ANNEXE N° 1 - SENSIBILITÉ DES COMPTES PUBLICS À UN RALENTISSEMENT DE LA CROISSANCE
On trouvera ici les résultats d'une simulation de l'impact d'un ralentissement de la croissance sur les finances publiques, réalisée à l'aide du modèle METRIC de la Direction de la Prévision.
1. Principales hypothèses de la simulation
a) Hypothèses macroéconomiques :
Les variantes issues du modèle METRIC décrivent les effets sur trois ans (1996-1998) d'une réduction de 1 point de la croissance du PIB marchand en 1996.
Simuler un ralentissement de cette nature suppose d'en déterminer les causes. Celles qui sont présentées dans cet exercice correspondent aux deux scénarios dont on peut supposer à priori que leurs effets sur les recettes fiscales et sociales diffèrent le plus fortement :
- dans un premier scénario, le ralentissement de la croissance résulte d'une moindre progression de la demande mondiale qui entraîne un ralentissement des exportations. Celles-ci n'étant pas assujetties à la TVA, on peut supposer que cette variante est celle qui aura les incidences les plus faibles sur les recettes fiscales ;
- dans un second scénario, le ralentissement de la croissance est imputable à une moindre progression de la consommation des ménages, consécutive à une hausse du taux d'épargne.
Ces deux scénarios sont présentés dans les tableaux figurant à la fin de cette annexe.
b) Hypothèses relatives aux finances publiques :
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Hypothèses relatives aux recettes
publiques :
On rappelle que les recettes dont l'assiette n'est pas directement liée aux évolutions conjoncturelles (impôts en capital, cotisations sociales des retraités, fiscalité directe locale, etc...) n'évoluent pas dans les variantes présentées.
Concernant les autres types de recettes, les variantes retiennent, pour l'essentiel, les hypothèses suivantes :
- 60 % du produit de la TVA évolue comme la consommation des ménages et 10 % comme leurs investissements.
- Les impôts sur les salaires (taxe sur les salaires, taxe d'apprentissage, versement transport...) progressent comme la masse salariale.
- La progression du bénéfice fiscal des sociétés est égale à celle de leur excédent brut d'exploitation 14 ( * ) . La progression de l'impôt sur les sociétés lui-même tient compte du mécanisme solde-acomptes qui introduit un délai de perception de plus d'un an.
- L'évolution de l'impôt sur le revenu prend en compte l'évolution du salaire moyen par tête en volume, de l'indice des prix et des effectifs salariés de l'année précédente.
- La CSG et le RDS évoluent en fonction de la masse salariale totale et des pensions indexées.
- Les cotisations sociales des organismes de sécurité sociale ont une élasticité de 0,95 à la masse salariale du secteur marchand non agricole 15 ( * ) et les cotisations UNEDIC une élasticité unitaire.
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Hypothèses relatives aux dépenses
publiques
Les variantes présentées ne prennent pas en compte l'incidence éventuelle d'un ralentissement de la croissance sur le nombre d'allocataires de certaines prestations sociales (RMI notamment).
Les prestations sociales et les salaires publics sont par ailleurs indexés sur les prix, hormis pour 1996 où les évolutions nominales sont déjà fixées.
2. Résultats de la simulation sur le solde des administrations publiques
a) Variante de ralentissement de la demande mondiale :
Si le ralentissement de la croissance résulte d'un ralentissement des exportations, l'effet sur le solde public est quasiment nul la première année et reste faible les deux années suivantes. La capacité de financement des administrations publiques se dégrade d'environ 23 milliards de francs (soit 0,3 % du PIB) en trois ans : - 8 milliards pour l'État, - 15 milliards pour les administrations de Sécurité sociale.
Cette dégradation s'explique par la diminution des recettes de cotisations sociales, liée à la baisse de l'emploi salarié privé (- 0,8 % par rapport au compte central), par la hausse corrélative des dépenses d'indemnisation du chômage, et par le moindre dynamisme de l'impôt sur les sociétés qui ne se manifeste qu'en 1997 et 1998 en raison de son mode de calcul et de recouvrement.
En raison de la faible modification du volume et des prix de la consommation des ménages dans ce scénario, le produit de la TVA et des autres impôts assis sur la consommation n'évolue quasiment pas.
b) Variante de ralentissement de la consommation :
Les impôts assis sur la consommation réagissent immédiatement (- 10 milliards dès la première année), et contribuent fortement à la dégradation ultérieure du solde budgétaire. Les cotisations sociales et les impôts directs, impôt sur les sociétés et impôt sur le revenu, diminuent nettement la deuxième année, comme dans le scénario précédent.
Le besoin de financement des administrations publiques se creuse ainsi de 14 milliards de francs en 1996 (0,2 % du PIB), et d'environ 16 milliards de francs supplémentaires en 1997. En revanche, le solde ne se dégrade plus la troisième année, en raison d'une légère accélération de la croissance du PIB (liée notamment à la baisse des rentrées fiscales). En fin de période, le déficit public est supérieur de 0,35 % du PIB à son niveau de référence. La dégradation du compte de l'État (et des autres administrations centrales), dont le déficit s'accroît de 17 milliards de francs en trois ans, est plus importante que dans la variante demande mondiale (- 8 milliards de francs).
Impact d'une réduction de 1 point du taux de croissance du PIB en 1996
(Écarts au compte central, en milliards de francs courants)
Au total, trois conclusions se dégagent de cette simulation :
- la sensibilité des comptes publics à une réduction de 1 point de la croissance en 1996 varie à court terme selon les facteurs du ralentissement économique : un ralentissement de la consommation a des effets plus importants que celui des exportations ;
- dans les deux cas, le ralentissement de la croissance ne produit ses effets les plus notables qu'au terme d'un délai de deux ans, en raison du décalage dans le temps de la perception des principaux impôts directs ;
- si l'on se réfère aux résultats de cette simulation, la dérive des comptes de la Sécurité sociale prévue pour 1996 (prévision de déficit de 50 milliards de francs contre un objectif de 17 milliards pour le Régime général) ne semble pas seulement imputable au ralentissement de la croissance.
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3. Que peut-on en déduire quant à l'effet sur les finances publiques de la révision à la baisse des hypothèses de croissance pour 1996 ?
Le compte macroéconomique présenté par le Gouvernement au mois d'octobre 1995 et associé au projet de loi de finances pour 1996, donnait une prévision de croissance pour 1996 de 2,8 %. Celui qui vient d'être présenté à la commission des Comptes du mois de mars dernier retient une prévision de 1,3 %.
Cette différence est due principalement au ralentissement anticipé de la consommation (qui représente 60 % environ du PIB) : sa progression passe de 2,3 % dans la prévision d'octobre 1995 à 1,3 % dans celle de mars 1996. L'effet du ralentissement de la demande étrangère (de 7,5 % en octobre 1995 à 5,9 % en mars 1996) et des exportations (qui ne représentent que 23 % du PIB) est moindre.
Dans ces conditions, on peut approximativement considérer que l'incidence du ralentissement de la croissance en 1996 sur les finances publiques doit être appréciée au vu des résultats de la variante « ralentissement de la consommation ».
Ainsi, pour 1996 et par rapport à la prévision d'octobre 1995, le creusement mécanique du déficit public imputable à l'évolution conjoncturelle, peut-il être évalué à 1,5 %x 0,17 = 0,3 point de PIB. Les experts du Gouvernement ont cependant précisé à l'occasion de la dernière réunion de la commission des Comptes que l'objectif de déficit public de 4 % en 1996 n'en était pas affecté dans la mesure où l'harmonisation de la comptabilisation des soldes publics aux normes européennes (modification de la règle du coupon couru) et le Plan de redressement de la Sécurité sociale compensaient largement les effets mécaniques du ralentissement de la croissance.
Variante de moindre progression de la demande mondiale
(Variations en volume par rapport à un compte de référence)
Variante de moindre progression de la consommation
(Variations en volume par rapport à un compte de référence)
* 14 Cette relation, très imparfaitement vérifiée dans le passé constitue cependant un pis-aller
* 15 C'est-à-dire qu'une augmentation de 1 % de la masse salariale entraîne une augmentation de 0,95 % du produit des cotisations sociales.