la construction européenne après avoir promu la paix entre la France et l'Allemagne et la création d'un grand marché ; il souligne à cet égard que la sécurité de l'Europe reste menacée et note également que les États membres ont en partage un haut degré de protection sociale. M. Michel Rocard demande également au président de la Commission européenne de préciser si son souci d'une plus grande efficacité pour la PESC et la sécurité intérieure rend souhaitable une réintégration des deuxième et troisième piliers dans le pilier communautaire. Revenant sur « la flexibilité organisée » évoquée par M. Jacques Santer. M. Michel Rocard se demande si cette coopération approfondie et renforcée doit procéder des méthodes intergouvernementales ou peut laisser place à une institutionnalisation et notamment à un mode de décision à la majorité qualifiée. Enfin, il s'interroge sur la façon dont peut être levée l'hypothèque que constitue l'opposition de certains États membres au renforcement de la coopération européenne.
M. Hubert Durand-Chastel souhaite savoir si un sommet entre l'Europe et l'Amérique latine pourrait se tenir sur des bases comparables à celui qui avait réuni à Bangkok l'Europe et l'Asie.
M. Emmanuel Hamel, évoquant la PESC, insiste sur la nécessité de préserver une coopération entre les États nations maîtres de leur destin.
M. Michel Alloncle, s'interrogeant sur les perspectives d'un rapprochement entre l'Union européenne et l'UEO, rappelle que cette dernière organisation reste très effacée par rapport à l'OTAN, dominée par les États-Unis.
M. Paul Masson, évoquant l'inefficacité soulignée par M. Jacques Santer, de la coopération intergouvernementale dans le domaine de la sécurité intérieure, indique que les différentes tentatives communautaires en la matière ne se sont pas révélées plus encourageantes. De fait, rien ne permet de croire qu'une communautarisation de cette politique garantirait un résultat plus satisfaisant. Il souligne qu'une telle évolution, qu'il juge pour sa part irréaliste et dangereuse, impliquerait, si elle devait se concrétiser, une nouvelle réforme de la Constitution de certains États membres, et notamment de la France.
M. Jacques Habert demande au président de la Commission européenne de préciser ce qu'il entend par une identité européenne extérieure, claire et forte.
M. Xavier de Villepin s'interroge d'abord sur la possibilité de limiter le nombre de langues de travail utilisées au sein des institutions européennes. Il souhaite savoir sur quel mécanisme institutionnel peuvent reposer les solidarités renforcées. Enfin, il nuance l'euro-scepticisme prêté aux Français en indiquant qu'un sondage récent montre au contraire l'attachement de nos compatriotes à la construction européenne. Il souligne que celle-ci a su tirer parti dans le passé des situations de crises et évoque notamment les incertitudes du prochain scrutin présidentiel en Russie.
Répondant aux différents intervenants. M. Jacques Santer souligne que beaucoup des débats ouverts sur les institutions européennes seront tranchés par la Conférence intergouvernementale. Il rappelle que des éléments extérieurs tels que les élections britanniques pourraient influencer les négociations, mais que celles-ci aboutiraient sans doute à des solutions de compromis. Il attire cependant l'attention sur les dangers que l'élargissement sans approfondissement ferait peser sur l'Union européenne qui pourrait se voir ainsi réduite à une vaste zone de libre-échange.
Le président de la Commission européenne rappelle son attachement au principe de subsidiarité et indique qu'il a lui-même souhaité, depuis sa désignation à la présidence de la Commission, le retrait de 70 projets de directives. Cependant, par rapport à l'euro-scepticisme, il souligne que les citoyens des États membres aspirent, au contraire, dans certains domaines comme la politique étrangère, à une Europe plus forte, capable d'agir plutôt que de réagir.
M. Jacques Santer rappelle que les objectifs fondamentaux de la construction européenne demeurent la sauvegarde de la paix, mais doivent également comprendre la défense du modèle social européen. Il précise que les propositions de la Commission sur la PESC visent à conférer à l'Union, dans les relations internationales, un rôle politique à la mesure des moyens financiers considérables qu'elle a engagés dans des régions comme le Proche-Orient ou l'ancienne Yougoslavie. Il souligne, à propos du troisième pilier, que l'efficacité des méthodes intergouvernementales n'est pas avérée comme en témoignent par exemple les retards de la ratification de l'accord Europol. Il souligne également que. dans le cadre du premier pilier, la Commission propose, mais qu'il revient au Conseil de décider.
M. Jacques Santer relève la priorité accordée, dans la politique extérieure de l'Union, au dialogue interrégional qu'avait concrétisé le rapprochement entre l'Union européenne et le Mercosur. Il note à cet égard que rien ne s'oppose à la tenue d'un sommet Europe-Amérique latine.
Il signale, à l'intention de M. Emmanuel Hamel, que la politique extérieure n'implique pas un abandon des souverainetés, mais leur exercice partagé dans le souci d'une plus grande efficacité. Il souligne à cet égard qu'il importe de conférer une meilleure visibilité à la PESC. Il relève enfin que l'OTAN resterait la première ligne de défense de l'Europe, mais qu'il fallait renforcer en son sein le pilier européen de défense.
M. Jacques Santer s'accorde avec M. Xavier de Villepin pour reconnaître que le nombre de langues utilisées pose des problèmes fonctionnels. Il établit une différence entre les langues officielles et les langues de travail pour lesquelles il faudrait pouvoir imaginer certaines modalités. Ainsi, dans la pratique, trois langues -le français, l'anglais et l'allemand- se trouvent principalement utilisées dans certaines des instances de l'Union.
Le président de la Commission européenne, concluant son propos, souligne que les solidarités renforcées doivent reposer sur le cadre institutionnel commun. Evoquant les prochaines élections russes, il souligne qu'il incombe à l'Europe de promouvoir un modèle de stabilité et de sécurité pour le vieux continent.
E. AUDITION DE M. MICHEL BARNIER
Le mardi 30 avril 1996, la délégation a entendu M. Michel Barnier, ministre délégué aux Affaires européennes sur les premiers travaux de la Conférence intergouvernementale.
M. Jacques Genton, président, remercie M. Michel Barnier d'avoir tenu à assurer, une fois par mois, une information de la délégation sur les travaux de la Conférence intergouvernementale. Il précise que la Conférence a d'ores et déjà tenu trois réunions au niveau des représentants des Gouvernements et une réunion à l'échelon des ministres des Affaires étrangères, et qu'elle a abordé les thèmes suivants :
- la citoyenneté européenne et les droits fondamentaux,
- le « troisième pilier » (affaires intérieures et Justice),
- l'emploi,
- l'environnement et les éventuelles nouvelles politiques communes,
- la transparence et la subsidiarité,
- enfin, le rôle du Parlement européen et des Parlements nationaux.
M. Michel Barnier précise que la Conférence se réunira chaque semaine pendant un an à l'échelon des représentants des ministres des Affaires étrangères, et que, conformément au mandat de Turin, une rencontre aura lieu chaque mois, en marge des réunions, avec des représentants du Parlement européen. Les travaux, poursuit-il, ont pour base des fiches préparées par le secrétariat général du Conseil pour le compte et sous la responsabilité de la présidence italienne. Chaque représentant répond tour à tour aux questions figurant sur ces fiches. Les travaux du « groupe Westendorp » ayant déblayé le terrain, la Conférence est aujourd'hui en mesure d'aborder les différents problèmes avec plus d'efficacité. Les ministres des Affaires étrangères se retrouvent, quant à eux, une fois par mois et doivent se concentrer sur les points les plus difficiles.
Puis, M. Michel Barnier fait un bilan des premières négociations. Celles-ci, précise-t-il, ont porté sur les points suivants :
- la citoyenneté de l'Union et les droits civiques; la France a insisté a cet égard sur la place des services publics; cette démarche n'a pas rencontré d'hostilité, mais un effort d'explication reste nécessaire pour espérer obtenir que le traité mentionne la reconnaissance des services publics et de leurs missions, et confirme la compatibilité des actions de la Communauté avec ces missions :
- les droits fondamentaux : la discussion porte notamment sur l'adoption d'une Charte des droits individuels et des droits sociaux, et sur la possibilité de suspendre la participation d'un État à l'Union, voire de l'exclure de celle-ci, en cas de violation délibérée des droits de l'homme ;
- le « troisième pilier » de l'Union : la France est disposée a envisager, pour certaines matières du « troisième pilier », une évolution vers un système de décision plus proche du schéma communautaire, à la condition que soit assurée une meilleure association des Parlements nationaux et que les décisions à la majorité qualifiée s'effectuent avec une nouvelle pondération des voix; il ne s'agit toutefois pas de « communautariser » tout ou partie du « troisième pilier », mais de définir une formule nouvelle, intermédiaire entre l'intergouvememental et le communautaire, comportant des méthodes nouvelles, telles que la double initiative des États membres et de la Commission et l'association des Parlements nationaux ;
- l'emploi : toutefois, dans ce domaine, les décisions essentielles ne relèvent normalement pas de la Conférence intergouvernementale. Le mémorandum français pour un modèle social européen ne concerne, au demeurant, pas seulement celle-ci. Il est certes souhaitable de réécrire certains aspects du traité, pour mieux intégrer la dimension sociale et humaniste de la construction européenne, mais il convient de ne pas céder à l'illusion que de nouvelles dispositions dans un traité suffiraient à résoudre le problème de l'emploi. Par ailleurs, presque tous les États souhaitent l'intégration dans le traité du protocole social, et un large accord se dessine en faveur de la mise en place d'un observatoire des politiques sociales et de l'emploi ;
- l'environnement : l'intégration au traité de la notion de « développement durable », conformément aux conclusions du sommet de Rio, recueille un large accord;
- le principe de subsidiarité, le rôle du Parlement européen et des Parlements nationaux : la France, pour sa part, est favorable au maintien des pouvoirs actuels du Parlement européen, compte tenu de l'augmentation importante de ces pouvoirs déjà réalisée par le Traité de Maastricht. Il semble qu'une large majorité des délégations soient favorables à une extension du champ de la codécision législative, mais hostiles à un accroissement des pouvoirs budgétaires du Parlement européen. Sur le rôle des Parlements nationaux, les propositions françaises rencontrent pour l'instant le scepticisme, même si nos partenaires comprennent le lien que fait la France entre l'association des Parlements nationaux et toute évolution du troisième pilier.
M. Michel Barnier indique par ailleurs que la Conférence est saisie de nombreuses initiatives concernant des thèmes tels que la protection des animaux, la santé, l'éducation, le sport; il se déclare opposé à cette tendance qui pourrait provoquer l'enlisement de la Conférence.
Le ministre évoque ensuite les prochaines négociations et les orientations retenues pour celles-ci par le Gouvernement :
- un recours plus large au vote à la majorité qualifiée est envisageable si la pondération des votes est revue, afin de mieux tenir compte du poids démographique et économique des États;
- la Commission devrait comprendre une dizaine de membres et être dotée d'une présidence forte;
- le Conseil devrait exercer un contrôle plus
étroit sur la
Commission; le fonctionnement du Conseil
« affaires générales » devrait
être
amélioré;
- une clause relative à la coopération renforcée devrait être introduite, notamment dans l'optique du développement de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Le Conseil européen devrait arrêter par consensus la direction à suivre, éventuellement avec l'abstention constructive de certains États; il reviendrait ensuite au Conseil de décider, éventuellement à la majorité qualifiée, du détail des actions communes qui pourraient n'inclure que les États volontaires;
- la Cour de justice est indispensable au bon fonctionnement de la Communauté; elle doit mieux reconnaître les grands principes de notre droit, ce qu'elle a en partie commencé à faire dans certains arrêts concernant les services publics; la France doit se préoccuper de renforcer son influence juridique plus que de chercher à réformer cet aspect des institutions européennes, même s'il est souhaitable de rationaliser le fonctionnement de la Cour et d'améliorer l'organisation du Tribunal de première instance.
Enfin, M. Michel Barnier conclut son propos par quelques observations générales :
- il existe un risque de dérive vers une multitude de thèmes en fonction des priorités de chacun; or, en cas d'enlisement, la Conférence risque d'être perturbée par le calendrier électoral des États membres;
- malgré le scepticisme que rencontrent les thèses françaises sur l'association des Parlements nationaux à la vie du « troisième pilier » de l'Union et au contrôle de la subsidiarité. Le Gouvernement français tient à cette idée et s'emploie à convaincre ses partenaires; il estime en effet qu'on ne peut évoluer sur le « troisième pilier » ni donner une réalité à la question de la subsidiarité sans associer les Parlements nationaux ;
- les vues « extrémistes » sur le renforcement des pouvoirs du Parlement européen ne sont guère défendues; c'est plutôt un élargissement du champ de la codécision qui est le plus souvent envisagé;
- une prise de conscience assez large s'est manifestée autour de l'importance des sujets liés à la citoyenneté européenne, dans l'optique d'une Europe plus proche des citoyens;
- le Gouvernement est très engagé dans 1'effort pour mettre en place une politique extérieure et de sécurité commune digne de ce nom, animée par un haut représentant ayant la dimension requise.
M. Paul Masson demande si les contraintes constitutionnelles françaises sont prises en compte dans les négociations sur la transformation du « troisième pilier ». Il rappelle que la révision intervenue pour permettre la ratification du Traité de Maastricht n'a autorisé que des délégations de souveraineté bien précises et estime que des délégations supplémentaires de souveraineté requerraient une nouvelle révision de la Constitution, les décisions du Conseil constitutionnel concernant le Traité de Maastricht et les accords de Schengen étant sans ambiguïté à cet égard.
M. Yves Guéna se félicite de la position du Gouvernement sur l'obtention de garanties concernant les principes du service public dans le traité révisé, mais souligne que des directives sont en cours de négociation sur divers services publics. Il souhaite en conséquence un moratoire dans ce domaine, jusqu'à l'entrée en vigueur du nouveau traité.
M. Philippe François approuve l'idée de réduire le nombre des membres de la Commission européenne, mais souhaite avant tout qu'une meilleure organisation de celle-ci permette de contenir le flux de réglementations nouvelles en tous sens. Celles-ci, estime-t-il deviennent si nombreuses et si détaillées que dans certains cas, elles deviennent pratiquement inapplicables.
M. Xavier de Villepin approuve la volonté de préserver les principes du service public, tout en soulignant que certains des partenaires de la France comprennent mal les spécificités du service public et cherchent, pour cette raison, à limiter le commerce avec certaines entreprises nationales. Il souhaite que la nécessaire défense du service public soit menée de manière à préserver la possibilité pour une entreprise telle qu'EDF de se développer sur le marché communautaire.
Puis, M. Xavier de Villepin approuve la position du ministre sur la définition d'une clause de coopération renforcée. S'agissant de la mise en place d'un haut représentant pour la PESC,. il souligne que cette idée n'est pas toujours bien reçue et se demande si un renforcement du statut du secrétaire général du Conseil ne serait pas une solution plus facile à faire admettre, du moins dans le domaine de la politique étrangère, les questions de sécurité demandant quant à elles une approche spécifique. Abordant enfin l'association des Parlements nationaux, il estime que si rien n'est obtenu sur ce point, il en résultera un dommage pour la construction européenne; il estime que diverses solutions sont envisageables pour cette association, éventuellement différentes selon les secteurs.
Enfin, approuvé par M. Philippe François, M. Xavier de Villepin regrette la faible influence française au sein du Parlement européen.
Mme Danièle Pourtaud souligne que l'avenir des services publics est une préoccupation essentielle pour le groupe socialiste. Rappelant que le conseil « énergie » examinera le 7 mai un projet de directive sur la libéralisation de la fourniture d'électricité, elle exprime la crainte qu'un compromis ne conduise à l'abandon des barrières protégeant le service public, alors qu'en juin 1995 le Conseil avait au contraire admis une option possible entre le système de l'acheteur unique et celui de l'accès des tiers au réseau, ce qui était conforme au principe de subsidiarité et permettait le maintien du service public. Elle souligne que les deux Assemblées ont manifesté par des résolutions, leur attachement au service public et leur opposition à l'accès des tiers au réseau, et que le Gouvernement s'est prononcé également dans ce sens. Elle demande que le Gouvernement réaffirme ses engagements, et souhaite que les Assemblées soient saisies de la version modifiée du projet de directive, celui-ci ayant sensiblement évolué par rapport au texte initial.
M. François Lesein s'interroge sur l'avenir de l'Eurocorps dont il souligne l'importance pour l'axe franco-allemand. Soulignant que le nombre de pays participants restait relativement réduit, il demande si cette construction suscite la méfiance de certains États membres.
M. Pierre Fauchon, revenant sur l'éventuelle inconstitutionnalité d'une modification des procédures de décision du troisième pilier, estime que, dans ce cas, la Constitution devrait être révisée et qu'il s'agit d'ailleurs là pour le Parlement d'une garantie de participer pleinement, en tout état de cause, au débat et à la décision sur le futur traité. La Constitution, estime-t-il, ne doit pas être un obstacle au progrès de la construction européenne.
M. Jacques Habert s'inquiète du contenu d'une éventuelle Charte des droits fondamentaux, craignant notamment qu'une extension excessive du principe de non-discrimination n'aboutisse à une immixtion de l'Europe dans le droit des États membres concernant certains problèmes de société. Il demande qu'elle sera la valeur juridique de cette Charte et si des recours devant la Cour de justice des Communautés seront possibles en s'appuyant sur elle.
M. Claude Estier demande des précisions sur les dispositions concernant l'emploi, rien de précis ne paraissant envisagé en dehors de l'intégration au traité du protocole social.
M. Jacques Genton, après avoir rappelé le progrès du contrôle parlementaire qu'a permis l'article 88-4 de la Constitution, et souligné que la délégation s'attachait à appliquer cet article dans un esprit constructif, indique que, au cours de récents contacts avec des délégations parlementaires belges et néerlandaises, il a constaté la forte réticence de ces pays à l'idée d'une révision de la pondération des votes au sein du Conseil.
En réponse à ces interventions, M. Michel Barnier apporte les précisions suivantes :
- la négociation en cours est d'une grande importance, car la révision du traité, dans l'avenir, sera probablement de plus en plus difficile; l'augmentation du nombre des membres de l'Union rendant l'unanimité de moins en moins accessible; par ailleurs, il s'agit d'une négociation globale; il n'y aura d'accord sur rien s'il n'y a pas d'accord sur tout. On ne peut donc exclure qu'une négociation d'une telle portée rende nécessaire une révision de la Constitution ;
- l'appréciation portée sur le projet de directive en cours d'examen concernant la fourniture d'électricité doit tenir compte des inconvénients éventuels d'une absence de texte. Il n'est pas certain que le service public serait mieux protégé en l'absence d'une règle communautaire. Sur le fond, le Gouvernement entend à la fois défendre le service public et lui permettre d'évoluer, de manière à permettre à EDF de développer ses exportations et de se diversifier. Une attitude plus offensive suppose plus d'ouverture et un effort d'adaptation. Le Gouvernement entend préserver le système de acheteur unique et les bases du service public tout en autorisant une certaine ouverture dans le cas des grandes entreprises ;
- une diminution du nombre des membres de la commission encouragerait une rationalisation de ses travaux; un contrôle plus étroit de la commission par le Conseil, organe politique fondamental de l'Union, favoriserait également un recentrage de ses activités ;
- le principe de la « coopération renforcée » paraît de mieux en mieux admis, les exemples de la Bosnie puis du Liban ayant au demeurant favorisé une certaine évolution des esprits quant à l'intérêt, pour l'Europe, d'être présente et active par l'intermédiaire de certains de ses États membres ;
- il n'y a pas nécessairement une différence fondamentale de conception entre l'idée d'instituer un haut représentant pour la PESC et celle de donner un nouveau profil au secrétaire général du Conseil, dès lors qu'il s'agirait dans tous les cas d'une personnalité avant le poids politique requis, bénéficiant de la confiance du Conseil et capable de susciter le travail en commun des diplomaties des États membres ;
- une révision du mode d'élection des membres français du Parlement européen pourrait les aider à renforcer leur rôle au sein de cette Assemblée, le mode de scrutin actuel favorisant un certain éparpillement ;
- la lettre franco-allemande est une référence essentielle pour les négociations et le Gouvernement est persuadé que le bon fonctionnement de l'axe franco-allemand est essentiel au succès de celles-ci. L'Allemagne est très sensible au débat français sur le service national. La restructuration de l'armée et de l'industrie d'armement est une des grandes affaires du septennat; elle s'intègre à une vision d'ensemble. Le renforcement de la participation française à l'OTAN est lié à l'évolution effective de cette organisation. Le Conseil européen sera amené, à l'avenir, à avoir un rôle en matière de défense ;
- une éventuelle Charte des droits fondamentaux ne devrait pas figurer dans le traité lui-même, mais être annexée à celui-ci. La France est attentive aux risques qui pourraient naître d'une extension de la compétence de la Cour de justice à de tels domaines :
- plusieurs des thèmes traités par la Conférence intergouvernementale ont un caractère social : les services publics, la drogue, les régions ultra-periphériques, le protocole social. Il n'est pas exclu, par ailleurs, que la Conférence procède à une réécriture partielle de certains articles du traité pour mieux intégrer la dimension humaniste et sociale. Mais ce n'est pas l'insertion d'un chapitre nouveau qui apportera des solutions au problème de l'emploi.
Après s'être félicité du large échange de vues qu'avait permis l'audition du ministre délégué, M. Jacques Genton précise à l'intention de Mme Danièle Pourtaud que les textes distribués aux parlementaires dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution sont ceux que la Commission européenne a officiellement présentés et transmis au Conseil des ministres. Une nouvelle version d'un projet n'est distribuée que si la Commission européenne a retiré la version précédente et en a officiellement déposé une nouvelle. Mais, dès lors qu'un texte a été soumis aux Assemblées, les parlementaires peuvent à tout moment présenter des propositions de résolution tenant compte des évolutions de ce texte au fil des négociations.
II. L'EXAMEN DES PROPOSITIONS D'ACTES COMMUNAUTAIRES PAR LA DÉLÉGATION |
SOMMAIRE DÉTAILLÉ DES PROPOSITIONS D'ACTES COMMUNAUTAIRES EXAMINÉES
2. Pays et Territoires d'outre-mer 33
3. Politique agricole et pêche 33
1. Relations extérieures
Proposition E 589
|
(Procédure écrite du 19 mars 1996)
Ce texte concerne la mise en place de l'Union douanière C.E.-Turquie. Afin d'assurer le bon fonctionnement de cette Union douanière et de garantir la liberté des échanges commerciaux entre les parties, un comité mixte a été établi.
La proposition E 589 tend à définir les conditions dans lesquelles la Communauté adoptera des positions communes au sein de ce comité mixte.
Le texte prévoit les modalités suivantes :
- la position de la Communauté sera arrêtée par le Conseil statuant à la majorité qualifiée, sur proposition de la Commission;
- toutefois, s'il s'agit de l'application d'une législation communautaire ou de l'appréciation d'un comportement anti-concurrentiel, c'est à la commission qu'il reviendra d'arrêter la position de la Communauté.
La procédure retenue ne soulève pas de difficulté particulière et s'inspire de celle définie pour l'adoption de positions communes au sein du Conseil d'association C.E-Turquie.
La délégation a donc décidé de ne pas intervenir sur la proposition E 589.
Proposition E 590 |
(Procédure écrite du 19 mars 1996)
Ce texte fait suite à la signature, le 18 décembre 1995, de l'accord intérimaire sur le commerce et les mesures d'accompagnement entre la Communauté et l'État d'Israël, qui prévoit, notamment, une augmentation des concessions accordées par la Communauté au profit des produits agricoles originaires d'Israël.
Il vise à mettre en oeuvre les mesures prévues par cet accord intérimaire, en modifiant le volume des contingents tarifaires et les quantités de référence applicables aux produits provenant d'Israël.
Il s'agit donc de simples adaptations techniques.
Ce texte a déjà été transmis au Sénat dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution, sous le numéro E 581, et la délégation n'a pas jugé utile d'intervenir à son sujet, compte tenu de sa portée réduite. La nouvelle version de ce texte a été établie afin de supprimer, à la demande de certains États membres, une disposition autorisant la Commission à procéder elle-même, à l'avenir, à des adaptations techniques de même nature. Cette modification doit être approuvée.
La délégation n'a donc pas jugé utile d'intervenir sur la proposition E 590.
Proposition E 593
|
(Réunion de la délégation du 24 avril 1996)
Communication de M. Yves Guéna :
La proposition d'acte communautaire E 593 concerne la conclusion d'un échange de notes entre la Communauté européenne de l'énergie atomique et les États-Unis d'Amérique, relatives aux transferts de composants nucléaires à usage pacifique.
Ce texte tend à compléter un accord de coopération nucléaire à des fins pacifiques conclu entre les deux parties le 7 novembre 1995 et définit les conditions dans lesquelles les États-Unis exporteront dans la Communauté certains composants nucléaires importants pour l'industrie de plusieurs États membres. Les conditions prévues sont les suivantes :
- les composants nucléaires devront être utilisés à des fins exclusivement pacifiques ;
- ils ne pourront être réexportés sans autorisation préalable des États-Unis, que dans certains États limitativement énumérés.
Ce texte pose un certain nombre de problèmes graves, ce qui explique qu'il n'a pas pu être adopté, comme cela était prévu, avant le 31 décembre 1995.
•
En premier lieu, il convient de souligner que
la Communauté européenne de l'énergie atomique n'a pas de
compétence exclusive en matière d'usage pacifique de composants
nucléaires et de non-prolifération. Il s'agit d'une
compétence partagée entre la Communauté et les
États membres. Or, la Commission européenne envisage une
signature de ce texte par la seule Communauté européenne de
l'énergie atomique.
Ce problème n'est pas nouveau et s'était déjà posé en 1994 à propos de la convention sur la sûreté nucléaire. Notre délégation s'était opposée à l'adhésion de la Communauté européenne de l'énergie atomique en tant que telle à cette convention, estimant que celle-ci n'avait pas ou peu de compétences en la matière. Une proposition de résolution, signée par
MM. Genton, de Villepin et moi-même avait été transmise à notre commission des Affaires étrangères.
Celle-ci avait finalement défendu l'idée d'une adhésion de la Communauté aux seuls articles de la convention pour lesquels elle a une compétence. Ce problème n'a toujours pas été tranché à ce jour et la Communauté n'a toujours pas adhéré à cette convention.
Dans le cas de la proposition E 593. il n'est pas acceptable que les États membres ne soient pas parties d'une manière ou d'une autre à l'échange de notes avec les États-Unis. Les modalités d'une telle association des États sont actuellement étudiées au niveau du Conseil et de la Commission européenne.
Le service juridique du Conseil a envisagé deux possibilités :
- soit une approbation de l'échange de notes par le Conseil accompagnée d'une décision des États membres concernés ou du Président du Conseil au nom de ces États ;
- soit l'approbation de l'échange de notes par la seule Communauté, et la mise en oeuvre d'une action commune dans le cadre de la Politique étrangère et de sécurité commune (IIème pilier) pour les aspects qui ne relèvent pas de la compétence de la Communauté européenne de l'énergie atomique.
•
En second lieu, ce texte pose des
problèmes de fond. L `engagement d'utilisation pacifique des composants
nucléaires provenant des États-Unis ne peut être
accepté par la France, qui dispose d'installations mixtes produisant du
combustible destiné à des utilisations à la fois civiles
et militaires.
Par ailleurs, reconnaître aux autorités américaines un droit de regard sur la réexportation des composants nucléaires en provenance des États-Unis permettrait à ce pays de contrôler la passation des marchés commerciaux des États membres de la Communauté avec des pays tiers dans des domaines non sensibles sur le plan de la prolifération nucléaire.
Si la réglementation internationale prévoit bel et bien un droit de regard d'un État exportateur sur la réexportation de composants nucléaires, c'est seulement lorsqu`il s'agit de matières dites sensibles (est sensible ce qui touche, en particulier, au retraitement et à l'enrichissement).
Or, le texte proposé reviendrait à appliquer à des matières non sensibles le régime des matières sensibles, ce qui ne peut être accepté.
Dans ces conditions, ce texte est pour l'instant bloqué au niveau du Conseil, compte tenu de l'opposition de la France et du Royaume-Uni. Afin que les entreprises européennes ne pâtissent pas de l'absence d'accord avec les États-Unis, la commission a prolongé le précédent échange de lettres intervenu en 1979 ; il est évident qu'une telle situation ne peut perdurer longtemps.
Nous pourrions déposer une proposition de résolution sur ce texte comme l'a fait la délégation de l'Assemblée Nationale, mais cette procédure est peut-être un peu lourde, compte tenu de la nature de ce texte, qui ne nécessite pas d'intervention du Parlement européen et pour lequel la situation est susceptible d'évoluer rapidement en fonction des négociations au sein du Conseil et avec les États-Unis.
Aussi, je vous propose que notre délégation adopte des conclusions allant dans le même sens que la proposition de résolution déposée à l'Assemblée Nationale.
*
Au cours du débat qui a suivi, M. Christian de La Malène a déclaré partager les appréciations du rapporteur et s'est interrogé sur la nature juridique de la proposition d'acte communautaire E 593 et sur les modalités de son adoption au niveau communautaire.
M. Yves Guéna a alors expliqué que ce texte était un échange de lettres visant à compléter un accord de coopération nucléaire conclu avec les États-Unis en novembre 1995. Il a souligné que ce texte avait pour base juridique l'article 101 du traité Euratom, qui implique une adoption à la majorité qualifiée au sein du Conseil.
Après des interventions de MM. Christian de La Malène et Jacques Habert, la délégation a adopté des conclusions invitant le Gouvernement à s'opposer à la proposition E 593, tant que les problèmes posés par ce texte n'auront pas été résolus (voir texte ci-après).
CONCLUSIONS ADOPTÉES PAR LA DÉLÉGATION La Délégation du Sénat pour l'Union européenne, Considérant que la Communauté européenne de l'énergie atomique ne dispose pas d'une compétence exclusive en matière de composants nucléaires ; que les États membres devraient donc être parties à l'accord envisagé avec les États-Unis ; Considérant que l'adoption de la proposition E 593 pourrait permettre aux États-Unis de disposer d'un droit de regard sur la réexportation par les États membres de l'Union européenne de composants nucléaires n'appartenant pas aux matières dites sensibles ; Considérant que l'application de la proposition E 593 poserait de graves difficultés à la France qui dispose d'usines produisant des combustibles nucléaires destinés à des utilisations à la fois civiles et militaires ; Demande au Gouvernement de s'opposer à l'adoption de la proposition E 593 tant que ces questions n'auront pas donné lieu à une solution satisfaisante. |
Proposition E 603
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(Procédure écrite du 2 avril 1996)
Ce texte concerne la conclusion du troisième protocole additionnel à accord européen CE/Bulgarie sur le commerce des produits textiles.
Il tend à réduire les droits de douane appliqués par la Communauté sur les exportations bulgares de produits textiles, afin d'aligner leur traitement tarifaire sur celui des pays de Visegrad (Pologne, Hongrie, République Chèque, Slovaquie).
En contrepartie, la Bulgarie s'engage à avancer d'un an l'échéancier de son démantèlement tarifaire pour les produits textiles exportés par la Communauté.
L'accélération, par la Bulgarie, de son désarmement tarifaire est positive, d'autant qu'elle concerne des produits effectivement exportés par la Communauté et qui sont actuellement assujettis à des droits de douane compris entre 5 % et 25 %.
La réduction d'un septième des droits de douane consentie par la Communauté est une concession de faible portée.
La délégation a donc décidé de ne pas intervenir sur la Proposition E 603.
Proposition E 604 |
(Examen en urgence du 9 mars 1996)
Ce texte vise à suspendre l'ensemble des sanctions économiques et financières appliquées par la Communauté européenne et la Communauté européenne du Charbon et de l'Acier à l'encontre des Serbes de Bosnie.
Il fait suite à la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies qui subordonnait la suspension des sanctions au retrait des forces serbes bosniaques derrières les zones de séparation fixées dans l'accord de paix.
Le Gouvernement ayant fait savoir, par lettre du 9 mars, qu'il souhaitait que la délégation se prononce en urgence sur ce texte, afin qu'il puisse être adopté lors du Conseil « ECOFIN » du 11 mars, le Président de la délégation a lui-même examiné ce texte, conformément à la procédure prévue dans de tel cas.
Compte tenu du caractère consensuel des dispositions de ce texte le Président de la délégation a fait connaître au Gouvernement qu'il ne lui paraissait pas nécessaire que la délégation examine plus avant la proposition E 604.
Proposition E 605 |
(Réunion de la délégation du 24 avril 1996)
Présentation du texte par M. Jacques Genton :
La proposition E 605 tend à redéfinir le système de préférences généralisées (SPG) applicable aux produits agricoles originaires de pays en voi e de développement.
Ce texte fait suite à la proposition E 303, sur laquelle le Sénat s'est prononcé en décembre 1994. La proposition E 303 avait redéfini le SPG dans le cas des produits industriels, en définissant un « schéma pluriannuel de préférences généralisées » ; elle avait par ailleurs temporairement reconduit le SPG agricole, dans l'attente de sa réforme. C'est cette réforme qui fait l'objet de la proposition E 605.
I) Les orientations retenues
•
Ce texte tend tout d'abord à remplacer
l'ancien système (qui prévoyait des avantages tarifaires produit
par produit) par une classification de
s
produits agricoles en quatre
catégories :
- les produits très sensibles, pour lesquels la réduction des droits est de 15 %
- les produits sensibles (réduction de 30 %),
-les produits semi-sensibles (réduction de 65 %).
-les produits non sensibles (franchise de droits).
•
La proposition E 605 précise que ce
nouveau système devra être globalement neutre par rapport à
l'ancien, c'est-à-dire que, considéré dans son ensemble,
il n'entraînera pas de nouveaux avantages pour les pays
bénéficiaires considérés dans leur
ensemble.
•
Le nouveau système maintient les
avantages accordés aux pays les moins avancés (franchise de
droits) et à certains pays d'Amérique latine qui s'engagent
à lutter contre la production et le trafic de drogue (franchise de
droits pour certains produits).
•
Deux orientations doivent être
signalées :
- les pays bénéficiaires qui augmentent leurs efforts en matière de protection de l'environnement et de politique sociale peuvent bénéficier d'avantages particuliers,
- une clause de sauvegarde peut être mise en oeuvre en cas de difficultés graves pour les producteurs communautaires.
•
Enfin, comme dans le cas du SPG industriel, le
SPG agricole prévoit que les pays les plus avancés cesseront de
bénéficier des avantages tarifaires en 1999.
2) Les problèmes
•
L'impact économique de cette
réforme devrait normalement être négligeable puisque la
proposition pose le principe de la neutralité globale de ses
effets.
En revanche, le projet donne lieu à des controverses entre les États concernant des productions précises, puisqu'il est nécessaire de déterminer quels produits seront exclus du SPG. et de classer les autres produits selon leur sensibilité.
Sans aborder les aspects les plus ponctuels de ces controverses, ce qui ne répondrait pas à la vocation de notre délégation, je crois que celle-ci pourrait réaffirmer, à l'intention du Gouvernement, deux préoccupations qu'elle a déjà eu l'occasion d'exprimer :
- la nécessité de veiller à ce que les avantages tarifaires accordés dans le cadre du SPG n'entravent pas l'écoulement des productions des départements d'Outre-Mer,
- la nécessité de garantir que les concessions accordées pour les produits de la pêche ne compromettent pas les intérêts des producteurs communautaires, confrontés ces dernières années à des difficultés persistantes.
• On peut observer par ailleurs que, alors que
les facilités particulières accordées à certains
pays d'Amérique latine au titre de la lutte contre la drogue
(« SPG drogue ») représentent un effort important de
la part
de la Communauté, la reconduction de ce
système est proposée alors que la Commission européenne
n'a présenté aucun bilan de son efficacité.
Il serait pour le moins souhaitable qu'avant de reconduire pour plusieurs années cette formule coûteuse, nous ayons quelques assurances sur son efficacité.
Je vous propose donc que nous adoptions des conclusions sur ce texte afin d'attirer l'attention du Gouvernement sur ces différents aspects.
*
Au cours du débat qui a suivi, M. Christian de La Malène s'est interrogé sur l'efficacité de ces facilités accordées aux pays sud-américains au détriment des producteurs européens et notamment français.
M. Nicolas About a exprimé la crainte que les aides accordées aux producteurs sud-américains ne conduisent qu'à une diminution très provisoire des plantations de drogue. Compte tenu de l'efficacité limitée de cette politique, il s'est interrogé sur l'opportunité pour l'Union européenne de poursuivre ces actions coûteuses et a souligné l'importance d'un renforcement des liens entre l'Europe et les pays méditerranéens.
Mme Michelle Demessine a également mis en doute l'efficacité de cette politique et a souligné que le problème principal résidait dans le prix extrêmement faible des matières premières agricoles, telles que le café, sur le marché mondial.
À la suite du débat, la délégation a adopté des conclusions insistant sur la nécessité de préserver les intérêts des producteurs des départements d'outre-mer et de garantir que la pêche communautaire ne sera pas lésée par les concessions accordées. La délégation, s'interrogeant sur l'opportunité de poursuivre la politique conduite à l'égard de certains pays d'Amérique latine au titre de la lutte contre la drogue, a également demandé qu'un bilan de efficacité de cette action soit établi (voir texte ci-après).
CONCLUSIONS ADOPTÉES PAR LA DÉLÉGATION La délégation du Sénat pour l'Union européenne, I) Considérant que la proposition E 605 tend à reconduire les avantages tarifaires particuliers, dits « SPG-drogue », consentis à certains pays afin d'encourager la substitution de productions agricoles à la production de drogue, Considérant que la Commission européenne ne présente aucun bilan du « SPG-drogue » à l'appui de sa demande de reconduction et s'interrogeant sur l'opportunité de poursuivre cette action, Invite le Gouvernement : - à demander à la Commission de présenter un rapport au Conseil sur les résultats du dispositif « SPG-drogue », - à proposer au Conseil d'introduire dans ce dispositif un mécanisme efficace de sanctions à l'égard des pays bénéficiaires qui ne respecteraient pas leurs engagements. II) Considérant que la proposition F. 605 tend à accorder des avantages tarifaires particuliers à certains pays pour certains produits agricoles et de la pêche : Invite le Gouvernement à veiller en particulier : - à ce que les concessions prévues ne portent pas préjudice aux productions des départements d'Outre-Mer, parfois directement concurrencées par celles de certains pays bénéficiaires. - à ce que les avantages tarifaires concernant les produits de la pêche ne compromettent pas l'écoulement en priorité des produits de la pêche communautaire. |
Proposition E 607
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(Examen en urgence du 22 mars 1996)
Ce texte vise à proroger, pour 1996. le contingent tarifaire autonome à droit nul institué, en 1995, au profit des noisettes turques, pour tenir compte des échanges préférentiels existant entre la Turquie et les trois nouveaux États membres.
Il s'agit d'une mesure transitoire prise dans l'attente de l'adaptation de l'accord préférentiel CE/Turquie qui doit être réalisée à la suite de l'élargissement.
Le Gouvernement ayant fait savoir, par lettre du 19 mars, qu'il souhaitait que la délégation se prononce en urgence sur ce texte, afin que celui-ci puisse être adopté lors du Conseil d'association CE/Turquie du 25 mars, le Président de la délégation a lui-même examiné ce texte, conformément à la procédure prévue en de tels cas.
Compte tenu de la portée très réduite de ce texte, le Président de la délégation a informé le Gouvernement, par lettre du 22 mars, que la proposition E 607 pourrait être adoptée sans que le délai d'un mois après sa transmission au Parlement soit écoulé.
Proposition E 610
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(Réunion de la Délégation du 16 avril 1996)
Présentation du texte par M. Jacques Genton :
La proposition E 610 présente différents accords commerciaux portant sur le commerce des produits textiles conclus entre la Communauté européenne et quatorze États membres de l'Organisation mondiale du Commerce, situés en Asie du Sud-Est ou en Amérique latine.
La nécessité d'approuver ces accords - dénommés « arrangements administratifs » - résulte du démantèlement, actuellement en cours, des accords multifibres (AMF) conçus à l'origine comme un dispositif dérogatoire aux règles du GATT donc destinés à disparaître à terme. Institués en 1974 puis reconduits en 1978, 1980 et 1986. les AMF ont été prorogés à deux reprises jusqu'à l'échéance des négociations du cycle de l'Uruguay. Ils autorisaient les pays développés à prévoir des mesures de restriction et de contingentement des importations de produits textiles dans le cadre d'accords passés avec les États fournisseurs afin de réguler le commerce international
Les négociations du cycle de l'Uruguay ont abouti en avril 1994 aux accords de Marrakech prévoyant notamment la réintégration progressive du secteur du textile-habillement dans le cadre du commerce mondial régi par les règles et disciplines du GATT et de l'OMC. Une période transitoire de dix ans à compter de son entrée en vigueur (1995), est aménagée en quatre étapes, à l'expiration de laquelle les échanges seront entièrement libres.
Durant cette phase transitoire, l'accord sur les textiles et les vêtements prévoit que les restrictions aux échanges négociées sous forme bilatérale et précédemment arrêtées au titre des AMF, sont notifiées à l'Organe de supervision des textiles, désormais chargé de veiller à leur application.
Dans ce but, la proposition E 610 tend à approuver au nom de la Communauté les dispositions précédemment négociées avec quatorze États sur les modalités de mise en oeuvre des restrictions à l'importation. Les pays concernés sont : l'Argentine, le Bengladesh, Hong Kong, l'Inde, l'Indonésie, Macao, la Malaisie, le Pakistan, le Pérou, les Philippines, Singapour, la Corée du Sud, le Sri Lanka et la Thaïlande. Il convient de noter, sur ce point, que les accords commerciaux conclus avec l'Inde et le Pakistan avaient fait l'objet de la proposition E 549 examinée par la délégation lors de sa réunion du 31 janvier 1996 et au cours de laquelle elle avait conclu à la nécessité d'une surveillance vigilante sur les modalités d'application de ces arrangements.
Bien que l'objet de la proposition E 610 soit particulièrement sensible, compte tenu des difficultés considérables de l'industrie textile, ce texte apparaît comme une application de la procédure prévue par les accords de Marrakech et n'emporte donc pas, par lui-même, de nouvelle mesure de libéralisation des importations.
*
Après une intervention en ce sens de M. Denis Badré, la délégation a décidé de ne pas intervenir sur la proposition E 610.
Proposition E 612
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(Procédure écrite du 30 avril 1996)
La proposition E 612 concerne la conclusion, par la Communauté européenne, d'un accord intérimaire pour le commerce et les mesures d'accompagnement avec la République de Biélorussie, signé le 25 mars 1996 à Bruxelles.
Cet accord vise à mettre en oeuvre dès maintenant le volet commercial de l'accord de partenariat et de coopération Union européenne/Biélorussie signé le 6 mars 1995 et dont l'entrée en vigueur est subordonnée à sa ratification par les États membres.
L'accord intérimaire prévoit la mise en oeuvre immédiate des dispositions relatives :
•
aux échanges de marchandises
:
les parties s'octroient en particulier le statut de la nation la plus
favorisée, la Biélorussie pouvant néanmoins accorder aux
autres États indépendants de l'ex-URSS un traitement plus
avantageux jusqu'au 31 décembre 1998. Par ailleurs, les restrictions
quantitatives sont abolies entre les parties, à l'exception des produits
textiles (pour lesquels un accord spécifique existe déjà)
et des produits CECA. La Biélorussie pourra cependant introduire
certaines restrictions quantitatives pendant une période transitoire et
dans des conditions déterminées.
•
aux paiements courants
: les parties
s'engagent à ce que :
- les importations soient payées en monnaie librement convertible,
- en cas d'investissement direct, les sociétés soient libres de rapatrier leurs bénéfices en monnaie librement convertible,
- aucune restriction nouvelle de change ne soit introduite après l'entrée en vigueur de l'accord.
•
à l'établissement progressif d'une
concurrence libre et non discriminatoire
;
•
à la propriété
intellectuelle
: la Biélorussie s'engage à disposer dans
les cinq ans d'un niveau de protection des droits de propriété
intellectuelle, industrielle et commerciale équivalent à celui de
la Communauté européenne.
La conclusion de cet accord intérimaire constituera une nouvelle étape importante pour le renforcement des relations entre l'Union européenne et la République de Biélorussie et devrait contribuer, en particulier, au développement des échanges commerciaux entre les parties. Cet accord devrait, par ailleurs, favoriser le processus de réforme engagé par la Biélorussie.
La délégation a donc décidé de ne pas intervenir sur la proposition E 612.
Proposition E 615
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(Procédure écrite du 30 avril 1996)
Ce texte vise à officialiser la conclusion de l'accord euro-méditerranéen d'association signé entre l'Union européenne et Israël le 20 novembre 1995.
Cet accord est destiné à remplacer l'accord de coopération économique et commerciale conclu par les parties en 1975.
Prévu pour une durée illimitée, cet accord comporte trois grands volets : un volet politique et de sécurité, un volet économique et financier, et un volet social.
Les principaux éléments de l'accord sont les suivants :
- l'instauration d'un dialogue politique régulier entre les parties au niveau ministériel, au niveau des hauts fonctionnaires et au niveau parlementaire par des contacts entre le Parlement européen et la Knesset. Ce dialogue politique aura tout particulièrement pour objectif la paix, la sécurité et la coopération régionale :
- le renforcement de la zone de libre échange existante, en conformité avec les règles du GATT ;
- l'augmentation des concessions réciproques existantes pour le commerce des produits agricoles et des produits agricoles transformés ;
- la libre circulation des capitaux ainsi que l'établissement de principes communs en matière de concurrence, d'aides d'État, de propriété intellectuelle-industrielle et commerciale ;
- un renforcement de la coopération des parties dans les domaines scientifique et technique. Les modalités de cette coopération feront l'objet d'un accord séparé ;
- la mise en place d'une coopération renforcée dans toute une série de secteurs économiques (industrie, services financiers, énergie, transports, etc...), en matière douanière, ainsi qu'en matière de lutte contre les stupéfiants et le blanchiment de l'argent ;
- l'instauration d'un dialogue portant sur les problèmes de nature sociale.
Il est institué un Conseil d'association qui se réunira au niveau ministériel une fois par an. Un comité d'association sera chargé de la mise en oeuvre de l'accord.
Dans la mesure où il s'agit d'un accord mixte, son entrée en vigueur est subordonnée à sa ratification par les États membres. Le Sénat sera donc amené à se prononcer sur ce texte.
Il convient par ailleurs de rappeler que la France a beaucoup oeuvré, lorsqu'elle présida l'Union, pour la conclusion de cet accord qui s'inscrit dans le contexte de la nouvelle politique méditerranéenne de la Communauté, dont les orientations ont été définies lors du Conseil européen d'Essen les 9 et 10 décembre 1994.
La délégation a donc décidé de ne pas intervenir sur la proposition E 615.
Proposition E 616
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(Procédure écrite du 30 avril 1996)
La proposition E 616 tend à mettre en application, à titre provisoire, un accord conclu entre la Communauté européenne et les Emirats arabes unis sur le commerce des produits textiles, dans l'attente de sa conclusion formelle.
Cet accord vise à mettre un terme aux détournements de trafic imputables aux Emirats arabes unis en matière de produits textiles. En effet, les importations dans l'Union de produits textiles provenant des Emirats sont, pour partie, originaires d'autres pays tiers et contournent ainsi les restrictions quantitatives convenues avec ces pays tiers.
Sous la menace de la mise en place d'un contrôle statistique a posteriori, les Emirats se sont résolus à conclure un accord avec la Communauté. Cet accord n'introduit pas de restrictions quantitatives, mais organise un système d'autorisation pour certains produits textiles qui permettra à la Communauté de contrôler les importations en provenance des Emirats et d'empêcher que celles-ci contournent des restrictions quantitatives convenues avec d'autres États.
Un contrôle statistique très rigoureux sera mis en place par la Communauté. En cas de constatation de détournement de trafic, les parties se devront de coopérer pour y mettre un terme.
Ce texte fait l'objet d'un consensus.
La délégation a donc décidé de ne pas intervenir sur la proposition E 616.
2. Pays et Territoires d'outre-mer
Proposition E 594
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(Réunion de la Délégation du 13 mars 1996)
Présentation par M. Daniel Millaud d'une proposition de résolution :
La proposition d'acte communautaire E 594 concerne la révision à mi-parcours de la décision du Conseil de 1991 relative à l'association des Pays et Territoires d'outre-mer à la Communauté européenne.
Comme vous le savez, les pays et Territoires d'outre-mer n'appartiennent pas à la Communauté. Ils sont associés à la Communauté dans le cadre de la quatrième partie du traité de Rome. Les dispositions du traité sont complétées par des décisions d'association ; la dernière a été signée en 1991 pour 10 ans.
Le texte qui nous est soumis vise à modifier cette décision d'association pour prendre en compte l'expérience acquise depuis cinq ans et procéder à la répartition des crédits attribués aux PTOM pour les cinq ans à venir, dans le cadre du VIIIème FED.
Quelles sont les principales propositions que formule la Commission européenne ?
• La commission propose tout d'abord de renforcer
ce qu'on appelle la procédure de partenariat, qui permet d'associer les
autorités des territoires aux décisions qui concernent ces
territoires. Comme vous pouvez le constater dans le texte que vous avez
reçu, je trouve pour ma part que ce renforcement est très timide
et que, trop souvent, les autorités des territoires sont
écoutées poliment sans que leurs remarques ou propositions soient
prises en compte d'une quelconque manière.
• La Commission européenne souhaite
également modifier le régime commercial appliqué aux
produits provenant des PTOM. En effet, le régime très
libéral mis en place en 1991 a conduit à de graves abus de la
part de certains territoires néerlandais, ce qui a provoqué des
perturbations sur le marché communautaire. Pour plus de
précisions sur ce sujet, je vous renvoie au texte de ma proposition de
résolution.
• Par ailleurs, la commission propose que les
ressortissants des PTOM soient rendus éligibles à certains
programmes communautaires. En effet, les ressortissants des PTOM
possèdent la citoyenneté des États membres avec lesquels
ils entretiennent des liens particuliers (à certaines exceptions pour
une partie des territoires britanniques) et sont donc citoyens de l'Union
européenne.
La commission propose que les ressortissants des PTOM aient accès à des programmes d'éducation et de formation, des programmes en faveur des entreprises, des programmes de recherche, etc. Cette évolution est positive, mais je crois que ces possibilités doivent être accompagnées d'une politique d'information auprès des autorités des territoires. Il est en outre important que les démarches administratives à accomplir ne soient pas trop lourdes, compte tenu de l'éloignement et du caractère souvent insulaire de ces territoires. Si ces conditions ne sont pas remplies, on constatera dans quelques années que ces nouvelles possibilités n'auront jamais été utilisées.
•
Enfin, la commission formule une proposition
pour la répartition des crédits du VIIIème FED. Le Conseil
européen a attribué 165 millions d'Ecus aux PTOM dans le cadre de
ce VIIIème FED. La Commission européenne propose que les PTOM
français reçoivent 47,9 % des sommes consacrées aux
programmes indicatifs, les PTOM néerlandais devant recevoir 33,8 %
de ces sommes et les PTOM britanniques 18,3 %.
Telles sont les orientations de la proposition qui vous est soumise-Certaines des modifications proposées peuvent être importantes, mais dépendent largement de l'application qui en sera faite.
*
Il faut noter que ce texte n'apporte aucune modification au régime du libre établissement des ressortissants communautaires dans les PTOM. J'ai eu l'occasion d'expliquer devant vous le problème qui se pose pour les territoires français dans ce domaine.
Très brièvement, quelles sont les données du problème ?
•
Le traité de Rome et la décision
d'association accordent à tous les ressortissants communautaires le
droit de s'installer dans un PTOM pour y exercer une profession
libérale ;
•
Les autorités des territoires, pour
protéger le marché de l'emploi peuvent exercer un contrôle
sur cet établissement des ressortissants communautaires, mais à
la condition de ne faire aucune discrimination entre les ressortissants
communautaires. Par exemple, si la Polynésie souhaite contrôler
l'entrée sur son territoire, elle doit le faire aussi bien pour les
Français que pour les Espagnols et les Allemands.
•
Or, la Constitution française interdit
aux Territoires d'outre-mer « opérer un contrôle sur
l'établissement des français de métropole.
En conséquence, les autorités des territoires ne peuvent exercer aucun contrôle, alors même que selon le statut de la Polynésie française, ce territoire est compétent pour autoriser ou non l'établissement des étrangers. On est donc face à une grave question de principe. L'État a élargi l'autonomie des territoires par les statuts successifs qui ont été adoptés, mais les territoires ne peuvent exercer pleinement cette autonomie, certaines compétences appartenant maintenant aux institutions communautaires.
Notre délégation, en juillet dernier, s'est prononcée pour une modification du traité de Rome afin que ce problème soit résolu. Il suffirait de permettre aux territoires d'exercer un contrôle sur les ressortissants communautaires autres que ceux de l'État avec lequel les territoires ont des liens privilégiés.
Monsieur le ministre de l'outre-mer nous avait dit qu'il était nécessaire de modifier ou la Constitution ou le traité de Rome. Il y a quelques semaines, lors de la discussion du nouveau statut de la Polynésie française, le Gouvernement, comme le Sénat, ont exclu toute révision de la Constitution sur ce sujet. En revanche, le ministre comme mes collègues de la commission des lois se sont déclarés partisans d'une révision du traité (je vous renvoie au texte de ma proposition de résolution où figurent les déclarations de M. de Peretti et de M. Larché).
Je suis cependant très inquiet. La Conférence intergouvernementale s'ouvre dans deux semaines et il n'existe aucune proposition française dans ce domaine. Je ne sais même pas si le Gouvernement a demandé l'inscription à l'ordre du jour de ce sujet.
Voilà pourquoi je souhaite que notre délégation se manifeste par une proposition de résolution, afin que le Sénat réaffirme son souhait de voir le traité modifié à ce propos. La quatrième partie du traité de Rome n'a jamais été modifiée, alors qu'elle concernait à l'origine toutes les colonies françaises d'Afrique. Les pays et territoires d'Outre-mer n'appartiennent pas à la Communauté : ils lui sont associés. Est-il normal qu'on leur applique sans nuance le droit communautaire alors qu`ils présentent des caractéristiques géographiques, économiques, humaines, statutaires très particulières ? Je ne le crois pas.
Voilà pourquoi, mes Cher Collègues, je vous demande de soutenir la proposition de résolution que j'envisage de déposer.
*
La délégation a alors approuvé le dépôt par M. Daniel Millaud de sa proposition de résolution (voir texte ci-après).
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Vu la proposition d'acte communautaire E 594 ;
Considérant que la proposition E 594 concerne la révision à mi-parcours de la décision du 25 juillet 1991 relative à l'Association des Pays et territoires d'Outre-mer à la Communauté européenne ;
Considérant que la Commission européenne propose notamment un renforcement de la procédure de partenariat qui permet aux autorités des PTOM d'être associées aux décisions concernant ces territoires ; que la modification proposée reste cependant très timide ;
Considérant que la proposition de révision prévoit d'accorder aux ressortissants des PTOM le bénéfice de 22 programmes communautaires ; que, compte tenu de l'éloignement de ces territoires, ces possibilités ne pourront être utilisées que si une information complète et régulière est assurée dans les PTOM par les autorités communautaires :
Considérant que le régime actuel du libre établissement des ressortissants communautaires dans les PTOM ne prend pas en compte les spécificités géographiques, humaines, économiques et statutaires de territoires qui n'appartiennent pas à la Communauté européenne, mais lui sont associés ;
Considérant que seule une modification du Traité de Rome peut permettre la reconnaissance des particularités des PTOM ; que la partie du Traité consacrée aux PTOM n'a jamais été modifiée depuis 1957 ;
Considérant enfin que la Conférence intergouvernementale qui s'ouvrira dans quelques jours est peut-être pour les PTOM la dernière occasion avant longtemps de voir les conditions de leur association à la Communauté européenne modifiées ;
Invite le Gouvernement :
- à veiller à ce que la procédure de partenariat établie par la décision d'association de 1991 conduise à une véritable prise en compte des souhaits et propositions émis par les autorités des PTOM :
- à agir au sein du Conseil pour que l'extension de certains programmes communautaires aux ressortissants des PTOM soit accompagnée d'une politique d'information sur ces programmes et que les démarches administratives à accomplir soient les plus légères possibles ;
Demande surtout au Gouvernement de tout mettre en oeuvre pour que la Conférence intergouvernementale réexamine le régime d'association à la Communauté européenne des PTOM. et notamment les dispositions relatives au libre établissement des ressortissants communautaires, afin que les spécificités de ces territoires soient pleinement reconnues.
Cette proposition de résolution a été publiée sous le n° 274 (1995-1996).
Elle a été renvoyée à la commission
des Lois
Rappel : La délégation a adopté le 19 juillet 1995 un rapport de M. Daniel Millaud : « Pour une réforme des dispositions du traité de Rome sur l'association des Pays et Territoires d'Outre-mer » Ce rapport a été publié sous le n° 385 (1994-1995) |
3. Politique agricole et pêche
Proposition E 600
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(Procédure écrite du 2 avril 1996)
La proposition E 600 vise à modifier le règlement déterminant le régime d'échange applicable à certaines marchandises résultant de la transformation de produits agricoles. Il s'agit de modifications essentiellement rédactionnelles, rendues nécessaires par l'entrée en vigueur des accords du GATT.
Ce texte tend, en particulier :
- à supprimer les dispositions relatives aux éléments mobiles variables (prélèvements variables applicables à l'importation des produits agricoles), ceux-ci ayant été supprimés au profit de montants spécifiques ;
- à introduire des dispositions relatives aux droits additionnels, les accords du GATT prévoyant la possibilité de soumettre certaines marchandises à de tels droits ;
- à fixer les règles de gestion destinées à assurer le respect des engagements souscrits par la Communauté en matière de restitutions à l'exportation. Il est proposé que l'octroi des restitutions à l'exportation soit subordonné à la présentation d'un certificat et que la commission puisse réduire les taux de restitution, afin d'éviter un dépassement du montant maximum de restitutions fixé par les accords du GATT.
La majorité des États membres, dont la France, s'oppose à l'instauration de certificats de restitution au motif qu'ils constitueraient une charge administrative trop lourde au regard de l'objectif poursuivi. Les États membres considèrent que le suivi statistique pratiqué actuellement suffit pour contrôler le respect, par la Communauté, de ses engagements en matière de restitution à l'exportation.
Compte tenu de l'existence, au sein du Conseil, d'une majorité défavorable à l'introduction des certificats de restitution, ce texte n'a aucune chance d'être adopté en l'état.
La délégation a donc décidé de ne pas intervenir sur la proposition E 600.
Proposition E 611
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(Réunion de la Délégation du 16 avril 1996)
Présentation du texte par M. Jacques Genton :
La proposition E 611 concerne les contingents tarifaires communautaires pour certains produits de la pêche.
La Communauté, n'étant pas autosuffisante pour certains produits de la pêche, définit chaque année les quantités de ces produits pouvant être importées en exemption totale ou partielle de droits de douane. Cette décision doit assurer un équilibre entre deux préoccupations : permettre l'écoulement des produits de la pêche communautaire, et assurer l'approvisionnement des industries de transformation.
Pour assurer cet équilibre, le Conseil applique les principes suivants :
- les quantités sont fixées en estimant les besoins de l'industrie de transformation, et en déduisant de ces besoins l'approvisionnement que peut assurer la pêche communautaire, ainsi que l'approvisionnement obtenu dans le cadre de certains accords préférentiels.
- les quantités importées dans le cadre des contingents tarifaires sont exclusivement destinées à la transformation
- les produits ne peuvent être importés en dessous d'un prix minimal (prix de référence).
- les contingents ne sont ouverts qu'à partir du 1er avril pour favoriser l'écoulement prioritaire de la production communautaire.
•
La proposition E 611 prévoit une
reconduction approximative des quantités pouvant être
importées à tarif préférentiel. Les principales
mesures nouvelles sont les suivantes :
- ouverture d'un contingent pour le calmar,
- réduction des droits (qui passent de 6 % à 3 %) pour la morue et l'églefin,
- suspension des droits pour les crevettes.
Ces mesures sont de portée limitée.
•
Le Gouvernement émet des réserves
sur la proposition E-611, dans la mesure où il aurait souhaité
que la commission propose, cette année, une approche plus restrictive de
ces contingents tarifaires.
Il souligne que plus des deux tiers des produits de la pêche font déjà l'objet de suspensions totales de droits de douane en raison des nombreux accords préférentiels conclus par l'Union européenne avec des pays tiers.
S'agissant en particulier de la morue, il fait remarquer que, depuis la création de l'espace économique européen (E.E.E.), la production de la Norvège et de l'Islande est admise en franchise de droits sans limitation de quantité sur le marché communautaire, et que cette production ajoutée à la production communautaire devrait pratiquement suffire à l'approvisionnement de l'industrie européenne de transformation, qui a par ailleurs bénéficié depuis 1993 d'une baisse des prix des produits de la pèche.
Plus généralement, le Gouvernement fait valoir que le maintien d'un volume élevé des contingents tarifaires communautaires aboutit à une incohérence, le niveau des importations ne permettant pas l'écoulement complet de la production communautaire dont une partie doit alors faire l'objet de coûteuses opérations de retrait afin de maintenir les prix.
*
Après avoir présenté la proposition E 611. M. Jacques Genton a souligné l'inquiétude des professionnels de la pêche face au développement des importations à taux préférentiel.
En réponse à une demande de précisions présentée par M. Charles Metzinger, il a indiqué que, pour la plupart des produits visés par la proposition E 611, les représentants de la pèche communautaire s'estimaient en mesure de répondre aux besoins des industries de transformation et disaient valoir que les prix à la production s'étaient orientés à la baisse au cours des dernières années.
La délégation a alors décidé d'adopter des conclusions invitant le Gouvernement à proposer au Conseil de définir ces contingents ainsi que les tarifs préférentiels de manière à garantir effectivement l'écoulement en priorité des produits de la pêche communautaire (voir texte ci-après).
CONCLUSIONS ADOPTÉES PAR LA DÉLÉGATION La délégation du Sénat pour l'Union européenne. Considérant que la proposition E 611 prévoit, pour 1996, un maintien approximatif des volumes des contingents tarifaires communautaires autonomes concernant divers produits de la pêche, ainsi qu'une réduction tarifaire pour certains de ces produits. Considérant que la nécessité de maintenir le volume de ces contingents tarifaires et de prévoir de nouvelles baisses de tarifs n'est pas suffisamment établie, Invite le Gouvernement à proposer au Conseil de définir ces contingents ainsi que les tarifs préférentiels de manière à garantir effectivement l'écoulement en priorité des produits de la pêche communautaire. |
Proposition E 613
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(Réunion de la Délégation du 16 avril 1996)
Communication de M. Jacques Genton :
La proposition E 613 concerne l'organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes Ce texte a été officiellement présenté par la Commission européenne à la mi-octobre 1995. Dans un premier temps, le Gouvernement, sur avis du Conseil d'État, a considéré que ce texte n'était pas de nature législative et ne l'a pas soumis aux Assemblées. Puis, très récemment, compte tenu des controverses que suscitait cette proposition, le Gouvernement a reconsidéré sa position et a finalement décidé de la soumettre à l'Assemblée nationale et au Sénat dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution.
J'ai été informé de cette situation alors que la session du Parlement était interrompue parlementaires et j'ai appris en même temps que le Conseil allait débattre de la proposition E 613 à la fin du mois.
Compte tenu du délai d'instruction d'une proposition de résolution par la commission compétente, il m'était matériellement impossible d'attendre la reprise de la session pour lancer la procédure d'examen par le Sénat, puisque le Sénat devait pouvoir se prononcer avant la fin du mois.
Il n'était donc pas possible qu'une proposition de résolution soit présentée en temps utile au nom de la délégation. J'ai donc été amené à présenter une proposition de résolution à titre individuel, de manière à lancer le plus rapidement possible la procédure d'examen.
*
Après avoir entendu cette communication, la délégation a considéré qu'il ne serait pas opportun qu'elle intervienne en tant que telle sur la proposition E 613 l'instruction par la commission compétente de la proposition de résolution présentée par M. Jacques Genton étant pratiquement achevée et le Sénat étant appelé à bref délai à l'examiner en séance plénière.
Proposition E 614
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(Procédure écrite du 30 avril 1996)
Ce texte vise à mettre un terme à un différend opposant la Thaïlande à la Communauté européenne sur le mode de calcul des droits applicables à l'importation dans l'Union de riz thaïlandais.
Les parties ont eu recours, pour résoudre leur différend, à la procédure de règlement des litiges au sein du GATT (article XXIII de l'accord). Elles sont convenues de maintenir le mode actuel de calcul des droits applicables aux importations de riz thaïlandais. En contrepartie, la Communauté a accepté d'ouvrir un contingent tarifaire supplémentaire pour la fécule de manioc originaire de Thaïlande, ainsi qu'un contingent tarifaire pour les brisures de riz.
Par ailleurs, les parties sont convenues qu'elles procéderaient, à la demande de l'une ou l'autre d'entre elles, à un réexamen du fonctionnement du système des « prix représentatifs » pour le riz. Ce réexamen ne devrait pas cependant intervenir avant 1998.
Cet accord à caractère ponctuel n'aura guère de conséquences sur l'agriculture française.
La délégation a donc décidé de ne pas intervenir sur la proposition E 614.
4. Marché intérieur
Proposition E 512
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(Réunion de la Délégation du 16 avril 1996)
Présentation du texte par M. Jacques Genton :
La proposition E 512 vise à instaurer une surveillance prudentielle complémentaire des entreprises d'assurance faisant partie d'un groupe. Ce texte complète un ensemble de directives adoptées récemment dans le domaine des assurances afin de permettre la réalisation du marché unique de l'assurance.
L'ensemble de ces textes est fondé sur la reconnaissance mutuelle de normes prudentielles minimales applicables dans tous les États membres. Cette proposition constitue une étape indispensable à l'harmonisation future du contrôle des conglomérats financiers.
La proposition de directive ajoute à la surveillance individuelle dont font l'objet les entreprises d'assurance, une surveillance prudentielle concernant les groupes. Il s'agit en fait de garantir la solvabilité des entreprises d'assurances contre les risques financiers pouvant résulter de leur appartenance à un groupe, ceci dans l'intérêt final du preneur d'assurance.
La définition commune de pratiques prudentielles minimales doit permettre de maintenir l'égalité des conditions de concurrence entre les entreprises d'assurances des différents États membres de la Communauté.
1. La notion de groupe
Le périmètre juridique du groupe, tel qu'il est défini par l'article 1er, est assez étendu : le texte concerne toutes les personnes morales susceptibles d'exercer une influence sur la situation financière de l'entreprise surveillée. Ainsi, est considérée comme une entreprise mère :
-non seulement toute entreprise mère au sens de l'article 1er, § 1 de la directive 83/349 sur les comptes de groupes (c'est-à-dire toute entreprise détenant la majorité des droits de vote d'une filiale ou disposant du droit de nommer ou révoquer la majorité des membres du conseil d'administration de la filiale, ainsi que toute entreprise associée ou actionnaire majoritaire ayant le droit d'exercer une influence dominante ou contrôlant la majorité des droits de vote) ;
- mais encore toute entreprise exerçant effectivement une influence dominante sur une autre entreprise, le caractère effectif de cette influence relevant de l'appréciation des autorités nationales compétentes.
De même, le seuil de participation retenu comme critère d'influence substantielle sur l'activité de l'entreprise liée est fixé à 20 %, avec la possibilité de maintenir, à titre transitoire, un taux de 25 % jusqu'en 2001.
2. Les garanties prévues
L'amélioration de l'information des autorités nationales de surveillance et la prévention du double emploi des fonds propres sont les objectifs fondamentaux du texte.
•
Une meilleure information des autorités
de surveillance
Le texte autorise l'échange d'informations entre les autorités des différents États membres et entre les autorités de surveillance des différents types de groupes (groupes d'entreprises de crédit et d'investissement, groupe d'entreprises d'assurance...).
L'article 7 garantit la confidentialité des informations ainsi obtenues, qui restent protégées par le secret professionnel.
L'article 6 établit au profit de l'autorité de surveillance un droit de suite, en l'autorisant à obtenir l'information nécessaire tant auprès de l'entreprise d'assurance que de l'entreprise du groupe, non surveillée, avec laquelle elle est en relations. L'opportunité du choix est laissée à l'autorité de surveillance.
Les autorités de surveillance doivent vérifier si les opérations intragroupe importantes pour l'entreprise d'assurance surveillée sont effectuées dans les conditions normales du marché. À cette fin, certaines opérations intragroupe doivent faire l'objet d'une déclaration, au moins une fois l'an, aux autorités de surveillance. Il s'agit notamment, aux termes de l'article 8, des opérations concernant :
« les prêts importants,
« les garanties et opérations importantes hors bilan.
« les éléments importants à retenir pour la marge de solvabilité, « les investissements importants ».
• La prévention du double emploi des fonds
propres
L'adoption de méthodes uniformes de calcul pour contrôler l'exigence de solvabilité ajustée de l'entreprise répond au souci d'éviter le double emploi des fonds propres. Outre sa propre exigence de solvabilité, dans le cadre de la surveillance individuelle, l'entreprise d'assurance doit pouvoir garantir que sa solvabilité n'est pas obérée par les résultats d'ensemble du groupe.
Le texte autorise trois méthodes de calcul, dont la méthode fondée sur la consolidation comptable à laquelle la France est attachée.
3. Quelques éléments d'appréciation
•
Le comité consultatif sur les
assurances, composé de représentants des autorités de
surveillance nationale, a approuvé la proposition de directive.
Le Comité européen des assurances, qui regroupe les fédérations d'associations nationales d'assurances de 25 pays d'Europe est, de façon globale, assez favorable à ce texte, sous certaines réserves relatives notamment au seuil de participation retenu (20 %) pour la définition du périmètre juridique du groupe, ainsi qu'aux dispositions spécifiques aux holdings.
L'Association internationale des sociétés d'assurances mutualistes souhaite voir assouplir les dispositions relatives à la définition des éléments constitutifs des fonds propres pour le calcul de l'exigence de solvabilité ajustée de l'entreprise d'assurances. Les mutuelles allemandes sont les plus réticentes à l'égard de ce texte.
•
Le Gouvernement est favorable à
l'adoption de ce texte, notamment en ce qui concerne l'élimination du
double emploi des fonds propres. La législation française, depuis
la loi du 8 août 1994 est d'ores et déjà conforme pour
l'essentiel aux orientations de la proposition E 512. Le Gouvernement assure
qu`il sera vigilant, à ce titre, en ce qui concerne tant la
définition du périmètre du groupe que la reconnaissance
mutuelle des méthodes, en particulier de la méthode fondée
sur la consolidation.
*
Après avoir présenté la proposition E 512, M. Jacques Genton a rappelé que la délégation avait déjà examiné ce texte, mais avait réservé sa position à la demande de M. Paul Loridant, qui avait souhaité que soient pris des avis supplémentaires. Il a estimé que les renseignements obtenus confirmaient que ce document n'appelait pas une intervention de la Délégation, compte tenu notamment de sa compatibilité avec la législation française.
La Délégation a alors décidé de ne pas intervenir sur la proposition E 512.
Proposition E 597
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(Procédure écrite du 2 avril 1996)
Ce texte a pour objet l'adhésion de la Communauté européenne à l'accord concernant l'adoption de conditions uniformes d'homologation et la reconnaissance réciproque de l'homologation des équipements et pièces de véhicules à moteur. Cet accord, conclu en 1958 et révisé en 1994, vise à établir des prescriptions techniques uniformes nécessaires à l'homologation d'équipements pour véhicules à moteur, ainsi que la reconnaissance réciproque des homologations accordées sur cette base par les États contractants.
Le but poursuivi est de faciliter les échanges et de libéraliser le commerce des véhicules à moteur entre les parties.
Pour ce faire, un groupe de travail, auquel participent des experts techniques, élabore des règlements spécifiques à chaque type d'équipements pour véhicules à moteur. Ces règlements sont adoptés sur la base d'une harmonisation optionnelle, ce qui signifie que chaque partie contractante peut adopter des dispositions nationales divergentes, mais doit néanmoins accepter les véhicules en provenance d'une autre partie contractante dès lors qu'ils sont conformes aux règlements précités.
Vingt quatre États participent à cet accord (l'ensemble des États membres de l'Union européenne, à l'exception de l'Irlande, la Hongrie, la République tchèque, l'ex-Yougoslavie, la Croatie, la Norvège, la Roumanie, la Pologne, la Fédération de Russie, la Slovaquie et la Slovénie).
L'adhésion de la Communauté européenne à cet accord est destinée :
- à renforcer l'efficacité et le poids du travail normatif effectué dans le cadre de cet accord. Cette importance devrait faciliter l'accès des véhicules originaires des États contractants aux marchés des pays tiers ;
- à assurer une parfaite cohérence entre les directives communautaires applicables en la matière et les règlements élaborés dans le cadre de cet accord.
L'adhésion de la Communauté à cet accord doit être considérée comme positive puisqu'elle vise à assurer l'application, par tous les États membres, des normes élaborées dans le cadre de celui-ci. Cela n'est actuellement pas le cas car l'Irlande, contrairement aux autres États membres, n'est pas partie à l'accord.
On peut, par ailleurs, s'étonner de la transmission de ce texte dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution, l'adhésion de la France à cet accord ayant fait l'objet d'un simple décret en date du 22 janvier 1960.
La délégation a donc décidé de ne pas intervenir sur la proposition E 597.
Proposition E 598
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(Procédure écrite du 2 avril 1996)
Ce texte concerne une proposition de directive (13ème directive en droit des sociétés) relative aux offres publiques d'acquisition (OPA), qui vise à cordonner les dispositions nationales applicables en la matière. Il s'agit d'une deuxième version, la première, présentée par la commission en 1989, n'ayant pu aboutir, plusieurs États membres (Grande-Bretagne et Allemagne notamment) y étant fortement opposés pour les raisons suivantes :
- le texte, très détaillé, ne laissait qu'une faible marge d'appréciation aux États membres pour le transposer dans leur législation nationale ; ce procédé fut contesté au motif qu'il portait atteinte au principe de subsidiarité ;
- pour protéger les intérêts des actionnaires minoritaires, le texte imposait à toute personne poursuivant la détention de plus d'un tiers des titres ou des droits de vote d'une société, de lancer une offre portant sur l'ensemble des titres de cette société (« offre obligatoire »). Ce mécanisme unique de protection des minoritaires était contesté par l'Allemagne dont la législation nationale prévoit des mesures différentes.
Après l'échec de cette première version, la Commission européenne a établi, à l'issue de consultations étendues, un nouveau texte qui se limite à fixer des principes généraux régissant les OPA, sans tenter une harmonisation détaillée. Cette nouvelle approche offre aux États membres une plus grande liberté pour transposer la directive.
Ce texte s'applique aux sociétés dont les titres sont admis, en tout ou partie, à être négociés en bourse. Il prévoit que les dispositions nationales doivent garantir le respect des principes suivants :
- l'égalité de traitement doit être assurée pour les détenteurs de titres de la société visée par l'offre qui se trouvent dans une situation identique ;
- les personnes auxquelles l'offre est adressée doivent disposer des détails et informations nécessaires pour leur permettre de prendre une décision fondée à propos de l'offre ;
- l'organe d'administration ou de direction de la société visée par l'offre doit agir dans l'intérêt de la société considérée dans son ensemble, en tenant tout particulièrement compte des intérêts des actionnaires ;
- il est interdit de créer de faux marchés pour les titres de la société visée, de l'offrant ou de toute autre société concernée par l'offre ;
- la société visée par l'offre ne doit pas être gênée au-delà d'un délai raisonnable dans la conduite de ses affaires, en raison d'une offre visant ses titres.
En matière de protection des intérêts des actionnaires minoritaires, une plus grande latitude est offerte aux États membres. Des alternatives à l'offre obligatoire sont autorisées, pour autant qu'elles assurent une protection équivalente aux actionnaires minoritaires.
Les États membres devront adopter des mesures en matière d'information et de publicité des offres. Ils devront, par ailleurs, désigner une autorité chargée de superviser tous les aspects de l'offre et de veiller à ce que les dispositions en matière d'information et de publicité de l'offre sont appliquées. Cette autorité pourra être, conformément au souhait du Royaume-Uni, un organisme professionnel reconnu par les autorités publiques.
Cette nouvelle proposition de directive, moins contraignante que la précédente, laisse aux États membres le choix des modalités d'application de ses règles.
Ces dispositions devraient garantir un équilibre entre les différentes parties en présence (sociétés et actionnaires). Leur transposition en droit français ne devrait pas entraîner de modifications substantielles de la réglementation en vigueur.
La délégation a donc décidé de ne pas intervenir sur la proposition E 598.
Proposition E 601
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(Réunion de la Délégation du 24 avril 1996)
Présentation du texte par M. Jacques Genton :
La proposition E 601 concerne la reconnaissance des diplômes pour certaines activités professionnelles.
•
Ce texte tend à remplacer par un
mécanisme unique les dispositions de trente-cinq directives en vigueur
concernant chacune une profession en particulier. Les professions
concernées restent celles qui étaient visées par ces
trente-cinq directives.
Dans le système proposé, un État membre ne peut refuser l'accès d'un ressortissant d'un autre État membre à une des professions concernées que si les compétences attestées par le diplôme de l'intéressé ne correspondent pas à celles exigées par les dispositions nationales. L'État membre doit alors offrir au ressortissant de l'autre État membre la possibilité de prouver qu'il dispose des capacités non attestées par son diplôme. Par ailleurs, la proposition E 601 reconduit la possibilité de reconnaître l'expérience professionnelle sous certaines conditions d'ancienneté, en reprenant pour l'essentiel les dispositions en vigueur des différentes directives applicables.
Au total, ce texte confirme, tout en les simplifiant, les règles en vigueur et ne pose donc pas de problème de principe.
•
Toutefois, un problème se pose pour
l'exercice en France, par un ressortissant d'un autre État membre, de la
profession de coiffeur. En effet, notre pays est le seul à exiger la
détention d un brevet professionnel pour l'ouverture et la gestion d'une
entreprise de coiffure. Seule peut donc être envisagée, dans ce
cas, la reconnaissance d'une expérience professionnelle dans
l'État membre d'origine.
La proposition E 601 précise dans quelles conditions cette expérience professionnelle peut être reconnue et ouvrir le droit à gérer un salon de coiffure dans un autre État membre.
Les représentants de la profession critiquent certaines des modalités prévues et demandent des modifications de ce texte :
- tout d'abord, ils demandent qu'en tout état de cause, les personnes souhaitant ouvrir un salon de coiffure dans un autre pays soient tenues de suivre un stage sur la législation et les règles de gestion applicables dans ce pays.
- ensuite, ils demandent que soit supprimée la règle prévue par la proposition E 601, qui permettrait à toute personne ayant tenu un salon de coiffure pendant trois ans d'en ouvrir un dans un autre État membre, dès lors que cette personne aurait été auparavant salariée d'un salon de coiffure pendant cinq ans au moins.
Ces préoccupations me semblent devoir être prises en compte.
À l'évidence, une proposition de résolution serait une procédure beaucoup trop lourde pour ce problème très ponctuel.
La délégation pourrait soit adopter des conclusions, soit plus simplement -ce serait peut-être la meilleure formule- écrire, au nom de la délégation, une lettre au ministre pour attirer son attention sur ce point.
*
Après un débat, auquel ont participé MM. Christian de La Malène, Lucien Lanier, Emmanuel Hamel et Mme Michelle Demessine qui a souligné les difficultés que ce texte pourrait poser aux coiffeurs installés dans les régions frontalières, la délégation a décidé d'attirer par courrier l'attention du ministre des affaires européennes sur ce problème (voir lettre ci-après au ministre délégué chargé des Affaires européennes).
SÉNAT République Française
DÉLÉGATION PARLMENTAIRE Paris, le 25 avril 1996
POUR
L'UNION EUROPÉENNE
LE PRÉSIDENT
Monsieur le ministre.
Au cours de sa réunion du 24 avril 1996, la Délégation du Sénat pour l'Union européenne a examiné la proposition de directive instituant un mécanisme de reconnaissance des diplômes pour certaines activités professionnelles (E 601 ; COM (96) 22 final). La Délégation s'est arrêtée, en particulier, sur le problème de l'ouverture en France d'un salon de coiffure par un ressortissant d'un autre État membre. Elle a regretté que :
- les personnes souhaitant ouvrir un salon de coiffure dans un autre État membre ne soient pas tenues de suivre un stage sur la législation et les règles de gestion applicables dans cet État :
- toute personne ayant tenu un salon de coiffure pendant trois ans puisse en ouvrir un dans un autre État membre, dès lors que cette personne aurait été auparavant salariée d'un salon de coiffure pendant cinq ans au moins.
Certains membres de la délégation ont manifesté la crainte que ces dispositions puissent avoir des conséquences particulièrement défavorables pour les coiffeurs installés dans les régions frontalières.
La Délégation souhaite donc que le Gouvernement soit particulièrement vigilant sur les points ci-dessus au cours des négociations au Conseil sur ce texte.
En outre, je vous fais parvenir ci-joint le texte de deux conclusions adoptées par la Délégation au cours de la même réunion.
Je vous prie de croire, Monsieur le ministre, à l'assurance de ma considération distinguée.
P.J.
Monsieur Michel BARNIER
Ministre délégué aux Affaires européennes
37, quai d'Orsay
75700 PARIS
Proposition E 602 Com (95) 712 final |
(Réunion de la Délégation du 16 avril 1996)
Présentation du texte par M. Jacques GENTON :
La proposition E 602 concerne l'action en cessation (action en justice ayant pour but d'obtenir la cessation d'une pratique commerciale illicite) en matière de protection des intérêts des consommateurs. Elle fait suite au Livre vert (adopté en 1993 par la Commission) sur l'accès des consommateurs à la justice.
Ce texte se propose d'améliorer l'accès à la justice des consommateurs par l'intermédiaire de leurs représentants ; il établit les conditions minimales de reconnaissance mutuelle, devant les juridictions des différents Etats membres, des associations de consommateurs ou autres entités qualifiées pour agir, au nom de l'intérêt collectif, en cessation contre des pratiques illicites au regard du droit communautaire.
Selon la Commission européenne, cette reconnaissance mutuelle devrait améliorer en particulier l'action des consommateurs dans le cas de litiges transfrontaliers. En effet, bien que l'action en cessation existe dans tous les Etats membres, les entités représentatives des consommateurs d'un Etat ne sont pas toujours recevables à agir en cessation devant les juridictions d'un autre Etat.
Alors que les produits et services peuvent circuler très rapidement, grâce au marché intérieur, et que la rapidité d'une action en cessation est souvent la clef de son succès (en matière de publicité notamment), la coordination des règles nationales relatives à l'action en cessation devrait permettre de garantir l'application non discriminatoire du droit communautaire.
• Champ d'application du texte :
L'action en cessation peut intervenir contre toute infraction à des dispositions normales de transposition des directives relatives à la protection des consommateurs limitativement énumérées en annexe. Il s'agit essentiellement des domaines suivants : publicité trompeuse, crédit à la
consommation, démarchage à domicile, clauses abusives, time share, voyages à forfait.
• Mesures envisagées :
- L'article 2 établit le principe de l'accès au juge :
Afin de faciliter l'efficacité de l'action en cessation le juge saisi doit pouvoir se prononcer sur le fond du litige, même si la violation alléguée ne produit ses effets que dans un autre Etat membre.
Dans le même esprit, le juge saisi d'une action en cessation sur le fondement d'une violation de la législation d'un autre Etat membre doit appliquer les mesures prévues par son droit national en cas de violation d'une disposition nationale équivalente.
Pour faciliter la saisine, chaque Etat membre doit désigner et faire connaître le juge ou l'autorité compétente pour connaître de l'action en cessation.
- Les entités qualifiées pour agir :
L'action en cessation ne peut être exercée que par des autorités ou entités qualifiées pour agir dans l'intérêt collectif des consommateurs. La nature desdites entités ou la recevabilité de leur action étant très variables d'un Etat membre à l'autre, l'article 3 organise les conditions permettant d'établir la reconnaissance de ces entités afin de leur permettre une action transfrontalière. Chaque Etat doit établir, au plan national, et transmettre à la Commission aux fins de publication au Journal officiel, la liste des entités qualifiées. Les critères de qualification sont établis par l'Etat, et ne sont pas soumis à une quelconque harmonisation.
Chaque entité ainsi reconnue reçoit un document permettant de certifier sa qualification auprès du juge ou de l'autorité compétente lorsqu'elle agit en cessation.
- Les modalités d'exercice de l'action :
L'article 4 autorise les entités qualifiées à agir :
- directement : l'entité qualifiée saisit le juge territorialement compétent en justifiant simplement de sa qualification ;
- indirectement l'entité saisit son homologue de l'État territorialement compétent, afin que celle-ci engage l'action en cessation.
Chaque État membre peut subordonner la saisine directe a l'obligation de saisine préalable de l'entité qualifiée équivalente. Dans ce cas, un délai doit être prévu afin de permettre aux entités nationales de répondre à la demande de saisine de leur homologue.
Enfin, afin d'éviter un alourdissement du contentieux, les États membres peuvent prévoir l'obligation, pour la partie demanderesse à l'action en cessation, d'avertir préalablement le défendeur (article 5).
•
Éléments
d'appréciation :
La France avait contribué à l'élaboration du Livre Vert relatif à l'accès à la justice, et souhaitait voir la commission intervenir.
Notre droit national, tel qu`il résulte notamment de la loi n° 88-14 du 15 janvier 1988, est d'ailleurs généralement plus favorable au consommateur que les dispositions minimales envisagées par la proposition de directive.
Le Gouvernement est donc favorable à l'adoption d'un texte allant dans le sens de la proposition de directive.
Ce texte pose toutefois un problème du fait de la base juridiquement choisie par la commission pour justifier son adoption.
- La directive envisagée est prise par la commission sur le fondement de l'article 100 A du Traité, tel qu'introduit par l'Acte unique, dans le cadre du rapprochement des législations en vue de réaliser le marché intérieur.
La commission justifie le choix de cette base juridique par la dimension intracommunautaire des infractions, ainsi que par le fait que le présent texte se borne à harmoniser les conditions d'exercice d'une action relative à des droits matériels ayant déjà fait l'objet d'une harmonisation sur le plan communautaire Le texte présenté laisse chaque État libre du choix de la juridiction compétente, de la procédure appropriée ainsi que des critères de qualification des entités autorisées à agir en cessation : il ne prévoit aucune harmonisation des règles processuelles : les règles applicables l'action restent celles de la loi du for (lieu où l'action est intentée).
- Toutefois, on peut raisonnablement se demander si la matière ne relève pas plutôt du troisième pilier, ce qui interdirait que l'harmonisation envisagée intervienne par voie de directive.
En effet, le traité de Maastricht (article K 1, alinéa 6 et 7) précise que la coopération judiciaire relève des questions d'intérêt commun et ne peut être organisée que dans le cadre intergouvernemental, selon les procédures prévues par l'article K 3. L'action européenne prend alors la forme d'une convention ou d'un accord soumis à ratification des Parlements nationaux.
Après avoir présenté la proposition E 602. M. Jacques Genton a estimé que ce texte relevait au moins en partie du « troisième pilier » de l'Union. Il a rappelé que la Commission européenne souhaitait que la plus grande partie des matières relevant du « troisième pilier » soient intégrées au « premier pilier » de l'Union, et observé que la Conférence intergouvernementale en déciderait peut-être ainsi. Toutefois, a-t-il souligné, le traité de Maastricht continue pour l'instant à s'appliquer et l'on ne peut anticiper sur sa révision.
Après un débat auquel ont participé MM. Denis Badré, Yves Guéna et Charles Metzinger, la délégation a adopté des conclusions invitant le Gouvernement à veiller à ce que cette proposition, relevant du « troisième pilier » de l'Union, soit adoptée, conformément au traité, selon la procédure définie à l'article K 3 de celui-ci (voir texte ci-après).
CONCLUSIONS ADOPTÉES PAR LA DÉLÉGATION La délégation du Sénat pour l'Union européenne. Considérant que la coopération entre les États membres en matière civile ou pénale relève de l'article K 1 du traité sur l'Union européenne, Considérant que la proposition E 602 contient des éléments concernant l'organisation judiciaire de chaque État membre, Invite le Gouvernement à veiller à ce que cette proposition, relevant du « troisième pilier » de l'Union, soit adoptée, conformément au traité, selon la procédure définie à l'article K 3 de celui-ci. |
5. Fiscalité
Proposition E 595
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(Réunion de la Délégation du 16 avril 1996)
Présentation du texte par M. Jacques Genton :
La proposition E 595 est en elle-même de portée relativement réduite, mais elle pose un problème d'une grande importance, celui du passage au régime définitif de la TVA
•
En ce qui concerne la TVA. nous sommes
entrés depuis le 1er janvier 1993 dans un régime transitoire,
dont je rappelle les caractéristiques :
- les contrôles aux frontières entre les États-membres ont été supprimés, alors qu'auparavant toute importation devait être déclarée lors du passage de la frontière en vue du paiement de la TVA : le contrôle s'effectue désormais à partir des déclarations des exportateurs et des importateurs ; mais la TVA reste pavée dans le pays de destination du produit.
- un taux normal minimum de 15 % a été introduit : les États membres peuvent, pour certains produits limitativement énumérés, appliquer un ou deux taux réduits ne pouvant se situer en-dessous de 5 % : toutefois, un taux inférieur à 5 % peut être provisoirement maintenu pour certains produits.
• Selon les orientations retenues en
décembre 1990 par le Conseil européen de Rome, il était
prévu de passer à partir du 1er janvier 1997 à un nouveau
régime définitif de la TVA très différent du
régime actuel, la TVA aurait été payée dans le pays
d'origine, une caisse de compensation étant instituée pour
compenser le « manque à gagner »
des
États dont les recettes se seraient trouvées diminuées du
fait de l'adoption de ce nouveau système. Par ailleurs, les taux
« super-réduits » inférieurs à
5 % auraient été supprimés
Cependant, en raison des réserves de nombreux États, dont la France, l'échéance du 1er janvier 1997 pour le nouveau régime définitif a été abandonnée. et le régime transitoire continue provisoirement à s'appliquer.
La Commission européenne n'a, au demeurant, toujours pas présenté de proposition officielle sur le passage au régime définitif En même temps, elle a constaté que les taux normaux de la TVA avaient tendance à diverger, certains États (la France, les pays nordiques) ayant augmenté ces taux. À l'heure actuelle, le taux normal varie de 15 à 25 % selon les pays. Pour les taux réduits, les divergences sont également importantes, la Grande-Bretagne ayant par exemple maintenu un taux « super-réduit » de 0 %. Or ces écarts risquent de gêner le passage au futur régime définitif Dans ce nouveau régime, s'il est adopté un jour, les produits seront exportés TVA comprise ; les pays ayant un taux élevé de TVA ne seront donc pas compétitifs.
Avec la proposition E 595. la Commission européenne propose de limiter la divergence possible des taux de TVA, en fixant une « fourchette » de 15 à 25 % pour le taux normal et un minimum de 5 % pour le taux réduit. Cette proposition n'a de justification véritable que dans la perspective du passage au régime définitif
Se prononcer sur elle, c'est donc se prononcer sur la nécessité du régime définitif que la commission continue à souhaiter d'instaurer dans les années qui viennent. Il s'agirait là. je le rappelle, d'un bouleversement du système fiscal, avec des conséquences importantes pour les recettes des États membres. Je crois qu'il serait souhaitable que la Délégation se penche sur ce sujet par un rapport d information. Je vous propose donc de ne pas prendre position sur ce texte, jusqu'à ce que nous disposions d'un tel rapport d'information.
*
M. Yves Guéna a estimé nécessaire que la délégation dispose de tous les éléments d'information nécessaires pour porter un jugement sur la proposition E 595 et sur le régime définitif.
M. Denis Badré a souligné l'importance de l'enjeu d'une réforme du mode de perception de la TVA pour les finances des l'États membres.
La délégation a alors décidé de ne pas prendre position sur la proposition E 595 jusqu'à l'adoption d'un rapport d'information, qu'elle a chargé M. Denis Badré de lui présenter.
Proposition E 596
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(Procédure écrite du 2 avril 1996)
La proposition de décision du Conseil E 596 vise à autoriser l'Allemagne à déroger, dans le cadre de la construction d'un pont autoroutier reliant l'Allemagne à la Pologne, aux règles édictées par la sixième directive TVA en matière de territorialité de la TVA afférente aux travaux immobiliers.
L'Allemagne demande à ce que l'ensemble des livraisons de biens et des prestations de services liées à la construction de ce pont soient assujetties à la TVA en Pologne, quelle que soit l'origine territoriale des opérations.
Cette mesure est destinée à simplifier les procédures fiscales applicables. À défaut, les entreprises chargées de la construction du pont auraient, en effet, à déterminer le territoire -allemand ou polonais- sur lequel les opérations ont eu lieu et devraient, le cas échéant, ventiler, entre les deux pays, les opérations qui leurs sont communes.
Les dérogations au principe de territorialité de la TVA demandées par l'Allemagne sont de portée très réduite et n'ont d'incidence que sur la seule fiscalité allemande.
La délégation a donc décidé de ne pas intervenir sur la proposition E 596.
Proposition E. 608 |
(Procédure écrite du 30 avril 1996)
Ce texte vise à autoriser l'Irlande à appliquer des différenciations de taxation sur l'essence sans plomb, afin de répondre à des préoccupations d'ordre environnemental.
L'Irlande souhaite voir réduire la consommation de l'essence sans plomb à haut indice d'octane, au motif que cette dernière contient du benzène ou d'autres produits chimiques aromatiques de nature particulièrement polluante.
Pour ce faire, elle se propose de supprimer le taux réduit de l'accise sur l'essence sans plomb à haut indice d'octane et d'imposer celle-ci au taux plein de l'essence contenant du plomb. Seule l'essence sans plomb ordinaire bénéficierait encore du taux réduit de l'accise.
Ce texte n'a manifestement d'incidence que sur la seule fiscalité Irlandaise.
La délégation a donc décidé de ne pas intervenir sur la proposition E 608.
6. Recherche
Proposition E 587
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(Réunion de la Délégation du 16 avril 1996)
Présentation du texte par M. Jacques Genton :
La proposition E 587 concerne la protection juridique des inventions biotechnologiques. Ce texte est une nouvelle version d'un projet dont l'adoption était prévue pour le premier semestre 1995, mais qui n'a pu être adopté en raison d'un veto du Parlement européen. Le domaine en cause fait en effet partie de ceux auxquels s'appliquent la procédure dite de « co-décision » entre le Conseil et le Parlement européen (P.E.). Dans le cadre de cette procédure, en cas de divergence persistante entre le Conseil et le P.E., un « comité de conciliation » est réuni. Le texte issu, le cas échéant, du comité de conciliation doit ensuite être adopté par le Conseil et le P.E. En l'occurrence, le comité de conciliation était parvenu à un accord, mais cet accord a été rejeté par le P E. La Commission européenne, au bout de quelques mois, a finalement décidé de présenter une version légèrement remaniée de son projet, avec l'espoir qu'il serait cette fois-ci accepté par le P.E.
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Pourquoi ce texte ?
La biotechnologie est un domaine en plein essor et de nombreuses demandes de brevet sont déposées. Or, de l'avis des industriels, le cadre juridique actuel n'offre pas une sécurité juridique suffisante :
- le texte essentiel est la Convention de Munich sur le Brevet Européen (C.B.E.) qui date de 1973 et qui laisse sur certains points une marge d'appréciation importante au juge national ;
- les législations des États membres se sont progressivement rapprochées, mais certaines seulement ont abordé les problèmes particuliers posés par les biotechnologies (c'est le cas de la législation française avec la loi du 20 juillet 1994).
Les industriels estiment donc que, dans le cadre du marché unique européen, une harmonisation des législations sur le plan communautaire est la formule susceptible d'assurer la meilleure protection des inventions biotechnologiques. Ils font observer par ailleurs que, sur le plan mondial, 65 % des brevets dans le domaine des biotechnologies proviennent des États-Unis, et 15 % seulement de l'Europe ; ils considèrent qu'une des raisons de cette situation est un déséquilibre juridique, pour la protection des inventions biotechnologiques, au détriment de l'Europe.
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Dès lors que le principe d'une directive
communautaire est retenu, le problème principal est de délimiter
ce qui peut être breveté, c'est-à-dire
considéré comme une invention biotechnologique proprement dite.
En d'autres termes, il s'agit, tout en protégeant les droits des
inventeurs, de répondre aux inquiétudes éthiques
concernant la « brevetabilité » du corps humain. La
première version du projet de directive précisant à cet
égard que le corps humain et ses éléments ne pouvaient pas
« en tant que tels » être considérés
comme des inventions brevetables : cette formule, identique à celle
retenue par le législateur français en 1994, a été
jugée obscure ou ambiguë par le Parlement européen, ce qui a
motivé son veto. La nouvelle version du projet de directive a retenu une
nouvelle formulation, précisant que le corps humain et ses
éléments « en leur état naturel » ne
peuvent être considérés comme des inventions brevetables.
Par ailleurs, la proposition E 587 éclaire cette règle par des
considérants qui rappellent la distinction établie dans le droit
des brevets entre :
- l'invention, qui a un caractère technique et doit être telle qu'un homme de métier puisse l'exécuter : elle seule peut faire l'objet d'un brevet ;
- la découverte, qui a un caractère scientifique et porte sur une propriété nouvelle d'une matière ou d'un objet connu : elle ne peut être brevetée.
L'exposé des motifs de la proposition E 587 cite à cet égard une directive de l'Office européen des brevets qui explicite cette distinction avec une grande clarté : « Quiconque découvre une propriété nouvelle d'une matière ou d'un objet connu fait une simple découverte qui n'est pas brevetable. Si, toutefois, cette personne utilise cette propriété à des fins pratiques, elle fait une invention qui peut être brevetable. C'est ainsi, par exemple, que la découverte de la résistance au choc mécanique d'un matériau connu n'est pas brevetable, mais qu'une traverse de chemin de fer construite avec ce matériau peut l'être. Le fait de découvrir une substance dans la nature ne constitue également qu'une simple découverte. Toutefois, si une nouvelle substance est trouvée dans la nature et si un procédé permettant l'obtenir est mis au point, ce procédé est brevetable. De plus, si cette substance peut être convenablement caractérisée par sa structure, par le procédé qui a permis de l'obtenir ou par d'autres paramètres et si elle est nouvelle en ce sens que son existence n'a pas été reconnue auparavant, elle peut également être brevetable en tant que telle ».
Sur le fond, il n'y a pas de divergence véritable entre la nouvelle version du projet et l'ancienne. La commission estime que son premier projet a été rejeté pour des raisons de forme plus que de contenu, et qu'une présentation plus claire devrait permettre d'obtenir l'accord du P. E.
La nouvelle version ne devrait donc pas plus que la précédente poser un problème de transposition dans la loi française, qui répond déjà aux objectifs de la directive.
Toutefois, la nouvelle version apporte des précisions sur deux points particuliers :
- elle précise que les méthodes de thérapie génique sur l'être humain ne sont pas brevetables. Là également, il ne s'agit pas d'une nouveauté pour le droit français, puisque le code de la propriété intellectuelle exclut qu'une méthode thérapeutique, quelle qu'elle soit, puisse être brevetée ;
- elle confirme le « privilège de l'agriculteur », c'est-à-dire la règle selon laquelle la vente de matériel breveté de reproduction à un agriculteur autorise ipso facto celui-ci à utiliser lui-même le produit de sa récolte pour reproduction ou multiplication sur sa propre exploitation.
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Après avoir présenté la proposition E 587, M. Jacques Genton a souligné que les industriels français étaient favorables aux principales orientations du projet de directive et que la législation française était déjà conforme à celles-ci. Il a estimé que, dans ces conditions, une intervention de la délégation ne paraissait pas nécessaire. Il a toutefois souhaité que la délégation attire l'attention de la commission des lois sur ce texte, compte tenu de sa portée et de l'importance du domaine abordé.
M. Charles Metzinger, approuvé par Mme Michelle Demessine, s'est interrogé sur une possible incompatibilité entre la proposition E 587 et le projet de loi, en cours d'examen par le Parlement, portant diverses mesures d'ordre social.
À la suite de ces interventions, la délégation a décidé de ne pas intervenir sur la proposition E 587 et d'attirer l'attention de la commission des Lois et de la commission des Affaires sociales sur ce texte.
Proposition E 591
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(Procédure écrite du 19 mars 1996)
Ce texte est relatif au 4ème programme-cadre pour des actions de recherche et de développement technologique (1994-1998), ainsi qu'au programme-cadre pour des actions de recherche et d'enseignement pour la Communauté européenne de l'énergie atomique (1994-1998).
Ces programmes concernent l'ensemble des actions communautaires pour la recherche et le développement technologique des traités C.E.E. et EURATOM et visent à rendre plus cohérente la politique de recherche de l'Union.
La proposition E 591 tend à majorer le montant global des crédits concernés à ces deux programmes, qui passerait de 12.300 millions d'écus à 13.800 millions d'écus. soit une hausse de plus de 12 %.
Cette majoration est due :
- pour 6,5% (800 millions d'écus) à l'élargissement de la Communauté à l'Autriche, la Finlande et la Suède :
- pour 5,7 % (700 millions d'écus) à la volonté de la commission d'affecter de nouvelles ressources à la recherche dans certains secteurs d'activité qu'elle juge stratégiques, à savoir : l'aéronautique, le multimédia éducatif, l'automobile, l'intermodalité et l'interopérabilité des transports, l'environnement et la sécurité nucléaire.
Le montant de la majoration proposée ne paraît pas conforme aux contraintes budgétaires qui pèsent sur la Communauté. À l'occasion des travaux préparatoires du Conseil, la plupart des États membres ont demandé ce qu'elle soit fortement revue à la baisse. Le montant de l'augmentation hors élargissement évoqué au sein du groupe de travail du Conseil se situe autour de 150 millions d'écus. Cette somme ne pouvant financer l'ensemble des programmes de recherche dans les secteurs stratégiques identifiés par commission, un choix sera à faire, le Gouvernement français privilégiant secteur aéronautique.
Prenant en compte la volonté du Conseil de maîtriser la hausse des dépenses, la délégation a décidé de ne pas intervenir sur proposition E 591.
7. Politique sociale
Proposition E592 |
(Procédure écrite du 19 mars 1996)
Établie en 1983 par la commission, la proposition de directive relative au congé parental fait, depuis onze ans. l'objet de discussions au sein du Conseil, sans jamais recueillir l'unanimité requise pour son adoption.
En septembre 1994, la commission constatant l'opposition du Royaume-Uni sur ce texte quelles que soient les concessions proposées, décidait de recourir à la procédure prévue par le protocole social du traité de Maastricht auquel cet État ne participe pas.
Cette procédure prévoit deux phases de consultation avec les partenaires sociaux au niveau de l'Union. La première étape concerne l'orientation possible de la politique communautaire sur un point donné. La seconde phase se déroule sur la base d'une lettre détaillant le contenu de la proposition envisagée par la commission. À ce stade, les partenaires sociaux peuvent soit remettre un avis ou une recommandation à la commission, soit l'informer de leur volonté d'engager une négociation en vue de parvenir à la conclusion d'un accord. Dans ce dernier cas, les signataires de l'accord peuvent demander à la commission de soumettre celui-ci au Conseil, afin que. par une décision, il rende ses prescriptions contraignantes dans les États signataires du protocole social.
Consultés par la commission sur une action communautaire en matière de « conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale », l'UNlCEF (Union des employeurs européens), la CES (Confédération européenne des syndicats) et le CEEP (Centre européen des entreprises publiques) ont conclu, le 14 décembre 1995, un accord-cadre sur le congé parental.
Fa proposition E 592 tend à rendre obligatoire, conformément aux dispositions du protocole social, cet accord-cadre qui constitue un progrès social pour la plupart des États membres. En effet, la reconnaissance d'un droit au congé parental est une nouveauté pour le Luxembourg et l'Irlande. De plus, cet accord va au-delà du congé parental, en mentionnant la possibilité pour tout travailleur de s'absenter de son travail dès lors qu'une situation familiale urgente le nécessite (maladie ou accident rendant indispensable la présence immédiate du travailleur).
Les dispositions relatives au congé parental, qui constituent des prescriptions minimales, prévoient que tout travailleur (homme ou femme) pourra interrompre son travail, pendant une période de 3 mois, pour s'occuper d'un enfant. Ce congé pourra être pris entre la naissance de l'enfant et le jour de son 8ème anniversaire ; il sera utilisable en une ou plusieurs fois, ainsi qu'à mi-temps. À l'issue de ce congé, le travailleur devra retrouver sa place, ou une place équivalente, chez son employeur. Une couverture sociale sera assurée au travailleur pendant toute la durée de son congé parental. Il ne percevra, en revanche, aucune rémunération pendant cette période.
Ce texte a une valeur symbolique indéniable, en ce qu'il prouve que le chapitre social de Maastricht peut fonctionner sur le mode conventionnel et pas seulement législatif. En l'espace de quelques mois, patronat et syndicats sont parvenus à s'entendre sur un texte, effaçant ainsi dix ans de négociations infructueuses au sein du Conseil des ministres de l'Union.
Les quatorze États signataires du protocole social doivent transposer d'ici deux ans, dans leur législation nationale, les dispositions de cet accord.
La transposition de ce texte en droit français nécessitera quelques adaptations du régime actuel puisque le droit au congé parental n'est reconnu que pendant les trois premières années de la vie de l'enfant, et que ce droit peut être refusé par les entreprises de moins de 100 personnes.
Les dispositions de cet accord constituent une avancée sociale certaine, bien que limitée.
La délégation a donc décidé de ne pas intervenir sur la proposition E 592.
8. Citoyenneté
Proposition E 588
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(Procédure écrite du 19 mars 1996)
La proposition E 588 modifie de manière mineure la directive introduisant, à partir du 1 er janvier 1996, le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales, pour les citoyens de l'Union résidant dans un État membre dont ils n'ont pas la nationalité.
Cette directive comporte une annexe qui énumère les collectivités locales dans lesquelles les citoyens de l'Union qui ne sont pas ressortissants de leur État de résidence peuvent participer aux élections.
La proposition E 588 tend uniquement à compléter cette annexe, de façon à y ajouter les collectivités locales de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède.
Il s'agit donc d'une modification purement formelle consécutive à l'élargissement.
La délégation a donc décidé de ne pas intervenir sur la proposition E 588.
9. Environnement
Proposition E 569
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(Réunion de la Délégation du 13 mars 1996)
Présentation par M. Philippe François d'une proposition de résolution :
La proposition de décision qui habiliterait formellement la commission des Communautés à subventionner directement des associations militant en faveur de l'environnement est, en fait, une simple régularisation d'une ligne du budget communautaire créée en 1993 et jusqu'à présent sans véritable base juridique
À la suite de l'accord interinstitutionnel intervenu en 1995, ces crédits doivent désormais trouver leur base dans un texte régulièrement délibéré et leur financement suivre les règles budgétaires conformes à leur objet.
Nous sommes donc saisis de cette mise en conformité.
Le Gouvernement, suivant l'avis du Conseil d'État, a considéré qu'une disposition habilitant la commission à contrôler sur place les comptes des ONG relevait du domaine de la loi. À cette occasion, la faculté nous est donnée d'examiner les problèmes de principe que soulève l'objet même de la proposition de décision du Conseil.
J'ai été frappé par l'observation de notre collègue Denis lors de l'audition du Président DELORS. Notre collègue soulignait que l'expansion indéfinie du budget communautaire pouvait avoir des effets pervers en nuisant à la construction européenne, l'accroissement des dépenses n'étant ni une garantie d'efficacité, ni à terme, une recette de popularité
L'octroi de subventions directes par la commission à des associations de droit privé militant pour la défense de l'environnement me semble illustrer cette observation et poser trois problèmes :
- d'abord, l'application du principe de subsidiarité ; en second lieu les risques de dérive financière ; et enfin, la compatibilité avec les principes d'égalité et de transparence du débat politique au niveau communautaire mais également aux niveaux national et local.
S'agissant du principe de subsidiarité, la commission déclare qu'il faut en retenir une « interprétation politique ». Consciente de la fragilisation, ça et là, de l'adhésion au projet communautaire, elle tend depuis quelques années à développer nombre d'actions dans des domaines sensibles pour l'opinion publique : santé, pauvreté, handicap, lutte contre la drogue, contre le sida... ou encore protection de l'environnement.
La plupart de ces programmes sont aux limites des compétences communautaires et devraient être régis par une stricte subsidiarité, associant, à tout le moins, les responsables nationaux à la gestion des crédits alloués. Or c'est le contraire qu'on observe.
Ainsi, selon la décision proposée, la commission serait dûment habilité à choisir discrétionnairement les associations tant de dimension communautaire que nationale, voire locale, qu'elle pourrait subventionner à hauteur de 40 % de leurs frais de fonctionnement.
Encore une fois, il est paradoxal que dans un domaine à la limite de la compétence communautaire, non seulement la participation mais même la simple information des autorités nationales soient exclues.
Ce programme de subvention présente également des risques de dérive financière.
Il avait été décidé en 1992 de clarifier les crédits alloués à la politique communautaire de l'environnement :
- les actions de caractère structurel devaient s'inscrire dans les financements alloués aux fonds structurels et au fonds de cohésion tandis que toutes les autres actions, notamment celles de démonstration, de promotion, diffusion de l'information étaient regroupées dans un cadre budgétaire unique, dénommé LIFE-instrument financier pour l'environnement. Ces deux cadres comportaient des modes d'octroi des fonds conformes aux compétences respectives du Conseil et de la commission.
Moins d'un an après cette clarification, une nouvelle ligne budgétaire apparaissait, permettant à la commission d'allouer des crédits de promotion de l'environnement aux associations sélectionnées par elle.
D'emblée la Cour des comptes des Communautés européennes avait exprimé ses réserves à l'égard d'une pluralité de procédures dépourvue de justification, et vis-à-vis d'un objectif aussi incontrôlable que le subventionnement de frais de fonctionnement.
Enfin, les conséquences politiques potentielles me semblent devoir retenir notre attention.
En effet, l'octroi par la commission de subventions directes à des associations de droit privé, discrétionnairement choisies et militant en faveur de causes aussi sensibles à l'opinion publique que, par exemple la lutte contre l'exclusion, la prévention des maladies les plus graves ou encore le combat contre la toxicomanie, peut sans doute gagner aux autorités de Bruxelles, dispensatrices de la manne communautaire, toute une clientèle d'associations conçues comme autant de relais d'opinion.
On voit là se dessiner le schéma idéal de la répartition des compétences : aux Gouvernements et aux Parlements nationaux, l'exercice scabreux d'établir les prélèvements obligatoires demandés à leurs concitoyens contribuables ; aux institutions européennes, l'agrément de répartir la manne entre les différentes actions décidées, le Parlement européen ayant même le dernier mot pour les « dépenses non obligatoires » ; et, enfin, le bénéfice politique direct pour la commission de la distribution des subventions aux associations, appelées à faire chorus pour en demander l'augmentation contre les « égoïsmes nationaux »
En outre, s'agissant de subventions aux associations de protection de l'environnement, à hauteur de 40 % de leurs frais de fonctionnement, il ne s'agit plus seulement d'une opération de promotion de l'action communautaire. En effet, nous savons tous, mes chers collègues, que ces associations interviennent dans les débats politiques à tous les niveaux. Par exemple, elles approuvent ou elles critiquent les décisions du Gouvernement national, des régions, des départements ou des communes. Ces associations participent également aux débats politiques en soutenant des candidats aux élections, voire en présentant leurs propres candidats.
Dès lors ne convient-il pas de poser la question de l'influence que ces financements communautaires peuvent avoir sur les débats et sur les élections, et leur compatibilité avec les règles d'égalité et de transparence qui s'imposent à l'expression démocratique ?
Des crédits figurant déjà dans tous les programmes communautaires concourant à la protection de l'environnement en vue d'échanges de données fiables et de leur diffusion y compris la promotion des actions décidées au niveau européen, je vous propose, mes chers collègues, d'inviter le Gouvernement à revenir aux règles de clarification des financements, et par conséquent, à s'opposer à l'institutionnalisation de subventions décidées discrétionnairement et qui comportent des risques de dérive financière, comme de perturbation du débat politique, également inopportuns.
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Dans le débat qui s'est instauré. M. Michel Caldaguès a pris la parole pour indiquer que, s'il était légitime de fixer au niveau communautaire des normes de prévention des pollutions transfrontières en revanche, il serait incohérent d'accorder à la commission le droit d'octroyer des subventions favorisant essentiellement ses relations publiques, alors même que les parlementaires français ne cessent d'appeler à un effort de rigueur accru dans la gestion du budget communautaire. Il a conclu son propos en déclarant qu'il convenait de ne pas ouvrir la porte à des dépenses de toute évidence non nécessaires et non conformes au principe de subsidiarité.
M. Christian de La Malène s'est à son tour déclaré pleinement d'accord avec les observations du rapporteur quant au manque de transparence du mécanisme de subventionneront proposé.
Au terme de ce débat, la délégation a approuvé le dépôt par M Philippe François de sa proposition de résolution (voir texte ci-après).
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Le Sénat,
Vu la proposition d'acte communautaire E 569.
Considérant que l'octroi de subventions de fonctionnement aux associations ayant pour but la défense de l'environnement n'entre pas dans les compétences de la Communauté européenne telles qu'elles sont définies par le traité instituant celle-ci ;
Considérant au surplus que la Commission européenne n'apporte pas, dans sa proposition, de précisions suffisantes quant aux critères de sélection des associations ou organisations bénéficiaires, ni de garanties suffisantes d'utilisation efficace des crédits demandés :
Considérant enfin que les subventions envisagées pourraient, indirectement, avoir des conséquences sur le financement de la vie politique à l'échelon national ou local,
Invite le Gouvernement à s'opposer à l'adoption de ce texte.
Cette proposition de résolution a été publiée sous le n° 275 (1995-1996).
Elle a été renvoyée à la commission
des Affaires
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concourant à la protection de l'environnement en vue d'échanges de données fiables et de leur diffusion, y compris la promotion des actions décidées au niveau européen, je vous propose, mes chers collègues, d'inviter le
10. Culture
Proposition E 599
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(Procédure écrite du 2 avril 1996)
Ce texte tend à autoriser la signature et l'approbation, par la Communauté, de la convention européenne concernant des questions de droit d'auteur et de droits voisins dans le cadre de la radiodiffusion transfrontalière par satellite, conclue à Strasbourg le 11 mai 1994.
Cette convention, négociée dans le cadre du Conseil de l'Europe, vise, pour l'essentiel, à étendre à l'ensemble des pays membres du Conseil de l'Europe les objectifs poursuivis par la directive communautaire du 27 septembre 1993 concernant le droit d'auteur et les droits voisins en matière de radiodiffusion transfrontalière de programmes par satellite, à savoir favoriser la libre diffusion des programmes, notamment en réduisant les disparités existant entre les dispositions nationales relatives au droit d'auteur et aux droits voisins.
Cette convention est un accord mixte qui relève pour partie de la compétence de la Communauté et pour partie de celle des États. Elle sera donc soumise à la ratification de chacun des États membres.
Dans un premier temps, la Commission européenne avait envisagé que la Communauté approuve la convention avant même que les États n'aient déposé leurs instruments de ratification. Plusieurs États membres s'étant opposés à cette procédure, la commission propose désormais :
- que le Conseil signe, sous réserve d'approbation, la convention, afin de marquer l'intérêt que la Communauté porte à celle-ci :
- de différer l'approbation communautaire, dans l'attente des ratifications nationales.
Cette procédure paraît plus conforme au partage des compétences nationales et communautaires.
Par ailleurs, la convention n'entraînera pas de modification législative en France, dans la mesure où elle reprend les principes posés par la directive de 1993, qui fait l'objet d'un projet de loi de transposition débattu au Sénat, en première lecture, le 5 mars dernier.
La délégation a donc décidé de ne pas intervenir sur la proposition E 599.
11. Transports
Proposition E 510
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(Réunion de la Délégation du 24 avril 1996)
Présentation par M. Nicolas About d'un rapport d'information et d'une proposition de résolution :
La délégation m'a chargé d'un rapport sur la proposition d'acte communautaire E 510 qui vise à ouvrir davantage à la concurrence le secteur du transport ferroviaire. La préparation de ce rapport a été pour moi l'occasion de faire le point sur la politique communautaire menée par l'Union européenne dans le domaine du chemin de fer et sur les conséquences de cette politique pour la S.N.C.F. J'ai entendu les ministres compétents, la direction de la S.N.C.F., l'ensemble des organisations syndicales, afin de disposer des informations les plus complètes possibles.
Il faut tout d'abord souligner que le secteur du transport ferroviaire en Europe connaît actuellement de profondes mutations, notamment sous l'effet de la politique communautaire.
En 1991, le Conseil a adopté une directive très importante sur l'organisation des chemins de fer. Cette directive repose sur quatre piliers
- 1'autonomie des entreprises ferroviaires par rapport aux États ;
- la séparation, au moins comptable, des activités relatives à l'exploitation des services de transport de celles relatives à la gestion de l'infrastructure ferroviaire ;
- l'assainissement de la situation financière des entreprises ferroviaires ;
- enfin une ouverture limitée à la concurrence ; la directive prévoit en effet d'accorder un accès au réseau ferroviaire à de nouveaux entrants souhaitant exercer une activité de transport international. Mais des conditions restrictives sont posées, cette possibilité n'est ouverte qu'aux entreprises souhaitant exercer une activité de transport combiné ou aux entreprises faisant partie d'un regroupement international. Les modalités de cet accès au réseau ont été précisées dans des directives complémentaires de 1995.
Parallèlement à cette directive communautaire, et même parfois avant son entrée en vigueur, certains États membres ont entrepris de profondes réformes de l'organisation de leurs chemins de fer. C'est notamment le cas de la Grande-Bretagne et de l'Allemagne.
En Grande-Bretagne, les infrastructures et l'exploitation ont été totalement séparées. Les activités voyageurs font l'objet de franchises attribuées par un directeur des franchises. Récemment, une filiale de la Compagnie Générale des Eaux a obtenu une de ces franchises dans le cadre d'un appel d'offres et gérera le réseau du sud de Londres.
La réforme britannique a des caractéristiques très spécifiques : elle doit conduire, à terme, à une privatisation de l'ensemble du système y compris des infrastructures. Par ailleurs, l'entreprise chargée des infrastructures ne bénéficie d'aucune subvention publique. Elle fait donc payer très cher le passage sur les infrastructures ; dans ces conditions, le Gouvernement est contraint d'accorder des subventions importantes aux entreprises qui exploitent les services de transport. Ainsi, les franchises sont en fait accordées aux entreprises qui demandent le moins de subventions.
Ce modèle est extrêmement contesté en France et il est difficile aujourd'hui de savoir quels sont ses effets en termes d'efficacité, de qualité de service et de coût. Je pense qu'une appréciation réellement objective nécessiterait une étude plus approfondie.
La réforme allemande est intéressante dans la mesure où l'entreprise ferroviaire, la Deutsche Bahn, se trouvait dans une situation financière plus difficile encore que la S. N. C. F. L'État a procédé au désendettement de l'entreprise, a pris en charge les surcoûts liés aux statuts des personnels et il s'est engagé à financer les investissements futurs Il a prévu un programme très important d'investissements pour les années à venir Par ailleurs, la gestion des transports ferroviaires de proximité a été confiée aux Länder.
Là encore, il est difficile de dresser pour l'instant un bilan de cette réforme. En 1994, la Deutsche Bahn a été bénéficiaire, mais il semble que la structure de son bilan se soit à nouveau un peu dégradée depuis lors. En outre, le Gouvernement a des difficultés à tenir le programme d'investissements qu'il avait envisagé. Il faut néanmoins souligner l'importance de cette réforme, qui a été négociée avec les organisations professionnelles.
Voilà quelle est la situation actuelle
Quel est le contenu des nouvelles propositions de la Commission européenne ?
La commission souhaite développer le transport ferroviaire en Europe et propose maintenant une ouverture plus large à la concurrence. Elle propose que l'accès au réseau ferroviaire soit accordé à toute entreprise souhaitant offrir des services de transport de marchandises ainsi qu'aux entreprises souhaitant offrir des services internationaux de transport de voyageurs. Il s'agirait donc d'un élargissement très important de la concurrence dans ce secteur.
Je suis arrivé à la conclusion qu'une telle évolution n'était pas souhaitable dans l'immédiat pour plusieurs raisons.
- Tout d'abord, il n'existe aucun bilan de la directive de 1991 ; la Commission européenne a rédigé une communication sur l'application de cette directive, mais il s'agit d'un document en trois pages, qui ne contient que des appréciations extrêmement générales. Cette directive n'a même pas encore été transposée par tous les États membres et elle est appliquée de manière très incomplète. Par exemple, en France, une seule entreprise a fait une demande pour accéder au réseau et elle ne répondait pas aux conditions nécessaires. De même, il est difficile de dire que les dispositions sur l'assainissement financier des entreprises ont été appliquées dans tous les pays d'Europe.
- Par ailleurs, il n'existe aucune étude sur les conséquences d'une plus large ouverture à la concurrence. N'y a-t-il pas un risque d écrémage du marché, préjudiciable au maintien des missions de service public ? Quelles seraient les conséquences de cette ouverture sur le niveau de sécurité du transport ferroviaire ?
Il me semble donc que les conditions ne sont pas réunies pour une ouverture plus large à la concurrence. Je pense que le transport ferroviaire ira inéluctablement vers une certaine libéralisation, mais il me paraît nécessaire de procéder par étapes.
Dans un premier temps, il convient de dresser un vrai bilan de la directive de 1991, de veiller à son application complète par l'ensemble des États membres, avant de réfléchir à une ouverture plus large à la concurrence ; cette nouvelle étape devra faire l'objet au préalable d'une réflexion approfondie.
Voilà pourquoi je vous propose que nous demandions au Gouvernement de s'opposer pour l'instant à la proposition E 510.
Quelles sont les actions qui paraissent prioritaires pour l'Union européenne aujourd'hui ?
- Tout d'abord, les réseaux transeuropéens de transport : Vous savez que quatorze projets prioritaires ont été retenus par les Chefs d'État et de Gouvernement. Or, actuellement, ces projets sont bloqués, compte tenu des difficultés à réunir les financements indispensables. Je crois qu'une clarification à ce sujet est désormais nécessaire de la part du Conseil, car rien ne serait pire pour la crédibilité de l'Union européenne que l'annonce de projets très ambitie ux qui ne verraient jamais le jour faute de crédits.
- Ensuite, l'harmonisation technique. Comme vous le verrez dans le rapport, des progrès sont encore indispensables dans ce domaine. Les différences existant entre réseaux empêchent rarement les liaisons, mais entraînent des surcoûts qui nuisent à la compétitivité du transport ferroviaire-La résolution de ces problèmes implique une coopération entre opérateurs et également entre industriels, mais une impulsion de la part des institutions communautaires paraît également indispensable.
- Troisième problème important, le transport combiné. Ce mode de transport des marchandises présente de nombreux avantages et les institutions communautaires souhaitent le voir se développer. Pour l'instant, sa part dans le transport de marchandises demeure très limitée. C'est pourquoi je pense que les actions d'encouragement doivent être poursuivies, tant au niveau communautaire qu'au niveau français.
Je souhaite maintenant évoquer le problème de l'application de la politique communautaire de la concurrence au transport ferroviaire. Le transport ferroviaire se caractérise par l'existence d'accords entre opérateurs pour le transport international. Ces accords sont souvent encouragés par les institutions communautaires parce qu'ils peuvent permettre un développement du transport transeuropéen, mais ils entrent parfois en contradiction avec les règles de concurrence communautaires. La Commission européenne est assez consciente des particularités du transport ferroviaire et elle n'interdit pas, en général, les accords entre opérateurs. Cependant, elle pose parfois des conditions qui risquent de décourager ce type de coopération. Aussi, il me semble important que ces accords soient examinés en prenant pleinement en compte les spécificités du transport ferroviaire.
Un autre problème est celui de la concurrence intermodale et en particulier de la concurrence rail - route. L'inégalité de cette concurrence est dénoncée depuis longtemps par les entreprises de chemin de fer. La Commission européenne envisage de formuler des propositions pour qu'existe une certaine prise en compte des coûts entraînés par les différents modes de transports notamment les dégâts causés à l'infrastructure et la pollution. Cette initiative me parait positive et doit être poursuivie. Toutefois, il me semble illusoire d'espérer que le rail regagnera des parts de marché substantielles par ce seul rééquilibrage. Les entreprises ferroviaires doivent faire de très gros efforts d'amélioration de leur qualité de service si elles veulent profiter d'un éventuel rééquilibrage des conditions de concurrence.
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Le transport ferroviaire en Europe est donc en train de subir des changements très profonds qu'il serait illusoire de vouloir empêcher. Dans ce contexte, il est clair que la situation de la S.N.C.F. est très préoccupante. Je n'ai pas souhaité faire un bilan complet de la situation de l'entreprise nationale car la situation est aujourd'hui connue. Mais je voudrais dire que l'Europe n'est en rien responsable de la situation de la S.N.C.F., et qu'au contraire, les évolutions actuelles sont une occasion de mettre en oeuvre des réformes trop longtemps retardées. La S.N.C.F. a des atouts, notamment technologiques, pour jouer un rôle majeur dans l'espace ferroviaire européen.
Mais un certain nombre de conditions doivent pour cela être remplies :
Il est indispensable de clarifier les relations entre l'État et la S.N.C.F. Actuellement, personne ne sait qui est responsable de quoi et l'État, comme la S.N.C.F. se sont accomodés de celte situation. Il est maintenant nécessaire de modifier cela, notamment en ce qui concerne les infrastructures. Il me paraît difficile de laisser la S.N.C.F. financer la construction des nouvelles infrastructures, d'autant plus que les nouvelles lignes de T.G.V. auront une rentabilité très inférieure aux précédentes. En ce qui concerne l'entretien de l'infrastructure, le débat est plus ouvert. La directive communautaire impose une séparation comptable entre infrastructures et exploitations, ce qui implique de définir un péage pour l'utilisation de l'infrastructure, sachant que l'État devra de toute façon accorder des subventions pour équilibrer le compte d'infrastructures.
Deux solutions sont donc possibles : soit l'État prend en charge tous les frais liés aux infrastructures, et dans ces conditions, il doit être le seul décideur, soit la S.N.C.F., en tant que gestionnaire de l'infrastructure, reste responsable de l'entretien. Quoi qu'il en soit, les décisions doivent intervenir rapidement, car aujourd'hui si une entreprise demandait à accéder au réseau français dans le cadre de la directive de 1991, on serait incapable de lui facturer un péage pour l'utilisation de l'infrastructure.
Une clarification est aussi indispensable en ce qui concerne le service public. Tout le monde en France, et le Sénat particulièrement, est attaché à l'existence de missions de service public, qui contribuent à l'aménagement du territoire. Mais aujourd'hui, on ne peut plus dire que le transport ferroviaire est un service public qui doit être accordé à chacun, quelle que soit sa situation sur le territoire. Le service public à prendre en compte est celui du transport collectif et, dans certaines zones, le rail n'est à coup sûr pas le moyen le plus efficace d'assurer le service public. Il me semble que les missions de service public concernent essentiellement aujourd'hui les tarifs sociaux, les lignes d'intérêt régional, les trains de banlieue parisienne et certaines grandes lignes qui contribuent à l'aménagement du territoire.
Il est important que ces missions soient clairement définies afin que l'on sache ce qui relève du service public et ce qui n'en relève pas.
En ce qui concerne la dette, il me semble indispensable que celle-ci soit allégée de manière significative. Une telle situation financière est totalement démotivante pour l'entreprise. Mais évidemment, l'État ne peut envisager une reprise de la dette que si celle-ci ne se reconstitue pas mécaniquement dans les années à venir.
Un aspect important est le renforcement du rôle des régions. Le transfert de la responsabilité du transport régional aux conseils régionaux peut permettre une plus grande efficacité du système, dans la mesure où il est souhaitable que les décisions soient prises le plus près possible des usagers. La loi sur l'aménagement du territoire adoptée en 1995 prévoit une expérimentation qui devrait maintenant être mise en oeuvre rapidement. Naturellement, un tel transfert de responsabilités ne peut se faire que s'il est accompagné d'un transfert de ressources suffisant ; c'est pourquoi l'idée d'une expérimentation réversible me paraît être la meilleure Par ailleurs, ce transfert ne peut s'opérer que dans le cadre d'une réflexion globale au niveau de l'État sur l'avenir du transport ferroviaire.
Enfin, je crois important d'accorder la plus large autonomie à la S.N.C.F. pour la gestion de ses activités commerciales. La SNCF est une entreprise et doit désormais se comporter comme telle. Elle doit aujourd'hui accomplir des efforts importants pour améliorer son efficacité et devra être jugée, comme toute entreprise, sur ses résultats J'ai évoqué dans mon rapport quelques domaines où des progrès paraissent indispensables. Je crois en fait que la S. N. C. F. doit concentrer son attention sur la satisfaction de ses clients. Les usagers captifs d'autrefois sont aujourd'hui des clients qui ont souvent le choix entre plusieurs modes de transport et qui, à l'avenir, auront peut-être le choix entre plusieurs compagnies. La S.N.C.F. doit s'adapter pleinement à cette situation.
Voilà mes chers collègues, les grandes orientations de ce rapport, au terme duquel j'envisage de déposer, si vous en êtes d'accord, la proposition de résolution qui vous a été adressée. Ce texte est une base de discussion. Il pourrait être examiné par notre commission des Affaires économiques et devrait, à mon sens, faire l'objet d'un débat en séance publique. Je crois que le Sénat ne peut pas rester à l'écart des réflexions actuellement menées sur l'avenir du transport ferroviaire.
En conclusion, je voudrais dire qu'il me semble qu'il existe une voie permettant de concilier l'existence d'un service public de haut niveau et l'amélioration des performances et de la compétitivité de l'opérateur ferroviaire. Les institutions communautaires sont favorables au développement du rail et nous devons saisir cette opportunité en mettant en oeuvre des réformes qui. si nous tentons de les retarder, seront encore plus difficiles.
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Au cours du débat qui a suivi, Mme Michelle Demessine, tout en approuvant le souhait du rapporteur que la France s'oppose aux nouvelles propositions de la Commission européenne, a contesté la démarche adoptée par sa proposition de résolution, estimant qu'il était contradictoire de s'opposer aux nouvelles propositions tout en souhaitant l'application de la directive de 1991 ; elle a fait valoir que cette dernière portait atteinte à l'unicité de la SNCF et risquait de conduire à un démantèlement du service public.
Mme Michelle Demessine a également observé que le rapporteur défendait une vision réductrice du service public, dans laquelle la SNCF ne conserverait que les activités les moins rentables, tandis que les autres seraient laissées à la concurrence. Elle a enfin indiqué que son groupe déposerait également une proposition de résolution sur la proposition d'acte communautaire E . 510.
M. Nicolas About a tout d'abord remarqué que la directive de 1991 avait été introduite dans notre droit interne, qu'elle était applicable et qu'il ne servait à rien de s'y opposer. Il a fait valoir que les risques de cette directive pour la SNCT étaient très limites et qu'elle offrait au contraire une opportunité de mener à bien des réformes indispensables.
M. Nicolas About a souligné que, en revanche, la nouvelle proposition suscitait de nombreuses inquiétudes, dans la mesure où certaines dispositions de la précédente directive, notamment celles relatives au désendettement de l'entreprise ferroviaire, ne sont pas encore appliquées.
À propos du service public, M. Nicolas About a estimé que, dans son esprit, la SNCF n'avait évidemment pas vocation à rester responsable des seules activités non rentables. Il a observé qu'on constatait plutôt un certain désengagement de la SNCF à l'égard de ces activités, soit par le transfert sur route de certaines liaisons, soit par la concession à un autre opérateur comme la CFTA (Chemins de fer et Transports automobiles), qui gère certaines lignes de Bretagne.
M. Christian de La Malène a déclaré partager la position du rapporteur visant à demander au Gouvernement de s'opposer, en l'état, à l'adoption de la proposition E 510. Il a souhaité que, dans un domaine aussi sensible, le refus par le Sénat de cette nouvelle directive soit affirmé rapidement, afin qu'il puisse être pris en compte dans les travaux du Conseil. Il a remarqué que cette position aurait davantage de force si elle donnait lieu à un vote en séance publique.
M. Nicolas About lui a répondu que sa proposition de résolution avait précisément pour objet de permettre au Sénat de débattre de ces questions importantes et de se prononcer par un vote sur quelques grands principes. Il a déclaré souhaiter que la commission des affaires économiques puisse mener une instruction rapide de cette proposition de résolution.
M. Emmanuel Hamel s'interrogeant sur l'état d'application de la directive de 1991, M. Nicolas About a rappelé que cette directive avait fait l'objet d'une transposition en France et était donc applicable. Il a toutefois souligné que certaines dispositions importantes, comme l'assainissement financier de l'entreprise ferroviaire, n'étaient pas encore appliquées et a exprimé la crainte que l'élaboration du contrat de plan État-SNCF ne prenne encore beaucoup de temps. Il a ajouté que l'application très partielle de la directive de 1991 dans de nombreux États membres faisait sans doute partie des raisons qui avaient poussé la Commission européenne à formuler rapidement de nouvelles propositions. Celle-ci espère probablement accélérer ainsi les choses et pousser les États en retard à appliquer la première directive.
La délégation a ensuite examiné la proposition de résolution présentée par M. Nicolas About.
M. Jacques Habert observant que de nombreux passages de la proposition de résolution concernaient davantage la situation de la SNCF que la politique communautaire, M. Nicolas About, rapporteur, a souligné que la SNCF ne pourrait jouer un rôle dans l'espace européen que si de profondes réformes étaient entreprises au niveau français. Il a souligné qu'il était impossible sur un tel sujet de scinder les questions purement européennes et les questions nationales.
M. Emmanuel Hamel s'est interrogé sur le paragraphe de la proposition de résolution demandant au Gouvernement de s'opposer à la proposition E 510 « afin de permettre, dans un premier temps, une application complète de la directive 91/440 ». Il a exprimé la crainte que la Commission européenne ne fasse alors pression sur la France afin que la directive soit appliquée.
M. Nicolas About a souligné qu'il était de l'intérêt de la SNCF et de la France d'appliquer la directive de 1991 et notamment ses dispositions relatives à l'assainissement financier des entreprises ferroviaires. Il a rappelé que d'autres pays avaient pris de l'avance sur la France dans la mise en oeuvre de réformes profondes de l'organisation du transport ferroviaire.
M. Christian de La Malène s'est alors déclaré très méfiant à l'égard des expériences anglaises dans ce domaine. Il a ajouté, que, afin que la concurrence ne soit pas faussée au profit des transports routiers, il fallait que les infrastructures ferroviaires transeuropéennes soient prises en charge par le budget communautaire et que la dette de la SNCF soit reprise par l'État.
La délégation a ensuite adopté le rapport d'information de M. Nicolas About et a approuvé le dépôt, par M. Nicolas About, de sa proposition de résolution sur la proposition d'acte communautaire E 510 (voir texte ci-après).
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Le Sénat.
Vu la proposition d'acte communautaire E 510 ;
Considérant que l'unification de l'espace européen peut constituer un facteur important de renouveau pour le transport ferroviaire ;
Considérant que la directive 91 440 du 29 juillet 1991 relative au développement des chemins de fer européens, repose sur quatre piliers : l'indépendance des entreprises ferroviaires à l'égard des États, l'assainissement financier, la séparation entre activité de transport et gestion de l'infrastructure, enfin une ouverture limitée du réseau ferroviaire à la concurrence ;
Considérant que le bilan de l'application de la directive de 1991 présenté par la Commission européenne ne permet aucunement d'évaluer les résultats de ce premier texte, qui n'a pas encore été transposé dans l'ensemble des États membres ;
Considérant que la proposition d'acte communautaire E 510 a pour objet d'étendre les droits d'accès à l'infrastructure, qui seraient désormais accordés à toutes les entreprises souhaitant offrir des services de transport de marchandises ou des services internationaux de transport de voyageurs :
Considérant que les conséquences possibles de l'extension des droits d'accès n'ont fait l'objet d'aucune réflexion préalable, notamment en ce qui concerne les risques d'écrémage du marché, la nécessité de maintenir un haut niveau de sécurité et un niveau de formation du personnel satisfaisant ;
- Demande au Gouvernement de s'opposer à la proposition d'acte communautaire E 510 afin de permettre, dans un premier temps, une application complète de la directive 91/440 ; souhaite qu'un bilan approfondi de cette directive puisse être établi par la Commission européenne et que les conséquences d'une plus large ouverture à la concurrence soient étudiées avec précision ;
Considérant que la coopération entre opérateurs ferroviaires peut souvent permettre des progrès substantiels dans l'unification de l'espace européen : que la politique communautaire de la concurrence doit prendre en compte les particularités du transport ferroviaire :
Considérant également que l'ouverture progressive à la concurrence est un phénomène irréversible et que les entreprises ferroviaires peuvent en tirer un important profit en termes d'efficacité :
- Demande que les accords de coopération entre opérateurs soient examinés en fonction des spécificités du transport ferroviaire et non seulement au regard des principes généraux de la politique communautaire de la concurrence ;
Considérant que l'absence de prise en compte de certains coûts externes -pollution, encombrements, accidents...- nuit au développement du transport ferroviaire ; que le chemin de fer ne pourra toutefois profiter d'une modification de cette situation que s'il améliore sensiblement ses performances dans le domaine du transport de marchandises ;
- Estime important de poursuivre les études sur la prise en compte des coûts externes entraînés par les différents modes de transport, afin de parvenir à une concurrence plus équilibrée entre le rail et la route ;
Considérant que la politique de l'Union européenne en matière de réseaux transeuropéens de transport paraît aujourd'hui fragilisée du fait de l'absence de financements suffisants ;
- Invite le Gouvernement à agir au sein du Conseil afin qu'une clarification soit apportée sur la situation des projets de réseaux transeuropéens de transport, dont la réalisation paraît aujourd'hui compromise, faute de financement suffisants ;
Considérant que l'harmonisation technique entre réseaux et matériels européens a progressé tout en restant insuffisante : que les incompatibilités techniques sont source de coûts importants, qui nuisent à la compétitivité du transport ferroviaire ;
- Souligne la nécessité de renforcer les actions menées dans le domaine de l'harmonisation technique, afin de faciliter l'unification de espace européen ;
Considérant que le transport combiné, malgré les soutiens dont il fait l'objet, tant au niveau communautaire qu'au niveau français, ne connaît qu'un développement assez lent et ne détient encore que des parts de marché limitées ;
- Souhaite que le transport combiné, compte tenu de ses avantages, fasse l'objet de mesures de soutien, tant au niveau communautaire qu'au niveau français ;
Considérant que la politique européenne n'est pas la source des difficultés de la SNCF ; que l'action communautaire offre au contraire une opportunité de mettre en oeuvre des réformes indispensables trop longtemps différées ;
Considérant que la SNCF est aujourd'hui dans une situation extrêmement difficile, qui pose la question de sa survie dans un environnement en profonde évolution ;
Considérant qu'il est aujourd'hui en pratique impossible d'identifier les responsabilités respectives de l'État et de la SNCF dans la situation et l'évolution du transport ferroviaire ; que la séparation comptable entre exploitation et gestion de l'infrastructure doit permettre de progresser dans cette voie : qu'il paraît désormais peu souhaitable de laisser la SNCF prendre en charge la construction des nouvelles infrastructures ferroviaires ;
- Souligne la nécessité d'une clarification des responsabilités respectives de l'État et de la SNCF dans l'organisation du transport ferroviaire en France ; estime qu'il convient d'envisager une prise en charge par l'État de la construction de nouvelles infrastructures ;
Considérant que la situation financière de la SNCF n'est aujourd'hui plus supportable pour l'entreprise et qu'elle conduit à une démotivation profonde; que la directive du 29 juillet 1991 invite les États à assainir la situation des entreprises ferroviaires ;
- Estime qu'un assainissement important et rapide de la situation financière de la SNCF est indispensable ;
Considérant que la France est légitimement attachée au maintien de missions de service public ; que la SNCF n'est pas un service public, mais qu'elle est appelée à exercer des missions de service public ; que ces missions ne sont actuellement pas clairement identifiées ;
- Réaffirme son attachement à l'existence d'un service public du transport, élément indispensable de la politique d'aménagement du territoire et de la cohésion sociale ; observe que les missions de service public confiées à la SNCF devraient être définies de manière plus précise ;
Considérant que le transfert aux régions de la gestion du transport régional contribuera à la clarification des responsabilités et permettra de rapprocher la décision de l'usager ; qu'un tel transfert doit naturellement être accompagné d'un transfert de moyens suffisants ; qu'il convient, dans un premier temps, de mettre en place une expérimentation réversible ;
- Souhaite une mise en oeuvre rapide du transfert aux régions de la responsabilité du transport régional, dans le cadre de l'expérimentation prévue par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 ; estime que ce transfert devrait se faire dans le cadre d'une réflexion globale, au niveau de l'État, sur l'avenir du transport ferroviaire ;
Considérant que la SNCF est une entreprise, qu'elle doit, à ce titre, disposer d'une large autonomie pour entreprendre les réformes indispensables à l'amélioration de son efficacité : qu'elle doit dès lors être jugée sur les résultats qu'elle obtiendra ;
- Souligne que la SNCF, qui dispose de nombreux atouts, doit entreprendre de profondes réformes de fonctionnement et améliorer rapidement ses performances, afin d'être un opérateur dynamique et conquérant dans l'espace européen.
Cette proposition de résolution a été
publiée sous le n° 332
Elle a été renvoyée à la commission
des Affaires
Le rapport de M. Nicolas About :
« L'Europe : une chance
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