III - Examen du rapport d'information de M. Alain Lambert, rapporteur général, en vue du débat d'orientation budgétaire pour 1997, le mercredi 15 mai 1996, sous la présidence de M. Christian Poncelet, président
À titre liminaire, M. Alain Lambert, rapporteur général, a rappelé que le Gouvernement avait déjà accepté de tenir un débat d'orientation au Parlement au printemps 1990, mais que la discussion avait davantage porté sur l'analyse de la situation et de la politique économiques que sur les orientations budgétaires elles-mêmes. Il a estimé que l'exercice aujourd'hui proposé était différent. Le Gouvernement demande cette fois en effet au Parlement d'apporter son soutien à la réduction programmée des déficits publics et esquisse le volume et les orientations des économies budgétaires pour 1997.
Le rapporteur général a exprimé le souhait que le Sénat soit au rendez-vous pour valider des hypothèses -si celles-ci lui paraissent prudentes- mais aussi pour poser au Gouvernement les questions indispensables à la bonne compréhension des enjeux.
Présentant les hypothèses de croissance retenues par le Gouvernement, il a indiqué qu'un regard rétrospectif sur l'exercice 1995 révélait un essoufflement de la croissance, la consommation des ménages n'ayant pas tenu ses promesses et les flux d'investissement restant largement en-deçà des prévisions. Pour 1996, la prévision du Gouvernement est désormais arrêtée à + 1,3 %, compte tenu d'une accélération attendue de l'investissement et d'une bonne tenue de la consommation et des exportations. En 1997, la croissance s'accélérerait et atteindrait + 2,8 %, en raison d'une nouvelle amplification de l'investissement, d'un comportement de restockage des entreprises et d'une légère augmentation de la consommation des ménages.
M. Alain Lambert, rapporteur général, a souhaité toutefois nuancer ces perspectives en soulignant les incertitudes du scénario envisagé par le Gouvernement. En premier lieu, la croissance allemande devrait être particulièrement faible en 1996. Ensuite, le Gouvernement retient un objectif de déficits ramenés à 3 % du produit intérieur brut, alors que le consensus des prévisionnistes estime le niveau des déficits à 3,8 %. Enfin, rien ne peut garantir que les ménages puiseront dans leur épargne afin de pouvoir consommer davantage et que les entreprises chercheront à combler leur retard en matière d'investissements. Le rapporteur général a en conséquence privilégié l'hypothèse d'une croissance encore très modérée l'année prochaine.
Après l'analyse de la conjoncture, il a présenté les hypothèses relatives à l'équilibre du budget pour 1997, en rappelant, tout d'abord que la réduction des déficits correspondait évidemment aux obligations nées du Traité de Maastricht, mais répondait également à un impératif de souveraineté nationale. De ce point de vue, la réduction des déficits publics à 3 % du PIB l'année prochaine doit devenir une donnée et non plus une simple hypothèse.
Le rapporteur général a ensuite indiqué que s'agissant des recettes, le Gouvernement retenait pour 1997 un montant de 1.300 milliards de francs, soit une progression modérée par rapport à 1996. En effet, des moins-values sont attendues sur l'exercice en cours par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale : 27 milliards de francs pour la taxe à la valeur ajoutée, et environ 2 milliards de francs pour l'impôt sur le revenu. Les prévisions sont plus optimistes en matière d'impôt sur les sociétés, du fait des mesures fiscales récentes, du redressement de la demande, et de l'arrivée à son terme du phénomène de provisionnement observé dans les grandes entreprises. Enfin, les ressources non fiscales qui se sont élevées à 163,7 milliards de francs en 1995, en sollicitant notamment un prélèvement de 15 milliards de francs sur la caisse des dépôts et de 18,5 milliards de francs sur le fonds de réserve et de garantie des caisses d'épargne, ne pourront sans doute pas être renouvelées au même niveau en 1996 ni en 1997.
M. Alain Lambert, rapporteur général, a estimé qu'en conséquence le niveau de 1.300 milliards de francs retenu par le Gouvernement lui paraissait être le bon ordre de grandeur. Il a ensuite relevé que l'obligation de ramener le déficit du budget de l'État, en 1997, à 3 % du produit intérieur brut amenait le Gouvernement à étudier l'hypothèse d'un maintien en francs courants des dépenses budgétaires, soit 1.552 milliards de francs. Il a ajoute que l'évolution spontanée des principaux postes de dépenses étant de l'ordre de 60 milliards de francs, l'effort d'économies pouvait être évalué au même montant.
Puis, le rapporteur général a rappelé que le Gouvernement appelait l'attention du Parlement sur trois postes de dépenses. Tout d'abord les charges de personnel qui atteignent 566,7 milliards de francs et ont été alourdies par la création de 72.300 emplois au cours des huit dernières années. Ensuite, les aides à l'emploi qui s'élèvent à 138 milliards de francs en 1996. Enfin, les aides au logement fixées cette année à 52,6 milliards de francs.
M. Alain Lambert, rapporteur général, a estimé que cette approche devait être complétée par une double démarche : une analyse des dépenses et une recherche de méthodes permettant de réaliser des économies.
Sur le premier point, il a rappelé les six catégories de dépenses classées par ordre de flexibilité croissante, dans un tableau inséré dans le rapport de la commission sur le projet de loi de finances initiale pour 1996. Premièrement, les dépenses "imposées", qui ont un caractère de dettes, et sur lesquelles l'action de l'État ne peut être a priori que marginale, sans être nulle, Deuxièmement, les dépenses liées au fonctionnement des structures, difficiles à manier sauf à bloquer l'activité d'une administration ou d'un établissement public, voire à en supprimer l'existence. Troisièmement, les dépenses contractuelles regroupant les dotations déterminées dans le cadre des accords liant l'État à un tiers. Quatrièmement, les dépenses dites "à guichet ouvert" que sont les prestations dont l'accès est subordonné à des conditions objectives fixées par voie législative et réglementaire, tels le revenu minimum d'insertion ou les exonérations de charges sur les bas salaires. Cinquièmement, les dépenses "conditionnelles", subordonnées à un examen en opportunité par "administration, telles les actions financées par le fonds national de l'emploi dans le cadre des plans sociaux des entreprises. Enfin, sixièmement, les dépenses "flexibles" sur lesquelles l'État est censé pouvoir agir librement, comme l'aide au développement ou les subventions aux associations sportives et culturelles.
M. Alain Lambert, rapporteur général, a alors indiqué que devait être appliquée à cette classification une "grille" d'économies potentielles, ce qui suppose que le Gouvernement ait résolu deux questions préalables : le pourcentage maximal d'économies qu'il est possible de faire supporter à chaque dotation ou catégorie de dotation et la méthode permettant d'y parvenir. Il a estimé que seule cette analyse systématique permettrait au Parlement de disposer d'une vue d'ensemble, préalable à l'exercice des choix d'économies à réaliser.
En conclusion de son propos, le rapporteur général a proposé trois voies d'amélioration des méthodes d'examen du budget. Il a tout d'abord jugé souhaitable l'instauration d'un nouveau mode de régulation et proposé l'inscription d'une dotation pour charges imprévues par ministère qui serait actée par le Parlement et éviterait la traditionnelle opération de régulation budgétaire forfaitaire. Il a ensuite demandé une présentation pluriannuelle du budget permettant au Parlement de mieux évaluer les conséquences des choix arrêtés. Il a enfin estimé indispensable que le Parlement dispose de critères simples d'évaluation préalablement à l'examen des grandes dotations budgétaires.
Le rapporteur général a, pour finir, déclaré qu'il attendait les remarques et- les suggestions des commissaires afin de fixer les orientations définitives de son rapport.
M. Philippe Marini a estimé que la validation des orientations proposées par le Gouvernement dans son rapport constituait un exercice de confirmation, l'obligation de réduire les déficits publics apparaissant de façon régulière dans les différentes lois de finances et ayant été sanctionnée par une loi quinquennale.
Il a ainsi jugé que la seule véritable question était de savoir s'il existait un consensus sur la nécessité impérieuse de recouvrer notre souveraineté par la réduction du besoin public de financement.
Il a considéré qu'à défaut d'alternative, le Gouvernement devrait imposer une réduction pérenne de la dépense sans renoncer à agir sur les charges que le rapporteur général a placées dans son tableau parmi les moins flexibles, à savoir les dépenses "imposées" et les dépenses "de structure". Il a estimé que le Gouvernement ne devrait pas hésiter, le cas échéant, à réduire le format de certaines structures publiques, établissements publics, directions centrales et services déconcentrés de l'État. Enfin, en matière de rémunérations, M. Philippe Marini a estimé qu'il convenait de s'astreindre à une politique de réduction quantitative de la fonction publique par le non remplacement des départs à la retraite et le recours à des intervenants externes pour la réalisation de certaines tâches.
M. Christian Poncelet, président, a alors fait observer que la décentralisation, qui aurait dû être neutre en termes de progression du nombre des fonctionnaires, s'était en réalité traduite, notamment dans le secteur de l'action sociale, par la création de services départementaux continuant d'être doublés par les services déconcentrés de l'État.
M. Jean-Philippe Lachenaud a indiqué qu'il retirait de l'audition des instituts de prévision de la conjoncture, tenue la veille par la commission, le sentiment d'une absence de consensus et de l'existence de nombreuses incertitudes sur les hypothèses macro-économiques du Gouvernement. Il a jugé celles-ci un peu trop optimistes et souhaité que la commission exprime une certaine prudence à leur encontre.
L'intervenant a ensuite estimé qu'il était impossible de chercher dans le même temps à réduire le déficit budgétaire et à procéder à une baisse significative des impôts.
Revenant sur les prévisions élaborées par les instituts, il a fait observer leur grand scepticisme vis-à-vis de la capacité de la France à mener une politique budgétaire suffisamment restrictive.
Il a ensuite souligné l'erreur de méthode du Gouvernement qui insiste sur la nécessité d'une réduction drastique du déficit budgétaire, dès 1997, alors que la plupart des mesures qu'il préconise ne commenceront à porter réellement leurs fruits qu'au-delà du prochain exercice. Il a jugé plus réaliste de prévoir une programmation sur trois ans des ajustements à réaliser pour chacun des trois grands secteurs mis en exergue dans le rapport Gouvernemental : la fonction publique, le logement et les aides à l'emploi.
M. Henri Collard a estimé que la réduction des déficits publics ne s'imposait pas uniquement à l'État mais également aux régimes sociaux ainsi qu'aux entreprises du secteur public, comme Air France et la SNCF.
Il a ensuite fait observer que rien dans le rapport déposé par le Gouvernement pour le débat d'orientation budgétaire n'apportait la garantie que les collectivités locales ne participeront pas l'an prochain à la réduction du déficit de l'État par le biais de transferts de charges non compensées. De ce point de vue, l'affirmation par M. Alain Lamassoure, ministre délégué au budget, devant la commission, que les termes du pacte de stabilité seraient respectés ne lui a pas semblé constituer une protection suffisante.
Rappelant enfin la mission effectuée par plusieurs membres de la commission auprès du Congrès des États-Unis, en janvier 1995, il a fait observer que, dans ce pays, le budget fédéral faisait l'objet d'une programmation pluriannuelle et il a suggéré que la France s'inspire du modèle américain en prévoyant que les orientations budgétaires seront dorénavant fixées au début de chaque législature.
M. Christian Poncelet, président, est alors intervenu pour souligner le caractère aléatoire de la dépense publique qui relativise la portée de toute programmation pluriannuelle.
M. Joël Bourdin a relevé l'importance des mécanismes monétaires dans les prévisions élaborées par les instituts de conjoncture. Il a estimé que l'appréciation du franc par rapport au deutsche mark, conséquence de la mauvaise situation économique qui prévaut en Allemagne, risquait de créer un "Corset déflationniste" similaire à celui subi par notre pays dans les années 1930. Il a ainsi jugé regrettable le fait que l'indépendance accordée à la Banque de France conduise aujourd'hui le Gouvernement à refuser toute allusion aux problèmes monétaires, pour centrer son discours sur le seul budget de l'État, alors qu'il existe pourtant des alternatives à la situation actuelle.
Il a ensuite approuvé l'objectif de réduction des déficits publics, relevant le mauvais exemple donné par l'État aux ménages et aux collectivités locales lorsqu'il assure ses charges de fonctionnement par une augmentation de la dette. Il a toutefois plaidé pour une approche prudente de la réalisation de cet objectif, faisant observer qu'une contraction trop forte des dépenses publiques pouvait avoir un effet récessif sur les recettes.
M. Maurice Blin a souligné le fait que la part dans le produit intérieur brut des prélèvements obligatoires revenant à l'État était passée de 39,2 % en 1993 à 34,7 % en 1995. Cette contraction n'a en fait été rendue possible que par la chute de l'investissement financé par l'État et le transfert de sa charge sur les collectivités locales.
Il a ensuite jugé qu'au-delà de la réduction du nombre des fonctionnaires une réflexion qualitative sur la fonction publique s'imposait. En effet, à côté d'administrations caractérisées par un sureffectif, les structures en contact avec le public souffrent souvent d'une insuffisance de personnels.
Il a estimé que cette analyse qualitative pouvait être étendue aux dépenses de l'État : alors que les fonctions régaliennes pâtissent d'une absence évidente de moyens, un interventionnisme économique inefficace s'est développé au point que les représentants du patronat remettent aujourd'hui en cause l'utilité des aides à l'emploi. M. Maurice Blin a, à ce sujet, exprime l'idée qu'une réduction de la taxe à la valeur ajoutée serait sans doute plus efficace pour relancer la consommation que l'octroi de subventions publiques.
Il a enfin fait observer qu'en matière de contrats de plan, les retards pris par l'État dans le financement de sa quote-part bloquent la réalisation de projets au détriment d'une saine gestion de leurs finances par les collectivités locales.
M. Michel Mercier a tout d'abord souligné les qualités rédactionnelles et pédagogiques du rapport déposé par le Gouvernement en vue du débat d'orientation budgétaire. Il a toutefois estimé que si la distinction des dépenses relevant de la section de fonctionnement et de celles appartenant à la section d'investissement présentait un certain intérêt, il n'était pas possible de pousser trop loin la comparaison entre l'État et les collectivités locales.
Il a ensuite considéré que la réduction des déficits publics était la seule orientation possible, et que les questions en suspens portaient en fait sur les moyens à mettre en oeuvre pour la réalisation de cet objectif. Plaidant pour qu'un consensus national se réalise sur un retour à un déficit maîtrisé, il a dit toutefois se méfier des solutions trop brutales et a défendu le principe d'un étalement dans le temps des mesures à prendre.
Abordant précisément la question des moyens, M. Michel Mercier a tout d'abord fait observer qu'en matière de recettes, le budget de 1997 devrait être construit avec une amputation de 15 milliards de francs duc aux avantages fiscaux consentis dans le cadre des lois de finances votées depuis l'été 1995 et de la loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.
Il a affiché sa conviction qu'il était pratiquement impossible de réduire concomitamment le déficit public et les impôts.
S'agissant des coupes à opérer dans les dépenses elles-mêmes, il a souligné la faiblesse de la marge réelle dont dispose le Gouvernement. En matière de fonction publique, en effet, les allégements d'effectifs, pour souhaitables qu'ils sont, demanderont du temps pour être mis en oeuvre, et comme l'a signalé M. Maurice Blin, des emplois devront continuer d'être créés dans certaines structures. S'agissant ensuite de la renégociation de la dette publique, la baisse des taux courts permettra certes de réaliser quelques économies, mais il ne faut pas espérer que celles-ci porteront sur des montants significatifs dans l'optique de la réduction du déficit budgétaire. Enfin, il a rappelé que, selon le Gouvernement lui-même, 15.000 emplois avaient été supprimés dans le secteur du bâtiment et des travaux publics au cours du premier trimestre 1996, ce qui impliquait d'aborder avec beaucoup de prudence la question de la réduction des aides au logement.
Envisageant l'hypothèse d'une situation économique qui permettrait une réduction des impôts, M. Michel Mercier a estimé que celle-ci devrait prendre la forme d'une diminution de la taxe sur la valeur ajoutée, combinée avec une réduction du coût du travail, et ciblée sur certains secteurs économiques, notamment la restauration et les services.
M. Michel Charasse a rappelé que le précédent débat d'orientation budgétaire, qui s'était déroulé alors qu'il était lui-même ministre du budget, avait suscité peu d'intérêt de la part des parlementaires.
Il a estimé que l'exercice proposé se situait à la limite des champs respectifs de compétences des pouvoirs exécutif et législatif, la préparation des projets de loi de finances incombant, dans un régime parlementaire, au Gouvernement exclusivement. À ce sujet, il a tenu à souligner les qualités de forme et de contenu du rapport déposé par le Gouvernement pour le débat d'orientation budgétaire, notant en particulier la volonté de transparence de ses auteurs.
Il a cependant regretté que le rapporteur général, dans son intervention, ne se soit pas interrogé plus avant sur la pertinence des données fournies par le Gouvernement pour la confection du budget de 1997.
M. Michel Charasse a, en effet, évalué l'effort d'économie à réaliser dans le cadre du prochain exercice entre 90 et 92 milliards de francs, au lieu du chiffre de 60 milliards de francs avancé par le ministère de l'économie et des finances. Il a expliqué qu'à la dérive automatique de 60 milliards de francs, il convenait d'ajouter 43 milliards de francs correspondant à la réduction du déficit budgétaire de 288 milliards de francs en 1996 à 245 milliards de francs en 1997. Par ailleurs, le Gouvernement n'aurait pas tenu compte dans ses évaluations de la majoration prévisible des prélèvements sur recettes au profit des communautés européennes et des collectivités locales, soit respectivement 6 milliards de francs supplémentaires et 3 milliards de francs.
En outre, le coût en année pleine des avantages fiscaux votés depuis l'été 1995, soit 15 milliards de francs, n'apparaîtrait pas non plus dans les chiffrages effectués par la direction du budget.
M. Michel Charasse a ainsi évalué l'effort d'économie à réaliser l'an prochain à 127 milliards de francs avant prise en compte des plus-values fiscales prévisibles. À ce sujet, il a contesté le chiffre de + 45 milliards de francs de plus-values avancé par le Gouvernement, estimant qu'il devait être amputé de 8 à 10 milliards de francs afin de tenir compte de la révision à la baisse des prévisions de croissance pour 1996 et de sa répercussion sur 1997 ainsi que des moins-values fiscales d'ores et déjà enregistrées sur l'année en cours et dont les conséquences se prolongeront sur le prochain exercice.
Au total, a-t-il calculé, l'effort d'économie à fournir en 1997 pour atteindre l'objectif de déficit de 3 % du PIB inscrit dans la loi quinquennale porte donc bien sur 90 à 92 milliards de francs et non sur 60 milliards de francs.
Reprenant ensuite une à une les pistes d'économies proposées par le Gouvernement, M. Michel Charasse a souligné le rendement relativement faible d'une action massive sur le secteur de la fonction publique. En effet, même en cumulant des mesures aussi lourdes que le non-remplacement de tous les départs à la retraite, le gel de la revalorisation du point d'indice ainsi que celui du "glissement -vieillesse-technicité" (GVT), le gain n'atteint que 25 milliards de francs, soit un montant sensiblement inférieur à celui des économies à réaliser l'an prochain.
M. Michel Charasse a ensuite approuvé la remarque de M. Maurice Blin faisant valoir le caractère contestable des aides à l'emploi dès lors que les choix d'embauché des employeurs sont déterminés davantage par les perspectives de production que par les allégements fiscaux qui leur sont offerts.
Il a souhaité que le rapporteur général procède à une analyse des conséquences, notamment sur les secteurs d'activité privés, des mesures éventuelles de réduction des dépenses d'investissement inscrites aux titres V et VI du budget général.
Le même intervenant s'est ensuite montré sceptique sur la possibilité de mener de front des politiques de réduction du déficit budgétaire et d'allégement des prélèvements obligatoires. Il a jugé qu'en effet un abaissement des impôts, à défaut de porter sur des masses significatives, n'aurait aucune portée.
M. Michel Charasse a cependant estimé, sur ce chapitre, qu'il convenait d'examiner l'ensemble des régimes d'exonérations fiscales et de supprimer ceux qui ne seraient pas justifiés. Enfin, a-t-il affirmé, à masse de ressources fiscales inchangée, une réflexion s'impose sur une meilleure répartition de l'effort entre les impôts sur la consommation, particulièrement sollicités, et les impôts directs, qui représentent une part traditionnellement faible des rentrées budgétaires.
Poursuivant son intervention, M. Michel Charasse a ensuite demandé au rapporteur général qu'il mentionne, dans le rapport de la commission, la question des déficits sociaux. Ceux-ci auraient dû, selon les projections du Gouvernement, s'établir à 17 milliards de francs en 1996 et être complètement résorbés en 1997. Or, il apparaît d'ores et déjà que le besoin de financement des régimes sociaux serait de l'ordre de 45 milliards de francs cette année, ce qui rend hypothétique l'objectif de suppression du déficit retenu pour le prochain exercice et, par voie de conséquence, la réduction à 3 % du produit intérieur brut de l'ensemble des besoins de financement publics.
Estimant que le Sénat devait exercer son rôle de chambre de réflexion, M. Michel Charasse a réclamé un débat d'orientation dépassionné, soulignant la part qu'il avait lui-même prise, en tant que ministre du budget, dans la dérive des charges publiques au début des années 1990, mais pointant également du doigt l'incapacité des Gouvernements, depuis le changement de majorité en 1993, à inverser la tendance à l'expansion de la dépense publique.
Il a ainsi rappelé que 8.100 emplois budgétaires nets avaient été créés en 1996 et que le déficit n'avait pu être contenu que grâce à des mesures fiscales devant procurer, selon ses estimations, un supplément de 200 milliards de francs d'impôts nouveaux en année pleine.
En conclusion de son intervention, M. Michel Charasse a estimé qu'il était difficile de reprocher aux fonctionnaires des avantages qu'ils ne doivent qu'à la faiblesse de l'État et des collectivités locales.
À ce sujet, il a indiqué qu'il comptait interroger le Gouvernement sur ses projets en matière de temps de travail dans la fonction publique, faisant observer que le simple respect des 39 heures permettrait de pallier les conséquences du non-remplacement des départs à la retraite, notamment dans la police.
Il a estimé enfin que l'objectif de réduction des déficits publics pouvait bénéficier d'un certain consensus, non pas seulement parce qu'il résulte du Traité de Maastricht, mais aussi parce qu'il est indispensable d'enrayer un accroissement de la charge de la dette qui ne profite qu'aux banques.
M. Christian Poncelet, président, a souligné le fait que la politique de "réhabilitation de la dépense publique" conduite par le Gouvernement de M. Michel Rocard, à la fin des années 1980, avait engendré le déficit budgétaire dont la résorption était aujourd'hui au coeur du débat d'orientation.
M. Guy Cabanel a qualifié d'illusoire le retour à l'équilibre des comptes sociaux inscrit dans les prévisions du Gouvernement. Il a rappelé qu'en effet le déficit affectant ces comptes atteindra de 40 à 50 milliards de francs cette année au lieu des 17 milliards de francs initialement annoncés, et il a fait observer que la caisse d'amortissement de la dette sociale rencontrait certaines difficultés à se financer sur le marché obligataire, ce qui interdit toute perspective de reprise par cette structure des charges nées du déficit enregistré en 1996.
Il a, en outre, exprimé la conviction que les ordonnances adoptées par le Gouvernement au mois d'avril ne permettront d'assainir la situation que de façon progressive et que, dans ces conditions, un retour à l'équilibre des comptes sociaux n'est envisageable qu'à l'horizon 1999.
M. Roland du Luart a estimé que s'il existait un consensus pour réduire les déficits publics, cet objectif n'étant pas seulement lié aux contraintes issues du Traité de Maastricht, il fallait, pour parvenir au résultat voulu, "frapper un grand coup" par une réduction massive des dépenses. À ce sujet, il a dit avoir été marqué par l'exemple de pays, comme le Canada, qui ont su redresser la barre alors que leurs finances publiques sombraient.
Il a cependant souhaité des actions ciblées épargnant certains secteurs. Au sein de la fonction publique, si l'on peut effectivement s'interroger sur le taux de remplacement des départs à la retraite pour un certain nombre de corps, il semble en revanche exclu de réduire le nombre des policiers ou des enseignants, ce qui n'interdit pas, comme l'avait souligné M. Michel Charasse, de veiller à imposer à ces catégories un régime effectif d'heures de travail conforme aux principes légaux en vigueur. Dans le même ordre d'idée, il paraît difficile de s'en prendre aux aides personnelles au logement.
M. Roland du Luart a, en sens inverse, souligné l'importance des fraudes dont se rendent coupables les organismes de formation professionnelle. Il a plaidé pour une recentralisation de cette compétence couplée avec une réflexion sur les aides à l'emploi.
Au chapitre des dépenses contractuelles, il a fustigé l'attitude de la SNCF qui, en dépit d'une situation financière catastrophique, propose des tarifs particuliers pour des voyages effectués par des couples, y compris du même sexe.
Enfin, M. Roland du Luart a souhaité obtenir confirmation du rapporteur général que les dépenses en capital au profit du fonds d'aide et de coopération s'élevaient bien à 2 milliards de francs, ainsi qu'il apparaît dans le tableau distribué dans le cadre de son intervention liminaire.
M. Christian Poncelet, président, a exprimé des doutes sur la capacité des Français à modifier leur comportement, faisant observer qu'il avait entendu dans la bouche des commissaires d'excellents diagnostics mais aucune proposition concrète.
Notant que la situation très difficile des finances publiques exigerait de taire les différences partisanes, il s'est interrogé sur l'existence d'un climat permettant l'émergence d'un consensus entre tous les Français.
Il s'est déclaré surpris de constater, à la lecture du rapport déposé par le Gouvernement pour le débat d'orientation budgétaire, que les économies des pays dont la monnaie a connu une importante dévaluation ces dernières années, Royaume-Uni et Italie notamment, n'avaient pas créé d'emplois dans le secteur privé, voire en avaient supprimé.
M. Christian Poncelet, président, a contesté le chiffrage avancé par M. Michel Charasse pour l'évaluation des économies à réaliser au titre de l'exercice 1997, faisant valoir que le Gouvernement tiendrait ferme sur le cap d'un déficit limité à 288 milliards de francs cette année et gagerait, par conséquent, toutes les dépenses imprévues et les moins-values de recettes par des annulations à due concurrence de crédits.
Reprenant la parole, M. Michel Charasse a maintenu l'exactitude de son analyse, faisant remarquer que même si le Gouvernement respectait son engagement de déficit pour 1996, la révision à la baisse des prévisions de croissance pour cette année contraignait à recaler la base servant au calcul du montant prévisible des recettes perçues l'an prochain.
Répondant aux différents intervenants, M. Alain Lambert, rapporteur général, a rappelé, en écho aux critiques de méthode que lui avait adressées M. Michel Charasse, qu'il avait d'abord souhaité entendre les remarques et les suggestions des commissaires avant de décider du contenu de son rapport.
Reprenant les propos de M. Philippe Marini, il a estimé que dès lors qu'il y aurait un consensus de toutes les forces politiques représentées au sein du Parlement, la Nation pourrait y adhérer et le pays aurait la force de s'appliquer le régime de rigueur qui s'impose.
Réagissant aux propos de M. Jean-Philippe Lachenaud, le rapporteur général a estimé que, même après avoir entendu les scénarios des instituts de prévision, les hypothèses économiques élaborées par le Gouvernement ne lui semblaient pas trop optimistes.
Il a, à son tour, jugé que le Gouvernement pouvait difficilement procéder simultanément à la réduction du déficit budgétaire et à un abaissement significatif des impôts.
M. Alain Lambert, rapporteur général, a ensuite justifié la formule du débat d'orientation budgétaire tout en reconnaissant que, par la date à laquelle il intervient, il risquait de fragiliser le Gouvernement.
En réponse à M. Joël Bourdin, il a souligné l'importante baisse des taux à court terme constatée ces derniers mois, qui allège la composante monétaire des difficultés économiques traversées par notre pays. Il a ajouté que l'absence de maîtrise tant des autorités politiques que des banques centrales sur les évolutions des changes et des taux plaidait pour une mise en place rapide de la monnaie unique.
Il s'est enfin déclaré sensible à la remarque selon laquelle la réduction des dépenses publiques doit être précisément ciblée si le Gouvernement souhaite éviter qu'elle n'entraîne un effet récessif sur l'activité économique.
M. Alain Lambert, rapporteur général, a ensuite répété que l'apparition d'un consensus autour de la réduction des déficits publics dépendait des forces politiques. Il a estimé que le débat d'orientation budgétaire n'aurait servi à rien s'il apparaissait en définitive à nos concitoyens comme un débat de techniciens et ne provoquait pas une prise de conscience.
S'agissant de la proposition de M. Michel Mercier de procéder à une baisse ciblée de la taxe à la valeur ajoutée, il a tenu à rappeler que la TVA constituait à l'heure actuelle l'impôt le plus rentable pour le budget de l'État.
Abordant enfin le chapitre des aides au logement, il a convenu qu'il convenait d'être vigilant à l'égard des conséquences que pourrait avoir leur démantèlement. Il a précisé à ce sujet que le Gouvernement n'avait d'ailleurs mentionné pour l'heure que les aides à la personne et non les aides à la pierre qui viennent de bénéficier d'un renforcement dans le cadre des dernières lois de finances et de la loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.
En réponse à M. Michel Charasse, le rapporteur général, a estimé, à son tour, que le Sénat, par son mode de désignation, devait être le lieu d'un débat d'orientation budgétaire sérieux et responsable.
Revenant sur les hypothèses budgétaires avancées par le Gouvernement pour 1997, il a précisé que les moins-values fiscales enregistrées en 1996 par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale seraient, conformément à l'engagement très ferme du ministère de l'économie des finances, gagées par des annulations de dépenses. Le déficit prévisionnel de 288 milliards de francs pour le présent exercice sera donc tenu et l'effort d'économie de 60 milliards de francs à réaliser sur l'exercice 1997 repose ainsi sur des évaluations fiables.
Le rapporteur général a ensuite reconnu que le ciblage des mesures à prendre en matière de réduction de la dépense publique était délicat à opérer. S'agissant tout d'abord de la fonction publique, le gain réalisé grâce à la non revalorisation du point d'indice, soit 9,2 milliards de francs, est sensiblement plus élevé que celui procuré par le non remplacement des effectifs partant à la retraite, soit 2,5 milliards de francs, mais la première mesure est plus difficile à faire accepter à l'opinion publique que la seconde.
M. Alain Lambert, rapporteur général, a également mis en avant l'impossibilité de supprimer, d'un seul coup, l'enveloppe de 138 milliards de francs consacrée annuellement aux aides à l'emploi.
Il s'est déclaré défavorable à la remise en cause dans l'immédiat exonérations fiscales, faisant valoir que certaines d'entre elles venaient seulement d'être instituées par le législateur et que leurs suppression poserait un problème de lisibilité de la politique Gouvernementale.
Abordant enfin la question du déficit des comptes sociaux, le rapporteur général a interrogé les commissaires sur l'opportunité d'aborder avec franchise les conséquences de la dérive de ces comptes en expliquant aux contribuables que toute aggravation se traduirait inéluctablement par un relèvement à due concurrence de la contribution sociale généralisée.
Réagissant à ces propos, M. Guy Cabanel a rappelé que l'existence d'un résultat négatif, en 1996, de 40 à 50 milliards de francs pour les comptes de la sécurité sociale était d'ores et déjà assurée et que celui-ci ne serait pas pris en charge par la caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES). Il a exprimé des doutes sur la possibilité de faire admettre aux français le principe d'un apurement de ce nouveau passif par un relèvement de la contribution sociale généralisée.
M. Michel Charasse a suggéré au rapporteur général d'affiner sa présentation en rappelant que le Gouvernement avait annoncé son souhait de revenir, en cours d'exercice, au déficit initialement prévu pour 1996, soit 17 milliards de francs, grâce à un train d'économies. Il conviendra donc de demander à l'exécutif si et selon quelles modalités il pourra tenir son engagement.
Le même intervenant a souhaité, à ce sujet, que soit instituée une CSG spécifique alimentant les régimes spéciaux de sécurité sociale afin que les Français perçoivent le coût de la préservation de certains avantages acquis.
Reprenant la parole, M. Alain Lambert, rapporteur général, a estimé que l'intervention de M. Roland du Luart mettait bien en relief les choix qui s'offrent au Sénat pour le débat d'orientation budgétaire : soit se ranger derrière le Gouvernement et valider les pistes de réflexion qu'il propose, soit le précéder en désignant précisément les secteurs où des efforts devront être consentis ainsi que les modalités de mise en oeuvre de réduction de la dépense.
M. Jean-Philippe Lachenaud a estimé que les conditions n'étaient pas réunies pour qu'un consensus se dégage dans le cadre du débat d'orientation budgétaire et il a exprimé des doutes sur la volonté des représentants de l'opposition de conserver le ton non partisan utilisé devant la commission.
Il a plaidé, une nouvelle fois, pour une approche réaliste de l'exercice de réduction de la dépense publique, jugeant qu'il n'était pas réaliste d'évoquer une diminution brutale des charges liées à la fonction publique ainsi qu'au logement ou aux aides à l'emploi. Il a exprimé sa préférence pour une annonce par le Gouvernement d'un processus par étape, réparti sur deux ou trois ans.