- RAPPORT
- I. DES REFORMES DU SYSTÈME HOSPITALIER :
UNE RESTRUCTURATION DE L'OFFRE QUI S'ENGAGE OU SE POURSUIT
- A. EN ALLEMAGNE, UN PROJET DE SPÉCIALISATION
DES HÔPITAUX ENGAGEANT UNE DIFFICILE RÉVISION DE LA CARTE
HOSPITALIÈRE
- 1. Une offre hospitalière
particulièrement dense
- 2. Différentes réformes et
transformations engagées concernant le système hospitalier
- a) Une volonté politique de réforme
globale visant à la spécialisation des
établissements
- b) En préalable à une transformation
du modèle, une loi sur la transparence des performances
hospitalières
- c) Une nouvelle définition et gradation des
catégories d'établissements de santé
- d) Une réforme centrale de la
définition et du financement des activités
hospitalières...
- a) Une volonté politique de réforme
globale visant à la spécialisation des
établissements
- 1. Une offre hospitalière
particulièrement dense
- B. AU DANEMARK, UNE SPÉCIALISATION DE LA
PLACE DE L'HÔPITAL ET UNE RATIONALISATION DE L'OFFRE
CONFIRMÉES EN 2024
- A. EN ALLEMAGNE, UN PROJET DE SPÉCIALISATION
DES HÔPITAUX ENGAGEANT UNE DIFFICILE RÉVISION DE LA CARTE
HOSPITALIÈRE
- II. PRISE EN CHARGE DES PERSONNES
ÂGÉES : DEUX APPROCHES DU MAINTIEN À DOMICILE,
DEUX RÉPONSES DIFFÉRENTES AU DÉFI
DÉMOGRAPHIQUE
- A. EN ALLEMAGNE, UN MODÈLE ASSURANTIEL
À L'ÉPREUVE DU VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION
- B. AU DANEMARK, UNE APPROCHE UNIVERSALISTE
FONDÉE SUR LA PRÉVENTION
- C. RECRUTER DES PROFESSIONNELS DU GRAND ÂGE,
UNE PROBLÉMATIQUE COMMUNE
- A. EN ALLEMAGNE, UN MODÈLE ASSURANTIEL
À L'ÉPREUVE DU VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION
- I. DES REFORMES DU SYSTÈME HOSPITALIER :
UNE RESTRUCTURATION DE L'OFFRE QUI S'ENGAGE OU SE POURSUIT
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
N° 243
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 janvier 2025
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des affaires sociales (1)
relatif à la prise en
charge
des personnes
âgées et à
l'organisation de
l'hôpital en
Allemagne
et au
Danemark,
Par M. Philippe MOUILLER, Mmes Florence LASSARADE,
Laurence MULLER-BRONN, Corinne FÉRET, Anne-Sophie ROMAGNY
et
Solanges NADILLE,
Sénateur et Sénatrices
(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Mouiller, président ; Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale ; Mme Pascale Gruny, M. Jean Sol, Mme Annie Le Houerou, MM. Bernard Jomier, Olivier Henno, Xavier Iacovelli, Mmes Cathy Apourceau-Poly, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge, vice-présidents ; Mmes Viviane Malet, Annick Petrus, Corinne Imbert, Corinne Féret, Jocelyne Guidez, secrétaires ; Mmes Marie-Do Aeschlimann, Christine Bonfanti-Dossat, Corinne Bourcier, Céline Brulin, M. Laurent Burgoa, Mmes Marion Canalès, Maryse Carrère, Catherine Conconne, Patricia Demas, Chantal Deseyne, Brigitte Devésa, M. Jean-Luc Fichet, Mme Frédérique Gerbaud, M. Khalifé Khalifé, Mmes Florence Lassarade, Marie-Claude Lermytte, Monique Lubin, Brigitte Micouleau, M. Alain Milon, Mmes Laurence Muller-Bronn, Solanges Nadille, Anne-Marie Nédélec, Guylène Pantel, M. François Patriat, Mmes Émilienne Poumirol, Frédérique Puissat, Marie-Pierre Richer, Anne-Sophie Romagny, Laurence Rossignol, Silvana Silvani, Nadia Sollogoub, Anne Souyris, MM. Dominique Théophile, Jean-Marie Vanlerenberghe.
RAPPORT
___________
Une délégation de la commission des affaires sociales s'est rendue en Allemagne, à Berlin, et au Danemark, à Copenhague, en avril 2024, sur les thèmes de l'hôpital et de la prise en charge des personnes âgées.
Concernant l'hôpital, si l'Allemagne engage une réforme de l'organisation et du financement de son système hospitalier, le Danemark a confirmé en 2024 la restructuration réalisée depuis 2007.
Dans le champ du grand âge, s'ils affichent tous deux une préférence pour le domicile, les deux pays abordent le défi du vieillissement avec deux philosophies éloignées.
I. DES REFORMES DU SYSTÈME HOSPITALIER : UNE RESTRUCTURATION DE L'OFFRE QUI S'ENGAGE OU SE POURSUIT
A. EN ALLEMAGNE, UN PROJET DE SPÉCIALISATION DES HÔPITAUX ENGAGEANT UNE DIFFICILE RÉVISION DE LA CARTE HOSPITALIÈRE
1. Une offre hospitalière particulièrement dense
a) Un système de santé à l'organisation et aux responsabilités partagées
L'organisation et le pilotage du système de santé allemand participent de différentes particularités de la République fédérale, que sont le fédéralisme et le choix retenu pour la gestion de son système de santé, avec un principe d'autogestion.
Le rôle de l'État fédéral se limite ainsi au cadre législatif et réglementaire global concernant l'organisation, le financement et l'encadrement du système en matière de sécurité des soins. En matière de gestion des hôpitaux, si le cadre est certes posé au niveau fédéral, les Länder sont eux responsables de sa mise en oeuvre et chargés de la planification et du financement des soins hospitaliers.
Les acteurs du système, principalement les caisses d'assurance maladie, les représentants des établissements, des professionnels et des patients qui définissent les modalités opérationnelles et les choix de prise en charge des soins. Le comité fédéral conjoint ou Gemeinsamer Bundesausschuss, G-BA est la plus haute instance de cette gouvernance, chargée notamment des référentiels de qualité et de sécurité.
b) Un nombre de lits important...
Comme l'a souligné la récente étude de l'Irdes1(*), l'Allemagne se caractérise par des dépenses de santé importantes, particulièrement en matière hospitalière. Ainsi, selon l'institut, les dépenses de soins hospitaliers représentaient 3,2 % du PIB en Allemagne contre 2,8 % en France.
Surtout, l'offre hospitalière allemande apparaît particulièrement dense au regard des autres pays européens. Si le nombre d'établissements semble mesuré et comparable à celui de la France pour une population supérieure, le nombre de lits est, lui, largement supérieur.
Ainsi, si l'on regarde les lits d'hospitalisation complète, en 2021, la France en comptait 352 449 lits d'hospitalisation quand l'Allemagne en dénombrait 645 620. Rapporté au nombre d'habitants, la France affiche ainsi un ratio 5,2 pour 1 000 habitants quand celui-ci est pour l'Allemagne de 7,8 pour 1 000, soit 50 % de plus. Le chiffre est encore supérieur sur les soins aigus en secteur médecine-chirurgie-obstétrique (MCO), avec 70 % de lits en plus.
Sur la décennie écoulée, si l'Allemagne a également suivi une trajectoire de réduction de son capacitaire, celle-ci est bien moins soutenue qu'elle ne l'a été en France.
Une offre hospitalière partagée et très majoritairement privée
La place des établissements privés est beaucoup plus forte en Allemagne qu'en France.
Ainsi, si le secteur public représente 45 % des établissements et 61 % des lits d'hospitalisation complète en France, ces proportions chutent à seulement 25 % d'établissements et 40 % des lits en Allemagne.
Le secteur privé lucratif, qui compte en proportion moins d'établissements que le secteur privé non lucratif (45 %, 30 %), compte un nombre de lits comparable au second (32 % pour 28 %).
c) ... pour une couverture et une efficience inégales...
Pour autant, l'offre particulièrement dense ne garantit pas aujourd'hui un maillage efficace sur le territoire et le grand nombre de lits d'hospitalisation ne s'accompagne pas d'indicateurs de santé publique particulièrement améliorés.
La place de l'hôpital en Allemagne semble mal définie, avec une gradation des soins peu lisible et, surtout, une coordination avec la médecine de ville particulièrement lacunaire. Il ressort ainsi une impression de dispersion de l'hôpital sur des missions extrêmement larges, de consultations primaires aux interventions de pointe, avec de nombreuses activités, sans efficacité globale et pour une qualité des soins jugée parfois insuffisante.
L'Allemagne apparaît par ailleurs en retard sur les évolutions constatées ailleurs dans la prise en charge hospitalière, avec un virage ambulatoire particulièrement modeste.
La même étude de l'Irdes pointait ainsi qu'en 2021, la durée moyenne de séjours en soins aigus (MCO) était de 5,6 jours en France contre 6,3 en Allemagne, soulignant également un plus faible taux d'occupation des lits outre-Rhin.
d) ... et une situation financière préoccupante
La situation financière globale du système hospitalier est devenue un sujet d'inquiétude majeur en Allemagne. Alors que le déficit des caisses d'assurance maladie était projeté en 2023 à 17 milliards d'euros avant l'intervention du gouvernement, le déficit consolidé du système hospitalier était estimé à 9 milliards d'euros. Selon certaines estimations, 25 % des établissements seraient menacés de fermeture.
Comme en France, ce modèle de tarification à l'activité est critiqué pour ses limites ou effets pervers. Ainsi, le système des DRG n'a pas permis d'accompagner une réelle transformation cohérente de l'offre hospitalière.
Des hôpitaux se trouvent ainsi parfois en difficulté financière pour des activités au nombre d'actes suffisant, quand d'autres établissements ont su se positionner sur des activités rentables, pour une course à l'activité sans effet bénéfique. Autre exemple de l'inadéquation de ce système aux contraintes actuelles, depuis 2020, face aux difficultés de recrutements infirmiers, les coûts de personnels ont été sortis des DRG pour un financement direct par l'assurance maladie.
Un financement aujourd'hui assis sur l'activité
Le financement des établissements de santé allemands repose aujourd'hui principalement sur une tarification à l'activité liée à des German-Diagnostic Related Groups (G-DRG) comparables aux groupes homogènes de soins français, avec des groupes homogènes de malades permettant la classification.
On dénombre un peu moins de 1 300 DRG en Allemagne.
Une régulation prix-volume est également prévue en cas de dépassement de la cible d'activité d'un établissement.
Enfin, le financement de l'investissement apparaît aujourd'hui insuffisant face aux besoins de modernisation et à la vétusté de certains établissements. Cette préoccupation est valable tant pour de petits établissements assurant un maillage territorial de proximité que pour des établissements universitaires réputés comme La Charité à Berlin. Si les Länder sont normalement responsables de ce financement, l'État fédéral y a récemment contribué via le fonds de santé et certains estiment que les caisses d'assurance maladie devraient également davantage y participer.
2. Différentes réformes et transformations engagées concernant le système hospitalier
a) Une volonté politique de réforme globale visant à la spécialisation des établissements
Conformément à l'accord de coalition et suivant la volonté affirmée du ministre fédéral de la santé, le Pr Karl Lauterbach, le gouvernement fédéral a amorcé en mai 2022 son projet avec la constitution d'une commission sur la réforme hospitalière. Le processus de concertation a également été accompagné d'un groupe de travail entre le Bund et les Länder, avec des accords de principes formalisés en 2023.
Le ministère fédéral a ainsi justifié la réforme en faisant le constat de difficultés structurelles du système hospitalier et de contraintes fortes notamment en matière de manques de médecins et de soignants, qui ne sauraient être comblées par davantage de financements, quand le coût actuel du système n'a pas démontré son efficacité.
· Le projet de réforme globale ou loi d'amélioration des soins hospitaliers (Krankenhausversorgungsverbesserungsgesetz) entend principalement réorganiser le système hospitalier en spécialisant les établissements, au nom de la qualité et de la sécurité des soins.
b) En préalable à une transformation du modèle, une loi sur la transparence des performances hospitalières
Conçue comme un préalable à la réforme de l'hôpital, la loi sur la transparence des hôpitaux (Krankenhaustransparenzgesetz) a été adoptée au début de l'année 2024 à l'initiative du gouvernement fédéral. Le ministre fédéral de la santé a ainsi défendu un objectif de qualité des soins par la transparence et la meilleure information des patients.
Suivant cette nouvelle loi, l'atlas fédéral des hôpitaux (Bundes-Klinik-Atlas) a ainsi été mis en ligne en 2024, comparant les services de 1 700 hôpitaux. Celui-ci permet de consulter les activités réalisées dans les établissements, leur niveau de spécialisation sur certains traitements ou procédures, mais aussi des indications sur les complications et incidents constatés, ou encore des données relatives aux finances et aux personnels.
c) Une nouvelle définition et gradation des catégories d'établissements de santé
Alors que le système hospitalier allemand ne classe aujourd'hui pas les établissements, le projet de réforme prévoit une classification, particulièrement pour la gestion des urgences.
Trois catégories sont ainsi prévues :
- Les hôpitaux de niveau 3, avec le plus grand nombre d'activités et les services et activités de recours et de larges services de soins intensifs. Les hôpitaux universitaires s'inscrivent dans cette catégorie ;
- Les hôpitaux de niveau 2, avec des services d'urgence et de chirurgie de taille satisfaisante sur des activités déterminantes, et permettant un maillage suffisant en cas de longue distance à un établissement de niveau 3 ;
- Les hôpitaux de niveau 1 (1n) proposant les prestations principalement de médecine et chirurgie :
- Des hôpitaux d'un niveau complémentaire au sein du niveau 1 (1i), ayant vocation à constituer un réseau ambulatoire de proximité, n'assurant pas de service d'urgence mais un service de médecine de garde, principalement à l'issue de la transformation de certains établissements.
Sur les 1 700 hôpitaux dénombrés, des projections estimaient un classement de 136 établissements en niveau 3, 472 en niveau 2, 422 en niveau 1n et près de 700 en niveau 1i.
d) Une réforme centrale de la définition et du financement des activités hospitalières...
Afin de réduire largement la place de la tarification à l'activité, le gouvernement fédéral propose un financement principalement appuyé sur des dotations ou réserves.
Le coeur de la réforme présentée par le gouvernement fédéral consiste ainsi en la définition de nouvelles catégories d'activités et en l'attribution d'autorisations à pratiquer celles-ci sur la base de nouveaux critères de qualité. Un tel modèle a été en partie expérimenté au cours des dernières années dans le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie.
· Des groupes de prestations (ou Leistungsgruppen) vont être définis par le gouvernement fédéral - 65 ont été prévus. Chaque Land devra attribuer aux établissements de son ressort les groupes de prestations qu'il entend lui confier.
Les groupes de prestations définis seront assortis de nouveaux critères de qualité et de sécurité, appelés à être fixés par le comité conjoint, lesquels seront des conditions obligatoires pour autoriser l'activité. Des dérogations sont cependant prévues pour le maintien d'activités au regard de contraintes territoriales, en cas de trop longs trajets par exemple.
· Le modèle présenté prévoit le maintien d'une part de financement à l'activité. La dotation socle ou réserve devrait représenter 60 % de l'activité aujourd'hui constatée, quand 40 % seront issus des actes effectivement réalisés.
Si la réforme était prévue à budget constant, le gouvernement a prévu un fonds de transformation. Un montant de 50 milliards d'euros sur dix ans, financé à parité entre les Länder et les caisses d'assurance maladie était évoqué. La contribution à ce fonds et la répartition de la charge entre les parties faisaient encore en 2024 l'objet de vifs débats.
· Si le besoin d'une réforme structurelle est partagé par de nombreux acteurs et notamment la fédération allemande des hôpitaux, le projet a soulevé de nombreuses critiques, y compris dans le camp de la coalition gouvernementale.
Cette réforme, qui est perçue comme une reprise en main de fait de la politique de santé par l'État fédéral, a fait l'objet d'âpres négociations avec les Länder. Surtout, certains élus locaux, au sein des Länder ou districts, ont mis en avant les trop grandes incertitudes sur le devenir des établissements une fois les groupes de prestations définis, avec des risques de fermetures nombreuses - parfois estimées à 50 %.
Face aux incertitudes concernant le maillage territorial qui résultera de la réforme, les contraintes territoriales sont ainsi régulièrement soulignées, avec la crainte d'un plus faible accès aux soins dans des réseaux vastes et peu denses, comme dans le Land de Brandebourg, dans lequel la délégation a pu rencontrer le Landrat d'Oberhavel et visiter l'hôpital Oberhavel Kliniken.
En outre, si certains Länder comme Berlin y voient un prolongement de politiques locales de modernisation de l'offre hospitalière, la réforme met en lumière des disparités territoriales importantes. Les Länder d'ex Allemagne de l'Est soulignent ainsi la rationalisation déjà réalisée lors de la réunification, les Länder de l'Ouest ayant conservé une offre plus fournie.
Cependant, face aux critiques soulevées quant à de profonds effets de réorganisation et de fermetures d'établissements, il a régulièrement été opposé que, faute de réforme, la qualité des soins poursuivraient sa dégradation quand de nombreux établissements seraient inévitablement menacés de fermeture pour cause de faillite.
La rationalisation de la carte hospitalière, encore incertaine sur ses contours, est ainsi appréhendée par le ministre fédéral comme indispensable, alors que celui-ci considère la spécialisation des établissements comme un impératif au maintien de la qualité des soins.
La discussion parlementaire à l'automne a finalement permis l'adoption de la réforme par le Bundestag en octobre puis par le Bundesrat en novembre, avec le seul soutien cependant des partis de la coalition « feux tricolores » (SPD - Verts - FDP).
La réforme est ainsi entrée en vigueur au 1er janvier 2025. Les Länder doivent désormais notamment répartir les activités sur les différents établissements d'ici à la fin de l'année 2026.
B. AU DANEMARK, UNE SPÉCIALISATION DE LA PLACE DE L'HÔPITAL ET UNE RATIONALISATION DE L'OFFRE CONFIRMÉES EN 2024
1. En 2007, une décentralisation et réorganisation de l'offre hospitalière
a) Une vaste réforme territoriale accompagnant des évolutions structurelles de la gestion du système de santé
Le système de santé danois est essentiellement public et financé par l'impôt.
Le Danemark a mené en 2007 une profonde réforme de l'organisation du système de santé, conjointement avec une réforme territoriale. Au bénéfice de la réforme, l'État a conservé au niveau central un rôle d'encadrement réglementaire et de lignes directrices de planification des activités autorisées, quand la gestion de l'offre de soins a été transférée, devenant de la compétence des collectivités locales.
· Les cinq régions nouvellement créées se sont vu confier le financement des soins primaires et secondaires, et la responsabilité de la gestion des hôpitaux. La région peut parfois recourir à contractualisation avec les médecins généralistes ou spécialistes.
· Les 98 municipalités ont, elles, la responsabilité de la prévention ou encore des soins de suite, des soins infirmiers et à domicile.
Le financement du système est défini sur la base d'un accord de financement négocié chaque année entre le gouvernement, les régions et les municipalités, suivant les objectifs fixés en matière de niveau d'activité et de dépenses de santé pour l'année à venir.
Les hôpitaux danois sont principalement financés par des dotations globales assises notamment sur le profil démographique, social et sanitaire de la population du territoire, complétées par des financements liés à l'activité.
b) Une forte rationalisation de l'offre hospitalière
La décentralisation de la gestion des hôpitaux a été accompagnée d'une très forte concentration de l'offre hospitalière avec une rationalisation du nombre d'établissements. Le nombre d'hôpitaux de soins aigus a été réduit de 40 à 21 entre 2007 et 2020, chaque établissant desservant chacun une population de 200 000 à 400 000 personnes.
L'un des points clés du projet était la création de seize « super hôpitaux », nouveaux ou issus de la reconfiguration et de l'agrandissement d'établissements existants. Ceux-ci avaient vocation à accroître la qualité des soins par le biais d'une concentration des actes techniques sur des structures modernisées et des traitements harmonisés.
Des programmes de construction de nouveaux hôpitaux sont encore en cours, comprenant des « super-hôpitaux » pour les soins aigus comme des hôpitaux de plus petite taille.
c) Une redéfinition des missions de l'hôpital et un accès particulièrement régulé
La réforme de 2007 a surtout assumé la redéfinition de la place de l'hôpital au Danemark, avec le choix fait d'un recours à l'hôpital réservé aux actes techniques qui le nécessitent et pour la seule durée requise.
Lits pour |
· Le nombre de lits par habitant a suivi une même trajectoire de rationalisation, atteignant 2,6 pour 1 000 habitants en 2019 - contre 5,8 en France à la même date. Dans le même temps, la durée moyenne de séjour a poursuivi sa baisse, à 5,4 jours en 2016 et 3,5 en 2024.
Corollaire immédiat de cette doctrine, l'accès aux services hospitaliers est strictement régulé. Le rôle du médecin généraliste a ainsi été renforcé comme point d'entrée, mais aussi comme « garde-barrière » d'orientation vers les soins secondaires. En outre, dans la plupart des régions, un patient ne peut se présenter - sauf cas définis - dans un service d'urgence sans un avis médical préalable.
Cette stratégie semble avoir montré des résultats et ne pas être remise en cause. La concentration et l'éloignement des structures, y compris d'urgences ou de maternités, n'a pas provoqué de dégradation des indicateurs de santé publique. Cependant, tant l'agence nationale de santé que des responsables locaux soulignent l'impression de fragmentation que donne parfois le « triangle » de responsables de la prise en charge des patients.
À noter que le bon fonctionnement du système de santé repose sur une forte coordination des acteurs. Au niveau des établissements et des structures, les échanges sont favorisés par un recours important au numérique et au partage des données de santé des patients. Au niveau du pilotage du système lui-même, des mécanismes financiers incitatifs existent : les municipalités participent au financement des hôpitaux et payent une contribution supplémentaire en cas de réhospitalisation de patients à la suite d'une intervention, considérant une lacune dans les soins de suite.
2. En 2023 et 2024, des réponses d'urgence et de long terme aux fragilités identifiées
a) Des difficultés nouvelles...
Le Danemark est aujourd'hui confronté aux difficultés constatées globalement en Europe de l'ouest. D'une part, le Danemark connaît les mêmes nouveaux défis de santé publique liés au vieillissement de la population et à la plus forte prévalence des maladies chroniques.
D'autre part, le royaume subit également une pénurie de professionnels de santé, face à laquelle il développe notamment des programmes de recrutements de soignants en Inde et aux Philippes. Comme la France, le Danemark se heurte ces dernières années à des fermetures de lits subies faute de personnels en nombre suffisant, et à une saturation de services d'urgence ou des reports d'interventions.
Alors que le Danemark a, comme la Suède2(*), une garantie de prise en charge dans un délai fixé par la loi, les listes d'attente se sont fortement allongées à la suite de la pandémie de covid-19. Les délais de prise en charge pour certaines pathologies ont été considérés comme préoccupants, et particulièrement mis en lumière, concernant le traitement des cancers3(*).
b) ... avec de premières réponses immédiates
Face à cette situation particulièrement sensible le gouvernement danois a conclu en 2023 un accord avec les régions pour un « plan d'urgence ». Celui-ci était présenté comme ayant une vocation uniquement transitoire, avec le lancement de commissions spécifiques chargées de réfléchir aux évolutions du système de santé.
En 2023, un accord entre le gouvernement et les
régions
sur un plan d'urgence pour le système de
santé
Face à l'allongement des listes d'attente et aux tensions sur les gardes et astreintes, la nouvelle coalition gouvernementale a présenté en février 2023 un plan d'urgence avec comme principales mesures :
- une plus forte participation du secteur privé à la résorption des interventions en attente ;
- des efforts de recrutements en personnels étrangers ;
- une priorisation accrue des patients à prendre en charge, au moyen d'un allongement du délai de garantie de traitement ;
- une responsabilité renforcée des hôpitaux sur les 72 heures post-opérations en vue de réduire les réadmissions.
Ce plan a été assorti d'une enveloppe de 2 milliards de couronnes, soit 270 millions d'euros sur deux ans.
c) Une anticipation des évolutions nécessaires pour s'adapter aux nouveaux besoins
En vue d'anticiper les besoins en matière de politique de santé, une commission sur la résilience du système de santé (Robusthedskommissionen) créée a été 2022.
La commission a ainsi rendu ses travaux en septembre 2023, avec des recommandations concernant notamment la priorisation des tâches, la formation des professionnels ou l'attractivité des métiers.
Parallèlement, une commission relative à la structure du système (Sundhedsstrukturkommissionen) a été missionnée en 2023 afin de tirer le bilan de la mise en oeuvre de la réforme de 2007 et d'évaluer les besoins de réforme structurelle au regard des changements démographiques et du contexte de pénurie de ressources médicales. La commission a remis son rapport à la mi-2024, formulant six recommandations et proposant trois modèles d'évolution de l'organisation et du pilotage de la politique de santé, comprenant une hypothèse de recentralisation.
Sur cette base, le gouvernement danois a présenté en septembre 2024 un projet de réforme articulé autour de quelques mesures phares :
- Le renforcement de l'échelon régional par rapport aux municipalités et le regroupement de deux régions, passant leur nombre à 4, avec la fusion des régions de Sjælland et Hovedstaden (Copenhague), afin de favoriser une meilleure répartition des ressources médicales sur le territoire ;
- La création de 17 conseils de santé afin de disposer d'un échelon de pilotage du système plus en proximité réunissant les représentants régionaux et municipaux ;
- Sur le fond, le développement de nouveaux programmes de soins pour les malades chroniques, l'amélioration des soins à domicile ou encore un recours plus important encore au numérique.
L'accord politique conclu à l'initiative du gouvernement danois confirme la structure issue de la réforme de 2007 et renforce encore le rôle des régions dans l'organisation des soins pour une meilleure répartition des ressources.
Le 15 novembre 2024, le gouvernement danois a annoncé être arrivé à un accord sur la réforme de santé, réunissant quatre partis en plus des trois composant la coalition au pouvoir, lui assurant une large majorité au parlement, le Folketing.
II. PRISE EN CHARGE DES PERSONNES ÂGÉES : DEUX APPROCHES DU MAINTIEN À DOMICILE, DEUX RÉPONSES DIFFÉRENTES AU DÉFI DÉMOGRAPHIQUE
A. EN ALLEMAGNE, UN MODÈLE ASSURANTIEL À L'ÉPREUVE DU VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION
1. Financement : la création précoce d'une branche dédiée à la dépendance
a) Une assurance dépendance financée par des cotisations sociales
En Allemagne, une branche de la sécurité sociale dédiée à la dépendance (Pflegeversicherung) a été créée dès 1995. Comme la branche autonomie de la sécurité sociale française, créée en 2021, elle prend à la fois en charge le handicap et la perte d'autonomie des personnes âgées. En revanche, à la différence de son équivalent français (financé à 90 % par la CSG), l'assurance dépendance allemande est financée par des cotisations sociales -- payées par les salariés et les employeurs -- et gérée par les caisses d'assurance maladie. L'affiliation à l'assurance dépendance publique ou à une assurance dépendance privée est obligatoire.
Le financement de l'assurance dépendance est une compétence fédérale. Face à l'augmentation du nombre de personnes âgées dépendantes, le taux de cotisation à l'assurance dépendance a augmenté de 0,35 point au 1er juillet 2023 pour atteindre 3,4 % du salaire brut (dont 1,7 % à la charge de l'employeur) afin d'équilibrer le solde financier de la branche. Les personnes sans enfant doivent acquitter une surcotisation de 0,6 % (contre 0,35 % avant la réforme) qui porte ce taux à 4 %.
En outre, une jurisprudence de la Cour constitutionnelle fédérale du 7 avril 2022 a imposé à l'assurance dépendance de tenir compte du surcroît de charges supportées par les familles en modulant le taux de cotisation en fonction du nombre d'enfants (cf. tableau ci-après). Les retraités paient la totalité de la cotisation d'assurance dépendance, calculée sur le montant de leur pension.
Taux de cotisation à l'assurance dépendance selon la situation de famille
Situation de famille |
Personne sans enfant |
1 enfant |
2 enfants |
3 enfants |
4 enfants |
5 enfants |
Taux de cotisation |
4,0 % |
3,4 % |
3,15 % |
2,9 % |
2,65 % |
2,4 % |
Part salarié |
2,3 % |
1,7 % |
1,45 % |
1,2 % |
0,95 % |
0,7 % |
Source : Commission des affaires sociales / ministère fédéral allemand de la santé
b) Une allocation dépendance en espèces
L'assurance dépendance allemande prend notamment en charge une allocation dépendance (Pflegegeld), sans équivalent dans le système français de protection sociale, qui consiste en une prestation en espèces versée sous condition de degré de dépendance.
L'évaluation et la classification des besoins en soins liés à la dépendance ont été réformés en 2017. Cette évaluation repose désormais sur six critères dont la cotation permet de classer les personnes en cinq catégories (Pflegegrad) allant de la dépendance la plus légère (catégorie 1) à la plus lourde (catégorie 5).
Source : Commission des affaires sociales / ministère fédéral allemand de la santé
Le droit aux prestations d'assurance dépendance est ouvert à partir de la catégorie 2. Le montant de l'allocation dépendance s'élève de 332 euros par mois en catégorie 2 à 947 euros par mois en catégorie 5.
L'allocation dépendance peut se cumuler partiellement avec des aides en nature, notamment pour la prise en charge de services d'aide et de soins à domicile (Pflegesachleistung).
En 2023, les dépenses au titre de l'allocation dépendance s'élèvent à 16,2 milliards d'euros sur des dépenses totales de 56 milliards d'euros, selon le ministère fédéral de la santé.
Comme le prévoit la réforme de 2023, l'allocation dépendance, qui a augmenté de 5 % au 1er janvier 2024, sera automatiquement revalorisée en 2025 puis en 2028 en fonction de l'inflation.
c) La forte augmentation de la population âgée dépendante
Fin décembre 2021, l'Allemagne comptait près de 5 millions de personnes en situation de dépendance dont 4,1 millions de personnes âgées. Entre 2017 et 2021, le nombre de personnes âgées dépendantes a augmenté de 42 %.
Selon l'office fédéral de la statistique, le nombre total de personnes dépendantes devrait augmenter fortement dans les années 2030 et 2040 pour atteindre 6,8 à 7,6 millions en 2055. Ainsi, l'assurance dépendance sera mise sous forte pression financière au cours des prochaines décennies, ce qui devrait rendre nécessaires de nouvelles réformes.
2. Modes de prise en charge : priorité au maintien à domicile et aux soins informels
a) La prédominance du maintien à domicile
En 2023, les dépenses d'assurance dépendance liées aux modes de prise en charge à domicile s'élevaient à 36 milliards d'euros, soit près des deux tiers du total des dépenses, contre 20 milliards d'euros pour les prises en charge en établissement.
Près de 80 % des personnes âgées dépendantes vivent à domicile :
- 46 % sont prises en charge par des proches aidants et bénéficient de l'allocation dépendance en espèces ;
- 23 % sont prises en charge par des services à domicile ;
- 10 % sont classées au niveau de dépendance (Pflegegrad) 1 et ne reçoivent pas d'accompagnement spécifique.
Si elle présente l'avantage de la simplicité et de la souplesse, l'allocation dépendance en espèces tend à laisser prospérer des modes d'accompagnement informels et ne garantit pas nécessairement la qualité de la prise en charge des personnes âgées dépendantes. Elle apporte cependant un soutien important aux familles concernées qu'elle contribue à responsabiliser.
L'isolement social des personnes âgées est un sujet d'attention pour le ministère fédéral des familles, qui a commencé à déployer une stratégie contre l'isolement.
b) Le rôle central des proches aidants
Les proches aidants jouent un rôle essentiel dans le maintien à domicile des personnes en perte d'autonomie. Selon le ministère fédéral des familles, 2,55 millions de personnes dépendantes sont accompagnées par leurs seuls proches. L'Allemagne compte 7,1 millions de proches aidants, dont les deux tiers ont plus de 50 ans et 57 % sont des femmes.
4,1 millions d'aidants étant en emploi, il existe deux dispositifs fédéraux destinés à permettre la conciliation entre une activité professionnelle et l'aide apportée à un proche : la loi sur le congé pour soins familiaux (Familienpflegezeitgesetz ou FPfZG), permettant de passer à temps partiel sur une longue durée, et la loi sur le congé pour soins (Pflegezeitgesetz ou PflegeZG). Ces deux dispositifs, qui n'obéissent pas aux mêmes règles, peuvent se combiner pour permettre une indemnisation pendant une période maximale de 24 mois. Pendant ces congés, l'assurance dépendance prend en charge les cotisations à la retraite des aidants afin de permettre le maintien de leurs droits ; le proche aidant bénéficie en outre d'une protection contre le licenciement. La coalition gouvernementale a pour projet d'unifier et d'assouplir ces deux formes de congé, auxquels seules 100 000 personnes par an environ ont recours.
Un conseil consultatif indépendant associant chercheurs, partenaires sociaux et représentants des proches aidants a été créé en 2015 afin d'identifier les difficultés de conciliation rencontrées par les aidants. Son second rapport, paru en juin 2023, plaide notamment pour un allongement à 36 mois de la durée des congés de proche aidant et pour une meilleure indemnisation4(*).
Les proches aidants bénéficient d'autres dispositifs visant à les accompagner : crédit à taux zéro, actions de formation, prise en charge de places de répit. Ils ont également accès à des prestations de conseil des Länder.
La délégation a rencontré la fédération Wir pflegen (« Nous aidons ») qui représente les aidants familiaux. Celle-ci a insisté sur l'insuffisance des prestations de l'assurance dépendance et le reste à charge pour les familles, l'évaluation trop restrictive de la dépendance et la nécessité d'une meilleure valorisation du rôle des aidants.
c) Une offre en établissement essentiellement privée
21 % des personnes âgées dépendantes (environ 900 000 personnes) sont prises en charge dans des établissements spécialisés (Pflegeheim). La majorité d'entre eux ne proposent pas d'accompagnement médico-social et n'offrent que des prestations de soins. Ces structures sont de tailles très variables, allant de petites unités à des établissements de 300 places. En 2015, 53 % des Pflegeheime avaient le statut d'organisme privé à but non lucratif (représentant 55 % des places), 42 % étaient des structures privées et seules 5 % étaient des structures publiques.
Selon le ministère fédéral de la santé, le reste à charge pour les assurés s'élève en moyenne à 2 500 euros par mois pour un hébergement permanent. En cas de ressources insuffisantes, les résidents peuvent bénéficier d'une aide sociale, pouvant faire l'objet de recours sur succession. La durée de séjour en établissement est en moyenne de deux ans.
Si la majorité des établissements proposent un hébergement permanent, certaines structures offrent des modes d'accueil plus souples. Ainsi, la délégation a visité, à Berlin, l'accueil de jour de 40 places E.L.-Rosa de l'établissement Erfülltes Leben, géré par une organisation privée non lucrative.
Visite par la délégation sénatoriale de l'établissement Erfülltes Leben à Berlin
d) La décentralisation de l'organisation de l'offre
Les Länder sont responsables de la mise en place sur leur territoire d'une offre efficace, rentable et répondant aux besoins de la population. Chaque Land détermine sa politique de financement et peut verser aux établissements des subventions à l'investissement et des subventions à la personne accueillie. Le contrôle des structures de prise en charge des personnes dépendantes est également dévolu aux Länder, qui ont la charge d'établir les normes de fonctionnement des établissements et de délivrer les autorisations d'exploitation.
Depuis 2017, les communes disposent d'une plus grande autonomie pour coordonner l'offre de soins aux personnes dépendantes sur leur territoire. Elles ont ainsi la possibilité de créer de nouvelles structures et doivent assurer la bonne information des administrés sur les différents modes de prise en charge.
Le manque de places au regard de la demande a toutefois été relevé au cours des entretiens de la délégation : il y aurait ainsi quatre ans d'attente pour trouver une place en établissement à Berlin.
B. AU DANEMARK, UNE APPROCHE UNIVERSALISTE FONDÉE SUR LA PRÉVENTION
1. Une prise en charge universelle et publique de la dépendance
Le Danemark est, avec les Pays-Bas, la Norvège et la Suède, l'un des pays qui consacrent la part la plus importante de leur richesse nationale aux dépenses de « soins de longue durée » (long-term care), c'est-à-dire aux soins et à l'accompagnement médico-social des personnes âgées et des personnes en situation de handicap : 3,5 % du PIB sont consacrés à ces dépenses. Il est aussi l'un des pays où les financements publics sont les plus élevés et le reste à charge le plus faible pour les usagers5(*).
Dépenses de soins de longue durée
en pourcentage du PIB en 2019 (ou l'année la plus
proche)
Source : OCDE, Panorama de la santé 2021
Le modèle danois se caractérise par une forte professionnalisation et une large couverture de la population. Les prestations sont essentiellement délivrées en nature. Elles permettent en particulier la prise en charge des services à domicile dont les interventions sont, pour la plupart, sans participation financière des bénéficiaires.
2. Un système décentralisé privilégiant la prévention de la perte d'autonomie
a) La compétence de la commune en matière d'organisation des soins aux personnes âgées
Les 98 communes issues de la réforme de 2007, qui comptent en moyenne 59 000 habitants, sont notamment compétentes pour financer, organiser et mettre en oeuvre les soins et les aides aux personnes âgées, que ce soit à domicile ou en établissement spécialisé.
Les services sont financés par des impôts locaux et par des subventions nationales. Un système de péréquation est négocié chaque année dans le cadre du budget national.
Ils sont majoritairement assurés par le personnel des communes, une part étant cependant déléguée à des opérateurs privés.
Une partie du budget communal est « rendu » aux régions, qui ne disposent pas de l'autonomie fiscale, afin d'inciter les communes à limiter la consommation de soins hospitaliers de leurs habitants par une politique active de prévention. Une commune est en effet pénalisée financièrement lorsqu'elle ne peut pas prendre en charge ses habitants à la sortie de l'hôpital. Ainsi la commune de Copenhague verse-t-elle 28 % du budget de son service d'aide aux personnes âgées à la région Capitale.
b) Une approche fondée sur le maintien de l'autonomie à domicile
L'approche danoise est fondée sur l'idée qu'il est plus efficace et plus économique d'aider les personnes âgées à rester autonomes à domicile.
Les prestations fournies par les communes incluent notamment des mesures de prévention. Ainsi, une visite de prévention à domicile est systématiquement proposée à toute personne de 75 ans. Une visite est ensuite proposée chaque année à partir de 80 ans.
Elles comprennent également des mesures dites de « réhabilitation » visant à entretenir la capacité des personnes à vivre en autonomie : revues de traitements médicamenteux, consultations nutritionnelles, entraînements aux activités de la vie quotidienne, aides techniques ou mesures de lutte contre l'isolement social.
Les communes proposent une offre d'activités pour personnes âgées avec un objectif de prévention de la perte d'autonomie et de l'isolement social. La délégation a visité le centre d'activités pour seniors de Dragør, une commune de la région de Copenhague de 15 000 habitants, dont 25 % sont âgés de 65 ans et plus ; ce centre propose une centaine d'activités, animées par des bénévoles, aux personnes âgées de plus de 63 ans pouvant se déplacer.
c) L'hébergement en établissement conçu comme un logement individuel
Le Danemark a profondément transformé depuis 1987 son offre résidentielle pour personnes âgées dépendantes suivant une approche domiciliaire6(*). S'il existe toujours au Danemark des établissements spécialisés équivalant aux Ehpad, dénommés plejeboliger, ceux-ci se distinguent par le fort attachement au principe selon lequel leurs résidents occupent des logements privés.
Les résidents des maisons de retraite danoises sont considérés comme des citoyens dans leur logement.
La délégation a visité, à Copenhague, la résidence Fælledgården, le plus grand établissement pour personnes âgées du Danemark avec 193 logements. Il ne s'agit pas de chambres mais de véritables petits appartements de deux pièces avec coin cuisine. L'organisation de l'établissement concilie liberté individuelle et surveillance : les résidents peuvent sortir et recevoir à leur guise si leur état de santé le leur permet, mais les portes sont dotées de puces pour tracer les allées et venues et les « fugueurs » sont équipés de bracelets GPS.
Le financement des établissements tend à les inciter à la prévention : quel que soit l'état de santé des résidents, un établissement dispose des mêmes ressources. Le reste à charge des résidents est modique : la direction de Fælledgården a évoqué un loyer de 937 euros par mois, ramené à 280 euros après aides au logement, et un tarif « entretien et toilette » de 470 euros.
Les personnes sont libres de choisir leur résidence mais les communes sont tenues de proposer une place en établissement dans un délai de huit semaines. Il est toutefois possible d'attendre plus longtemps pour obtenir le logement de son choix.
Le fait que les communes gèrent à la fois les services à domicile et les résidences pour personnes âgées facilite l'articulation et les mutualisations entre les deux secteurs. Ainsi, Fælledgården dispose d'un centre d'activités ouvert aux personnes âgées vivant à domicile et atteintes de démence. Les communes proposent également des logements intermédiaires dans des résidences adaptées sans personnel permanent (almene ældreboliger).
3. Le projet de réforme sur la prise en charge des personnes âgées
Le gouvernement de Mette Frederiksen a présenté en début d'année 2024 un projet de réforme de la prise en charge des personnes âgées intitulé « On n'est jamais trop vieux pour se sentir bien ». Ce projet a fait l'objet d'un accord au sein du Folketing (Parlement danois) au moment du déplacement de la délégation. Il est motivé par un objectif d'amélioration de la qualité ainsi que par la dynamique du vieillissement de la population : le nombre de personnes âgées de plus de 80 ans au Danemark atteindrait 420 000 en 2030, 500 000 en 2040 et jusqu'à 657 000 en 2057, année où il sera le plus élevé.
Issu d'un compromis entre les partis membres de la coalition au pouvoir, ce projet se décline en trois thèmes principaux :
- « autodétermination » des personnes âgées : l'objectif est de donner davantage de possibilités aux usagers pour définir eux-mêmes leur prise en charge. Celle-ci serait organisée de manière plus flexible et selon une approche « holistique » : les personnes âgées ne seraient plus orientées vers de multiples services mais vers un « programme complet de prise en charge ». Les équipes d'intervenants devraient être de taille plus réduite et changer moins fréquemment de composition. Les personnes âgées pourraient choisir plus librement entre les services municipaux et ceux du secteur privé pour les prestations de « réhabilitation » à domicile ;
- confiance dans le personnel et les services : afin de mettre fin à la suradministration du secteur, le gouvernement danois prévoit de remplacer les programmes de contrôle des municipalités et le programme national de supervision par un nouveau modèle intercommunal simplifié. Dans ce cadre, l'inspection des établissements serait effectuée sur une seule journée par an. Le personnel des établissements et services aurait moins de tâches administratives à effectuer quotidiennement et pourrait consacrer plus de temps aux soins et à l'accompagnement ;
- renforcement des interactions avec les familles et la société civile : l'objectif du gouvernement est d'augmenter le nombre de bénévoles pour s'occuper des personnes âgées.
En 2025, les communes pourront créer des maisons de retraite « de proximité », nouveau type d'établissement public au fonctionnement inspiré du secteur privé.
En revanche, l'idée d'instaurer une assurance complémentaire obligatoire, qui a récemment émergé comme un moyen d'assurer la pérennité financière du système, n'a pas été retenue par le gouvernement.
La loi entrerait en vigueur en 2025 mais la mise en oeuvre de la réforme serait progressive jusqu'en 2028 pour permettre aux communes de s'adapter. Des crédits supplémentaires leur seraient octroyés chaque année afin de les soutenir.
C. RECRUTER DES PROFESSIONNELS DU GRAND ÂGE, UNE PROBLÉMATIQUE COMMUNE
1. Des besoins importants de recrutement dans des métiers en manque d'attractivité
En Allemagne comme au Danemark, les établissements et les services pour personnes âgées se heurtent à une pénurie de personnel. Comme en France, le déficit de personnel qualifié devrait s'aggraver sous le double effet du vieillissement de la population, avec les besoins croissants liés à la dépendance qu'il entraîne, et du vieillissement des personnels actuels, dont un grand nombre partira à la retraite dans les prochaines années.
L'Allemagne fait face à une pénurie plus générale de main-d'oeuvre. Dans le secteur médico-social, une étude du cabinet PwC chiffre le taux d'emplois de soignant non pourvus à 8 % en 2022 et prévoit une augmentation de ce déficit jusqu'à 37 % en 2035 (soit environ 132 000 postes). L'attractivité du secteur pâtit des conditions de travail et de l'évolution défavorable des rémunérations, pourtant présentées comme relativement élevées dans les maisons de retraite.
Quant au Danemark, il devrait connaître un déficit d'environ 17 000 assistants sociaux et sanitaires d'ici 2030, selon les projections de son ministère des finances. D'après l'association des communes danoises, 8 000 professionnels devraient être formés chaque année pour maintenir le ratio places/personnes âgées actuel, alors que seuls 5 200 l'ont été en 2017. Si les services aux personnes âgées sont en principe accessibles sans participation financière, les communes ne sont déjà plus en mesure de satisfaire tous les besoins en raison du manque de main d'oeuvre. Le personnel des communes est surchargé, ce qui contribue à dégrader les conditions de travail et accroît les risques de négligence et de maltraitance.
2. En Allemagne, une stratégie centrée sur les qualifications
Comme l'a exposé le ministère fédéral de la santé à la délégation, le gouvernement allemand envisage le déploiement d'une stratégie axée sur les qualifications. Dans cette perspective, un premier projet aurait pour objet de valoriser les compétences, de redéfinir le niveau de formation attendu des différentes catégories de personnel soignant et de revoir la répartition des compétences entre ces dernières.
Compte tenu de sa démographie, l'Allemagne pourrait difficilement se passer de main-d'oeuvre étrangère. Or, il existe des obstacles élevés au recrutement de personnel étranger qualifié dans des métiers réglementés. Le gouvernement souhaiterait ainsi redéfinir les conditions dans lesquelles les travailleurs immigrés engagés dans une démarche d'intégration peuvent bénéficier d'une reconnaissance de leur diplôme.
3. Au Danemark, les leviers du numérique et de la formation
Alors que le projet de réforme ne traite pas directement le problème de l'attractivité des métiers, les parlementaires danois que la délégation a rencontrés ont affirmé l'objectif de former plus d'aides-soignants et d'assistants de vie.
Plus généralement, le Danemark met l'accent sur le numérique. À Copenhague, environ 10 % des citoyens reçoivent des prestations à domicile par le biais d'un écran et la municipalité souhaite augmenter ce taux. La Commission sur la structure du système de santé a recommandé de mettre en oeuvre une stratégie numérique plus unifiée dans l'ensemble du pays.
Réunie le mercredi 15 janvier 2025 sous la présidence de Philippe Mouiller, la commission des affaires sociales a adopté le rapport et en a autorisé la publication sous forme d'un rapport d'information.
EXAMEN EN COMMISSION
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Réunie le mercredi 15 janvier 2025, sous sa présidence, la commission a entendu une communication de M. Philippe Mouiller, président, sur la mission relative à la prise en charge des personnes âgées et à l'organisation de l'hôpital en Allemagne et au Danemark.
M. Philippe Mouiller, président. - Mes chers collègues, le Bureau de la commission avait décidé pour 2024 la tenue d'une mission d'information en Europe. Celle-ci a été menée en avril dernier sur deux sujets - l'hôpital et la prise en charge des personnes âgées -, et dans deux pays différents - l'Allemagne et le Danemark.
Je tiens à remercier les cinq sénatrices que j'ai accompagnées lors de cette mission : Mme Florence Lassarade, Mme Laurence Muller-Bronn, Mme Corinne Féret, Mme Anne-Sophie Romagny et Mme Solanges Nadille.
J'aborderai d'abord la thématique santé, c'est-à-dire l'organisation de l'hôpital.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 a porté une réforme du financement de l'hôpital dont la rapporteure Corinne Imbert n'avait pas manqué de souligner les effets en matière de réorganisation de l'offre hospitalière. Deux pays paraissaient pouvoir éclairer nos réflexions : l'Allemagne, qui a engagé une réforme comparable à la France, et le Danemark, qui, après une profonde réforme menée en 2007, réfléchissait en 2024 à son prolongement ou son adaptation.
Je commencerai par notre voisin, l'Allemagne, dont le système de santé est marqué par le fédéralisme et par le principe d'autogestion.
À première impression, le système hospitalier allemand paraît légèrement anachronique par rapport aux évolutions constatées dans le reste de l'Europe.
La structure de l'offre en est la démonstration : quand la France en compte 5,2 lits d'hospitalisation complète pour 1 000 habitants, l'Allemagne en compte 7,8, soit 50 % de plus, avec un faible taux d'occupation, sans que cette offre importante paraisse répondre efficacement aux besoins de santé de la population.
Le système allemand ne conduit pas à de meilleurs résultats en matière d'espérance de vie, et il est aujourd'hui confronté aux mêmes difficultés que le système français en matière de vieillissement de la population, de développement des maladies chroniques ou encore de pénuries de personnels médicaux et soignants. Surtout, bien que consacrant 3,2 % de son PIB aux soins hospitaliers, l'Allemagne ne parvient à éviter ni la fragilité financière des caisses d'assurance maladie ni le lourd déficit des hôpitaux.
Comme en France, la tarification à l'activité (T2A) a montré ses limites, tant en termes de soutenabilité du maillage territorial pour certaines activités que de lacunes de financement de l'investissement et de l'innovation.
Enfin, le modèle actuel n'a permis ni d'accompagner le virage ambulatoire ni de clarifier la place de l'hôpital, qui semble mal définie, avec une gradation des soins peu lisible et, surtout, une coordination avec la médecine de ville particulièrement lacunaire. Nous avons pu évoquer ces sujets dans un hôpital du Brandebourg, ainsi qu'à la Charité, très réputé centre hospitalier universitaire (CHU) de Berlin.
En 2022, alors que de nombreux établissements étaient au bord de la faillite, le ministre fédéral Karl Lauterbach de la santé a engagé une réforme présentée comme inévitable.
La réforme globale vise principalement à renforcer la spécialisation des hôpitaux. Elle comprend une transformation des modalités de financement, notamment une révision du modèle de la T2A, en prévoyant la constitution de « réserves » permettant de financer les activités sur un modèle de dotation socle.
En corollaire immédiat, les activités autorisées sont redéfinies. Le gouvernement propose de rationaliser l'offre en définissant des « groupes de prestations » (Leistungsgruppen). Chaque hôpital se verra attribuer par le Land certains groupes de prestations, pour lesquels il devra impérativement respecter de nouveaux critères de qualité et de sécurité des soins.
Enfin, un dernier volet de la réforme vise à redéfinir une gradation des hôpitaux selon leur champ de recours et à constituer un premier niveau d'hôpitaux de proximité mieux articulés avec la médecine de ville.
Cette réforme a été précédée d'une loi sur la transparence adoptée au début de l'année 2024, obligeant les hôpitaux à publier des indicateurs sur leur activité, les complications survenues, leurs finances et leur personnel.
En réformant les règles d'autorisation, de sécurité et de financement des activités hospitalières, le Gouvernement contraint de fait la politique de planification et d'organisation de la carte hospitalière des Länder, qui relève pourtant de la compétence de ces derniers. Les élus locaux ont manifesté des réticences, y compris au sein de partis de la coalition gouvernementale.
Dans le Brandebourg, très vaste Land situé autour de Berlin, l'opposition classique entre proximité et sécurité des soins a cristallisé le débat. Le sujet est d'autant plus sensible en ex-Allemagne de l'Est qu'au moment de la réunification, les Länder de l'Est ont conduit une rationalisation de leur offre de soins que n'ont pas engagée les Länder de l'Ouest.
Le gouvernement allemand a prévu un fonds de transformation de 50 milliards d'euros en dix ans, dont la prise en charge a fait débat.
Lorsque nous nous sommes rendus à Berlin en avril, le gouvernement fédéral n'avait pas encore finalisé formellement son projet. Après une concertation lancée en 2022, la loi sur l'amélioration des soins hospitaliers a été adoptée à l'automne, et elle est entrée en vigueur au 1er janvier 2025.
Cet éclairage allemand montre que si la transformation et la concentration des systèmes hospitaliers face aux nouveaux besoins et aux contraintes actuelles sont incontournables, elles ne peuvent se faire sans concertation, sans étude d'impact, sans expérimentation et sans une transition aménagée et financièrement accompagnée.
Le système hospitalier danois, bien différent, a connu un tournant avec la réforme de 2007. Fait singulier, le royaume a conduit une réforme de santé structurelle en menant de concert une rationalisation des collectivités territoriales. Le nombre de municipalités a été réduit de 271 à 98, et le nombre de régions de 14 à 5.
Le Danemark a profondément décentralisé l'organisation des soins, le niveau national conservant un rôle d'encadrement réglementaire et d'impulsion de lignes directrices. Le cadre de financement général ressort d'un accord de financement négocié chaque année.
La gestion locale résultant de la réforme de 2007 est duale : aux régions nouvellement créées, la responsabilité des hôpitaux et le financement des soins primaires et secondaires ; aux municipalités, celle de la prévention, ainsi que des soins infirmiers, de suite et à domicile.
Cette décentralisation a été accompagnée d'une redéfinition de la place de l'hôpital, conçu comme un recours plus que comme un accès aux soins parmi d'autres acteurs. L'hôpital se destine ainsi aux actes techniques, sans héberger au-delà du strict nécessaire les soins postopératoires.
Cette politique s'est concrétisée par une très forte concentration de l'offre hospitalière. Le nombre d'hôpitaux de soins aigus a été réduit de 40 à 21 entre 2007 et 2020, chaque établissement desservant une population de 200 000 à 400 000 personnes. Je vous laisse mesurer ce que représenterait une telle réforme structurelle dans notre pays...
Le nombre de lits par habitant a suivi une trajectoire analogue, atteignant 2,6 pour 1 000 habitants en 2019, contre 5,8 en France à la même date. La durée moyenne de séjour a également continué de baisser, pour s'établir aujourd'hui à 3,5 jours.
Je souhaite souligner deux particularités.
D'une part, la forte régulation dans l'accès et la gradation du système de santé. Le médecin généraliste joue un rôle déterminant de point d'entrée comme de « garde-barrière » : le patient ne décide pas lui-même de sa venue à l'hôpital, sauf urgence évidente. Cela a un impact immédiat sur la saturation des services hospitaliers comme sur la pertinence des actes.
D'autre part, la très forte coordination des soignants, au moyen de systèmes de données de santé très performants, mais aussi des responsables publics : en cas de réhospitalisation, les municipalités payent une pénalité dont le produit revient en partie aux régions. L'amont comme l'aval sont ainsi mobilisés et financièrement incités à réserver l'hôpital aux besoins réels.
À l'heure du bilan, nous avons constaté que cette réforme n'est pas remise en cause. Cette décentralisation a fonctionné, même si certains soulignent que la prise en charge des patients peut se perdre dans le « triangle » d'acteurs qui en sont responsables. Par ailleurs, l'éloignement des structures, y compris d'urgences ou de maternité, au bénéfice de structures plus importantes et techniquement plus sûres, n'a pas conduit à une dégradation des indicateurs de santé.
Le système de santé danois semble aujourd'hui particulièrement efficace tout en étant économe en ressources : au total, les dépenses de santé représentent 10,6 % du PIB.
Le Danemark connaît toutefois ces dernières années des difficultés de recrutement, au point qu'en 2022, les listes d'attente, notamment pour les patients atteints de cancer, sont devenues préoccupantes. Comme la Suède, le Danemark garantit pourtant des délais de prise en charge médicale.
Un « plan d'urgence » assorti d'une enveloppe de 2 milliards de couronnes - soit 270 millions d'euros - a été dévoilé, renforçant l'attractivité et les recrutements ainsi que la participation des établissements privés. Nous avions évoqué ce sujet avec la ministre de la santé du Danemark, en mai 2023, au Sénat.
Le Danemark anticipe sans doute mieux que nous ne savons le faire les transformations qui seront à mener. Les conclusions de commissions ad hoc servent de base à des accords larges, en vue de réformes profondes et, surtout, durables.
Une commission sur la résilience du système de santé a formulé en septembre 2023 des recommandations concernant la priorisation des tâches, la formation des professionnels ou l'attractivité des métiers.
En 2024, une commission sur la structure du système de santé a rendu ses conclusions concernant l'adaptation ou le prolongement de la réforme de 2007, en proposant différents scénarios d'évolution structurelle.
Le gouvernement a par la suite présenté son projet de réforme : il consiste à renforcer l'échelon régional et à fusionner deux régions, avec pour objectif affiché de mieux répartir les médecins sur le territoire, certaines compétences des municipalités remontant au niveau régional. Dans le même temps, 17 conseils de santé seront créés afin de disposer d'un échelon de pilotage plus fin.
En novembre 2024, le gouvernement de Mette Frederiksen est parvenu à obtenir un accord réunissant les principaux partis politiques, dont quatre au-delà de sa coalition. Si le Danemark est un plus petit pays que le nôtre, je retiens que les appréhensions de départ ont été contredites.
J'en viens au second thème de notre déplacement : la prise en charge des personnes âgées dépendantes. En la matière, les deux pays que nous avons visités ont des approches divergentes d'un défi commun à toute l'Europe, même s'ils affichent une même préférence pour le maintien à domicile.
En Allemagne, une branche de la sécurité sociale dédiée à la dépendance a été créée dès 1995. À la différence de notre branche autonomie, elle est financée par des cotisations sociales payées par les salariés et les employeurs et gérée par les caisses d'assurance maladie.
Le financement de l'assurance dépendance est une compétence fédérale. Face à l'augmentation du nombre de personnes âgées dépendantes, le taux de cotisation a augmenté en juillet 2023, pour atteindre 3,4 % du salaire brut, dont la moitié à la charge de l'employeur. Ce taux est modulé en fonction du nombre d'enfants.
L'assurance dépendance allemande prend notamment en charge une allocation dépendance, sans équivalent dans le système français de protection sociale, qui consiste en une prestation en espèces versée sous condition de degré de dépendance. Celle-ci peut se cumuler partiellement avec des aides en nature, notamment pour la prise en charge de services d'aide et de soins à domicile.
En 2023, les dépenses au titre de l'allocation dépendance s'élevaient à 16 milliards d'euros, pour des dépenses totales de 56 milliards d'euros.
Entre 2017 et 2021, le nombre de personnes âgées dépendantes en Allemagne a augmenté de 42 %. Le nombre total de personnes dépendantes devrait augmenter fortement dans les années 2030 et 2040, pour atteindre 6,8 à 7,6 millions en 2055. L'assurance dépendance sera donc mise sous forte pression au cours des prochaines décennies, ce qui devrait rendre nécessaires de nouvelles réformes.
En ce qui concerne les modes de prise en charge, l'Allemagne donne la priorité au maintien à domicile et aux soins informels.
En 2023, les dépenses d'assurance dépendance liées aux modes de prise en charge à domicile s'élevaient à 36 milliards d'euros, contre 20 milliards d'euros pour les prises en charge en établissement. Sur les quelque 80 % de personnes âgées dépendantes vivant à domicile, 46 % sont prises en charge par des proches aidants et bénéficient de la totalité de l'allocation dépendance en espèces.
Si elle présente l'avantage de la simplicité et de la souplesse, cette allocation dépendance tend à laisser prospérer des modes d'accompagnement informels et ne garantit pas nécessairement la qualité de la prise en charge des personnes âgées dépendantes. Elle apporte cependant un soutien important aux familles concernées, qu'elle contribue à responsabiliser.
Les proches aidants jouent donc un rôle essentiel dans le maintien à domicile des personnes en perte d'autonomie. L'Allemagne compte 7,1 millions de proches aidants, dont les deux tiers ont plus de 50 ans et 57 % sont des femmes.
Plus de 4 millions d'entre eux doivent cumuler cette charge avec un emploi. Il existe actuellement deux dispositifs de congé destinés à permettre cette conciliation. S'ils n'obéissent pas aux mêmes règles, ils peuvent se combiner pour permettre une indemnisation pendant une période maximale de 24 mois. La coalition gouvernementale avait pour projet d'unifier et d'assouplir les deux formes de congé existantes, auxquels seules 100 000 personnes par an environ ont recours.
À Berlin, nous avons rencontré une fédération représentant les aidants familiaux. Celle-ci a insisté sur l'insuffisance des prestations de l'assurance dépendance, sur le reste à charge pour les familles, sur l'évaluation trop restrictive de la dépendance et sur la nécessité d'une meilleure valorisation du rôle des aidants.
Quant aux établissements spécialisés, ils sont de taille très variable, allant de petites unités à des établissements de 300 places. L'offre est à 95 % privée et, en majorité, à but non lucratif.
Si la majorité des établissements proposent un hébergement permanent, certaines structures offrent des modes d'accueil plus flexibles. En tout état de cause, le cadre réglementaire allemand offre beaucoup de souplesse et permet un niveau de financement adéquat.
En cohérence avec le système fédéral allemand, les Länder sont responsables de l'organisation de l'offre sur leur territoire, ainsi que du financement et du contrôle des structures. Les communes disposent également d'une certaine autonomie pour coordonner l'offre de soins aux personnes dépendantes sur leur territoire. Le manque de places au regard de la demande a toutefois été signalé au cours de nos entretiens.
Pour sa part, le système danois repose sur une approche universaliste de la prise en charge de la dépendance.
Le Danemark est, avec les Pays-Bas, la Norvège et la Suède, l'un des pays qui consacrent la part la plus importante de sa richesse nationale aux dépenses liées à la dépendance. Il est aussi l'un des pays où les financements publics sont les plus élevés et le reste à charge le plus faible pour les usagers.
Le modèle danois se caractérise par une forte professionnalisation et une large couverture de la population. Les prestations sont essentiellement délivrées en nature et permettent notamment la prise en charge des services à domicile. Elles sont pour la plupart offertes sans participation financière des bénéficiaires.
Le système danois est fortement décentralisé. Les 98 communes sont compétentes pour financer, organiser et mettre en oeuvre les soins et les aides aux personnes âgées, que ce soit à domicile ou en établissement spécialisé.
Les services sont généralement publics et assurés par le personnel des communes. Une partie de ces services est toutefois déléguée à des opérateurs privés.
L'approche danoise est fondée sur l'idée qu'il est plus efficace et plus économique d'aider les personnes âgées à rester autonomes à domicile. Les prestations fournies par les communes incluent notamment des mesures de prévention telles qu'une visite de prévention à domicile pour toute personne de 75 ans et une visite annuelle à partir de 80 ans.
Afin de prévenir la perte d'autonomie et l'isolement social, les communes proposent des activités aux personnes âgées. Nous avons visité le centre d'activités pour seniors de Dragør, une commune de la région de Copenhague, qui propose une large gamme d'activités animées par des bénévoles.
Depuis 1987, le Danemark a transformé son offre résidentielle pour personnes âgées dépendantes selon une approche domiciliaire. Les Ehpad danois se distinguent par le fort attachement au principe selon lequel leurs résidents occupent des logements privés, au sein desquels ils sont considérés comme des citoyens à part entière.
À Copenhague, nous avons visité le plus grand établissement pour personnes âgées du Danemark, qui compte 193 logements. Il s'agit non pas de chambres, mais de véritables petits appartements de deux pièces équipés d'un coin cuisine. L'organisation de l'établissement concilie liberté individuelle et surveillance médicale.
Le financement des établissements tend à les inciter à la prévention : quel que soit l'état de santé des résidents, un établissement dispose des mêmes ressources, sachant que le reste à charge des résidents est modique.
Les personnes sont libres de choisir leur résidence. Les communes sont tenues de proposer une place en établissement dans un délai de huit semaines, mais il est possible d'attendre plus longtemps pour obtenir le logement de son choix.
Le fait que les communes gèrent à la fois les services à domicile et les résidences pour personnes âgées facilite l'articulation et les mutualisations entre les deux secteurs. Les communes proposent également des logements intermédiaires dans des résidences adaptées sans personnel permanent.
Il y a un an, le gouvernement danois a présenté un projet de réforme de la prise en charge des personnes âgées intitulé « On n'est jamais trop vieux pour se sentir bien ». Ce projet est en passe d'être définitivement adopté. Motivé par un objectif d'amélioration de la qualité et par la trajectoire de vieillissement de la population, il se décline en trois thèmes principaux.
Le premier est l'« autodétermination » des personnes âgées, qui pourront choisir plus librement leur mode de prise en charge. À partir de 2025, les communes pourront créer des maisons de retraite « de proximité », au fonctionnement inspiré du secteur privé. En outre, les personnes âgées seront orientées non plus vers de multiples services, mais vers un « programme complet de prise en charge ». Les équipes d'intervenants devront être de taille plus réduite et changer moins fréquemment de composition.
Le deuxième thème est la confiance dans le personnel et les services : afin de mettre fin à la suradministration du secteur, les programmes de contrôle seront unifiés et simplifiés. Le personnel pourra ainsi consacrer plus de temps aux soins et à l'accompagnement. Sur ce point, le Danemark prend le contrepied de la France, où les contrôles ont eu tendance à s'alourdir au cours des dernières années.
Le troisième thème est le renforcement des interactions avec les familles et la société civile, l'objectif du gouvernement étant d'augmenter le nombre de bénévoles.
Le Danemark et l'Allemagne sont en effet confrontés à des difficultés de recrutement de professionnels du grand âge. Comme en France, le déficit de personnel qualifié devrait s'aggraver sous le double effet du vieillissement de la population et du vieillissement des personnels actuels, dont un grand nombre partira à la retraite dans les prochaines années.
En Allemagne, qui fait face à une pénurie plus générale de main-d'oeuvre, l'attractivité du secteur médico-social pâtit des conditions de travail et de l'évolution défavorable des rémunérations, pourtant présentées comme relativement élevées dans les maisons de retraite.
Au Danemark, les communes ne sont déjà plus en mesure de satisfaire tous les besoins en raison du manque de main-d'oeuvre : le personnel est surchargé, ce qui contribue à dégrader les conditions de travail et accroît les risques de négligence et de maltraitance.
Pour faire face à ce défi, le gouvernement allemand envisageait au printemps dernier le déploiement d'une stratégie axée sur les qualifications. Compte tenu de la démographie allemande, il projetait également d'assouplir les conditions dans lesquelles les travailleurs étrangers engagés dans une démarche d'intégration peuvent bénéficier d'une reconnaissance de leur diplôme.
Au Danemark, le projet de réforme prévoit de libérer du temps pour les soins et de développer le bénévolat, mais il ne traite pas directement le problème de l'attractivité des métiers. Les parlementaires danois que la délégation a rencontrés ont toutefois affirmé qu'ils se fixaient l'objectif de former davantage d'aides-soignants et d'assistants de vie.
Les Danois sont enfin volontaristes en matière de numérique. À Copenhague, environ 10 % des citoyens reçoivent des prestations à domicile par le biais d'un écran, et la municipalité souhaite augmenter ce taux. Même si ces technologies ne constituent pas une panacée, l'audace du Danemark dans ce domaine pourrait constituer une source d'inspiration.
Telles sont, mes chers collègues, les principales observations et conclusions que nous avons pu tirer de cette double mission.
La mission d'information adopte le rapport d'information et en autorise la publication.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
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Allemagne
· Ministère fédéral de la santé (Bundesministerium für Gesundheit, BMG)
Dr Thomas Steffen, secrétaire d'État
Michael Weller, directeur en charge de l'assurance maladie et des soins
Maria Becker, sous-directrice en charge de la prise en charge de la dépendance
Ingo Behnel, chef du service Europe et international
Dr Raphaela Wagner, département de la coopération bilatérale
· Ministère fédéral de la famille, des personnes âgées, des femmes et de la jeunesse (Bundesministerium für Familie, Senioren, Frauen und Jugend, BMFSFJ)
Andreas Schulze, directeur en charge des personnes âgées
Svenn-Olaf Obst, sous-directeur
Kai Agnes Schober, conseillère
Herlind Megges, conseillère
Martin Amberger, conseiller
Katharina Wienke, conseillère à l'Office fédéral de la famille et des missions de la société civile (Bundesamt für Familie und zivilgesellschaftliche Aufgaben, BAFzA)
· Deutsche Krankenhausgesellschaft e.V. - DKG (fédération hospitalière allemande)
Henriette Neumeyer, directrice adjointe en charge du personnel hospitalier et des affaires politiques
Marius Korte, directeur Europe et affaires internationales
· Wir pflegen e.V. (fédération de proches aidants)
Sebastian Fischer, directeur
Birgit Stennert, directrice de projets
· Landkreis (arrondissement) d'Oberhavel
Alexander Tönnies, Landrat (chef d'arrondissement - SPD) d'Oberhavel
Nancy Klatt, chef du département jeunesse, santé et protection des consommateurs
Mme Sylvana Bedbur, chef de cabinet du Landrat
Dr Detlef Troppens, président de la Fédération hospitalière du Brandebourg
Michael Jacob, directeur de la Fédération hospitalière du Brandebourg
· Oberhavel Kliniken GmbH (hôpital privé de l'arrondissement d'Oberhavel) site d'Oranienbourg
Dr Detlef Troppens, directeur de l'établissement et président de la Fédération hospitalière du Brandebourg
Dr Elke Keil, chef du service de gynécologie et obstétrique
Wiebke Gröper, directrice administrative et financière
Richard Staar, directeur des soins
Michael Jacob, directeur de la Fédération hospitalière du Brandebourg
· Gemeinsamer Bundesausschuss (G-BA) - Comité fédéral conjoint
Karola Pötter-Kirchner, directrice en charge de la qualité des soins
Gabriele Winkler-Komp, service de la qualité des soins
Ann Marini, directrice de la communication et de la presse
· Établissement pour personnes âgées dépendantes Erfülltes Leben
Thomas Böhlke, directeur de l'établissement
Susanne Buss, présidente du conseil d'administration de Volkssolidarität Berlin
Laura Rose, directrice de l'accueil de jour et de nuit « EL-Jana »
· Charité - Universitätsmedizin Berlin, centre hospitalier universitaire de la Charité
Martin Kreis, directeur des soins
Astrid Lurati, directrice administrative et financière
Ursula Müller-Werdan, directrice de la clinique de gériatrie et du groupe de recherche sur la gériatrie
Pr Martin Möckel, chef du département des urgences
Dr Ralf Offermann, directeur médical adjoint, Campus Charité Mitte
· Ambassade de France en Allemagne
François Delattre, ambassadeur de France en Allemagne
Francis Bouyer, conseiller aux affaires sociales
Thomas Goujat-Gouttequillet, chargé de mission pour les affaires sociales
· Cité-État de Berlin
Dr Ina Czyborra, sénatrice de Berlin (SPD)
Marlen Suckau-Hagel, directrice du département de la santé, de l'autonomie et de l'égalité
Donald Ilte, chef du département des soins infirmiers
Delphine Pommier, chargée de la formation et de la qualification aux métiers des soins
Christoph Hoepfner, chef de projet
Danemark
· Ambassade de France au Danemark
Christophe Parisot, ambassadeur de France au Danemark
Marine Landais, première conseillère
Xavier Schmitt, conseiller régional pour les affaires sociales, la santé et l'emploi
Pierre Pérard, adjoint à Copenhague du conseiller régional pour les affaires sociales, la santé et l'emploi
· Healthcare Denmark
Jakob Skaarup Nielsen, directeur général
Joan Hentze, directrice internationale Life Science
· Folketing (Parlement danois)
Lars Arne Christensen, président de la commission de la santé (Moderaterne)
Maria Durhuus, députée (Socialdemokratiet)
Louise Mehnke, députée (Socialdemokratiet)
Rosa Eriksen, députée (Moderaterne)
Mike Villa Fonseca, député (non inscrit)
· Dragørs Aktivitetshus (centre d'activités pour seniors de Dragør)
Helle Barth, maire adjointe de la ville de Dragør
Hanne Berthelsen, directrice générale du centre d'activités
Thomas Waerling, membre de l'organisation
Arne Kindler, membre de l'organisation
· Sundhedsstyrelsen (autorité danoise de la santé)
Steen Dalsgaard Jespersen, directeur général adjoint
Line Riddersholm, directrice adjointe du département des soins primaires
· Nanna Skovgaard, directrice santé et seniors de l'organisation de représentation des communes danoises (Kommunernes Landsforening - KL)
· Helle Schnedler, responsable du département santé et soins aux personnes âgées de la Commune de Copenhague
· Fælledgården, établissement pour personnes âgées
Hannah Hjorth, directrice
· Erik Jylling, directeur médical de la région Hovedstaden (région capitale)
* 1 Comparaison des dépenses de santé en France et en Allemagne - Minery S. et Or Z. (Institut de recherche et documentation en économie de la santé) Rapport n° 590 - mars 2024.
* 2 Voir le rapport d'information n° 216 (2022-2023), déposé le 19 décembre 2022, « Accès aux soins en Suède : un point d'entrée unique, des réponses focalisées sur les délais de prise en charge ».
* 3 À noter que dans ce contexte de difficultés de prise en charge, le secteur hospitalier privé gagne depuis quelques années du terrain. Pour rappel, les patients peuvent être pris en charge dans des établissements privés, à la charge de la collectivité, lorsque le délai garanti par la loi n'a pas pu être satisfait dans le public.
* 4 Cf. Zweiter Bericht des unabhängigen Beirats für die Vereinbarkeit von Pflege und Beruf, juin 2023.
* 5 Cf. Igas, « Lieux de vie et accompagnement des personnes âgées en perte d'autonomie : les défis de la politique domiciliaire, se sentir chez soi où que l'on soit », février 2024, annexe 15.
* 6 Cf. Igas, février 2024.