3.2 MÉCANISMES JURIDIQUES ALTERNATIFS À DROIT CONSTANT SUSCEPTIBLES D'APPORTER DES RÉPONSES PARTIELLES AUX DYSFONCTIONNEMENTS DE LA MÉDECINE SCOLAIRE
Face aux dysfonctionnements actuels de la santé scolaire, d'autres mécanismes juridiques à droit constant pourraient être envisagés.
Premièrement, la constitution d'un groupement d'intérêt public (ci-après « GIP ») pourrait être une option à étudier. Pour rappel, un GIP, au sens de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, est une personne morale de droit public dotée de l'autonomie administrative et financière. Il est constitué par convention approuvée par l'Etat soit entre plusieurs personnes morales de droit public soit entre l'une ou plusieurs d'entre elles et une ou plusieurs personnes morales de droit privé48(*). Le GIP peut être constitué pour une durée déterminée ou indéterminée49(*).
Les personnes morales de droit public et les personnes morales de droit privé chargées d'une mission de service public doivent détenir ensemble plus de la moitié du capital ou des voix dans les organes délibérants50(*).
Ces personnes y exercent ensemble des activités d'intérêt général à but non lucratif, en mettant en commun les moyens nécessaires à leur exercice51(*).
Le guide relatif aux GIP52(*) de la direction des affaires juridique du ministère des finances et des comptes publics précise que :
« Les GIP n'ont pas vocation à se voir confier la définition ou la mise en oeuvre d'une politique publique nationale. Tout au plus, peuvent-ils se voir confier une fonction d'appui ou de mise en place d'éléments d'une politique publique [...] La création d'un GIP y dérogeant nécessite dont l'intervention du législateur [...]. »
A titre d'illustration, il existe des GIP constitués de deux ou plusieurs établissements et services sociaux ou médico-sociaux, dotés de la personnalité morale, ou personnes morales gestionnaires de droit public ou de droit privé comportant au moins une personne morale de droit public53(*). Ils sont créés en vue de favoriser la coordination, la complémentarité et la garantie de la continuité des prises en charge et de l'accompagnement, notamment dans le cadre de réseaux sociaux ou médico-sociaux coordonnés54(*). Ces GIP peuvent être constitués notamment en vue de permettre à leurs membres d'exercer ensemble des activités dans les domaines de l'action sociale ou médico-sociale, de créer et de gérer des équipements ou des services d'intérêt commun ou des systèmes d'information nécessaires à leurs activité, de faciliter et d'encourager les actions concourant à l'amélioration de l'évaluation de l'activité de leurs membres et de la qualité de leurs prestations notamment par le développement et la diffusion de procédures, de références ou de recommandations de bonnes pratiques, en lien avec les travaux de la Haute Autorité de Santé et de définir ou proposer des actions de formation à destination des personnels de leurs membres55(*).
Ainsi, un GIP pourrait être constitué entre l'Etat et des Départements, voire également avec des communes et des associations afin que ces personnes mettent en commun tous les moyens utiles à l'exercice de la santé scolaire, la PMI ou des services municipaux de santé scolaire. Ces personnes pourraient conclure des contrats communs et avoir une meilleure visibilité sur l'allocation des moyens et des ressources disponibles.
Il conviendrait néanmoins de s'assurer que le GIP ne constitue pas un « transfert déguisé » de la compétence de l'Etat. A cet effet, il conviendra de déterminer l'objet du GIP comme un instrument de mutualisation et de facilitation de l'exercice de la compétence entre les différents acteurs concernés, mais sans que le GIP ne se substitue à l'Etat. On peut imaginer, à titre d'exemple à analyser plus avant, qu'un tel GIP constitué à un échelon territorial à déterminer facilite la communication entre les divers acteurs, mutualise l'information sur les ressources et les besoins en présence, etc.
Deuxièmement, et dans la perspective de rendre plus attractive la santé scolaire, et sous réserve de remplir les conditions requises par le code général de la fonction publique, il conviendrait d'investiguer les possibilités à droit constant permettant aux agents publics de la santé scolaire (médecins, infirmiers, psychologues...) de cumuler leur emploi avec une autre activité publique ou privée lucrative (voire libérale). Il convient toutefois de relever que le décret n° 73-418 du 27 mars 1973 relatif au statut particulier des médecins contractuels de santé scolaire semble limiter cette possibilité. En effet, celui-ci précise que les médecins scolaires ne peuvent exercer la médecine de clientèle ni être intéressés dans la gestion d'un établissement de soins ou attachés soit comme médecin habituel soit comme médecin contractuel consultant au service médical d'un organisme privé56(*).
Troisièmement, les conventions de délégations de compétence prévue par le CGCT57(*) sont des mécanismes permettant un partage expérimental de compétences entre plusieurs personnes publiques. A cet égard, sauf lorsque sont en cause des intérêts nationaux, l'Etat peut déléguer par convention à une collectivité territoriale ou à un EPCI à fiscalité propre qui en fait la demande l'exercice de certaines de ses compétences. Les compétences déléguées sont exercées au nom et pour le compte de l'Etat. Elles ne peuvent habiliter les collectivités territoriales et les établissements publics concernés à déroger à des règles du domaine de la loi ou du règlement.
La collectivité qui souhaite exercer une compétence déléguée par l'Etat soumet sa demande pour avis à la conférence territoriale de l'action publique. Lorsque la demande de délégation est acceptée, une convention définit notamment les objectifs à atteindre et les modalités de contrôle de l'Etat sur l'autorité délégataire et fixe des indicateurs de suivi. La convention détermine également le cadre financier dans lequel s'exercent la délégation, les moyens de fonctionnement et les services le cas échéant mis à la disposition de l'autorité délégataire58(*).
Il convient de noter que ces conventions de délégations de compétence ne peuvent excéder une durée de six ans59(*).
Ce mécanisme de délégation de compétence se distingue d'un transfert de compétence dans le sens où l'Etat n'est pas dessaisit de sa compétence.
Le rapport de l'Inspection générale de l'administration de mai 201760(*) relève que les délégations de compétences sont très peu utilisées, et seulement dans deux domaines pour l'Etat (culture et emploi). L'Inspection générale de l'administration explique cette faible utilisation notamment par « le cadre contraignant des délégations entre collectivités assimilé à une tutelle, la lourdeur et la longueur de la procédure, le sentiment que cet outil est une forme d'évitement, et à minima de retardement de transfert de compétences »61(*). Le rapport recense les conventions de délégations de compétences conclues entre l'Etat et différentes collectivités territoriales. A titre d'exemple, l'Etat a délégué une partie de ses compétences en matière de culture à la Région Bretagne62(*) ou dans les domaines de l'information jeunesse, de la mobilité internationale des jeunes et de la formation des bénévoles63(*).
Dans ce contexte, les Départements volontaires pourraient effectuer une demande à l'Etat afin que celui-ci leur délègue l'exercice de sa compétence relative à la santé scolaire sur leur territoire. Cette délégation permettrait alors d'avoir une première expérience en la matière et d'en tirer les conséquences pour l'avenir. Cependant la délégation de compétence est un processus au long cours avec de nombreuses étapes à respecter et un contrôle important de l'Etat.
Dans la continuité des mécanismes juridiques existants à droit constant, des évolutions organisationnelles supplémentaires notamment en matière de coordination entre les acteurs et d'outillage peuvent être envisagées sans préjuger d'éventuels transfert de compétence.
* 48 Article 98 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit
* 49 Article 99 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit
* 50 Article 103 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit
* 51 Ibidem
* 52 Fiche n°1 - La création d'un GIP (août 2019) - Direction des affaires juridiques
* 53 Article R. 312-194-1 du code de l'action sociale et des familles
* 54 Article L. 312-7 du code de l'action sociale et des familles
* 55 Article R. 312-194-4 du code de l'action sociale et des familles
* 56 Article 2 du décret n° 73-418 du 27 mars 1973 relatif au statut particulier des médecins contractuels de santé scolaire
* 57 Article L. 1111-8-1 du CGCT issu de la loi du 27 janvier 2014 (loi MAPTAM)
* 58 Article R. 1111-1-1 du CGCT
* 59 Ibidem
* 60 Rapport « Délégation de compétences et conférence territoriale d'action publique, de nouveaux outils au service de la coopération territoriale » - Inspection général de l'administration n° 16119-R de mai 2017 de M. Bruno Acar et M. Patrick Reix
* 61 Ibidem
* 62 Décret n° 2015-1918 du 30 décembre 2015 portant délégation de compétences du ministère de la culture et de la communication à la région Bretagne
* 63 Décret n° 2021-1697 du 17 décembre 2021 portant délégation de compétences du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports à la région Bretagne