II. LE NIVEAU DE VIE DES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP : UNE RÉPONSE INCOMPLÈTE APPORTÉE PAR LA LOI DE 2005
A. DEPUIS 2005, UN RENFORCEMENT DE L'ALLOCATION AUX ADULTES HANDICAPÉS
1. Le cumul de l'AAH avec les revenus du travail
La loi de 2005 n'aborde que partiellement la problématique du niveau de vie. Néanmoins, afin d'améliorer la situation financière des personnes en situation de handicap, dont le niveau de revenu est souvent affecté par les limitations dues au handicap, l'article 16 de la loi de 2005 permet le cumul de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) avec les revenus du travail.
L'allocation aux adultes handicapés (AAH)
L'AAH a été créée par la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées. D'après les données de la Drees, fin 2022, 1,9 million de personnes bénéficient de cette allocation. Il s'agit du deuxième minimum social en nombre d'allocataires après le revenu de solidarité active (RSA), et ses effectifs ne cessent d'augmenter depuis sa création. Elle est entièrement financée par l'État et accordée sur décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) de la MDPH.
Cette allocation permet de garantir un niveau de ressources minimum aux personnes en situation de handicap aux revenus modestes. Elle est attribuée sous réserve du respect de critères d'incapacité, d'âge (20 ans ou plus), de résidence et de ressources. Son montant, qui varie en fonction des ressources, est de 1 065,05 euros par mois maximum.
Il existe plus précisément deux allocations distinctes :
- l'AAH-1, pour les personnes dont l'incapacité reconnue est supérieure à 80 % (handicaps lourds) ;
- et l'AAH-2, pour les personnes dont l'incapacité est évaluée entre 50 % et 80 % et qui sont exposées à une restriction durable et substantielle d'accès à l'emploi (RDSE).
Tout en autorisant ce cumul, la loi fait une distinction entre le travail en milieu ordinaire et le travail en établissement et service d'accompagnement par le travail (Ésat) :
- en milieu ordinaire, les revenus sont pris en compte à hauteur de 20 à 60 % du salaire pour le calcul de l'AAH ;
- en Ésat, le cumul entre le salaire et l'AAH ne peut dépasser 1 801,80 euros pour une personne seule, 2 342,34 euros pour une personne en couple, et 2 612,61 euros pour une personne en couple avec un enfant ou un ascendant à charge.
Les critères d'éligibilité des travailleurs à l'AAH ont par la suite été ajustés par le législateur.
En 2008, la condition d'inactivité de douze mois pour bénéficier de l'AAH demandée aux personnes ayant un taux d'incapacité compris entre 50 et 80 % a été supprimée45(*).
En 2011, la « trimestrialisation » de l'AAH, c'est-à-dire le calcul de l'allocation sur la base de ressources trimestrielles et non plus annuelles, a été mise en place pour les personnes exerçant une activité professionnelle en milieu ordinaire46(*).
Plus récemment, la loi de finances pour 2024 a permis aux bénéficiaires de l'AAH de continuer à percevoir cette allocation s'ils décident de poursuivre leur activité professionnelle après leur âge d'ouverture des droits à la retraite47(*).
Revenu mensuel garanti, après six mois de
travail en milieu ordinaire,
pour une personne seule sans enfant ayant pour
uniques ressources
des revenus d'activité, au
1er avril 2024
Source : Drees, 2024
2. La création des compléments à l'AAH
L'article 16 de la loi de 2005 a également créé deux compléments à l'allocation aux adultes handicapés, non cumulables :
- le complément de ressources (CR), supprimé à partir du 1er décembre 201948(*) par souci de simplification, qui permettait d'assurer un revenu égal à 85 % du Smic net aux personnes très gravement handicapées, dans l'incapacité de travailler et disposant d'un logement indépendant ;
- et la majoration pour la vie autonome (MVA), une aide mensuelle de 104,77 euros qui permet aux personnes atteintes de 80 % d'incapacité de financer des dépenses d'aménagement de leur logement.
La suppression du complément de ressources en 2019 a constitué un recul. En effet, celui-ci s'élevait à 179,31 euros par mois, soit près de 75 euros de plus que la MVA ; et certains bénéficiaires qui auraient pu prétendre au complément de ressources ne sont pas éligibles à la MVA.
3. Une AAH revalorisée à plusieurs reprises
Entre 2017 et 2022, en sus des revalorisations annuelles visant à tenir compte de l'inflation, le montant de l'AAH a été augmenté à plusieurs reprises. Depuis le 1er avril 2024, son montant mensuel maximum est de 1 016,05 euros, contre 860 euros au 1er avril 2018.
En outre, depuis le 1er octobre 202349(*), l'AAH est « déconjugalisée » : désormais, les ressources du conjoint ne sont plus prises en compte pour calculer le montant de l'allocation. Selon la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), le gain moyen pour les nouveaux bénéficiaires de l'AAH est de 556 euros par mois.
* 45 Article 182 de la loi de finances n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009.
* 46 Décret n° 2010-1403 du 12 novembre 2010 modifiant les modalités d'évaluation des ressources prises en compte pour le calcul des droits à l'allocation aux adultes handicapés.
* 47 Article 254 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.
* 48 Article 266 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.
* 49 Loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat (article 10). Il est à noter que cette question a fait l'objet de la 1ère pétition à avoir dépassé le seuil de 100 000 signatures sur la plateforme dédiée du Sénat. Mme Véronique Tixier, première signataire de cette pétition avait été auditionnée par M. Philippe Mouiller, rapporteur de la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale (n° 319, 2019-2020) qui incluait cette mesure.