C. UN EXEMPLE DE PLURILINGUISME PORTEUR D'AVENIR : L'ENSEIGNEMENT DES LANGUES ÉTRANGÈRES DANS L'ACADÉMIE DE STRASBOURG
Ce programme établi par l'académie de Strasbourg est fondé sur le développement de l'allemand entendu à la fois comme langue régionale, comme langue de référence et comme langue écrite des dialectes pratiqués en Alsace.
Il comporte deux modalités essentielles, l'enseignement extensif de type traditionnel de l'allemand et l'enseignement bilingue.
Son développement s'inscrit par ailleurs dans le contrat de plan État-région, implique un programme de formation des maîtres et repose en outre sur plusieurs partenariats européens.
1. L'enseignement pré-élémentaire et primaire
a) L'enseignement extensif de l'allemand
Cet enseignement est particulièrement précoce puisqu'une partie de l'horaire des classes maternelles est consacrée à la pratique du dialecte.
L'initiation à l'allemand commence ainsi à cinq ans et 25 % des enfants du cycle 2 en bénéficient.
Cet enseignement se trouve ensuite généralisé à 90 % des élèves et des classes de cours préparatoire.
b) L'enseignement bilingue
Cet enseignement se développe sur 28 sites bilingues regroupant 44 écoles maternelles et 29 écoles primaires pour l'année scolaire 1995-1996.
En outre, dans 140 classes, est dispensé un enseignement de 6 heures d'allemand.
2. L'enseignement secondaire
a) L'enseignement traditionnel
- l'allemand est choisi par 65 % des élèves des collèges en première langue ;
- dans les sections trilingues des collèges, dès la 6 ème , deux langues vivantes sont enseignées (langue apprise en primaire, plus une autre langue) ;
- pour les lycées, en sus des deux heures d'allemand prévues dans les lycées professionnels, dans les filières BEP et bac pro, les élèves peuvent suivre une préparation « connaissance de l'allemand, en formation professionnelle » et une deuxième langue est en voie de développement dans les filières tertiaires.
b) L'enseignement bilingue
Cet enseignement est assuré par les sections européennes, fréquemment dès la classe de 6 ème et porte sur l'allemand : 64 classes sont concernées à la rentrée 1995, dont 17 dès la 6 ème , 19 dès la 4 ème , et 4 en lycée professionnel.
Dans nombre de cas, il s'agit de sections européennes trilingues et le suivi de l'enseignement bilingue fait actuellement l'objet d'une étude au sein du rectorat.
3. Les échanges transfrontaliers et internationaux
Depuis 1991, l'académie de Strasbourg développe en outre des Partenariats avec des régions d'Europe pour développer la formation en langue :
Charte signée en mai 1992 avec l'East Midlands Further Education Council, afin de développer les stages en entreprises dans les formations professionnelles : 132 élèves ont ainsi bénéficié d'un stage d'un mois en Angleterre au cours de la dernière année scolaire, sanctionné par un certificat de compétences en anglais ;
Partenariat signé avec l'Irlande du Nord en octobre 1994 pour organiser les échanges de classes et développer la formation des professeurs des sections européennes à partir d'échanges et de stages de futurs enseignants ;
Une diversification linguistique est par ailleurs recherchée pour l'avenir :
charte avec l'Andalousie ;
convention avec le Land de Rhénanie-Palatinat.
- Enfin, un partenariat avec les deux Länder voisins a été établi dans le cadre de la conférence du Rhin supérieur.
4. La formation adaptée des enseignants
La politique active de formation des enseignants, initiée par l'académie de Strasbourg consiste principalement :
- en des échanges franco-allemands de maîtres du premier degré : 18 enseignants en bénéficient d'ores et déjà dans chaque pays ;
- en un renforcement de leur formation initiale :
cursus optionnel de formation aux enseignements bilingues à l'IUFM d'Alsace depuis 1993 ;
formation optionnelle à l'enseignement d'une discipline du second degré en langue étrangère ;
projet d'un centre de formation aux enseignements bilingues à Guebwiller ;
- en un développement de la formation continue :
dans le premier degré, pour l'allemand, l'anglais et l'enseignement bilingue ;
par des stages de perfectionnement dans un centre de l'Institut Goethe.
5. Le financement du programme
Le financement est assuré dans le cadre du contrat de plan État-région, l'État attribuant des postes et des moyens en heures annuelles et les collectivités distribuant des crédits sur la base d'une parité avec l'État.
a) L'effort de l'État
Le ministère de l'éducation nationale attribue ainsi 10 postes de second degré et 330 heures supplémentaires, et 286 heures supplémentaires pour l'enseignement des langues dans le premier degré.
23 postes « fléchés » sont pris par ailleurs sur la dotation annuelle du premier degré, ainsi que 12 instituteurs et professeurs des écoles, maîtres formateurs en langue et culture régionales.
b) La participation des collectivités territoriales
Le conseil général d'Alsace et les deux conseils généraux attribuent pour leur part 9 millions de francs par an, afin de rémunérer les vacataires et les contractuels de l'enseignement bilingue, de payer les frais de la formation et d'éditer des outils d'enseignement.
Le budget prévu est d'environ 100 millions de francs pour la durée du contrat de plan.
6. Une expérience régionale exemplaire qui pourrait être étendue
L'analyse de l'expérience engagée en Alsace fait apparaître son caractère exemplaire.
Cette expérience, dont le succès s'explique par la spécificité linguistique d'une région frontalière, et par les initiatives des enseignants, chefs d'établissement et autorités rectorales, soutenues d'ailleurs par les élus et les collectivités territoriales, pourrait servir d'exemple et être étendue à des régions frontalières qui entretiennent également des liens avec nos pays voisins.
Les régions du sud-ouest pour l'espagnol, du sud-est pour l'italien, du Nord-Pas-de-Calais pour le néerlandais, voire le polonais, pourraient ainsi s'inspirer de la nécessité de l'expérience alsacienne et pleinement utiliser leur potentiel linguistique.
Il importerait donc que les académies concernées encouragent le développement des langues de proximité.