B. UN FINANCEMENT BRITANNIQUE QUI DOIT ÊTRE MIS EN PERSPECTIVE
Comme évoqué précédemment, la contribution britannique au financement de la sécurisation de la frontière est indéniablement utile et très certainement indispensable ; il n'est en revanche pas acquis qu'elle soit totalement équitable.
L'absence d'évaluation du coût réel du dispositif déployé par la France pour la sécurisation de la frontière commune empêche de rendre un avis définitif sur le caractère adapté (ou non) des montants versés par le Royaume-Uni. Il est néanmoins plus que probable que la répartition des charges demeure fortement déséquilibrée, et ce malgré l'ajustement opéré en 2023. L'ancien ministre de l'intérieur Gérald Darmanin s'était notamment exprimé en ce sens lors d'un déplacement effectué à Boulogne-sur-Mer le 3 septembre 2024, à la suite du naufrage d'une embarcation ayant coûté la vie à douze personnes. Il avait ainsi déclaré que « ce ne sont pas les dizaines de millions d'euros que nous négocions chaque année avec nos amis britanniques et qui ne payent qu'un tiers de ce que nous dépensons [qui dissuaderont les candidats aux départs] »172(*). Cette analyse a été confirmée par le ministre de l'intérieur Bruno Retailleau lors de son audition devant la commission du 27 novembre 2024 : « les Britanniques nous donnent aujourd'hui près de 500 millions d'euros, quand la protection des frontières nous coûte au moins le double ».
La mission d'information considère également que le Royaume-Uni doit prendre sa juste part dans le financement des dispositifs déployés dans le Calaisis dans leur globalité. Dans cette perspective, il apparaît indispensable de conduire une évaluation exhaustive des coûts de la sécurisation des côtes de la Manche et de la Mer du Nord mais également de la présence des candidats au départ sur le territoire national.
Proposition n° 14 : Conduire une évaluation exhaustive des coûts de la sécurisation des côtes de la Manche et de la Mer du Nord et de la présence de migrants sur ces côtes.
La mission d'information considère en conséquence que des échanges doivent être ouverts sur le périmètre de la contribution « Sandhurst ». Son attention a régulièrement été alertée sur le fait que les fonds britanniques finançaient essentiellement le soutien au dispositif de lutte contre les traversées clandestines ainsi que la sécurisation de quelques infrastructures d'intérêt majeur. Or, la charge assumée par la France pour la gestion de la frontière commune est toutefois loin de se limiter à ces seuls versants. Selon les éléments communiqués par la sous-préfecture de Calais, le déploiement du dispositif d'assistance humanitaire pèse sur les finances de l'État à hauteur de 20 millions d'euros par an. Les collectivités locales consentent également des investissements importants pour gérer les multiples conséquences liées à la présence massive de personnes en transit sur le territoire. Selon la maire de Calais, Natacha Bouchart, « entre 2020 et 2024, plus de 10 millions d'euros [ont été] engagés par la ville de Calais et l'agglomération Grand Calais dans le cadre de la crise migratoire ». À titre d'exemple, l'enrochement des quais a récemment coûté plus de 200 000 euros à la collectivité.
En conséquence, la mission d'information estime qu'il ne serait pas illégitime que les Britanniques contribuent également a minima au financement du dispositif humanitaire déployé par l'État en partenariat avec des acteurs associatifs agréés. Les services de la sous-préfecture de Calais ont confirmé que ce n'était pas le cas actuellement. Les rapporteurs ne peuvent par ailleurs qu'appuyer la demande formulée par le collectif des maires du littoral pour que le fonds « Sandhurst » soit mobilisé pour le financement de la future cité de la sécurité de la ville de Calais.
Proposition n° 15 : Ouvrir un dialogue sur l'élargissement du périmètre de la contribution « Sandhurst » afin d'y intégrer, notamment, le financement du dispositif humanitaire déployé par l'État et les acteurs agréés.
* 172 Le Monde, Naufrage dans la Manche : au moins douze morts près de Boulogne-sur-Mer, Gérald Darmanin réclame un « traité migratoire » entre Londres et l'UE, 3 septembre 2024.